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827. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Après tant de belles peintures de l’homme en général, il restait à peindre l’individu, dans cette société qui lui donnait tant de valeur, le Français à une époque où la France a été si grande. […] Ses défauts mêmes, cette humeur difficile, ces scrupules, cet entêtement pour les titres, la crainte de déroger presque plus forte que celle de mal faire, une ambition par tentations et par velléités, soit qu’il aimât mieux être jugé capable des places que de les prendre, soit que ce fût sa vocation de s’en approcher d’assez près pour voir ce qui s’y fait, et de n’y pas atteindre pour avoir le temps d’en écrire ; tout semblait l’inviter à être le grand peintre d’une époque de décadence. […] Les arrière-pensées, les doubles conduites, les sourdes menées, l’influence par les affranchis ou par les valets intérieurs, tous ces grands traits des gouvernements absolus sont communs aux deux époques, et il semble quelquefois que le même original ait posé devant les deux peintres. […] La remarque n’en est peut-être pas hors de propos dans notre pays, même à une époque où il est imprudent d’ôter à la langue une défense.

828. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Villemain, un des premiers, concevant l’œuvre d’art comme l’expression d’une société, joignit à ses jugements l’histoire des auteurs et de leurs époques. […] Sur l’ensemble des idées et sentiments de son époque. […] Hennequin l’avoue, qu’après avoir déterminé l’importance relative du groupe auquel a plu l’œuvre, et l’époque précise pour laquelle l’œuvre est un document. […] Hennequin a tracé une liste des génies par époques, qui, bien qu’approximative et parfois inexacte, marque à quel point les diverses périodes littéraires d’une même nation présentent des génies » différents et opposables ».

829. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Vergier était un petit poète assez distingué, sans très grande valeur, mais fort spirituel, de cette époque. […] C’était une toute jeune femme à cette époque, à l’époque du poème d’Adonis. […] Ce serait bien scandaleux, parce que, à cette époque, elle avait quinze ans au plus, et je ne peux pas le croire.

830. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Voulant écrire fidèlement ses Mémoires, il s’est décidé à en faire deux parts : l’une entièrement consacrée à l’époque du plaisir, et ici il a pris un léger masque, il s’est dédoublé et s’est appelé le vicomte d’Aulnis170. […] C’est depuis cette époque que le nom de Dation s’est écrit d’Alton.

831. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Toute cette période rétrograde et militante de l’école de poésie dite romantique se prolonge jusqu’en 1824, et se termine après la guerre d’Espagne et lors de la brusque retraite de M. de Chateaubriand, A cette époque la fougue politique et les illusions honorables des jeunes poètes se dissipèrent ; ils comprirent que la monarchie restaurée, avec ses misérables ruses d’agiotage et ses intrigues obscures de congrégation, n’était pas tout à fait semblable à l’idéal qu’ils avaient rêvé et pour lequel ils auraient combattu ; ils se retirèrent dès ce moment du tourbillon où ils s’étaient égarés ; et, spectateurs impartiaux, ne s’irritant plus de l’esprit libéral qui soufflait alentour, ils s’enfermèrent de préférence dans l’art désintéressé : pour eux une nouvelle période commença, qui vient de finir en 1830. […] Puis, plus tard, quand ils sentirent que cet esprit de révolution était la vie même et l’avenir de l’humanité, ils se réconcilièrent avec lui, et ils espérèrent, ainsi que beaucoup de gens honnêtes à cette époque, que la dynastie restaurée ferait sa paix avec le jeune siècle ; qu’on touchait à une période de progrès paisible ; et que la Monarchie selon la Charte ne serait pas un poème de plus par l’illustre auteur des Martyrs.

832. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Les époques de calme ne produisent rien d’original. […] Époques où la politique est ou n’est pas en première ligne.

833. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Quoique né à une époque où le principe de la science positive était déjà proclamé, il vécut en plein surnaturel. […] Traductions et commentaires juifs, de l’époque talmudique.

834. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Les traits d’Épiphane et plusieurs de ceux du Talmud peuvent, du reste, se rapporter à une époque postérieure à Jésus, époque où « pharisien » était devenu synonyme de « dévot. » 925.

835. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Cette dame, alors âgée au moins de 60 à  ans, d’une santé très délicate, ne voyait du monde que chez elle, et c’est sans doute pour cette raison qu’il en est peu parlé dans les écrits concernant les grandes sociétés de cette époque. […] Il fallait, dit la princesse, que madame de La Sablière fut bonne à quelque intrigue, parce qu’elle était vieille, laide, et avait eu quelque galanterie 65. » Rochefort avait sans doute ajouté ces particularités mensongères pour ne point inquiéter Mademoiselle ; car à cette époque, madame de La Sablière n’avait que 23 ans, était d’une beauté remarquable, pleine d’esprit.

836. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Cette identification de « l’analyse » et de la mise à mort du réel, topos au moins aussi vieux que le Faust de Goethe, trouve une nouvelle expression à l’époque de la « décadence », décrite par exemple selon Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine comme un abus de « l’esprit d’analyse », inséparable de toutes ces « maladies de la volonté » (Ribot) caractérisées par le primat de « l’intelligence » sur « l’instinct ». […] Cette époque se perçoit comme un « âge critique », et non plus « créateur ».

837. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Caractéristique des femmes de lettres, dans une époque où elles se multiplient avec la plus épouvantable facilité ! […] Elle en a la pureté… Elle a la pureté de la plume, cette rareté maintenant plus rare que le talent ; la pureté de la plume, à une époque où toutes les plumes se plongent et se barbouillent dans l’encrier du réalisme, et où, comme la Xantippe de Socrate, M. 

838. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Les mœurs nouvelles et les passions de ce peuple qui renversait ses coutumes, les engoûments, les soulèvements, les déchirements et les résistances de l’opinion, à cette époque de bouleversement suprême, ils ont pensé, avec raison, que toutes ces choses sombres et terribles entraient dans le programme de leur histoire. […] Un mot aurait suffi, et nous avons même pensé un instant à ne dire qu’un seul mot, mais nous nous sommes ravisés, et puisque ces MM. de Goncourt ont le bonheur d’être jeunes, le hasard d’avoir du talent… quelquefois, et le projet d’écrire encore une histoire de la société sous le Directoire, nous avons cru utile et sympathique de leur rappeler que pour une œuvre si sévère et si grande il faut étreindre comme on embrasse ; — qu’il faut plus que de lier ou d’éparpiller des glanes d’anecdotes et d’être, après coup, les Tallemant des Réaux proprets et fringants d’une époque dans laquelle on n’a pas même le privilège d’avoir vécu.

839. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Impersonnel comme j’ai dit qu’il était, Daly est entré dans le sens le plus intime d’une époque du passé, et il en a ressuscité non seulement la couleur, mais le sentiment. […] Cette théorie, d’une si originale simplicité qu’elle plonge l’esprit dans l’étonnement qu’inspirent ces vers qui semblent si faciles à trouver, et pour lesquels cependant il ne fallait rien moins que du génie, cette théorie, que son auteur a exposée dans son écrit intitulé : Symbolisme dans l’Architecture, est intégralement, pour qui sait l’y voir, en cet axiome, d’une concentration si profonde ; « L’art tout entier est symbolique de l’état matériel, moral et intellectuel de l’humanité aux diverses époques de son développement. » Mais, de cette profonde concentration, Daly l’a puissamment tirée.

840. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Et ce n’est pas tout : il nous montre aussi la solution éclatante de ce terrible problème de l’éducation que chaque époque pose et reprend à sa manière, et qui, grâce à une femme et à des circonstances inouïes, a été résolu une fois. […] … Que, si une favorite d’une autre époque, la Léonora Galigaï, la magicienne de Florence, accusée de philtres et de charmes pour expliquer son inexplicable puissance sur Marie de Médicis, répondait que toute sa sorcellerie était l’influence d’une âme forte sur une âme faible, on aurait pu se demander plus tard quelle devait donc être celle d’une femme sur un homme dans toute la maturité de son âme et de son génie, sur un homme qui était le roi du bon sens, de la convenance, de la fierté et de l’ennui, sur un Louis XIV de quarante-cinq ans ?

841. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Mais Chamfort, qui n’était pas valétudinaire comme Vauvenargues, Chamfort, l’Hercule et l’Apollon des boudoirs mythologiques de son temps, et dont la vigueur n’était pas une fable, n’a pas eu de Voltaire qui l’ait pris dans son vitchoura d’Astrakan comme Hercule prenait les Pygmées dans sa peau de lion : Voltaire, le Roi de son époque, a la manie du favoritisme comme les rois. […] Mais, tel que le voilà et que la réalité consciencieusement étudiée le montre, il l’emporte pourtant en moralité sur tous les heureux et les célèbres de son époque, et justement parce qu’il eut le hasard d’être pauvre, et l’honneur d’être un officier !

842. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

De tous les professeurs de cette époque qui ont brillé en dehors de leur enseignement, c’est un de ceux que je place le plus haut… On a beaucoup vanté About, qui a les mauvaises qualités françaises sans en avoir les bonnes, — qui est un esprit sans profondeur, sans consistance, sans élévation ; qui se donne des airs de Voltaire, mais qui n’en a pas les grâces. […] Pendant qu’il était en train de si bien faire en nous montrant l’antiquité, cette vaine parolière, descendant du sophiste au rhéteur et du rhéteur au grammairien, ces trois marches qui l’ont conduite au gouffre, je souhaitais que l’esprit qui voyait si clair en histoire tirât des faits, si curieux et si nombreux qu’il avait colligés, des conséquences plus circonstanciées et plus hardies, et qu’il osât des rapprochements entre des époques de décadence dont il est impossible de ne pas voir l’analogie… À certaines pages du livre en question, la décadence de l’antiquité, livrée à la phrase et aux mots pour les mots, rappelait à l’auteur d’autres décadences ; des rhéteurs grecs lui mettaient en mémoire d’autres rhéteurs, qui n’étaient pas grecs.

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