Quatre périodes historiques y sont plus particulièrement traitées : 1° La période de la philosophie orientale, dans laquelle les spéculations de la philosophie brahminique et chinoise sont exposées par une plume très au courant des plus récentes connaissances ; 2° la période de philosophie grecque, fort complète aussi, et embrassée avec une sérieuse intelligence des grands systèmes ; 3° la période chrétienne qui comprend les Pères des cinq premiers siècles ; 4° le moyen âge dans ses philosophes contemplatifs ou scolastiques. […] Tous les amis de la philosophie et d’une littérature ingénieuse et sérieuse voudront lire ces deux volumes, et sauront gré à M. […] Leroux et Reynaud savent produire les idées très neuves et dignes du plus sérieux examen, avec lesquelles ils envisagent l’histoire de la philosophie et du christianisme.
I Pendant que la comédie s’en va mourant sur tous les théâtres de l’Europe, pendant que toutes les pièces qu’on y joue ressemblent — tant elles se copient les unes les autres — au gant retourné de l’escamoteur qui a la prétention de faire des tours différents toujours avec le même gant, il se publie parfois, trop rarement, il est vrai, avec un sang-froid et un sérieux imperturbable, des livres d’un comique profond et achevé qui ne sont plus de la comédie de convention, mais de la bonne et brave comédie de nature humaine. […] Et, précisément parce qu’il n’y rit pas, ne le rendant que plus comique, son sujet, selon le précepte de tout bon comique : qu’il faut raconter gaîment les choses sérieuses, et celles qui ne le sont pas… sérieusement. […] II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies !
Dangeau n’a donné de plaisir sérieux qu’aux ennemis de la vieille monarchie française qui l’ont vue, exactement reproduite, par ce sot compromettant, dans les dernières révérences qu’elle ait faites, dans les derniers menuets qu’elle ait dansés ! […] Ce n’était pas là une affaire d’histoire sérieuse et de publicité. […] III Car c’est là le côté sérieux mais terrible de ces recueils de futilités, — de ces vains et tristes livres dans lesquels on nous rapporte avec une importance, maintenant grotesque, la façon dont les classes qui pouvaient tout et qu’on appelle l’ancien régime, passèrent leurs dernières heures en France ! Le côté sérieux et terrible de cet entassement de babioles, de sottises et d’inanités, c’est l’intense mépris qu’il fait jaillir des cœurs et dont tout le monde est éclaboussé !
La critique est souvent plus sérieuse que son objet. […] Tout ce qui est du passé est sérieux : un jour, Béranger sera objet de science et relèvera de l’Académie des Inscriptions. […] Que de travaux d’ailleurs qui, bien que n’ayant aucune valeur absolue, ont eu, de leur temps, et par suite des préjugés établis, une sérieuse importance ! […] Il n’est pas bien sûr qu’un tel travail amenât aucun résultat sérieux ; n’importe ; la simple possibilité d’y trouver quelque fine induction, qui, entrant comme élément dans un ensemble plus vaste, révélât un trait du système des choses, suffirait pour hasarder cette dépense. […] Ne peut-on pas espérer qu’un jour toute cette énergie négligée ou dépensée en pure perte sera appliquée aux choses sérieuses et aux conquêtes suprasensibles ?
Gui Patin a ainsi l’expression pittoresque, inattendue, la comparaison voyante ; il y a un peu de carnaval jusque dans son sérieux. […] Et puis la malice se retrouve tout à côté du sérieux, en ce qu’il remarque que Des Barreaux, qui n’avait qu’un grain de libertinage avant d’aller en Italie, était achevé au retour. […] Non, ce n’est point l’émétique, dont il n’a pris que très peu, qui a décidé la guérison, dit-il : « Ce qui a sauvé le roi, ç’a été son innocence, son âge fort et robuste, neuf bonnes saignées, et les prières des gens de bien comme nous, et surtout des courtisans et officiers qui eussent été fort affligés de sa mort, particulièrement le cardinal Mazarin. » La phrase de Gui Patin, commencée avec sérieux, tourne vers la fin en raillerie ; mais ces prières des gens de bien sont sérieuses, et lui-même il a fait la sienne. […] scribere plura vetant lacrymae… » Gui Patin pleure en effet quelquefois ; il pleure quand les parties sérieuses de son esprit ou de son âme sont remuées. […] Il les juge évidemment inférieures et ne croit pas qu’on doive entrer en commerce avec elles sur les grands et sérieux articles.
L'humanité, dès qu’il s’agit d’elle, se prend vite au sérieux. […] On ne dit pas s’ils ont bien ri. — Ils auront fait les bonnes gens sérieux.
On croirait, quand il vous parle du bonheur conjugal et de la dignité d’un mari, que ce sont des choses on ne peut pas plus sérieuses, et qui doivent nous occuper éternellement. […] Ceci devient plus sérieux. […] Avec ses amis hommes, il sera, dès qu’il le pourra, un honnête homme malheureux et presque attachant : tel il se dessinerait, je suis sûr, dans sa correspondance avec M.de Barante jeune alors, et dont le sérieux aimable l’invitait ; tel nous l’avons entrevu dans sa relation avec Fauriel, et nous n’avons pas omis, à son honneur, de le remarquer. […] Au moment où il parlait de la sorte, il était sincère, ou il se le persuadait ; son esprit constamment nourri, à travers tout, d’études sérieuses, avait puisé ses premiers instincts politiques dans l’exemple des États-Unis d’Amérique et dans les institutions de l’Angleterre. […] Dispositions politiques des étudiants. — Études sérieuses. — Vie sociale assez douce. » Or c’est dans ce court intervalle de retraite, de douceur inespérée et de sagesse (sauf un reste de roulette), qu’il écrivait à Fauriel la lettre suivante, où se confirment les mêmes impressions : « Au Hardenberg, près Gottingue, ce 10 septembre 1811.
Notre légèreté est ainsi faite : la plus frivole des brochures politiques était lue par tout le monde, et bien des esprits distingués et sérieux ne s’inquiétaient pas même de savoir s’il y avait lieu de lire ces écrits attribués aux plus grands noms, et où se vérifie à chaque page la marque de leur génie ou de leur bon sens. […] Louis XIV, dès son enfance, était remarquable par des traits particuliers et des grâces sérieuses qui le distinguaient de tous ceux de son âge. […] Il était grave, et dans ses yeux on voyait un air sérieux, qui marquait sa dignité. […] Il était aimable de sa personne, honnête et de facile accès à tout le monde, mais avec un air grand et sérieux qui imprimait le respect et la crainte dans le public, et empêchait ceux qu’il considérait le plus de s’émanciper, même dans le particulier, quoiqu’il fût familier et enjoué avec les dames. […] [NdA] En réimprimant cette étude, le mot de La Bruyère m’est souvent revenu à la mémoire : « Le caractère des Français demande du sérieux dans le souverain. » l.
L’orateur a été ample, ce qui n’est pas la même chose que d’être long ; sous l’élégance de l’expression et le nombre de la période, il a fait entrer toutes les pensées essentielles, et la bonne grâce de la louange n’a mis obstacle dans sa bouche à aucune réserve sérieuse. […] Est-il plus sérieux, je te le demande, ne se joue-t-il pas bien davantage, celui qui vient me décrire le festin du cruel Térée ou la crudité de ton horrible mets, ô Thyeste ? […] Au-dessus de ces sept ou huit volumes qui tenaient sur un seul rayon, on voyait, en manière de trophée, une plume d’aigle donnée par Émile Deschamps, et avec laquelle Soumet était censé avoir écrit son poëme ; il vous la montrait sans sourire ; mais bientôt toutes ces solennités d’apparat ne tenaient pas, et quelque plaisanterie soudaine, quelque frivolité spirituelle venait plutôt trahir le trop peu de sérieux du fond. Ce peu de sérieux s’étendait à tout.
Quoi qu’il en soit, il est bien sûr pour nous, en ce moment, que le siècle va grand train, qu’une étrange activité l’accélère dans tous les sens ; qu’à lui tâter le pouls chaque matin, sa vie semble une fièvre, et que, si dans cette fièvre il entre bien des émotions passagères, de mauvais caprices, d’engouements à la minute, il y a aussi là-dedans de bien nobles palpitations, une sérieuse flamme, des torrents de vie et de génie, et toute la marche d’un grand dessein qui s’enfante. […] La tournure ferme, judicieuse et précise de son talent ne lui eût pas permis de chercher dans un faux éclat et des aperçus hasardés un succès qu’il ne voulait devoir qu’aux sérieuses études dont sa première vie l’avait distrait, et auxquelles il s’était remis avec toute sa vigueur. […] Carrel est arrivé, en rédigeant un journal, à un degré de popularité sérieuse et raisonnée qu’on n’avait atteint jusqu’ici que dans des carrières plus officielles en quelque sorte, dans les luttes militaires ou de tribune ! […] Je veux dire seulement un mot en finissant d’une brochure sérieuse que M.
Puis, au lieu de le considérer dans les plus sérieux de ses travaux (qu’ils n’avaient point lus), et notamment dans toute la partie de son œuvre antérieure aux Dialogues philosophiques, les badauds l’ont jugé presque uniquement sur certaines fantaisies, délicieuses d’ailleurs, où il avouait lui-même que son imagination s’était donné carrière. […] Mais l’accent était le même ; c’était le même sérieux, la même ardeur pieuse, la même émotion profonde de tout l’être attentif à la vérité. […] Renan de ne pas croire, et ceux de l’école évangélique qui commencent à le renier, nous donnassent un peu leur credo, mais là, d’une façon précise et sérieuse, article par article.
Est-ce de la littérature sérieuse ? […] Voilà pourquoi un fabricant de romans-feuilletons peut faire une brillante fortune et arriver à ce qu’on appelle une position dans le monde, tandis qu’un savant sérieux, eût-il fait d’aussi beaux travaux que Bopp ou Lassen, ne pourrait en aucune manière vivre du produit vénal de ses œuvres. […] Un homme sans valeur, sans morale, égoïste, paresseux, fera mieux sa fortune, en jouant à la Bourse, que celui qui s’occupe de choses sérieuses.
A dix-huit ans il était le plus précoce et le plus formé des esprits sérieux, et il se retrouve le plus jeune à cinquante. […] Pendant les quatre années qui suivirent, il y eut une tentative sérieuse, sincère, pour poser les bases du régime constitutionnel, et le mettre en équilibre au milieu des violences des partis. […] Maintenant on comprend sans peine comment, en 1836, l’auteur, se retrouvant de loisir, médita d’aborder le vrai drame et d’y développer une sérieuse pensée philosophique. […] Camille Jordan n’était pas un esprit aussi sérieux, c’était plutôt un homme charmant et du monde. Mais M. de Serre sérieux, imagination, éloquence, il avait tout ; il y joignait seulement la faculté de se faire des illusions.
Je prétends qu’il faut désormais faire des tragédies pour nous, jeunes gens raisonneurs, sérieux et un peu envieux de l’an de grâce 1823. […] Enfin ce grand jour arrivera, la jeunesse française se réveillera ; elle sera étonnée, cette noble jeunesse, d’avoir applaudi si longtemps, et avec tant de sérieux, à de si grandes niaiseries.
Dumas, dans une notice qu’il a écrite sur Millevoye, nous apprend lui-même qu’il eut à le ramener d’une admiration un peu excessive pour Florian à des modèles plus sérieux et plus solides. […] Les Discours en vers de Millevoye, ses Dialogues rimés d’après Lucien, ses tragédies, ses traductions de l’Iliade ou des Églogues selon la manière de l’abbé Delille, nous semblent, chez lui, des thèmes plus ou moins étrangers, que la circonstance académique ou le goût du temps lui imposa, et dont il s’occupait sans ennui, se laissant dire peut-être que la gloire sérieuse était de ce côté. […] Les trois quarts des prétendus juges, ne se formant idée de la valeur des œuvres que d’après les genres, conseilleront toujours au poëte aimable, léger, sensible, quelque chose de grand, de sérieux, d’important ; et ils seront très-disposés à attacher plus de considération à ce qui les aura convenablement ennuyés. […] Il y a une piquante épigramme de Martial où ce qu’il dit de ses Épigrammes mêmes peut s’appliquer aux élégies, à toute cette poésie vivante et vraie : « Tu crois, dit-il à un de ces estimables conseillers, que mes épigrammes n’ont rien de sérieux ; mais c’est le contraire ; celui-là véritablement n’est pas sérieux qui nous vient chanter pour la centième fois avec emphase le festin de Térée ou de Thyeste… C’est pourtant là ce qu’on loue, ce qu’on estime, me diras-tu, ce qu’on honore sur parole. — Oui, on le loue, mais moi, on me lit. » Nescis, crede mihi, quid sint epigrammata, Flacce, etc.
L’Arioste est le premier peintre, et par conséquent peut-être le plus grand poète moderne : mais l’un des caractères d’originalité de son ouvrage, c’est l’art de faire sortir la plaisanterie du sérieux même de l’exagération. Rien ne devait plaire davantage aux Italiens, que ce ridicule piquant jeté sur toutes les idées sérieuses et exaltées de la chevalerie. […] Les Italiens n’ont pensé qu’à faire rire en composant leurs pièces ; tout but sérieux, même déguisé sous les formes les plus légères, ne peut y être aperçu ; et leurs comédies sont la caricature de la vie, et non son portrait. […] Mais ce n’est point sous un point de vue philosophique qu’ils attaquent les abus de la religion ; ils n’ont pas, comme quelques-uns de nos écrivains, le but de réformer les défauts dont ils plaisantent ; ce qu’ils veulent seulement, c’est s’amuser d’autant plus que le sujet est plus sérieux. […] C’est que, dans leur situation politique et morale, l’âme ne peut avoir son entier développement ; leur sensibilité n’est pas sérieuse, leur grandeur n’est pas imposante, leur tristesse n’est pas sombre.
Musette, avec un bon sens dont on ne peut la blâmer, demande le pain et la défense contre la prostitution à ses relations « sérieuses » avec quelques barbons et béjaunes de la bourgeoisie : elle ne revient parmi les bohèmes que pour rire, seule ressource qu’ils lui offrent. […] Vous essaierez vainement de leur expliquer qu’ils viennent de voir des pantins, des caricatures d’artistes, de faux créateurs, le rebut de l’art vrai, toute la troupe prétentieuse et attristante dont les producteurs sérieux subissent la promiscuité et la camaraderie dans les premières années. […] L’artiste aujourd’hui est attentif, sérieux et soucieux. […] Quel clubman, élevé dans les pures traditions de la gentry, désavouerait l’élégance vive et sérieuse de M. […] Nous en voyons déjà des figures sérieuses et jeunes.
Mais il se mêlait dans ces premiers essais d’une société sérieuse et polie une grande inexpérience. […] Leur conversation est, sans doute, moins enjouée quand il n’y a point de dames, que quand il y en a ; mais, pour l’ordinaire, quoiqu’elle soit plus sérieuse, elle ne laisse pas d’être raisonnable ; et ils se passent enfin de nous plus facilement que nous ne nous passons d’eux. […] Si donc il fallait conclure et répondre à la question posée au début, je rattacherais désormais au nom de Mlle de Scudéry l’idée, non pas du ridicule, mais plutôt de l’estime, d’une estime très sérieuse, et point du tout l’idée de l’attrait ou de la grâce. […] À l’aide d’une clef imprimée qu’on savait être à la bibliothèque de l’Arsenal et d’une autre clef manuscrite qui est à la bibliothèque Mazarine, il s’est appliqué à donner à ce roman une valeur historique sérieuse pour les actions mêmes et les hauts faits d’armes de Condé. […] Car n’oublions jamais l’opinion des gens de goût du temps, et des plus délicats, sur ces ouvrages que nous prétendons réhabiliter, et demandons-nous quelquefois s’ils ne souriraient pas de notre excès de sérieux ?
Je lui ai dû, pour mon compte, une des plus vives et des plus sérieuses impressions que j’aie éprouvées, et que ce nom de Bourdaloue réveille en moi. […] Je ne veux pas vous dissimuler l’espèce d’effroi qui m’a saisi en me voyant tirer du demi-jour qui me convenait si bien vers une lumière si vive et si inattendue ; ce sentiment est excusable : il y va de trop pour moi, sous toutes sortes de sérieux rapports, d’être jugé avec une si extrême bienveillance dans un article dont vous êtes l’auteur et que vous avez signé. […] Il me semble qu’après beaucoup d’éloges un peu de sympathie doit vous plaire ; j’offre la mienne à l’emploi que vous faites de votre talent, qui ne s’est pas contenté d’intéresser l’imagination et d’effleurer l’âme, mais qui veille aux intérêts sacrés de la vie humaine ; et moi, qu’une espérance sérieuse a pu seule faire écrivain, je suis heureux que vous ayez reconnu en moi cette intention, que vous l’ayez aimée ; et j’accepte avec reconnaissance les vœux par où vous terminez votre article.
Il était impossible de lire distraitement même un roman, de tourner les pages avec une langueur somnolente, en sautant tout ce qui prend l’air sérieux : dans ces formidables romans en dix tomes, diffus, interminables, bourrés de conversations et de dissertations, débordant de distinctions et d’analyses, l’histoire, les faits étaient peu de chose, et s’ils offraient à la curiosité frivole l’attrait de l’actualité et des allusions, c’était par les caractères finement dessinés, dont il fallait regarder de près les ressemblances. […] Au siècle suivant, en dépit de la suprême clarté dont se piquaient les philosophes, et des polissonneries facétieuses dont ils paraient leur matière, il fallait de l’attention et de la pénétration pour les suivre, et on ne sentait point tout l’agrément de la forme, si l’on ne comprenait le sérieux du sujet. Et avec cela, comme au siècle précédent, la conversation, où toute matière était touchée, où, devant les femmes et par elles, jamais avec pesanteur, parfois avec profondeur, étaient agitées les plus sérieuses questions de morale et de religion, de politique et d’économie.
Il donne alors au vers libre l’allure qu’il avait donnée à l’alexandrin ; il le fait lent, calme, un peu solennel, sérieux, un peu sévère : Midi s’apaise et les vagues s’allongent. […] Il donne alors au vers fibre l’allure qu’il avait donnée à l’alexandrin, il le fait lent, calme, un peu solennel, sérieux, un peu sévère »… [Poètes d’aujourd’hui (1900).
Cela dit, prenons-le par ses bons côtés, par ses saillies qui souvent vont fort loin dans le vrai et dans le sérieux, prenons-le dans sa parfaite connaissance de la vie, du monde et des hommes. […] Le prince a une manière gaie et parfois polissonnante (c’est un de ses mots) de dire même des choses sérieuses. […] Ceci devient sérieux et de ton et de fond : « Il est bien difficile de n’être pas sérieux au fond, disait le prince en une de ses Pensées, si ce fond n’est pas, comme chez quelques gens, à la superficie. » Il était royaliste, non par préjugé, mais par réflexion et par principes. […] En la voyant faire à cet enfant, il devait se rappeler qu’il y avait plus de vingt ans qu’il ne l’avait commandée au sérieux et devant l’ennemi.
Bonstetten y obtenait du succès ; les hommes les plus sérieux de ces salons littéraires, Thomas, l’abbé de Mably, s’attachaient à lui et s’étaient mis dans la tête de lui faire faire une histoire de la Suisse, — cette même histoire dont l’honneur était réservé à l’illustre ami de Bonstetten, Jean de Muller. — Bonstetten, dont ce n’était pas la vocation, éludait, les laissait dire, et les entendait pendant des heures développer leurs plans patriotiques, emphatiques ; lui, qui craignait déjà les ennuyeux, il ne savait bientôt plus comment fuir ces prédicateurs acharnés qui voulaient faire de lui un Raynal suisse ; il en était poursuivi jusque dans le parc de Saint-Ouen, chez Mme Necker ; jusque dans le château de La Rocheguyon, chez ses amies les duchesses de La Rochefoucauld, qui elles-mêmes se mettaient de la partie et devenaient complices : Ce qui ajoute à l’envie de me retrouver chez moi, écrivait-il de La Rocheguyon, c’est que voilà quatre jours que je me trouve avec l’abbé de Mably. « Et quand verrons-nous cette histoire de la Suisse ? […] Il disait encore de son ami, en laissant voir bien ingénument toute la différence qu’il y avait de sa façon de vivre à celle de Gray : L’humeur de Matthisson variait du sérieux au gai ; plus souvent il était sérieux… Il avait des journées entières où je ne pouvais lui arracher une parole, pas même une réponse. […] Le déjeuner, jusque-là, avait été sérieux ; Mlle Necker, qui avait essayé quelque espièglerie avec son père, et qui avait dû se borner à des clins d’œil, était visiblement contenue par la présence de sa mère qui lui imposait et qui même la grondait : elle craignait sa mère autant qu’elle adorait son père. […] Nous ne disons que les légèretés, mais il y avait l’observateur sérieux chez Bonstetten et qui jugeait très sainement et sans trouble des choses considérables, des événements définitifs qui se passaient sous ses yeux.
Pourquoi, au moment où le sérieux commence, une ironie moqueuse vient-elle gâter ou gaspiller tout cela ? Je lui passerais certains chapitres où, rangeant des vers sous air de prose, il s’amuse à les faire filer comme des troupes déguisées et à mystifier le lecteur qui n’y prendrait pas garde ; ces chapitres-là sont une critique lutine du jargon lyrique à la mode : ils valent mieux que notre critique sérieuse.
Tant de hautes facultés dissipées tour à tour dans un emploi mercenaire et dans d’indignes plaisirs, la confusion de tous les rangs et de toutes les conditions dans le même cercle d’intrigues sensuelles, cette familiarité délicate, ingénieuse encore dans sa licence, où vivent pêle-mêle, en confidents ou en rivaux, cardinal, prince, abbé, intendant, favori : c’était là un fonds de roman tout à fait hors des données vulgaires, et duquel, avec une âme sérieuse et tournée à l’histoire, on devait tirer de fortes leçons. […] Et puis, dans toute espèce de roman, même le plus élevé, le plus sérieux, le plus digne, n’y a-t-il pas lieu, par instante aussi rares qu’on voudra, mais quelquefois enfin, à s’asseoir, à s’oublier, à s’épanouir ?
Dans cette famille illustre et sérieuse des moralistes, qui, de La Rochefoucauld et de La Bruyère, se continue par Vauvenargues et par Duclos, Mme Guizot est l’auteur le dernier venu, et non, à ce titre, apprécié encore. […] C’est aussi dans la même épreuve que cette âme sérieuse se trempait à la vertu. […] Ainsi le combat allait bien à cette âme ; elle naissait à la passion sérieuse du vrai, à la chaleur de la raison. […] La chaleur des affections se fortifie en elle de l’ardeur des convictions, et ce double feu, moins brillant qu’échauffant, va jusqu’au bout animer et nourrir ses années de sérieux bonheur. […] Cet Essai, auquel s’attachait sa plume sérieuse, et si bien mené jusqu’au milieu, a été interrompu par la mort.
Et il ne se trompe pas moins dans l’idéal qu’il propose : le gentilhomme austère et pieux, qui maintient la gravité dans les mœurs et va donner une forte empreinte de sérieuse moralité aux lettres classiques, ce n’est plus à cette heure le huguenot de 1560, le soldat de Coligny ; c’est, ou ce sera tout à l’heure le janséniste, catholique malgré Rome. […] ce goût d’aventures héroïques, extraordinaires, qui dans l’Astrée même se traduit par le siège de Marcilly, et cette dévotion exaltée de l’amant à sa maîtresse, qui n’est que l’amour courtois ; c’est par l’Espagne surtout que l’héroïsme chevaleresque et le culte des dames sont restés des choses sérieuses, en dépit de l’Arioste et des spirituels conteurs de l’Italie. […] Moins lourde, mais plus sérieuse fut l’imitation française : la société précieuse est la réalité dont l’Astrée donne le roman. […] Je parle des genres sérieux de poésie : car, pour le burlesque, l’influence de l’Espagne fut considérable. […] Ainsi dans la poésie, dans l’épopée, dans le roman, dans le sérieux et dans le comique, toute la première moitié du siècle nous fait assister à une débauche d’esprit et de fantaisie, où l’invention monstrueuse, toujours plus haut ou plus bas que la nature, s’associe à une exécution la plupart du temps hâtive, inégale, et grossière jusque dans ses finesses.
Jules Janin parlant tout le temps de notre livre, nous fouettait avec de l’ironie, nous pardonnait avec de l’estime et des paroles sérieuses, et présentait notre jeunesse au public en l’excusant, en lui serrant la main : une critique à la fois très blagueuse et très paternelle. Il disait : Encore un mot, un mot sérieux, si je puis parler ici aux deux frères, MM. […] Oui, encore une fois, c’est bien entendu, un avorton de roman, mais déjà fabriqué à la façon sérieuse des romans d’à présent. […] Aujourd’hui que le Roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la forme sérieuse, passionnée, vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient, par l’analyse et par la recherche psychologique, l’Histoire morale contemporaine ; aujourd’hui que le Roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises. […] Il serait vraiment injurieux pour nous, la jeune et sérieuse école du roman moderne, de nous défendre de penser, d’analyser, de décrire tout ce qu’il est permis aux autres de mettre dans un volume qui porte sur sa couverture : Étude ou tout autre intitulé grave.
M. de Chateaubriand, au milieu des songes et des fantômes de son imagination, a toujours eu le goût des études sérieuses. […] on lui défendra d’examiner le côté sérieux des objets ! […] Une idée se dessine déjà : M. de Chateaubriand, en poète qu’il est, regrette la jeunesse, et il la veut remplacer du moins par quelque chose de grand, de sérieux, d’occupé, et qui en vaille la peine ; il veut de l’éclat et de la gloire pour se rajeunir. […] autant ces choses de la poésie sont délicieuses et adorables dans une âme restée vierge et doucement enivrée, autant elles révoltent quand elles ne viennent qu’à titre de mépris jeté à des intérêts après tout sérieux et sacrés, puisqu’ils sont ceux de la société même. […] Mais elle a droit, cette société, de demander au moins le sérieux de leur ambition à ceux qui veulent être ses guides et ses pilotes.
M. d’Argenson l’aîné fut d’abord traité par le monde comme il l’avait été par son père, et on l’avait surnommé d’Argenson la bête pour le distinguer de son frère l’homme d’esprit : il n’était que sérieux, réfléchi, et plus occupé d’être que de paraître, tandis que son frère était tout entier tourné à percer et à plaire. […] Sérieux au fond, ayant des goûts à lui et qui parurent bientôt très prononcés, aimant les lectures de toutes sortes, l’histoire, les estampes et l’instruction qu’elles procurent sur les mœurs du temps passé, jugeant sainement des choses et des hommes qu’il avait sous les yeux, et soucieux de l’amélioration de l’espèce dans l’avenir, il fut de tout temps très naturel, au risque même de ne point paraître essentiellement élégant ni très élevé, il avait en lui un principe de droiture et le sentiment de la justice qu’il cultiva et fortifia sans cesse, loin de travailler à l’étouffer. […] M. d’Argenson, tout sérieux qu’il était ou qu’il allait être, ne la traversa point sans en prendre quelque chose, soit pour le fond des mœurs, soit pour le ton. […] Il en fut pour son zèle : seulement, au lieu d’en plaisanter et de se moquer de lui-même en le racontant, comme font les gens bien appris, il ajoute, en y revenant avec un certain sérieux et avec persistance : « Mais je sus que cela avait été bien lu au roi, qui, quoique tout enfant, aima à entendre dire qu’il avait opéré ce miracle », De retour à Paris après quatre ou cinq années d’intendance, il siégea au Conseil d’État, et peu à peu s’y fit distinguer par le garde des sceaux Chauvelin et par le cardinal de Fleury. […] Il était là dans son centre, avec le degré de sérieux et de laisser-aller qui lui convenait ; et s’il n’y avait eu que des politiques comme lui, rassis et prudents, et plus à la hollandaise qu’à la française, la société aurait pu durer longtemps sans porter ombrage.
Le ton qui y régnait était avant tout sérieux, celui de la discussion en général, de la discussion longue, suivie, politique ou littéraire, avec des a-parte psychologiques ; une certaine allure d’étude jusque dans l’entretien, et de prédication dans le délassement. […] Le salon de Mme de Duras, sa personne, son ascendant, tout ce qui s’y rattache, exprime, on ne saurait mieux, l’époque de la Restauration par un aspect de grande existence encore et d’accès à demi aplani, par un composé d’aristocratie et d’affabilité, de sérieux sans pesanteur, d’esprit brillant et surtout non vulgaire, semi-libéral et progressif insensiblement, par toute cette face d’illusions et de transactions dont on avait ailleurs l’effort et la tentative, et dont on ne sentait là que la grâce. […] Elle était plus forte, plus grande, plus passionnément douée que ce premier aspect ne la montre ; il y avait de puissants ressorts, de nobles tumultes dans cette nature, que toutes les affections vraies et toutes les questions sérieuses saisissaient vivement ; comme l’époque qu’elle représente pour sa part et qu’elle décore, elle cachait sous le brillant de la surface, sous l’adoucissement des nuances, plus d’une lutte et d’un orage. […] La jeune Claire fut admise dès l’âge de sept ans dans la société familière de ses parents ; Mme de Duras disait volontiers qu’elle n’avait pas eu d’enfance, ayant été tout d’abord raisonnable et sérieuse. […] Benoist, fils du conseiller d’État, jeune homme aimable, plein de qualités sérieuses, et de la plus agréable figure : mais avec tout cela, et bien qu’accueilli sur le pied de la plus parfaite amitié, il ne pouvait dans ce monde-là faire un mari.
Cette explication était nécessaire pour faire comprendre la naissance, le succès, la valeur des genres sérieux issus de la comédie, et qu’on a nommés comédie larmoyante et drame. […] Le meilleur modèle du genre sérieux, c’est le Philosophe sans le savoir de Sedaine (1763) : ce n’est pas une œuvre supérieure486 ; c’est une comédie sans profondeur et sans déclamation, d’un optimisme aimable sans niaiserie. […] Mais il ; reconnaît autour d’eux d’autres genres dramatiques, et voilà la liste qu’il dresse : Comédie — Comédie sérieuse — Tragédie bourgeoise — Tragédie. […] Il n’y a pas d’objection sérieuse à faire à cette liste. […] Piron maudit le genre sérieux en y revendiquant sa part de paternité : il écrivit sa Métromanie (1738), peinture trop chargée d’un travers trop spécial, et dont vraiment on a fort exagéré l’agrément.
II Voici la contemporaine de Jeanne d’Arc, l’excellente Christine de Pisan, si digne, si naïve, si pleine de vertu et de prud’homie, qui, raide comme un personnage de vitrail, s’applique, avec le grand sérieux des bonnes âmes du moyen âge, gauchement et gravement, à enserrer la langue balbutiante de son siècle dans la forme du style cicéronien comme dans un heaume lourd et trop large. […] … Puis c’est, à l’arrière-plan, Mme des Houlières, besoigneuse, « ayant eu des malheurs », intrigante, cherchant à placer ses deux filles, suspecte d’un peu de libertinage d’esprit, avec je ne sais quoi déjà du bas-bleu et de la déclassée… Voici, en revanche, deux perles fines, deux fleurs de malice et de grâce : Mme de Caylus, si vive, si espiègle et si bonne, et la charmante Mme de Staal-Delaunay, qui fait penser, par son changement de fortune et par la souplesse spirituelle dont elle s’y prête, à la Marianne de Marivaux Une révérence, en passant, à la sérieuse et raisonneuse marquise de Lambert, et nous sommes en plein xviiie siècle, parmi les aimables savantes et les jolies philosophes. […] Il commet beaucoup d’autres omissions, dont nous devons le remercier pour nos filles Près de Mme d’Épinay, Mme d’Houdetot, si plaisante par son ignorance du mal, par son obéissance prolongée aux bonnes lois de nature, par son indulgence que la Révolution ne put même inquiéter, et par le divin enfantillage d’un optimisme sans limites Et, après cette colombe octogénaire, voici surgir Mme Roland, une fille de Plutarque, une enthousiaste, une envoûtée de la vertu antique, qui, lorsqu’elle écumait le pot chez sa mère, songeait à Philopœmen fendant du bois Voici trois maîtresses d’école, trois enragées de pédagogie : Mme de Genlis, le type de la directrice de pensionnat pour demoiselles, sentimentale et puérile ; Mme Necker de Saussure, esprit solide et supérieur, d’un sérieux un peu funèbre, le modèle des gouvernantes protestantes ; Mme Guizot, très bonne âme, avec quelque chose d’ineffablement gris, écrivant ce que peut écrire une demoiselle qui, à quarante ans, épouse M. […] ces femmes, qui ont une pensée virile, ont aussi un genre de sérieux plus fatigant que les hommes les plus hauts sur cravate.
Ce serait une lourde sottise de prendre trop au sérieux cette fantaisie fertile en inventions cocasses, ces cascades de situations folles qui tombent si aisément des données initiales d’un sujet. […] Dans ces livrets d’une bouffonnerie énorme et pourtant fine898, dont la fantaisiste irréalité semble se rapprocher parfois de la comédie de Musset, dans cette « blague » enragée qui démolit tous les objets de respect traditionnel, en politique, en morale, en art, et qui ne reconnaît rien de sérieux que la chasse au plaisir, revit ce monde du second empire que les romans et les comédies, plus brutalement ou plus sévèrement, s’efforceront de représenter : monde effrénément matérialiste, si vide de conviction qu’il ne croyait même pas à lui-même, se moquant du pouvoir et de l’argent qu’il détenait, et se hâtant, avant de les perdre, d’en acheter le plus possible de plaisir. […] Mais ce vaudevilliste éminent, à qui n’a pas manqué une verve amusante, encore qu’un peu grosse, de caricaturiste900, n’a apporté dans la pièce sérieuse que le goût des effets qui forcent l’applaudissement, le génie des trucs et des ficelles.
Elle a tantôt la face sérieuse et grandiose de Melpomène, tantôt le visage railleur de Thalie, et tantôt encore elle fond ces deux masques en un seul, comme Shakespeare les a fondus sur son immense front théâtral. […] Or, avant d’être pathétique, il avait été déjà sérieux. […] Vitu est enfin un homme qui mettrait un mépris fort gai au service de convictions très sérieuses.
Les deux seuls beaux échantillons parfaits qu’on ait eus dans ce système dramatique moderne, tel qu’il était conçu alors par l’élite des esprits délicats, sérieux et élevés, ç'a été les deux pièces de Manzoni, Carmagnola et Adelchi. […] Voilà comment deux pièces estimables, dont l’une (Lucrèce) est très-supérieure à l’autre, mais dont aucune ne réalise le moins du monde l’idéal moderne qu’on avait, à un moment, entrevu, voilà comment ces deux pièces qui ne sont que de très-nobles essais de poëtes qui sembleraient à peine encore émancipés de la plus excellente des rhétoriques, ont été presque un événement : il y a vingt-cinq ans, à une époque qui comptait parmi les juges de la tentative dramatique, non-seulement les jeunes esprits sérieux de la France, mais des témoins attentifs et des juges européens, tels que Goethe, Walter Scott et Manzoni, en eût-il été de la sorte ?
C’est son exemple qui m’a fait préférer à l’existence précaire du journalisme la carrière honorable, sérieuse, utile de l’enseignement public. […] Ils ont un esprit sérieux et des idées larges ; nés également pour la vie intérieure et la vie publique, ils seront bons pères de famille et bons citoyens. […] Gandar ne perd jamais de vue le but sérieux, et même quand il rêve, il ne s’en éloigne pas. […] J’ai cependant la satisfaction de voir que les passions irréfléchies ne cherchent pas leur aliment à mes leçons ; qu’un assez grand nombre d’auditeurs fidèles et sérieux s’accoutument à l’indépendance et à la modération de mon langage, et qu’en somme on est disposé à me suivre dans les voies moyennes où me mène ma sincérité. […] le souvenir qui m’est resté de lui, quant à ces années, est celui d’un excellent élève, d’un très bon humaniste, solide, complet, déjà professeur (chose plus rare à l’École qu’on ne pense) par l’air, le ton, l’aplomb de la parole, le zèle sérieux et convaincu.
Est-ce là un pur caprice sans importance, une mode passagère qui ne tient à aucune cause sérieuse et qui ne vise à aucun effet ? […] De quelque manière qu’on veuille interpréter ces symptômes évidents, qu’on y voie, comme les plus illuminés semblent le croire, l’annonce de je ne sais quelle femme miraculeuse destinée à tout pacifier ; qu’on y voie simplement, comme certains esprits plus positifs, la nécessité de réformer trois ou quatre articles du Code civil, nous pensons qu’il doit y avoir sous ce singulier phénomène littéraire une indication sociale assez grave ; nous aimons surtout à y voir un noble effort de la femme pour entrer en partage intellectuel plus égal avec l’homme, pour manier toutes sortes d’idées et s’exprimer au besoin en sérieux langage. […] Deux ou trois passages de Lélia pouvaient mériter, à coup sûr, des reproches et soulever des scrupules par une grande nudité d’aveu ; mais le sérieux continu et l’élévation du sentiment rendaient ces passages mêmes beaucoup plus chastes que les trois quarts des scènes triviales qu’admirent et célèbrent nos critiques dans les romans de chaque jour.
Rien n’avertit une littérature d’être digne, sérieuse, honnête, comme de sentir qu’on a l’œil sur elle et qu’elle est l’objet d’une haute attention. […] Les beaux esprits pourraient sourire d’abord, comme ils sourient de tout en France, mais la France n’est pas dans quelques salons, et les travailleurs, dans quelque ordre qu’ils soient, sont trop occupés pour sourire : ils sont sérieux et seraient reconnaissants. […] La bohème, même la plus sérieuse et la plus honnête, — et par bohème j’entends tout ce qui est précaire, — est à cent lieues de la bureaucratie, même la plus prévenante et la plus polie.
J’ai la faiblesse de regarder comme de mauvais ton et très facile à imiter cette prétendue délicatesse, qui ne peut se résoudre à prendre la vie comme chose sérieuse et sainte ; et, s’il n’y avait pas d’autre choix à faire, je préférerais, au moins en morale, les formules du plus étroit dogmatisme à cette légèreté, à laquelle on fait beaucoup d’honneur en lui donnant le nom de scepticisme, et qu’il faudrait appeler niaiserie et nullité. S’il était vrai que la vie humaine ne fût qu’une vaine succession de faits vulgaires, sans valeur suprasensible, dès la première réflexion sérieuse, il faudrait se donner la mort ; il n’y aurait pas de milieu entre l’ivresse, une occupation tyrannique de tous les instants, et le suicide. […] Et pourtant tout le sérieux de la vie s’use autour de l’acquisition de la richesse, et on ne regarde le plaisir que comme un délassement pour les moments perdus et les années inutiles.
Malheureusement pour nous, ces années si précieuses sont celles où nous sommes distraits le plus facilement de toutes les applications sérieuses. […] Quand la force du génie ramenera notre jeune peintre à une étude plus sérieuse de son art, parce que l’yvresse de la jeunesse sera passée, sa main et ses yeux ne seront plus capables d’en bien profiter. […] Il est impossible que l’attention sérieuse sur des minuties que ce travail exige, ne fatigue pas bien-tôt.
» Mais il demeura toujours quelque chose au président Hénault de ces années passées à l’Oratoire ; il lui arriva plus d’une fois d’en regretter l’innocence et la paix ; il a même célébré en vers ces agréables ombrages où se menaient de doux et sérieux entretiens ; ces retraites riantes, disait-il, où le désir est calme et la chaîne légère. […] Le président Hénault pourtant allait peu à peu devenir un homme sérieux ; mais là encore, et lorsqu’il se trouvera mêlé aux choses plus importantes, il y entrera du jeu et de la représentation plus que du fond. […] Nous avons vu de nos jours de ces hommes d’esprit, témoins de tout, consultés sur tout, qui faisaient au besoin les mots spirituels des grands jours et des circonstances d’apparat ; qui écrivaient sous main les discours, les déclarations solennelles, et quelquefois rédigeaient des chartes : ces hommes-là ont trop vu, trop regardé la tapisserie par l’envers ; ils ne prennent les choses ni les personnages bien au sérieux, et ne s’y prennent pas trop eux-mêmes ; éclairés d’ailleurs, serviables, indulgents, d’un amour-propre aussi commode que d’autres l’ont ombrageux et cruel. […] Le président écrivit donc à Voltaire, et après avoir loué en lui avec effusion le talent sérieux, éloquent, le pathétique auteur d’Adélaïde du Guesclin et de Tancrède, il ajoutait ceci à l’adresse du soi-disant abbé Bazin : Je ne suis point théologien, ainsi je ne m’aviserai pas de lui répondre (à cet abbé Bazin) ; mais je suis homme et je m’intéresse à l’humanité. […] Monmerqué possède d’autres mémoires du président Hénault, qui sont d’un intérêt sérieux en ce qu’ils traitent des affaires du Parlement dans lesquelles le président fut très mêlé comme négociateur officieux pour le ministère et pour la Cour.
La Correspondance, peu agréable à première vue, est d’un intérêt sérieux à qui la sait bien lire. […] Là-dessus aucune négligence, et n’imitez personne ; suivez ce que vous avez vu et appris ici. » Elle ne cesse de conseiller à sa fille des lectures fortes, des lectures suivies ; elle attend tous les mois en vain la liste des livres sérieux que l’abbé de Vermond s’était chargé de procurer à la jeune princesse, et qui, on le sait aujourd’hui par les catalogues, étaient si absents de ses bibliothèques particulières : « Tâchez de tapisser un peu votre tête de bonnes lectures ; elles vous sont plus nécessaires qu’à une autre, … n’ayant aucun autre acquit, ni la musique, ni le dessin, ni la danse, peinture et autres sciences agréables. » Il est permis sans doute, surtout à son âge, de s’amuser, mais d’en faire son unique soin et de n’être occupée qu’à « tuer le temps entre promenades et visites », elle en reconnaîtra le vide et en sera un jour aux regrets. Elle doit apprendre de bonne heure à s’occuper de choses sérieuses et se rendre capable d’être utile à son époux, s’il lui demandait un avis et lui parlait amicalement des affaires. […] Il me reste à parler d’un sérieux épisode politique qui a sa place dans cette Correspondance, aux années 1778-1779, et qui nous montre Marie-Thérèse aux prises encore une fois avec le grand Frédéric, son antagoniste habituel. […] Ce critique, en se nommant, s’est fait connaître à moi comme un esprit sérieux et même sévère, qui n’entend pas badiner en matière morale ou historique.
Quand elle parle de son barbouillage, est-ce bien sérieux ? […] Les lettres de 1772 à Sophie sont d’un sérieux qui fait sourire : on sent que la jeune prêcheuse vient de lire Nicole, comme plus tard elle aura lu Rousseau. […] Ici, dans les lettres, elle raille un peu moins que dans les Mémoires ; comme les prétendants se présentent un à un, et que plus d’une de ces demandes peut être sérieuse, elle en semble parfois préoccupée. […] Mais enfin elle ne plaisanta pas toujours, et c’est ce moment sérieux, attendri, pas très-violent jamais ni très-orageux, pourtant assez profond et assez embelli, que la Correspondance actuelle vient trahir. […] Tout cela devenait sérieux.
N’est-ce pas en tant que pouvant fonder dans l’avenir la vraie et sérieuse philosophie de l’histoire ? […] Dans l’état actuel, on peut dire qu’il y a des recherches inutiles, en ce sens qu’elles absorbent un temps qui serait mieux employé à des sujets plus sérieux. Mais, dans l’état normal, où tant de forces maintenant dépensées à des objets parfaitement futiles seraient tournées aux choses sérieuses, aucun travail ne serait à dédaigner. […] quand la vie est si courte et qu’il s’y présente tant de choses sérieuses, ne vaudrait-il pas mieux prêter l’oreille aux mille voix du cœur et de l’imagination et goûter les délices du sentiment religieux, que de gaspiller ainsi une vie qui ne repasse plus et qui, si on l’a perdue, est perdue pour l’éternité ? […] Sans vouloir rien préciser, je concevrais que, dans une organisation sérieuse de la science, on ouvrît ainsi des problèmes publics où chacun vînt apporter son contingent de faits.
Le 23 du mois dernier, est mort dans la force de l’âge un homme dont le nom et les œuvres n’étaient guère connus que de ceux qui s’occupent des productions de l’esprit, mais qui était fort apprécié par les meilleurs juges, d’une intelligence rare, élevée, étendue et sérieuse, d’un goût fin, curieux, quelquefois singulier, mais distingué toujours, d’un caractère à part, ironique et original ; écrivain des plus spirituels et des moins communs, et qu’il serait injuste de traiter comme il semblait par moments désirer qu’on le fît, c’est-à-dire par l’omission et le silence. […] Il est vrai que, par un reste de fidélité à ses épigrammes, il n’a jamais cédé aux suggestions amicales qui lui furent faites plus d’une fois de se mettre sur les rangs pour un fauteuil, bien qu’il réunît certainement à cet effet toutes les qualités à la fois solides, sérieuses, distinguées et même mitigées, qu’on préfère ou qu’on exige. […] Mieux averti par le goût du temps et par le sérieux de sa propre inclination, il médita de s’appliquer à loisir à une grande étude d’histoire, et, en attendant, il fit de la politique. […] Bazin avait quarante ans quand il aspira publiquement à ce titre sérieux, dont il avait compris toute la responsabilité et qu’il justifia. […] Malgré ces défauts que je ne cherche pas à dissimuler, et quoiqu’elle reste assez difficile à lire dans toute sa continuité pour les esprits qui ne sont pas très sérieux et attentifs, l’Histoire de M.
Arrivé en province, à Moulins, il s’aperçoit aisément que la proscription ne l’y atteindra pas : il aurait même pu se montrer sans danger et reparaître, s’il n’y avait pas vu une espèce de bravade, et par conséquent un défaut de convenance : « Mais, ajoute-t-il, il faut être poli, même avec les révolutions. » On doit déjà saisir le ton de cet esprit fin, ironique, épigrammatique, et légèrement impertinent jusque dans les choses sérieuses : son mérite est de renfermer bien du bon sens et des vues justes sous cette forme-là. […] Fiévée eut l’heureuse idée de se distraire en écrivant La Dot de Suzette, ou Histoire de Mme de Senneterre racontée par elle-même (an VI), un de ces petits romans qui font, en France, la réputation d’un homme grave plus vite que ne feraient vingt brochures sérieuses. […] D’un autre côté, ceux qui s’arment de ce qu’un homme d’esprit a fait pour en conclure qu’il ne saurait faire autre chose, ces personnes-là, sous l’Empire ; ne manquaient pas de répéter, quand on leur parlait des écrits sérieux de M. […] » Qualifiant l’influence alors régnante, la double influence inverse, mais également dangereuse, de Rousseau et de Voltaire, il dit : Les Français vivant sur deux opinions également dangereuses, l’une formée par un éloquent écrivain qui a grandi toutes les petites choses, l’autre formée par un écrivain railleur qui s’est plu à dégrader tout ce qui était grand, il faut s’écarter avec soin de l’une et de l’autre route, pour refaire l’opinion publique et en revenir, comme au vieux temps, à la simplicité et au sérieux. […] Cet écrivain tombera à mesure que les choses sérieuses reprendront de l’ascendant et autant que la société se trouvera bien gouvernée ; mais toutes les fois qu’elle entrera en opposition contre le gouvernement, quel qu’il soit, Voltaire retrouvera tout son crédit, parce qu’il est fort amusant à lire pour ceux qui sont mécontents.
. — Ainsi Montesquieu, à ses débuts, s’occupait de sciences comme le fera Buffon, comme Goethe le fera plus tard ; il fournissait les fonds d’un prix d’anatomie, et semblait ne viser qu’à des succès tout sérieux, d’accord avec la gravité de son état. […] Dans les Lettres persanes, Montesquieu, jeune, s’ébat et se joue ; mais le sérieux se retrouve dans son jeu ; la plupart de ses idées s’y voient en germe, ou mieux qu’en germe et déjà développées : il est plus indiscret que plus tard, voilà tout ; et c’est en ce sens principalement qu’il est moins mûr. Car il gardera la plupart de ses idées ; seulement, dans ses futurs ouvrages, il ne les rendra pas de même, il les réfléchira autrement et ne parlera qu’avec sérieux, sentant de plus en plus la grandeur de l’invention sociale et désirant l’ennoblissement de la nature humaine. […] On a dit qu’il devait cette idée à Dufresny qui, dans un livre intitulé les Amusements sérieux et comiques, suppose, pour plus de variété, un Siamois à Paris, tombé des nues en pleine rue Saint-Honoré, et faisant ses réflexions à sa manière. […] Rica est l’homme moqueur, Parisien dès le premier jour et peignant avec badinage les travers et les ridicules des originaux qui passent sous ses yeux et desquels il s’accommode : Usbek, plus sérieux, résiste et raisonne ; il aborde les questions, il les pose et les discute dans les lettres qu’il adresse aux théologiens de son pays.
L’un d’eux dira : Le singe est le contraire de l’homme ; en effet, l’homme est l’être le plus sérieux de la création. […] Le singe n’est pas le contraire de l’homme ; car l’homme n’est pas toujours sérieux ; il lui arrive de faire des grimaces, et, soit dit sans vous offenser, de dire des choses ridicules. […] Je vais montrer avec quelle logique ils sont partis, l’un de l’idée du sérieux, un autre de l’idée du sublime, pour déterminer, en vertu du principe de contradiction, l’idée du comique. […] Plusieurs critiques, sans être allemands, trouvent même qu’il est un peu sérieux, et que le personnage qui le rend nécessaire est bien odieux pour être comique. […] Voyez : elle loue Molière pour son sérieux, et Aristophane pour sa gaieté.
On prenait ces récits tantôt au sérieux dans le peuple, tantôt en plaisanterie dans les cours ; de ce mélange indécis de sérieux chez les ignorants, de plaisanterie chez les lettrés, était né le germe d’épopée héroï-comique qui florissait alors en Italie. […] Nous avons partagé longtemps l’espèce de dédain que les esprits sérieux et tristes éprouvent par prévention contre ce miraculeux badinage. […] Nous ne conseillerons donc jamais à un homme dans la maturité active de la vie, de lire l’Arioste ; à l’âge où les passions sont sérieuses, on ne comprendrait pas ce badinage avec l’héroïsme ou l’amour. […] Le vice est sérieux, le plaisir est folâtre ; la bonne intention et la belle poésie purifient tout à leurs yeux dans l’Arioste : seulement, quand la strophe était un peu trop nue, le canonico jetait son mouchoir sur la page, comme le statuaire chaste jette une draperie ou un feuillage sur une nudité de marbre. […] C’est par lui que j’appris que l’Arioste, dans un voyage qu’il fit à Florence, vers l’âge de quarante-cinq ans, conçut un amour sérieux et durable pour une charmante veuve florentine à laquelle il adressait mentalement toutes les louanges qu’il donne aux femmes belles et vertueuses, et dont il retraçait quelques souvenirs dans chacun des délicieux portraits de femmes dont son poème est illustré.
A cette contradiction inévitable ici-bas, et à laquelle se heurte toute sérieuse pensée, le poëte, à ses heures meilleures, répond par croire, adorer sans comprendre, et surtout aimer. […] J’en suis aux critiques ; car moi aussi j’en veux faire, et par là, non moins que par mes éloges, prouver mon sérieux respect pour le talent de mademoiselle Bertin. […] Mais ce n’est que vers 1828 que cette école (j’emploie souvent ce vilain mot pour abréger) a pleine conscience et science d’elle-même, qu’elle s’organise avec plus d’étude et de sérieux, qu’elle marche en avant d’un air d’ensemble, chacun sur son point, et plusieurs avec originalité. […] L’école moderne n’a pas non plus résolu cette question de savoir s’il est possible en français de faire un poëme de quelque étendue, un poëme sérieux et qui ne soit pas ennuyeux ; malgré Jocelyn, qui était si digne et si près de la résoudre, la question demeure pendante155.
, excessivement intéressante en soi, et se raccordant à merveille au genre de génie qui a créé Tristram Shandy, cette bouffonnerie sérieuse, encore plus que le mariage, comme disait cet évangéliste de Beaumarchais. […] M. Sérieux (stem veut dire sérieux en anglais) ; Sterne, au nom duquel la vie, cette farceuse, ajouta comiquement le titre de Révérend, comme si M.
On aperçoit aussitôt quels inconvénients en résultent pour des œuvres vraiment élevées ou chastes, et faites pour être lues avec sérieux et avec ensemble. […] De loin, à nous humbles esprits, il nous semble que, malgré tout, la partie n’est point perdue pour la cause des Lettres honnêtes et sévères, et que ce drapeau si bruyamment déployé par des spéculateurs intrépides peut au contraire servir de signal à tous les esprits modérés et sains, à tous les talents restés sérieux et dignes, pour s’unir, se serrer en groupe, et pour résister à un coup de main qui tend à changer ainsi de fond en comble le régime et les conditions vraies de la littérature.
La science n’est sérieuse que quand on en fait l’affaire essentielle de la vie. […] L’humanité est sérieuse. […] Le riche ne demande pas de science sérieuse.
Semblables à tous les amoureux qui voient le profil de leur maîtresse dans les lignes de tous les horizons, ils ne pouvaient pas même se douter qu’elle existait, cette contradiction qu’un historien, sinon grave, au moins sérieux (distinction que ces messieurs ont inventée pour eux dans leur préface), aurait posée d’abord au commencement de son ouvrage pour en éclairer la portée, le but, la marche elles contours. […] analyser Paris, analyser la province, montrer ce que l’un et l’autre et ce que tous les deux sont à la société française dont on lit l’histoire, voilà ce à quoi un écrivain sérieux était obligé. Un écrivain sérieux aurait d’abord examiné ce qu’il y a de semblable et de différent entre Paris, ce caravansérail du monde et de la province, ce home de la France, — comme diraient les Anglais, — entre Paris, le vaste déversoir de toutes les vagues sociales qui viennent s’y engloutir avec leurs impuretés et leurs écumes, et la province, cette multitude de baies où le flot se circonscrit et séjourne ; — Paris, patrie anonyme de tous les hommes qui ont brisé le lien de la famille et qui ont quitté la province pour en éviter le regard qui tombait de trop près sur eux, et la province, cette vraie patrie de la famille française qui en garde plus austèrement l’honneur et les traditions ; — entre Paris enfin, spirituel, mobile, éloquent, au cœur un peu trop tendre aux révolutions, qui s’habille, babille, se déshabille et brille… de cet éclat de strass qui exagère les feux du diamant, et la province, perle sans rayon, mais d’un bon sens si tranquille et pourtant d’une action si puissante quand il s’agit de dire des mots décisifs, la province, qui a toujours répondu par des empires — parfaitement français — aux républiques parisiennes.
Aussi lente, sérieuse, consciencieuse est la conception du grand artiste, aussi preste est son exécution. […] Les folâtres et élégantes princesses de Watteau, à côté des Vénus sérieuses et reposées de M. […] Il y en a de sérieux et pleins d’une grande bonne volonté ; ceux-là, plaignons-les. […] Du reste, ces harmonieux poèmes de pierre allaient très-bien au talent sérieux et idéaliste de M. […] Rousseau, dont chacun a souvent remarqué les tableaux pleins de couleur et d’éclat, est dans un progrès sérieux.
Les dames y tiennent beaucoup de place ; les observations sérieuses s’y retrouvent sous le badinage. […] Au milieu de toutes les parties sérieuses et élevées de ce discours, je remarque un exemple d’une des qualités et des formes de l’esprit de M. de Broglie, la raillerie et l’ironie. […] On voit trop l’esprit sérieux qui s’est appliqué tout entier à la chose même, et qui n’écrit qu’en présence de son sujet, sans s’inquiéter assez de l’effet sur ses lecteurs. […] Un grand malheur qui le frappa en 1838, la mort de Mme la duchesse de Broglie, augmenta en lui cette disposition sérieuse et réservée, cette faculté de s’abstenir, dans laquelle la pensée religieuse a pris plus de part et tenu plus de place chaque jour. […] Une certaine ironie d’expression, mais qui n’a rien d’amer, s’offre comme à la surface : cet enjouement habituel, qui ne déroge pas au sérieux et qui y rentre dès qu’il le faut, semble dénoter la sérénité du fond.
Galiani, vers ce temps, se livrait aux études les plus sérieuses : il publiait à vingt et un ans un livre sur la monnaie ; il rendait à un savant illustre, alors très vieux et presque aveugle, à l’abbé Intieri, le service de décrire en son nom, dans un petit traité substantiel et tout positif, un procédé nouveau pour la conservation des grains. […] À propos de chaque chose sérieuse, en politique, en morale, en religion, il avait quelque apologue, quelque bon conte à faire, un conte gai, fou, imprévu, qui vous faisait rire à chaudes larmes, comme il disait, et qui recelait souvent une moralité profonde. […] Chez lui, un raisonnement sérieux et profond se tourne tout à coup en calembour. […] Je pense qu’à ses moments les plus sérieux il aurait défini le sage « celui qui, aux heures de réflexion, se dégage complètement et se dépouille de toutes les impressions relatives, et qui se rend compte de son propre accident, de son propre rien, au sein de l’universalité des choses ». […] » Il s’y occupe pourtant, et avec plus de sérieux qu’il ne dit.
Cette lettre est peut-être ce que Mme de Girardin a écrit de plus sérieux comme moraliste ; car, plus tard, dans ses feuilletons sur le monde parisien, elle s’en tiendra volontiers aux surfaces et à l’épiderme social ; elle se jouera, elle se plaira à ne voir et à ne décrire la nature humaine que depuis le Boulevard jusqu’au Bois. […] Une course de chevaux, une chasse, une mode nouvelle, une chose frivole prise au sérieux, une sérieuse prise au frivole, ce sont là ses sujets, ses triomphes ordinaires et faciles. […] Je ne sais pas, dans ce genre semi sérieux, de plus agréable feuilleton que celui du 29 mars 1840. […] Pour ceux qui, comme nous, ont la manie de chercher encore autre chose et mieux que ce qu’on leur offre, il reste à regretter que l’esprit, chez Mme de Girardin, si brillant qu’il soit, ait pris dès longtemps une prédominance si absolue sur toutes les autres parties dont se compose l’âme du talent, et qu’elle se soit perfectionnée comme écrivain dans un sens qui n’est pas précisément celui du sérieux et du vrai.
Mais elle eut en son temps un rôle à part, sérieux et délicat, solide et charmant, un rôle en effet considérable, et dans son genre au niveau des premiers. […] La Princesse de Clèves et son attachement avec M. de La Rochefoucauld, ce sont deux titres presque égaux de Mme de La Fayette à une renommée touchante et sérieuse ; ce sont deux endroits qui marquent la littérature et la société de Louis XIV. […] Il y a des jours plus sérieux et non moins délicieux, où, à Saint-Maur, dans cette maison que M. le Prince avait prêtée à Gourville, et dont Mme de La Fayette jouissait volontiers, on entendait en compagnie choisie la Poétique de Despréaux qu’on trouvait un chef-d’œuvre. […] Dans son beau et vaste jardin de la rue de Vaugirard, si verdoyant, si embaumé, dans la maison de Gourville à Saint-Maur, où elle s’habitue en amie franche, à Fleury-sous-Meudon, où elle va respirer l’air des bois, on la suit malade, mélancolique ; on voit cette figure longue et sérieuse s’amaigrir et se dévorer. […] Mme de La Fayette mourante était celle encore dont Mme Scarron, écrivant à Mme de Chantelou sur sa présentation à Mme de Montespan, avait dit en 1666 : « Mme de Thianges me présenta à sa sœur… Je peignis ma misère… sans me ravaler ;… enfin Mme de La Fayette auroit été contente du vrai de mes expressions et de la brièveté de mon récit. » En fait de société aimable et polie, unissant le sérieux et le vrai à la grâce, si j’avais été de M.
De menus détails, capables sans doute de piquer la curiosité des esprits actifs et de servir de passe-temps à ceux qui n’ont rien de mieux à faire, fort indifférents pour celui qui voit dans la vie une chose sérieuse et se préoccupe avant tout des besoins religieux et moraux de l’homme. […] L’essentiel est donné ; la seule science sérieuse sera celle qui commentera la parole révélée, toute autre n’aura de prix qu’en se rattachant à celle-là. […] C’est parce que je suis sérieux et que je traite sérieusement les choses religieuses que je parle de la sorte. […] Les hommes sérieux concevaient comme idéal de la vertu des caractères grossiers et incultes, et comme idéal de la société un développement tourné exclusivement vers le dévouement à la patrie et le bien faire (Sparte, l’ancienne Rome, etc.). […] Jamais esprit de quelque finesse ne les a prises au sérieux, et je plaindrais fort celui dont la foi religieuse ne serait étayée que sur ce scolastique échafaudage.
L’élément le plus sérieux, le plus incontestable de la renommée de M. […] Pour des lecteurs sérieux, il y a autre chose dans un livre que le sujet pris en lui-même. […] Un poète qui prend son art au sérieux, et M. […] Ce danger très sérieux, M. […] Est-ce une idée sérieuse ?
On ne s’attendrait pas à voir Marivaux faisant la réprimande à Montesquieu, et la faisant sur un chapitre sérieux dans lequel il a pour lui convenance et raison : Je juge, disait-il donc à propos des Lettres persanes, que l’auteur est un homme de beaucoup d’esprit ; mais, entre les sujets hardis qu’il se choisit et sur lesquels il me paraît le plus briller, le sujet qui réussit le mieux à l’ingénieuse vivacité de ses idées, c’est celui de la religion et des choses qui ont rapport à elle. Je voudrais qu’un esprit aussi fin que le sien eût senti qu’il n’y a pas un si grand mérite à donner du joli et du neuf sur de pareilles matières, et que tout homme qui les traite avec quelque liberté peut s’y montrer spirituel à peu de frais ; non que, parmi les choses sur lesquelles il se donne un peu carrière, il n’y en ait d’excellentes en tous sens, et que même celles où il se joue le plus ne puissent recevoir une interprétation utile ; car enfin, dans tout cela, je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine, mais qui ne songe pas assez qu’en se jouant il engage quelquefois un peu trop la gravité respectable de ces matières : il faut là-dessus ménager l’esprit de l’homme, qui tient faiblement à ses devoirs, et ne les croit presque plus nécessaires dès qu’on les lui présente d’une façon peu sérieuse. […] Quelques années après (1751), lisant dans une séance publique de l’Académie des Réflexions sur les hommes et sur les Romains, il parut trop viser au sérieux et eut peu de succès auprès du public ; c’est peut-être ce jour-là que, voyant qu’il n’était pas écouté à son gré, il termina brusquement sa lecture avec un mécontentement visible, dont nous sommes informés par d’Alembert. […] Marivaux avait dans l’esprit, on l’a vu, un coin de sérieux qui eût mérité de trouver grâce auprès des vrais et modestes philosophes, et que d’Alembert du moins a senti.
Je ne fais que traduire cette impression à ma manière en disant : En France, un caprice, une impression fugitive décide de tout, même dans les Assemblées réputées sérieuses : le Cabinet du 11 octobre, si essentiel à la stabilité du régime politique, est renversé par les partisans de ce régime même, presque au lendemain de l’attentat Fieschi, parce que, dans une question de conversion de rentes, M. de Broglie a dit à la Chambre des députés d’un ton un peu trop hautain : Est-ce clair ? […] La Bruyère a remarqué que « le caractère des Français demande du sérieux dans le souverain. » Louis-Philippe n’a pas tout le sérieux voulu. […] a pris cela au sérieux et a relevé le gant ; il n’a pas craint de faire dans les Débats un long article intitulé : Le roi Louis-Philippe et M.
Ceux (et j’en ai connu) qui, nourris dans les idées opposantes, croyaient à Napoléon moins d’estime pour la nature humaine, sont heureusement combattus et en partie réfutés par de telles pages, par de telles paroles empreintes à la fois de sérieux et d’indulgence. […] II J’ai pu à peine donner idée de ce chapitre élevé et pathétique qui couronne dignement la plus sérieuse histoire. […] Si l’écrivain paraît une fois, il ennuie ou fait sourire de pitié les lecteurs sérieux. […] Du reste, je ne parle que du mien, que je crois le plus sérieux qu’il y ait au monde ; et ne pas se proposer la forme simple, c’est n’en comprendre ni la beauté ni la grandeur.
Dans les parties sérieuses, lorsqu’il fait parler le chanoine, par exemple, on le voit tenté presque d’entreprendre contre les folles et extravagantes comédies du temps une levée de boucliers du même genre que celle qu’il est en train de mettre à exécution contre les mauvais romans. Il propose de remédier aux excès du théâtre à l’aide d’un censeur d’office ; il souhaiterait ce censeur pour les romans aussi, pour les livres de chevalerie : il est si sérieux en parlant de la sorte, qu’il trace d’après un canevas-modèle le plan d’un roman de chevalerie exemplaire qui aurait les mérites du genre sans les défauts, qui permettrait de personnifier dignement toutes les qualités morales, toutes les vertus, d’introduire dans une trame variée toutes les vicissitudes d’événements, toutes les aventures tragiques ou joyeuses, de décrire toutes les merveilles, y compris celles de la magie, de prendre tous les tons. […] Sancho gouverneur et homme d’État, jouant au Salomon sans rire, y réussissant presque, est le dernier terme, le plus sérieux comme le plus bouffon, d’une histoire qui a commencé par le combat contre les moulins à vent. […] Ce livre si divertissant de Don Quichotte, du moment qu’on entre dans les vues de l’auteur et dans l’esprit qui l’animait pendant sa composition, change tout à fait d’aspect, selon Sismondi, et ne lui paraît plus fournir qu’un texte à des réflexions sérieuses : « L’invention fondamentale de Don Quichotte, dit-il (et cette explication depuis a fait loi), c’est le contraste éternel entre l’esprit poétique et celui de la prose.
Le comte de Gisors nous montre en action ce même modèle, ce parfait exemple d’une jeunesse sérieuse, appliquée, tournée au bien. […] Le respect et la docilité sont des traits caractéristiques de cette nature, qui nous représente au sérieux, et sans nuance d’épigramme, un Télémaque ou un Grandisson dans les camps. […] Il était plus sérieux et plus appliqué à se perfectionner qu’aucun jeune Français de qualité que j’aie jamais vu. […] Rousset nous cite du Journal de M. de Gisors témoigne en effet d’un esprit sérieux et appliqué, qui a du sens et de la finesse.
Le créateur du feuilleton au Journal des débats, Geoffroy, répondit une fois avec raison et fierté à l’un de ses adversaires : Ce n’est pas une petite affaire d’amuser le public trois ou quatre fois la semaine ; d’avoir de l’esprit à volonté, tous les jours, et sur toutes sortes de sujets ; de traiter les plus sérieux d’un ton badin, et de glisser toujours un peu de sérieux dans les plus frivoles, de renouveler sans cesse un fonds usé, de faire quelque chose de rien… Je suis loin de me flatter d’avoir rempli toutes ces conditions ; je vois ce qu’il eût fallu faire, sans avoir la consolation de penser que je l’ai fait ; mais enfin, comme tout cela est fort difficile, n’avais-je pas droit à quelque indulgence ? […] Embrassant dans sa juridiction universelle (ce qui, je crois, ne s’était pas encore vu jusqu’à lui) tous les théâtres, jusqu’aux plus petits théâtres, obligé de parler de mille choses qui le plus souvent n’en valent pas la peine, et qui n’offrent aucune prise sérieuse ni agréable, il s’est dit de bonne heure qu’il n’y avait qu’une manière de ne pas tomber dans le dégoût et l’insipidité : c’était de se jeter sur Castor et Pollux, et de parler le plus qu’il pourrait, à côté, au-dessus, à l’entour de son sujet. […] Je dirai, avant tout, qu’autant je trouverais inconvenant et irréfléchi qu’un romancier mît le pied dans Port-Royal, ce lieu de vérité et de sérieuse grandeur, autant il lui est permis peut-être de se glisser dans la maison de Toulouse qui s’intitulait la congrégation des Filles de l’Enfance, et qui n’offre pas les mêmes caractères de vertu et d’austérité.
Nous sommes en pleine réalité historique et littéraire, et cette réalité est telle qu’on s’en servira désormais pour confondre le mauvais plaisant de faussaire, en opposant le nu du spirituel, sérieux et ferme visage, maintenant découvert, au masque animé qui traita la Critique, pendant tant d’années, comme Mercure traite Sosie dans l’imbroglio d’Amphitryon. […] On ne peut se l’imaginer que vieille, dit Sainte-Beuve, prenant trop pour un effet de vieillesse le sérieux de cette femme virile. […] Malgré l’appréciation la plus délicate et la plus subtile de chaque détail isolé des lettres, l’auteur de l’Introduction n’a pas porté le jugement qu’il méritait sur cet esprit d’un charme si sérieux, si animé et si profond.
Il reproche au général de manquer de sérieux. […] Il est impossible, faute de documents sérieux (car on n’a que ses proclamations, qui sont insignifiantes), de dire si Boulanger fut un ambitieux de haute intelligence et capable de grands desseins, ou s’il ne fut qu’un aventurier vulgaire, servi un moment par des circonstances exceptionnelles, et, finalement, inégal à sa fortune. » J’espère que l’on sentira plus de pitié que de raillerie dans ces faciles horoscopes.
madame, quand l’illustre Sévigné, que vous aimez tant, écrivait des riens, elle les adressait à sa fille en lettre close, et puis en ce temps-là qu’y avait-il de plus sérieux à dire ? […] L’une épouse, l’autre fille d’un ministre, elles furent portées dans la vie publique, plutôt qu’elles ne s’y jetèrent ; élevées, l’une dans le recueillement des mœurs bourgeoises, et l’autre au bruit des discussions philosophiques, elles avaient contracté dès l’enfance de fortes et sérieuses habitudes d’esprit, qu’elles déployèrent dans l’occasion avec toute l’énergie de la jeunesse et de la vertu.
Ce sentiment, qui paraît être excité surtout aux époques de grande concurrence et de plénitude, au second ou au troisième âge des littératures très-cultivées, sentiment utile et bon, à vrai dire, en tant qu’il n’est qu’avertissement et aiguillon, devient faux s’il renferme une crainte sérieuse et une tristesse jalouse. […] Cet agrément consiste, au milieu de tant d’autres qualités sérieuses, à ne pouvoir toucher la science, traverser l’érudition, la grammaire, aucun coin aride de la critique, sans l’égayer à l’instant d’un reflet animé. […] Jules Pierrot qui professait le seizième siècle avec sérieux et succès, et dont les leçons analysées ont été dans le temps recueillies. […] Des souvenirs bien assortis, des citations piquantes ornaient le sérieux sans le rompre. […] Patin, dans sa fleur de Grèce et de Fénelon, avec les procédés et les inspirations de Victorin Fabre, dernier élève sérieux de l’autre école121.
On eût dit que cet enfant avait deviné le sérieux et les tristesses de l’existence, et que son ange gardien, comme on disait autrefois, ou son étoile, comme on dit aujourd’hui, lui avait déchiré dès le berceau le voile qui dérobe l’horizon humain à tout homme destiné à vivre dans ce monde fantastique en écartant des fantômes pour marcher à des ombres. […] II L’attitude de cet adolescent était conforme à cette stature et à ce visage ; un silence attentif, qui se laissait arracher des réponses justes et brèves, silence presque toujours révélateur de sérieuses puissances d’esprit : les amphores les plus hermétiquement fermées ne sont-elles pas celles qui contiennent les plus précieux parfums ? […] Il sera de plus un poète sérieux, ayant le respect de ceux qui l’écoutent, et non un de ces poètes moqueurs et siffleurs, tels que nous venons d’en voir vivre et mourir deux ou trois, qui mêlent le fifre au concert des anges, et qui soufflent la froide ironie dans l’âme de la jeunesse, au lieu du saint enthousiasme, seul thème véritable des chants immortels ! […] Cela n’est pas sérieux, mais cela est touchant. […] Tout était sérieux dans ce génie, austère dans cette grâce ; je compris que j’étais en face d’une sœur du jeune Pic de la Mirandole, quand cette intelligence surnaturelle, incarnée dans un bel adolescent, comparut devant le pape, les cardinaux et le congrès de tous les érudits d’Italie, pour répondre sur toutes les matières et dans toutes les langues à ce cénacle de l’intelligence humaine.
On s’est amusé follement au carnaval de 1833, parce qu’il y avait longtemps qu’on ne s’était amusé, parce qu’il faut toujours en France en revenir aux plaisirs, parce qu’au milieu des soucis qui assombrissent et des vertus sérieuses que, dit-on (et je le crois), nous acquérons, nous sommes l’éternelle nation de la Fronde et de la Régence, le Paris de Rabelais, de Manon Lescaut, du Mariage de Figaro et du Directoire. […] Il s’est délassé, cette fois, de la passion sérieuse en persiflant méchamment les pauvres amoureux qui s’éprennent de fantastiques beautés brunes, aux yeux verts et transparents, aux lèvres minces, fines et pâles, aux rares paroles, au profil mélancolique et sévère. […] Nous serons sérieux avec M.
Pourquoi mettrait-elle plus de sérieux dans son étude que lui dans la sienne ? […] Ainsi toujours c’est le manque de sérieux et de conscience et la démangeaison d’être drôle qui perdent M. […] Il n’est pas certainement un vulgarisateur bien sérieux et bien exact.
Cette coïncidence m’a frappé, et je me suis dit que pour que deux esprits sérieux, appliqués, travaillant en conscience et loin du bruit, l’un à Dijon et dans un ordre d’idées et de considérations catholiques, l’autre à Alais dans la communion protestante, que pour que ces deux esprits, ayant fait chacun de Mézeray une étude spéciale, se fussent ainsi rencontrés dans une opinion commune, il fallait que l’historien, à bien des égards, le méritât. […] On dit qu’il s’exerça dès lors dans la satire et dans le pamphlet, et qu’il en retira assez de profit pour pouvoir s’appliquer ensuite à de plus sérieux ouvrages. […] Cependant le mérite sérieux de son histoire ne commence en effet à se faire sentir qu’à dater du moment où il s’appuie sur des chroniqueurs ou historiens de langue nationale : jusque-là il ne faut lui demander que des aperçus et des pages heureuses. […] Il sait y faire entrer les circonstances qui parlent et qui animent un récit : « Quand il allait par les champs, dit-il de Louis XII, les bonnes gens accouraient de plusieurs journées pour le voir, lui jonchant les chemins de fleurs et de feuillages, et, comme si c’eût été un Dieu visible, essayaient de faire toucher leurs mouchoirs à sa monture pour les garder comme de précieuses reliques. » J’essaie, en ramassant tous ces exemples, de donner l’idée et le sentiment du genre de mérite et de charme que je trouve au style ou plutôt à la langue et à la touche éparse de Mézeray ; il me reste à insister sur ses parties sérieuses d’historien, et aussi à traiter des originalités ou bizarreries de l’homme.
Lue de suite, cette Histoire est d’un grave et sérieux intérêt : Il me semble, écrivait à l’auteur un critique un peu sec, mais judicieux et nullement méprisable (M. […] — Telle qu’elle est, cette Histoire de Bretagne, aux heures sérieuses, se lit avec instruction et non sans plaisir. […] Lui, il était surtout favorable aux productions sérieuses, et il croyait voir que le goût du public et des lecteurs s’y portait de plus en plus103. […] Il en est résulté que mes premiers travaux, quoique assidus, n’ont pas été toujours assez sérieux : j’ai fait trop de traductions, trop de vers.
Cette jeunesse sérieuse d’alors, qui n’imitait point les exemples dissolus d’alentour, avait pour inconvénient d’être ou de paraître trop triste, trop appliquée, trop particulière, comme on disait. […] Ces jeunes princes, objets de tant de vœux et d’espérances et qui n’ont pas vécu, tous ceux à qui la voix du peuple comme celle du poète a pu dire : « … S’il t’est donné de vaincre les destins ennemis, tu seras Marcellus » ; ces figures inachevées que souvent l’imagination couronne, posent en passant un problème que les esprits les plus sérieux et les moins chimériques peuvent méditer au moins un instant. […] Il voudrait le voir s’émanciper enfin, ne plus être soumis toujours ni docile à l’excès et subordonné ; il l’excite à prendre sur lui et à user de toute l’étendue des pouvoirs qu’il a en main, pour le bien du service : « Un prince sérieux, accoutumé à l’application, qui s’est donné à la vertu depuis longtemps, et qui achève sa troisième campagne à l’âge de vingt-sept ans commencés, ne peut être regardé comme étant trop jeune pour décider. » Le duc de Bourgogne lui répond avec calme, avec douceur, peut-être même avec raison sur certains détails, mais sans entrer dans l’esprit du conseil qui lui est donné ; et, quand il a tout expliqué et froidement, un scrupule d’un autre genre le prend, et il dit à Fénelon dans une espèce de post-scriptum : « Je me sers de cette occasion pour vous demander si vous ne croyez pas qu’il soit absolument mal de loger dans une abbaye de filles : c’est le cas où je me trouve. […] Il est dit de Salomon qu’on le craignait, voyant la sagesse qui était en lui. » Jusqu’à la fin il se méfie, et il combat dans son élève ce qui a été une habitude invétérée jusqu’à l’âge de vingt-huit ans, le trop de raisonnement, le trop de spéculation opposé à l’action, et une certaine complaisance minutieuse et petite, soit dans le sérieux, soit dans le délassement : « Les amusements puérils apetissent l’esprit, affaiblissent le cœur, avilissent l’homme, et sont contraires à l’ordre de Dieu. » Fénelon, dans toute cette description morale, ne marchande point sur l’expression.
Cependant je ne puis rire longtemps, je suis un critique sérieux ; M. Le Roi, l’excellent bibliothécaire de Versailles, qui a publié ce document, est lui-même un sérieux autant que sagace érudit, et certes il n’a pas voulu faire œuvre comique ni acte de révolutionnaire au sujet de Louis XIV, dont il a si bien étudié le règne et la royale demeure. […] Cet investigateur curieux et fin, et qui de plus est, je le crois, docteur en médecine, n’a pu résister au désir de produire un Journal aussi instructif en son genre que celui dont la Bibliothèque de Versailles avait une copie ; mais il a bien entendu être sérieux, rester historique, ne pas nuire à la mémoire d’un roi glorieux et national. […] Fagon s’est lassé, et la plume lui est tombée des mains ; lui-même, ce médecin si probe, si exact, à ses devoirs, si attentif, il était un malade en effet ; il avait été taillé autrefois de la pierre ; il était sujet à un asthme violent, et il le fallait voir la nuit dans l’antichambre royale, sur un fauteuil, appuyé sur sa canne, ni plus ni moins que dans sa chambre à coucher ; car il ne se déshabillait jamais et ne dormait que sur son séant : « Sa santé ou plutôt sa vie, dit Fontenelle, ne se soutenait que par une extrême sobriété, par un régime presque superstitieux ; et il pouvait donner pour preuve de son habileté, qu’il vivait. » J’ai besoin d’une conclusion sérieuse, et je la réitère.
Il faut absolument, pour rétablir l’équilibre, pour maintenir la composition de l’esprit français, considéré dans son expression la plus haute, non seulement des esprits sérieux, mais des esprits dignes, des poëtes héroïques dans les âges d’héroïsme, de grands évêques éloquents dans le siècle monarchique religieux, des tragiques capables de sublime, des écrivains porte-sceptre, des autorités. […] L’élément trop austère, trop sérieux, s’il n’est corrigé par la grâce, court risque chez nous d’être évincé, — tôt ou tard évincé comme un corps étranger. […] Renan le sait aussi bien que nous, et lui, si sérieux, mais si fin, il connaît la grâce, celle qui est la compagne de l’ironie, et il en use à propos. […] « L’homme qui prend la vie au sérieux, a-t-il dit, et emploie son activité à la poursuite d’une fin généreuse, voilà l’homme religieux ; l’homme frivole, superficiel, sans haute moralité, voilà l’impie. » — « L’humanité est de nature transcendante, a-t-il dit encore, quis Deus incertum est, habitat Deus (quel Dieu habite en elle ?
Fille et petite-fille des Ségur historiens, Mme d’Armaillé a fait un livre agréable, bien coupé, sans longueur, sérieux et reposé, exact, édifiant, pas du tout ennuyeux. […] Au premier avis qui lui en vint (avril 1725), Stanislas ne voulait pas y croire ; quand il vit que c’était sérieux, il faillit s’évanouir de joie, et il y en a même qui disent qu’il s’évanouit tout à fait. […] La reine, on le voit par ce début, aimait assez les Lettres ; elle allait un peu vite en appelant d’emblée Voltaire son pauvre Voltaire ; elle eut bientôt, parmi les gens d’esprit d’alors, d’autres choix et des préférences : on la verra plus tard goûter Fontenelle, le président Hénault, se plaire surtout avec ce dernier et avec Moncrif ; mais pourtant, malgré les lectures sérieuses qu’elle faisait, c’est tout au plus si l’on peut dire,-avec son nouveau biographe, « qu’elle ne s’isolait pas du mouvement intellectuel de l’époque. » Cette idée de mouvement ne cadrait en rien avec sa nature d’esprit, et si c’est un éloge, ce n’est pas elle, c’est Mme de Pompadour, à son heure, qui le méritera. […] On était sûr d’ailleurs du désintéressement de celle qu’on destinait à devenir favorite, et de son éloignement pour tout projet sérieux d’ambition.
L’esprit moqueur s’attaque à quiconque met une grande importance à quelque objet que ce soit dans le monde ; il se rit de tous ceux qui sont dans le sérieux de la vie, et croient encore aux sentiments vrais et aux intérêts graves. […] La littérature se perdra complètement en France, si l’on multiplie ces essais prétendus gracieux qui ne nous rendent plus que ridicules : on peut encore trouver de la vraie gaieté dans le bon comique ; mais quant à cette gaieté badine dont on nous a accablés presque au milieu de tous nos malheurs, si l’on en excepte quelques hommes qui se souviennent encore du temps passé, toutes les tentatives nouvelles en ce genre corrompent le goût littéraire en France, et nous mettent au-dessous de tous les peuples sérieux de l’Europe. […] Un homme d’esprit disait : Le bonheur est un état sérieux. […] Le goût nécessaire à la littérature républicaine, dans les livres sérieux comme dans les ouvrages d’imagination, n’est point un talent à part ; c’est le perfectionnement de tous les talents : et loin qu’il s’oppose en rien ni aux sentiments profonds, ni aux expressions énergiques, la simplicité qu’il commande, le naturel qu’il inspire, sont les seuls ornements qui puissent convenir à la force.
L’auteur de ce drame sait combien c’est une grande et sérieuse chose que le théâtre. […] Aussi espère-t-il bien, dieu aidant, ne développer jamais sur la scène (du moins tant que dureront les temps sérieux où nous sommes), que des choses pleines de leçons et de conseils.
Reçu avocat en novembre 1688, il prit sa profession très au sérieux, ne visa pas à être seulement un avocat élégant et beau plaideur comme Patru, mais voulut être et fut, en effet, un jurisconsulte appliqué, savant, un praticien habile et des plus consultés. […] est-elle sérieuse ? […] Pour moi, je la crois sérieuse, et je n’en veux d’autre preuve que le petit article suivant que je lis dans le Journal de Mathieu Marais, du mois de juillet 1717 : « M. […] Revenons au sérieux véritable. […] Critiquant Basnage et son style trop peu approprié, il disait encore, revenant toujours à Bayle dont l’idée ne le quittait pas : « Je voudrais qu’on parlât sérieusement dans des ouvrages sérieux, et il faut être aussi grand maître que lui pour faire recevoir ce badinage. » Les livres pesants de Basnage, malgré la part d’estime qu’il leur accorde, lui servaient de repoussoir et le rejetaient de plus en plus vers ses premières amours, vers ce Bayle à qui il accordait toutes les sortes d’esprit : « Plus je lis cet ouvrage (l’Histoire des Juifs), moins je me trouve digne d’avoir commerce avec un homme si profond.
Par toute la France se dressent échafauds et tréteaux pour toutes sortes de jeux sérieux et comiques. […] Ils cessent d’être sérieux : ils viennent enlever les âmes des morts, après une bataille, dans des brouettes. […] Mais surtout, par toute la France, il existe des sociétés, des corporations de toute sorte, sérieuses ou facétieuses, amies des exhibitions, cortèges et spectacles où fleurissent à la fois la poésie et la médisance : les unes se vouent aux processions et aux mascarades, d’autres cultivent la chanson, d’autres, plus ou moins accidentellement ou régulièrement, jouent des scènes dialoguées, et divers genres de pièces. […] Ces moralités sérieuses devinrent surtout fréquentes quand l’arrêt de 1548 obligea les Confrères de la Passion et autres acteurs ordinaires de pièces sacrées à renouveler leur répertoire. […] On ne sait par qui ni quand Patelin fut composé et joué : tous les noms, toutes les dates qu’on a donnés ne s’appuient sur aucun fondement sérieux.
Ferdinand Fabre 103 Voici un solitaire dans la littérature d’aujourd’hui, un homme qui n’est pas de Paris, qui vient d’un pays perdu, un montagnard robuste et sérieux, un sauvage à l’imagination puissante qui ne raconte pas les histoires de tout le monde, qui écrit avec labeur et conviction des livres drus, imparfaits et beaux, et d’une saveur si forte que peu de personnes les goûtent du premier coup. […] Il est respectueux, sérieux, équitable. […] Un bon prêtre a l’âme simple, prend tout au sérieux et fait tout sérieusement. […] Vous avez tous rencontré de ces abbés lauréats qui prennent tous les membres de l’Institut au sérieux, enclins à respecter, en littérature comme ailleurs, les jugements qui se formulent par voie d’autorité, d’un amour-propre littéraire très éveillé et à la fois très ingénu, et où se révèle un fond, sinon d’humilité, au moins de docilité chrétienne, de soumission aux puissances constituées toutes, et même celles que signalent les palmes vertes, émanant en quelque sorte de Dieu lui-même. […] Ferdinand Fabre n’en reste pas moins « une », car il n’a dit que les sentiments les plus simples — ou les plus sérieux ; il n’a peint que les âmes qui suivent le mieux la nature, ou celles qui s’élèvent le plus au-dessus.
Assurément il eût été possible de trouver dans l’orgueil et la colère des inspirations sérieuses : mais à quelles conditions ? […] Hugo, de seize à vingt-deux ans, prend la poésie au sérieux, et cherche dans l’art des vers plutôt un soulagement qu’une profession. […] Le sujet, pris au sérieux, semblait promettre une étude psychologique ; M. […] Une argumentation ainsi conçue n’est certainement pas à l’abri de toute blessure et serait frappée à mort par le premier coup sérieux. […] Hugo lui-même ne prend pas ses théories au sérieux.
Töpffer composa et dessina, sous les yeux de ses élèves, ces histoires folles mêlées d’un grain de sérieux (M. […] Son oncle qui l’apprend, et qui a sur lui d’autres projets, l’en plaisante comme d’une fredaine ; puis, le trouvant sérieux, il se fâche et finalement le déshérite. […] Dans la troisième partie nommée du nom d’Henriette, et où Lucy mariée reparaît agréablement, le jeune homme a grandi, il est artiste et homme, l’affection sérieuse et moins fleurie aboutit à l’union durable. […] Je lui laisse pour amusette mes tableaux, mes livres, en lui interdisant toutefois es préfaces, bien qu’il m’en conseille à chaque fois ; mais il est de plus sérieuses choses que j’ai mises à l’abri de ses atteintes. […] Puis l’impression de sourire tourne bientôt au sérieux, lorsque, dans une prochaine lettre du chantre, on voit que cet orage, qui n’a servi qu’à nourrir la rêverie des amants, a haché les grains, foudroyé un clocher, tué peut-être un sonneur ; on est ramené au côté prosaïque de la vie.
On lui a appliqué en un sens sérieux ce mot du Tartufe : Un homme… un homme enfin ! […] On dit qu’il fit jouer à Bordeaux une Thébaïde, tentative du genre sérieux, qui échoua. […] Il observait ce qui se passait autour de lui ; mais son observation était si sérieuse en face des objets, qu’elle ressemblait à l’abstraction du géomètre, à la rêverie du fabuliste. […] Il souffrait de manquer parfois d’une certaine considération sérieuse, élevée ; le comédien en lui nuisait au poëte. […] Il a été si excellent acteur pour le comique, quoique très-médiocre pour le sérieux, qu’il n’a pu être imité que très-imparfaitement par ceux qui ont joué son rôle après sa mort.
La plaisanterie comporte toutes les nuances, depuis la bouffonnerie jusqu’à l’indignation ; il n’y a point d’assaisonnement littéraire qui fournisse tant de variétés et de mixtures, ni qui se combine si bien avec le précédent Les deux ensemble ont été, dès le moyen âge, les principaux ingrédients dont la cuisine française a composé ses plus agréables friandises, fabliaux, contes, bons mots, gaudrioles et malices, héritage éternel d’une race grivoise et narquoise, que La Fontaine a conservé à travers la pompe et le sérieux du dix-septième siècle, et qui, au dix-huitième siècle, reparaît partout dans le festin philosophique. […] Telle lettre d’un grand sérieux semble une comédie à leurs dépens, sans aucun rapport à nous, toute pleine des préjugés mahométans et d’infatuation orientale465 : réfléchissez : sur le même sujet, notre infatuation n’est pas moindre. […] Mais, parmi tant de tours ingénieux, apologues, contes, portraits, dialogues, dans le sérieux comme dans la mascarade, la tenue demeure irréprochable et le ton parfait. […] — À chaque page, tantôt avec un mouvement rude de naturaliste hardi, tantôt avec un geste preste de singe polisson, Voltaire écarte la draperie sérieuse ou solennelle, et nous montre l’homme, pauvre bimane, dans quelles attitudes474. […] Dans une société tout artificielle, où les gens sont des pantins de salon et où la vie consiste à parader avec grâce d’après un modèle convenu, il prêche le retour à la nature, l’indépendance, le sérieux, la passion, les effusions, la vie mâle, active, ardente, heureuse et libre en plein soleil et au grand air.
Le prince de Ligne a dit de lui : « Vauvenargues est trop triste pour un homme de guerre ; il voyait trop noir. » Il y supposait de la prétention de la part de Vauvenargues, mais ce n’était que de la mélancolie sur un fond sérieux et de la mauvaise santé. […] Il a écrit quelque part : « J’aime mieux une chanson d’Anacréon que l’Iliade, et le chevalier de Boufflers que le Dictionnaire encyclopédique. » J’ai noté (car j’aime jusque dans les gens aimables à saisir les côtés élevés ou sérieux) ce culte de religion militaire, qui transportait tout enfant le prince pour la gloire des Eugène et des Maurice de Saxe. […] Dans les entretiens qu’il eut avec Frédéric au camp de Neustadt (1770), la conversation étant venue à tomber sur la religion, le roi se mit à en parler librement et peu décemment, comme il faisait avec les La Mettrie et les d’Argens : « Je trouvai, dit le prince de Ligne, qu’il mettait un peu trop de prix à sa damnation et s’en vantait trop… C’était de mauvais goût au moins de se montrer ainsi… Je ne répondis plus toutes les fois qu’il en parla. » Avec Voltaire, autre souverain, chez qui il va faire un séjour à Ferney, et dont il nous rend la conversation, les gestes, les incongruités même dans tout leur déshabillé et leur pétulance, il a plus d’un propos sérieux : « Il aimait alors, dit-il de Voltaire, la Constitution anglaise. […] Ce côté sérieux et sensé, qu’il n’eut jamais l’occasion de développer avec suite dans les affaires, tourna avec les années chez le prince de Ligne au profit de l’homme aimable : même en ne restant que cela avant toute chose, il y a un progrès qui est à faire pour continuer d’en mériter la réputation.
Newton une escapade et une fuite de son lièvre favori qui, un soir, pendant le souper, rompt son treillage, prend sa course à travers la ville, et qu’on ne parvient à rattraper qu’après toute une odyssée aventureuse, on lira une lettre très grave, très élevée, à une de ses nobles cousines qu’il n’avait pas vue depuis des années, qui avait été très belle, et à qui les hautes et sérieuses pensées étaient devenues familières. […] Le printemps le dissipait trop pour qu’il pût beaucoup s’y recueillir ; il aimait mieux en profiter avec l’abeille et avec l’oiseau : mais les soirs d’hiver, près de son intelligente et silencieuse amie, dans ce doux confort domestique qu’il a si bien exprimé, ayant là près de lui la bouilloire qui chante, et la tasse pleine de cette liqueur « qui égaye et qui n’enivre pas », il s’appliqua pour la première fois à traiter en vers d’assez longs sujets, tout sérieux d’abord et presque théologiques, qui montrent, à leur titre seul, le fond de ses pensées : Le Progrès de l’erreur, La Vérité, L’Espérance, etc. […] Ce n’est plus au coin du feu l’hiver, c’est l’été, dans son cabinet de verdure, dans son cadre de jasmin et de chèvrefeuille tant de fois décrit, dans sa serre où on le voit assis avec des myrtes pour persienne, qu’il va désormais composer des vers, sérieux toujours, mais frais, animés et éclairés d’une lumière imprévue. […] Reprenons-le par ses côtés sérieux, les seuls par où nous puissions l’atteindre.
M. de Noyon n’avait pas quitté Versailles la semaine d’auparavant, et il y faisait la principale figure, recevant à l’avance et prenant au sérieux les compliments de chacun. […] — En un mot, il se faisait dire au sérieux et sans rire ce que l’abbé de Caumartin lui avait déjà dit en face et en badinant. […] Mais j’ai quelques corrections sérieuses à proposer pour le texte des notes de Saint-Simon. […] Il n’est ni long ni court, ni bas ni sublime, ni sérieux ni badin, il n’est ni sacerdotal par rapport à lui, ni épiscopal par rapport à moi, ni royal par rapport à Votre Majesté.
Besenval n’a pas été un simple courtisan homme d’esprit, il a eu son côté sérieux et a rendu des services militaires, notamment sous M. de Choiseul, dont il était l’ami particulier. […] Avec le Régent, on entra, en effet, dans le régime de la plaisanterie et de l’esprit qui ne respectait rien ; les premiers en dignité se moquaient d’eux-mêmes et des grâces qu’ils dispensaient et des efforts qu’on faisait pour les mériter, de ce qu’il y avait de plus sérieux dans le métier de politique, des choses de la religion et de celles de l’État : comment l’irrévérence n’eût-elle point gagné à l’entour ? […] Ministre petit-maître, secrétaire d’État presque au sortir de l’enfance, il ne prit jamais rien au sérieux. […] Il en fit surtout lorsque, après vingt-cinq ans de disgrâce, il reparut sous Louis XVI et vint tout glacer et déjouer dans les projets sérieux qui s’agitaient alors, et qu’il eût été si urgent de suivre et d’accomplir avant l’heure de l’assaut populaire.
Le sérieux lui viendra par les choses, non pas les livres. […] Mme Campan, plus sévère en cela que tous les catalogueurs du monde, est allée jusqu’à dire d’elle « qu’il n’a jamais existé de princesse qui eût un éloignement plus marqué pour toutes les lectures sérieuses. » Soyez bien sûrs, Messieurs les savants, que, dans cette suite de volumes, même frivoles, que vous inventoriez si minutieusement, il y en a eu bien plus d’essayés que de lus, et bien plus d’oubliés encore que d’essayés. […] L’affaire du Collier, l’impudence des vils agents, auteurs de l’intrigue, la crédulité et la fatuité béate du principal personnage, l’éclatante connivence de l’opinion publique, avide de tout scandale, l’espèce de complicité du Parlement lui-même, indulgent à l’excès pour le premier accusé, cette sorte d’impunité triomphante, firent monter la rougeur et la flamme au front de Marie-Antoinette indignée, et c’est de ce moment qu’elle dut commencer à sentir que tout est sérieux dans de certains rôles, que les personnages le plus en vue ne s’appartiennent pas, qu’il n’y a pas lieu à la moindre distraction ni à l’oubli, même innocent, en face d’un public curieux, médisant, malveillant, et qu’en politique on n’est pas simplement ce qu’on est : on est ce qu’on paraît être. Je date de cette époque le sérieux auquel elle dut s’efforcer de plier son aimable esprit.
Gautier ne soit pas homme à se laisser prendre en flagrant délit d’un dessein littéraire prémédité et qui aurait l’air sérieux, quoiqu’il se moque lui-même très-agréablement de la plupart des pauvres diables dont il s’est senti d’humeur à s’occuper cette fois, et quoiqu’enfin dans sa post-face (les préfaces sont le pont-aux-ânes, et dans un livre sur les grotesques il est bien permis de les mettre à l’envers) il ait paru faire bon marché de l’effort capricieux et léger qu’il venait de tenter, nous remplirons tout gravement à son égard notre métier de critique, et dussions-nous être réputé de lui bien pédant, bien académicien déjà, nous rendrons justice à l’idée logique de son livre, nous la discuterons, sans préjudice toutefois des brillantes fantaisies et des mille arabesques dont il l’entoure. […] Saint-Amant, à le bien voir, est un poëte rabelaisien fort réjoui et de bon cru ; « il avait assez de génie pour les ouvrages de débauche et de satire outrée, » c’est Boileau qui lui accorde cet éloge, et qui lui reconnaît aussi des boutades heureuses dans le sérieux : ce jugement reste vrai et irréfragable. […] Parlant du poëme de la Pucelle, si vanté en son temps et non encore réhabilité du nôtre, Montesquieu disait : « On ne saurait croire jusqu’où est allée dans ce siècle la décadence de l’admiration. » En faisant intervenir ces autorités de haut bord, je crois montrer assez le cas sérieux que je fais du talent de M. […] Que si un conseil pouvait être donné au spirituel auteur, pourquoi donc ne se prendrait-il pas au sérieux lui-même ?
Qu’on se rappelle Le Globe, ce journal si sérieux, si distingué, qui croyait ressembler si peu à un autre, et qui a eu de l’influence sur la jeunesse lettrée, dans les dernières années de la Restauration. […] Hoffman, dans la critique, aimait d’ailleurs les sujets sérieux et suivis : il a écrit des séries d’articles sur le magnétisme, sur la crânologie, sur la géographie, et finalement sur les Jésuites. […] Il prenait son rôle de critique très au sérieux, craignant les visites, se refusant à l’honneur d’appartenir aux Académies ; il s’en exagérait les charges, qui peut-être alors étaient plus pesantes, en effet, qu’aujourd’hui. […] Ses connaissances théologiques et philosophiques le rendaient capable aussi d’aborder, à l’occasion, des sujets sérieux.
Le plan qu’elle imaginait était sérieux et beau, mais l’éducation qu’elle se donna, ou plutôt qu’elle ne dut qu’à la nature et à l’expérience, fit d’elle une personne plus originale et plus à part. […] Elle sentit en lui aussitôt et les qualités propres à cet homme si distingué et celles de la race forte à laquelle il appartenait : elle lui en sut gré également ; et elle qui n’avait jamais aimé d’amour, qui n’avait eu que des caprices et point de roman ; qui, en fait d’amitiés, n’en comptait que trois jusqu’alors sérieuses dans sa vie, celle de Formont et celle de deux femmes, dont l’une encore l’avait trompée ; cette moraliste à l’humeur satirique devint tout d’un coup tendre, émue autant qu’amusée, d’une sollicitude active, passionnée ; elle ne s’appartint plus. […] Le jugement sérieux, profond, véritable, sur Mme Du Deffand, c’est dans les Lettres de Walpole qu’il le faut chercher ; car Walpole, malgré ses rigueurs plus apparentes que réelles, appréciait sa vieille amie à tout son prix et l’admirait extrêmement. […] Ce dernier ton, c’est-à-dire l’accent pénétrant et sérieux, qui va au fond de tout, n’est point rare dans ces lettres de Mme Du Deffand.
Giraud sur Étienne Pasquier, et quelques pages aussi élevées que judicieuses de M. le chancelier, accompagnèrent cette publication, qui offre un intérêt sérieux pour ceux même qui ne s’occupent point particulièrement du droit. […] Aussi, pour son compte, il pourra payer son tribut de politesse et de courtoisie à la mode du temps par quelques épigrammes latines ; mais la plupart de ses poésies légères, aussi bien que ses ouvrages sérieux, il les composera en français ; il évitera ce travers de latinisme prolongé où l’on voit persévérer l’illustre de Thou, et qui infirmera, bien loin de l’augmenter, le succès de sa grande Histoire. […] Ce reste de poète, insuffisant dans la pure poésie, revient à point pour égayer et comme pour fleurir ses pages sérieuses. […] Mais bientôt, avec l’âge et le cours des événements, les sujets deviennent plus sérieux : à partir d’un certain moment, toute l’histoire et la politique de son temps y passent, et nous y assistons avec lui, c’est-à-dire par les yeux d’un témoin judicieux, éclairé, placé au meilleur point de vue, ni trop près ni trop loin de la Cour, qui ne se pique point de parler en homme d’État, mais qui apprécie et sent les choses de sa nation avec le cœur et l’intelligence de cette haute bourgeoisie, alors si intègre et si patriotique, et qui se pouvait dire le cœur même de la France.
Trois hommes, dans le dernier tiers du xviiie siècle, se distinguèrent comme à l’envi l’un de l’autre par un esprit fin, piquant, satirique, moqueur, et donnèrent en même temps des preuves d’un esprit sérieux ; ce furent Chamfort, dont nous parlions la dernière fois, Rivarol, dont nous parlerons peut-être un jour, et Rulhière, dont quelques ouvrages intéressants sont restés, dont on a retenu quelques jolies pièces de vers, et qui mérite certainement une étude. […] Avant d’en venir aux œuvres toutes sérieuses, nous rencontrons encore Rulhière causant, et cette fois causant avec Jean-Jacques Rousseau ou sur son compte. […] Comme historien et comme écrivain honorablement sérieux, il prit rang en 1788 par ses Éclaircissements historiques sur les causes de la révocation de l’édit de Nantes et sur l’état des protestants en France. […] Cette histoire de Rulhière, si considérable et pourtant incomplète, fait le plus grand honneur à sa mémoire, et achève de montrer en lui l’écrivain habile et l’esprit sérieux qui ne s’était point laissé absorber dans les frivolités élégantes.
La relation, Quinze jours au désert, qu’on a pu lire dans un des derniers numéros de la Revue des deux mondes, nous montre un Tocqueville simple voyageur, chevauchant à côté de son ami Gustave de Beaumont, cherchant presque les aventures, et nous racontant ses impressions vives et sérieuses, aux limites extrêmes de la colonisation, à travers une forêt vierge. […] Nous qui avons passé le meilleur de notre jeunesse au gré de notre imagination, dans les jeux de la poésie et de l’art, nous devons, ce me semble, y regarder à deux fois, quand nous nous mêlons de vouloir mesurer et discuter des esprits constamment sérieux, qui se sont occupés sans relâche et passionnément des grands intérêts publics. Et toutefois, en vieillissant, nous avons acquis notre sérieux aussi, nous avons notre expérience des choses et notre résultat moral ; pourquoi hésiterions-nous à en user pour, dire notre pensée, pour témoigner avec respect nos dissidences et toucher les points qui nous séparent ?
Disciple sérieux d’un des plus gracieux poëtes de notre ancienne jeunesse, d’Émile Deschamps, et, comme lui, rompu à l’art, maître achevé du rhythme, M. […] Des talents fermes exigeraient un examen sérieux, une discussion approfondie. […] Campaux, un poëte aussi, un disciple de Villon, disciple sérieux, ennoblissant, qui relève en l’imitant le vieil écolier de Paris tout étonné d’être un maître, et que l’Académie, j’espère, va se charger de distinguer48 ?
Encore faut-il qu’elle ne persévère point d’un bout à l’autre dans le même style, mais qu’elle change, qu’elle ondule, par toutes sortes de tours sinueux, de la joie à la tristesse, du sérieux à la plaisanterie. […] Souvent il prend une mine sérieuse, continue le discours d’un ton convaincu, semble approuver son personnage ; tout d’un coup, au dernier vers, une chute révèle l’ironie. […] Nous n’avons pas leur réflexion, leur tristesse ; nous ne savons pas, comme eux, nous imposer une consigne et resserrer nos inclinations entre des limites tracées par nous-mêmes ; nous ne sommes point, comme eux, profondément chrétiens ; notre instinct n’est point moral ; nous n’avons, au lieu de conscience, que l’honneur et la bonté ; nous ne prenons point la vie comme un emploi sérieux, assombri par les alarmes d’un avenir immense, mais comme un divertissement dont il faut jouir sans arrière-pensée et en compagnie.
Il était sérieux, parce qu’il voulait l’être, parce qu’il croyait le devoir à son auteur, à son lecteur. […] Partout ailleurs que devant vous, Messieurs, je pourrais craindre qu’on ne m’accusât d’avoir changé l’idée de Larroumet, d’avoir ôté à sa figure le brillant, la séduction de l’esprit, de la belle humeur, de la sociabilité, de la vivacité amusante, de lui avoir donné trop de sérieux et d’application grave. […] Il y en a de tels, peut-être, des joueurs de flûte ou de guitare qui n’ont de sérieux que pour l’intrigue.
Car l’humanité sera toujours sérieuse, croyante, religieuse ; jamais la légèreté qui ne croit à rien ne tiendra la première place dans les affaires humaines. Il ne faut pas, ce semble, prendre trop au sérieux ces déclamations devenues banales contre les tendances utilitaires et réalistes de notre époque, et, si quelque chose devait prouver que ces lamentations sont peu sincères, c’est l’étrange résignation avec laquelle ceux qui les font se soumettent eux-mêmes à la fatale nécessité du siècle. […] La seule pénitence raisonnable, c’est le repentir et le retour avec plus d’amour à la vie sérieuse et belle.
Un autre trait fort marqué du caractere des françois, c’est la pente insurmontable à une gaïeté souvent hors de saison, qui leur fait terminer quelquefois par un vaudeville les refléxions les plus sérieuses. […] Aussi, dit Tite-Live, se fit-il dans l’assemblée qui donnoit audiance un si grand éclat de rire, que les magistrats eurent peine à faire faire silence afin de pouvoir rendre une réponse sérieuse aux ambassadeurs. […] La cour de Madrid qui fit toujours une attention sérieuse sur le caractere et sur le génie particulier des diverses nations qu’elle gouvernoit, témoignoit beaucoup plus de confiance aux enfans des espagnols nez en Flandres, qu’aux enfans des espagnols nez dans le roïaume de Naples.
De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre » On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés. Il prend la parole et, du ton le plus sérieux : « Messieurs, dit-il, soyez satisfaits ; vous verrez tous cette grande révolution que vous désirez tant.
Sue déclare, dans la préface de Latréaumont, qu’il croit avoir fait une œuvre sérieuse ; la critique, en le prenant au mot, est obligée de se montrer sérieuse à son tour. […] Sue a voulu faire un livre sérieux, il ne l’a pas fait. […] Toutes ces questions, bien que sérieuses, ne paraissent pas avoir préoccupé M. […] Dumas a contre lui tous les artistes sérieux. […] Préparé à son avènement par des combats multipliés, quand il sent la gloire venir à lui, il l’accueille avec une émotion sérieuse.
La vie de famille y maintient la droiture dans les cœurs, la simplicité et le sérieux dans les habitudes. […] C’est un devoir pour l’artiste de se prendre lui-même au sérieux, et d’évoquer, au début de son œuvre, une divinité plus réelle que la vieille muse classique. […] De profonds enseignements jaillissent de cette contemplation de la douleur ; la grandeur du spectacle frappe l’homme et le rend sérieux. […] Une éternelle guerre divisera la poésie sérieuse de la poésie légère, comme elle divise les âmes enthousiastes des esprits ironiques. […] Nous avons montré cependant que l’objet est sérieux, et qu’on pourrait le rattacher aux problèmes dont la gravité est le moins contestée.
Capefigue (il n’en est pas bien sûr), mais c’est un esprit sérieux en politique… » Mme de Prie fut une grande femme sérieuse. On ne vit jamais tant de gens sérieux que sous la Régence et peut-être n’y a-t-on pas ri une seule fois. Madame de Châteauroux fut, elle, plus que sérieuse ! […] Capefigue, jusque-là sérieux, lui aussi !
Il nous est montré comme fort grave, à la physionomie paisible, et « ne manquant pas d’une certaine élégance sérieuse ». Riche propriétaire du pays, il y a été élevé et y a passé son enfance, sa première jeunesse ; il y est revenu après une assez longue absence, pour ne plus le quitter ; il est marié, il a une femme jeune encore et sérieuse, et deux enfants ; il a tout l’extérieur du bonheur. […] Et quelquefois, à la fin de juin, par un jour brûlant, dans la robuste épaisseur d’un arbre en pleines feuilles, je voyais un petit oiseau muet et de couleur douteuse, peureux, dépaysé, qui errait tout seul et prenait son vol : c’était l’oiseau du printemps qui nous quittait. » Augustin, le précepteur de Dominique, est un très jeune homme, d’une nature tout opposée à celle de son élève : c’est un homme de livres, de logique, de science, un cerveau ; après bien des labeurs, après des âpretés et des difficultés sans nombre de carrière et de destinée, il arrivera un jour à se faire un nom parmi les écrivains sérieux de son pays, à se faire une haute situation même ; ce sera un politique, un économiste, un conseiller d’État, un ministre, que sais-je ? […] Les arbres, qui déjà n’étaient plus verts, le jour moins ardent, les ombres plus longues, les nuées plus tranquilles, tout parlait, avec le charme sérieux propre à l’automne, de déclin, de défaillance et d’adieux.
Collé, selon lui, « était un grand enfant qui ne se prenait nullement au sérieux (page 4) » et plus loin (p. 32), il nous le montre « possédant à un haut point la science de la vie » et connaissant à fond les hommes ; tantôt Collé est « un esprit doux et placide (p. 2) », tantôt il a « la nature mobile et inquiète (p. 4). » Collé nous est représenté comme faisant des fanfaronnades, comme suivant la mode, comme ayant un rire doux, plein de mièvrerie ! […] Comment, dans un autre genre, vous raconter Romieu, le pâle et sérieux visage qui faisait tant rire ? […] Je le vois encore d’ici, ce bon Collé, avec son grand nez et sa petite perruque, sa mine étonnée, son air grave et son imperturbable et sérieuse gaîté, se divertissant de tout et ne riant de rien. […] Le sérieux plaît et est en droit de plaire comme la gaîté, quoique par un chemin opposé.
Pas plus que Crébillon, que Jean-Baptiste Rousseau, que Piron, ses aînés, il n’avait l’esprit sérieux, tandis que Voltaire l’avait jusqu’en ses saillies ; et c’est ce qui explique le peu de résistance qu’ils firent tous en face d’un tel rival, à la fois léger de plume et muni du fonds. […] On voit assez en quel sens on est autorisé à dire qu’il n’avait pas l’esprit sérieux. […] Comme s’il avait pris à la lettre et tout à fait au sérieux son sujet du Méchant, et comme s’il s’était dit qu’il n’y avait pas à demeurer dans un pareil monde, il ne tourna plus désormais de regard qu’en arrière, vers la retraite et vers la vie de province. […] Le siècle dans l’intervalle avait changé ; les grandes œuvres philosophiques s’étaient produites, et la mode elle-même tournait au sérieux.
Laissons de côté les improvisations obligées et les compliments en madrigaux qu’il est obligé de répandre sur son chemin, en retour de chaque hommage et de chaque hospitalité triomphale qu’il reçoit : lui-même il se juge sur ce point aussi sévèrement qu’on pourrait le faire, et quand la reconnaissance chez lui est sérieuse, il demande du temps et du recueillement pour l’exprimer : « On n’acquitte pas, dit-il, une dette poétique avec des impromptus ; les impromptus peuvent être la bonne monnaie du cœur, mais ils sont presque toujours la mauvaise monnaie de la poésie. » Prenons donc Jasmin par ses côtés charmants et sérieux, tout à fait durables. […] Ces qualités sérieuses et dignes, recouvertes d’une poésie fraîche, riante et sensible, ont profité à Jasmin. […] Qu’ai-je à dire encore sur le côté sérieux du poète ?
La seule chose sérieuse qui ait l’air de s’agiter en ce moment est la querelle toujours très-vive entre l’Université et le clergé au sujet de la liberté de l’enseignement. […] Le préambule de Cousin a eu d’ailleurs peu de succès, il manque de sérieux, et on y sent trop la fanfare.
Ce genre d’influence fut sérieux sur elle, et sa pensée, même repentante, s’en ressentira toujours. […] En apprenant un matin (vers 1663) l’une des ruptures qu’on imputait aux Jésuites, elle disait avec son tour d’esprit : « J’ai été assez simple pour croire que les Révérends Pères agissaient sincèrement ; il est vrai que je n’y croyais que d’hier au soir. » Enfin des négociations sérieuses s’engagèrent : M. de Gondrin, archevêque de Sens, concertait tout avec elle. […] si du sein du monde sérieux où elle est entrée, elle pouvait sourire à l’effet, au charme de son nom seul sur ceux qui la jugent elle y sourirait. […] Mais quel charmant et sérieux exemple de la maîtresse de maison, chrétienne rigoureuse et pourtant aimable ! […] Pour juger de deux femmes, il ne serait pas tout à fait équitable d’aller prendre la plus sérieuse un soir de bal, et la plus légère un jour de vendredi saint.
C’est pour cela que, tout à l’heure, je refusais le sérieux à ce grand artiste en théories et en disputes. […] Or, tandis que la tragédie dépérissait, la comédie évoluait vers le touchant et le sérieux. […] Diderot n’a pas conçu le premier, nous l’avons vu, la « comédie sérieuse », ni la « comédie larmoyante ». […] La gaieté, ce n’est pas le comique, qui est toujours sérieux et amer par réflexion ; et ce n’est pas non plus l’esprit. […] Elles y sont prises au sérieux, et même au tragique.
Il passa des mains de ce premier maître au collège d’Eton, où il puisa de bonne heure un amour sérieux pour les deux antiquités classiques. […] Son livre le plus célèbre, Melmoth, bien que traduit deux fois, ne l’a pas encore été pour les lecteurs sérieux. […] Nous livrons ces conjectures à la pénétration des hommes sérieux. […] Le détachement auquel il arriverait par l’étude et la méditation serait acheté par une lutte sérieuse. […] Elle est d’une coquetterie naïve, incapable d’un amour sérieux mais capable cependant de pleurer l’abandon.
L’estime donc, du premier jour, lui était acquise ; il avait un attrait sérieux. […] Il y plonge par ses racines, il en a gardé le fond ; et parmi ceux qui sont habitués à reconnaître et à démêler ce qui subsiste d’essentiel à travers les transformations morales, je n’étonnerai personne en disant que, sous sa formephilosophique la plus consommée, il a encore de sa race première certains traits que lui-même a notés comme les plus profonds et les plus durables, « la foi, le sérieux, l’antipathie pour ce qui est vulgaire, le mépris de la légèreté » ; — oui, la foi, — une sorte de foi, non au surnaturel, mais au divin ; et l’on peut dire en effet que, dans sa manière d’envisager la nature, l’histoire et l’humanité, M. […] Renan porte un bien grand respect et une bien haute révérence à sa majesté l’esprit humain, Mais dans un pays comme la France, il importe qu’il vienne de temps en temps des intelligences élevées et sérieuses qui fassent contrepoids à l’esprit malin, moqueur, sceptique, incrédule, du fonds de la race ; et M.
Mais la mère de Mme Tastu, à une faculté poétique naturelle et remarquablement élevée, unissait beaucoup de mérite sérieux et un caractère qui semble avoir eu de l’analogie avec celui de Mme Roland. […] On n’y releva pas assez les belles émotions lyriques du Prologue, la fervente et sérieuse Introduction aux Temps modernes, et la fin du chant de Waterloo. […] L’application sérieuse qui s’y découvre sied bien à la dignité du sujet.
Au dernier jour, comme il y a vingt ans, voué tout entier à ce qu’il appelait le charme obscur des affections solides , on l’eût vu accoudé, le soir, entre son vénérable père, sa digne compagne, ses nombreux enfants et quelques amis de choix, confondre le sérieux dans la gaieté, et faire éclore la leçon en passe-temps. […] C’est en 1844 que l’état de maladie se déclara décidément et devint sérieux. […] Après quoi il reprit la suite de son Traité du lavis à l’encre de Chine (Menus-Propos d’un Peintre Genevois) et en acheva une partie assez considérable et complètement inédite, dans laquelle, remuant et discutant à sa manière les plus intéressantes questions de l’esthétique, il a écrit, nous assurent de bons juges, des pages bien neuves et les plus sérieuses qui soient sorties de sa plume.
L’homme I C’est un curieux caractère que celui de La Fontaine, surtout si l’on compare ses façons aux moeurs régulières, réfléchies et sérieuses des gens d’alors. […] Il n’a jamais pris le mariage au sérieux, ni le sien ni celui des autres. […] Il n’a eu garde d’ouvrir son livre par l’atroce peinture d’une peste ; il est à cent lieues du sérieux italien et des barbaries du moyen âge.
Ils sont autre chose pourtant, car ils ont le sérieux et la sincérité. […] Mais la transition de Marot à Ronsard se fait surtout par l’école lyonnaise : Despériers s’y rattache, et par ses longs séjours à Lyon, et par ses vers dont la médiocre qualité laisse pourtant apercevoir quelque profondeur sérieuse de sentiment et certain effort d’invention rythmique. […] Ce que Villon seul avait fait en deux ou trois endroits, d’exprimer les plus intimes réactions de l’individualité au contact de la vie, de mettre par conséquent une sincérité sérieuse au fond de l’œuvre poétique, Ronsard et son école en firent la loi et comme l’essence de la poésie moderne.
Teulet, a soigné l’édition toute domestique de ces volumes, qui offrent des parties d’étude sérieuse. […] Mais bientôt les esprits renaissent, le foyer intérieur se ranime, elle se remet à vivre, à penser, à écrire à ses amis ou à les appeler près d’elle, amis de choix et d’un commerce sérieux, parmi lesquels il est juste de nommer MM. […] On put en sourire ; pour moi, et sans me permettre ici d’opinion sur les deux autres femmes d’esprit, je ne vois rien que de simple aux raisons que se donnait Mme de Tracy pour un tel choix de sérieuses occupations et qui devaient être plus longues que la vie : J’ai organisé mon travail, et je suis décidée à traduire tout de bon le livre des Offices de saint Ambroise, dont je n’avais fait que de courts extraits. […] Ne pas savoir se créer une occupation sérieuse lorsque la vieillesse commence, c’est vouloir mourir d’une mort anticipée.
Leur Histoire de Marie-Antoinette les a désignés à l’attention des lecteurs sérieux, qui aiment pourtant du nouveau dans des sujets connus. […] Mais parmi la centaine de portraits de tout genre tracés ou esquissés par MM. de Goncourt dans ce volume si plein, il en est un d’un caractère plus sérieux, plus digne, et qu’ils ont très-bien senti, celui de la femme qui peut-être résume le plus complètement en elle l’esprit et le ton du xviiie siècle classique, dans tout ce qui tient à l’ancien régime et qui périt avec cette société, à la veille de 89 : je veux parler de la maréchale de Luxembourg, cet arbitre souverain de l’usage et de la politesse, cette Mme de Maintenon, moins prude et moins confinée à son cercle que l’autre fée, mais qui, comme elle, tient la baguette et marque nettement la fin d’une époque. […] Quant à Mme de Luxembourg, qui peut-être, en accueillant si vivement l’ombrageux solitaire, caressait aussi l’auteur à la mode et qui put ensuite se refroidir en effet pour le pauvre méfiant attaqué de manie, on ne saurait lui voir, cependant, aucun tort sérieux, et les témoignages si redoublés que Rousseau accorde à « son cœur bienfaisant », ne sont pas moins significatifs que ceux par lesquels il rend hommage à son goût juste et sûr. […] madame, repartit la maréchale de son air sérieux, ne croyez pas cela. » Mme de Luxembourg, cette grande maîtresse du bon ton et de l’usage ici-bas, croyait savoir même celui du Paradis.
Revenant sur les succès sérieux au théâtre durant la Restauration, un même article trouverait moyen d’atteindre M. […] Pasquier a gardé de lui un souvenir de sérieuse estime. […] Labinsky, depuis ses premiers essais, n’a pas persévéré par de sérieux efforts, et n’a pas cherché à soutenir, à élargir ses horizons et ses couleurs. […] Aussi elle a laissé trace plus qu’on ne croirait en des esprits sérieux et qui ne sont pas tendres à toute poésie.
Ce qu’il faut se hâter de dire à la louange de ces hommes aimables, de ces courtisans-philosophes si élégants et si accomplis, c’est que, quand vinrent les épreuves sérieuses, ils ne se trouvèrent pas trop au-dessous : la fortune eut beau s’armer de ses foudres et de ses orages, elle échoua le plus souvent contre leur humeur. […] A son retour, il entre dans la vie déjà sérieuse et dans la seconde jeunesse. […] C’est ce sérieux dissimulé sous des formes aimables qui en faisait le charme principal, et dont le secret s’est perdu depuis. […] Les études sérieuses et positives auxquelles dut se livrer à l’instant le jeune colonel devenu diplomate, témoignaient des ressources de son esprit et marquèrent pour lui l’entrée des années laborieuses.
Que l’on s’en rapporte aux Désirs de Jean Servien ou au Livre de mon ami, que le père de ce petit enfant ait été relieur ou médecin, c’était un homme candide, sérieux et de caractère méditatif ; sa mère était douce, fine et d’une adorable tendresse. […] Sylvestre Bonnard est bien trop sérieux pour nous entretenir « de sa pantoufle ou de sa maîtresse ». […] Ce fonds sérieux d’idées générales n’est jamais absent : souvent, à l’improviste, à propos de quelque observation particulière, il apparaît comme dans un éclair, et l’on voit tout à coup, derrière le souvenir ou l’impression notée en passant, s’ouvrir, par la vertu de quelques mots, des lointains qui troublent et qui font songer. […] l’habitude des méditations sérieuses.
Le mot de face faillit périr aussi pour une raison non moins sérieuse ; on disait : la face du Grand Turc. […] Et qu’on ne s’y trompe pas, si la légèreté est toujours à la surface, le sérieux est souvent au fond. […] Les méfaits de l’influence mondaine sont plus graves encore, si l’on regarde les genres littéraires qui ont des visées plus sérieuses et plus hautes. […] A côté d’eux existent, sans parler des assemblées qui ont, comme les Académies et les cénacles, un but spécialement littéraire, d’autres lieux de réunions sérieuses ou joyeuses qui méritent d’arrêter l’historien.
On l’y voit belle longtemps, agréable toujours, unissant aux fleurs d’esprit d’une Mme de La Sablière la solidité de fonds d’une Mme de La Fayette, d’une conversation diverse et à propos assortie, tantôt sérieuse, tantôt enjouée, même ne haïssant pas les plaisirs de la table et y redoublant de saillies, y présidant en déesse comme l’Hélène d’Homère : Mme de Caylus, nous dit en cet endroit M. […] Mme de Maintenon, si agréable par l’esprit, avait un fonds sérieux, triste et même austère ; elle avait amassé des trésors d’ennui à amuser les autres, elle s’était desséché l’âme à plaire à de plus grands qu’elle dès sa jeunesse. […] Il est vrai que Mme de Caylus est si parfaite, si respectueuse à la fois et si familière ; elle sait si bien la mesure qu’il faut garder en lui écrivant, le degré d’information qu’il faut tenir, les tristes nouvelles du monde, les vérités fâcheuses qu’il ne faut pas lui cacher, et celles sur lesquelles il est inutile de s’étendre ; elle sait si bien être sérieuse en courant : « Je ne vous dis rien de la beauté de vos lettres, lui écrivait Mme de Maintenon(1716) ; je vous paraîtrais flatteuse, et, à mon âge, il ne faut pas changer de caractère. » On prendrait pourtant de Mme de Caylus, si l’on s’en tenait à ses lettres, une idée un peu trop sérieuse.
Adressons, avant tout, nos remerciements à la Société de l’histoire de France, qui, au milieu des circonstances pénibles où les lettres ont passé depuis 1848, n’a pas désespéré un seul instant de la patrie, je veux dire des études historiques sérieuses, et qui n’a pas fait trêve à ses publications. […] Je répondis d’un air fort sérieux que je venais lui parler de sa part ; ensuite je la pris en particulier, et je lui dis les ordres que j’avais. […] On l’avait nourri à dessein dans ces futilités, en vue de son frère à qui on réservait tout l’effectif du commandement et le sérieux de l’empire. […] Ses Mémoires feront prévaloir désormais cette partie sérieuse de sa vie, et l’on connaîtra en somme un personnage et un caractère de plus dans ce siècle où il y en eut tant d’originaux.
Né en 1785 dans l’Ardèche, il vint à Paris à l’âge de dix-neuf ans, c’est-à-dire tout au début de l’Empire ; et par ses goûts déclarés, par ses essais sérieux et variés en vers et en prose, par le caractère des doctrines, il mérita bientôt de se voir l’enfant chéri, le fils adoptif de la littérature alors régnante, de celle qui se rattachait plus étroitement aux traditions du xviiie siècle. […] Un talent précoce, incontestable, un travail opiniâtre et qui ne se fie pas à la seule nature, le culte des sérieuses traditions, un patriotisme ardent, une pureté de conscience inaltérable, et tout cela n’aboutissant qu’à une carrière manquée et à un douloureux avortement !
Elle éclate notamment dans le caractère que prend, chez ce peuple sérieux la célébration des fêtes dont l’anniversaire de la nativité de Jésus est l’occasion. […] Mais, peu à peu, l’expression de son visage devient sérieuse, et Claude voit deux larmes rouler lentement dans sa voilette.
Enfin, au-dehors comme au-dedans, les croyances en lutte, les consciences en travail ; de nouvelles religions, chose sérieuse ! […] Cependant, dans la position indépendante, désintéressée et laborieuse où l’auteur a voulu rester, dégagé de toute haine comme de toute reconnaissance politique, ne devant rien à aucun de ceux qui sont puissants aujourd’hui, prêt à se laisser reprendre tout ce qu’on aurait pu lui laisser par indifférence ou par oubli, il croit avoir le droit de dire d’avance que ses vers seront ceux d’un homme honnête, simple et sérieux, qui veut toute liberté, toute amélioration, tout progrès, et en même temps toute précaution, tout ménagement et toute mesure ; qui n’a plus, il est vrai, la même opinion qu’il y a dix ans sur ces choses variables qui constituent les questions politiques, mais qui, dans ses changements de conviction, s’est toujours laissé conseiller par sa conscience, jamais par son intérêt.
Sans doute Haller, Sœmmering, et avant eux Willis, avaient abordé déjà ces difficiles recherches ; mais Gall, par ses sérieuses découvertes aussi bien que par son aventureux système, leur a donné un puissant élan, et depuis cette époque un très-grand nombre de recherches importantes ont été faites dans cette voie. […] Telles sont les règles de bonne méthode et de sérieuse impartialité qui nous guideront dans ces recherches sur le cerveau et la pensée, où nous essayerons de faire connaître les travaux les plus récents et les plus autorisés qui traitent de ce grand sujet.
Il prend celui de son tableau ; il est brusque, doux, insinuant, caustique, galant, triste, gai, froid, chaud, sérieux ou fou, selon la chose qu’il projette. […] On reproche à ce visage son sérieux et sa gravité : mais n’est-ce pas là le caractère d’une femme grosse qui sent la dignité, le péril et l’importance de son état ?
Quand on l’a lu comme nous venons de le lire, il est bien évident que ce n’est pas la grande Fonction intime que nous soupçonnions qui a fait perdre à Capefigue une tête… regrettable, jusque-là sérieuse en histoire. […] Il y a bien une phrase dans l’introduction où il est question de l’image gracieuse de l’amour d’Henri IV et de Gabrielle ; mais c’est de suite fini, et l’auteur, qui a encore ce vieux œil de poudre sur la pensée, ne retourne plus à cette bergerie : il redevient et reste sérieux.
Si l’on en doutait, il faudrait prendre toutes les publications d’une époque, et l’on verrait combien il y a de bons livres, voire de livres excellents, dans tous les genres où la Pensée et l’Expression demeurent sérieuses, avant d’arriver à quelque chose qui ressemble ou qui soit analogue, par exemple, aux Mémoires du chevalier de Grammont. […] C’est un pococurante d’attitude, dont la préoccupation incessante est d’éviter, n’importe à quel prix, tout ce qui pourrait ressembler à de l’admiration et même à du sérieux.
Et, parmi ces enfants, que l’Art déjà soumet, Un surtout, sérieux et bouclé, me charmait. […] Or, je ne sais par quel sortilège exécrable, Dans cet homme flétri, dégradé, lamentable, Je revoyais l’enfant du tableau contemplé, Les traits purs de l’enfant sérieux et bouclé.
Cicéron, il est vrai, nous dit que la poésie d’Anacréon roulait toute sur l’amour. » Mais un docte et ingénieux Hellène, l’empereur Julien98, désignait Anacréon comme ayant fait beaucoup de poésies, les unes sérieuses et graves, les autres agréables et riantes ; et il le nommait à côté d’Alcée et d’Archiloque, avec la seule différence de sa vie prospère et voluptueuse aux rudes épreuves, aux passions violentes ressenties par les deux poëtes de Lesbos et de Paros. […] Nul doute cependant qu’il n’ait fait aussi des hymnes, ce qui suffit pour expliquer l’épithète de « sérieuses et graves » donnée par Julien à quelques œuvres du poëte de Téos.
Heureusement il ne pouvait faire, en dépit de sa volonté, que des œuvres sérieuses. […] Oui, mais sa parole n’avait rien de sérieux, rien de solennel, rien qui partît de l’âme, de l’esprit et du cœur. […] Il sera, si vous le voulez, le second avertissement sérieux donné à Don Juan. […] Quand tout sera fait et conclu, aussitôt la France redeviendra sérieuse et calme ; elle ne parlera que des grandes choses, et non plus des futiles ! […] Orgon, à la profonde misère de George Dandin… le parterre reste sérieux et pensif à la verve étincelante et railleuse de Don Juan.
De tels combats ne se rendent que là où la résistance est sérieuse. […] On y sent à la vérité le sérieux d’un esprit qui n’a jamais été médiocrement touché des vérités morales, et que la première ardeur d’une conversion récente pousse à défendre la foi, avant même de l’avoir approfondie. […] Ce que Pascal imagine pour rendre sa matière agréable, pour être enjoué en restant sérieux, savant sans fatiguer de sa science ; ce qu’il déploie d’invention pour faire sortir la vérité d’où on l’attend le moins, et pour en rendre l’effet plus sûr, rappelle toutes les grâces des Dialogues de Platon, auxquels on a judicieusement comparé les Provinciales. […] Je ne le vois pas, sans regret, quitter la scène à la fin de la dixième Provinciale, alors que Pascal, passant tout à coup de la raillerie déguisée à l’attaque ouverte, et prenant le père à partie sur la maxime qui dispense d’aimer Dieu, l’exhorte à ouvrir les yeux et à se retirer des égarements de sa Société, ajoutant ainsi à l’effet moral de cette petite pièce par le sérieux du dénoûment. A partir de la onzième lettre, la fiction cesse, et Pascal paraît en personne, prenant la compagnie corps à corps dans une polémique toujours sérieuse, dont la véhémence va quelquefois jusqu’à la colère.
Tout cela est sérieux, parfois même tragique. […] Resterait alors à savoir quels sont les défauts qui peuvent devenir comiques, et dans quels cas nous les jugeons trop sérieux pour en rire. […] Et il y en a un aussi de décourager notre sympathie au moment précis où elle pourrait s’offrir, de telle manière que la situation, même sérieuse, ne soit pas prise au sérieux. […] Mais c’est là ce que la comédie a de commun avec le drame, et pour s’en distinguer, pour nous empêcher de prendre au sérieux l’action sérieuse, pour nous préparer enfin à rire, elle use d’un moyen dont je donnerai ainsi la formule : au lieu de concentrer notre attention sur les actes, elle la dirige plutôt sur les gestes. […] Mais le geste a quelque chose d’explosif, qui réveille notre sensibilité prête à se laisser bercer, et qui, en nous rappelant ainsi à nous-mêmes, nous empêche de prendre les choses au sérieux.
Dangeau ne trouve pas à tout cela le plus petit mot pour rire, et s’il ne prend pas feu comme Saint-Simon, que ces sortes de questions ont le privilège de faire déborder, il s’applique à bien exposer les points en litige, comme un rapporteur sérieux et convaincu. […] Non, je ne crois pas que Dangeau, même en cet endroit, ait été si près de sourire ; on n’a jamais pris plus constamment au sérieux toutes ces puérilités majestueuses, qui avaient, au reste, leurs avantages, si on ne les avait poussées si à bout. […] Ces parties sérieuses et toutes pratiques du règne de Louis XIV trouvent leur ouverture et leur éclaircissement par bien des passages de Dangeau.
Cet esprit, le plus contraire à celui de la grande et intelligente poésie, produit des jugements systématiques, engouement et anathème, mais le tout se passant le plus souvent entre soi, entre artistes et gens du métier : le public même celui qui s’occupe volontiers des lettres sérieuses, reste indifférent et regarde ailleurs. […] Schnitzler, en oubliant, dans sa précipitation, de le citer1, il n’est plus un écrivain sérieux. […] , d’encourager toute tentative nouvelle et sérieuse (mais c’est là un souhait bien vague !)
Des deux volumes sur Abélard, il n’y a que la moitié du premier volume qui soit à notre usage, je veux dire à l’usage des esprits qui tiennent à ce que le sérieux ne soit pas dénué de tout agrément ni de tout profit, et qui ne se paient pas du pur amour-propre de comprendre. […] Évitons ces retours, du reste bien naturels, de l’humeur, et mettons notre pensée plus haut, reprenons notre influence dans une sphère plus sûre, j’entends celle des lettres sérieuses et pratiquées dans leur véritable esprit. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.
Ne dissocions rien dans une flamme qui brûle avec tant de sérieux. […] C’est que rue des Granges on entend par cuisinière sérieuse une cuisinière qui ne rit jamais. […] Mme Weber n’eut aucune raison sérieuse de ne pas lire plus avant, et Amiel se garda d’aller plus avant… Mais la fin de son séjour en fut inquiétée. […] Ses fonctions à la cour et son sérieux font de Godet le patron du groupe. […] Le professeur comptait-il vivre dans sa famille de neuf femmes, pour avoir cuisinière sérieuse et lingère, et n’agir qu’à sa tête ?
Enfin, la vie à la campagne et le soin des enfants achèvent d’apaiser et d’assagir la petite femme ; elle devient plus sérieuse et plus intelligente, elle comprend plus de choses et conçoit mieux son devoir. […] Et pourtant j’ai aujourd’hui cette impression qu’à aucune époque de notre littérature il ne s’est trouvé, dans les livres d’écrivains encore jeunes, tant de sérieux, d’intelligence, de sagesse, d’observation curieuse, une science déjà si avancée de la vie et des hommes, et tant de compassion, une vue si sereine et si indulgente de la destinée6.
Elle est le fruit de réflexions sérieuses. […] Quand elle charge l’abbé Testu de dire à l’hôtel de Richelieu : qu’on n’oublie pas dans la solitude des amis à qui l’on en doit tous les agréments, elle disait une chose sérieuse, qui se rapportait à la grande et belle habitation de Vaugirard, et à l’influence que madame de Richelieu exerçait sur la bienveillance de madame de Montespan et sur celle du roi.
Ils ont senti que l’instant était grave, que leur génie était quelque chose de sérieux, qu’ils possédaient une importance, qu’ils n’étaient point là pour sourire, et qu’ils ne devaient point le faire comme beaucoup d’autres. […] La partie sérieuse et pensante de la jeunesse veut agir sur le monde et ne se contente pas du tout de célébrer le printemps.
Molière, le sérieux, le pensif et mélancolique Molière, n’est point gai, en ses sublimes comédies, et il n’est pas moins le plus grand comique qui soit dans les littératures du monde connu. […] Ce genre de raillerie qui touche au froid par son énormité même, ces hoax à la Swift, débités avec l’impassibilité et le sérieux d’un Anglais convaincu, et qu’écrit Rochefort dans une phrase qui ressemble à un visage où pas un muscle ne bouge, donnent toute la manière habituelle au spirituel écrivain ; mais, anglaise.
Les matières traitées dans le livre de Taine sont terriblement sérieuses et abstraites, et demandent suprêmement l’attention, qui est la première condition pour comprendre. […] … C’est, du reste, la seule chose drôle du gros livre de Taine, au milieu de toutes les vésanies sérieuses qu’il renferme.
Nos expositions annuelles, turbulentes, criardes, violentes, bousculées, ne peuvent pas donner une idée de celle-ci, calme, douce et sérieuse comme un cabinet de travail. […] Son libertinage est sérieux et plein de conviction.
Un âne traversant un champ ne le rendait pas sérieux comme Boileau ; il ne se préoccupait pas pour Homère de la nécessité que ce mot fût très noble en grec. […] Il est vrai que, pour le Chevalier, la critique n’est pas une chose fort sérieuse. […] Est-ce une maison solide que je vais définitivement établir sur les ruines du vieux palais détruit par la main du Chevalier, sur les ruines de cet élégant pavillon qu’il a élevé ensuite comme une tente provisoire, en attendant une construction plus sérieuse ? […] Il a mis dans la bouche de Sosie un récit très suivi, très détaillé et très sérieux de la victoire des Thébains, tel qu’il pourrait être dans une histoire ou dans un poème. […] S’il pense, il ne veut pas en avoir l’air ; s’il dit des choses sérieuses, parfois tristes, il en demande pardon par un sourire.
Et je vous prie de croire que c’est sérieux. […] — Non, non, non, je suis très sérieuse. […] Ainsi c’est entendu, vous n’en direz rien, ou vous vous ferez de moi une ennemie très sérieuse. […] En somme, il a dû être très gêné, ce Parisien, au milieu de cette admiration sérieuse. […] Vous êtes trop sérieux pour faire attention à des lettres d’inconnu, vous avez quarante ans, de vieilles amitiés, que feriez-vous d’une nouvelle admiration ?
Il avait déjà, à l’âge de dix ans, un tel sérieux dans le caractère et une telle solidité dans l’esprit, qu’il arriva à M. […] L’habitant est sérieux. […] Il venait tout d’abord du sérieux de son caractère. […] Il ne concevait même pas qu’une considération personnelle pût arrêter l’expression d’une conviction sérieuse. […] Taine est un esprit distingué qui, tôt ou tard, fera honneur à l’École par des publications d’un ordre sérieux.
ce n’est pas ainsi qu’on écrit la grande et sérieuse histoire, celle qui est, comme dit Thucydide, une œuvre éternelle et à toujours, « ϰτῆμα ἐς ἀεί ». […] bien, que le tort en rejaillisse sur Royer-Collard lui-même et sur cette veine d’insolence hautaine à laquelle il s’abandonnait sans scrupule dans ses gaietés sérieuses. […] Mais aussi il avait bien autrement de sérieux et de moralité comme artiste ; toujours occupé de son art, y ramenant tout, s’y perfectionnant par l’usage du monde et par le commerce des grands hommes. […] Plus tard, la jeunesse se faisant sérieuse, nous courons encore, mais de manière à ne le devancer que de peu : nous l’accompagnons. […] Les catholiques l’ont pris très au sérieux quelque temps.
À quarante-cinq ans, il entre dans l’adolescence, passe ses derniers examens et se prépare à la vie sérieuse. […] Pierpont Morgan était trop sérieux pour rêver jamais. […] Comme il y a moins de jeunes gens, il y a moins de candidats capables d’affronter un examen sérieux. […] En France, par exemple, le jury inspire de sérieuses inquiétudes. […] Je suis d’une superstition sérieuse et il faut autre chose que le manquement à un rite pour m’émouvoir.