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39. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Protagoras disait que « l’homme était la mesure de toutes choses » ; mais il reconnaissait ainsi que chacun était pour soi-même la mesure de la vérité, et par conséquent il entendait bien admettre l’existence des divers individus. Berkeley, qui niait la réalité de la matière, admettait expressément l’existence des esprits. […] Entre le matérialisme, qui réduit tout à la pluralité, et le panthéisme, qui réduit tout à l’unité, se place le spiritualisme, qui admet les unités secondaires entre l’unité première et la pluralité infinie. […] Le spiritualisme subsiste, pourvu que l’on admette ces deux vérités fondamentales : l’unité de centre pour expliquer la conscience du sujet, — la pluralité des centres pour expliquer la discontinuité des consciences. […] Il est surprenant que la négation de la personnalité divine soit venue de l’école de Hegel ; cette école, qui n’admet que le sujet, que la pensée, que l’idée, devait définir Dieu le sujet absolu, ce qui est la plus haute idée que l’on puisse se faire de la personnalité.

40. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Nous n’admettons pas que tant de sensibilités, d’intelligences et d’expériences diverses, réunies sans concert préalable dans une commune impression, ne soient pas de plus sûrs garants du possible et du réel que le génie particulier d’un homme. […] Comme Molière et comme Racine, Boileau ne saurait admettre que la poésie n’ait pas pour objet de plaire. […] Sans débattre la question s’il y a des poèmes en prose, et semblant même l’admettre, quand il appelle de ce nom les romans, Boileau, en général, regarde le vers comme la forme originale et propre de la poésie. […] Plus portés à considérer les relations des choses qu’à en fouiller la structure intime, il est naturel que nous admettions, dans la comédie par exemple, une variété d’émotions que nos pères n’auraient pas tolérée autrefois. […] On ne peut donc conserver aux genres la rigoureuse unité et l’absolue simplicité où ils se renfermaient autrefois : nous ne serions pas éloignés d’admettre que le changement et la contradiction sont marques de réalité.

41. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Nous ne voulons pas dire que la formation du génie n’obéisse pas au fond à des lois scientifiques parfaitement fixes ; il n’y a rien sans doute dans le génie qui ne puisse s’expliquer par la génération, par l’hérédité, enfin par l’éducation et le milieu, à moins qu’on n’admette l’hypothèse scientifiquement étrange du libre arbitre dans le génie. […] Ainsi, ayant nous-même admis que l’émotion esthétique supérieure est une émotion sociale, nous accorderons volontiers que l’expression supérieure de la société est la caractéristique de l’œuvre supérieure, mais à la condition qu’il ne s’agisse pas seulement, comme pour M.  […] Que l’on admette un milieu social guerrier, Sparte par exemple, et qu’il vienne à y naître, par une de ces variations fortuites que la théorie de la sélection est forcée d’admettre, un homme doué de sentiments délicats et pacifiques ; évidemment cet homme essaiera de ne poiut modifier son âme, de ne pas accomplir des actes qui lui répugnent. […] Tarde n’essaie pas de dire en quoi consiste le principe du nouveau ; il montre seulement qu’il faut, sous une forme ou l’autre, admettre un tel principe. […] Les ouvriers ne croient guère à la vérité de l’Assommoir, tandis qu’ils admettent facilement le maçon ou le forgeron idéal des feuilletonistes populaires.

42. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

— Mais, d’abord, c’est seulement de l’expérience externe qu’il s’agit ; de plus, beaucoup de kantiens n’admettent l’extensivité que pour la vue et le toucher. […] Rien n’empêche donc d’admettre une extensivité plus ou moins vague comme caractère de la sensation et, indivisiblement, de la réaction motrice qu’elle provoque. […] Or, Kant ne l’admet que pour les sensations de la vue et du tact. […] Mais, ceci étant admis (et il faut l’admettre par force), nous n’avons plus besoin du cadre à priori. […] Il faut donc admettre que c’est seulement l’ensemble des sensations qui prend une forme spatiale et locale, par l’établissement de relations d’un genre particulier au sein de notre cœnesthésie.

43. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Elle n’admettait l’irrationnel, le miracle, que dans la mesure strictement exigée par l’Écriture et l’autorité de l’Église. […] Certes, la critique elle-même veut que, dans certains cas, on admette une réponse subtile comme valable. […] Mais que, pour défendre la même thèse, dix, cent, mille réponses subtiles doivent être admises comme vraies à la fois, c’est la preuve que la thèse n’est pas bonne. […] Ils en prennent et ils en laissent ; ils admettent tel dogme, repoussent tel autre, et s’indignent après cela quand on leur dit qu’ils ne sont pas de vrais catholiques. […] Dieu me condamnera-t-il pour avoir admis simultanément ce que réclament simultanément mes différentes facultés, quoique le ne puisse concilier leurs exigences contraires ?

44. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Le Figaro l’abandonne, et lui ne s’indigne pas ; il comprend : « J’admets très bien, pour un journal, la nécessité de compter avec les habitudes et les passions de sa clientèle. » Quoi, même lorsqu’il s’agit de ce qui apparaît à tes yeux naïfs la grande bataille de ton siècle, tu admets qu’on sacrifie la justice à un intérêt personnel et que, s’étant jeté volontairement dans la lutte, on s’enfuie à la pensée du risque, abandonnant sans armes ses compagnons de combat. […] bourgeois, tu admets bien des choses. Ici tu admets la lâcheté, tout simplement. Ailleurs, tu admets et tu admires le « noble amour de la patrie ». Tu admets aussi que notre honneur dépend d’autrui.

45. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

C’est enfin d’admettre l’optimisme absolu d’une science absolue, car, une fois admise, cette terrible notion d’absolu se répercute en mille échos et fait craquer la création tout entière. […] … Pouvons-nous admettre autrement que comme une précaution, — que certes Diderot, plus franc, n’aurait pas eue, et qui tient à l’hypocrisie de ce siècle, lequel a déplacé Tartuffe, — pouvons-nous admettre autrement que comme une précaution ce respect pour le christianisme, cette religion qui n’est pas la science et qu’Hegel a voulu montrer, en expliquant à sa manière le dogme de la Sainte-Trinité ?

46. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Chacun de ces faits s’accorde parfaitement avec ma théorie ; car je n’admets l’existence d’aucune loi fixe et nécessaire, obligeant tous les habitants d’une contrée à se transformer à la fois, également et brusquement. […] Pictet et Woodward, bien que fort opposés aux opinions que je soutiens ici, admettent néanmoins la généralité de cette loi, si remarquablement d’accord avec ma théorie. […] Je puis répéter ici ce que j’écrivais en 1845 : admettre que les espèces deviennent généralement rares avant de s’éteindre complétement, et ne point être surpris de leur rareté, mais cependant s’étonner lorsqu’elles achèvent de disparaître, c’est comme si l’on admettait que la maladie chez l’individu soit l’avant-coureur de la mort, mais que, voyant la maladie sans surprise, on s’émerveillât quand le malade meurt, jusqu’à soupçonner qu’il a dû mourir par quelque cause violente. […] C’est un fait admis maintenant que, plus une forme est ancienne, et plus elle tend à relier les uns aux autres par quelques-uns de ses caractères, des groupes aujourd’hui très tranchés. […] C’est ce qui peut rendre compte de ce sentiment général et mal défini qui porte beaucoup de paléontologistes à admettre que l’organisation a progressé, du moins quant à l’ensemble, à la surface du monde.

47. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

. — Ou bien, a-t-on dit, dans la reproduction imparfaite de la première expérience par la mémoire de ranimai, il n’y a rien de plus que dans la première ; en ce cas la tendance, qui n’existe pas dans la première expérience, n’existe pas non plus dans la copie affaiblie, mais exacte, de cette première expérience ; ou bien, au contraire, vous admettez dans la remémoration une tendance à achever l’acte commencé, et alors cette tendance est un élément nouveau que vous avez introduit subrepticement et non déduit. — Voici ce qu’on peut répondre. […] Nous pouvons admettre cette loi de Bain et de James Ward : « Un mouvement pénible tend, par l’intermédiaire de la peine, à sa propre suppression. » C’est là le premier germe de la finalité appétitive, le premier but distinct qu’un animal a poursuivi avec une conscience plus ou moins vague. […] IV Il faut, en définitive, admettre sous le désir intentionnel et conscient de son objet une activité plus profonde et plus fondamentale qui s’exerce sans se représenter encore le résultat de son action. […] Nous arrivons donc à ce cercle : « Il faut agir pour sentir et penser, il faut sentir et penser pour agir. » Il n’y a d’autre moyen d’en sortir que d’admettre, dans l’être primordial, une unité immédiate de l’agir, du sentir et du penser. […] Ceux qui refusent l’activité à la conscience considérée dans sa totalité et dans son unité sont obligés d’attribuer l’activité à ses éléments, de dire que ces éléments « luttent » ensemble, qu’ils agissent et réagissent ; il faut donc toujours, sous une forme ou sous une autre, admettre quelque part une activité.

48. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Parmi les plus générales, il en est quelques-unes, nommées axiomes, d’où dépendent toutes les autres et qu’on admet sans les démontrer. […] Il est sous-entendu dans une foule de propositions ; c’est parce qu’on l’admet implicitement qu’on les admet explicitement. […] Pendant toute l’antiquité et tout le moyen âge, les philosophes ont admis des tendances au repos ou au mouvement, diverse ? […] Par la première, il est admis que la ligne AB, remontant en A′B′, devient A′B′ au bout d’une seconde, et qu’ainsi au bout d’une seconde B se trouve en B′. […] Il faut donc admettre que ces propositions nous révèlent une fatalité de notre esprit et non une liaison des choses.

49. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

L’expérience acquise par de nombreuses séries d’individus a donc fort peu de chances de devenir cette sorte d’expérience héréditaire et innée qu’admet Spencer. […] Il n’admet la valeur de l’explication empiriste que pour les relations des choses dans l’espace et dans le temps, relations qui se reflètent évidemment dans notre esprit ; il ne l’admet pas pour les relations de causalité, de ressemblance et de différence, etc., qui ne sont plus des reflets du dehors, mais des modes de concevoir inhérents à notre structure cérébrale. […] Si d’ailleurs on admet, avec Spencer, que l’identité avec soi est une loi de tout ce qui fait partie de l’univers, pourquoi ne pas admettre qu’elle est, par cela même, une loi essentielle du fait de conscience et de notre constitution intellectuelle ? […] Si, au lieu du néant absolu, nous considérons la réalité, il est contradictoire d’admettre des principes identiques produisant en un même instant des conséquences opposées, mais il ne semble plus contradictoire d’admettre que des principes identiques, en deux instants différents, soient suivis de conséquences différentes ; car, alors, nous ne considérons plus les choses dans le même temps. […] Nous ne saurions donc admettre que le principe des causes finales et idéales soit constitutif de la pensée.

50. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189

Madame de Saint-Chamond a fait aussi un Eloge de Descartes, envoyé trop tard à l’Académie Francoise pour être admis au concours. […] Quiconque saura apprécier un style noble sans emphase, correct sans sécheresse, précis sans obscurité ; les richesses du savoir & l’art de les mettre en œuvre sans affectation ; le talent de l’analyse & celui du récit ; la profondeur & la justesse des idées, réunies à la vivacité de l'expression qui les anime & à la netteté qui les rend sensibles, admettra sans peine Madame de Saint-Chamond parmi les la Fayette, les Dacier, les Chatelet, & les autres femmes qui ont honoré leur sexe & notre Littérature par leur imagination ou par leur savoir.

51. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

La croyance en Dieu n’a donc rien ni à gagner ni à perdre, si l’on admet la présente théorie. […] On pouvait admettre à la rigueur que le monde extérieur est une collection de phénomènes sans substratum ; car il reste encore un esprit qui en fait la synthèse et qui lui sert de support. […] Notre auteur semble admettre que le lien, « l’union organique », qui existe entre la conscience présente et la conscience passée, en constituant la mémoire, constitue aussi le moi. […] Mill, outre les faits, admet l’ordre entre les esprits.

52. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Nous sommes très religieux ; jamais nous n’admettrons qu’il n’y ait pas une loi de l’honnêteté, que la destinée de l’homme soit sans rapport avec l’idéal. Mais nous admettons parfaitement que chacun se taille à sa guise son roman de l’infini. Nous allons plus loin ; nous admettons, pour ceux qui croient bien à tort qu’eux seuls ont raison, le droit à l’intolérance, pourvu que cette intolérance ne se traduise pas en actes contraires à la liberté des autres.

53. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Mais enfin, tout cela admis, n’y a-t-il pas lieu de se demander si, en fait et à l’heure qu’il est, ces relations précises sont découvertes et démontrées ? […] Fort bien ; j’admets cette conclusion qui me paraît en effet le résultat le plus clair des investigations scientifiques dans cette question. […] Lyell, n’hésite pas cependant à écrire : « Nous ne devons pas considérer comme admis que chaque amélioration des facultés de l’âme dépende d’un perfectionnement de la structure du corps ; car pourquoi l’âme, c’est-à-dire l’ensemble des plus hautes facultés morales et intellectuelles, n’aurait-elle pas la première place nu lieu de la seconde, dans le plan d’un développement progressif1 ? 

54. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

C’est aller bien loin, et ces assertions dogmatiques semblent d’autant plus exagérées qu’elles ne sont admises ni par l’école de Nancy, ni par M.  […] Nous ne pouvons admettre cette similitude. […] Nous avons donc, en définitive, outre la sensation musculaire du bras tendu, admise par M.  […] Nous trouvons en effet, de nos jours, à côté de ceux qui admettent l’inconscience absolue, d’autres psychologues portés à admettre dans un même individu trop de consciences et de personnalités. […] Mais, avant de recourir à ces divisions tranchées de la conscience, la psychologie nouvelle doit, dans une foule de cas, admettre une simple alternance d’états de conscience.

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