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1052. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

La scène entre le médecin et le ministre, qui a été souvent répétée et que le docteur Koreff jouait à merveille en parlant de certains de ses malades, était alors : le médecin, après les symptômes entendus, déclare que la maladie qu’on éprouve est une ambition rentrée, et, après avoir proposé divers palliatifs, il arrive à un grand remède qui, selon lui, serait le seul efficace ; il conseille à son malade de se faire exiler par le roi : un exil d’éclat, un exil à la Chanteloup, cela relève la fadeur et le morne d’une disgrâce. […] Pendant que Salem, qui a été doué tout au rebours d’Aladin et qui est la perfection de l’homme actif et médiocre, fait son chemin méthodiquement et parvient aux plus hautes places du royaume, Aladin, à qui il arrive mainte mésaventure par imprudence, cède aux conseils de ses amis, et se met à voyager en compagnie du Kalender. […] Cet homme à l’âne le devance : c’est l’image de son cousin Salem qui arrive à tout avant lui avec ses qualités compassées et son activité incessante. […] Arrivé à sa cour, il réussit moins de près que de loin ; il quitta bientôt Pétersbourg, avec une pension toutefois ; la mort de l’impératrice la lui fit supprimer et vint détruire ses projets de composition historique.

1053. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

La disgrâce de M. de Chauvelin, qui survint alors (février 1737), fut pour lui un fâcheux contretemps : en prenant part à cette disgrâce en loyal ami, il crut y voir cependant une occasion d’arriver. […] Les imprudents se battent, et les gens sages viennent à profiter de l’objet du combat quand on est bien sûr qu’ils ne s’en sont pas mêlés ; et cette aventure de tertius gaudet arrive dans les cours les plus intrigantes tout comme pendant les gouvernements forts et tranquilles… Dans ces intrigues, ajoute-t-il, le moindre risque, selon moi, surpasse les plus hautes espérances ; je crains extrêmement la disgrâce et la Bastille ; j’aime ma liberté et ma tranquillité, et je ne les veux jamais sacrifier qu’au bonheur de mes citoyens ; mais quelle sottise de les sacrifier à ses vues personnelles ! […] Il nous apprend qu’on lui faisait l’honneur de dire de lui « que comme don Quichotte avait eu la tête tournée par la lecture des romans, il lui était arrivé la même chose par celle de Plutarque. » Il n’est que bizarre, et il montre plus de bonhomie que de tact et de goût (de ce goût qu’avait si fort son ami Voltaire, et qui est avant tout sensible au ridicule), lorsqu’il écrit de lui-même à la date de juin 1743, environ un an avant de devenir ministre : Je me sens doux et sévère, je tiens beaucoup de Paméla et de Marcus Porcius Caton. […] Je me bornerai à dire avec lui : « N’ayant aucune intrigue à la Cour, il est aisé de sentir ce qui en arrive : tout ce qu’on fait de bien est peu senti, ou est attribué à d’autres, et la moindre faute qu’on peut faire devient un crime qui vous met à découvert. » Et à un autre endroit, trouvant à son fils M. de Paulmy, alors ambassadeur en Suisse, quelques-unes des qualités de mesure, d’insinuation et d’adresse qu’il n’avait pas, il dit, par un retour sur lui-même et en indiquant le contraste : « Il loue…, il approuve, il sait réduire ses idées et les diminuer quand il faut ; on est bien heureux d’être de cette souplesse, car il faut plaire pour réussir ; les hommes sont plus difficiles que les affaires 20 ».

1054. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il est ainsi arrivé à des jugements sur son auteur qui ne sont point d’une parfaite exactitude : il nous dira, par exemple, que ses écrits n’ont rien perdu aujourd’hui de leur fraîcheur, tandis que cette fraîcheur, ils ne l’eurent pas même en naissant. […] Il y aurait à marquer différentes manières dans la langue de Benjamin Constant, s’il était jamais arrivé à une grande manière et à l’ art d’écrire ; mais il n’eut, en définitive, qu’une extrême clarté, beaucoup de rapidité, de finesse, et de l’élégance. […] Je doute cependant que tous liens de la sorte (comme il les appelle) finissent aussi misérablement que la liaison de son héros et de son héroïne. » C’est là encore la critique à faire du livre ; il est d’une tristesse misérable et d’exception ; Adolphe reste une anecdote particulière, admirablement analysée et racontée, mais le héros n’a pu arriver à être un type. […] Quand l’orage arrive, la poussière est de la fange. » Il a dans le style de ces soubresauts d’imagination et qui ne se soutiennent pas ; cela me fait l’effet des poissons volants et qui, n’étant point faits pour voler, retombent bientôt.

1055. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

On arrive ainsi aux femmes du Consulat, celle qui sera la gracieuse reine Hortense menant le cortège. […] Elle n’arriva à sa pleine et entière autorité, à son empire absolu, que graduellement. […] Ce n’est pas assurément l’amitié qui en est le motif… Elle était l’ennemie des Choiseul, et comme il est du bel air, actuellement, d’être dans ce que nous appelons aussi l’Opposition, elle a employé toutes sortes de manèges pour se réconcilier avec eux… » Qu’arrive-t-il pourtant de ce voyage tant commenté à l’avance et où chacun est sur le qui-vive, surtout la duchesse de Choiseul, qui connaît peu la maréchale, que Mme du Deffand a mise en garde, et qui craint toujours la griffe dont on lui a fait peur ? […] Enfin, Mme du Deffand elle-même, celle qui doute le plus de ses amis et de l’amitié, est réduite à revenir sur ses préventions, et un jour que la maréchale est malade, elle écrit à l’abbé Barthélémy : « La maréchale est mieux, mais pas assez bien pour s’établir à Auteuil… Savez-vous, l’abbé, que s’il arrivait malheur à cette maréchale, c’en serait un très-grand pour moi, et qu’elle est peut être de mes connaissances celle qui m’aime le mieux.

1056. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il est parti d’individualités, même grossières et ignobles, comme celles du bal Chicard, pour arriver à quelque chose de fin et de galant (voir le n°10 des Souvenirs du Bal Chicard ; ne pas oublier la femme étendue). […] Or, Gavarni est devenu le nom d’un genre ; il est arrivé, sans le chercher, à cette solution la plus essentielle dans la destinée de tout artiste et, je dirai, de tout homme, d’avoir fait ce que nul autre à sa place n’eût su faire. […] Ainsi, dans la Vie de jeune homme (n° 25), une femme élégante, une femme du monde en chapeau, en écharpe, arrive et entre dans un petit appartement ; elle est au bras d’un jeune homme en robe de chambre qui, écartant une draperie de portière ou d’alcôve, la reçoit et l’introduit avec toutes sortes d’égards et d’attentions ; et, pour toute légende, ce mot de la femme : « C’est bien gentil chez vous, Monsieur Charles !  […] Supposez que, du premier ou du second étage, vous regardiez dans la cour deux personnes qui causent : vous voyez leurs gestes, leur jeu de physionomie, et vous n’entendez qu’imparfaitement leurs paroles ; elles ne vous arrivent qu’en bruit confus.

1057. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Quelque chose manque toutefois à ces réfutations partielles, même aux plus solides ; elles n’embrassent pas tout l’ensemble des preuves, et, si attentif que soit l’historien, il lui arrive presque inévitablement d’en négliger quelques-unes. […] Il arriva à la Convention tout neuf, je l’ai dit, tout chaud et sincère, sans avoir passé par les épreuves et les manœuvres de la Législative. […] Quelques femmes françaises nous regardaient à travers leurs croisées entr’ouvertes et pleuraient… » Arrivé à Constantinople, les illusions du prisonnier continuent : il persiste à se croire en pays civilisé ou du moins non entièrement barbare ; une captivité politique ne l’effrayait pas : « Quelque fâcheux qu’il fût pour moi de me voir prisonnier, je regardais d’abord comme très-consolant d’être réuni à d’autres Français dont la société pouvait me procurer quelques douceurs. […] Son Exc. le ministre directeur aurait facilité les mesures si les crédits qu’il annonce chaque jour arrivaient ou étaient disponibles.

1058. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

« L’Empereur, parlant de Catinat, disait l’avoir trouvé fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie et à la lecture de sa Correspondance avec Louvois. » Napoléon ne le trouvait nullement comparable à Vendôme ; il eût dit de Catinat, servant sous ses ordres, ce qu’il disait de Saint-Cyr : « Saint-Cyr, général très-prudent. » Toute la manière de voir et d’agir de Catinat a été exposée au long par lui-même dans ses lettres confidentielles à son frère Croisilles ; il le fait dans une langue naïve et forte, un peu enveloppée, médiocrement polie, grosse de raisons, et qui sent son fonds d’esprit solide ; il faut en passer par là, si on veut le comprendre, et bien posséder son Catinat, nature originale et compliquée, un peu difficile à déchiffrer, et qui ne se laisse pas lire couramment : « Si je t’entretenais au coin du feu de notre campagne, disait-il à ce frère qui était un autre lui-même (31 octobre 1691), j’aurais bien du plaisir à te faire toucher au doigt et à l’œil ma conduite et les prévoyances que j’ai eues sur ce qui pouvait arriver, et comme il a fallu charrier droit pour faire aller la campagne aussi loin qu’elle a été, sans exposer tout le gros des affaires. […] L’affaire qui vient d’arriver à Suse est un bon témoignage. […] Il vaut mieux hasarder que les ennemis fassent quelques petites courses dans mon pays ou dans la Savoie que d’abandonner les lieux les plus importants. » Le dernier cas prévu arriva, et au-delà de ce qu’on supposait. […] pour le coup, écrit-il à son frère, je crois que me voilà bien achevé d’être brouillé avec Rubentel : après ce qui vient d’arriver, il n’y a plus de retour ; je l’ai trop offensé. ».

1059. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Il faut, en effet, pour arriver à elles, pour prétendre à les ravir et à être nommé d’elles leur bienfaiteur, joindre à un fonds aussi précieux, aussi excellent que celui de l’Homme de Désir, une expression peinte aux yeux sans énigme, la forme à la fois intelligente et enchanteresse, la beauté rayonnante, idéale, mais suffisamment humaine, l’image simple et parlante comme l’employaient Virgile et Fénelon, de ces images dont la nature est semée, et qui répondent à nos secrètes empreintes ; il faut être un homme du milieu de ce monde, avoir peut-être moins purement vécu que le théosophe, sans que pourtant le sentiment du Saint se soit jamais affaibli au cœur ; il faut enfin croire en soi et oser, ne pas être humble de l’humilité contrite des solitaires, et aimer un peu la gloire comme l’aimaient ces poëtes chrétiens qu’on couronnait au Capitole.  […] Sans parler de tout ce qu’il y avait de primitivement affable dans la belle âme de Lamartine, on doit peut-être à cette éducation paternelle de Belley de n’y avoir rien déposé de timide et de farouche, comme il est arrivé trop souvent chez d’autres natures sensibles de notre âge. […] La renommée, un héritage opulent, un mariage conforme à ses goûts et où il devait rencontrer un dévouement de chaque jour, tout lui arriva presque à la fois ; sa vie depuis ce temps est trop connue, trop positive, pour que nous y insistions. […] C’est la loi : tout poëte à la gloire arrivé, À mesure qu’au jour son astre s’est levé, A pâli dans son cœur.

1060. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Il est donc arrivé qu’au sortir de nos habitudes généreuses ou spécieuses de la Restauration, et avec notre fonds de préjugés un peu délicats en cette matière, aujourd’hui que la littérature purement industrielle s’affiche crûment, la chose nous semble beaucoup plus nouvelle qu’elle ne l’est en effet : il est vrai que le manifeste des prétentions et la menace d’envahissement n’ont jamais été plus au comble. […] Ce champ, en un mot, a été de tout temps infesté par des bandes ; mais jamais il ne lui arriva d’être envahi, exploité, réclamé à titre de juste possession, par une bande si nombreuse, si disparate, et presque organisée comme nous le voyons aujourd’hui, et avec cette seule devise inscrite au drapeau : Vivre en écrivant ! […] Aucune idée morale n’étant en balance, il est arrivé qu’une suite de circonstances matérielles a graduellement altéré la pensée et en a dénaturé l’expression. […] L’autre jour, il est arrivé à une personne de notre connaissance, à l’ancien gérant de cette Revue, d’être accusé d’un mot inouï : il se serait plaint, en plaisantant, d’avoir affaire à deux sortes de gens les plus indisciplinables du monde, les comédiens et les gens de lettres.

1061. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Nous ne sommes d’aucune coterie, et, s’il nous arrive d’en traverser à la rencontre, nous n’y restons pas. […] Oui, j’avais cru sentir dans des songes confus S’évanouir mon âme et défaillir ma vie ; La cruelle douleur, par degrés assoupie, Paraissait s’éloigner de mes sens suspendus, Et de ma pénible agonie Les tourments jusqu’à moi déjà n’arrivaient plus Que comme dans la nuit parvient à notre oreille Le murmure mourant de quelques sons lointains, Ou comme ces fantômes vains Qu’un mélange indécis de sommeil et de veille Figure vaguement à nos yeux incertains. […] Son Érostrate est un grand homme manqué qui, de mécompte en amertume, arrive lentement, par degrés, à son exécrable projet. […] Se peut-il même jamais qu’un long ouvrage de cette sorte, conçu et réalisé loin de la France, y arrive à point, et y paraisse juste dans le rayon ?

1062. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

L’histoire, quand on parvient à la construire, est un pont de bateaux qu’on substitue et qu’on superpose à cet océan dans lequel, si on voulait s’y tenir, on se noierait sans arriver. […] Arrivé le dernier, il a trouvé moyen d’y jeter toutes sortes de vues nouvelles, inattendues. […] Cependant l’idée de royauté, dont nous suivons l’histoire, faisait le grand tour ; elle arrivait de l’Asie par le Nord ; elle suivait assez obscurément, durant des siècles, la grande voie des migrations germaniques, et venait planter son drapeau dans les Gaules avec les Franks, avec Clovis. […] Mais saint Colomban, arrivé tout exprès d’Irlande en France, y saisit en main l’influence religieuse, contrarie les directions romaines et se pose en ennemi mortel de Brunehaut.

1063. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

J’ai hâte d’arriver aux écrits où nous avons droit de nous étendre. […] Il est presque arrivé déjà à la moitié de son terme, et il semble vouloir justifier cette parole que Mme de Staël proférait sur lui dès l’origine : « Le xviiie  siècle énonçait les principes d’une manière trop absolue ; peut-être le xixe commentera-t-il les faits avec trop de soumission. […] sOn l’a très-bien remarqué, M. de Barante arrive, procède volontiers sur toute chose, avec une théorie mesurée, qu’il présente aussitôt d’une manière agréable et succincte ; il est bien fidèle en cela au vrai sens de ce mot doctrinaire dont on a tant abusé. […] Arrivé d’hier de Versailles, tout plein des habitudes du bel air, il mettait au service de la cause, les jours de combat, la plus brillante valeur, après quoi il ne se souciait guère de rien de sage ; et, pour ne citer qu’un trait qui le peint, un jour, après ce fatal passage de la Loire, qu’il avait surtout conseillé pour se rapprocher de ses vassaux, ayant trouvé au château de Laval une ancienne bannière de famille, une bannière des La Trémouille, bleu et or, il imagina de la faire porter devant lui.

1064. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Arrivé dans son diocèse, Fénelon se livra tout entier à la charité et à l’étude. […] Cependant la condamnation du livre des Maximes n’arrivait pas. […] Enfin la condamnation obtenue avec tant de peine de la justice et de la bonté d’Innocent XII arriva à Paris avec un cri de joie des ennemis de Fénelon à Rome. […] L’archevêque se trouva à la poste, il s’approcha de la chaise de son pupille, dès qu’il arriva.

1065. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il arrive même souvent que ce soit l’ampleur des sons qui donne au vers ce je ne sais quoi de saisissant qui enlève la pensée, cette envolée qui fait la poésie. […] Au dernier degré de misère et d’ignominie, c’est la feuille d’impression qui nous arrive empaquetant nos emplettes :               … Et j’ai tout Pelletier Roulé dans mon office en cornets de papier. […] Le fait principal était arrivé dans la Sainte-Chapelle ; les deux épisodes les plus caractéristiques sont aussi pour lui des choses vues : ne dut-il pas être à l’Académie le jour où Tallemant et Charpentier se jetèrent les dictionnaires à la tête, en s’apostrophant rudement ? […] Il est aussi arrivé à Boileau de s’applaudir d’un tour élégant, d’une périphrase ingénieuse, d’une allusion noblement enveloppée, dont il avait désigné sa perruque, ou la mousqueterie, ou l’établissement des manufactures en France.

1066. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Mais, comme nous avons dit que la variété que l’on a cherché à mettre dans le gothique lui a donné de l’uniformité, il est souvent arrivé que la variété que l’on a cherché à mettre par le moyen des contrastes, est devenu une symmétrie & une vicieuse uniformité. […] C’est encore par-là que les pieces de théatre nous plaisent ; elles se développent par degrés, cachent les évenemens jusqu’à ce qu’ils arrivent, nous préparent toûjours de nouveaux sujets de surprise, & souvent nous piquent en nous les montrant tels que nous aurions dû les prévoir. […] La loi des deux sexes a établi parmi les nations policées & sauvages, que les hommes demanderoient, & que les femmes ne feroient qu’accorder : de-là il arrive que les graces sont plus particulierement attachées aux femmes. […] Il arrive souvent que notre ame sent du plaisir lorsqu’elle a un sentiment qu’elle ne peut pas démêler elle-même, & qu’elle voit une chose absolument différente de ce qu’elle sait être ; ce qui lui donne un sentiment de surprise dont elle ne peut pas sortir.

1067. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Arrive le duc de Charamaule et le chevalier de Talmay, l’oncle et le neveu, un roué qui se couche et un fat qui se lève. […] il maudit sa pauvreté, il aspire à la richesse, et il se fâche quand la richesse lui arrive. […] Alors le peintre arrive, pâle de colère, et son cœur éclate en paroles vengeresses ; il démasque le traître, il bafoue le parvenu, il flétrit l’ingrat. […] Il en résulte bien des tiraillements, des détonations et des discordances ; mais, en somme, la pièce marche, elle arrive, elle se retrempe, après avoir langui, pendant deux actes inutiles, dans une dernière scène pleine d’émotion et de chaleur, et ce dénouement achève le succès que le premier acte avait commencé.

1068. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Jeudi arrive, continue Morellet. […] Et il en concluait qu’il ne faut jamais persécuter les vrais incrédules, les incrédules paisibles et sincères : attendez et ne regardez pas, il y a toute chance pour qu’il arrive un moment où, cet effort contre-nature venant à se relâcher, l’incrédule cessera de l’être. […] Il eût dit très volontiers avec quelqu’un de son école : Il arrive bien souvent que l’idée qui triomphe parmi les hommes est une folie pure ; mais, dès que cette folie a éclaté, le bon sens, le sens pratique et intéressé d’un chacun s’y loge insensiblement, l’organise, la rend viable, et la folie ou l’utopie devient une institution qui dure des siècles. […] Mais il en est arrivé comme l’avait prédit son ami Caraccioli, lequel disait que l’abbé resterait deux mois dans ce pays, qu’il n’y aurait à parler que pour lui, qu’il ne permettrait pas à un Anglais de placer une syllabe, et qu’à son retour il donnerait le caractère de la nation et pour tout le reste de sa vie, comme s’il n’avait connu et étudié que cela.

1069. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Enfin, la brouille arriva, mais on avait déjà follement jasé et chansonné. […] Les philosophes, quelques philosophes du moins, ont imaginé que si l’homme, après sa naissance et dans ses premiers mouvements, n’éprouvait pas de résistance dans le contact des choses d’alentour, il arriverait à ne pas se distinguer d’avec le monde extérieur, à croire que ce monde fait partie de lui-même et de son corps, à mesure qu’il s’y étendrait de son geste ou de ses pas. Il arriverait à se persuader que le tout n’est qu’une dépendance et une extension de son être personnel ; il dirait en toute confiance : L’Univers, c’est moi ! […] Or, il arriva que Mlle de Launay et Mme de Lambert lurent à ce mardi des lettres qu’elles avaient reçues de la duchesse du Maine, laquelle, informée de cet honneur qu’on avait fait à ses lettres, eut l’air de s’effrayer qu’on les eût produites en si docte et si redoutable compagnie.

1070. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Arrivés sur une des hauteurs de Paris, une cloche résonne, c’était un bourdon de la cathédrale. […] Il n’arriva pourtant à ses fins que quelques années plus tard (1785). […] Arrivé tard, à l’une de ces séances du soir, quand la discussion était engagée sur quelque sujet tout à fait inattendu, on l’a vu appelé tout à coup par ses amis, qui lui criaient dès l’entrée : « Allons, l’abbé, voilà comme vous êtes toujours ; vous êtes absent, et voilà ce qu’ils vont faire passer !  […] » répliqua de sa place l’abbé Maury. — Comme il arrive à tous ceux qui disent volontiers de ces choses plaisantes, je crois bien, au reste, qu’on lui en prêtait aussi.

1071. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Pour le peindre comme il était et dans tout la contradiction de sa morale et de son humeur, il suffit, de dire que, pendant que se négociait cette paix d’Utrecht ou de Rastadt, il lui arriva de soutenir à milord Stafford que Louis XIV aspirait à la domination universelle et de se battre avec un Français qui l’avait trouvé mauvais. […] Quoique j’aie lieu de croire qu’il ne vous est rien arrivé, personne n’en parlant, je ne puis m’empêcher de joindre à ma peine mille alarmes, qui me mettent dans un état que vous ne comprenez point, puisque vous pouvez être deux mois sans me donner le moindre signe de vie. […] Entre lui et Prié, c’est une guerre à mort ; il se figure que l’Europe entière est attentive à ce démêlé et à l’éclat qu’il en a fait : Je dois songer à la grande affaire qui est de vaincre, écrivait-il à un ami de Bruxelles pendant sa détention au château d’Anvers (16 septembre 1724) ; le moyen que j’ai pris et mes mesures m’y conduisant tout droit, il n’importe pas si cela se fait exactement suivant le goût et la règle des cours, puisqu’un homme de courage hasarde volontiers une petite mortification de la part de son maître pour arriver à un plus grand bien, et qu’il doit suivre sans aucun égard les routes les plus courtes, pourvu que ce soient celles des gens de bien, quand on y devrait chiffonner sa perruque, déchirer ses habits, perdre son chapeau et le talon de ses souliers en sautant les fossés… Au reste, si vous lisez attentivement mes lettres à Sa Majesté, vous verrez qu’elles présagent les pas que j’ai faits avec toute la franchise d’un soldat qui ne craint rien, pas même son maître, quand il y va de son honneur, que je n’ai jamais engagé ni n’engagerai de ma vie à aucun des rois de la terre. […] Ces articles du lundi ont souvent provoqué des éditions et réimpressions d’ouvrages dont j’avais parlé avec éloge ; cette fois ça été mieux, et il en est sorti toute une aimable inspiration, tout un roman : La Comtesse de Bonneval, histoire du temps de Louis XIV, par lady Georgina Fullerton, livre délicat dans lequel une plume toute française, qu’on dirait contemporaine des personnages qu’elle produit, s’est plu à retracer, à restituer l’enfance de Judith de Biron, à nous raconter les sentiments de la jeune fille ayant son mariage avec le comte de Bonneval, de telle sorte que les lettres qu’on a d’elle n’en soient plus qu’une suite naturelle et qu’on y arrive tout préparé.

1072. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Il lui arriva alors comme aux hommes d’imagination qui embrassent d’autant plus qu’on leur refuse davantage ; ne pouvant obtenir aussi vite qu’il le voulait sa réintégration et de l’emploi au service de France, il revint à l’idée d’être législateur en grand, et résolut d’aller proposer ses services en Russie, où Catherine venait de saisir l’empire. […] Arrivé à l’île de France, il en décrit le sol et les végétaux avec détail et curiosité, mais sans joie et plutôt avec une sorte de tristesse : Il n’y a pas une fleur dans les prairies, qui d’ailleurs sont parsemées de pierres et remplies d’une herbe aussi dure que le chanvre. […] Pourtant lorsqu’il pénètre dans l’île, lorsqu’il arrive vers l’une de ces habitations perdues au plus profond des bois et dans les escarpements des mornes, et qu’il y trouve l’image imprévue de l’abondance, de la paix et de la famille, il est touché, et il trouve, à le dire, de bien gracieuses couleurs : Je ne vis dans toute la maison qu’une seule pièce : au milieu, la cuisine ; à une extrémité, les magasins et les logements des domestiques ; à l’autre bout, le lit conjugal, couvert d’une toile, sur laquelle une poule couvait ses œufs ; sous le lit, des canards ; des pigeons sous la feuillée, et trois gros chiens à la porte. […] Vous qui reconnaissez si bien la Providence, pouvez-vous la méconnaître dans l’aisance qui vous arrive lorsque des infirmités vous la rendent nécessaire ?

1073. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Il arrivait chaque soir, à la même heure — au même café, s’appuyant d’une main sur la large pomme d’ivoire d’une canne courte et trapue, — et de l’autre, sur un parapluie couleur feuille morte. […] Après de longues méditations, je m’arrêtai à ce plan : « Demain soir, j’arrive de bonne heure au café, je me place à la table de mon petit vieux, — j’accapare sa Gazette et son Charivari. […] Après avoir longuement réfléchi, je suis arrivé à cette conclusion, que : Si le rouge de brique persiste sur les maisons qui bordent la Garonne, c’est uniquement parce que les propriétaires reculent devant la dépense de l’enduit incriminé plus haut, — dont s’empâtent uniformément les façades des beaux quartiers : le quai de la Daurade est habité par la plèbe. […] Si je ne développe pas ma théorie, c’est que je me suis résolu à ne jamais l’écrire, — crainte de perdre mon manuscrit, comme il est arrivé pour la Théorie de la volonté de Balzac.

1074. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Il nous arrive, selon la remarque de Max Simon, de soutenir en rêve toute une conversation et de nous apercevoir soudain que personne ne parle, que personne n’a parlé. […] Un contact, une pression arrivent encore à la conscience pendant qu’on dort. […] Il arrive que des personnes sujettes aux laryngites, aux amygdalites, etc., se sentent reprises de leur affection au milieu d’un rêve et éprouvent alors du côté de la gorge des picotements désagréables. […] Quand, l’esprit plus ou moins préoccupé, nous déplions notre journal, ne nous arrive-t-il pas de tomber tout de suite sur un mot qui répond justement à notre préoccupation ?

1075. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

S’il leur arrive de le combattre, il ne leur arrive pas de le négliger, et ils usent leur temps et leur réflexion à discuter avec celui qui a embrouillé la serrure, au lieu d’en finir en enfonçant la porte. […] Puis il est arrivé ce qui devait arriver : l’évolutionnisme de Darwin et la sélection sexuelle ont amené les doctrinaires du transformisme à n’admettre plus, comme levier biologique, que l’impulsion sexuelle. […] Mais ce sont là de ces bonheurs qui n’arrivent guère que dans les contes de fées. […] C’est cependant ce qui arriva. […] Puis il est arrivé un pilote.

1076. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Je n’ai traité ni de son théâtre, ni de ses derniers romans, ni d’aucun de ses recueils poétiques postérieurs à 1835, ou s’il m’est arrivé d’écrire pour moi quelque chose, je l’ai supprimé. […] C’est ce qui est arrivé dans ce cas au bienveillant narrateur.

1077. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

L’auteur arrive de suite au siège de Toulon, dont il embrouille les détails en les abrégeant, et au 13 vendémaire, dont il méconnaît les causes secrètes. […] On sait qu’à la fin du siège de Mantoue, Bonaparte, arrivé de la veille, assista à l’écart, et le visage caché dans son manteau, à la conférence qui eut lieu entre Serrurier, commandant du blocus, et Klenau, envoyé de Wurmser, et qu’il ne se découvrit qu’au dernier moment, en accordant au vieux maréchal des conditions plus honorables qu’il ne lui était permis d’en espérer.

1078. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Cependant il n’est pas encore arrivé au terme de la vie ; il n’a pas encore épuisé la gloire, l’amour, l’avenir. […] Il entend au dedans de lui une voix secrète qui lui dit : « Puisque l’ombre redouble, que le froid de la nuit se fait sentir, et que tu as marché tout te jour, prends courage, c’est que tu n’es pas loin d’arriver. » Dès lors la chaîne des saintes idées se renoue ; le souvenir de Dieu redescend, de ce Dieu fait homme, dont le dernier soupir, la dernière voix fut aussi une plainte à son père, un pourquoi sans réponse.

1079. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Nul effort, nulle réflexion pénible pour arriver où sa philosophie nous porte. […] Il faudrait, pour la caractériser dignement, emprunter les images qui lui sont le plus familières ; il faudrait dire que le lac de Némi, qu’aucun souffle ne ride, a moins de transparence et de limpidité ; que tour à tour cette poésie s’en fie comme une voile, flotte comme un nuage, s’épand comme une eau ; qu’elle est ce qui ri a point de rame et qui pourtant arrive ; qu’elle ne laisse ni trouble ni limon derrière elle, et que les cœurs après sont aussi purs que vague où le cygne a passé.

1080. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Cela étant, les prolétaires, c’est-à-dire les non-propriétaires, la classe des ouvriers des villes et des paysans des campagnes, arrivent de droit à saisir le rôle laissé vacant par l’avancement de la bourgeoisie. […] Reynaud est assurément ingénieuse, pleine de justesse et de portée ; mais c’est dans les conséquences auxquelles il arrive qu’il nous paraît sortir des faits réels et des améliorations praticables.

1081. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

On a prétendu que la décadence des arts, des lettres et des empires devait arriver nécessairement, après un certain degré de splendeur. […] On se demande comment, à cette époque, les sciences exactes n’ont pas fait plus de progrès, comment il est arrivé que presque aucun Romain ne s’y soit consacré.

1082. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Mais Fulvio, qui arrive aussi opportunément que de coutume, détrompe le capitaine et lui raconte son amour et les trames ourdies par son valet. […] D’autre part, les créanciers deviennent de plus en plus pressants ; la faillite arrive.

1083. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Ce savant était arrivé à cette conclusion : « Lorsqu’un organe des sens est soumis à une excitation prolongée, il oppose une résistance qui croît avec la durée de cette excitation. […] Il semble même qu’il faut que l’organe soit déjà arrivé à l’état d’équilibre, pour devenir apte à repasser par la série des modifications antérieures.

1084. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

La comedie n’a pas besoin d’élever ses personnages favoris sur des piédestaux, puisque son but principal n’est point de les faire admirer pour les faire plaindre plus facilement : elle veut tout au plus nous donner quelqu’inquiétude pour eux par les contretems fâcheux qui leur arrivent, et qui doivent être plûtôt des traverses que de veritables infortunes, afin que nous soïons plus satisfaits de les voir heureux à la fin de la piece. […] Nous voïons par l’avanture qui arriva aux funerailles de Vespasien, où Suetone nous dit que suivant l’usage on joüoit le caractere du défunt dans une piece de mimes, qu’il y avoit de ces pieces dans les moeurs romaines.

1085. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Il nous arrive souvent, quand nous voïons ce bâtiment dans la suite, de reconnoître que notre imagination avoit conçu une chimere. […] Cependant il est arrivé que les figures dont Vitruve avoit accompagné ses explications s’étant perduës, la plûpart de ces explications paroissent obscures aujourd’hui.

1086. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Enfin soit que les philosophes physiciens ou critiques posent mal leurs principes, soit qu’ils en tirent mal leurs conclusions, il leur arrive tous les jours de se tromper quoiqu’ils assurent que leur methode conduit infailliblement à la verité. […] Il arrive donc que ceux qui ont la vûë courte, hésitent quelque-temps à se rendre au sentiment de celui qui a les yeux meilleurs qu’eux, mais dès que la personne qui s’avance s’est approchée à une distance proportionnée à leur vûë, ils sont tous d’un pareil avis.

1087. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Au reste, cet éloge, comme on s’en doute bien, porte le caractère de l’âge où il fut composé ; c’est l’abandon de l’âme dans un songe tranquille ; on voit se succéder lentement et doucement les mouvements de l’orateur ; on voit les impressions arriver jusqu’à lui par des secousses insensibles, et ses idées ressemblent à ces lumières affaiblies et pâles qui se réfléchissent de loin, et conservent de la clarté sans chaleur. […] Enfin, le philosophe attache par l’étendue et la profondeur des idées ; l’orateur ne peut attacher que par les passions fortes ; l’effet des mouvements doux et tranquilles se perd, et n’arrive à la postérité que comme le ressouvenir d’un songe à demi effacé.

1088. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Que pouvait-il arriver à Goethe, sinon de désespérer de lui-même ? […] hommage doublement flatteur quand c’est de Brunswick qu’il nous arrive ! […] Mais quand l’injure lui arrive de ceux-là mêmes qui sont avec elle en communauté de croyances ! […] Il arrive un jour où le baron, fou de défiance et de colère, lui fait une insulte irréparable. […] C’est donc contre lui qu’Antoine, arrivé dans la capitale, dirige d’abord ses recherches.

1089. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

On m’avertissait qu’en haine de mon temps je me plaisais à repeupler de fantômes les nécropoles du passé, et que dans mon amour exclusif de la poésie grecque, j’en étais arrivé à nier tout l’art postérieur. […] S’il arrive donc que nous ne devions plus rien produire qui soit dû à nos propres efforts, sachons garder le souvenir des œuvres vénérables qui nous ont initiés à la poésie, et puisons dans la certitude même de leur inaccessible beauté la consolation de les comprendre et de les admirer. […] Que sera-ce donc si elles en arrivent à ne plus former qu’une même famille, comme se l’imagine partiellement la démocratie contemporaine, qu’une seule agglomération parlant une langue identique, ayant des intérêts sociaux et politiques solidaires, et ne se préoccupant que de les sauvegarder ? […] M. de Lamartine est arrivé à la gloire sans lutte, sans fatigue, par des voies largement ouvertes. […] Elles vont, elles descendent, plus impétueuses de minute en minute, arrivent à la mer, et font une immense trouée à travers les houles effondrées.

1090. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

S’il avait été contrarié sans cesse et battu par le flot montant de la Révolution, il arriva haut du premier jour avec le reflux. […] M. de Chateaubriand arrivait lui-même en France au mois de mai 1800, et s’apprêta à publier. […] Quoi qu’il en soit, il avait quelque lieu ici de redouter ce qui n’arriva pas. […] Cette dernière tentative des épopées classiques élégantes et polies m’arrivait oralement et toute vive, un peu comme s’il se fût agi, avant Pisistrate, d’un antique chant d’Homère. […] Pureté, sentiment, discrétion, tout en fait un petit chef-d’œuvre, à qui il ne manque que de nous être arrivé par l’antiquité.

1091. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

La tradition des principes philosophiques et de l’enthousiasme politique, par où débutèrent tant de jeunes esprits d’alors, ne lui arriva point. […] Villemain, professeur, a toujours aimé toucher vers la fin du discours, comme on arrivait avec joie près du temple de Delphes, sur ce terrain sacré où cessaient les guerres. […] Il dirait volontiers, comme Pline : « Mais ne serait-ce pas une indignité, qu’on ne pût admirer à son aise et tout haut un homme digne d’admiration, parce qu’il nous arrive de le voir, de le connaître et de le posséder ?  […] S’il lui arrivait de s’écrier comme Pline, dont j’aime à citer le nom près de lui : « Magnum proventum poetarum annus hic attulit. […] Jay des articles pour le Journal de Paris : ces articles, à mesure qu’il les écrivait, devinrent peu à peu, sous sa plume fertile, tout un volume, comme cela lui arriva aussi pour Suard ; mais le volume sur Montaigne est, par malheur, resté dans ses papiers.

1092. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

XI « Mais qu’arrivera-t-il aussitôt après cette première ébullition de l’esprit militaire tombée ? « Il arrivera que les peuples, les vrais peuples, ceux qui ont l’orgueil de leur indépendance, la vertu de leur patriotisme, le zèle sacré de leur famille, de leur propriété, de leur gouvernement, monarchie ou république, commenceront à s’étonner, puis à s’alarmer, puis à s’irriter de cette invasion de la France, et à se demander si la liberté apportée à la pointe des baïonnettes ou des piques étrangères est bien la liberté ou la servitude. […] « Et qu’arrivera-t-il à l’intérieur ? […] Et qu’arriva-t-il ? XIII Il arriva ceci : c’est que tous les cabinets européens sans exception, les plus hostiles à la France, et surtout à la France sous la dénomination de république, eurent la bouche fermée et la main désarmée par cette déclaration d’inviolabilité de tous les territoires, de tous les gouvernements et de tous les traités, même les plus onéreux pour la France ; c’est qu’aucun gouvernement, monarchique, représentatif ou républicain, n’eut le prétexte d’appeler ses peuples aux armes contre une république qui respectait chez les autres les inviolabilités inoffensives qu’elle revendiquait pour elle ; c’est que les peuples, au lieu de s’indigner et de se lever contre une France conquérante ou menaçante de leurs foyers, conçurent une partialité bienveillante pour une France respectueuse envers tous les territoires et envers toutes les formes d’institutions nationales des autres contrées ; c’est que cette loyauté équitable de la France popularisa à l’instant le nom de la nouvelle république dans toute l’Europe, et prédisposa, sans aucune immixtion propagandiste du cabinet républicain, tous les peuples voisins à se donner des institutions représentatives modelées de plus ou moins près sur la France ; c’est que Berlin, Vienne, Turin, Milan, Naples, Rome, Florence, Londres même et Dublin s’émurent d’une sympathie spontanée pour la France ; c’est que, bien loin de pouvoir penser à former des coalitions nationales contre nous, les princes et les gouvernements eurent assez à faire pour se préserver eux-mêmes du contrecoup de notre sagesse ; c’est qu’enfin, après trois mois seulement d’une telle diplomatie pratiquée religieusement dans le cabinet français, la France n’avait qu’à choisir entre tous les systèmes d’alliances qu’il lui conviendrait d’adopter.

1093. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Cela n’allait pas sans peine parfois : Despréaux n’arriva jamais à comprendre les causes de l’invasion de la Hollande. […] Là, on s’émancipait à de plus vives gaietés, encore bien inoffensives : comme il arrive souvent aux gens voués par profession aux graves pensées et aux travaux sérieux, ces magistrats, ces savants et ces prêtres ont le rire serein et facile de l’enfance. […] Bourdier s’étant retiré pour n’être pas témoin d’une entreprise aussi téméraire » ; l’éclatant monosyllabe qu’il articula en sortant de l’eau, et que jamais il ne put arriver depuis à faire sortir une seconde fois de son gosier ; enfin son retour à Paris, et toutes les recettes dont il essaye, sans confiance et jamais tout à fait sans espoir, tisane d’érysimum, grains de myrrhe transparente, et même simple eau de poulet, qui avait rendu la voix à un chantre de Notre-Dame : tout cela fait une comédie digne de Molière. […] Despréaux arrive, récite de ses vers ; on dîne, on médit d’une tragédie de La Serre ; et en prenant le café sous un berceau, dans le jardin, la conversation tombe sur la déclamation dramatique : Boileau, évoquant les souvenirs d’un temps qui lui est cher, montre comment la Champmeslé disait un vers du rôle de Monime, ou Molière une tirade du Misanthrope. […] La littérature prenait un train qui n’était pas pour le réjouir : on arrivait à l’Académie par les femmes, sans avoir écrit une ligne.

1094. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Quand on sait ou qu’on devine beaucoup, qu’on est d’une vieille race fatiguée et sans naïveté, il peut arriver qu’on en souffre, et ce malaise redouble l’ardeur de connaître et de sentir ; il nous fait chercher l’oubli dans la curiosité croissante ou dans une sorte de sensualisme esthétique. […] Ce qui est certain c’est qu’il est parfaitement heureux et qu’on arrive à se fondre dans sa béatitude par le détachement et la bonté inactive. […] Rien n’a de substance ni de réalité ; toute chose est le rêve d’un rêve ; et la Vision de Brahma est un obscur poème qu’il faut lire sous le poids d’un grand soleil, quand la tête se vide, quand la mémoire fuit, quand la volonté se dissout, quand on reçoit des objets voisins des impressions si intenses qu’elles tuent la pensée, quand on sent sur soi de tous côtés la molle pesée de la vie universelle et que le moi y résiste à peine et voudrait s’y perdre tout entier, quand la vie arrive à n’être plus qu’une succession d’images sur lesquelles ne s’exerce plus le jugement et que l’on conserve juste assez de conscience pour souhaiter qu’elle s’évanouisse tout à fait, parce qu’alors il n’y aurait plus rien, plus même d’images, et que cela vaudrait mieux. […] Arrivés au terme de leur énergique pèlerinage, ils eurent à lutter contre une nature rude et pauvre de soleil, dont l’inhumanité les condamnait à l’action violente, tandis que ses aspects les inclinaient aux rêves vagues et brumeux. […] Mais la Nature n’est pas seulement cruelle par sa sérénité : il lui arrive d’être franchement lugubre.

1095. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Depuis quelque temps, la politique préoccupe Faguet, commerçant arrivé et bon citoyen, ce qui nous épargne quelques âneries littéraires. […] Mais il lui arriva un grand malheur. […] Il prend je ne sais quelle paradoxale conscience de son inexistence et arrive à un détachement amusé. […] Il lui arriva pourtant en une brochurette lourde de méthode sur l’Évolution Félibréenne de dire quelques paroles peut-être courageuses : « Beaucoup, déclare-t-il, sont entrés dans le mouvement félibréen qui ne détestaient point une façon de plus de s’imposer à l’estime de leurs concitoyens ou qui tenaient à écrire dans leur idiome local des vers qui n’auraient pas mieux valu en français. » Et encore : « Que le félibrige soit tombé en discrédit et, pour ne rien céder, se soit même rendu un peu ridicule, il est regrettable qu’il y ait des félibres à ne s’en être point aperçus. » Charles-Brun est félibre ; il n’appartient pas du moins au ridicule félibrige de Paris où pontifient toutes les semaines cinquante grotesques dont les plus connus sont Maurice Faure, ce sénateur ; Albert Tournier, ce député ; Batisto Bonnet, cette canaille ; Sextius Michel, ce gaga. […] Gidel arriva le premier.

1096. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Mais avant qu’elle n’arrive, il a redoublé son exploit !‌ Le 27 mai, écrit-il à sa mère, on n’arrivait pas à se rendre maître de la sortie d’Ablain-Saint-Nazaire, du cimetière et du chemin creux. […] Ces vues n’ont rien de neuf et je les cite pour faire connaître à quel type d’âme se rattache Joseph Hudault, mais ici il arrive à une observation qui sort proprement de son expérience et qu’il faut retenir :‌ Je me suis convaincu qu’aujourd’hui on ne peut faire passer une idée morale, un bon conseil, qu’avec un accroissement de bien-être. […] S’il m’arrive malheur, il restera quelque chose de mon passage… » En septembre, le 67e alla prendre place parmi les troupes massées en Artois pour la grande offensive. […] Et voici, datée du 14 septembre 1916, la lettre dernière, celle qui n’arrive à son adresse que si les pressentiments qu’elle exprime ont été confirmés par le destin :‌   Cher papa, je t’écris cette lettre à tout hasard, sait-on jamais… Ce n’est pas la première fois que j’écris comme cela ; les autres ont été déchirées après le coup donné, celle-ci, je pense, aura le même sort.

1097. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

C’est ce qui arrive dans le cas de notre cercle et de notre hélice qui se correspondent point à point. […] Grâce à cette troisième dimension d’Espace, toutes les images constituant tous les moments passés et futurs de l’univers sont données d’un seul coup avec l’image présente, non pas disposées les unes par rapport aux autres comme les photographies le long d’un film (pour cela, en effet, il n’y aurait pas de place), mais arrangées dans un ordre différent, que nous n’arrivons pas à imaginer, que nous pouvons cependant concevoir. […] Ne disons donc pas que les événements ou accidents nous arrivent ; c’est nous qui leur arrivons. […] Eddington : « Les événements n’arrivent pas ; ils sont là, et nous les rencontrons sur notre passage.

1098. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

J’ai passé l’âge d’être éducable et j’arrive de diablement loin. […] Le son des cloches m’arrivait comme une onde puissante et suave qui serait venue rouler sur moi de l’extrémité d’un Océan. […] Il arrive donc la chose terrifiante que voici. […] Ils arrivent de partout, de la plaine et de la montagne, de l’égout et du lupanar. […] Tout au plus arrive-t-on à dire ses vers en imitant, comme on peut, son étonnante manière.

1099. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Il arrive que les années en s’écoulant renouvellent les points de vue, et que l’observation attentive, grâce à ce bénéfice du temps, peut encore trouver quelque chose. […] Paul Albert, avait commencé cette histoire : c’est une des raisons pour lesquelles je préfère n’y arriver que plus tard. […] Il n’y a que l’enfant qui vient de naître qui le soit plus que toi, car il ne fait que d’arriver. […] La renommée des triomphes de Hardy, qui occupait depuis vingt ans la scène, arriva jusqu’à lui. […] Ce sonnet fut, dit-on, composé à l’occasion de la mort de Louis XIII, qui arriva cinq mois après, le 14 mai 1643.

1100. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Je n’ai pris, avant d’arriver au nouveau livre de M.  […] Il arrive à Flaubert ce qui est arrivé au Parthénon : les fouilles ont déchaussé ses fondations, mis à nu, sous le marbre fait pour la lumière, les assises de pierre que l’architecte n’avait prévues qu’enfouies. […] Par là, nous arrivons au cas de Flaubert, qui est très complexe. […] Mais ces livres du jour eux-mêmes, il arrive qu’on n’a pas le temps de les lire. […] Vianey, c’est à la méthode dite lansonienne qu’on en a, arrivons à M. 

1101. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Cela arrive-t-il aussi dans le cas de la rosée nocturne ? […] D’où il suit qu’au bout d’une seconde il est arrivé à l’extrémité de AB en mouvement, comme il serait arrivé au bout d’une seconde à l’extrémité de AB en repos. […] D’où l’on voit que, parti de l’angle du parallélogramme, il est arrivé à l’angle opposé. […] Si longue que soit une série d’événements réels, par exemple la suite des changements arrivés depuis la formation de notre système solaire, si vaste que soit un groupe de corps réels, par exemple l’assemblage de tous les systèmes stellaires auxquels nos télescopes peuvent atteindre, le réceptacle déborde au-delà ; nous aurions beau accroître la série ou le groupe, il déborderait toujours, et la raison en est qu’il n’a pas de bords. […] Parti du point de vue opposé, Stuart Mill arrive à une conclusion semblable.

1102. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

… Je ne sais que répondre, mais je pense que c’est dans mon tempérament, … comme aussi de me réveiller dans l’abattement, ce qui n’a jamais manqué de m’arriver depuis plusieurs années. […] Les vainqueurs arrivent, il ne daigne pas leur répondre ; le prêtre approche la croix bénite, il l’écarte avec mépris. […] Leurs fronts sous cette lumière désespérée avaient un aspect infernal, lorsque par saccades — les éclairs arrivaient sur eux. […] Les brutes les plus farouches — arrivaient apprivoisées et craintives, et les vipères rampaient — et s’entrelaçaient parmi la multitude — avec des sifflements, mais sans morsure. […] Il arrive au milieu des tendresses ou des meurtres avec des drôleries de petit journal, avec des trivialités, des cancans, avec des injures de pamphlétaire et des bigarrures d’Arlequin.

1103. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Mais, pour dissiper tous les doutes et toutes les objections, il est nécessaire que nous dissertions un peu sur l’art et sur la loi de son développement : sans cela nous n’arriverions à rien de clair. […] De même que dans l’industrie l’homme ne fait que modifier la nature, tailler, greffer, déplacer, ou grouper ce qui est déjà ; ainsi, dans cet art intermédiaire, il ne fait que modifier l’art qui existe déjà, en tailler des débris, en déplacer des portions, greffer dessus quelques inspirations d’un autre âge ; et il n’arrive, la plupart du temps, qu’à défigurer et amoindrir les œuvres sur lesquelles il travaille, comme l’industrie fait souvent d’un animal généreux un animal timide et sans beauté, ou d’un arbre élancé et vigoureux un arbre rabougri ou monstrueux dans sa forme. […] Il devait donc arriver que les âmes les plus frappées de la tristesse de cette Humanité livrée au hasard, et de cette incertitude de l’esprit humain en présence d’une science en apparence purement critique et négative, rechercheraient les solutions chrétiennes, et se rapprocheraient des hommes qui souffrirent les mêmes maux de l’âme dans une époque analogue de l’Humanité. […] On dit à la science et à la philosophie qu’elles sont menteuses, parce qu’en effet, en ce jour, à cette heure, elles ne sont pas encore arrivées au point où, reliant leurs rameaux épars, et vivifiées par une charité nouvelle, elles deviendront une religion, comme autrefois elles devinrent le Christianisme. […] Or c’est là précisément ce qui est arrivé à nos poètes chrétiens.

1104. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Les mouvements en étaient si impétueux que sa sœur Euphémie, parlant de son humeur bouillante, dit « qu’il paraît clairement que ce n’est plus son esprit naturel qui agit en lui. » Il lui arriva de quitter la science et la philosophie, d’éteindre en lui toute curiosité des choses de la nature, avant d’avoir fait choix de ce qu’il devait mettre à leur place. De même, il lui arriva d’être saisi d’un grand mépris du monde, et d’un dégoût insupportable do toutes les personnes, avant de sentir aucun attrait du côté de Dieu. […] L’accident du pont de Neuilly, arrivé dans l’automne de cette même année, où Pascal avait vu les chevaux de son carrosse précipités dans l’eau, et le carrosse s’arrêter sur le bord, hâta ce dégoût du monde et ce retour à la foi. […] Jamais Pascal n’abonde dans son sens, n’exagère ses preuves, ne force ses interprétations, ou ne se contente de voir à demi, comme il arrive au docteur que le zèle du mandat, l’esprit de la profession, l’habit, rendent moins délicat sur la qualité et la force des preuves. […] Mais il aime mieux ajourner le moment de la possession que de n’y pas arriver par la voie légitime.

1105. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Quand ce processus indivisiblement sensitif, émotif et appétitif, arrive à se réfléchir sur lui-même et à constituer une forme distincte de la conscience, nous l’appelons, au sens cartésien et spinosiste, une idée, c’est-à-dire un discernement inséparable d’une préférence. […] Le son n’arrive à la réalité que dans la sensation. […] Mais, quelques expérimentations que l’on fasse, il faudra toujours arriver devant certains termes irréductibles et devant une relation irréductible, qu’il importe d’exprimer correctement. […] Au point de vue de l’observation purement psychologique, la jouissance et la souffrance ainsi que la réaction de l’appétit à l’égard des sensations se distinguent nettement des sensations mêmes, en tant que présentations d’objets qui arrivent ou s’en vont devant l’œil intérieur. […] Intellectuellement, objet ne se comprend que par le sujet, et le sujet ne se saisit que dans son rapport à un objet ; donc l’intelligence arrive elle-même à poser la dualité sujet-objet, et, ceci fait, elle n’a plus rien à se représenter : l’intelligence proprement dite a atteint sa limite.

1106. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Inutile d’ajouter que, dans l’expérience, jamais psychologue n’arrivera devant un tel gouffre ; jamais il n’aura le droit de prétendre que ce qu’il n’a pu expliquer soit pour cela inexplicable. […] Comme il nous arrive d’agir indépendamment des motifs conscients et de tous les objets internes clairement aperçus par notre réflexion, nous croyons avoir réalisé notre idée de volonté indépendante. […] Mais la comparaison n’est pas arbitraire, sinon elle ne servirait à rien ; nous ne jugeons ni ne sentons arbitrairement ; nous n’arrivons donc pas arbitrairement à la conscience de tel rapport entre les diverses directions jugées et senties qui s’ouvrent à notre activité. […] Or c’est ce qui arrive quand, sous l’empire d’une impulsion, nous concevons l’opposition possible à cette impulsion : par le fait même, il se produit déjà une certaine opposition réelle. […] Il peut même arriver que toute ma puissance réside de fait dans cette idée ; en tout cas, si je ne l’eusse pas conçue, aucune volonté d’excuses n’eût été possible : l’idée est donc bien la condition de ma puissance sur moi.

1107. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Où l’homme n’arrive-t-il pas en faisant jouer les ressorts de la vanité féminine ? […] C’est là ce qui est arrivé ; l’auteur a perdu et n’a jamais retrouvé la veine de Madame Bovary. […] Aussi, qu’arrive-t-il ? […] … Les choses ne t’arrivent que par l’intermédiaire de ton esprit. […] — Qu’il lui arrive de se couper. — S’il ne se coupe, vous en serez donc contrarié ?

1108. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Ramond était arrivé à l’âge de vingt-cinq ans : ici sa carrière va subir une déviation singulière et qui aurait pu être fatale à tout autre. […] Le célèbre charlatan qui se faisait appeler le comte de Cagliostro était arrivé à Strasbourg en septembre 1780, précédé d’une réputation extraordinaire pour les sciences occultes et pour les cures miraculeuses ; toute la haute société, la noblesse d’Alsace, donna le signal en sa faveur, et le cardinal de Rohan, avant de l’avoir vu, était déjà séduit. […] Ainsi, en montant le pic du Midi, le voyageur arrivé à une certaine élévation se trouve avoir atteint à un beau réservoir d’eau appelé le lac d’Oncet, et où la nature commence à prendre un grand caractère ; il en fait voir en peu de mots l’encadrement, et en quoi ce nouveau genre de beauté consiste : C’est un beau désert que ce lieu : les montagnes s’enchaînent bien, les rochers sont d’une grande forme ; les contours sont fiers, les sommets hérissés, les précipices profonds ; et quiconque n’a pas la force de chercher dans le centre des montagnes une nature plus sublime et des solitudes plus étranges prendra ici, à peu de frais, une idée suffisante des aspects que présentent les monts du premier ordre.

1109. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On était arrivé cependant, en examinant bien les divers écrits de Vauvenargues, à n’y pas voir seulement un jeune homme plein de nobles et généreux sentiments, de pensées honorables à l’humanité, doué d’un talent d’expression singulièrement pur, et d’une sorte d’ingénuité élevée de langage, — le meilleur des bons sujets et le modèle des fils de famille ; ce premier Vauvenargues qui se dessine, en effet, dans quelques réflexions et maximes souvent citées de lui, ce premier Vauvenargues que chaque âme honnête porte en soi à l’origine avant le contact de l’expérience et la flétrissure des choses, était dépassé de beaucoup et se compliquait évidemment d’un autre en bien des points de ses ouvrages. […] Vauvenargues ne saurait mieux marquer par quelle extrémité de fortune et, pour ainsi dire, par quelle contrainte du sort il est arrivé comme malgré lui à livrer au public les productions de sa plume, à se faire homme de lettres ; et quand Saint-Vincens, qui n’a pas lu encore l’ouvrage et qui en a entendu dire du bien, lui en renvoie par avance de flatteuses louanges, voyez de quel air il les accueille ; il en est presque humilié : Je suis bien touché de la part que vous voulez prendre aux suffrages que mon livre a obtenus ; mais vous estimez trop ce petit succès. […] Aujourd’hui que l’homme de lettres est tant célébré par la raison peut-être qu’il se célèbre lui-même, qu’on ne s’étonne pas trop de cette répugnance de Vauvenargues pour le métier d’homme de lettres, et de ce qu’il n’y arrive que si fort à contrecœur et à son corps défendant.

1110. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

M. le duc de Berry (le petit-fils de Louis XIV), qui avait beaucoup d’amitié pour lui, le voyant arriver et ne doutant pas que ce fût une étourderie, fit tout ce qu’il put pour l’engager à s’en retourner. […] Il y avait cependant, alors même, de singulières infractions à cette étiquette, et telles qu’on ne le croirait pas, si un narrateur aussi véridique que M. de Luynes ne nous les certifiait en nous citant ses garants et auteurs : Mme la duchesse mère (fille naturelle de Louis XIV) me contait à Marly, il y a quelques jours, que dans les soupers du feu roi avec les princesses et des dames à Marly, il arrivait quelquefois que le roi, qui était fort adroit, se divertissait à jeter des boules de pain aux dames et permettait qu’elles lui en jetassent toutes. […] M. le cardinal ayant conté au Roi ce qui venait de lui arriver, Sa Majesté lui dit qu’il avait fait changer les gardes (les gardes ou garnitures de la serrure).

1111. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Portalis) ; le respectable orateur ne se fie pas, comme le précédent, au verre d’eau sucrée, souffleur trop souvent capricieux : « Il arrive toujours ayant à la bouche un commencement d’improvisation dont la suite est toujours sous son bras, dans de certains petits papiers dont il ne se sépare guère… » Et sur ces petits papiers, ô merveille ! […] « Non-seulement il n’a pu trouver une pointe, mais même les mots, chose étrange, lui ont manqué… Les subjonctifs étaient rares, la phalange des adjectifs, d’ordinaire si docile et si abondante, n’arrivait pas. » Et cet autre, plus ou moins ministre aussi (M.  […]  » Mais il n’est pas si sot, ce bourgeois. il n’a pas lu Locke, mais il lui est arrivé, je ne sais comment, — à travers l’air, — quelque chose de sa réserve prudente.

1112. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot sur ce parfait isolement et cet aparté de la science, et je ne vois pas pourquoi, arrivés au sommet de leur ordre et à la plénitude de leur vie, les savants ne seraient point légitimement appelés et invités à concourir de leurs lumières à la chose publique, à résoudre tant de questions pratiques et utiles qui intéressent la bonne police des sociétés humaines, et sur lesquelles ils ont qualité, plus que personne, pour décider. […] Nous n’aurions qu’à rappeler qu’il lui est arrivé, à lui tout le premier, en deux occasions (1828 et 1835), de prendre l’initiative pour proposer les mesures qu’il estimait les plus avantageuses à l’approvisionnement de la capitale, tout comme l’aurait pu faire un membre du Conseil municipal de Paris. […] Il ne vous est arrivé, en fait de désagréments, que ce que vous vous êtes attiré de gaieté, de cœur, et en le voulant bien. — Oh !

1113. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Quoi qu’il en soit, ces scènes vulgarisées se succèdent d’une manière assez amusante et vivante, si on les suppose vues et non lues ; et c’est ainsi qu’on arrive aux scènes de la Madeleine qui, sans être « délicieuses », comme le prétendent les enthousiastes, nous paraissent assez piquantes. […] Il y a certainement du talent proprement dit dans ce crescendo final qui arrive jusqu’au cri et au déchirement. […] Elle a inspiré à de grands poètes tragiques, aux Shakespeare et aux Schiller eux-mêmes, des inventions odieuses ou absurdes ; elle a inspiré au plus bel esprit et à la plus vive imagination une parodie libertine qui est devenue une mauvaise action immortelle ; elle est en possession de faire naître, depuis Chapelain, des poèmes épiques qui sont synonymes d’ennui, et que rien ne décourage, qui recommencent de temps en temps et s’essayent encore çà et là, même de nos jours, sans arriver jusqu’au public : soyez bien sûrs qu’à l’heure où je vous parle il y a quelque part un poëme épique de Jeanne d’Arc sur le métier.

1114. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Comme il convient de se bien définir à soi-même les termes, même les plus courants et les plus connus, on appelait proprement dragonnades l’opération, en apparence très-simple, qui consistait à faire arriver dans un pays des dragons ou tout autre corps de cavalerie, à les loger chez des bourgeois, métayers ou fermiers protestants, ou même des nobles, et à les ruiner par ces logements prolongés qui, dans l’état encore très-neuf de la discipline militaire d’alors, et surtout quand on voulait bien y donner les mains et fermer les yeux, étaient accompagnés de quantités d’exactions, vexations, coups, viols, sévices et parfois meurtres ; on exemptait qui l’on voulait de ces logements, et on écrasait les autres. […] Quand un peu de jour arrivait à Louis XIV sur l’affreuse réalité que cachaient les beaux et spécieux rapports des intendants courtisant, comme il était loin d’être inhumain, il ordonnait de relâcher, de ralentir ou de suspendre les mesures. Puis bientôt la confiance, la crédulité si naturelle à qui se croit de bonne foi l’instrument divin, la force de la prévention et du fanatisme, l’impossibilité aussi de s’arrêter dans une entreprise poussée si loin et tellement engagée, reprenaient le dessus ; et c’est ainsi qu’on arriva au bout du dessein le plus impolitique et désastreux.

1115. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Il consulte un ami intime, son docteur ; celui-ci l’éclaire et ne lui cache rien du danger : « Non ; il arrive un jour, te dis-je, où la meilleure est saisie d’une impatience fébrile, d’une avidité de savoir désespérée. […] Feuillet arrivera plus tard à la franchise de l’expression dans Dalila ; mais jusque-là il y a quelques impropriétés, des tours assez peu naturels, sous une forme toujours élégante d’ailleurs et polie. […] Le jeu de mots, comme il arrive quelquefois, a conduit à la vive et parfaite vérité.

1116. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Les troupes françaises aussi, qui opéraient leur retraite, commençaient à arriver : elles campaient dans la ville un peu comme en pays ennemi, et un jour M.  […] A peine arrivé à Paris, il allègue auprès de M. de Talleyrand les serments qu’il a prêtés et qui le lient. […] On a peine à comprendre comment il arrive si souvent à cet administrateur capable et habile de déchoir ainsi de rang et de devenir, comme on dit, d’évêque meunier.

1117. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

. — Comment y arrive-t-on ? […] On arrive ainsi à une sorte d’ascétisme intellectuel, à ce mandarinisme béat que Nietzsche symbolise dans le parfait philologue. […] Sans doute il peut arriver que les qualités développées par cette éducation coïncident avec une personnalité vigoureuse, une volonté forte, une intelligence pénétrante, une sensibilité vive et originale ; mais c’est par un accident heureux que cette rencontre a lieu.

1118. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Après avoir accepté avec confiance ce mode d’interprétation par les choses extérieures et la démonstration de Dieu par la nature, Fénelon, dans la seconde partie de son Traité, aborde un autre ordre de preuves ; il admet le doute philosophique sur les choses du dehors et s’enferme en soi, pour arriver au même but par un autre chemin et pour démontrer Dieu par la seule nature de nos idées. Mais, en admettant ce doute universel des philosophes, il ne s’effraie pas de cet état ; il le décrit avec lenteur, presque avec complaisance ; il n’est ni pressé, ni impatient, ni souffrant comme Pascal ; il n’est pas ce que Pascal dans sa recherche nous paraît tout d’abord, ce voyageur égaré qui aspire au gîte, qui, perdu sans guide dans une forêt obscure, fait mainte fois fausse route, va, revient sur ses pas, se décourage, s’assied au carrefour de la forêt, pousse des cris sans que nul lui réponde, se remet en marche avec frénésie et douleur, s’égare encore, se jette à terre et veut mourir, et n’arrive enfin qu’après avoir passé par toutes les transes et avoir poussé sa sueur de sang. […] Il vient de nous peindre cette jouissance spirituelle du premier ordre, qui commence par Pythagore et par Archimède, qui passe par Aristote, et qui arrive et monte jusqu’aux saints : il semble lui-même, en l’envisageant dans ce suprême exemple, n’avoir fait que monter un degré de plus à l’autel.

1119. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il est arrivé, en effet, que, ce drame une fois terminé, l’auteur qui l’avait lu et relu dans le monde avec applaudissement, fut pressé de le publier ; il hésita, il consulta, et, comme il s’adressa à un homme grave (M. de Broglie), il lui fut conseillé de laisser là l’imagination sur la personne et l’âme d’Abélard, et d’en venir à l’étude même de sa philosophie. […] Il avait l’imagination tendre et vive ; enfant, sa pensée se tournait naturellement aux choses célestes, et, dans ce pays de montagnes, il s’était accoutumé à les considérer comme les colonnes qui portaient le palais du Roi des mondes ; il ne s’agissait que de gravir pour y atteindre : Comme cette pensée roulait sans cesse dans son esprit, nous dit M. de Rémusat, qui se fait ici le traducteur excellent et l’humble interprète du premier biographe, il arriva qu’une nuit, il crut la réaliser. […] Dans les développements qu’il y donne, il me permettra de regretter que là, comme il lui arrive d’ordinaire en pareille matière, il se soit trop asservi aux formes philosophiques du jour, et que lui, esprit si vif et si français quand il le veut, il ne perce pas d’outre en outre, une fois pour toutes, ces expressions vagues et vaines, ces métaphores abstraites qui donnent un air de réalité à ce qui n’est que le nuage subtilisé du raisonnement.

1120. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Au contraire la poësie nous décrit tous les incidens remarquables de l’action qu’elle traite, et ce qui s’est passé jette souvent du merveilleux sur une chose fort ordinaire qui se dit ou qui arrive dans la suite. […] Le poëte arrive encore plus certainement que le peintre à l’imitation de son objet. […] Il arrive même souvent que le peintre, en operant comme poëte, se suggere à lui-même comme coloriste et comme dessinateur des beautez qu’il n’auroit point rencontrées s’il n’avoit point eu des idées poëtiques à exprimer.

1121. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Auguste, sous le regne de qui cette avanture arriva, aimoit mieux que le peuple fut le maître au théatre que dans le champ de Mars. […] Pylade se contenta de lui répondre que ce qui pouvoit arriver de mieux à l’empereur, c’étoit que le peuple s’occupât de Bathylle et de Pylade. […] La seconde raison, c’est que vraisemblablement la chose a dû arriver ainsi.

1122. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Il nous montre un naturaliste qui arrive alors en poste de Brème à Leipzig. […] Il arrive donc ce qui arrive toujours quand, à de grandes dépenses, répondent de petits revenus : on consomme d’abord les économies, puis la banqueroute arrive. […] Maintenant arrive le jeune prince ; il choisit la princesse et dédaigne les neuf autres. […] Ce café est arrivé à une haute célébrité : il fut le berceau du symbolisme. […] Et cependant il peut, dans les deux cas, éveiller absolument les mêmes émotions que si, plein de sonorité, il arrivait à la conscience par l’ouïe.

1123. (1886) Le roman russe pp. -351

Cela devait arriver, il faut leur laisser jeter cette gourme. […] En 1817, il arrive du Lycée, déjà célèbre, enfant sublime, lui aussi : il a juste l’âge du siècle. […] Dès qu’il arrive à la pleine possession de son talent, le dessin l’emporte chez lui sur la couleur. […] Il n’est pas encore arrivé à la pleine conscience de lui-même ; il est bien près d’y atteindre. […] qu’arrivera-t-il de vous ?

1124. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Il lui arrive de nous montrer des choses abominables sans nul étonnement et, par conséquent, sans insistance. […] Car, quand il arrive à M.  […] » Enfin, le funèbre cortège arrive dans le jardin sombre. […] Elle arrive devant la porte de fer. […] Piotr arrive alors, c’est un petit hébreu grêle, pâle et fin, avec de beaux yeux : une fille.

1125. (1910) Rousseau contre Molière

Il suffit de s’apercevoir du moment où elle arrive. […] Oronte arrive qu’Alceste ne connaît que vaguement. […] On comprend combien Fabre, et assez naïvement, est arrivé loin de Molière. […] C’est chose qui arrive. […] En civilisation avancée, il arrive, rarement Dieu merci, mais enfin il arrive qu’une jeune fille s’éprenne d’un homme âgé à cause de son intelligence, de son talent, etc.

1126. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

que va-t-il m’arriver à ce dernier coup ? […] On arrive presque à penser comme lui. […] On voulut border le petit foc pour arriver, mais il fut déchiré comme une feuille de papier. […] La nuit arrive. […] Ces antithèses arrivent toutes seules sous la plume.

1127. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Au temps même où il daubait les bourgeois libres-penseurs de Chignac, il lui arrivait de faire sur lui-même un loyal retour. […] Il lui arrive de renchérir sur le charbonnier. […] Je n’ignore pas que, si Louis Veuillot eût vécu quelques années de plus, certaines pages qu’il m’est arrivé d’écrire eussent pu, encore qu’assez innocentes, exciter son indignation. […] Il lui arrivait à chaque instant d’être séduit comme artiste par ce qu’il était tenu de réprouver comme chrétien ; et de là de réelles angoisses. […] Est-ce qu’on ne voit pas que les sociétés même de brigands arrivent à s’organiser, à assurer à tous leurs membres une vie supportable ?

1128. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Donc tout ce qui arrive à nous à travers l’histoire nous apparaît dans sa simplicité ; au contraire, l’utile de chaque jour, avec sa surcharge de trivialité, reste prosaïque ; et voilà pourquoi l’utile devenu historique devient beau. […] que vous est-il arrivé de funeste ? […] Au contraire, si le héros en scène est représenté dans un état passionnel quelconque, voilà sa personnalité qui transparaît, s’affirme ; sa vision des choses ne nous arrive que déformée ou transformée par cette personnalité, et ce sont les détails caractéristiques du second genre qui surgissent. […] Un Anglais, lord Evandale, un savant allemand et leur escorte, après avoir parcouru dans une sépulture égyptienne les divers couloirs et les diverses salles, arrivent sur le seuil de la dernière, la « Salle dorée », celle qui contient le sarcophage.  […] Le bois était ténébreux… Quelques bruyères sèches, chassées par le vent passaient rapidement et avaient l’air de s’enfuir avec épouvante devant quelque qui arrivait. » (Les Misérables.)

1129. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

On se sert ainsi de la science pour arriver au sentiment raffiné. […] Une fois arrivé au mot étoiles, il ne reste à Hugo que toiles pour rimer richement. […] Et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a j’amais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. […] Je ne résiste plus à tout ce qui m’arrive              Par votre volonté. […] Je souhaite qu’il sen arrivent à ce style scientifique dont M. 

1130. (1894) Critique de combat

On ne sait pas ce qui peut arriver. […] Napoléon arrive triomphant en Pologne. […] Vous devinez ce qui arrive alors. […] J’arrive au second grief de M.  […] C’est bien ce qui lui est arrivé.

1131. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il arriverait à M.  […] C’est ce qui est arrivé à M.  […] Paul Bourget : je veux arriver des premiers, lui apportant la mienne. […] Qu’arrive-t-il alors ? […] Voilà le cadavre : les corbeaux arrivent.

1132. (1896) Écrivains étrangers. Première série

En novembre 1802, il arriva à Londres. […] Lui arrive-t-il de se sacrifier ? […] Ils arrivent de tous les coins de la Russie, ils arrivent aussi d’Amérique et d’Angleterre. […] Et bientôt il arriva lui-même, en compagnie d’un de ses gendres. […] Mais j’ai hâte d’arriver à l’interview de M. d’Annunzio.

1133. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Il ne s’en est pas tenu là : recherches, questions, renseignements glanés de toutes parts, il n’a rien négligé, et il nous arrive aujourd’hui avec une édition modèle qui réalise pour le dernier en date des classiques ce que d’autres entreprennent et exécutent en ce même moment avec un zèle égal, mais non pas plus heureux, pour les grands écrivains du xviie  siècle. […] Il a fallu bien des années, bien des efforts et des bégayements de l’admiration et de la critique pour arriver à le refaire et à le compléter ainsi ; mais ces efforts n’ont pas été vains, mais on ne s’était point trompé dans un premier élan d’enthousiasme et de sympathie filiale ou fraternelle ; on ne l’avait point porté trop haut, et l’étude attentive, approfondie, n’a fait que justifier les désirs du cœur et confirmer les pressentiments du goût.

1134. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

L’ambition, la soif du pouvoir, ou tout autre sentiment excessif, peut faire commettre des forfaits, mais lorsqu’ils sont arrivés à un certain excès, il n’est aucun but qu’ils ne dépassent ; l’action du lendemain est commandée par l’atrocité même de celle de la veille ; une force aveugle pousse les hommes dans cette pente une fois qu’ils s’y sont placés ; le terme, quel qu’il soit, recule à leurs yeux à mesure qu’ils avancent ; l’objet de toutes les autres passions est connu, et le moment de la possession promet du moins le calme de la satiété. […] Quand une fois les hommes sont arrivés à cet horrible période, il faut les rejeter hors des nations, car ils ne peuvent que les déchirer.

1135. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Ce qui me désole, ce qui fait que je n’ouvre presque jamais sans ennui ni défiance les romans qui m’arrivent par paquets, c’est que je suis toujours sûr d’y trouver des parties entières que je connais d’avance, des développements qui peuvent être « de la bonne ouvrage », mais qui sont à tout le monde, qui m’écœurent parce qu’il me semble que je les aurais moi-même écrits sans effort, et que je voudrais voir réduits à l’essentiel, à des notes brèves et comme mnémotechniques… Dans une littérature aussi vieille que la nôtre, il y a nécessairement des sortes de lieux communs du roman. […] Ainsi façonnée, pensait-il, une femme ne peut devenir coupable que par l’insouciance ou l’infidélité du mari. » Qu’en arrive-t-il ?

1136. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Ysaye, le pianiste, quelques parents lointains dans une voiture avec Mme Jules Laforgue, Paul Bourget, Fénéon, Moréas, Adam et moi ; et la montée lente, lente à travers la rue des Plantes, à travers les quartiers sales, de misère, d’incurie et de nonchalance, où le crime social suait à toutes les fenêtres pavoisées de linge sale, aux devantures sang de bœuf, rues fermées, muettes, obscures, sans intelligence, la ville telle que la rejettent sur ses barrières les quartiers de luxe, sourds et égoïstes ; on avait dépassé si vite ces quartiers de couvents égoïstes et clos où quelques baguettes dépouillées de branches accentuent ces tristesses de dimanche et d’automne qu’il avait dites dans ses Complaintes, et, parmi le demi-silence, nous arrivons à ce cimetière de Bagneux, alors neuf, plus sinistre encore d’être vide, avec des morts comme sous des plates-bandes de croix de bois, concessions provisoires, comme dit bêtement le langage officiel, et, sur la tombe fraîche, avec l’empressement, auprès du convoi, du menuisier à qui on a commandé la croix de bois et qui s’informe si c’est bien son client qui passe, avec trop de mots dits trop haut, on voit, du fiacre, Mme Laforgue riant d’un gloussement déchirant et sans pleurs, et sur cet effondrement de deux vies, personne de nous ne pensait à la rhétorique tumulaire6. » Jules Laforgue représente le type accompli de l’intellectuel en 1880. […] Laforgue rêve d’écrire « l’histoire, le journal d’un Parisien de 1880 qui souffre, doute et arrive au néant et cela, dans le décor parisien, les couchants, la Seine, les averses, les pavés gras, les Jablochkoff, et cela, dans une langue fouillée et moderne, sans souci des codes du goût, sans crainte du cru, du forcené, des dévergondages cosmologiques du grotesque, etc. ».

1137. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

La sottise des animaux qui décernent la couronne aux talens d’un bateleur, devrait être punie par quelque catastrophe, et il ne leur en arrive aucun mal. […] Un des derniers se vantait d’être…… Le fond de cette fable est un fait arrivé dans une petite ville d’Italie ; mais le charlatan n’avait fait cette promesse qu’à l’égard d’un sot, d’un stupide, et non pas d’un âne : cela était moins invraisemblable, mais n’était pas si plaisant.

1138. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Il lui arrivera une fois de sortir de son caractère, de vaincre la disposition et la pente de son organe. […] Mais combien de fois ne lui arrive-t-il pas de se tromper dans cette appréciation ?

1139. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Croïons-nous cependant que Chapelain qui écrivit son poeme de la Pucelle quand il y avoit déja bien plus de temps que l’évenement qu’il chantoit étoit arrivé, qu’il n’y en avoit que Troye avoit été prise par les grecs, quand Homere composa son Iliade ? […] Je ne me souviens point d’avoir lû dans l’histoire grecque ou romaine rien qui ressemble aux duels gothiques, hors un incident arrivé aux jeux funebres que Scipion l’afriquain donna sous les murs de la nouvelle Carthage en l’honneur de son pere et de son oncle.

1140. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Quand le je, haï de Pascal et de tout le monde, arrive sous sa plume, c’est pour confirmer un détail par l’autorité de son témoignage. […] Seulement n’est-ce pas trop de patriotisme de la part de Vaultier que de réclamer pour le compte de sa ville l’éclat de ces splendeurs de politique et de guerre, et de contester sérieusement aux Girondins arrivés à Caen l’influence d’événements pareils ?

1141. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement né là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué. […] pour donner au roman de Dumas fils quelque chose de vieux, d’arriéré, de déclamatoire et de faux ; mais si vous ajoutez à la fausseté de l’impression de l’artiste qui ne sent pas juste, vous arrivez à des résultats plus que superbes de fausseté et de déclamation.

1142. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Cette révolution s’était faite lentement et par degrés dans l’espace de trois siècles, et il était impossible qu’elle n’arrivât point. […] C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ».

1143. (1927) André Gide pp. 8-126

D’ailleurs, il arrive qu’on ferraille vigoureusement avec un adversaire pour qui l’on n’a que de l’estime. […] Lafcadio refuse : arrive que pourra ! […] Cela peut arriver à tout le monde, même — ou surtout, par le temps qui court — à un homme de lettres. […] André Gide, il lui faut environ deux volumes pour arriver au même âge et au baccalauréat. […] Il lui arrive de tirer hors commerce.

1144. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

. —  Il n’est pas certain que tous les événements arrivent selon des lois. —  Le hasard dans la nature. […] Cela arrive-t-il aussi dans le cas de la rosée nocturne ? […] Pouvons-nous décider que tout événement à tout point du temps et de l’espace arrive selon des lois, et que notre petit monde, si bien réglé, est un abrégé du grand ? […] Mill s’arrête là ; mais certainement, en menant son idée jusqu’au bout, on arriverait à considérer le monde comme un simple monceau de faits. […] Comme il arrive toujours en pareil cas, chacun des deux avait fait réfléchir l’autre, et aucun des deux n’avait persuadé l’autre ; mais ces réflexions furent courtes : devant une belle matinée d’août, tous les raisonnements tombent.

1145. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Cela arrive-t-il aussi dans le cas de la rosée nocturne ? […] Pouvons-nous décider que tout événement à tout point du temps et de l’espace arrive selon des lois, et que notre petit monde si bien réglé est un abrégé du grand ? […] Mill s’arrête là ; mais certainement, en menant son idée jusqu’au bout, on arriverait à considérer le monde comme un simple morceau de faits. […] Que cette traduction soit difficile ou non, peu importe ; qu’il faille souvent l’accumulation ou la comparaison d’un nombre énorme de faits pour y atteindre, et que maintes fois notre esprit succombe avant d’y arriver, peu importe encore. […] Comme il arrive toujours en pareil cas, chacun des deux avait fait réfléchir l’autre, et aucun des deux n’avait persuadé l’autre ; mais ces réflexions furent courtes : devant une belle matinée d’août, tous les raisonnements tombent.

1146. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Ce qui l’intéressait le plus dans un drame, ce n’était point de savoir ce qui arrivera, mais comment les choses arriveront. […] » Nous partons, nous arrivons, nous la voyons. […] Mais Eilert arrive, désespéré. […] Arrivent le pape Clément et le grand justicier. […] Arrive que pourra !

1147. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Pareillement, un étudiant qui a la vocation médicale est tiré d’affaire, dès qu’il arrive à l’internat. […] J’arrive ici au moyen préparé, nous dit-on, par un de nos législateurs, et que j’ai indiqué déjà. […] Si faible soit-il, vous arriverez à ce résultat paradoxal : tous les chefs-d’œuvre de notre littérature nous arriveront publiés par des maisons de Berlin ou de Leipzig. […] » On est bien arrivé, par l’École de guerre, à former une élite d’officiers-exemples. […] La fillette de six ans crie, sanglote, trépigne, Elle ne peut arriver à la grille et veut aussi piquer la vache.

1148. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Ceux que la Muse a voués à ces belles régions y arrivent comme sur des ailes. […] Dans tous les cas, il faudrait que le mélange résultant arrivât à se fondre, à s’organiser. […] L’année 1806 lui sembla trop longue pour que son imagination tînt à un pareil supplice, et elle arriva à Paris un soir, n’amenant ou ne prévenant qu’un très-petit nombre d’amis. […] Mme de Staël raille cette société trop légèrement spirituelle, mais en ces moments elle en est elle-même plus qu’elle ne croit : ce qu’elle sait peut-être le mieux dire, comme il arrive souvent, elle le dédaigne. […] Toutefois, un soin attentif préside au détail de ce monument ; l’écrivain est arrivé à l’art, à la majesté soutenue, au nombre73.

1149. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il arrive sur les confins de l’Attique et traverse la ville d’Orope. […] Il les appuie sur de solides vraisemblances ; mais il n’arrive pas à la preuve décisive. […] Il était arrivé à un tournant de sa route. […] Il est impossible d’y arriver absolument ; mais on risque de croire qu’on y est arrivé : et c’est là le danger. […] C’est ce qui est arrivé.

1150. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Mais lorsque Jean Cocteau arriva de l’Yser, Etienne Rey fut bien obligé de se réveiller. […] Et il est arrivé naturellement à donner un tableau de la solitude au théâtre du Gymnase, où l’on ne s’attendait guère à le voir apparaître. […] Mais il lui arrive parfois d’être mal entendu : témoin ce bureau de poste d’Italie. […] Avant d’arriver à Lausanne, et venant de Montreux, j’étais passé à Cully. […] L’un était arrivé vingt secondes avant l’autre.

1151. (1940) Quatre études pp. -154

Encore faut-il, pour trouver le port paisible où n’arrivent plus les vents mauvais, le vouloir d’abord ; et ensuite, le mériter. […] Il arriva, d’autre part, que l’école qu’il pensait inaugurer fit provisoirement faillite : il n’eut pas d’élèves, pas de disciples immédiats. […] C’est dans cette forêt que le poète arriva… (Shelley, Alastor.) […] — Car il arrive à l’Inconnu ! […] Il arrive à l’inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues !

1152. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Quand on lui parle, elle n’entend pas, et quand il lui arrive à son tour de parler elle ne rencontre pas de réponse. […] Qu’arrive-t-il cependant ? […] À chaque pas qu’il va faire, il lui arrivera quelque mésaventure. […] Ainsi notre liberté n’arrive à son point culminant que pour se détruire, et l’homme ne cherche la sagesse que pour apprendre à s’oublier. […] Ces aventures nous arrivent chaque jour, et c’est à peine si nous les remarquons une fois sur mille.

1153. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

La procession y arrivait de nuit, à la clarté des flambeaux. […] Les Dieux s’en vont et les Monstres arrivent. […] Et l’on m’a assuré que, quoi qu’il arrive, il demeure fixe sur cette façon d’agir. […] On le chercha par tous les corridors et par toutes les chambres ; lorsqu’il arriva, le roi était mort. […] Enfin, Monsieur lui avoit envoyé du contre-poison qui arriva le lendemain de sa mort.

1154. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Nous l’avons vu, pour arriver à rendre le grain d’une vieille muraille poser un morceau de tulle sur son papier et tamponner du bistre à travers les mailles. […] Il lui aurait fallu travailler davantage pour arriver où tendaient ses vœux. […] Mais arrivé là, déjà l’écrivain n’a plus besoin d’aide. […] Cette admiration de l’homme politique devint précieuse pour l’artiste, car, arrivé au pouvoir, M.  […] » et il continuait ainsi, à notre grand plaisir, jusqu’à ce que les bougies arrivées à leur fin fissent éclater les bobèches.

1155. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Mais il peut arriver que ces illustrations aient assez de relief pour primer l’intérêt des textes. […] Arrivés aux enfers, ils s’ennuient, regrettent l’existence, n’ayant point bu l’eau du Léthé. […] L’ouvrage arrive à son heure. […] Ils arrivent jusqu’au bord du noir précipice, sauvés à temps par Jacques Fougeraye. […] Puis, quand il arrive au milieu de nous, nous le reconnaissons semblable à nous-mêmes.

1156. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Si c’est-là sa prétention, et que les hommes y souscrivent, qu’arrivera-t-il ? […] Il est dangereux de parler avec tant de hauteur ; car il arrive quelquefois qu’on se trompe, et alors que deviennent ces airs de triomphe, qui n’auroient pas même bonne grace avec la raison ? […] Il n’a plus qu’un pas à faire pour arriver au dénouëment, et on l’arrête par des jeux qui, au lieu de le délasser, le fatiguent en l’éloignant du but qu’il étoit prêt d’atteindre. […] Il n’y a qu’un chemin pour arriver au but, il y en a mille pour s’en écarter. […] Je crus avoir réussi aux prémiers vers ; cette opinion m’engagea plus loin ; et ainsi me flattant toûjours, j’arrivai d’efforts en efforts jusqu’à la fin du prémier livre.

1157. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Tous en effet le trouvent sur leur chemin, menaçant de difficultés sans nombre, de fatigues, de sueurs, quiconque veut arriver à la gloire des vers. […] Il lui est arrivé de dire qu’un bon poète n’est pas plus nécessaire à la république qu’un bon joueur de flûte. […] Mais il arrive que ces idées, qui sont si claires, ou sont obscurcies par des préjugés, ou cessent de nous être présentes. […] Quand la séparation ou le refroidissement arriva, tout le bien qui pouvait sortir de leur union était déjà fait. […] Il n’arrive pas toujours à sentir vivement en prose, et il semble qu’il s’y détende l’esprit, après les nobles fatigues de la poésie.

1158. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Il arrive que les poètes ennuient par leur sécheresse ; ils ne satisfont pas toute l’âme, faute d’émotion : car l’émotion est la route du rêve. […] Elle excite le sens de la poésie et n’arrive pas à le satisfaire. […] Il arrive donc que les faits soient tragiques, parce que les auteurs le veulent ainsi ; mais faute de héros, ils ne font pas des tragédies. […] Ils sentaient que le plus détaché d’entre eux se mettait encore dans des lisières terriblement positives en comparaison de toi et il leur arriva d’en abuser dans leurs jugements. […] Le livre d’heures ou la Bible n’arrivaient aux mains de l’acquéreur qu’après que le correcteur spécialisé y eût marqué la dernière virgule et le dernier point.

1159. (1813) Réflexions sur le suicide

Les enfants ne comprennent qu’eux, les jeunes gens qu’eux et les amis qui font partie d’eux-mêmes ; mais dès que les avant-coureurs du déclin arrivent, il faut ou se consoler par les pensées générales, ou s’abandonner à toutes les terreurs que présente la dernière moitié de la vie ; car c’est bien peu de chose que les circonstances heureuses ou malheureuses de chaque individu, en comparaison des lois inflexibles de la nature. […] On peut le demander à ces êtres vertueux, que les afflictions ont visités, que de fois ne leur est-il pas arrivé d’éprouver au fond du cœur un calme inattendu ? […] Mais l’homme qui se tue semble arriver avec d’hostiles armes sur l’autre rive du tombeau et délier à lui seul les images de terreur qui sortent des ténèbres. […] L’Allemagne offre plusieurs exemples de Suicide, mais les causes en sont diverses et souvent bizarres, comme cela doit arriver chez un peuple où règne un enthousiasme métaphysique qui n’a point encore d’objet fixe ni de but utile. […] Car il y a beaucoup de protections secrètes exercées en faveur du chrétien, lors même qu’il semble le plus malheureux, et ce que nous sentons au-dessus de nos forces ne nous arrive presque jamais.

1160. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

La Russie est trop loin pour arriver à temps sur le champ de manœuvre. […] Enfin il enjoignit à Murat d’arriver le plus tôt qu’il pourrait avec sa cavalerie. » Voyez le réveil ! […] « Il arriva le 25 octobre au soir à Potsdam. […] « Napoléon, calme, confiant, car il voyait dans ce qui était arrivé un pur accident qui n’avait rien d’irréparable, provoqua les officiers présents à dire leur avis. […] Le général Éblé, qui avait fait arriver ses équipages de bateaux, eut ordre de jeter trois ponts, avec le concours de la division Morand, la première du maréchal Davout.

1161. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Je logeais dans un faubourg de la ville ; chaque soir, avant ou après dîner, Beyle arrivait. […] Il ne vole plus pour voler simplement et pour arriver au but, mais pour mirer encore ses ailes étendues dans le lac et pour écouter en volant l’harmonie de ses périodes. […] Vous descendiez patiemment l’escalier de la haute littérature pour arriver au terrain plane et libre que vous parcourez en maître maintenant. […] « Même lorsqu’il arrivera, plus tard, à toute la grandeur de sa manière, il excellera surtout à peindre de grands paysages reposés. […] Il ne lui arriva de plaider qu’une seule fois en sa vie, et sans faire la réplique.

1162. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

J’arrivai par cette voie à la conception réfléchie de l’idéal qui s’était obscurément formé en moi, vague image à laquelle l’artiste aspirait. […] En ce qui touche les artistes, je n’oserais affirmer qu’ils sont arrivés d’emblée à s’assimiler le principe de la déclamation wagnérienne ; mais, en tout cas, ils y ont tâché avec honneur. […] Après une préface explicative sur son sujet, l’auteur parle avec sa compétence habituelle des commencements de la musique à l’époque de Palestrina, et arrive à Bach, au grand Sébastien Bach, issu, lui, en quelque sorte du protestantisme et du choral, ces deux bases sur lesquelles se développera librement l’esprit allemand. […] C’est aussi un fait digne de remarque, que l’exécution, loin de péricliter, comme il arrive d’ordinaire, n’a pas cessé de s’améliorer depuis le premier soir. […] Seguin, chargé du rôle écrasant de Hans Sachs, en est arrivé à représenter magistralement cette grande figure, héroïque dans sa simplicité d’artisan-poète.

1163. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Ainsi arrivaient, à l’appel d’un chant, selon la fable antique, et s’arrangeaient, comme d’eux-mêmes, en murailles et en tours, de dociles matériaux101. » De Hartmann dit semblablement que, la volonté ayant posé le but, « l’inconscient » intervient pour le réaliser. […] Nous arrivons ainsi au second moment de la croyance, qui est une réaction intellectuelle, appétitive et motrice. […] L’image de tel homme est isolée, l’image de l’homme a pour cortège une multitude d’images d’hommes qui arrivent comme un flot dans les régions de la sub-conscience. […] Comment arrivons-nous à concevoir et à affirmer la similitude de l’avenir avec le passé ? […] Dès lors, la différence de temps, s’il arrive à la concevoir, n’a pas eu d’influence : il y a une raison positive pour admettre qu’elle n’en aura pas dans l’avenir et il n’y a aucune raison pour admettre le contraire.

1164. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Minerve vient d’y arriver sous la figure d’un étranger. […] « J’ai longtemps erré sur mes navires, et je ne suis arrivé qu’à la fin de la huitième année. […] « Bientôt elles arrivent dans le limpide courant du fleuve. […] Quand Démodocus suspendait ses accents, le héros séchait ses pleurs, découvrait sa tête et versait le vin à grands flots dans sa coupe ; mais lorsque les convives excitaient Démodocus à chanter, parce qu’ils étaient charmés de ses récits, alors Ulysse de nouveau pleurait en se couvrant le visage. » Nous arrivâmes ainsi de chant en chant jusqu’au dénouement de tant de merveilleuses histoires commentées à des enfants par les lèvres intelligentes d’une mère. […] Ulysse le remercie. — Non, dit le berger, il n’est pas bien de mépriser un étranger, arrivât-il plus misérable que vous !

1165. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Nous n’arrivons qu’après un progrès, et encore par des détours, sans cesse flottant entre deux sentiments, comme ces corps légers qui descendent lentement une rivière, et sont encore ballottés çà et là par les moindres flots. […] Nous ne sommes pas réduits ici au panégyrique vide, aux éloges académiques, à la critique oratoire et officielle : nous avons les originaux de La Fontaine, les textes de Pilpay, de Phèdre, d’Esope, tels qu’il les avait sur sa table, nous pouvons voir en quoi il les a changés, marquer du doigt les passages retouchés, ajoutés, corrigés, entrer dans le laboratoire poétique, saisir au vol l’imagination qui arrive, la philosophie qui s’introduit, la gaieté qui s’insinue. […] Nous faisons comme les naturalistes, qui arrivent à définir la vie en mettant tour à tour sous leur microscope l’animal organisé et la gelée inerte d’où il est sorti. […] Lui, étant retourné vers ses compagnons, leur raconta ce qui lui était arrivé. […] Je tiens pour certain, vu les cruautés que vous nous avez fait souffrir, que vous les payerez tôt ou tard ; et en cas-là il pourrait arriver que vous, qui à présent nous traitez d’esclaves, à votre tour vous nous reconnussiez comme vos maîtres. » (Oui, on peut tirer de là quelque chose.

1166. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Rienzi, dit-il dans cette lettre, est arrivé récemment à Avignon ; ce tribun autrefois si puissant, si redouté, à présent le plus malheureux de tous les hommes, a été conduit ici comme un captif… Je lui ai donné des louanges, des conseils : cela est plus connu que je ne voudrais peut-être ; j’aimais sa vertu, j’approuvais son projet, j’admirais son courage, je félicitais l’Italie de ce que Rome allait reprendre l’empire qu’elle avait autrefois. […] Le cours de ma vie a été uniforme depuis que les années ont amorti ce feu de l’âme qui m’a tant consumé et tourmenté autrefois… Vous connaissez mes habitudes, vous savez que j’y ai résidé deux ans : semblable à un voyageur pressé par la fatigue d’arriver, je double le pas à mesure que je vois s’approcher le terme de ma course. […] Si cela est arrivé d’Homère et de Virgile, jugés par des hommes lettrés et supérieurs, comment cela n’arriverait-il pas à votre poète florentin dans les tavernes et dans les places publiques ? […] À peine arrivé, je trouvai plusieurs de nos compatriotes qui se disputaient à qui serait mon hôte en votre absence, et surtout notre Donat, qui fut fâché parce que je donnais la préférence à François Allegri, avec qui j’étais venu de Florence. […] Pendant qu’elle me faisait ces offres, je vois arriver votre petite bien-aimée d’un pas bien plus modeste qu’il ne convenait à son âge ; elle me regarde en riant avant de me connaître, et moi je la prends dans mes bras, comblé de joie.

1167. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Grâce à cette erreur populaire, j’arrivai à Naples sans obstacle, la nuit du jour où les Calabrais, l’armée insurrectionnelle et le général Pepe, qui avait pris le rôle de Lafayette napolitain dans le pays et dans l’armée, entraient dans cette capitale. […] On sait ce qui en arriva. […] J’y arrivai au moment où un détachement de l’armée autrichienne campait de l’autre côté du Tibre, prêt à entrer dans la ville, si une révolution analogue à la révolution d’Espagne, de Naples et de Turin, venait à éclater, comme on l’annonçait à toute heure. […] J’y arrivai deux mois après en qualité de premier secrétaire de légation. À peine y fus-je arrivé qu’une vive émotion patriotique s’éleva contre moi.

1168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

S’il n’arrive pas tout d’un coup à la comédie, c’est déjà de l’invention que de se priver, par pudeur de génie ou par dédain, des moyens d’effet le plus à la mode, et d’élever le goût du public, avant de lui offrir les vrais modèles. […] Il est sorti sur les pas d’Isabelle ; il la voit entrer chez Valère ; et comme il n’est pas homme à se contenter du bien qui lui arrive, s’il n’est mêlé du mal d’autrui, il court informer Ariste du tort que l’on fait à son honneur. […] Alceste a un procès : cela arrive à tout le monde ; mais il l’aurait eu plus tard et avec moins de chances de le perdre, s’il ne s’était pas entêté à vouloir que la justice soit l’équité. […] Sorte de petit Tartufe littéraire, dont l’espèce n’est pas rare d’ailleurs, il flatte le travers de la mère pour arriver à la fille, et par la fille à la dot. […] « Un père de famille, dit Scapin, qui a été absent de chez lui, doit se figurer sa maison brûlée, son argent dérobé, sa femme morte, son fils estropié, sa fille subornée ; et ce qu’il trouve qui ne lui en est point arrivé, l’imputer à sa bonne fortune.

1169. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

C’est un quatrième degré, auquel les Français arriveront, sans doute. […] Là est le haut degré, auquel on doit arriver, progressivement. […] Là, disons-nous, mes invités arriveront, au bruit des canons, des tambours furieux, aux triomphales sonneries des clairons guerriers, aux bondissements des cloches, aux flottements radieux des longues bannières. […] Jusque ce terme, en effet, il obéit à l’action des influences extérieures sur lui ; et cette action, pour le musicien, arrive, éminemment, des œuvres musicales créées par les maîtres son époque. […] Dans le même temps s’accroît ce pouvoir de donner une forme à l’Insaisissable, à l’Invisible, à l’Inabordable ; toutes ces choses arrivent, ici, à être saisies immédiatement, avec l’impression la plus exacte.

1170. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Non seulement l’objet peut être composé, mais la sensation même peut être complexe, quoique l’aperception, la réflexion sur la sensation n’arrive pas à distinguer les composants. […] Plongez votre corps dans l’eau d’une rivière, et vous aurez à la fois des milliards de sensations de contact, de froid, etc., qui vous arriveront de tous les points de la périphérie. […] Augmentez la fusion, l’unification, en même temps que la complication, vous arriverez à une sensation parfaitement tranchée et d’apparence simple, qui éclatera en quelque sorte, aussi indéfinissable que nette et distincte, au sein de notre conscience. […] James Ward remarque que l’employé qui pèse des lettres avec la main arrive à juger directement le poids de chacune en particulier, sans avoir besoin de dire que la première est la moitié ou le tiers de la seconde, et sans se rapporter à une commune mesure. […] Aussi Wundt lui-même, dans les dernières éditions de son livre, est-il arrivé à faire de la volonté le fond de l’existence mentale.

1171. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Mais je puis déclarer ici qu’à l’égard du Chien, après un laborieux examen de tous les faits connus, je suis arrivé à conclure que plusieurs espèces sauvages de Canides ont été domptées et que leur sang, plus ou moins mêlé, coule dans les veines de nos nombreuses races domestiques. […] J’ai possédé moi-même des individus vivants de presque toutes les races, je les ai croisés, j’en ai examiné les squelettes, et je suis arrivé à des conclusions semblables dont j’exposerai les bases dans un prochain ouvrage. […] — Le meilleur moyen d’arriver à une solution dans toute question d’histoire naturelle, c’est toujours d’étudier quelque groupe spécial. […] Enfin, en certaines variétés, les mâles et les femelles sont arrivés à différer notablement les uns des autres. […] Comment, par exemple, pourrait-on arriver à faire un Grosse-Gorge par le croisement de deux espèces, à moins que l’une d’elles ne possédât l’énorme jabot caractéristique ?

1172. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Une famille n’arrive pas à la gloire du premier coup ; il y a croissance dans la famille comme dans l’individu ; la nature procède par développement successif et non par explosions soudaines ; un génie qui se croit né de lui-même est né du temps ; ce phénomène se remarque également dans le Tasse. […] « Je fais les derniers efforts, ajoute-t-il, pour arracher ma pauvre fille des mains de ses ennemis, pour qu’il ne lui arrive pas ce qui est arrivé à sa malheureuse mère, laquelle (je le tiens pour avéré) a été empoisonnée par ses frères pour se libérer de sa dot. » « Je sais », dit-il dans une lettre à sa sœur Afra, la nonne de Bergame, « que plus j’adorai cette jeune femme, moins je devrais m’affliger de sa perte, puisque la mort est la fin de toutes les adversités dans l’océan desquelles elle était incessamment plongée à cause de moi. […] De Bologne, il se rendit à Mantoue pour rejoindre son père ; mais, quand il arriva à la cour de Mantoue, son père en était déjà reparti pour retourner à Rome. […] Torquato était arrivé à temps à Ostie pour recevoir les adieux et les bénédictions de ce tendre père.

1173. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Qui n’a éprouvé de ces moments de solitude intérieure, où l’âme descendant de couche en couche et cherchant à se joindre elle-même, perce les unes après les autres toutes les surfaces superposées, jusqu’à ce qu’elle arrive au fond vrai, où toute convention expire, où l’on est en face de soi-même sans fiction ni artifice ? […] C’est se suicider que d’écrire des phrases comme celle-ci : « L’homme est destiné à vivre sans religion : une foule de symptômes démontrent que la société, par un travail intérieur, tend incessamment à se dépouiller de cette enveloppe désormais inutile. » Que si vous pratiquez le culte du beau et du vrai, si la sainteté de la morale parle à votre cœur, si toute beauté, toute vérité, toute bonté vous reporte au foyer de la vie sainte, à l’esprit, que si, arrivé là, vous renoncez à la parole, vous enveloppez votre tête, vous confondez à dessein votre pensée et votre langage pour ne rien dire de limité en face de l’infini, comment osez-vous parler d’athéisme ? […] Ce Dieu-là est si peu inné que la moitié au moins de l’humanité n’y a pas cru et qu’il a fallu des siècles pour arriver à formuler ce système d’une manière complète, en ordonnant à l’homme d’aimer Dieu. […] Ils n’étaient pas encore arrivés à concevoir l’unité de gouvernement dans l’univers. […] Or, comme l’humanité n’a jamais perdu le sens commun, il faut bien se persuader que, jusqu’à ce qu’on soit arrivé à concevoir naturellement ces fables, on n’a pas le mot de l’énigme.

1174. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Nous ne croyons pas avoir trop manqué aux règles de la proportion, en traversant les guerres médiques pour arriver aux Perses d’Eschyle. […] Il arrive enfin, le Messager si anxieusement attendu, et c’est comme si le spectre meurtri de l’armée rentrait dans l’Empire, et l’inondait du sang de ses vastes plaies. […] Quand on arrive au bord du Strymon, on trouve qu’un hiver précoce a, d’un jour à l’autre, gelé son courant. […] Le troisième jour, il arrive à l’embouchure d’un grand fleuve : il l’invoque, lui conte son naufrage, se jette dans ses eaux comme dans les bras d’un hôte : — « Prends pitié, ô Roi ! […] Sa voix a quelque chose de lent et de sourd, comme si elle parcourait un espace obscur avant d’arriver à ceux qui l’écoutent.

1175. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

À cet effet, il faut d’abord considérer que les différentes branches de nos connaissances n’ont pas dû parcourir d’une vitesse égale les trois grandes phases de leur développement indiquées ci-dessus, ni, par conséquent, arriver simultanément à l’état positif. […] Car il serait évidemment contradictoire de supposer que l’esprit humain, si disposé à l’unité de méthode, conservât indéfiniment, pour une seule classe de phénomènes, sa manière primitive de philosopher, lorsqu’une fois il est arrivé à adopter pour tout le reste une nouvelle marche philosophique d’un caractère absolument opposé. […] Telles sont évidemment les deux seules voies générales, complémentaires l’une et l’autre, par lesquelles on puisse arriver à quelques notions rationnelles véritables sur les phénomènes intellectuels. On voit que, sous aucun rapport, il n’y a place pour cette psychologie illusoire, dernière transformation de la théologie, qu’on tente si vainement de ranimer aujourd’hui, et qui, sans s’inquiéter ni de l’étude physiologique de nos organes intellectuels, ni de l’observation des procédés rationnels qui dirigent effectivement nos diverses recherches scientifiques, prétend arriver à la découverte des lois fondamentales de l’esprit humain, en le contemplant en lui-même, c’est-à-dire en faisant complètement abstraction et des causes et des effets. […] Il serait aisé d’en citer des exemples frappants, si je ne craignais d’accorder ici trop d’extension à une telle discussion : voyez, entre autres, ce qui est arrivé pour la théorie des signes.

1176. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Or, la poésie n’est pas seulement un genre de littérature, elle est aussi un art, par son harmonie ses couleurs et ses images, et comme telle c’est sur les sens et l’imagination qu’elle doit d’abord agir, c’est par cette double route qu’elle doit arriver au cœur et à l’entendement. […] À moins d’un miracle qui arrive de loin en loin, quelle illusion peut se faire un poète de nos jours, quand le Dante, le Tasse, le Camoëns, Milton, etc. etc. ont été méconnus de leurs contemporains ! […] Leur défiance durait encore quand les poètes réels sont arrivés, et cette défiance invétérée sera longue peut-être à se guérir entièrement. […] Ils dépensent tout ce qu’ils ont de poésie dans leur mémoire pour faire raconter un détail vulgaire, par un personnage subalterne, et lorsqu’arrivent les scènes de passion, ils n’ont plus que des lieux communs à nous débiter dans un style éteint, comme cet avocat des Plaideurs, Qui dit fort longuement ce dont on n’a que faire, et qui glisse sans qu’on s’en aperçoive sur le point essentiel. […] Le poète au contraire arrive avec ses beautés et ses fautes à lui, et tout le monde s’effarouche ; mais depuis quand la perfection est-elle dans les créations humaines ?

1177. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Faute de savoir le vrai, les hommes tâchent d’arriver au certain, afin que si l’intelligence ne peut être satisfaite par la science, la volonté du moins se repose sur la conscience. […] On arrive à cette certitude en connaissant l’unité, l’essence de ce droit auquel toutes les nations se conforment avec diverses modifications (Voy. […] Assigner à ces traditions leurs véritables causes qui, à travers les siècles, à travers les changements de langues et d’usages, nous sont arrivées déguisées par l’erreur, ce sera un des grands travaux de la nouvelle science. […] La civilisation romaine partit de ce principe ; et comme les langues vulgaires du Latium avaient fait de grands progrès, il dut arriver que les Romains expliquèrent en langue vulgaire les affaires de la vie civile, tandis que les Grecs les avaient exprimées en langue héroïque. […] Les philosophes par leurs raisonnements arrivèrent à l’idée d’un droit plus parfait que celui que pratiquaient les Gentils ; mais ils ne parurent que deux mille ans après la fondation des sociétés païennes.

1178. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Il est arrivé au moment de la rupture ce qui arrive dans l’orage à un lac ou à un bassin que l’art ne défend plus. […] Quoi qu’il en soit, dans la préface d’Arthur, et auparavant dans celle de Latréaumont, l’auteur semble près de s’amender ; il ne croit plus au mal absolu ni à son triomphe inévitable sur le bien ; du point de vue plus élevé d’où il juge, « les illusions du vice lui paraissent, dit-il, aussi exorbitantes à leur tour que lui paraissaient jadis celles de la vertu. » L’auteur arrive évidemment à sa maturité d’éclectisme et de scepticisme. […] Sue semblait en voie de rétracter ses précédentes assertions pessimistes trop absolues, il lui arrivait, peut-être à son insu, de ne pouvoir s’en débarrasser du premier coup et de s’en tirer par un détour.

1179. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Il croyait voir un plan arrêté chez les ennemis de l’ordre, un dessein d’arriver à détruire tout frein moral et religieux. […] Sainte-Beuve prononce quelques mots qui n’arrivent pas jusqu’à nous. […] Il m’est arrivé plus d’une lois, messieurs, en assistant à certaines de vos discussions, de former un regret et un vœu : ce vœu, ce serait de voir plus souvent dans cette enceinte un prince si remarquable par les dons de l’intelligence, si riche de connaissances qu’il accroît de jour en jour, d’un esprit vraiment démocratique, doué d’éloquence, d’une capacité multiple et prompte que tous ceux qui ont eu l’honneur de l’approcher admirent, et qui, pour tout dire d’un mot, est digne de sa race. […] Dans ce résumé rapide, il m’est arrivé d’oublier, je ne sais comment, le livre de M. 

1180. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Cherchons maintenant un cas où l’antécédent soit l’objet lui-même ; c’est ce qui arrive dans l’hallucination. […] Ôtez-les tous, sauf elle ; supprimez la chose elle-même, comme on le fait au moyen d’un trompe-l’œil dans les spectacles optiques ; supprimez les rayons lumineux, ce qui est le cas pour les images consécutives que l’on voit les yeux fermés ; supprimez l’ébranlement du bout extérieur du nerf, ce qui a lieu dans l’illusion des amputés ; supprimez toute action du nerf, ce qui a lieu dans l’hallucination proprement dite ; ne laissez subsister que la sensation ou action des centres sensitifs, il y a hallucination, et partant jugement affirmatif. — Au contraire, supprimez cette sensation ou action des centres sensitifs, en gardant tous les autres intermédiaires et l’objet lui-même ; posez que l’objet est présent, qu’il est éclairé, que l’extrémité du nerf est ébranlée, que cet ébranlement se propage sur tout le trajet du nerf ; si les centres nerveux sont engourdis par le chloroforme, ou si, comme il arrive dans l’hypnotisme et dans l’attention passionnée, une sensation antérieure dominatrice ferme l’accès aux sensations survenantes, on pourra battre le tambour dans la chambre, pincer, piquer, blesser le patient sans qu’il s’en doute ; n’éprouvant ni la sensation du son, ni la douleur de la blessure, il ne percevra ni le tambour ni l’instrument blessant. […] Le magnétisé manifeste alors une violente terreur qui se peint sur tous ses traits, et il donne tous les signes d’une conviction positive. » Quand une personne est hypnotisée, dit le docteur Tuke7, souvent « on lui fait croire par suggestion qu’elle voit un individu absent… De même on peut arriver à lui faire imaginer qu’elle entend jouer sur un instrument de musique un air déterminé, alors qu’il ne se produit aucun son ». […] Ainsi l’hallucination, qui semble une monstruosité, est la trame même de notre vie mentale. — Considérée par rapport aux choses, tantôt elle leur correspond, et, dans ce cas, elle constitue la perception extérieure normale ; tantôt elle ne leur correspond pas, et dans ce cas, qui est celui du rêve, du somnambulisme, de l’hypnotisme et de la maladie, elle constitue la perception extérieure fausse, ou hallucination proprement dite. — Considérée en elle-même, tantôt elle est complète ou achevée dans son développement : ce qui arrive dans les deux cas précédents ; tantôt elle est réprimée et demeure rudimentaire : c’est le cas des idées, conceptions, représentations, souvenirs, prévisions, imaginations, et de toutes les autres opérations mentales.

1181. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Car voici ce qui arrive nécessairement : si ni la raison ni la nature ne varient pour l’essentiel, et si les anciens valent parce qu’ils ont admirablement rendu la nature, l’homme du xviie  siècle, pourvu de la même raison, recherchera dans les anciens la même nature qu’il sent en lui, qu’il voit autour de lui. […] Mais Boileau n’avait pas lui-même le tempérament assez lyrique, et notre langue était trop pauvre alors en poésie lyrique, pour qu’il arrivât à définir exactement l’essence du genre. […] Cette théorie de l’églogue élégante et galante, d’une naïveté convenue et mièvre, qui rejette dans un coin les chèvres et les moutons comme accessoires inutiles, et ne s’occupe guère que d’analyser avec subtilité une idée artificielle d’amour innocent, n’étonne pas de Segrais ou de Fontenelle : mais comment Despréaux arrive-t-il à la formuler ? […] Il devait arriver que tantôt il interprétât l’antiquité avec ses idées modernes, et que tantôt il opprimât la pensée moderne par les formes antiques : comme il était fort malaisé de dégager toujours sûrement le fond commun des œuvres anciennes et de l’expérience moderne, il devait tendre à faire une trop large part à l’immuable et à l’absolu dans la nature et dans l’esprit humain.

1182. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Enfin, comme il est arrivé dans les épopées cycliques, où l’on a remonté les temps en passant des fils aux pères, le drame de la nouvelle loi a suscité le drame de l’ancienne loi : on pense que le Mystère du Vieil Testament s’est organisé sous l’influence de la Passion de Gréban. […] Il fallait beaucoup de zèle, de patience et de discipline, pour monter un mystère, pour rassembler, instruire, dresser parfois plusieurs centaines d’acteurs, pour arriver sans encombre du cry qui, plusieurs mois à l’avance, annonçait l’entreprise et invitait les acteurs volontaires à se présenter, à la montre solennelle, qui promenait par la ville tout le personnel de la représentation, en costumes parfois somptueux, depuis Dieu le Père jusqu’au dernier valet de bourreau. […] Avec cela, il a trois parties sensibles : la peau, la bourse et la femme : être rossé, volé, trompé, voilà les trois mésaventures qui le font rire quand elles arrivent aux autres, parce qu’elles le fâcheraient si elles lui arrivaient, il est peu sensible, il a peu d’idées : les peines morales et le tourment d’esprit n’ont guère de prise sur lui.

1183. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

On arrive ainsi à l’étrange formule de la Préface de Marie Tudor : « tout regardé à la fois sous toutes ses faces797 ». […] En sorte que, dès les premiers essais qu’ils feront, les romantiques en arriveront tout simplement à organiser le drame chacun selon son tempérament et son génie. […] On sent que tout y arrive par la volonté du poète, en vue d’un effet pittoresque ou poétique. […] Point d’intrigue, un minimum d’action : « C’est l’histoire d’un homme qui a écrit une lettre le matin, et qui attend la réponse jusqu’au soir ; elle arrive, et le tue ».

1184. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Il arrive là avec sa vieille mère et commence par recueillir chez lui une pauvresse et sa bande d’enfants. […] Pendant un pèlerinage qu’elle fait avec monsieur le curé, Marie est assaillie et mise à mal par des ermites et par un santi-belli (marchand de statuettes et d’objets de piété), et elle est si parfaitement ignorante qu’elle ne se doute point de ce qui lui est arrivé. « Ils l’ont renversée, dit-elle, et l’ont mordue partout. » Quand elle sait son malheur, elle s’enfuit et parcourt longtemps la montagne. […] Un saint et naïf ermite, ami du curé de Lignières, intercepte, par un zèle aveugle, les lettres qui arrivent de l’évêché : l’abbé Célestin apprend son interdiction avant d’avoir su l’accusation portée contre lui et tombe foudroyé. […] Il arrive même que les deux sentiments se rencontrent chez lui à la fois, et c’est ce qui rend souvent si énigmatique, aux yeux de ceux qui ne sont pas avertis, la conduite de certains « oints du Seigneur » dans les affaires humaines.

1185. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

On ne sait pas ce qui peut arriver à jouer ainsi avec le feu. » C’est l’époque où se dénouent sans douleur les liaisons éphémères. […] » Nous sommes arrivés à un point de civilisation où l’élite sélectionnée, l’aristocratie des esprits, même purgée de tout souci dévot, rougit des sollicitations de la chair et s’irrite de l’impôt du sang comme d’une déshonorante servitude. […] S’il arrive à Verlaine de s’égarer la nuit, comme Charles Guérin dans les quartiers déserts Où la prostituée écume des ténèbres, il n’y portera ni son inquiétude aiguë, ni ses tortures, ni son âme désorbitée. […] Camille Spiess, parti de l’histologie du tube digestif de la sangsue pour arriver à une conception biologique de l’âme, a suivi les leçons de Gobineau et de Nietzsche.

1186. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Qu’arrive-t-il, le jour où d’autres vertus prennent dans la vie réelle la place des vertus militaires ? […] Ou bien nous voyons Charlemagne et ses douze pairs, qui, arrivés à la cour de l’Empereur de Constantinople et ayant peut-être bu plus que de raison, font assaut de gasconnades. […] Dans ce qui reste après cette grave amputation, l’écrivain est condamné au perpétuel dilettantisme, qui jongle avec les opinions et dit tour à tour blanc et noir ; impassible, il risque de composer des ouvrages qui ont le froid et le poli de la glace ; détache de la lutte des idées, il est réduit au souci exclusif de la forme ; forcé de s’abstenir en toute question qui touche à la vie profonde de la nation, il s’abâtardit en une sorte de veulerie et de lâcheté intellectuelles  ; il en arrive à fabriquer de jolis riens, des bibelots de décadence, flacons ciselés où ne demeure plus une goutte de liqueur, plus un atome de parfum ni de pensée. […] Il arrive même qu’une théorie émise par un philosophe ou un romancier, puis couvée dans un cerveau fruste et violent, se répercute en crime ; des procès retentissants ont permis de constater quelques-unes de ces mystérieuses transmissions de fluide qui vont foudroyer à distance quelque victime.

1187. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Thaltybios, le héraut d’Agamemnon, arrive couronné d’olivier, la palme à la main, dans la poussière d’or des glorieux messages. […] Chaque jour, une rumeur funeste arrivait par-delà les mers. — Si le roi avait reçu « autant de blessures que la renommée le racontait dans Argos, il compterait plus de cicatrices qu’un filet de mailles ». — Alors elle voulait mourir : — « On a bien souvent rompu le lacet où j’avais suspendu mon cou. » — Mais le voici revenu l’époux tant pleuré et tant appelé, « câble sauveur de la nef, solide colonne du foyer !  […] » — « Ce que j’ai dit sera consommé. » — « Que ce malheur n’arrive pas !  […] Une ombre passe et le bonheur s’évanouit ; l’adversité arrive, une éponge humide efface son empreinte.

1188. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Rappelez-vous encore ce trait touchant, raconté par Hérodote : « Arrivé à Abydos, Xerxès, voyant, du haut d’une colline, défiler son immense armée, se déclara heureux ; puis il se prit à pleurer. […] On se souvient de la terrible scène où la mère d’Olympe le cabas au bras et le tartan au dos, arrive de Paris à Berlin, où son gendre est attaché d’ambassade, pour tirer son épingle du grand jeu de sa fille. […] Grandin arrive en personne, et, avec lui, M. de Pienne, l’amant de la duchesse, et deux des gentilshommes de la nuit dernière. […] Elle a fait épier sa rivale et elle arrive sur ses traces pour l’arracher à son amant. « Vous êtes sa maîtresse », crie-t-elle à Diane. — C’est vrai, répond la jeune fille, tressaillante de honte et de joie ; car ce mensonge sauve son frère, il explique sa présence chez M. de Pienne ; il déconcerte Laffemas, qui regagne déjà la porte, l’oreille basse et la moue aux lèvres.

1189. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il fait voir d’abord, au lendemain d’une révolution et d’un changement si universel, la politique s’emparant de tous les esprits, chacun prétendant concourir à la chose publique autrement que par une « docilité raisonnée », chacun voulant à son tour « porter le drapeau », et une foule de nouveaux venus taxant de tiédeur ceux qui, depuis de longues années, imbus et nourris d’idées de liberté, se sont trouvés prêts d’avance à ce qui arrive, et qui demeurent modérés et fermes. […] Ce qui l’anime et le dirige, ce n’est pas la pensée d’un politique supérieur, ambitieux et généreux, qui veut arriver au pouvoir et l’arracher des mains d’indignes adversaires. […] Par un sentiment délicat, il voudrait faire arriver une parole de consolation à son cœur : Puisse-t-il lire avec quelque plaisir, écrit-il, ces expressions d’une respectueuse estime de la part d’un homme sans intérêts comme sans désirs, qui n’a jamais écrit que sous la dictée de sa conscience ; à qui le langage des courtisans sera toujours inconnu ; aussi passionné que personne pour la véritable égalité, mais qui rougirait de lui-même s’il refusait un éclatant hommage à des actions vertueuses par lesquelles un roi s’efforce d’expier les maux que tant d’autres rois ont faits aux hommes ! […]   A lui demandé commant il sapelloit A répondu quil senomoit André Chenier natife de Constentinoble âgé de trente et un ans demeurant à Paris rue de Clairy section de Brutus A lui demandé de quelle ané il demeuroit rue de Clairy A lui répondue depuis environ mil sept cent quatre vingt douze au moins A lui demandé quel son ses moyent de subsisté A lui répondu que de puis quatre vingt dix quil vie que de que lui fait son père12 A lui demandé combien que lui faisoit son père A répondu que son père lui endonnoit lorsquil luy endemandoit A lui demandé s’il peut nous dire a combien la somme quil demande à son pere par an se monte A repondu quil ne savoit pas positivement mais environ huit cent livre à mille livre par année A lui demandé sil na auttre chose que la somme quil nous déclare cy-dessus A repondu qu’il na pas d’auttre moyent que ce quil nous a déclarée A lui demande quelle manierre il prend son existance A repondu tenteau chez son père tenteau chez ses amis et tentot chez des resteaurateurs A lui demandé quel sont ses amis ou il va mangé ordinairement A répondu que cetoit chez plusieurs amis dont il ne croit pas nécessaire de dire lenom A lui demandé s’il vien mangé souvent dans la maison ou nous lavons aretté A repondu quil ne croyoit n’avoir jamais mangé dans cette maison ou il est aresté, mais il dit avoir mangé quelque foy avec les mêmes personnes apparis chez eux A lui demandé sil na pas de correpondance avec les ennemis de la République et la vons sommé de nous dire la vérité A repondu au cune A lui demandé sil na pas reçue des lettre danglaitaire depuis son retoure dans la République A repondu quil en a recue une ou deux ducitoyent Barthelemy àlorse ministre plénipotensiêre en Anglaitaire et nen avoir pas reçue dauttre A lui demandé à quelle épocque il a recue les lettre désigniés sy dessus sommé a lui denous les representés A répondue quil ne les avoit pas A lui demandé ce quil en àfait et le motife quil lat engagé à sendeffaire A repondu que ce netoit que des lettre relative à ses interrest particulier, comme pour faire venire ses livres et auttre effest laissé en Anglaitaire et du genre de celle que personne ne conserve A lui demandé quel sorte de genre que personne ne conserve et surtout des lettre portant son interest personnelle13 sommé de nous dire la vérité A répondu il me semble que des lettre qui énonce l’arrivé des effest désigniés cy-dessus lorsque ses effest son reçue ne son plus daucune valeure A lui representé quil nest pas juste dans faire réponse, dautant plus que des lettre personnelle doive se conserver pour la justification de celui qui à En voyé les effet comme pour celui qui les à reçue A repond quil persite à pensé quand des particulier qui ne mettre pas tant dexactitude que des maison de commerce lorsque la reception des fait demandé est accusé toute la correspondance devient inutisle et quil croit que la plus part des particuliers en use insy A lui représenté que nous ne fond pas des demande de commerce sommé à lui de nous répondre sur les motifes de de son arestation qui ne sont pas affaire de commerce14 A repondu quil en ignorest du faite A lui demandé pourquoy il nous cherche des frase et surquoy il nous repond cathegoriquement15 A dit avoir repondue avec toute la simplicité possible et que ses reponse contiene lexatte veritté A lui demandé sil y à longtemps quil conoit les citoyent ou nous l’avons aresté sommé a lui de nous dire depuis quel temps A repondu quil les connaissoit depuis quatre ou cinqt ans A lui demandé comment il les avoit conu A repondu quil croit les avoir connu pour la premiere fois chez la citoyene Trudenne A lui demandé quel rue elle demeuroit alors A repondu sur la place de la Revolution la maison à Cottée A lui demandé comment il connoit la maison à Cottée16 et les-citoyent quil demeuroit alors A repondu quil est leure amie de l’anfance A lui represanté quil nest pas juste dans sa reponse attendue que place de la Revolution il ny a pas de maison qui se nome la maison à Cottée donc il vien de nous déclarés A repondue quil entandoit la maison voisine du citoyent Letems A lui représentes quil nous fait des frase attandue quil nous a repettes deux fois la maison à Cottée A repondue quil a dit la vérité A lui demandée sil est seul dans lappartement quil occuppe dans la rue de Clairy nº quatre vingt dix sept A repondue quil demeuroit avec son père et sa mère et son frère ainée A lui demandée sil na personne pour le service Il y à un domestique commun pour les quatre qui les sere A lui demandée ou il étoit a lepoque du dix aoust mil sept cent quatre vingt douze A répondue a paris malade d’une colique nefretique A lui demandee sy cette colique le tient continuellement et sil elle tenoit le jour du dix aoust quatre vingt douze A répondue quil se rétablissoit a lors d’une attaque et que cette maladie le tiend presque continuellement depuis lage de vingt ans plus ou moins fortes A lui demandés quelles est cette malady et quelle est le chirurgient quil le traitoit alors et sy cest le même qui letraitte en core A repondu le médecin Joffroy latraitté au commancement de cette maladie et depuis ce temps jai suis un régime connue pour ses sorte de meaux A lui demandée quelle difference il fait d’une attaque de meaux ou de maladies.

1190. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Depuis, chaque fois qu’au gré des funèbres jeudis de la cour de cassation, il arrivait un de ces jours où le cri d’un arrêt de mort se fait dans Paris, chaque fois que l’auteur entendait passer sous ses fenêtres ces hurlements enroués qui ameutent des spectateurs pour la Grève, chaque fois, la douloureuse idée lui revenait, s’emparait de lui, lui emplissait la tête de gendarmes, de bourreaux et de foule, lui expliquait heure par heure les dernières souffrances du misérable agonisant, — en ce moment on le confesse, en ce moment on lui coupe les cheveux, en ce moment on lui lie les mains, — le sommait, lui pauvre poëte, de dire tout cela à la société, qui fait ses affaires pendant que cette chose monstrueuse s’accomplit, le pressait, le poussait, le secouait, lui arrachait ses vers de l’esprit, s’il était en train d’en faire, et les tuait à peine ébauchés, barrait tous ses travaux, se mettait en travers de tout, l’investissait, l’obsédait, l’assiégeait. […] Qu’est-il arrivé ? […] Arrivé à l’échafaud, le bourreau le prend au prêtre, l’emporte, le ficelle sur la bascule, l’enfourne, je me sers ici du mot d’argot, puis il lâche le couperet. […] Arrivés là, il était huit heures du matin, à peine jour, il y avait une guillotine toute fraîche dressée et pour public quelque douzaine de petits garçons groupés sur les tas de pierres voisins autour de la machine inattendue ; vite, on a tiré l’homme du panier, et, sans lui donner le temps de respirer, furtivement, sournoisement, honteusement, on lui a escamoté sa tête.

1191. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Il arriverait la même chose qu’à la musique Italienne chantée par des étrangers ou par des Italiens. […] Je m’en tiens ici à la connaissance de la valeur des mots, de leur signification précise, de la nature des tours et des phrases, des circonstances et des genres de style dans lesquels les mots, les tours, les phrases peuvent être employées ; et je dis que pour arriver à cette connaissance, il faut avoir vu ces mots, ces tours et ces phrases, maniés et ressassés, si je puis m’exprimer ainsi, dans mille occasions différentes ; qu’un petit nombre de livres, quand même on les aurait lus vingt fois, est absolument insuffisant pour cet objet ; qu’on ne saurait y parvenir que par des conversations fréquentes dans la langue même, par un usage assidu, et par des réflexions sans nombre, que cet usage seul peut suggérer. […] vous devriez mourir de pure honte d’être battus de l’oiseau pour le petit malheur qui vous est arrivé. […] De se borner, dans ses critiques, à relever les erreurs de dates, de noms propres, d’une lettre mise pour une autre, d’une virgule de trop ou de moins, et autres méprises de cette espèce, à condition cependant qu’il y sera fort exact, ce qui ne lui arrive pas toujours ; mais de ne pas toucher aux raisonnements bons ou mauvais, et de s’abstenir de raisonner lui-même le plus qu’il lui sera possible.

1192. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ce paysan, ce fils de fermier, arrivé de son village, beau garçon de dix-neuf ans, entré comme domestique chez son seigneur, une espèce d’enrichi ; puis rencontré sur le Pont-Neuf par la dévote Mlle Habert, beauté de plus de quarante-cinq ans, dont il devient le mari après quatre ou cinq jours, passe presque aussitôt à l’état d’homme comme il faut, à qui il ne reste qu’un peu de gaucherie et de rouille provinciale ; et encore la secoue-t-il bien lestement. […] s’écrie à la fin la marquise en se mettant à rire, nous avons pris un plaisant détour pour arriver là !  […] Marivaux était arrivé, on peut le dire, à l’entière et complète perfection de son talent ; il l’avait varié en bien des genres ; il avait fait de son fruit fin et musqué les cadeaux de dessert les plus excellents ; mais tout ce qu’il avait à donner de bon, il l’avait produit et à plusieurs reprises ; les variétés, les distinctions qu’il pouvait y faire encore, n’étaient plus sensibles que pour lui seul : aux yeux des autres, il se répétait.

1193. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Après Froissart et après Joinville, j’arrive, en remontant, jusqu’à Villehardouin qui est en date notre premier historien, et dont la chronique est un monument de notre vieille langue. […] Après avoir bien chevauché et en toute diligence, ils y arrivèrent la première semaine du carême de 1201. […] Le doge, à cette époque, et quand ces députés d’outre-monts arrivèrent, pouvait beaucoup ; les Conseils qu’on lui avait déjà associés pouvaient beaucoup également et étaient devenus ses adjoints nécessaires : et enfin l’assemblée générale du peuple n’avait point encore été dépouillée de tout droit de sanction.

1194. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

On n’arrive pas à l’admiration ni à l’enthousiasme comme le prince de Ligne, que j’aurai souvent occasion de citer à son sujet, mais on comprend en souriant que celui-ci, dans une de ses saillies à demi romantiques, ait pu dire : Si La Bruyère avait bu ; si La Rochefoucauld avait chassé ; si Chamfort avait voyagé ; si Lassay avait su les langues étrangères ; si Vauvenargues avait aimé ; si Weisse24 avait été à la Cour ; si Théophraste avait été à Paris, ils auraient bien mieux écrit encore. […] À toutes les époques et sous tous les régimes, il y a ainsi, dans les jeunes générations, des chefs de file qui se concertent, se préparent à l’avance et se croient nés pour arriver au pouvoir. […] Les lumières, les secours arrivent de toutes parts à l’homme en place, en raison surtout de son élévation.

1195. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Arriver ainsi à la formule générale d’un esprit est le but idéal de l’étude du moraliste et du peintre de caractères. […] — Il est arrivé assez souvent à M.  […] Il écrivait dans son journal intime à la date de janvier de cette année 1817, et confessait ingénument de la sorte son peu de capacité à se produire au dehors : 15 janvier. — J’ai eu, ces deux jours, de ces moments heureux d’expansion interne et de lucidité d’idées qui ne m’arrivent que quand je suis seul, en présence de mes idées.

1196. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Dans ses promenades vagabondes il lui arriva plus d’une fois de rencontrer un homme « dont l’air pensif et le regard de feu le frappaient singulièrement » ; il apprit plus tard que c’était Jean-Jacques Rousseau, une de ses futures idoles. […] Nous lisions Shakespeare qu’il adorait86, Dryden, Pope, Milton, etc. ; et nos conversations, comme celles de l’amitié, n’arrivaient jamais à la dernière pensée. […] comme je le comprends mieux, dans ce sens-là, le silence obstiné et boudeur des poètes profonds, arrivés à un certain âge et taris, cette rancune encore aimante envers ce qu’on a tant aimé et qui ne reviendra plus, cette douleur d’une âme orpheline de poésie et qui ne veut pas être consolée !

1197. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Il y a des choses qui ne lui paraissent nullement possibles, qu’il déclare monstrueuses, plus monstrueuses que le règne de Robespierre, et qui sont arrivées tout simplement, qui ont été acceptées. […] Un jour douze cents Espagnols incorporés dans la grande armée désertent et arrivent au camp russe gelés, affamés ; on les traite en amis, on les caserne par ordre de l’empereur de Russie, et dans les plaines de Czarko-Zélo, le ministre d’Espagne en résidence à Pétersbourg leur fait prêter serment à leur souverain Ferdinand VII, à la Constitution et au Roi, c’est la formule : le ministre d’Espagne, dans un discours très chaud, célèbre le prix inestimable de la liberté civile. […] S’il lui arrivait bien souvent de dormir quand on essayait de lui répondre, s’il avait fort à propos alors ce qu’il appelait des coups de sommeil, c’est-à-dire de petits sommeils subits de quelques minutes, combien il était impossible de dormir en l’écoutant, et qu’il savait tenir l’attention en éveil, la piquer par de poignantes images, par des vérités relevées en paradoxes !

1198. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Il n’y a rien là qui doive étonner ; le maître, comme par anticipation, s’est mis cette fois à ressembler au disciple : cela arrive parfois aux maîtres. […] Je ne demande qu’à obéir ; qu’on me dise seulement ce que je dois faire, car, durant ma malheureuse existence, je ne puis pas m’empêcher d’être quelque part, mais rester ici ne m’est pas possible, et je suis bien déterminé, quoi qu’il arrive, à ne plus essayer de la maison d’autrui. […] Rousseau a à vous parler. » La porte s’ouvre ; on l’introduit dans une petite chambre ; il y a deux chaises ; Rousseau le fait asseoir : « Monsieur, j’ai voulu vous parler ; il est arrivé un accident, je ne puis vous livrer la musique comme je vous l’avais promis.

1199. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Il y serait peut-être arrivé en gagnant chaque jour en crédit et en autorité. […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.

1200. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Ici, comme il arrive souvent dans les genres littéraires, c’est l’arrière-saison qui nous a laissé le fruit le plus savoureux. […] Dans la seconde édition de la Lettre à Segrais, imprimée à part en 1678, il en arrive, en effet, à modifier tellement son opinion qu’elle ne ressemble plus du tout à la-première ; et par exemple, au lieu de commencer comme on vient de le voir, en disant : Je fais à peu près le même jugement des Pastorales de Longus que des romans précédents… il dit, en retournant sa phrase : Je ne fais pas tout à fait le même jugement. […] Il a fallu Gœthe pour arriver à rendre toute justice à l’ensemble, à l’esprit de cette jolie composition où le souffle antique a respiré une dernière fois dans sa pureté et dans sa grâce, avant de s’exhaler.

1201. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Un critique de cette nouvelle école, — moi-même, — après vingt ans écoulés, je m’avise de rechercher dans le passé ceux de nos devanciers dont les reliques ont quelque prix et qui, sans être arrivés jusqu’à la gloire, méritent un pieux souvenir et l’honneur d’un modeste monument. […] Aujourd’hui vingt-huit autres années se sont écoulées, et tout à coup il arrive que dans la génération nouvelle on se ressouvient de Charles Loyson, on revient à lui jusqu’au point de croire qu’une édition choisie de ses Poésies et de sa prose n’est pas un contre-temps ni un hors-d’œuvre à l’heure présente. […] Oui, j’avais cru sentir dans des songes confus S’évanouir mon âme et défaillir ma vie ; La cruelle douleur, par degrés assoupie, Paraissait s’éloigner de mes sens suspendus,    Et de ma pénible agonie Les tourments jusqu’à moi déjà n’arrivaient plus Que comme dans la nuit parvient à notre oreille Le murmure mourant de quelques sons lointains    Ou comme ces fantômes vains Qu’un mélange indécis de sommeil et de veille Figure vaguement à nos yeux incertains.

1202. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il complétait ainsi la stratégie du grand Frédéric (côté moindre du héros) en la rapprochant de celle de Bonaparte, et par là il sortait tout à fait des détails de tactique secondaire et des discussions stériles où s’était perdu Guibert, pour arriver à la conception réelle des grands mouvements militaires se dessinant avec netteté dans des applications lumineuses. […] On n’arrive pas du premier coup à la forme la plus simple. […] Ils ont tort : il eût été arrêté par les places d’Olmütz et de Brünn : arrivé au Danube, il y eût trouvé toutes les forces de la monarchie réunies pour lui en disputer le passage, dans le temps que l’insurrection hongroise se fût portée sur ses flancs.

1203. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Le public, qui ne lit pas ces ébauches plus ou moins téméraires et malheureuses, ne sait pas ce qu’il en coûte pour arriver jusqu’à lui, et dans ces marches forcées de l’intelligence, pour un qui atteint au but ou qui obtient du moins d’être nommé et discuté, combien d’autres tombent obscurément le long du chemin, sans une mention, sans un regard. Les critiques, à qui toutes ces productions hasardées arrivent régulièrement, se taisent le plus souvent, par embarras, par prudence, par certitude de mécontenter tout le monde, s’ils parlent, et de paraître à la fois trop indulgents aux yeux des indifférents, trop sévères au gré des nobles et orgueilleux blessés. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.

1204. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Il est arrivé à ne distinguer que difficilement les poids avec lesquels il fait de la gymnastique, à ne reconnaître qu’avec un effort les gros des moyens, les moyens des petits. » « L’attention, cette prise de possession intelligentielle de ce qui se passe autour de nous, cette opération si simple, si facile, si alerte, si inconsciente de la santé des facultés cérébrales, l’attention, il n’en est plus le maître. […] … Le jour arrive à cette heure sur sa figure, dessine les creux et les ombres des yeux et de la bouche, le décharnement presque instantané, me montrant, dans sa chair aimée, la sculpture de la mort… 10 heures du matin : Toutes les secondes, je les compte par ces douloureuses aspirations d’une respiration brève, haletante… 4 heures de l’après-midi : Tant de souffrances pour mourir ! […] Vous arriverez, par cette gymnastique intellectuelle, à donner à votre esprit une puissance de déduction inconnue à ceux qui restent servilement dans le sillon creusé par leurs maîtres, moins par respect pour ceux qui ont ouvert les portes de la science que par paresse ou insuffisance. » L’emploi véridique de ce procédé, en littérature, suppose donc un certain degré de nescience de la part de l’auteur.

1205. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Tout à l’heure, de sens à sens, les deux représentations arrivaient en nous par deux chemins différents, mais tous deux extérieurs, en sorte que rien ne les empêchait de partir tous deux de quelque point commun. Ici, les deux représentations arrivent par deux chemins opposés, l’une du dedans, l’autre du dehors, tellement que ces chemins demeurent perpétuellement divergents et que nous ne pouvons leur concevoir un même point de départ. — Ainsi l’opposition foncière des deux procédés de formation suffit à expliquer l’irréductibilité mutuelle des deux représentations. […] — Nous sommes arrivés ici au point de jonction du monde physique et du monde moral, c’est de là que partent les deux lignes opposées et indéfinies où chemine l’expérience humaine ; les deux convois ainsi formés avancent et s’écartent toujours davantage en se chargeant de plus en plus à chaque station.

1206. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Théorie de la fable poétique A quoi suis-je arrivé par cette longue analyse ? […] Les plus courtes preuves sont les meilleures, et on se hâte quand on n’a souci que d’arriver. — Mais l’amour de la preuve, qui vient de retrancher les personnages et l’action, éteint aussi l’expression. […] Votre serviteur Gille,          Cousin et gendre de Bertrand,          Singe du pape en son vivant,          Tout fraîchement en cette ville Arrive en trois bateaux exprès pour vous parler : Car il parle, on l’entend ; il sait danser, baller,          Faire des tours de toute sorte, Passer en des cerceaux, et le tout, pour six blancs.

1207. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Quelqu’un qui piocherait la classification de ces erreurs telle que Bacon l’a établie, et qui s’efforcerait de trouver, pour chaque catégorie, quelques cas particuliers, arriverait sans trop de peine à un résultat dont il se saurait beaucoup de gré. […] Il n’y a pas de loi universelle des actes et des sentiments humains : dès lors on est bien sûr que toute maxime trouvera son application dans la réalité, car elle constatera forcément ou ce qui arrive presque toujours ou ce qui arrive quelquefois : si elle ne vise pas la règle, elle visera l’exception.

1208. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Quel autre que cet incorrigible poète de petit Chose serait capable d’écrire des histoires aussi chimériques, aussi peu arrivées que les Aventures d’un Papillon et d’une Bête à bon Dieu, le Roman du Chaperon rouge, les Rossignols du cimetière et les Ames du Paradis, mystère en deux tableaux ? […] C’est ce pauvre aga Si-Sliman, décoré par erreur le 15 août, venu à Paris pour réclamer sa décoration, renvoyé de bureau en bureau et salissant son burnous sur les coffres à bois des antichambres, à l’affût d’une audience qui n’arrive jamais84. […] Décidément cela n’est pas arrivé, et M. 

1209. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Il lui arrive de « roter » à table. […] « S’il vient à roter… », entendez : si cela lui arrive, par hasard… comme cela peut arriver à tout le monde… Du Tartuffe violemment caricaturé par Dorine, passons au Tartuffe pieusement et béatement dessiné par Orgon.

1210. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Janin sentit aussitôt qu’il ne fallait pas porter l’eau, comme on dit, à la rivière, et faire concurrence par son livre avec la fin du monde qui semblait en train d’arriver tout de bon. […] Il y avait trois sortes de filles : les premières, qui devaient être damoiselles de noblesse d’épée ou de robe, pouvaient seules arriver aux hautes charges du gouvernement intérieur. […] Il ne paraît pas, néanmoins, qu’on soit jamais arrivé, touchant les faits mystérieux qu’on soupçonnait, à une conviction bien établie et bien authentique ; mais le soupçon suffisait déjà.

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