Comme lui, Racine n’avait que vingt-un ans quand il donna Les Frères ennemis ; mais Œdipe est aussi supérieur aux Frères ennemis que Racine lui-même est supérieur à Voltaire. […] Il n’a donc jamais lu Corneille et Racine ? […] Pourquoi reprocher a Corneille et à Racine une prétendue monotonie ? […] Il n’a garde de dire que Racine est inférieur à Voltaire ; il n’oserait en apparence proférer un tel blasphème ; mais il avance que depuis Racine l’art a fait beaucoup de progrès. Ce n’est donc pas Voltaire qui vaut mieux que Racine ; ce sont les tragédies de Racine qui sont inférieures à celles de Voltaire, parce que du temps de Racine, l’art n’était pas assez bien connu, parce que depuis ce grand homme les lumières ont fait un progrès étonnant.
Brizeux, Auguste (1803-1858) [Bibliographie] Racine, comédie en un acte, en vers, avec Raoul Busoni (1827) […] Auguste Barbier La Fontaine, Racine et André Chénier, voilà les véritables ancêtres de M.
puisqu'il a encore ajouté en prose, dans une note, que le même Poëte est supérieur, dans la Tragédie, à Corneille & à Racine ; que Racine n'a su peindre que des Juifs, tandis que Phédre, Monime, Néron, Burrhus, Mithridate, Bajazet, Acomat, sont nés si loin de la Judée !
Quoi qu’il en soit, l’esprit qui a dicté cette théorie conduit à mettre au premier rang des classiques les écrivains qui ont gouverné leur inspiration plutôt que ceux qui s’y sont abandonnés davantage, à y mettre Virgile encore plus sûrement qu’Homère, Racine encore plus que Corneille. […] Turenne dans ses deux dernières campagnes, et Racine dans Athalie, voilà les grands exemples de ce que peuvent les prudents et les sages quand ils prennent possession de toute la maturité de leur génie et qu’ils entrent dans leur hardiesse suprême. […] Croire qu’en imitant certaines qualités de pureté, de sobriété, de correction et d’élégance, indépendamment du caractère même et de la flamme, on deviendra classique, c’est croire qu’après Racine père il y a lieu à des Racine fils ; rôle estimable et triste, ce qui est le pire en poésie. […] Bien avant Boileau, même avant Racine, ne sont-ils pas aujourd’hui unanimement reconnus les plus féconds et les plus riches pour les traits d’une morale universelle ?
Le besoin se faisant sentir d’une nouvelle École, l’École Romanitas va se former, qui affirme que notre langue se meurt depuis le jour où, après Racine, elle s’est écartée du dialecte roman, père du dialecte français. […] Vous me permettrez donc de donner en quelques mots les éclaircissements que voici : L’École romane française revendique le principe gréco-latin, principe fondamental des Lettres françaises qui florit aux onzième, douzième et treizième siècles avec nos trouvères, au seizième avec Ronsard et son école, au dix-septième avec Racine et La Fontaine.
Corneille avoit élevé le cœur de l’homme, Racine l’avoit attendri, Crébillon y a répandu cette terreur, un des plus grands & peut-être le premier ressort de l’art de Melpomene. […] Ces Pieces mirent le comble à sa gloire, & firent connoître que Corneille & Racine avoient trouvé un successeur.
D'autres Littérateurs, aussi inconsidérés, n'ont pas craint d'élever la Muse tragique de M. de Voltaire au dessus de celle de Corneille & de Racine. […] Corneille éleve l'ame, Racine l'attendrit, Crébillon l'effraie. […] D'un autre côté, où trouvera-t-on, dans les plans qui lui appartiennent, la hardiesse, la régularité, la souplesse, la dextérité, qui caractérisent ceux de Corneille, de Racine & de Crébillon ? […] Nous avouerons encore, que, si on excepte Racine, Despréaux, & M. […] Si les Bossuet, les Fénélon, les Corneille, les Racine, les Despréaux, n'ont eu jusqu'ici d'autres monumens élevés à leur gloire, que les fruits de leur génie, plus durables que le marbre & l'airain : il faut qu'on se défie bien du génie de M. de Voltaire, puisqu'on a cherché à subjuguer la Postérité par les hommages du Siecle présent.
Ils n’entendent ni Racine, ni Molière, ni Marivaux, ni Shakespeare, ni Beaumarchais, ni Musset. […] En ceci le théâtre dépasse certainement la littérature, mais il reste en deçà d’elle pour les expressions de pensée philosophique, de rêve poétique, aussi d’analyse psychologique, car il ne procède que par raccourcis, par éclairs… et tout le monde n’est pas Shakespeare ou Racine ! […] L’homme qui aime à lire avant tout du Racine ou du Shakespeare représente un type préférable au rat de bibliothèque et au matou d’opéra. […] Je ne crois pas du tout que l’art de Sophocle et de Racine, de Shakespeare et de Molière, soit un art inférieur. […] Absurdité que démentent tant de noms illustres : Molière, Corneille, Racine, Hugo, Becque.
Ce critique s’indigne que l’on discute Stendhal, mais il ne trouve pas mauvais que l’on critique Racine. […] Si M. de Gourmont consent à la rigueur à reconnaître le génie de Racine, c’est, dit-il, parce que « maintenant, nous n’avons plus rien ou presque lien à craindre de Racine ». Il est heureux que le génie de Racine ne puisse plus nuire à personne.
Elle l’était du moins pour Racine, et elle l’était pour Boileau. […] Neveu des Corneille, il était en cette qualité l’ennemi-né de Racine, dont il ne devait pas perdre une occasion de médire ; l’ennemi par conséquent de tous les amis de Racine, qui n’en avait pas de plus familier ni de plus cher que l’auteur des Satires ; et enfin, et par suite encore, l’ami de tous leurs ennemis. […] Mais dirons-nous qu’un Voltaire soit nécessairement plus tragique de tout ce que Racine, et Corneille avant Racine, ont fait entrer d’eux-mêmes, de leur propre originalité, dans la définition ou dans la conception de la tragédie ? […] Mais quand, en revanche, Boileau, dans L’Andromaque de son ami Racine, critiquait les « défauts » du caractère de Pyrrhus — qu’il trouvait trop semblable encore à un héros de Mlle de Scudéri, — cela servait à Racine pour mieux peindre, sous des traits plus naturels et plus vrais, l’Achille de son Iphigénie. […] Si Racine n’avait pas été l’élève de Port-Royal, un chef-d’œuvre de plus n’aurait-il pas fait rentrer dans l’ombre la cabale de Pradon ?
Corneille, Racine, réaction pure. […] Entre Corneille et Racine d’une part et Lucrèce de l’autre, il y a debout, de toute sa hauteur, André Chénier.
Sans cela, M. l’Abbé Iraïl auroit-il dit, en parlant de Racine, qu’il place au dessus du sublime Corneille : Heureux s’il eût été aussi grand Philosophe qu’il étoit grand Poëte ! On ne voit pas ce qu’auroit pu ajouter au mérite de Racine cette bien heureuse Philosophie, que le bon M.
Les deux plus difficiles à bien juger alors, c’étaient Boileau et Racine. […] Le jugement sur Racine est également neuf et plus complet encore. […] Les gens qui aiment bien Racine l’aiment de cœur, et c’est au cœur qu’on les touche quand on dit du mal de leur poète. […] Personne ne lui a appris Racine ; mais il a fallu que Voltaire lui apprît Corneille. […] Pour mettre Racine à son rang, non seulement Vauvenargues n’est point aidé par son temps, mais il l’a contre lui.
Il n’y aurait, au reste, rien que de très simple et de très naturel à cela : Massillon jeune, beau, doué de sensibilité et de tendresse, ayant du Racine en lui par le génie et par le cœur, put avoir en ces vives années quelques égarements, quelques chutes ou rechutes, s’en repentir aussitôt, et c’est à ces premiers orages peut-être et à son effort pour en triompher qu’il faut attribuer sa retraite à l’abbaye pénitente de Sept-Fons. […] Massillon plaira à celui qui a une certaine corde sensible dans le cœur, et qui préfère Racine à tous les poètes ; à celui qui a dans l’oreille un vague instinct d’harmonie et de douceur qui lui fait aimer jusqu’à la surabondance de certaines paroles. […] Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois. […] Massillon n’avait pas attendu cette similitude de situation pour avoir des réminiscences de Racine. […] « Il a la même diction dans la prose que Racine dans la poésie », disait Mme de Maintenon après l’avoir entendu à Saint-Cyr.
Je m’explique : quoique venant à une date déjà avancée du siècle, et de manière à avoir vingt ans lorsque Racine et Boileau faisaient leur glorieux début, il n’en reçut point l’influence directe, précise et comme soudaine ; il ne rompit point avec le goût antérieur, il ne s’aperçut point qu’un goût nouveau, ou plutôt qu’une réforme neuve et en accord avec le vrai goût ancien, s’inaugurait, et qu’on entrait décidément dans une grande et florissante époque qui tranchait par bien des caractères avec la précédente. […] Sénecé a dit quelque part un mot précieux ; c’est dans une anecdote sur Racine ; donnons-la : Racine, dit-il, ayant fait une fortune considérable à la Cour pour un homme de lettres, prétendit usurper une espèce de tyrannie sur les autres gens de son caractère, et, regardant le bel esprit comme son patrimoine, s’établit autant qu’il put dans la possession de persuader à toute la France que l’on ne pouvait en avoir sans sa permission, qu’il n’accordait, à personne. […] Je sais que, parlant ailleurs de Racine dans une épigramme ou épitaphe, Sénecé l’appelle le grand Racine ; mais ce qui lui est propre et ce qui est unique, c’est une certaine pièce nommée Athalie ; voilà le mot décisif qui juge à jamais le goût de Sénecé et qui le classe, lui l’agréable auteur, à côté de Mme Des Houlières, de Fontenelle et autres qui ont traversé le grand siècle par la lisière, en ayant assurément beaucoup d’esprit, mais pas le meilleur en tout ce qui touche au grand goût ou au goût solide.
Il leur était bien plus facile de s’expliquer Racine et Boileau, qui appartiennent à la partie régulière et apparente de l’époque, et en sont la plus pure expression Littéraire. […] La Fontaine, il est vrai, se méprenait un peu sur lui-même ; il se piquait de beaucoup de correction et de labeur, et sa poétique qu’il tenait en gros de Maucroix, et que Boileau et Racine lui achevèrent, s’accordait assez mal avec la tournure de ses œuvres. […] Que La Fontaine était de l’école de Boileau et de Racine en poésie ; qu’il suivait les mêmes procédés de composition studieuse, et qu’il faisait difficilement ses vers faciles ? […] Ce qui est vrai jusqu’ici de presque tous nos poëtes, excepté Molière et peut-être Corneille, ce qui est vrai de Marot, de Ronsard, de Régnier, de Malherbe, de Boileau, de Racine et d’André Chénier, l’est aussi de La Fontaine : lorsqu’on a parcouru ses divers mérites, il faut ajouter que c’est encore par le style qu’il vaut le mieux. […] Maucroix, Racine et ses vrais amis s’affligeaient de ces déréglements sans excuse ; l’austère Boileau avait cessé de le voir.