Il sent qu’il n’est pas exempt de quelque subtilité, et il s’en excuse : « Souvent on ne peut-éviter de passer par le subtil pour s’élever et arriver au sublime, comme pour monter aux cieux il faut passer par les nuées. » Il s’élève souvent aux plus hautes idées, mais ce n’est jamais en suivant les grandes routes ; il a des sentiers qui échappent. […] Pourtant, si je ne m’abuse, et si je vois clair à de certains symptômes, le moment approche où sa haute renommée aura à supporter une de ces insurrections générales auxquelles n’échappent jamais, en fin de compte, les longues monarchies, les monarchies universelles.
Cette circonstance n’échappa point aux docteurs musulmans, et, voyant que ces nouveaux venus n’étaient pas du moins des idolâtres, ils espérèrent bientôt d’en faire des fidèles. […] Je ne dirai pas qu’il se dégoûta de l’Égypte, ce puissant esprit ne se dégoûtait pas ; mais, quand un de ses rêves favoris lui échappait, il avait la faculté de prendre son esprit, comme il disait, et de le porter ailleurs.
Il laisse échapper son inquiétude qu’une épouse nouvelle ne soit pas, pour ces enfants d’un autre lit, telle qu’il faudrait. […] involontaire qui vous a échappé, et de vous dire : « Tout s’en va, et, dans ces choses qui s’en vont, il en est que vous regrettez vous-même.
À un endroit, parlant de la mort de La Harpe qui, malgré ses défauts bien connus, se convertit avant l’heure suprême, il lui est échappé de dire : « Il n’a pas manqué sa fin, je le vis mourir chrétien courageux. » C’est ainsi qu’il aurait dit de l’auteur dramatique : « Il n’a pas manqué son cinquième acte. » De tels mots, lâchés par mégarde, donnent fort à penser. […] Un jour, se souvenant que son poème des Martyrs avait été critiqué au point de vue de l’orthodoxie, il lui est échappé, dans un accès d’amour-propre, de dire des chrétiens ce qu’il a dit si souvent des rois : « Et ne voilà-t-il pas que les chrétiens de France, à qui j’avais rendu de si grands services en relevant leurs autels, s’avisèrent bêtement de se scandaliser !
Il sait, il sent, pour les avoir éprouvées, les misères de l’homme, et il échappe plus d’une fois à sa noble lèvre des mots trempés d’amertume. […] Le voyez-vous dans son petit hôtel de la rue du Paon, malade, mourant, ne se plaignant jamais devant ses amis, mais laissant quelquefois échapper sur le papier le secret de cette apparence tranquille : « Qu’importe à un homme ambitieux qui a manqué sa fortune sans retour, de mourir plus pauvre ?
« Qui ne me voudra savoir gré, dit-il, de l’ordre, de la douce et muette tranquillité qui a accompagné ma conduite, au moins ne peut-il me priver de la part qui m’en appartient par le titre de ma bonne fortune. » Et il est inépuisable à peindre en expressions vives et légères ce genre de services effectifs et insensibles qu’il croit avoir rendus, bien supérieurs à des actes plus bruyants et plus glorieux : « Ces actions-là ont bien plus de grâce qui échappent de la main de l’ouvrier nonchalamment et sans bruit, et que quelque honnête homme choisit après, et relève de l’ombre pour les pousser en lumière à cause d’elles-mêmes. » Ainsi la fortune servit à souhait Montaigne, et, même dans sa gestion publique, en des conjonctures si difficiles, il n’eut point à démentir sa maxime et sa devise, ni à trop sortir du train de vie qu’il s’était tracé : « Pour moi, je loue une vie glissante, sombre et muette. » Il arriva au terme de sa magistrature, à peu près satisfait de lui-même, ayant fait ce qu’il s’était promis, et en ayant beaucoup plus fait qu’il n’en avait promis aux autres. […] « Dès ma première enfance, disait-il, la poésie a eu cela de me transpercer et transporter. » Il estime avec un sentiment pénétrant que « nous avons bien plus de poètes que de juges et interprètes de poésie, et qu’il est plus aisé de la faire que de la connoître. » En elle-même et dans sa pure beauté, elle échappe à la définition ; et celui qui la veut discerner du regard et considérer en ce qu’elle est véritablement, il ne la voit pas plus que la « splendeur d’un éclair ».
L’art, le style, dans leurs aspects majestueux et sévères, ou dans leurs qualités exquises, lui échappent, et il est tenté de les confondre en tout avec le brillant de l’industrie. […] Mais l’Abbé, plus judicieux, remarquera que les modernes ont perfectionné l’analyse en tout genre, et que, comme l’anatomie a trouvé dans le cœur des valvules, des fibres, des mouvements et des symptômes qui ont échappé à la connaissance des anciens, la morale y a aussi trouvé des inclinations, des aversions, des désirs et des dégoûts que les mêmes anciens n’ont jamais connus.
Dans un des articles sur la guerre d’Espagne que Carrel inséra en 1828 à la Revue française, il a raconté avec intérêt et vivacité l’épisode de ce petit corps étranger dont il faisait partie, ses combats, ses vicissitudes, et sa presque extermination devant Figuières ; les quelques débris survivants n’échappèrent que grâce à une capitulation généreusement offerte par le général baron de Damas, et qui garantissait la vie et l’honneur des capitulés (16 septembre 1823) : « Quant à ceux des étrangers qui sont Français, était-il dit dans la convention rédigée le lendemain, le lieutenant général s’engage à solliciter vivement leur grâce ; le lieutenant général espère l’obtenir. » Rentré en France à la suite de cette capitulation avec l’épée et l’uniforme, Carrel se vit arrêté à Perpignan et traduit devant un conseil de guerre. […] Cependant l’intérêt pour lui dans le public était extrême : sa jeunesse, sa fierté, sa constance à souffrir dans la prison, sa tenue ferme et simple aux audiences, son élévation naturelle de langage, ce quelque chose de contenu qu’il eut toujours et qui ne s’échappait que par éclairs, excitaient une sympathie universelle.
On peut dire qu’il n’avait embrassé ni senti à aucun instant l’esprit et le génie de cette grande époque ; le côté héroïque comme le côté social lui avait échappé ; il n’y avait vu partout que les excès et les désordres, les bassesses ou les ridicules. […] [NdA] La colonne Trajane elle-même l’avait échappé belle ; on avait songé à l’enlever et à la transporter à Paris.
Cependant il revient peu à peu de ce coup d’électricité ; il s’oriente, il choisit et discerne entre les objets de sa recherche : « Dans les commencements je ne voyais Rome qu’à travers un brouillard pétrifié ; aujourd’hui c’est un nuage qui laisse échapper quelques traits de lumière. » C’est en se dirigeant particulièrement vers son objet principal, les médailles, qu’il réussit à augmenter peu à peu son trésor. […] La partie sérieuse du mérite de l’abbé Barthélemy comme antiquaire, et avant son Voyage d’Anacharsis, échappe à mon appréciation : ce qu’on peut dire en général, c’est qu’il a rendu surtout de vrais services dans la science des médailles, et qu’il a contribué à la tirer de l’état de simple curiosité pour en faire un des appuis suivis et réguliers de l’histoire.
Parfois aussi, les termes intermédiaires entre deux idées conscientes échappent eux-mêmes à la conscience. […] Rappelons-nous encore que, quand les vibrations cérébrales sont trop rapides ou trop uniformes, elles échappent à la conscience, et nous comprendrons que certaines idées puissent surgir dans le temps en vertu d’un arrangement qui a eu lieu dans l’espace, entre des cellules que notre esprit ignore.
Il s’échappe à dire, un moment : « Ah ! […] Et quand il vient à causer littérature, à causer de ce qu’il veut faire, il laisse échapper la crainte de n’en avoir pas le temps.
Ce livre, dangereux pour l’originalité la mieux fermée aux influences, tente, par sa beauté, nos facultés imitatrices les plus involontaires, et l’auteur de l’Infaillibilité n’a peut-être échappé si bien à ces influences qu’en raison de sa surprenante profondeur. […] … Et c’est là encore, pour le dire en passant, une raison à ajouter aux autres pour que ce traité de « la Douleur », qui ne s’arrête pas à la bagatelle des larmes et qui, comme Julien l’Apostat, ne jette pas non plus du sang de sa blessure contre le ciel, ait partagé le triste sort de tous les écrits de Saint-Bonnet, qui échappent à leur époque par leur élévation même et ne se courbent pas au niveau de cette masse qu’on appelle le public… « Il faut que tout se paye toujours !
Il nous échappe, parce qu’il habite dans l’abstraction pure, à cinq cents pieds au-dessus de la terre ; faites l’en descendre, et ramenez-le au détail des circonstances précises, aux cas singuliers et distincts, aux événements visibles et palpables. […] Les physiciens et les naturalistes, dit M. de Biran, ne font qu’effleurer la superficie des choses ; le fond leur échappe.
Le seul accent lyrique échappé de sa verve, ce sont quelques vers de son âge déjà mur, mais après rude épreuve et dans la joie d’une chaîne brisée et d’une liberté reconquise : ce sont ses vers au lac de Genève, à la Suisse, à sa retraite présente, à son indépendance actuelle et future. […] On le sent, aux cris de douleur qui lui échappent sur les vices inhumains mêlés à l’idolâtrie des Hindous, et sur tous les maux dont il faudrait les guérir pour les élever jusqu’à la foi.
D’un naturel bienveillant, facile, agréablement enjoué ; d’un esprit avide de culture et de connaissances diverses ; s’accommodant aux mœurs dominantes et aux opinions accréditées ; d’une âme assez tempérée, autant qu’il semble ; habituellement heureux et favorisé par les conjonctures, il s’est développé sur une surface brillante et animée, atteignant sans effort à celles de ses créations qui doivent rester les plus immortelles, y assistant pour ainsi dire avec complaisance en même temps qu’elles lui échappaient, et ne gravant nulle part sur aucune d’elles ce je ne sais quoi de trop âcre et de trop intime qui trahit toujours les mystères de l’auteur.