L’émotion qu’on éprouve en lisant leurs vers fait bien sentir que la nature même s’y explique en sa propre langue.
Impur, c’est trop évident, le sujet ou le sommaire du poème ; mais aussi le sens de chaque phrase, la suite logique des idées, le progrès du récit, le détail des descriptions et jusqu’aux émotions directement excitées. […] Qu’elle s’attaque au poème le plus lyrique, je la défie bien d’y découvrir un atome de couleur, d’émotion, encore moins, s’il est possible, de poésie. […] Mettez l’iliade en tableau synoptique, — rien de plus facile ; et, quand vous aurez fini, dites hardiment : « elle est toute là. » le reste, le concert, la couleur, l’émotion, la poésie, c’est nous qui l’ajoutons au poème, nous, dis-je, si nous avons invité à le lire nos puissances de vision, de sentiment et d’intuition. […] Il y a des milliers de poèmes, il n’y a qu’une poésie, principe unique, raison dernière d’une expérience indéfiniment diverse, mais qui présente constamment les mêmes caractères aisément reconnaissables : cet éblouissement, ce frisson, cette émotion, délectable, certes, mais en même temps si profonde, si voisine de l’émotion religieuse, que nous avons conscience de l’avilir en l’appelant volupté. […] Ils ne cherchent qu’à distinguer le véritable langage de la peinture, et tous deux s’accordent à reconnaître, sous des sangles divers, qu’à partir d’une certaine acuité l’émotion qu’il nous transmet échappe à toute explication rationnelle.
L’absence de toute spontanéité dans l’inspiration, de toute émotion réelle, en est la preuve irrécusable. […] Si peu qu’on les voie s’enfler au moindre vent de l’émotion, elles ont bientôt fait de devenir plus grandes qu’elle. […] Notre seul criterium, notre unique pierre de touche, est dans la spontanéité de notre propre émotion. […] Néanmoins, je ne prétends pas que ces contes soient absolument dénués de sensibilité et d’émotion ; je dis seulement que M. […] Mais qu’importe, s’il satisfait d’un autre côté, imagination et esprit comptant, aux engagements qu’il n’a pas tenus du côté de l’émotion ?
On marche à travers des hommes pâles d’émotion, des bambins sautillants, des femmes aux gestes grisés. […] À la station de Bel-Air, grande émotion. […] Quelques instants d’immobilité, de silence, je dirai presque d’émotion ; puis, sous le tirage de la ficelle, un tonnerre, une flamme, un nuage de fumée, dans lequel disparaît le bouquet d’arbres qui masque la batterie. […] Les faces sont hâves, elles ont le jaune qu’y met la nourriture du siège, et qu’y apporte encore l’émotion du spectacle, traversé du chantonnement grave de la Marseillaise. […] Et le spectacle vous est donné de la grande émotion de la capitale, se tenant près de ses portes, raccourcissant la distance, rapprochant d’elle les nouvelles.
Pierre Louÿs est tout à fait un poète : sa forme savante qui gênait l’émotion a soudain pu l’enserrer.
En cela encore, par l’émotion et par l’aperçu, Fleury est au-dessus des Goncourt, dont l’âme est à peu près muette et l’esprit aveugle, muette et aveugle à tout ce qui n’est pas de l’effet de couleur.
En littérature, dans les arts plastiques, en science, en toutes choses il y a de grands combats à soutenir au nom de la vérité, car c’est le seul levier à employer pour soulever l’émotion dans les esprits. […] Il n’étudie pas, il sent si vivement qu’il accorde tout d’abord à des choses médiocres, surtout celles du moment, la même bienveillance qu’à de bonnes choses, pourvu qu’elles aient une direction toutefois conforme à ses instincts de vérité et d’émotion. […] Leconte de Lisle ignore que l’érudition a besoin d’aises, et son âme froide imagine trouver l’émotion dans de vieux livres grecs en écoutant l’histoire des dieux. […] À vingt ans on a plus d’afféterie que d’émotion et de pénétration, mais à trente-six ans faire toujours de la littérature qui a vingt ans, c’est trop peu marcher. […] « Je tends à représenter la nature avec l’émotion qui naît en moi de ses spectacles. » Peu de gens ont le droit de parler ainsi.
Il a ainsi rouvert lu voie à toute une série d’idées, à tout un ordre d’émotions. […] Rien non plus qui trahisse l’émotion personnelle de l’écrivain. […] Ses descriptions sont à la fois riches en couleur et toutes pénétrées d’émotion. […] Il lit une à une dans son propre cœur les émotions par où il a dû passer. […] Mais la pitié ni l’émotion ne sont chez Henri Lavedan les tendances habituelles.
Quant à Racine on reconnaît volontiers qu’il fut plus capable de sentiment et d’émotion que son émule. […] Et nous remarquons le passage de la première à la seconde à l’émotion qui nous saisit et à l’élévation des sentiments que nous éprouvons. […] Au lieu de se laisser entraîner sur la pente de leur émotion, les auteurs français se laissent constamment enrayer par les entraves du bon goût. […] Mais ils étaient plus amusants, plus attrayants pour les imaginations avides d’émotions nouvelles et de merveilleux. […] Voilà à quelle dose le public d’aujourd’hui prend de l’émotion dramatique !
Lord Herbert n’était donc resté en prison que juste le temps nécessaire pour connaître la première émotion de la captivité, qui est, paraît-il, une volupté comme toute émotion à son début. […] Il arrive très souvent que ces émotions naïves sont en complet désaccord avec les théories de la poétique la plus saine, et alors nous sommes amenés à nous demander lequel a tort du spectateur ou de la poétique et à contrôler les règles de l’art par les émotions de la vie. […] C’est plus d’émotions que l’âme n’en peut porter en un si court espace de temps. […] Comparez à ces émotions celles que vous avez éprouvées à la lecture du drame. […] Lorsqu’on connaît le grand poète et qu’on a épuisé par la lecture toutes les émotions poétiques et philosophiques de l’imagination, il est intéressant et après tout légitime de vouloir ressentir toute la somme d’émotions physiques que la représentation peut donner.
Involontairement vous perdez la gravité et vous éprouvez l’émotion. […] Au bout de quelques mois, cette émotion, sans cesse accrue, devient une passion, et il se trouve naturellement que c’est celle du siècle. […] L’émotion trop vive l’empêche de douter quand il compose ; l’émotion trop vive l’empêche d’être clair quand il écrit. […] Non : l’oiseau est petit. »« Heureuse » doit être le premier mot, parce que l’émotion dominante première est un élan de bonheur. […] Ici les émotions sont aussi délicates que la manière de les dire ; on reconnaît le tact exquis d’une femme et d’une femme de haut rang.
Il venait à la manière d’Horace, dont son talent plein d’urbanité rappelle quelquefois la grâce, lui conter à la dérobée ses émotions, ses ennuis, son chagrin de vieillir, et la prier de l’aider à traduire en strophes cadencées l’incident qui l’avait frappé dans la journée, la pensée philosophique qui avait saisi son esprit. […] Telle avait été la vie, telles avaient été les émotions du comte de Maistre pendant qu’il écrivait ses deux derniers ouvrages, c’est-à-dire jusqu’à l’époque de la restauration. […] La restauration réunissait donc, au plus haut degré, ce qui fait penser et sentir ; elle remplaçait, par d’autres émotions, les émotions de guerre et de triomphe, sur lesquelles la France était si complètement blasée, que, dans les derniers jours de l’empire, quand le canon des Invalides tonnait pour annoncer les suprêmes succès de l’empereur, on se disait tristement, en se rencontrant dans les rues de Paris : « Hélas ! […] Cette vie d’études, d’aventures et d’émotions laissa des traces profondes dans le talent du poëte, et elle fait comprendre les deux qualités contradictoires qu’on rencontre dans ses ouvrages, la témérité de la pensée jointe à la pureté de l’expression. […] Elle s’adresse surtout aux sentiments, et, pour s’en faire écouter, elle parle leur langage : aussi est-ce dans les poëtes qui ont obtenu un succès général, plus que dans tous les autres écrivains, que l’on trouve les impressions et les émotions du temps.
Mais l’essentiel ici est de démêler ce qui, chez eux, est lieu commun, phrase apprise, provision de la mémoire, et ce qui est sentiment intime, émotion personnelle, éclosion spontanée de l’âme : ce qui est sifflé et ce qui est vécu.
Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images.
C’était la grande vogue alors des romans anglais, avec force événements et émotions. […] Elle dit de Mme Des Houlières : « Ses idylles n’ont peut-être d’autre défaut que de vouloir absolument être des idylles… Elle a mis de l’esprit partout et des fleurs où elle a pu. » — « Le talent de Mme Cottin ne permet guère de le juger, dit-elle, que lorsque les émotions qu’elle a fait naître sont passées, et ces émotions durent longtemps. » Elle dit du style de Mme de Genlis qu’il est toujours bien et jamais mieux 97. […] Le moindre petit arbre de Passy et du bois de Boulogne lui causait une fraîcheur d’émotion vivifiante.
Il est naturel, dans cet épuisement momentané de la passion lyrique, que les vrais talents, ceux qui sentent leur force, se tournent ailleurs et cherchent s’il n’y a pas quelque part de nouvelles sources jaillissantes d’idée et d’émotion où la poésie puisse reprendre quelque chose de sa verdeur et de sa fraîcheur perdues. […] S’il vous est arrivé de causer avec un grand astronome ou un grand chimiste, assurément vous n’aurez pu échapper à la fascination de l’enthousiasme grave dont ces intelligences sont remplies et qui n’est que la sympathie profonde pour les objets dont elles sont possédées, l’émotion des découvertes déjà faites, le tourment vague et délicieux de celles qui restent à faire. […] Le sonnet convient à merveille à l’expression d’une idée ou d’un sentiment simples et concrets ; il note une fantaisie de l’esprit, une émotion rapide, une rougeur fugitive, un désir, un regret. […] C’est à cette condition seulement que des idées pures peuvent émouvoir, entraîner le lecteur, C’est par là que Lucrèce dompte les âmes rebelles : il embrasse dans sa croyance tous les principes et les détails de la doctrine de son maître Épicure ; il ne doute pas, il croit ; c’est plus qu’un disciple, c’est un fidèle, c’est un enthousiaste, et cela explique pourquoi sa pensée brûlante répand sa flamme dans les esprits ; même quand on résiste à la doctrine, quand on en a senti l’insuffisance, l’ardeur du poète est contagieuse, on est ému, non de la vérité qu’il exprime, mais de son émotion. — C’est cette foi aux doctrines naturalistes dont il est l’interprète qui manque à M.