. — Louis XIV demandait un jour au cardinal de Janson, aussi bon négociateur qu’habile courtisan, où il en avait tant appris : « Sire, répondit le cardinal, c’est en courant la nuit avec une lanterne sourde, tandis que j’étais évêque de Digne, pour faire les consuls d’Aix. » Et Lisola, le célèbre diplomate franc-comtois, disait qu’il s’était très bien trouvé, dans les grandes affaires, des subtilités qu’il avait apprises « dans le ménage municipal de Besançon. » Une seule maison quelquefois suffit à qui veut observer les variétés des passions humaines : un seul bourg peut suffire, en un temps d’agitation populaire, pour soulever et faire sortir toutes les variétés d’ambitions et de haines, et pour exercer d’autre part toutes les vertus civiques ; Frochot eut de quoi en faire de plus en plus l’apprentissage : il s’honora par toute sa conduite durant ces temps calamiteux ; il y montra une fermeté qui tenait encore chez lui au premier mouvement et à l’impulsion du sang dans la jeunesse. […] En 1812, Malet, dans la nuit du 22 au 23 octobre, mit en jeu l’audacieuse conspiration née et enfermée dans son seul cerveau et dans laquelle il n’avait pas de complices.
La description du printemps, de l’orage, de la nuit, de la beauté, des combats, peut se varier dans ses détails ; mais la plus forte impression a dû être produite par le premier poète qui a su les peindre. […] L’imprimerie, si favorable aux progrès, à la diffusion des lumières, nuit à l’effet de la poésie ; on l’étudie, on l’analyse, tandis que les Grecs la chantaient, et n’en recevaient l’impression qu’au milieu des fêtes, de la musique, et de cette ivresse que les hommes réunis éprouvent les uns par les autres.
Le seul vrai ridicule, celui qui naît du contraste avec l’essence des choses, s’attache à leurs efforts : lorsqu’elles s’opposent aux projets, à l’ambition des hommes, elles excitent le vif ressentiment qu’inspire un obstacle inattendu ; si elles se mêlent des intrigues politiques dans leur jeunesse, la modestie doit en souffrir ; si elles sont vieilles, le dégoût qu’elles causent comme femmes, nuit à leur prétention comme homme. […] C’est une importante question qu’il faut soumettre aux philosophes et aux publicistes, de savoir si la vanité sert ou nuit au maintien de la liberté dans une grande nation ; elle met d’abord certainement un véritable obstacle à l’établissement d’un gouvernement nouveau ; il suffit qu’une constitution ait été faite par tels hommes, pour que tels autres ne veuillent pas l’adopter ; il faut, comme après la session de l’assemblée constituante, éloigner les fondateurs pour faire adopter les institutions, et cependant les institutions périssent, si elles ne sont pas défendues par leurs auteurs.
Un homme, longeant un bois, la nuit, éprouve le vague effroi de tout ce qui grouille, bruit, glisse ou chuchote dans les derni-ténèbres : La nuit tend sur le ciel brouillé Ses ailes d’argent ponctuées ; La lune, comme un soc rouillé, Laboure le champ des nuées.
Le hasard l’ouvre à la page 70 : Le matin toujours recommence Et les soirs cadencent leur cours, Les battements du cœur immense Nous rythment des nuits et des jours ! […] Les matins ou les nuits que j’ai goûté pour la première fois aux Dialogues philosophiques, à la Cousine Bette, à la Chartreuse, à Bouvard et Pécuchet, à En ménage, à Une belle journée, à Sous l’œil des barbares, à L’Écornifleur me demeurent d’émotion inoubliable au point que je pourrais dire maintenant s’il pleuvait ces jours-là ou quel temps il faisait.
Nicodème, qui avait eu avec lui dans un de ses précédents voyages un entretien de nuit, faillit se compromettre au sanhédrin pour avoir voulu le défendre. « Eh quoi ! […] Après avoir passé la journée aux disputes du temple, Jésus descendait le soir dans la vallée de Cédron, prenait un peu de repos dans le verger d’un établissement agricole (probablement une exploitation d’huile) nommé Gethsémani 951, qui servait de lieu de plaisance aux habitants, et allait passer la nuit sur le mont des Oliviers, qui borne au levant l’horizon de la ville 952.
Pour Jésus, selon sa coutume, il alla passer la nuit à son cher village de Béthanie 1059. […] Cette scène, par suite de l’art instinctif qui a présidé à la rédaction des synoptiques, et qui leur fait souvent obéir dans l’agencement du récit à des raisons de convenance ou d’effet, a été placée à la dernière nuit de Jésus, et au moment de son arrestation.
Elle attire chez nous le galant une nuit. Saltabadil a dit : J'ai ma sœur, une jeune et belle créature, Qui chez nous aux passants dit la bonne aventure ; Votre homme la viendrait consulter une nuit.
Elle est tout au fond de l’ombre, presque invisible à force de submersion dans la nuit, cette foule fatale, cette vaste et lugubre souffrance amoncelée, cette vénérable populace des déguenillés et des ignorants. […] C’est donc la nuit.
C’est une richesse, mais c’est une richesse qui nuit à l’unité du roman, et qui éparpille et disperse l’intérêt que l’art aurait été de concentrer… La femme du monde experte qu’est madame de Molènes, cette observatrice qui a des observations de rechange toujours à son service, s’est trop souvenue des femmes qui ont passé devant elle, et elle en a mis trois autour de son orpheline, qui, sans être orphelines, ont plus de charme que celle qui l’est, et même, sur les trois, il en est une — Hélène — qui, selon moi, en a beaucoup plus ! […] Hélène, qui intéresse au moins par ses défauts, — parce qu’elle est une femme très bien observée de ce temps anémique et épuisé, qui n’a plus de passion réelle, qui voudrait en avoir ou s’en donner et qui ne peut, et qui n’a pas même la rage de son impuissance, — Hélène est, en somme, un type qu’on ne peut admirer que parce qu’il est ici admirablement exprimé ; mais, tel qu’il est cependant, il nous prend plus fort, à cause de sa réalité, que le type de l’Orpheline, de cette impeccable Madelaine, qu’on pourrait appeler la mécanique du devoir continu, remontée par son père pour sonner le dévouement et les services à rendre à toute heure de jour et de nuit.
Des vierges dirigeaient la route, les vierges du soleil, quittant les demeures de la nuit pour la lumière, et de la main écartant les voiles de leurs fronts. […] « Là sont les portes des chemins de la nuit et du jour, roulant entre leur linteau et leur seuil de granit : élevées dans l’éther, elles se ferment par d’immenses battants ; et la Justice laborieuse en garde les doubles clefs.
On ferait M. de Salvandy ministre de la marine (car il paraît prouvé que rien ne nuit tant à ce ministère qu’un marin et un homme du métier) ; on éliminerait M.
Une autre fois qu’elle allait aussi chez la reine, c’était dans des jours moins heureux, la princesse lui dit : « J’ai rêvé de vous cette nuit, ma chère Rose ; il me semblait que vous m’apportiez une quantité de rubans de toutes couleurs, et que j’en choisissais plusieurs ; mais, dès qu’ils se trouvaient dans mes mains, ils devenaient noirs… » L’éditeur a compris qu’il n’y avait pas là de quoi faire un volume : il a donc grossi le sien de notes sur le comte de Charolais, le duc d’Orléans, MM. de Choiseul et de Maurepas, qui ne se rattachent aucunement au texte ; ils sont à peine nommés dans l’ouvrage, et voilà qu’on nous donne en notes toute leur vie privée et publique.
Celle d’un homme et d’une femme ne cesse guère d’être attentive et empressée ; le sexe y conserve une partie de son influence… » La douceur de l’âge moins ardent, la vie égale et encore sensible d’une maturité apaisée est très-bien rendue par M. de Latena : « Entre quarante et cinquante ans, le soleil de la vie commence à descendre vers l’horizon, et tous les objets récemment éclairés d’une lumière éclatante prennent des teintes obscurcies qui font présager la nuit.
» Puis, lorsqu’au souffle de la nuit Toutes s’en retournent chez elles, La lune aux blanches étincelles Sur les flots clairs les reconduit.
Les couronnes et les guirlandes que nous avons suspendues aux portes de sa demeure taciturne se faneront avec nous, quand nous nous abîmerons à notre tour dans la grande nuit.
On lit une fois, deux fois peut-être les Verrines et les Catilinaires de Cicéron, l’Oraison pour la Couronne et les Philippiques de Démosthène ; mais on médite sans cesse, on feuillette nuit et jour les Oraisons funèbres de Bossuet et les Sermons de Bourdaloue et de Massillon.
Ces gens-là n’ont jamais vu une mère qui vient la nuit voir son enfant au berceau, une lampe à la main, et qui craint de l’éveiller.
Pendant la nuit les guinné sont venus chez l’avare.
Le bonnet à rubans ressemble à un bonnet de nuit, c’est le bonnet de coton de la femme élégante. […] Villemain, jeune homme, à travers ce Paris désert, par cette nuit froide et claire du 20 mars ! […] Partout la nuit, le silence, l’horreur, le joug, la spoliation effrénée, et la faim et la peur. […] Ou vivait de peu, on travaillait nuit et jour. […] la furibonde mêlée qui s’entrechoque pendant la nuit, et qui se pique avec des armes empoisonnées !
Te rappelles-tu cette admiration pour l’Océan et pour les nuits dorage ? […] Folantin avait des digestions plus laborieuses et de moins bonnes nuits. […] Éloge de la Nuit, qui berce la Création. […] Visitant l’Acropole une nuit, au clair de lune, M. […] … J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable.
Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, et crée de ton silence la musique des nuits. […] je m’enivre d’espace, et j’apaise ma fièvre à la fraîcheur des nuits. […] Le ciel était de nuit, d’astres et de silence. […] D’abord la nuit, un trou noir où l’on perçoit pourtant des choses qui tressaillent. […] je suis celle qui dans la nuit t’ouvre les yeux.
« Désormais les douleurs de sa veuve éplorée « Vont des jours et des nuits occuper la durée. […] de ce grand jour faut-il troubler les charmes, « Et r’ouvrir à vos yeux la source de nos larmes, « Vous raconter la nuit, l’épouvantable nuit « Qui vit Pergame en cendre et son règne détruit ; « Ces derniers coups du sort, ce triomphe du crime « Dont je fus le témoin, hélas ! […] « Ai-je droit de tirer de cette nuit profonde « Ces grands événements, secrets d’un autre monde ? […] À peine il atteignait le bord des eaux du faible Rubicon, que la grande image de la Patrie frémissante apparut au-devant de ce chef : sa figure, toute consternée, éclatait de splendeur à travers les ténèbres de la nuit. […] Un vieillard infirme exposé durant une nuit aux intempéries de l’air : on voit ce qu’en a fait l’intervention des Dieux et des Nymphes.
Ce sont des éclairs passagers dans la nuit orageuse et tendue de ce style où chaque mot semble vivant. […] Il a de quoi peupler ses nuits et ses jours. […] Frissons de celles qu’on abandonne, exquises créatures s’offrant au crépuscule ou dans la nuit tiède sous les étoiles. […] Le dieu des amants les fait mourir après la première nuit d’amour. […] Chaque jour, chaque nuit agrandit l’abîme.
Ces discours académiques inspirent toujours un grand effroi, même aux hommes habitués à paraître ailleurs en public ; la quantité de femmes et de chapeaux roses qui émaillent l’auditoire ne nuit pas à ce genre d’émotion.
Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême, Sans les compter je jette et mes nuits et mes jours, Et, parmi les flacons, souvent l’aube au teint blême M'a surpris dénouant un masque de velours.
« Enfin, nous avoue-t-elle ingénument, je n’ai été étrangère à rien, j’ai pu parler passablement de tout ; mais je n’ai su parfaitement que ce qui se rapporte aux beaux-arts, à la littérature et à l’étude du cœur humain. » Je ne m’arrête pas à des anecdotes bien longues dont madame de Genlis nourrit habilement son récit : comment dans ses retraites au couvent elle barbouillait la nuit les vieilles religieuses, comment elle mystifiait le chevalier Tirtame, ou frappait aux vitres des paysans du village.
Paul Déroulède battait soudain entre mes mains et dans ma voix avec le rythme tout populaire de ses vers : Il fait nuit ; la diane a sonné, tout s’éveille ; Les hommes sont sortis des lentes qu’on abat ; La soupe est sur le feu, le vin dans la bouteille, Et, chantant et riant à la flamme vermeille, Ces diables de Français commencent leur sabbat.
J « Fleurs de luxe, de charme et de beauté, que l’on cultive encore aujourd’hui et qui seront bientôt les seuls vestiges du Japon splendide d’autrefois, … artificielles princesses choisies parmi les beautés les plus rares, élevées dans tous les raffinements du goût aristocratique, instruites des rites et de l’étiquette, savantes, virtuoses en tous les arts, jeunes, passionnées, enivrantes et… accessibles », ces Princesses d’amour, dans la cité d’amour, content et vivent des histoires d’amour évoquant les précieux décamérons et les merveilleuses « Mille et Une nuits ».
. — Les Nuits de Ramazan (1850). — Les Faux Saulniers, histoire de l’abbé de Bucquoy (1851). — L’Imagier de Harlem ou la Découverte de l’imprimerie, drame-légende en 5 actes et 10 tableaux, en prose et en vers, en collaboration avec MM.
André Lemoyne Ce qui ressort surtout des poèmes d’André Theuriet, c’est l’amour de la nature forestière, l’intime souvenir de la vie campagnarde et, en même temps, une pitié profonde pour les souffrants, les déshérités de ce monde qui vont courbes sur la glèbe ou errants sur les routes, à l’heure où le soir tombe et quand s’illumine dans la nuit la fenêtre des heureux.
Le duc de Saint-Simon, dans une de ses notes sur les mémoires de Dangeau, sous la date du 10 mai 1690, reproche à madame de Montausier d’avoir accepté la place de dame d’honneur de la reine, dont la duchesse de Navailles avait été dépouillée pour avoir, dit Saint-Simon, fait murer une porte secrète par où le roi se rendait de nuit dans la chambre des filles de la reine.
Ce qui fait que mon monde ne dort, la nuit, que d’un œil, se relevant de temps en temps, pour aller tâter le mur, et sentir s’il se refroidit. […] Le prince, avec huit hommes dont il avait le commandement, venait de passer la nuit dans un endroit, où le matin les Zoulous, se glissant à travers les roseaux, le surprirent au moment où il avait commandé à ses hommes de prendre le galop, et où, sautant sur son cheval, une zagaïe lui entrait derrière l’épaule, et le traversait de part en part. […] Puis elle constatait l’évolution de la toilette de la femme, disant que la camisole, les jarretières, le bonnet de nuit, avaient été remplacés, depuis sa naissance, par la chemise de nuit, les attaches des bas au corset, une coiffure différente de celle du jour. […] Il voulait bien le recevoir, mais en le prêchant toute la nuit. […] C’est peut-être l’unique médecin, qui a eu l’idée de demander à ses malades, un journal, heure par heure, de leurs souffrances et de leurs malaises du jour et de la nuit.
Cependant j’en devins, en moins de deux heures, si ardemment amoureux, que je fus toute la nuit sans dormir. […] Un jour que je n’en pouvois plus, un de mes gens, qui m’avoit suivi, m’avertit que la nuit s’approchoit et qu’il n’y avoit point de lune ; je m’arrêtai dans un village à l’entrée de la forêt, et là, parce que cet homme étoit secret et fidèle, je lui communiquai mon dessein qui l’étonna ; mais il fallut m’obéir. […] C’étoit un homme avancé en âge, fort timide et d’une foible constitution ; mais il aimoit à se faire craindre, et parce qu’il avoit cru que ces dogues m’avoient épouvanté, il me dit qu’il seroit bien dangereux de se promener la nuit autour de chez lui ; et me faisant entrer dans une salle, il me demanda ce que je cherchois : Je suis, lui dis-je, un homme de lettres qui me mêle d’instruire les jeunes gens. — Vous êtes propre et leste, reprit-il ; mais n’avez-vous ni bonnet ni chemise, et marchez-vous comme cela sans hardes ? […] Tous vos confrères se mêlent de l’un et de l’autre ; ce sont des vagabonds qui ne vont de çà, de là, que pour apporter du scandale et séduire quelque innocente, et quand on les pense tenir, ils ne manquent jamais de faire un trou à la nuit. — Je lui repartis que j’étois d’un esprit plus modéré, que j’avois passé deux ans et demi chez un gentilhomme de Normandie à élever ses enfants, et que je ne les avois point quittés qu’ils ne fussent bons latins et bons philosophes ; du reste, qu’il n’avoit pas besoin d’un autre que de moi pour apprendre à messieurs ses enfants à faire des armes ni à danser, que je savois tous les exercices, parce que j’avois été cinq ans à Rome auprès d’un jeune homme de qualité qui m’aimoit et me faisoit instruire par ses maîtres ; — et pour lui montrer mon adresse, je me mis en garde avec une canne que j’avois ; j’allongeois et parois, j’avançois et reculois en maître, et puis, ayant quitté ma canne, je fis quelques pas forts de ballet et plusieurs caprioles qui le réjouirent ; mais ce qui lui plut encore, je ne fus pas difficile pour mes appointements. […] Je vois, de plus, que ce qui sert d’un côté nuit d’un autre ; que le plaisir fait souvent naître la douleur, comme la douleur cause le plaisir, et que notre félicité dépend assez de la fortune et plus encore de notre conduite. — Je l’écoutois doucement quand on nous vint interrompre, et j’étois presque d’accord de tout ce qu’il disoit.
Une nuit, chez lord Oxford, pendant le terrible hiver de 1740, de peur de perdre une idée, il fit lever quatre fois la femme qui le servait. […] Peintures et descriptions : elle décrit à Abeilard le monastère et le paysage, « les dômes moussus couronnés de fines tourelles, les arches majestueuses qui changent en nuit la clarté du grand jour, les vitraux qui versent sur les dalles une clarté solennelle1106 », puis « les rivières errantes qui luisent entre les collines, les grottes dont l’écho répète le bruissement des ruisseaux, les brises mourantes qui viennent expirer sur les feuillages1107. » — Tirades et lieux communs : elle envoie à Abeilard des dissertations sur l’amour et la liberté qu’il réclame, sur le cloître et la vie paisible qu’il peut donner, sur l’écriture et les avantages de la poste aux lettres1108. — Antithèses et contrastes : elle les expédie à Abeilard par douzaines : contraste entre le monastère illuminé par sa présence et le monastère désolé par son absence, entre la tranquillité de la religieuse pure et l’anxiété de la religieuse coupable, entre le rêve du bonheur humain et le rêve du bonheur céleste. — En somme, c’est un air de bravoure, avec oppositions de forte et de piano, avec variations et changements de ton ; Héloïse exploite son motif, et s’occupe à y insérer toutes les habiletés et les réussites de sa voix. […] Pope veut se venger de ses ennemis littéraires, et chante la Sottise, auguste déesse de la littérature, « fille du Chaos et de la Nuit éternelle, lourde comme son père, grave comme sa mère », reine des auteurs affamés, et qui choisit Théobald pour son fils et pour son favori. […] Un des moins rigides et des plus célèbres fut Young, l’auteur des Nuits, ecclésiastique et courtisan, qui ayant en vain essayé d’être député, puis évêque, se maria, perdit sa femme et les enfants de sa femme, et profita de son malheur pour écrire en vers des méditations « sur la vie, la mort, l’immortalité, le temps, l’amitié, le triomphe du chrétien, la vertu, l’aspect du ciel étoile », et beaucoup d’autres choses semblables. […] Figurez-vous un père malheureux qui célèbre « le silence et l’obscurité, ces deux sœurs solennelles, ces deux jumelles filles de l’antique Nuit » ; un prêtre qui « fait sa cour à la sœur du jour, la déesse aux doux yeux », se déclare « le rival d’Endymion1133 » et quelques pages plus loin apostrophe le ciel et la terre à propos de la résurrection de Jésus-Christ.
Il arriva le surlendemain aux portes de Turin ; son costume flétri par la route, son dénuement d’argent et de lettres pour le gouverneur, lui firent refuser l’entrée par les gardes ; il fut contraint à traverser de nouveau le Pô et à aller, suivant son habitude, demander un asile pour la nuit au couvent des Capucins. […] Un roman de paladin sur un ton plus sérieux, mais avec des inventions aussi capricieuses et aussi invraisemblables que celles de l’Arioste ou des contes arabes des Mille et une Nuits. […] Mais un rêve chanté en vers immortels, mais un roman tissu et raconté avec une telle prodigalité d’imagination, de piété, d’héroïsme, de tendresse, que le lecteur, oubliant les temps, les lieux, les mœurs, en suit du cœur les touchantes aventures avec autant d’intérêt que si c’était une histoire ; mais des scènes qui rachètent par le pathétique des situations et des sentiments l’inconséquence et l’étrangeté de la conception ; mais un charme comparable à l’enchantement de son Armide, charme qui découle de chaque strophe, qui vous enivre de mélodie comme le pavot d’Orient de ses visions, et qui vous livre sans résistance aux ravissantes rêveries de cet opium poétique ; mais un style surtout coloré de telles images, et chantant avec de telles harmonies, qu’on s’éblouit de sa splendeur, et qu’on se laisse volontairement bercer de sa musique, comme au roulis d’une gondole vénitienne pendant une nuit d’illumination à travers les façades de palais de la ville des merveilles. […] « Elle fuit toute la nuit ; tout le jour elle erre sans conseil et sans guide : elle ne voit que ses larmes, elle n’entend que ses cris : enfin, au moment où le soleil détèle ses coursiers et se plonge dans l’Océan, elle arrive sur les bords du Jourdain, met pied à terre et se couche sur le sable. […] Le baptême et la mort de Clorinde, tuée dans un combat de nuit par la main de Tancrède qui l’adore, et de qui elle reçoit la mort au lieu de l’amour, ne le cède en pathétique à aucune scène des grandes épopées, et ici ce pathétique est chrétien par l’immortelle vie que l’amant meurtrier apporte à son amante avec l’eau du baptême dans son casque.
Sur-le-champ le cardinal envoya cet ordre avant que Pier Luigi le sût, car il s’y serait opposé ; et deux de ses principaux gentilshommes me tirèrent de ma prison, à quatre heures de la nuit, et me conduisirent dans son palais, où je fus accueilli avec toute la bonté possible. […] Je le trouvai occupé à les choisir, et il le faisait si lentement, qu’il me fallut attendre nuit close avant qu’ils me fussent livrés. […] Ascagne était amoureux d’une jeune fille fort jolie, qui le payait de retour ; elle se sauva une nuit de chez ses parents, pour venir le trouver, et ne voulut plus y retourner. Ascagne, ne sachant qu’en faire, la cacha dans la statue, lui arrangea un lit dans la tête avec beaucoup d’art, et il venait l’en faire sortir pendant la nuit. […] Je crois que les coups de pied et de poing qu’il nous a donnés cette nuit ont fait tant de peur à la fièvre, qu’elle n’a plus osé reparaître.
Les chênes, des deux côtés du ravin, entrecroisent leurs branches et répandent leur nuit en plein jour sur ces solitudes. […] Elle demandait du temps ; elle leur avait promis de se prononcer enfin quand elle aurait fini de broder un voile, mais elle défaisait la nuit ce qu’elle avait fait le jour, afin de prolonger le délai. […] « C’est là que durant la nuit entière Télémaque, recouvert de la fine toison tissée des brebis, roule en lui-même le plan du voyage que lui conseille Minerve. » — « Que pensez-vous d’Euryclée, mes enfants ? […] Une femme de charge de la maison veillait nuit et jour dans cet endroit et gardait ces trésors avec un esprit plein de prévoyance. […] La nuit vient ; Télémaque s’embarque en secret. — « Écoutez, mes enfants, comme tous les détails de la mer prennent dans la bouche de ce poète universel la même précision et la même vie que les détails de la maison.
écrit-elle à son amant, nous ne passerons jamais une nuit ensemble sans nous agenouiller et sans prier pour Jacques. » Voilà un mari bien consolé. […] Il y eut des nuits de recueillement, de douleur austère, de résignation enthousiaste, où j’écrivis de belles phrases de bonne foi. […] Ainsi s’explique ce va-et-vient des personnages les plus compromettants et les plus faciles à compromettre, qui entrent dans le parc et le château, ou bien en sortent, comme il leur plaît, le jour et même la nuit. […] Et de là une des plus incroyables folies qui puissent traverser une imagination exaltée, cette scène capitale de la nuit de noces entre Valentine malade, aliénée d’elle-même, tombée par désespoir dans une sorte de somnambulisme, et Bénédict, qui passe près d’elle les heures troublantes de la nuit, s’exaltant de la présence aimée, livré à toutes les furies de la passion, qu’heureusement une série de hasards transforme en un inoffensif et délirant monologue. […] Mme Sand a recueilli avec soin les principales de ces pièces dans un volume à part : le Théâtre de Nohant, où se trouvent le Drac, Plutus, le Pavé, la Nuit de Noël, Marielle.
Un éclair… puis la nuit ! […] La jeune femme se plaisait à ses entretiens, le recevait longuement, pendant les absences fréquentes de son mari, et quelquefois tard dans la nuit. […] Dans la Ronde de Nuit, « tout ce qui pouvait vous faire hésiter se déduit. […] Dominique va rôder la nuit à la porte de la chambre de Madeleine, où est restée la clef… Mais Dominique sait qu’une faute la tuerait et qu’il ne lui survivrait pas. […] Le second personnage de ce genre, qui ne tient aucun rôle dans l’action, est traité, lui, franchement et uniquement comme valeur, ainsi que le coq de la Ronde de Nuit.
La distinction même de ce rare talent, qui nuit incontestablement à son succès sur la scène, s’oppose également à sa fécondité. […] Ou bien n’y a-t-il qu’un ordre fatal d’existences fortuites, se succédant comme le flot succède au flot dans une nuit orageuse qui n’aura pas d’aurore ? […] Il est nuit. […] Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé ! […] Près de Sibylle mourante, tuée par son amour plus encore que par le souffle glacé d’une nuit d’automne, il s’incline.
Il oublie l’heure ; les portes de la ville se ferment, et il est obligé de passer la nuit entière en proie aux terreurs. […] Il se croit malade par manie, il se fait élégant faute de mieux ; sa jeunesse se va perdre dans les futilités, et son âme s’y dessécher, lorsqu’une nuit, allant au bal du Casino, un incendie qu’il admire d’abord comme pittoresque, le prend au collet sérieusement ; il est obligé de faire la chaîne avec ses gants blancs ; il s’irrite d’abord, puis la nouveauté de l’émotion le saisit ; le dévouement et la fraternité de ces braves gens du peuple lui gagnent le cœur : il a retrouvé la veine humaine, et son égoïsme factice s’évapore. […] Mais de nuit, déjà en route, il revient sur ses pas ; il veut revoir les lieux encore, épier les derniers bruits du logis, la lumière de Louise s’éteignant. Presque surpris une seconde fois par le chantre soupçonneux qui rôde, il n’a que le temps de se réfugier dans l’église ; il s’y laisse enfermer, y passe la nuit, et, accablé de fatigue et d’émotions, s’y endort profondément.
La nuit est revenue ; chacun se traîne à travers l’obscurité pour chercher la lumière, et nul ne la trouve. […] Basée sur la Genèse qui nous apprend que l’homme a été créé à l’image de Dieu, que la terre immobile voit tourner autour d’elle le soleil et la lime chargés de l’éclairer le jour et la nuit, qu’un seul déluge a couvert le monde en punition des péchés des hommes ; fortifiée par les paroles que le Seigneur dit à Moïse dans le Deutéronome2, en lui enseignant que les lièvres sont des animaux ruminants, la science religieuse officielle a dû combattre de toutes ses forces, de tous ses anathèmes, de toutes ses inquisitions contre ces hommes trois fois saints qui recherchaient les effets et les causes, et les trouvaient infailliblement en dehors des dogmes imposés. […] Il courait la nuit en vomissant des flammes, en poussant des cris, en entraînant à sa suite des légions de diablotins et de sorcières ; mais une locomotive remorquant son convoi lance plus de feux, jette plus de clameurs, emporte plus de monde que lui ; il bâtissait des palais en un jour, mais voyez donc ce qui se fait au Louvre maintenant ; il donnait des trésors à ceux qui lui vendaient leur âme ; l’industrie en procure d’aussi grands, de plus inépuisables, et n’exige que du travail en échange ; il disait certaines paroles qui cicatrisaient les blessures et endormaient la douleur, mais le chloroforme en sait plus long que lui sur ce sujet. […] on s’égare dans la recherche, on entre dans la nuit, on suit de fausses routes, et l’on se bat en partisan avec la mauvaise devise : « Chacun pour soi et Dieu pour tous. » Tiraillée par vingt côtés différents, la pauvre Vérité se sauve à toutes jambes et rentre dans son puits ; et tous, nous pleurons son absence !
Plus tard, à moins de dix ans de là, lorsqu’en ses moments de répit il écrira ou dictera sa chronique dans quelque château de Romanie, il n’aura pas revu sa Champagne, il sera toujours sur cette terre de conquête qu’il faut défendre pied à pied et payer de son sang chaque jour ; où l’on perd en chaque rencontre un compagnon, un ami, et où le vainqueur en armes n’a pas une nuit sans veille. […] Ces empereurs grecs qu’ont en face les guerriers francs n’osent sortir de leurs murailles, se mettre à la tête des vaillants hommes qui leur restent ; ils s’enfuient de nuit par des portes dérobées, et vont chercher dans des palais moins en péril ce qu’ils espèrent sauver de la ruine universelle, un reste de voluptés et de délices.
L’expérience lui avait inculqué pour principe « qu’on ne peut trop compter sur la faiblesse humaine. » Elle se méfiait, elle savait que tout se gâte vite et se dérange dans les éducations les plus admirées comme dans les natures les plus innocentes, dès qu’on cesse de veiller jour et nuit. […] Dans la tranquillité de midi, dans le calme du couchant, à l’heure la plus sombre de la nuit, quand montent les pensées profondes, quand les fantômes du cœur s’élancent du sein des ténèbres dans leur beauté pleine d’effroi, pour lutter avec le sommeil, — Esprit, alors réponds-moi !
Depuis que ces cinq hommes forts, réduits au silence pour une cause ou pour une autre, nous font défaut, « la nuit est revenue, dit M. du Camp ; chacun se traîne à travers l’obscurité pour chercher la lumière, et nul ne la trouve. […] Si la nuit où nous sommes tient à leur silence, il y a longtemps déjà qu’il fait soir.
Qu’il y ait eu un peu de faiblesse physique, de la mauvaise santé dans cette disposition à se méfier de soi-même, je le crois ; mais il y a autre chose encore ; on est obligé d’y voir un trait essentiel de son caractère qui reparaîtra en toute occasion décisive de sa vie, et que Saint-Cyr nous a révélée s’accusant et redoublant avec une persistance étrange dans la nuit de perplexité qui précéda la glorieuse mort du jeune général. Joubert se rendait compte mieux que personne de la responsabilité d’un chef de troupe, et dans un de ses purs d’inquiétude il la résumait ainsi : À chaque heure répondre de la vie de plusieurs milliers d’hommes ; hasarder à propos la vie de ses soldats pour la leur sauver ; ne négliger aucune précaution pour se défendre des embuscades et des surprises de nuit ; voir dans cette lutte continuelle succomber ses amis, ses connaissances, par les blessures ou les maladies : il y a là de quoi tourmenter un homme.
Je me suis donné assez de tourments pendant un demi-siècle ; je peux dire que, pour travailler à ce que la nature m’avait donné comme œuvre de mes jours, je ne me suis reposé ni jour ni nuit ; je ne me suis permis aucune distraction ; j’ai toujours marché en avant, toujours cherché, toujours agi aussi bien et autant que je pouvais. […] — Et revenant sur ce chapitre des chants de guerre qu’on lui aurait voulu voir composer dans sa chambre et au coin de son feu en 1813, il souriait de pitié : « Écrire au bivouac, où la nuit l’on entend hennir les chevaux des avant-postes ennemis, à la bonne heure !
Vuillart, M. de Préfontaine, en lui répondant, avait semblé regretter de sa part une omission : c’est que celui qui avait fait le personnage d’ange Raphaël dans ce mariage de Tobie et de Sara n’eût point ajouté aussi le conseil que l’ange avait autrefois donné au jeune homme, de s’abstenir durant les trois premières nuits, de les passer à deux, à genoux, mains jointes, en continence et en prière. […] Mais comme le His tribus noctibus Deo jungimur (Ces trois premières nuits n’appartiennent qu’à Dieu)… dépend de la seule inspiration de l’Esprit du Seigneur et d’une grâce aussi rare que précieuse, même pour un temps, et que l’exhortation à une pratique si respectable convenait au pasteur conjoignant, et n’était nullement du ressort ni de l’entremise du médiateur de l’alliance, ç’a été lettres closes pour lui.
Une manière sentencieuse, une politesse froide, un air d’examen, voilà ce qui formait une défense autour de lui dans son rôle diplomatique. » Mais dans l’intérieur et l’intimité le masque tombait ou avait l’air de tomber tout à fait : il était alors charmant, familier, d’une grâce caressante, aux petits soins pour plaire, « se faisant amusant pour être amusé. » Son goût le plus vif semblait être celui de la conversation avec des esprits faits pour l’entendre, et il aimait à la prolonger jusque bien avant dans la nuit. […] Elle juge, de quelques mots qu’il a laissé échapper dans sa dernière conversation avec elle, qu’il est question pour lui de mourir ; aussi a-t-elle passé la nuit dans une grande agitation et dans les larmes.
Il est reconnu, je crois, que la fédération est un système politique très favorable au bonheur et à la liberté, mais il nuit presque toujours au plus grand développement possible : des arts et des talents, pour lesquels la perfection du goût est nécessaire. […] Le régime féodal nuit extrêmement à l’intérêt des événements et des caractères ; il semble qu’on se représente, dans ce siècle guerrier, tous les grands hommes revêtus de la même armure, et presque aussi semblables entre eux que leurs casques et leurs boucliers.
Après avoir vécu excommunié comme franc-maçon, il paraîtrait qu’à sa dernière heure il a abjuré la franchise et la maçonnerie pour mourir dans les bras de la religion à laquelle nous devons le cardinal Dubois et la seconde expédition romaine… Cette habitude qu’a le clergé de venir se fourrer jusque dans la table de nuit des mourants pourrait être utilisée par les gouvernements qui, comme le nôtre, ont le plus puissant besoin d’adhésions. […] C’est à présent le falot qui conduit dans la nuit les bandes de Germinal et où les émeutiers allument leurs torches.
Ses premiers livres qui marquent la période la moins subjective de son talent, arrêtent de temps à autre par des essais de profondeurs nuancées : La nuit est lourde et s’alanguit de désirs vagues, Il pâlit au zénith des éclairs violets… ou, de-ci de-là, par une vision éclatante : Les pourpres du brasier sanglant où s’effondra Le Dôme d’or rougi s’éteignent une à une. […] La forêt vaste éclate en voix vers les prairies D’où les papillons lourds proviennent brûler l’or De leur vol nocturne autour des torches fleurie ; Et des rires, abeilles dont l’essaim vif mord Et harcèle ceux qui les voulurent captives, M’assaillent dans la nuit si l’une échappe encor ; Toutes ont défié les folles tentatives De mains à saisir l’ombre inerte où fuit l’odeur De leurs cheveux épars et des chairs évasives.
La scène représente une rue ; il est nuit. […] Si, pendant la nuit, nous rencontrons un pauvre homme qui n’ait point d’argent, laissez-le passer.
On sait que le duc d’Orléans, devenu régent, et sa fille, la duchesse de Berry, qui se donnaient comme esprits forts, s’entouraient de sorciers et de nécromants, consultaient les tarots et ne reculaient pas d’aller se perdre la nuit dans les carrières de Montrouge pour évoquer Satan. […] Ils lisaient fiévreusement jusqu’à une heure fort avancée die la nuit ; mais tandis que Barrès, épuisé par cette longue suite d’incantations lyriques, et cédant au poids de la fatigue, cherchait à recréer ses forces dans le sommeil, Stanislas de Guaita, « qui avait une santé magnifique et qui en abusait, allait voir les vapeurs se lever sur les collines qui entourent Nancy, et, quand il avait réveillé la nature, il venait réveiller son compagnon en lui récitant des vers de son invention ou quelque pièce fameuse rencontrée au hasard d’une lecture ».
Il avait l’imagination tendre et vive ; enfant, sa pensée se tournait naturellement aux choses célestes, et, dans ce pays de montagnes, il s’était accoutumé à les considérer comme les colonnes qui portaient le palais du Roi des mondes ; il ne s’agissait que de gravir pour y atteindre : Comme cette pensée roulait sans cesse dans son esprit, nous dit M. de Rémusat, qui se fait ici le traducteur excellent et l’humble interprète du premier biographe, il arriva qu’une nuit, il crut la réaliser. […] Anselme, devenu bientôt le premier disciple de ce maître, passait les jours et les nuits à s’instruire et à instruire les autres sur toutes les questions qui lui étaient faites.
Ou bien c’est Apulée qui rassemble, en ses Florides, les « fleurs » de ses plus beaux discours d’apparat, ou encore Aulu-Gelle qui fait de son « magasin de littérature et de grammaire » des Nuits attiques. […] Ernest La Jeunesse, dont le premier volume s’intitulait avec une allitération assez étrange déjà : les Nuits, les Ennuis et les Âmes de nos plus notoires contemporains.
La nuit du moyen âge ne saurait s’étendre maintenant sur le genre humain, parce que notre marche est devenue trop rapide. […] Cette fable qui s’est formée pour ainsi dire d’elle-même, dans la nuit du moyen âge, est douée d’une unité merveilleuse.
L’amour a sa nuit, le poids et le secret des ténèbres dont il se nourrit, et c’est la lampe de l’intelligence, la lampe sous laquelle Platon écrit le Phèdre et Le banquet, que Psyché élève sur son époux et dont une goutte de l’huile qui éclairait l’idée de l’amour suffit ici à brûler, à exiler l’amour. […] Camille Mauclair écrit des pages pleines de verve sur l’hypocrisie du mariage bourgeois, sur le ridicule d’une journée de noces et l’odieux fréquent de la nuit qui la suit.
Je ne pense pas que Jouffroy ait échappé à la contagion commune ; sa foi devait être bien ébranlée avant la fameuse nuit qui décida de sa conversion.
Un soir que le public s’était retiré, que les derniers rayons mourants éclairaient encore la serre, que les calices qui s’ouvrent de jour n’étaient pas encore fermés, et que ceux qui attendent la nuit pour éclore commençaient déjà à s’entr’ouvrir, à cette heure charmante, les plus nobles des fleurs rapprochées et faisant cercle vers le haut de la serre se mirent à rêver, à s’enivrer de leurs propres parfums, et à causer entre elles dans la langue des fleurs.
L’Étrangère, accusée d’un meurtre, est traduite au tribunal d’une abbaye ; elle entre, et l’on dirait une des Heures de la nuit.
Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre, La poudre, les tambours battants, Pour champ de course, alors, tu lui donnas la terre, Et des combats pour passe-temps : Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes ; Toujours l’air, toujours le travail, Toujours comme du sable écraser des corps d’hommes, Toujours du sang jusqu’au poitrail.
Toutes les petites maisons y sont de vieilles petites maisons de village, où de bonnes lampes brûlent la nuit ; et toutes leurs petites chambres sont des cellules de souvenir que traversent des poupées lasses, souriantes et fanées ; et on y entend le crépitement de la pluie sur le toit ; et au-dessus des croisillons des fenêtres, on voit fuir les canards gris ; et le matin, au cri du coq, on est saisi par l’haleine des roses.
Il purifie le théâtre en substituant, aux comédiens, qui sont d’os et de chair, des personnages de bois, qui sont parfaitement inaccessibles aux tentations et incapables de maléfices… Et le poète marche désormais vers l’amour avec une candeur de néophyte, en robe blanche, par des chemins fleuris, dans la nuit bleue, qui donne aux figures charnelles un air d’indécision et de spiritualité.
Il avait vécu ; il avait sucé de ses fortes lèvres rouges tous les fruits de l’Arbre fatidique ; il avait été un homme à l’âge où les autres hommes sortent de l’enfance ; il était vieux à l’âge où les autres hommes sont mûrs… Il relut Sagesse, sourit, se laissa oindre d’huiles consacrées, puis, ramenant le drap par-dessus sa tête, il s’en alla, rassasié de tout, dans la nuit sans étoiles.
Mais si l’un de ces trois corps est l’astre qui nous éclaire pendant le jour, l’autre, l’astre qui nous luit pendant la nuit, et le troisième, le globe que nous habitons, tout à coup la vérité devient grande et belle.
Adieu, Monsieur Doyen, je vous souhaite une bonne nuit.
J’ose dire que dans les œuvres dont la nature m’avait prescrit la tâche, j’ai travaillé nuit et jour sans me permettre la moindre distraction ; loin de là, mes efforts, mes recherches, mon activité, tout a été aussi consciencieux qu’il dépendait de moi.
« As-tu franchi le seuil des prisons de la mort, « Vu le berceau du jour, le lit où la nuit dort ? […] « La nuit engloutit tout. […] « Jeunes, mais occupés de la cause commune, « Nos regards, cette nuit, épiaient la fortune. […] « Brillant honneur des nuits ! […] c’est toi qu’appelait son amour, « Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour.
peut-être en recueillerez-vous plus de profit que de toute l’enflure d’un discours stoïque. » Et suivent alors les conseils appropriés : fuir les jardins publics, le fracas, le grand jour ; le plus souvent même ne sortir que de nuit ; voir de loin le réverbère à la porte d’un hôtel, et se dire : « Là, on ignore que je souffre ; » mais ramenant ses regards sur quelque petit rayon tremblant dans une pauvre maison écartée du faubourg, se dire : « Là, j’ai des frères. » Voilà ce qu’on trouve, après tant d’autres pages révélatrices, dans l’Essai. […] Les oiseaux, les fleurs, une belle soirée de la fin d’avril, une belle nuit lunaire commencée le soir avec le premier rossignol, achevée le matin avec la première hirondelle, ces choses qui donnent le besoin et le désir du bonheur, vous tuent ! […] Si le poëte est capricieux de nature, s’il lui plaît parfois d’immortaliser des chimères, des êtres rencontrés à peine, des jeunes filles dont il ne sait le nom et auxquelles il sourit comme la fée, le poëte aussi est reconnaissant ; il prend dans la nuit l’ami qu’il préfère, et il lui dresse un trône.
Nous passions une partie des nuits à cherche, à travailler ensemble. […] Ce n’est pas ma faute si, par suite du mauvais goût du temps, un filet de voix claire a retenti au milieu de notre nuit, comme répercuté par mille échos. […] Cette société à deux me fait l’effet d’une coterie qui rétrécit l’esprit, nuit à la largeur d’appréciation et constitue la plus lourde chaîne pour l’indépendance.
Dans la salle vaguement aperçue, tout à coup l’obscurité tombe, et un grand silence ; alors, en la nuit des yeux et des oreilles et de l’esprit, en la nuit vibrante des quinze cents âmes stupéfiées, un son naît, une résonnance voilée, une sonorité atténuée, emmêlée, dispersée, un mystique résonnement, — inlocalisable, — une intimement chaude mélodie, qui monte, qui s’enfle, et qui dans l’air invisible flotte, portant la pré-sensation des futurs tressaillements du Drame. — Ainsi le Drame se lève : — un rideau s’entrouvre, et, dans le fond, — saillant d’un cadre lointain, noir, obscur, vague, et indistinct, — un paysage apparaît, que nous attendions, et les hommes y sont, dont la vie, en nous inconsciemment vécue déjà, se va en nous revivre évidemment ; — tandis que, parmi l’angoisse des vivantes passions, des désespoirs, des joies, et des extases qui se poussent et s’appellent, parmi l’inéluctable empoignement des très réelles émotions, peu à peu nous descend, insensiblement et nécessairement, l’Explication, l’Idée, la Loi, le prodigieux troublement de l’Unité dernière, comprise. […] Il est nuit.
— Toi, mystique chasseresse d’une autre proie, Ouvre tes yeux, ma Nuit, à ce Matin vermeil Et loue avec orgueil l’héroïque appareil Qu’au loin des jours Wagner, roi des clartés, déploie. […] La nuit complice et sa fictive symphonie Feignent de concerter instamment des attraits Plus lointains. […] Une page de Mozart avec ses contours fins et délicats, son dessin pur, élégant, sa large ordonnance, qui donne comme l’illusion de l’air et de la lumière, ressemble aussi peu que possible à une page de Wagner, où la rencontre des lignes, la singularité des profils, la disposition tourmentée, semblent plus faites pour traduire le chaos et la nuit.
Deux amants qui perdent leurs moments à maudire le jour, à chanter la nuit et à invoquer la mort, deux amants, surtout, qui se sentent séparés par des vétilles de morale conventionnelle, lorsque leur impérieux devoir serait de propager l’espèce, c’est pour ce philosophe un spectacle absurde et essentiellement immoral. […] Ces tropes de la nuit et du jour, de la mort et de la vie, traînent depuis trois mille ans dans toutes les poésies. Dans Schopenhauer je n’ai pu trouver que cette unique phrase : « La nuit est en elle-même majestueuse », et cette phrase se trouve dans un fragment posthume (Nachlass, 361)4.
L’heure approche et le péril se resserre : Tirésias, le devin sacré, le « pâtre des oiseaux fatidiques » prédit l’assaut pour la nuit prochaine. — « Donc, tous aux créneaux et aux portes, debout sur les tours, serrés sur les parapets ! […] Un ciel constellé remplit l’orbe de ce bouclier, et la pleine lune, « Œil de la nuit », s’arrondit au centre de son champ d’étoiles. — La porte d’Électre est échue par le sort à Capanée, géant de taille et d’orgueil. […] Avant cela, cette ville sera renversée de son faîte, puisque son défenseur a péri, toi qui la protégeais, et ses femmes fidèles et ses petits enfants. » Et elle termine par ce regret d’une spiritualité pénétrante. — « Hector, tu me laisses en proie à d’affreuses douleurs, car en mourant tu ne m’as point tendu les bras de ton lit, et tu ne m’auras point dit quelque sage parole dont je puisse me souvenir, les jours et les nuits, en versant des larmes. » — La vieille Hécube vient ensuite ; plus haineuse et plus sombre dans son désespoir.
Buttler, après avoir raconté ses efforts pour convaincre ses complices, finissait par ces vers : Lorsque je leur ai dit que, s’offrant à leur place, D’autres briguaient déjà mon choix comme une grâce, Que le prix était prêt, que d’autres, cette nuit, De leur fidélité recueilleraient le fruit, Chacun a regardé son plus proche complice ; Leurs yeux brillaient d’espoir, d’envie et d’avarice ; D’une sombre rougeur leurs fronts se sont couverts ; Ils répétaient tout bas : d’autres se sont offerts. […] Dans les deux cas, le poëte reparaît, pour ainsi dire, en avant des personnages, et il y a une espèce de prologue ou de préface sous-entendue, qui nuit à la continuité de l’impression. […] Il semble y avoir je ne sais quoi de prophétique dans le vol pesant du corbeau, dans les cris funèbres des oiseaux de la nuit, dans les rugissements éloignés des bêtes sauvages.
Puisse le tout, ô charmante Philis, Aller si loin que votre nom franchisse La nuit des temps. […] Chambre murée, étroite place, Quelque peu d’air pour toute grâce, Jours sans soleil, Nuits sans sommeil. […] Sans la nuit, on n’eût jamais pu m’arracher de cet endroit.
René d’Argenson qui avait donné l’édition des Mémoires en 1825, et qui a cherché à prouver par quantité de raisons que ces curieux documents nouveaux sur son arrière-grand-oncle étaient d’autant moins dignes de confiance qu’ils étaient plus intimes et plus personnels, plus complètement sincères et écrits en vue du bonnet de nuit.
Née à la Havane dans cet opulent climat qui plus tard lui faisait paraître l’Andalousie si chétive, et où les mouches volantes seraient seules des clartés suffisantes de la nuit, la jeune Mercedès Jaruco, élevée d’abord et très gâtée chez sa grand-mère, puis mise au couvent où elle ne peut tenir et d’où elle s’échappe un matin, puis auprès d’une tante de chez laquelle elle s’échapperait non moins volontiers, nous apparaît dans sa beauté native, sachant lire à peine, souvent sans bas, un peu sauvage, ne s’arrêtant jamais entre un désir et son but, courant à cheval et tombant, grimpant à l’arbre et s’évanouissant au toucher d’une couleuvre, bonne pour les nègres, dévouée au premier regard pour ce qui souffre ; on se plaît à admirer une enfance si franche et si comblée des plus riches dons, racontée avec finesse et goût par la femme du monde.
Les trois dames, effrayées du choix, veillent toute la nuit et tiennent conseil : et le matin, Berthe, d’une voix de velours, demande pour elle et pour ses sœurs aux prétendants de ne les suivre à l’autel que voilées : c’est un vœu fait par modestie !
C’est de la poésie lunaire et nocturne : « Les cieux étaient de cendre… C’était nuit en le solitaire octobre de ma plus immémoriale année… À travers une allée titanique de cyprès, j’errais avec mon âme une allée de cyprès avec Psyché, mon âme… » Ou bien : « À minuit, au mois de juin, je suis sous la lune mystique : une vapeur opiacée, obscure, humide, s’exhale hors de son contour d’or et, doucement se distillant goutte à goutte sur le tranquille sommet de la montagne, glisse avec assoupissement et musique, parmi l’universelle vallée.
J’aime ainsi ces jeunes… Cette nuit encore, je leur ai parlé de Baudelaire… C’est leur prototype… Albert Giraud, entre autres, y croit comme un nègre du Sénégal à son manitou.
Le volume laissé sur la table de nuit, il se faisait par avance une joie, sa maîtresse couchée et endormie, de se plonger dans le petit livre rouge avec recueillement, solennité, religion.
On s’insulte, on s’injurie ; on se nuit réciproquement ; on devient la fable du public.
…… Vous répandez les ténèbres, et la nuit est sur la terre : c’est alors que les bêtes des forêts marchent dans l’ombre ; que les rugissements des lionceaux appellent la proie, et demandent à Dieu la nourriture promise aux animaux.
Nos artistes sont fatigués dans leurs ateliers d’une vermine présomptueuse qu’on appelle des amateurs, et cette vermine nuit beaucoup à leurs travaux.
Telle fut l’apparition du chantre de la Thrace aux enfers, au moment où ses accents rompirent le silence éternel, et percèrent la nuit du Tartare.
Ainsi nous courons par instinct après les objets qui peuvent exciter nos passions, quoique ces objets fassent sur nous des impressions qui nous coutent souvent des nuits inquietes et des journées douloureuses : mais les hommes en general souffrent encore plus à vivre sans passions, que les passions ne les font souffrir.
Vers la tombée de la nuit, vingt barils de poudre ont été débarqués par les nôtres — clandestinement et sans bruit — sur le quai de la Corne d’Or… Ce sera un superbe incendie, presque aussi beau que les décors d’Herculanum.
Ainsi Achille reçoit dans sa tente l’infortuné Priam, qui est venu seul pendant la nuit à travers le camp des Grecs, pour racheter le cadavre d’Hector ; il l’admet à sa table, et pour un mot que lui arrache le regret d’avoir perdu un si digne fils, Achille oublie les saintes lois de l’hospitalité, les droits d’une confiance généreuse, le respect dû à l’âge et au malheur ; et dans le transport d’une fureur aveugle, il menace le vieillard de lui arracher la vie.
Et, depuis, elle travaille à restituer, économisant sur l’argent de sa toilette ou s’enfermant, la nuit, pour faire de la copie. […] « … Jour et nuit, je priais Dieu pour qu’il me donnât la force de résister ; mais toi-même tu me jettes dans l’abîme ; ainsi ne t’en prends qu’à toi-même ! […] Ô lampe sublime de l’éternel Jupiter, jour maudit, cache maintenant ta face souillée dans une nuit sans fin, et ferme les fenêtres du ciel lumineux ! […] Azaël a vu, pendant la nuit sacrée, un homme descendre de la terrasse par une échelle de corde. […] Il précise : « Deux jours et deux nuits. » Et il insiste : « Rouen n’est pas loin… On peut faire bien des choses en deux nuits. » Plus fort que Molière, vous dis-je !
Titania, adorable fée, plus que fée, plus que rose, rayon de lune sur un rosier de mai, que balance le doux vent de la nuit chaude, tout désir vient de vous et tout désir va vers vous, parce que vous en êtes la caresse sans poids et le sourire. […] La beauté seule et la grandeur sont tragiques, La misère des humbles, comme on les appelle, l’asile de nuit et les salons bourgeois ne sont pas des lieux à tragédie. […] Plus de vingt ans de misère et de réclusion consacrés à l’expression d’elle-même devaient aboutir à une réalité littéraire si pleine et si rayonnante qu’un jour il était fatal que celle-ci se levât de la nuit et éclairât au loin autour d’elle. […] Tôt levés et dès l’aube installés à leur pupitre, le calame aux doigts, le grattoir dans la main gauche, des moines qui étaient des hommes travaillaient jusqu’à la nuit venue. […] Personnages de La Nuit des rois.
X Telle m’apparut dans ce coup d’œil la femme qui causait en se retirant avec la duchesse de Devonshire ; à peine eus-je le temps de voir, comme on voit des groupes d’étoiles dans un ciel de nuit, un front mat, des cheveux bais, un nez grec, des yeux trempés de la rosée bleuâtre de l’âme, une bouche dont les coins mobiles se retiraient légèrement pour le sourire ou se repliaient gravement pour la sensibilité ; des joues ni fraîches ni pâles, mais émues comme un velours où court le perpétuel frisson d’un air d’automne ; une expression qui appelait à soi non le regard, mais l’âme tout entière ; enfin une bonté qui est l’achèvement de toute beauté réelle, car la beauté qui n’est pas par-dessus tout bonté est un éclat, mais elle n’est pas un attrait. […] Quand je vous aurai dit des yeux bleu de mer azurés jusqu’à la nuit par l’ombre des voiles ; des cheveux de fils de la Vierge brunis au feu du soleil ; des joues de pêche veloutée dont le velours renaissait tous les matins comme pour tamiser le jour sur une peau d’enfant ; des couleurs nuancées et fondues où le blanc et le rose ne formaient qu’une teinte ; un regard qui s’ouvrait et se refermait sous des cils ruisselants d’ombre ou de lumière ; des lèvres où la langueur pensive ou la joie épanouie donnait toutes les inflexions de l’âme ; un sourire qui caressait l’air ; une taille ni grande ni petite, mais qui, par sa flexibilité, se prêtait à la majesté autant qu’à la grâce ; une démarche de reine ou de bergère tour à tour ; un étonnement de l’impression qu’elle faisait partout, comme si les regards de la foule eussent été autant de miroirs qui lui répercutaient sa figure et qui la faisaient rougir de sa miraculeuse beauté ; les pas qu’elle entraînait sur sa trace ; les murmures d’admiration qui s’élevaient à sa vue ; les exclamations mal contenues ; les femmes charmées, mais jalouses ; les hommes attirés, mais contenus par le respect de tant d’innocence sous tant d’enivrements ; quand je vous aurai dit tout cela, je ne vous aurai rien peint de visible à votre imagination. […] Villemain dans ses éloquents Souvenirs, je n’y fus jamais reçu ; j’étais trop jeune et trop inconnu pour y avoir place ; je doute que madame de Duras ait entendu prononcer mon nom ; d’ailleurs c’était là le temple d’une véritable idolâtrie pour M. de Chateaubriand ; jeune encore, madame de Duras était, dit-on, le machiniste passionné de la politique et de la gloire de son ami : âme prodigue qui se consumait comme une lampe dans la nuit pour illuminer un nom d’homme. […] La France, à peine échappée en une nuit (celle du 9 thermidor) à son naufrage de sang, ressemblait en ce moment à une plage où tous les naufragés pêle-mêle se félicitent ensemble et confusément du salut commun.
« — Examinons donc, reprend Socrate, si cette immortalité est vraisemblable, ou si elle ne l’est pas. » Il se livre ici à une longue argumentation, plus sophistique que réelle, pour prouver, à la façon des sophistes, que toute chose naît de son contraire : le jour de la nuit, la veille du sommeil, la vie de la mort, la mort de la vie. […] Ces choses, en effet, le jour et la nuit, la veille et le sommeil, la vie et la mort, se succèdent l’une à l’autre, mais ne procèdent pas, ne naissent pas l’une de l’autre. Le jour ne naît pas de la nuit, car la nuit est ténèbres, et le jour lumière ; la veille ne naît pas du sommeil, car la veille est l’homme éveillé, le sommeil est l’homme endormi ; la vie ne naît pas de la mort, car la vie est l’absence de la mort, et la mort est la privation de la vie.
La paix viendra un jour qui est connu du Seigneur, et ce ne sera point un jour suivi de la nuit, comme les jours du temps présent ; mais la lumière y sera perpétuelle, la clarté infinie, la paix solide et le repos assuré. […] Les astronomes, qui veillent la nuit au sommet des tours, découvrent les astres ; les mystiques entrevoient les vérités de l’autre monde à travers leurs larmes d’extase et du haut de leur exaltation ! […] C’est une grande folie de négliger ce qui est utile et nécessaire, pour s’appliquer curieusement à ce qui nuit. […] Car il leur apprend à mépriser ce qui passe, à aimer ce qui dure éternellement, à oublier le monde et à désirer le ciel, le jour et la nuit.
Gosselin m’annonçant que le public d’élite se portait en foule à sa librairie pour retenir les exemplaires, et un billet de l’oracle, le prince de Talleyrand, à son amie, la sœur du fameux prince Poniatowski, billet qu’elle m’envoyait à huit heures du matin, et dans lequel le grand diplomate lui disait qu’il avait passé la nuit à me lire, et que l’âme avait enfin son poète. […] Grâce à cette erreur populaire, j’arrivai à Naples sans obstacle, la nuit du jour où les Calabrais, l’armée insurrectionnelle et le général Pepe, qui avait pris le rôle de Lafayette napolitain dans le pays et dans l’armée, entraient dans cette capitale. […] Il voyait tout en sombre et rappelait plus les Nuits d’Young que la sérénité calme de sa patrie. […] Plus loin, sur les confins de cette antique Europe Dans cet Éden du monde où languit Parthénope, Comme un phare éternel sur les mers allumé, Son regard voit fumer le Vésuve enflammé : Semblable au feu lointain d’un mourant incendie, Sa flamme, dans le jour un moment assoupie, Lance, au retour des nuits, des gerbes de clartés ; La mer rougit des feux dans son sein reflétés ; Et les vents agitant ce panache sublime, Comme un pilier en feu d’un temple qui s’abîme, Font pencher sur Pæstum, jusqu’à l’aube des jours, La colonne de feu, qui s’écroule toujours.
Et toute la nuit, imaginations extravagantes et tragiques, fabrication de la tenue composite d’un monsieur, qui ne sait pas s’il doit s’attendre à une gifle, ou à une amicale poignée de main. […] Mais aussitôt, c’est l’avenue de l’Opéra, ce sont les boulevards, avec les enchevêtrements de milliers de voitures, la bousculade des trottoirs, les populations tassées au haut des tramways et des omnibus, le défilé à pied ou en voiture de cette innombrable humanité d’ombres chinoises, sur les lettres d’or des industries des façades ; avec dans la nuit l’éveil agité et pressé, le mouvement, la vie d’une Babylone. […] Mme de Nittis qui a passé cinq ou six fois, cette nuit, devant nos yeux, comme un fantôme, fait sa rentrée dans le salon, et reprend son va-et-vient inlassable. […] la nuit suivante, dans la diligence qui nous emportait vers la Haute-Marne, elle était prise du choléra.
La terre à la fin se fit plus étroite qu’une sandale et après avoir jeté vers le soleil des gouttes de l’océan, nous tournâmes à droite pour revenir. » Et ailleurs : « Il y avait des jets d’eau dans les salles, des mosaïques dans les cours, des cloisons festonnées, mille délicatesses d’architecture et partout un tel silence que l’on entendait le frôlement d’une écharpe ou l’écho d’un soupir. » Par un contraste que l’on perçoit déjà dans ce passage, Flaubert, précis et magnifique sait user parfois d’une langue vague et chantante qui enveloppe de voiles un paysage lunaire, les inconsciences profondes d’une âme, le sens caché d’un rite, tout mystère entrevu et échappant : Certaines des scènes d’amour où figure Mme Arnoux, l’énumération des fabuleuses peuplades accourues à la prise de Carthage, le symbole des Abaddirs et les mythes de Tanit, les louches apparitions qui, au début de la nuit magique, susurrent à saint Antoine des phrases incitantes, la chasse brumeuse où des bêtes invulnérables poursuivent Julien de leurs mufles froids, tout cet au-delà est décrit en termes grandioses et lointains, en indéfinis pluriels abstraits et approchés qui unissent à l’insidieux des choses, la trouble incertitude de la vision. […] Le merveilleux paysage de la forêt de Fontainebleau, dont l’idylle apparaît au milieu de l’Éducation sentimentale, est peint de même avec des types d’arbre, de petits sentiers, des clairières, des sables, des jeux de lumière dans des herbes ; le fulgurant lever de soleil à la fin du banquet des mercenaires dans le jardin d’Hamilcar, est montré en une suite d’effets particuliers à Cartilage, étincelles que l’astre met au faîte des temples et aux clairs miroirs des citernes, hennissements des chevaux de Khamon, tambourins des courtisanes sonnant dans le bois de Tanit ; et pour la nuit de lune où Salammbô profère son hymne à la déesse, ce sont encore les ombres des maisons puniques et l’accroupissement des êtres qui les hantent, les murmures de ses arbres et de ses îlots, qui sont énumérés. […] Félicité, la simple bonne de Mme Aubain, porte au catéchisme où elle accompagne la fille de sa maîtresse, une sensibilité délicate et tactile, jusqu’à de pareilles élévations : « Elle avait peine à imaginer sa personne ; il n’était pas seulement oiseau mais encore un feu et d’autres fois un souffle, c’est peut-être sa lumière qui voltige la nuit, au bord des marécages, son haleine qui pousse les nuées, sa voix qui rend les cloches harmonieuses ; et elle demeurait dans une adoration, jouissant de la fraîcheur des murs et de la tranquillité de l’église. » En s’accoutumant à rendre le dialogue en style indirect, Flaubert se débarrasse encore, de la nécessité des modernistes, forcés de hacher leur phrase à la mesure de paroles lâchées. […] La nuit douce s’étalait autour d’eux ; des nappes d’ombre emplissaient les feuillages, Emma, les yeux demi-clos, aspirait avec de grands soupirs le vent frais qui soufflait.
Les heures de la nuit s’écoulaient et je ne m’en apercevais pas ; je suivais avec anxiété ma pensée, qui de couche en couche descendait vers le fond de ma conscience, et dissipant l’une après l’autre toutes les illusions qui m’en avaient jusque-là dérobé la vue, m’en rendait de moment en moment les détours plus visibles. […] Cousin lui disait devant témoins, du ton d’un chef satisfait : « Damiron, tu fais des progrès. » — Ce n’est certes pas ainsi qu’on est philosophe dans le goût de Montaigne, de La Rochefoucauld ou de Saint-Évremond ; mais ces allures servent beaucoup quand on prétend faire une école de philosophie et qu’on en met l’enseigne : dès qu’on veut accaparer les hommes, un peu de charlatanisme ne nuit pas.
Rien de plus majestueux que le ciel vu de ces hauteurs : pendant la nuit, les étoiles sont des étincelles brillantes dont la lumière plus pure n’éprouve pas ce tremblement qui les distingue ordinairement des planètes ; la lune, notre sœur et notre compagne dans les tourbillons célestes, paraît plus près de nous, quoique son diamètre soit extrêmement diminué ; elle repose les yeux qui s’égarent dans l’immensité : on voit que c’est un globe qui voyage dans le voisinage de notre planète. […] On peut dire que pendant l’été il n’y a point de nuit pour ces sommets ; du fond de la plaine, on les voit teints de pourpre longtemps après le coucher du soleil, quand les vallées sont déjà ensevelies dans les ténèbres ; et longtemps avant l’aurore, ils en annoncent le retour, par une belle couleur rose admirablement nuancée sur les glaces d’argent et d’azur qui couronnent leurs cimes.
Le jour, je me promène sous des hêtres pareils à ceux que Saint-Amant dépeint dans sa Solitude ; et depuis six heures du soir que la nuit vient, jusqu’à minuit qui est l’heure où je me couche, je suis tout seul dans une grosse tour, à plus de deux cents pas d’aucune créature vivante : je crois que vous aurez peur des esprits en lisant seulement cette peinture de la vie que je mène. […] Que ces lieux sacrés à la nuit, Éloignés du monde et du bruit, Plaisent à mon inquiétude !
Elle apportait tant de zèle à cette étude du russe qu’elle se levait la nuit sur son séant, et, tandis que tout le monde dormait, elle apprenait par cœur les cahiers que son maître lui laissait. […] Et quelques années auparavant, pendant un pèlerinage de l’Impératrice au couvent de Troïtza, non loin de Moscou, Catherine, qui s’était établie dans les environs, à Rajova, avec son monde, voyait arriver tous les jours le frère du favori d’alors, l’Hetman des Cosaques, le jeune comte Cyrille Razoumowsky, très-aimable, lequel demeurait assez loin dans sa terre par-delà Moscou, et qui faisait 40 ou 50 verstes tous les jours (10 ou 12 lieues) pour venir dîner et souper dans cette petite société, s’en retournant chaque nuit.
L’exposition pourtant a de la beauté et de l’étendue : ……………………………………………………………………… Ces bois, ces lacs, ces monts, ces grands horizons bleus, La grotte aux verts tapis sous les rocs anguleux, Le flot qui dit sa plainte aux saules des rivages, Et les torrents grondant sur des pentes sauvages ; Tout ce qui, dans l’espace, a son bruit ou sa voix, Ce qu’on entend gémir et chanter à la fois, Ce qui verse un parfum, ce qui boit la rosée, Ce qui flotte ou se pose en la nuit embrasée, Fleurs, insectes, oiseaux, ensemble gracieux, La luciole en flamme et l’astre errant aux cieux, J’ai dans mon vaste amour compris toutes ces choses, Ô nature ! […] « Mais heureux aussi celui qui, d’un esprit moins émancipé et d’un cœur plus humble, reconnaît dans la nature un Auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, dans les magnificences d’une belle nuit, et qui ne cesse de le sentir encore à travers la douce et tiède nuaison d’un ciel voilé !
Le troisième tableau nous montre Salammbô la nuit sur sa terrasse, faisant ses adorations aux étoiles et à la lune, — cette lune à laquelle elle est vouée et dont elle subit les phases inégales. […] Hamilcar se rend de nuit au Conseil des Anciens mystérieusement convoqués, et l’on rentre ici dans une série de scènes quasi maçonniques.
Un numéro, notamment, intitulé : Pèlerinage en Savoie, à Charles-Albert, et daté de Chambéry, 15 juillet 1833, commençait par ces vers mélodramatiques : J’avais deux pistolets croisés à ma ceinture, Un poignard bien trempé… la nuit était obscure…, et finissait par ce trait : N’est-ce pas, Charle-Albert, que la vengeance est douce ? […] dût le chemin qui mène à ma patrie Être plus rude encore, et ma tête meurtrie Ne pas trouver de pierre où se poser le soir ; Dussé-je n’avoir pas une table où m’asseoir, Pas un seul cœur ému qui de moi se souvienne, Pas une main d’ami pour étreindre la mienne ; Comme le lépreux d’Aoste, au flanc de son rocher, Dussé-je cultiver des fleurs sans les toucher, N’avoir pour compagnon, dans ma triste vallée, Qu’un chien, et pour abri qu’une tour désolée, Et quand je souffre trop pendant les longues nuits, Qu’une sœur pour me plaindre et bercer mes ennuis, Une sœur qui, souffrant de la même souffrance, Prie et veille avec moi jusqu’à la délivrance…, Je veux aller revoir les lieux que je chéris, De mon bonheur au moins retrouver les débris ; Si ce ne sont les morts qui dorment sous la pierre J’embrasserai leurs fils, hélas !
Nous l’allons porter à Saint-Sulpice : il y sera en dépôt cette nuit. […] En une nuit, on lui donna trois fois l’émétique, qui l’arracha des mains de la mort.
Le monde ne sait pas les sublimes ennuis Des rêves éveillés qu’on fait toutes les nuits ; Il ne sait pas, tandis qu’il voue une génisse, Ce qu’un vers sibyllin coûte à la pythonisse ; Tandis que le tribun parle et qu’on bat des mains Au forum, et qu’on lève et le poing et la chaîne, Elle écrit de son sang, sur ses feuilles de chêne, Vos grandes annales, Romains ! […] Et nous, dans notre nuit, grand Dieu, Dieu des armées, Nous bénirons ton sceau sur nos lèvres fermées, Et ta blessure dans nos cœurs. » Enfin, comme autre exemple heureux et large de la poésie de M.
Mais ces créations mêmes vers lesquelles un doux penchant dut le rentraîner d’abord, ces Monime, ces Phèdre, ces Bérénice au long voile, ces nobles amantes solitaires qu’il revoyait, à la nuit tombante, sous les traits de la Champmeslé, et qui s’enfuyaient, comme Didon, dans les bocages, qu’étaient-elles, je le demande ? […] Chez Euripide, le vieillard a vu Agamemnon dans tout le désordre d’une nuit de douleur ; il l’a vu allumer un flambeau, écrire une lettre et l’effacer, y imprimer le cachet et le rompre, jeter à terre ses tablettes et verser un torrent de larmes.
La Mort déployant ses ailes Couvroit d’ombres éternelles La clarté dont je jouis, Et dans cette nuit funeste Je cherchois en vain le reste De mes jours évanouis. […] Victime foible et tremblante, A cette image sanglante Je soupire nuit et jour, Et, dans ma crainte mortelle, Je suis comme l’hirondelle Sous la griffe du vautour.
Cette idylle si simple, si discrète, si chaste, qui même est à peine une idylle, avec tous ses détails si gracieux et si vrais, dans la douceur sereine de cette belle nuit d’été, cela gonfle le cœur et l’emplit d’une langueur vague, d’un désir de larmes, comme dit le vieil Homère, ou d’une envie de s’amuser à pleurer, comme dit la petite Victorine de Sedaine. […] C’est lui qui se met à imaginer des causeries, la nuit, entre les deux petits lits — presque deux berceaux — de Mamette et de son homme ; c’est lui qui trouve, en regardant bien, que les deux vieillards se ressemblent, et qui entrevoit dans leurs sourires fanés l’image lointaine et voilée de Maurice ; c’est lui enfin qui écrit étourdiment : « A peine le temps de casser trois assiettes, le déjeuner se trouve servi. » Comment !
La nuit a été toujours suivie par le malin. L’idée de nuit est suivie par celle de matin ; l’idée de matin par celle des événements du matin (les voilures dans les rues de Londres) et de toute la journée.
L’à-propos est si souverain dans ces choses de théâtre, que les pièces de Shakespeare, sentimentalisées par Ducis et rabaissées au ton des Nuits d’Young, réussirent et firent fureur en leur temps, tandis que, du nôtre, le vrai et grand Shakespeare, reproduit et calqué avec art par des hommes de talent et d’étude, n’a jamais pris pied qu’à demi. […] Puis quand les émissaires du duc de Cornouailles arrivent, on essaie de le cacher, et Oswald, le chef de cette troupe, ne l’ayant point trouvé d’abord, dit au vieillard qui habite la caverne : « Si Léar vient te demander asile et un lit, refuse » ; ce qui dans le style de Ducis se traduit en ces incroyables vers : Si Léar, par ses pleurs, sous cette horrible voûte, Vient implorer tremblant, la nuit, saisi d’effroi, La grâce d’y fouler ces roseaux près de toi, Sois sourd à sa prière et demeure inflexible.
Georges Bohn, qui a mis de grandes clartés dans cette nuit, n’a pu la dissiper entièrement. […] Inutile d’ajouter que ces belles expériences se passent dans une nuit presque complète. […] Ils ont un commencement et une fin, ils ont de la lumière et de l’ombre, ils naissent de la nuit et vont mourir dans la nuit. […] Rien ne donne la satisfaction du devoir accompli comme une bonne nuit de sommeil, un repas sérieux, une belle passe d’amour. […] C’est beau, un coup d’Etat, cette grande main qui descend dans la nuit.
Quand il parle du bœuf et de l’âne, il s’inspire lui-même des pensées naïves qu’il prête à ses paysans de la nuit de Noël, au retour de la messe de minuit.
Oui, voilà ce que je découvris dans cet objet à peine aussi gros qu’un gros fruit, et que le bourreau peut faire tomber d’un seul coup, de manière à plonger du même coup dans la nuit le monde qui y est renfermé. » La genèse des idées dans ce monde intérieur ne donne pas lieu, de nos jours, à moins de discussions que la genèse des espèces dans le monde extérieur ; la loi qui régit l’une semble aussi régir l’autre.
La temperature du climat ne nuit-elle pas beaucoup à l’éducation physique des enfans, ou ne la favorise-t-elle pas beaucoup ?
Mais dans cette nuit sombre dont est couverte à nos yeux l’antiquité la plus reculée, apparaît une lumière qui ne peut nous égarer ; je parle de cette vérité incontestable : le monde social est certainement l’ouvrage des hommes ; d’où il résulte que l’on en peut, que l’on en doit trouver les principes dans les modifications mêmes de l’intelligence humaine.
Il fait enlever de nuit (DION, in Claudio, lib. […] Il était nuit, il n’y avait point de témoin ; la belle occasion perdue ! […] Étaient-ils, n’étaient-ils pas instruits du projet de la nuit précédente ? […] , il se lève la nuit, il croit que le jour amènera son châtiment et la fin de sa vie. […] L’incendie dura six jours et sept nuits.
« J’aurais voulu passer la nuit sur le pont ; mais les chaleurs d’août invitent au sommeil, et j’étais d’autant plus fatigué que pendant six heures d’horloge j’avais parlé italien. La nuit m’a donc empêché de voir l’héroïque Parga, … le rocher de Leucade où s’élevait le temple d’Apollon, et l’entrée du beau golfe d’Ambracie. […] « C’est aux instants de lassitude, c’est dans les soirées d’ennui, c’est dans les nuits d’insomnie que l’âme se berce de ces rêves ou caressants ou douloureux ; c’est quelquefois aussi durant les heures de contemplation muette et de recueillement religieux. […] « Cette nuit encore, comme la fatigue avait écarté de moi le sommeil, j’ouvris à l’aube la fenêtre du grenier où je reçois l’hospitalité comme les voyageurs d’Homère : à travers le feuillage pâle des oliviers, j’apercevais les eaux du port, le double rocher qui en ferme l’enceinte, et derrière eux le mont Nérite que ne couronnent plus, comme au temps d’Ulysse, de vertes forêts… Aucun bruit ne troublait le silence de la nuit… Peu à peu l’aurore éclaira de lumières plus vives ce paysage si simple et si calme, les coqs chantaient, et des portes entrouvertes, les gens du faubourg s’en allaient lentement achever la vendange dans les champs de pierres où le vieux Laërte cultivait de ses mains de jeunes arbres… « Adieu !
Grève du pain J’ai une grande sympathie pour ces gens qui travaillent la nuit, pendant que je me repose, qui peinent pour que j’aie à mon réveil un tas de petites satisfactions quotidiennes, sans lesquelles ma vie serait gâtée, et quand je pense à eux, c’est toujours avec reconnaissance. […] Je voudrais que les bourgeois songeassent, comme je le fais, à tous ces malheureux qui passent des nuits blanches sur les chemins ou dans des caves pour augmenter les agréments de leur existence. Le travail de nuit du boulanger est le plus connu, étant le plus sensible et le plus pittoresque. […] La lettre qui vous surprend le matin a voyagé ou a été surveillée toute la nuit. […] Le travail humain le plus essentiel à la vie même se fait en grande partie la nuit.
Un des plus remarquables drames de la littérature moderne, — les pages simples dans lesquelles Loti représente Gaud attendant son homme le marin, qui tarde à revenir, — ne se compose pour ainsi dire que d’événements psychologiques : des espérances qui tombent l’une après l’autre, puis, une nuit, un coup frappé à la porte par un voisin. […] Voici la familiarité et le langage imagé du peuple : Quand on n’a pas mangé, c’est très drôle. — Savez-vous, la nuit, quand je marche sur le boulevard, je vois des arbres comme des fourches, je vois des maisons toutes noires grosses comme les tours de Notre-Dame, je me figure que les murs blancs sont la rivière, je me dis : Tiens, il y a de l’eau là ! Les étoiles sont comme des lampions d’illuminations, on dirait qu’elles fument et que le vent les éteint, je suis ahurie, comme si j’avais des chevaux qui me soufflent dans l’oreille ; quoique ce soit la nuit, j’entends des orgues de Barbarie et les mécaniques des filatures, est-ce que je sais, moi ? […] Bourget a remarqué que, quand Salammbô s’empare du zaimph, de ce manteau de la Déesse « tout à la fois bleuâtre comme la nuit, jaune comme l’aurore, pourpre comme le soleil, nombreux, diaphane, étincelant, léger… », elle est surprise, comme Emma entre les bras de Léon, de ne pas éprouver ce bonheur qu’elle imaginait autrefois : « Elle reste mélancolique dans son rêve accompli… » L’ermite saint Antoine, sur la montagne de la Thébaïde, ayant, lui aussi, réalisé sa chimère mystique, comprend que la puissance de sentir lui fait défaut ; il cherche avec angoisse la fontaine d’émotions pieuses qui jadis s’épanchait du ciel dans son cœur : « Elle est tarie maintenant, et pourquoi… ? […] Voici un passage de Stendhal, caractéristique, en ce que toute observation psychologique y est attachée à un détail de la vie familière, à un détail que les classiques eussent repoussé comme trivial, et auquel les romantiques n’eussent pas songé dans leur préoccupation du romanesque ; et s’agit dans cette page d’une scène de remarquez cependant qu’il roman, s’il en fut, d’une escalade de fenêtre, la nuit, par un jeune séminariste qui n’a pas revu sa maîtresse depuis quatorze mois.
Et peut-être verra-t-on la nuit d’aurore où les deux astres, ayant atteint l’un le zénith, l’autre le nadir du monde essentiel, déclineront de leur hauteur, se précipiteront à nouveau à leur rencontre, finiront par s’approcher au point de se boire, de fusionner encore dans le même éclat et de réunir les messagers sous la radieuse monade de leur rayon intégral. […] À certaines heures, les soirs de juin, les nuits d’hiver, à travers la campagne, au bord des océans, dans le silence de la chambre éteinte, tombent sur l’âme errante comme des gouttes de mystère. […] Par un clair matin de juin, alors que le soleil s’étale sur les labours qui fument et que le cri des coqs s’enroue derrière les meules de la ferme, j’ouvre ma fenêtre pour respirer les parfums nouveaux que la nuit fit éclore et dont la brise légère parsème l’ambiance. […] Or penser c’est, en définitive, sentir ou, si l’on préfère, comprendre avec toute son âme, car une pensée qu’aucun sentiment ne vivifie demeure dans la nuit éternelle et les limbes de l’être, sans emploi effectif. […] Étant donnée la nature ondoyante et diverse du cœur, la complexité de nos passions sans cesse en mouvement, un vers libéré des entraves conventionnelles qui figent la poésie dans des attitudes pétrifiées, pouvait seul permettre aux symbolistes de saisir en instantané leurs plus imperceptibles émotions, au moment où elles traversent le champ de la conscience pour rentrer dans la nuit du néant.
La nature, sans savoir pourquoi, avait amassé dans la nuit ces choses claires. […] J’ai idée que quelques-uns, parmi le public enthousiaste, allèrent à cette pièce pour voir Mme Jeanne Granier passer un peignoir crevette et procéder à sa toilette de nuit. […] Parfois, pendant les nuits d’hiver et de printemps, il y a des espaces déserts dans ce pays, les snobs ayant émigré en masses vers les Bouffes-du-Nord. […] Si c’est pendant la nuit, au fond d’un retrait mystérieux, on porte une petite lampe d’argent, de forme antique. […] Pendant un an, le devoir fut le cauchemar de nos jours et de nos nuits.
et ne serait-il pas plus conforme à notre sagesse humaine, comme le ciel nous l’a faite, de dire que tout cela nuit à la Grèce et la tue, que ces puissants, qui, d’un mot pouvant la sauver, la regardent mourir, la tuent, et que nos vaisseaux, nos munitions, nos instructions et nos renégats la tuent encore davantage ?
Au surplus, il nuit à ceux même qui « en sont ».
Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle, Voyez le jour pour le troubler ; Que l’affreux désespoir, que la rage cruelle, Prennent soin de vous rassembler : Avancez, malheureux coupables, Soyez aujourd’hui déchaînés, Goûtez l’unique bien des cœurs infortunés, Ne soyez pas seuls misérables.
Elle était sombre comme la nuit, hagarde comme dix furies ; sa main brandissait un dard affreux, et sur cette partie qui semblait sa tête, elle portait l’apparence d’une couronne. » Jamais fantôme n’a été représenté d’une manière plus vague et plus terrible.
Il y a là plus de silence, plus d’effroi, plus de nuit.
Ces échevins ne sont que des sacs de laine ; ou des colosses ridicules de crème fouettée ; ou si vous l’aimez mieux, c’est comme si l’artiste avoit laissé une nuit d’hyver sa toile exposée dans sa cour, et qu’il eût neigé dessus toute cette composition.
Ce qui nuit le plus à la gaieté dans notre genre de vie actuel, c’est la complication en toute chose, c’est le harcèlement et l’aiguillon, l’inquiétude dans la vie matérielle comme dans celle de l’imagination et de l’intelligence. […] C’est elle qui, me tendant une main secourable sous un autre hémisphère, adoucit pour moi les périls et les horreurs d’une guerre dont l’histoire n’of Frira jamais d’exemple ; c’est elle qui me consola dans les fers où me retenait la férocité d’une caste sauvage ; c’est elle enfin qui ; m’environnant de tous les prestiges de l’illusion, me fit envisager d’un œil calme le moment où, pris les armes à la main par ces cannibales, condamné par un conseil de guerre, agenouillé devant mes juges, les yeux couverts d’un bandeau qui semblait me présager la nuit où j’allais descendre, j’attendais le coup fatal… auquel j’échappai par miracle, ou plutôt par la protection d’un Dieu qui n’a cessé de veiller sur moi pendant le cours de cette horrible guerre. […] Le jour Chantant l’amour, Et souvent le faisant sans bruit La nuit… ; le Panpan bachique (1809) : Lorsque le champagne Fait en s’échappant Pan, pan… ; ce sont ces autres refrains irrésistibles et qui éveillent de toutes parts l’écho, le Carillon bachique (1808), surtout le Délire bachique (1810) : Quand on est mort, c’est pour longtemps… admirable chant, tout bouillant d’une douce fureur, et où brille dans tout son éclat le génie rabelaisien.
Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques. […] Mais les passions, modifiées par la constitution particulière des individus, et prenant le cours que leur indique une éducation vicieuse ou autre, produisent le crime ou la vertu, la lumière ou la nuit. […] Je trouve ces quatre beaux vers inédits sur Bacchus : C’est le Dieu de Nisa, c’est le vainqueur du Gange, Au visage de vierge, au front ceint de vendange, Qui dompte et fait courber sous son char gémissant Du Lynx aux cent couleurs le front obéissant… J’en joindrai quelques autres sans suite, et dans le gracieux hasard de l’atelier qu’ils encombrent et qu’ils décorent : Bacchus, Hymen, ces dieux toujours adolescents… Vous, du blond Anio Naïade au pied fluide ; Vous, filles du Zéphire et de la Nuit humide, Fleurs… Syrinx parle et respire aux lèvres du berger… Et le dormir suave au bord d’une fontaine… Et la blanche brebis de laine appesantie..
” « La trompette, sept fois sonnant dans les nuées, « Poussera jusqu’à lui, pâles, exténuées, « Les races à grands flots se heurtant dans la nuit ; « Jésus appellera sa mère virginale ; « Et la porte céleste, et la porte infernale, « S’ouvriront ensemble avec bruit ! […] … « Oui, autant qu’il est permis à l’homme de vouloir, je veux détruire la fatalité humaine ; je condamne l’esclavage, je chasse la misère, j’enseigne l’ignorance, je traite la maladie, j’éclaire la nuit, je hais la haine… Voilà ce que je suis, et voilà pourquoi j’ai écrit les Misérables. […] Cela nuit terriblement et radicalement à l’intérêt pour cet honnête raisonneur, mais auquel, si ce n’était pas le prodigieux talent de son biographe, personne de sensé ne serait tenté de s’intéresser, que comme on s’intéresse à un monstre d’inconséquence !
J’y apportais une extrême passion ; ces combinaisons abstraites me faisaient rêver jour et nuit. […] Nuit et jour, elle n’avait plus qu’une pensée ; elle se figurait le servant, le soignant, comptant son linge, s’occupant de ce qui était trop au-dessous de lui pour qu’il y pensât. […] Quand l’acquittement fut prononcé, le broyeur de lin reprit ses insignes, se retira rapidement, emmenant sa fille, et revint au village de nuit.
L’origine de ces femmes se perd dans la nuit des Mille et une Nuits. […] Juvénal serait-il le bienvenu à diffamer Messaline, s’il avait possédé une seule de ses nuits ?
Aussi bien, nous devions souhaiter une bonne nuit à qui nous avait fait passer une belle soirée. […] « Bonne nuit, aimable prince ! […] Qui de nous ne vous dit avec un mélange de pitié, de sympathie, d’admiration et d’horreur : « Bonne nuit, aimable prince ! […] Le pauvre homme est hanté par un vampire qui trouble son sommeil et lui boit son lait sur sa table de nuit. […] On ne dit pas qu’il s’entretint avec les femmes galamment vêtues ni qu’il s’assit, la nuit, sous l’acacia.
On y tissait les étoffes, on s’en habillait ; des fossés étaient creusés, des sillons tracés, des maisons bâties ; jour par jour, hommes et animaux se levaient pour aller au travail ; nuit par nuit, ils retournaient lassés chacun dans son gîte. — Ces vieux murs menaçants ne sont pas une conjecture, un amusement de dilettante, mais un fait sérieux ; c’est pour un but bien réel et sérieux qu’ils ont été bâtis. — Oui, il y avait un autre monde quand ces noires ruines, blanches dans leur nouveau mortier et dans leurs ciselures fraîches, étaient des murailles et pour la première fois ont vu le soleil — il y a longtemps. — Cette architecture, dis-tu, ces beffrois, ces charrues de terre féodale ? […] L’immensité de la nuit noire où surgissent pour un instant les apparitions humaines, la fatalité du crime qui une fois commis reste attaché à la chaîne des choses comme un chaînon de fer, la conduite mystérieuse qui pousse toutes ces masses flottantes vers un but ignoré et inévitable, ce sont là les grandes et sinistres images qui l’obsèdent. […] Si aujourd’hui on regarde l’atelier des idées humaines tout surchargé qu’il est et encombré de ses œuvres, on peut le comparer à quelque haut fourneau, machine monstrueuse qui, jour et nuit, a flamboyé infatigablement, à demi obscurcie par des vapeurs suffocantes, et où le minerai brut, empilé par étages, a bouillonné pour descendre en coulées ardentes dans les rigoles où il s’est figé. […] Nous y glapissons, nous piaulons dans nos disputes et nos aigres récriminations de hiboux criards ; nous passons sinistres, et faibles, et craintifs, ou bien nous hurlons et nous nous démenons dans notre folle danse des morts, jusqu’à ce que l’odeur de l’air du matin nous rappelle à notre demeure silencieuse et que la nuit pleine de songes s’éveille et devienne le jour1431. » Qu’y-a-t-il donc au-dessous de toutes ces vaines apparences ? […] » Ôte les écailles de tes yeux, et regarde. « Tu verras que ce sublime univers, dans la moindre de ses provinces, est, à la lettre, la cité étoilée de Dieu ; qu’à travers chaque étoile, à travers vers chaque brin de gazon, surtout à travers chaque âme vivante rayonne la gloire d’un Dieu présent. — Génération après génération, l’humanité prend la forme d’un corps, et, s’élançant de la nuit cimmérienne, apparaît avec une mission du ciel.
C’est de nuit que travaille habituellement M. […] On me raconte qu’entre les nombreux articles par lesquels il contribua au Dictionnaire de médecine en trente volumes, l’article Cœur fut dicté par lui à un collaborateur en une seule séance de nuit. […] Littré, de son point de vue de savant ému, interroge, à son tour, les rayons lumineux qui nous arrivent de si loin et qui ont vu tant de choses au passage ; voici les dernières strophes : Rayons que nous envoie une nuit étoilée, Venus de cieux en cieux jusqu’en notre vallée, Que nous apportez-vous ? […] Littré, dans la Revue des Deux Mondes du 1er avril 1838, à propos des Œuvres d’histoire naturelle de Goethe : « En commençant, j’ai rappelé, dit-il, la magnificence du spectacle du ciel, et combien les yeux se plaisent à considérer ces étoiles innombrables, ces globes semés dans l’espace, ces îles de lumière, comme dit Byron, dont se pare la nuit : je termine en rappelant que, pour les yeux de l’intelligence, le spectacle des lois mystérieuses et irrésistibles qui gouvernent les choses n’est ni moins splendide ni moins attrayant.
… « “J’ai fait cette nuit un rêve délicieux ; je lisais Tacite que tu m’avais envoyé ! […] Je passe les nuits au travail ; ne lui en dis rien, car elle s’inquiéterait. […] Voici comment il s’excuse devant sa sœur : « Ta lettre m’a donné deux détestables jours et deux détestables nuits. […] Travailler nuit et jour, se voir sans cesse attaqué quand il me faudrait la tranquillité du cloître pour mes travaux !
« Je ne raconterai pas comment je passai cette nuit douloureuse, mais je ne puis taire à quel point s’accrurent mes angoisses lorsque, le matin, je vis entrer dans ma chambre le prélat Spina, avec un air triste et embarrassé, et que je l’entendis m’avouer que le théologien Caselli sortait de sa chambre, où il était venu lui annoncer qu’il avait réfléchi toute la nuit sur les conséquences incalculables de la rupture ; qu’elles seraient on ne peut plus fatales à la religion, et qu’une fois arrivées, elles devaient être irrémédiables, comme le prouvait l’exemple de l’Angleterre ; que, voyant le premier consul déclarer qu’il restait inébranlable sur le point de ne pas admettre de changement dans l’article controversé, il était déterminé, pour sa part, à y adhérer et à le signer tel quel ; qu’il ne croyait pas le dogme lésé, et qu’il pensait que les circonstances, les plus impérieuses qu’on ait pu voir, justifiaient la condescendance dont le pape userait dans ce cas. […] Pendant la célébration du mariage civil et du mariage religieux, les treize cardinaux restés volontairement à l’écart ne sortirent point de leurs demeures, pas même la nuit. […] Je leur promis que cette nuit-là même nous rédigerions la lettre, et que dès les premières heures du jour on la consignerait au ministre des cultes, personnage le plus important de l’affaire et chargé par l’Empereur de l’exécution de ses ordres.
Vie de Jean-Jacques Rousseau Fils d’un horloger de Genève, orphelin de sa mère que deux bonnes tantes remplacent mal, Jean-Jacques558 est élevé par un père léger, qui le grise de romans, où tous les deux passent les nuits jusqu’à ce que les premiers cris des hirondelles leur rappellent d’aller se coucher ; il se grise ensuite d’héroïsme, en lisant Plutarque. […] Le voilà vagabondant en Savoie (1728) : un curé qui l’héberge une nuit l’adresse à Mme de Warens, une dame qui s’occupait de conversions, échappée elle-même de la Suisse et du calvinisme ; elle habitait Annecy. […] Son inquiétude le promène à Lyon, à Lausanne, à Neuchâtel, à Paris ; et toujours quand son imprudence ou sa légèreté l’ont mis sur le pavé, sa pensée se retourne vers la « maman », qui a transporté son domicile à Chambéry : les grands chemins pourtant, les longues marches, les libres horizons, les gîtes incertains, les soupers de rencontre, les nuits à la belle étoile le ravissent, l’enivrent, emplissent son âme d’ineffaçables sensations. […] Il lui a dit la splendeur des levers du soleil, la sérénité pénétrante des nuits d’été, la volupté des grasses prairies, le mystère des grands bois silencieux et sombres, toute cette fête des yeux et des oreilles pour laquelle s’associent la lumière, les feuillages, les fleurs, les oiseaux, les insectes, les souffles de l’air.
Que l’on compare ces deux tableaux : « La pluie se mit à crépiter contre les vitres ; une nuit noire venait de tomber ; le vent soufflait en rafales ; des éclairs, d’un bleu blanc, zigzaguaient sur les nuages bas ; et ceci : l’ouragan se déchaîna dans l’ombre. », on aura l’opposition des deux manières. […] Que Shakespeare soit l’auteur à la fois de Hamlet, de Henri IV, de La Douzième Nuit ; Gœthe de Faust, de Wilhetm-Meister, de Werther et d’Hermann et Dorothée, Victor Hugo des Contemplations et des Chansons des rues et des bois ; que Balzac soit comique et Milton gracieux, peut surprendre. […] Demailly de Manette Salomon, cette page éblouissante des Idées et sensations : les funérailles de Watteau, charment pour les mêmes raisons que les fantaisies aériennes des Nuits florentines. […] cache-moi dans ton sein pâle, Ce sera le calme des nuits.
Donc, syllogistiquement… mais intellectuels, amis non amants, juste assez de charnel inconsciemment désiré, d’envoûtement senti nécessaire (photographies) pour faire l’amitié vivace, sans potacheries, trop philosophes pour ignorer que l’Idée déchoit qui passe à l’Acte ; l’une gynandre en spontanéité, l’autre d’irrésolution (parfois) androgyne, semblables par l’interversion de leurs sexes ; union de noblesse socratique ; Nisus et Euryale cérébraux, non musculaires, avant les nuits sous la même tente. […] Ses Êtres solitaires isolés parce qu’individuels tâtonnant et se heurtant dans la nuit de verre dur et gris. […] De Valtat aussi une tapisserie : le repos replié de la Femme sur les plis décapités du pavillon en viande saignante, le tournant de la rapide agate bleue du Palais-Royal, les Aubergines et Piments brodés, les Paons et la Cigogne. — De D’Espagnat, les deux Paysans robustes à tête de pommiers, la Femme au livre. — D’Angrand, les Pèlerins d’Emmaus et le vilbrequin de la lampe forant la nuit dans un tourbillon de copeaux carrés. […] L’ermite aux pieds noirs et fourchus a enfoncé sa double croix à travers le joujou terrestre, et voici que trois oiseaux de nuit fleurissent la croix supérieure, mordant chacun l’une des clefs importantes rapportées pur le cormoran des trous d’humidité froide, sternutatoires même aux mains.
Ils se rangent à la manière des Arabes en cercle autour de lui, et, frappés d’horreur à la vue de ses plaies, ils restent sept jours et sept nuits sans rompre le morne silence de leur visite. […] périsse à jamais la nuit qui m’a conçu, Et le sein qui m’a donné l’être, Et les genoux qui m’ont reçu ! […] Maintenant dans l’oubli je dormirais encore, Et j’achèverais mon sommeil Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore, Avec ces conquérants que la terre dévore, Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore, Et qui n’a pas vu le soleil. […] Je comprends, comme Job, que l’âme, irritée et indignée au commencement de son supplice, sans savoir pourquoi elle l’a mérité, appelle son Créateur en jugement devant l’éternelle équité révoltée en elle, et qu’elle lui dise : « Maudit soit la nuit où un homme a été conçu. » Le blasphème contre l’existence est un péché, mais c’est le plus noble des péchés, car c’est le plus courageux et le plus fier ; c’est le cri du supplicié interpellant et défiant son bourreau dans le supplice ; c’est le péché des braves, et non des lâches : il a sa grandeur au moins dans sa folie.
Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois.
. — Ce sentiment, ajoutait-il, est né avec moi ; je l’ai eu dès mon enfance, et à peine en étais-je sorti, que je secouai le joug de la domination paternelle aux dépens de tout ce qui m’en pouvait arriver ; et, pendant plusieurs années, je me réveillais la nuit avec un mouvement de joie que me donnait la pensée de ne plus dépendre de personne. […] Ce renoncement suprême en vue de Marianne ne lui paraissait pas même mériter le nom de sacrifice : « Je ne sens que de la joie, disait-il, en songeant que je vais, en attendant la mort, mener une vie plus triste qu’elle, et j’aime si fort ma douleur qu’il me semble que c’est encore un moindre malheur de la souffrir que de la perdre ; si ma chère Marianne la peut voir, elle lui fait plaisir. » Il haïssait les biens, les grandeurs, tout ce qu’il ne pouvait plus partager ; il n’aimait que cette douleur, la seule chose qui lui restât de son amie ; il en parlait, d’ailleurs, comme d’une peine poignante, qui le tenait cruellement éveillé durant les nuits et qui prolongeait ses insomnies jusqu’au matin, où il ne s’assoupissait qu’à la fin et par excès de fatigue : « Mais j’ai beau faire, je ne saurais perdre de vue l’objet de mon tourment.
La nuit se passe en courses, et quelle est ma stupéfaction, en rentrant chez moi le lendemain matin, de trouver la fatale clef dans ma poche ! Mes prisonniers affamés, supposant à mon absence et à leur réclusion quelque grave motif qui les concernait, étaient demeurés cois pendant toute la nuit, mais en proie aux alarmes les plus folles et les plus excusables eu égard aux circonstances.
Il connut certainement la province et y demeura sans doute quelque temps ; il sait trop bien sa petite ville pour n’y avoir pas couché deux nuits et plus. […] Il n’en est pas de plus propre à faire respecter l’esprit français à l’étranger (ce qui n’est pas également vrai de tous nos chefs-d’œuvre domestiques), et en même temps il y a profit pour chacun de l’avoir, soir et matin, sur sa table de nuit.
Mais quelque chose encore, au premier aspect, y a nui et y nuit toujours : M. […] Il n’en gardait pas copie d’abord, et il semble qu’il y tenait assez peu ; c’est pendant une maladie du peintre Guérin, l’un de ses amis, et en passant les nuits à son chevet, en 1812, qu’il eut l’idée, pour la première fois, de recopier ses anciennes chansons ; il s’en rappela ainsi une quarantaine : il y en eut de perdues et d’oubliées.
Judas est né à Jérusalem d’un homme appelé Ruben et de Cyborée sa femme : celle-ci a rêvé une nuit qu’il naîtrait d’elle un enfant qui commettrait toutes sortes de crimes, meurtres, trahisons, qui tuerait son père, épouserait sa mère et finirait par livrer le Sauveur. […] Qu’un peu de goût ne nuit jamais !
Par exemple, si l’on marche la nuit dans l’obscurité ou à la simple clarté des étoiles, on ne devrait pas décrire minutieusement des pierres bleues sur lesquelles on marche, ou des taches jaunes au poitrail d’un cheval, puisque personne ne les voit. […] Delille avait déjà dit dans son style à effet : Il ne voit que la nuit, n’entend que le silence.
Est-il bien que Colomba, pour exciter son frère, aille couper de nuit l’oreille au cheval qu’il doit monter le lendemain, lui laissant croire que ce coup vient des Barricini ? […] Le trait est tiré des Nuits attiques (liv.
Ce lit d’amour, la nuit, sur une barque, dans le golfe de Salonique ; puis cette vie de silence et de solitude, pendant une année, dans une vieille maison du plus vieux quartier de Constantinople, je ne sais pas de rêve plus doux, plus amollissant, ni en qui s’endorment mieux la conscience et la volonté. […] Une nuit de calme sur la mer équatoriale lui donne cette impression qu’aux premiers âges, « avant que le jour fût séparé des ténèbres, les choses devaient avoir de ces tranquillités d’attente ; les repos entre les créations devaient avoir de ces immobilités inexprimables. » La mer d’Islande a pour lui « des aspects de non-vie, de monde fini ou pas encore créé ».
Le goût pour l’alcool, l’habitation dans des logements malsains, l’activité physique et mentale prolongée à travers la nuit, l’entassement dans les théâtres et les lieux de réunions, la gourmandise exagérée, tant de pratiques qui flattent nos goûts et nuisent à l’équilibre du corps et de l’esprit, montrent assez que nos instincts n’ont pu se plier à notre situation nouvelle. […] La société me sert et me nuit à la fois.
Trop d’artifice, trop d’art nuit auprès des esprits neufs : trop de simplicité nuit aussi ; ils ne s’en étonnent pas, et ils ont, jusqu’à un certain point, besoin d’être étonnés.
Mais une sacoche ne nuit pas. […] En mai 1814, une nuit, vers deux heures du matin, un fiacre s’arrêta près de la barrière de la Gare, qui fait face à Bercy, à la porte d’un enclos de planches.
Beauté de la forme poétique, grâce souveraine, lyriques élans, spacieuse rêverie, s’y trouvent avec l’intelligence de la nature et la pénétration du secret des nuits. […] Sur les pas de la nuit l’aube pose son pied ; L’ombre des monts lointains se déroule et recule. […] Aussi, malgré notre admiration pour les Nuits de Musset, pour la pièce À une femme, de Louis Bouilhet, dans la hiérarchie de l’Art, ne sied-il pas de les subordonner à la colère de Samson, toute œuvre impersonnelle arborant à nos yeux plus de grandeur, malgré le charme et l’attrait des œuvres subjectives. […] Tantôt le poète s’attarde aux étoiles dans ces nuits qui sont des « fêtes de lumière », tantôt il cède à l’attrait de la belle mer bleue, « invitante, empressée », et si transparente ; tantôt sa pensée se fixe sur les montagnes, « personnes solides et graves ». […] Nuit-elle à la merveilleuse floraison de Swinburne ?
Aux morts, qui n’ont plus même une nuit pour l’amour… Hé! […] Mais une nuit, sur les ruines du Colisée, il a été touché d’un rayon d’en haut, il s’est repenti. » Alors le Christ apparaît. […] La nuit vient : Ève a peur que ce ne soit la fin du monde ; Adam même, déjà faible, n’est pas tranquille : un ange apparaît et les rassure. […] Et, au fond bien entre nous — sauf les morceaux connus (Celui qui règne dans les cieux… Un homme s’est rencontré… Ô nuit désastreuse ! […] A la sensation initiale et grossière s’ajoutent les impressions des objets environnants, du paysage, des lignes, des couleurs, des sons, des parfums, de l’heure du jour ou de la nuit.