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266. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

En général, Gui Patin est à l’égard des femmes dans les principes du bonhomme Chrysale chez Molière : il les exclut de la science et des hauts entretiens. […] Surtout il prise singulièrement Pascal, l’auteur alors anonyme des dix-huit petites Lettres, et il dit sans hésiter : « L’auteur de ces Lettres est un admirable écrivain. » Vers la fin, il nomme une fois Molière. […] Diafoirus dit en parlant de son fils : « Mais sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine. » Les créations comiques de Molière sont immortelles en ce qu’elles ont pied à tout moment dans la réalité.

267. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Boileau disait de la comédie, de celle du déclin de Louis XIV, et en oubliant trop Regnard assurément et peut-être Dancourt et Dufresny : « Depuis Molière, il n’y a point eu de bonnes pièces sur le Théâtre-Français. […] Son succès, longtemps contenu comme tant d’autres choses, n’en éclata que mieux sous la Régence ; c’était, en son genre, un des signes manifestes de la réaction contre Louis XIV ; et lorsque le danois Holberg, qui allait être le disciple de Molière dans le Nord, vint à Paris, où il séjourna pendant une partie des années 1715-1716, il put noter, comme un fait mémorable, qu’à la Bibliothèque Mazarine, la première en date de nos bibliothèques publiques, « l’empressement des étudiants à demander le Dictionnaire de Bayle était tel qu’il fallait arriver longtemps avant l’ouverture des portes, jouer des coudes et lutter de vitesse pour obtenir le précieux volume6. » On faisait queue pour le lire, dans ce même lieu où l’on fait queue maintenant pour entrer aux séances de l’Académie. […] Legrelle, qui a pour titre : Holberg considéré comme imitateur de Molière (librairie Hachette). — Voici le passage même de l’autobiographie latine d’Holberg qui est relatif à la Bibliothèque Mazarine ; le voyageur vient de parler de la Bibliothèque de Saint-Victor qui était, dit-il, très peu fréquentée et même tout à fait solitaire, et il ajoute qu’il n’en était pas du tout ainsi de la Mazarine : « At in bibliotheca Mazariniana non tanta erat solitudo, nam situm est collegium quatuor nationum in meditullio suburbii vel potius regionis Sancti Germani.

268. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Mais, ayant lu avec soin Molière, il renonça, par respect pour ce grand maître, à un genre d’une si accablante difficulté. Molière et La Fontaine faisaient sa perpétuelle étude ; il savourait leurs moindres détails d’observation, de vers, de style, et arrivait par eux à se deviner, à se sentir. […] Il ne sait pas le latin assurément ; mais, à l’entendre parfois discourir du théâtre et remonter de Molière, Racine ou Shakspeare aux tragiques de l’antiquité, je suis tenté de croire qu’il sait le grec, qu’il a été Grec, comme il le dit dans le Voyage imaginaire, tant cet ordre de beauté et de noble harmonie lui est familier.

269. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Les grands et éternels peintres, qui certes savaient le mal aussi, les Shakspeare, les Molière, l’ont- ils jamais exprimé dans ces raffinements d’exception, dans cette corruption calculée ? […] L’élément théocratique qui entre dans son organisation sociale lui a donné quatorze siècles d’existence63… » A-t-il bien pu, lui, M. de Bâville, dans le courant de la phrase, dire Bossuet tout court, citer d’emblée et sur la même ligne Pascal, Molière et Newton, Molière un comédien d’hier, Newton que Voltaire le premier en France vulgarisera ?

270. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Molière, le premier, renonçait aux bouffonneries fantastiques et aux énormes charges où la comédie s’était d’abord arrêtée : plus de parasites, ni de matamores, mais des êtres réels, vivants, que le spectateur a rencontrés plus d’une fois dans la vie, qui sont autour de lui, qui sont lui parfois. […] Jodelet meurt ; la scène est livrée à Molière, et maintenant, dit La Fontaine, Et maintenant il ne faut pas Quitter la nature d’un pas. […] C’est la formule même du théâtre classique, des ridicules de Molière comme des héros de Racine.

271. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Considérons seulement trois auteurs appartenant à trois siècles successifs, Molière, Marivaux, Emile Augier. Molière oppose l’un à l’autre deux systèmes d’éducation. […] Molière commence ainsi la campagne que ses successeurs mèneront contre la discipline de fer léguée par les couvents du moyen âge aux siècles suivants et qui pesait, qui pèse encore si lourdement sur tant de jeunes filles88.

272. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Après ce poëte, qui contient et résume toute la philosophie, les philosophes, Pascal, Descartes, Molière, Lesage, Montesquieu, Rousseau, Diderot, Beaumarchais, peuvent venir. […] Dans l’histoire, telle qu’elle se fera sur le patron du vrai absolu, cette intelligence quelconque, cet être inconscient et vulgaire, le Non pluribus impar, le sultan-soleil de Marly, n’est plus que le préparateur presque machinal de l’abri dont a besoin le penseur déguisé en histrion et du milieu d’idées et d’hommes qu’il faut à la philosophie d’Alceste, et Louis XIV fait le lit de Molière. […] Pendant que, du côté de l’engloutissement, de plus en plus penchante au gouffre, la flamboyante pléiade des hommes de force descend, avec le blêmissement sinistre de la disparition prochaine, à l’autre extrémité de l’espace, là où le dernier nuage vient de se dissoudre, dans le profond ciel de l’avenir, azur désormais, se lève éblouissant le groupe sacré des vraies étoiles : Orphée, Hermès, Job, Homère, Eschyle, Isaïe, Ézéchiel, Hippocrate, Phidias, Socrate, Sophocle, Platon, Aristote, Archimède, Euclide, Pythagore, Lucrèce, Plaute, Juvénal, Tacite, saint Paul, Jean de Pathmos, Tertullien, Pelage, Dante, Gutenberg, Jeanne d’Arc, Christophe Colomb, Luther, Michel-Ange, Kopernic, Galilée, Rabelais, Calderon, Cervantes, Shakespeare, Rembrandt, Kepler, Milton, Molière, Newton, Descartes, Kant, Piranèse, Beccaria, Diderot, Voltaire, Beethoven, Fulton, Montgolfier, Washington ; et la prodigieuse constellation, à chaque instant plus lumineuse, éclatante comme une gloire de diamants célestes, resplendit dans le clair de l’horizon et monte, mêlée à cette immense aurore, Jésus-Christ !

273. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Cette désignation en fait probablement remonter l’origine avant la clôture de 1697 ; mais n’a rien que d’indéterminé en ce qui pourrait concerner Molière, car nous voyons Riccoboni l’appliquer aux pièces de Cintio (Romagnesi) et à quelques-unes de celles que nous venons d’énumérer en dernier lieu. […] Voyez notre édition des Œuvres de Molière, tome VI, page 112.

274. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Elle a une veine de Molière en elle. […] Elle vérifiait de sa personne le mot de Ninon : « La joie de l’esprit en marque la force. » Elle était de cette race d’esprits dont étaient Molière, Ninon elle-même, Mme Cornuel un peu, La Fontaine ; d’une génération légèrement antérieure à Racine et à Boileau, et plus vivace, plus vigoureusement nourrie.

275. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Barre peut-il écrire que « tout bien examiné, Verlaine ne va guère plus loin que Molière et La Fontaine » ? […] Barre ni aucun vulgarisateur d’histoire littéraire, n’auraient pu écrire qu’il n’a rien ajouté au vers de Molière ni de La Fontaine.

276. (1881) Le naturalisme au théatre

Quand viendront les Corneille, les Molière, les Racine, pour fonder chez nous un nouveau théâtre ? […] Mais les publics changent ; le public de Shakespeare, le public de Molière ne sont plus les nôtres. […] Ils vous envoient Shakespeare et Molière à la tête. […] Sarcey me répond que Scribe est aujourd’hui en défaveur et que Molière était un « roublard ». […] Même malentendu au sujet de Molière.

277. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Souvent il échappe aux gens du peuple des aveux naïfs dont l’effet est toujours sûr au théâtre : c’est le secret de Molière dans presque toutes ses pièces de comique bourgeois. […] Il donne même une nouvelle force au comique bourgeois et au comique noble, lorsqu’il contraste avec eux : Molière en fournit mille exemples. […] Molière, à la vérité, mêle quelquefois le comique grossier avec le bas comique. […] Molière a tiré des contrastes encore plus forts du mélange des comiques. […] Si la comédie de Térence et de Molière enchante, il faut que la comédie en musique me ravisse.

278. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Ce n’est pas encore un Molière ou un Beaumarchais que nous devrons à M.

279. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

Molière obtint pour sa troupe le brevet de comédiens du roi, au lieu du titre de troupe de Monsieur.

280. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Ponsard leur faisait l’effet d’une nouvelle édition de Molière, commentée par M. de la Palisse. […] Cousin lui-même trop indulgent pour cet affreux côté de la littérature d’avant Molière et Boileau. […] C’est par Molière qu’il commence, et il ne pouvait mieux choisir. […] ce chapitre de l’histoire de Molière est tout à l’honneur de Bossuet. […] Après Molière, les types s’effacent, se morcellent ou s’éparpillent.

281. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Elle reste bien la même, la spirituelle et l’éblouissante railleuse, celle qui porte partout la vie, celle qui a en elle la joie et le charme, celle que de tout temps nous connaissons, mais plus abandonnée, plus vive de parole et de plume, plus à bride abattue, plus drue et gaillarde, plus sœur de Molière, plus elle-même, pour tout dire, que jamais. […] Elle, La Fontaine et Molière, ce sont les trois fonds les plus naturels en tout et les plus spontanément fertiles du grand siècle.

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