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1851. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 277-279

Il a débuté dans les Lettres par des Eloges historiques, tels que ceux du Roi Stanislas, de Charles V, de Louis Dauphin, de Fénélon, qui annoncent des connoissances, de l’esprit, le talent de s’exprimer avec autant de noblesse que de clarté ; mais dont le style dépourvu en général de chaleur & de nerf, fait augurer que cet Auteur aura de la peine à parvenir à la véritable éloquence. […] Nulle onction, nuls mouvemens, nulle véhémence ; c’est à l’esprit & jamais au cœur qu’il parle. […] De là, le défaut de liaison & de suite dans ses idées, d’assortiment dans l’ensemble, de caractere dans son style, tantôt philosophique, tantôt religieux, & toujours froid ; de là, ces figures étrangeres au sujet & préparées avec effort, ces tours étudiés, ces expressions symétriques qui supposent de l’esprit, mais qui décelent un cœur vide de sentimens, & par conséquent incapable de toucher les autres cœurs & de s’en rendre le maître.

1852. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 2-5

On seroit d’abord tenté de croire que sa réputation est plutôt l’effet du caprice de l’esprit humain, que celui d’un mérite réel. […] Rousseau, plusieurs bons Esprits, ont eu pour lui un goût particulier. […] Rabelais seroit actuellement plongé dans l’oubli, s’il n’eût pas passé toutes les bornes ; moyen assuré d’entraîner la multitude & de paroître merveilleux aux Esprits communs.

1853. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Ils ne sont pas de pures conceptions ou fictions de notre esprit. — Leur efficacité dans la nature. — Ils sont plus ou moins généraux. — Plus ils sont généraux, plus ils sont abstraits. […] Soit un corps ou un esprit, cette pierre ou cet homme ; il y a un caractère qui relie ses divers moments successifs, un caractère commun qui dans tous se retrouve le même. […] À ce titre et dans ce sens étroit, elle est une unité parmi plusieurs autres unités. — Il y a donc des collections d’unités dans la nature, comme il y a des collections d’unités dans l’esprit. […] Pendant que mon esprit fait ses additions ou ses soustractions, la nature fait les siennes. […] Voir l’analyse très élégante et très délicate de ce procédé d’esprit dans la Langue des calculs de Condillac.

1854. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

« — C’en est fait », lui dis-je, « Racine vous attendait pour être interprété selon son esprit. […] l’état horrible où le Ciel me l’offrit Revient à tout moment effrayer mon esprit. […] Est-ce l’esprit divin qui s’empare de moi ? […] L’inspiration d’en haut est restée sur la scène avec l’esprit et la voix de Talma. […] Les plus beaux chants n’étaient, aux yeux du roi, que des séductions à l’erreur ou à la liberté d’esprit.

1855. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Donc le jeune homme désespéré, l’esprit ouvert à toutes les insanités, cherche à distraire sa douleur. […] Or Froissart est invariablement Bourguignon, et l’esprit de parti colore son appréciation des événements. […] C’était la paix d’une âme supérieure à la fortune, c’était surtout la légèreté d’un esprit prompt à renaître. […] Nul causeur, sauf Michelet, n’a su allier à ce point la poésie de l’esprit. […] Maurice Barrès, et qui, selon moi, est un des plus grands charmes de l’esprit français.

1856. (1924) Critiques et romanciers

Faute d’esprit. […] Qu’est-ce que l’esprit ? […] Mais l’esprit a passé de mode. Qu’est-ce qu’un homme d’esprit ? […] On me traite d’esprit ondoyant.

1857. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Rien ne met d’accord les bons esprits et les bons cœurs comme l’idée et surtout la vue du bien, le bien en action. […] Et elle n’a pas le dévouement seul : elle a l’esprit d’ordre et d’administration, comme il en faut dans tout ce qui dure. […] L’abbé Brandelet en avait été frappé dès l’enfance, car il est né dans ce village ; il avait formé le vœu de le doter un jour d’une église pour les catholiques seuls ; et cette pensée, il l’avait eue moins dans un esprit de division que dans un esprit de charité, moins pour sauver le contact que pour prévenir tout conflit. […] Ceux-là, ils ressemblent à de sages diplomates qui savent concéder ce qui convient à l’esprit d’une époque, ce que l’opinion réclame, et qui estiment après tout qu’une trêve à très longue échéance équivaut à une bonne paix. […] Il faudrait entrer dans le menu du Code : je reste dans l’esprit de la loi.

1858. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Sir William Hamilton est probablement le premier des philosophes anglais qui ait pris parti pour l’affirmative, sans s’arrêter à ce prétexte spécieux qu’une action ou une passion inconsciente de l’esprit est inintelligible. […] L’opposition de ces deux termes, moi et non-moi, sujet et objet, esprit et matière, se réduit à l’opposition de la sensation considérée subjectivement, et de la sensation considérée objectivement. […] Les lois des phénomènes de l’esprit sont analogues tantôt aux lois mécaniques, tantôt aux lois chimiques. […] VI, 4) explique deux grandes variétés d’esprit par deux modes différents d’association. […] « Inférer ou raisonner, c’est le procédé de l’esprit par lequel on part de vérités connues pour arriver à d’autres réellement distinctes des premières. » (Logiq., II, ch. 

1859. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Les fragments dont il est question, l’une inspiration magnifique et nouvelle, avaient l’accent d’une personnalité si rare, qu’ils frappèrent également les esprits puissants et les esprits délicats. […] Les circonstances qui avaient renfermé son père, comme un patriarche, dans la culture de sa maigre vigne, arrêtèrent Mlle Eugénie sur la pente où la délicate originalité de son esprit se fût compromise ; car des lectures nombreuses et variées en eussent certainement altéré la nuance virginale, si elles lui eussent été faciles. […] Si les esprits contemporains n’étaient pas troublés et rompus jusqu’à l’axe même, il suffirait, sur Eugénie de Guérin, de cette page où l’écrivain oublie jusqu’à la langue qu’il emploie et se sert des mots comme d’un doigt pour montrer les choses. […] Sans cette intuition de l’état de son frère, le monde de Paris, qu’elle observait pour la première fois, eût été pour elle d’un intérêt prodigieux, car son esprit plein d’alacrité se prenait à tout. Si, comme elle l’avait dit, son cœur était le rayon de miel ans petites logettes, son esprit en était l’abeille.

1860. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Sa pensée par analogie relève de l’esprit de finesse, non de l’esprit de géométrie. […] Ces rapports ne sont pas donnés à nos sens, mais induits et animés par notre esprit. […] Habitude systématisée, et non système enregistré par l’esprit. […] qu’il a éclaté aux esprits !  […] La richesse de l’esprit n’est point en monnaies qui aient cours.

1861. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Mais ce que j’ai à vous confier, on en peut tirer une morale : vous y verrez à quelles préventions involontaires on est exposé, même quand on travaille continuellement (comme je vous affirme que je fais) à se maintenir l’esprit aussi libre que possible. […] Et tout de même, comme il est jeune et qu’un sang de campagnard, de chasseur et de marin coule dans ses veines, il laisse voir assez fréquemment une prédilection pour les tableaux charnels  soit qu’il porte en ces matières l’esprit du naturalisme antique, ou l’amertume pessimiste qui est à la mode depuis vingt ans. […] Et, en même temps qu’il apportait à la description des souffrances humaines un esprit plus fraternel, plus attentif, plus incliné, Maupassant devenait chaste. […] Cet esprit est un miroir irréprochable qui reflète les choses sans les déformer, mais en les simplifiant, en les clarifiant aussi, et peut-être en faisant ressortir, de préférence, les liens de nécessité qui existent entre elles. […] Vous, mon cher Bourget, vous avez un tas d’intentions et d’affectations ; nul romancier ne transforme plus complètement que vous la matière première de ses récits ; vous ajoutez votre esprit tout entier à chacune des parcelles du monde que vous exprimez dans vos livres ; vous vous donnez un mal de tous les diables, vous fatiguez, vous exaspérez ; avec tout cela vous contraignez à penser et l’on peut disserter sur vous indéfiniment.

1862. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

L’esprit humilié voit partout des idoles, On voudrait faire un choix de suaves paroles, Mais en vain, pour qu’à l’aise ils s’y posent en tas, La rêverie aux mots s’offre comme une branche. […] Me sera-t-il permis d’y joindre quelques pages signées de moi, non plus à titre de chef-d’œuvre, car l’imperfection en est trop évidente, mais pour marquer les questions dont se préoccupaient alors quelques jeunes esprits. […] Il faudra façonner votre esprit à tous les préjugés et faire plier votre art à toutes nos lâchetés. […] Oui, tous deux ont — dérivant d’un même esprit de catholicisme — l’Ironie féroce pour les tentatives d’affranchissements de ce temps-ci, l’éclat de rire homérique devant les agitations minuscules de la science et ses prétendues découvertes qui ne sont, au fond, que de laborieuses et pénibles reconstitutions. […] Elle s’en souciera comme d’une guigne, cela est dans l’ordre des choses, mais de tels exemples ne sont jamais complètement perdus, car il y a, en bas, toute une poussée d’esprits neufs et réfléchis — les générations de demain — qui comparent et qui jugent. » J’aurais, aujourd’hui, bien des choses à reprendre à cet article.

1863. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Par sa conversation, la vie sociale s’était perfectionnée ; les personnes s’étaient classées ; les sympathies d’esprit, de cœur, de caractère, même de conditions sociales, s’étaient rencontrées, reconnues, agrégées ; les existences se touchaient diversement ; les distinctions les plus faiblement marquées entre les personnes, mettaient des nuances dans leurs relations réciproques. […] Les grands écrivains eurent alors leur style propre ; de grandes et d’heureuses variétés de style charmèrent les esprits polis, surtout par leur appropriement aux choses, aux temps, aux personnes. […] On voit dans la première lettre de Balzac à la marquise de Rambouillet, qu’il a le premier hasardé le mot d’urbanité, pour opposer un caractère de la civilisation romaine à l’atticisme qui caractérisait l’esprit des Grecs. […] Il existait un grand nombre de lettres de Sévigné, modèles de style épistolaire ; on en avait de son cousin Bussy-Rabutin, homme de mauvais cœur, de mauvais esprit, mais d’assez bon goût ; En morale, on avait les nobles écrits de Balzac ; En métaphysique, la méthode de Descartes ; En didactique et en polémique, les Lettres provinciales ; En critique, plusieurs bons écrits de Port Royal, la critique du Cid ; En poésie, les belles odes de Malherbe, quelques ouvrages de Racan, de Segrais, de Benserade ; les chefs-d’œuvre de Corneille, Le Cid, Les Horaces, Cinna, Polyeucte, La Mort de Pompée, Le Menteur, Rodogune. […] La Bruyère, Des ouvrages de l’esprit, p. 96, édit. in-4°.

1864. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Ils existent ; il y en a même plus qu’on ne croit ; c’est une disposition d’esprit ; c’est l’attrait du mystère ; c’est la curiosité du caché, c’est l’attraction de l’abîme, c’est un vertige doux ; c’est le prestige exercé sur nous par ce qui nous dépasse, échappe à nos prises, nous défie. […] Il en est qui sont obscurs naturellement, spontanément, très loyalement, sans artifice ; qui sont capables, ce qui est une chose encore que je n’ai jamais comprise, d’exprimer par des mots, de mettre sur le papier, une pensée qui n’est pas devenue nette dans leur esprit ; pour qui la parole ou l’écriture n’est pas un instrument d’analyse ; pour qui la parole ou l’écriture n’est pas une épreuve qui force à se rendre compte de ce qu’on pense ; qui, en un mot, peuvent exprimer ce qu’ils ne conçoivent pas. […] Tout esprit distingué, qui a un goût distingué, choisit ainsi ses auditeurs lorsqu’il veut se communiquer ; en les choisissant, il se gare contre les autres. […] ] de ses paroles, à qui on ne fasse dire tout ce que l’on voudra comme aux Sibylles ; il y a tant de moyens d’interprétation qu’il est malaisé que, de biais ou de droit fil, un esprit ingénieux ne rencontre en tout sujet quelque avis qui lui serve à son point [à son point de vue]. […] Que l’auteur puisse gagner cela d’attirer et embesogner à soi la postérité, ce que non seulement la suffisance [la capacité] mais autant ou plus la faveur fortuite de la matière peut gagner, qu’au demeurant il se présente, par bêtise ou par finesse, un peu obscurément et diversement, ne lui chaille : nombre d’esprits, le blutant et secouant, en exprimeront quantité de formes, ou selon, ou à côté, ou au contraire de la sienne, qui lui feront toutes honneur, et il se verra enrichi des moyens de ses disciples, comme les régents du lendit.

1865. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Telle est la question qui s’est naturellement présentée à notre esprit quand nous avons ouvert le livre d’Yvan Tourgueneff, intitulé par l’auteur russe, qui savait probablement ce qu’il voulait dire : Journal d’un chasseur, et que M.  […] Charrière, que nous ne connaissons pas, est probablement un homme d’esprit, et d’ailleurs il a trop vécu en tête à tête de son auteur dans le vis-à-vis d’une traduction, pour ne pas savoir la différence qu’il y a entre les tablettes d’un humouriste, écrites au courant de cette plume, mi-partie d’imagination et de réalité, qui est la plume des humouristes, et des Mémoires d’un seigneur russe, daguerréotypant, pour le compte de l’Histoire, avec une inflexible exactitude, les institutions et les mœurs politiques de son pays. […] Nous le disons même à sa louange, il y a, dans l’introduction qui précède le volume de sa traduction, les gênes d’un esprit honnête qui comprend au fond ce qu’il fait et qui s’inquiète avec raison de la transparence d’un procédé sur lequel il est impossible de s’aveugler : « Si le Journal d’un chasseur — dit M.  […] Charrière par son introduction aux Mémoires d’un seigneur russe, il n’est pas un de ces esprits ardents qui font tout ployer sous la violence de leur entrain. Il y a plus : quand il écrit pour son propre compte, c’est un esprit froid, dont le style est pâle et manque de relief.

1866. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Il en fait de même de son esprit, à lui, Enfantin ! et de l’esprit de Jésus-Christ, et il croit évidemment que nous admettrons de telles choses !! […] L’esprit se modifie peu chez les saint-simoniens. […] Chrétienne, elle s’est levée pour objecter à l’homme de la chair, la chair corrompue et l’esprit de vie, à l’esprit de mort !

1867. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

C’est même une chose naturelle, ordinaire et universelle aux temps de syncrétisme comme le nôtre, que cette facilité des esprits à revêtir tous les costumes, déjà connus, de la pensée, et à se les ajuster assez bien, ma foi ! […] Or, comme ces glorifications du Néant et de l’Être ne peuvent jamais être très variées, et qu’on ne voit pas grand’chose, quand on n’est pas fakir, dans ces deux pierres noires, il se trouve que pour nous, restés occidentaux, aux sensations nettes, à l’esprit positif et au cœur chrétien, il est (qu’il nous permette de lui dire ce mot qui n’est pas indien) souverainement ennuyeux. L’ennui n’est peut-être pas senti aux Indes, dans ce pays d’immobilité, d’yeux ouverts pendant que l’esprit dort, de cerveaux fermés sous les parasols ! […] C’est déjà beaucoup de se remuer encore comme il se remue dans cette machine pneumatique du cœur et de l’esprit, dans cette absence complète de tout sentiment vrai, individuel et profond. […] Qu’est devenu Delille, l’autre Delille qui décrivait aussi infatigablement et perpétuellement et qui avait de l’esprit presque autant que Voltaire, ce que M. 

1868. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

. —  Son esprit. —  Différence des réalistes anciens et des réalistes modernes. —  Ses œuvres […] Le roman pousse de toutes parts, et sous toutes les formes montre le même esprit. […] On ne peut pénétrer jusqu’à elle qu’en renversant tout son esprit et tout son passé. […] Chacun des voyageurs, suivant son tour d’esprit, juge différemment des mêmes objets. […] Transportons par l’imagination ce prince de l’esprit en France, parmi nos jolis salons de philosophie élégante et de mœurs épicuriennes ; la violence du contraste marquera mieux que tout raisonnement la tournure et les prédilections de l’esprit anglais.

1869. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ramus se défendit avec une force de raison, & une présence d’esprit admirables. […] L’esprit de cet anti-péripatéticien lui survécut longtemps. […] sous prétexte d’éclairer les esprits faudra-t-il pervertir les mœurs ? […] Les esprits supérieurs ne sont conduits que par eux-mêmes. […] Néanmoins le temps, qui calme tout, appaisa les esprits.

1870. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Le grand art consiste à saisir et à rendre l’esprit des choses, c’est-à-dire ce qui relie l’individu au tout et chaque portion de l’instant à la durée entière. […] Et ce développement a lieu le plus souvent dans le sens de la logique, car l’esprit humain, étant plus conscient et plus réfléchi que la nature, est aussi plus raisonné, plus systématique. […] La sincérité dans l’art croîtra ainsi nécessairement avec le progrès de l’esprit scientifique. […] Le génie chrétien est un produit hybride où se sont mêlés et mariés intimement l’esprit hébraïque et l’esprit grec, mais où domine souvent le platonisme grec : les plus hautes idées de la philosophie chrétienne viennent de Grèce et d’Orient. […]  » Un esprit passa devant ma face, et le poil de ma chair se hérissa d’horreur. 

1871. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Ce saint homme était décidément un esprit sans nuances. […] De cet esprit, il paraît souvent n’avoir pas le moindre soupçon. […] Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des hommes gais, et ils peuvent avoir de l’esprit, mais il ne faut pas les confondre avec les hommes d’esprit. […] Il a l’esprit, et il a la « blague ». […] Votre malheur ne serait qu’une conception de votre esprit.

1872. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Desjardins, je suis sympathique à tous, et je voudrais qu’il y en eût autant qu’il y a de tournures d’esprit, j’entends de tournures d’esprit honnêtes. […] Il y a un être qui est esprit, force et matière, et esprit, force et matière ne se distribuant pas en une dualité ou en une trinité. […] Les hommes d’esprit des romans de Balzac sont plus spirituels que cela, et Dieu sait si les hommes d’esprit des romans de Balzac sont spirituels ! […] Il faut avoir de l’esprit dans l’imagination et de l’imagination dans l’esprit pour trouver ces cruelles petites choses-là. […] Tout cela restait confus dans nos esprits.

1873. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Taine lui-même, cette fille d’esprit n’en avait pas le cœur moins léger ni moins gai. […] C’est là, dans cette complaisance même, bien plus que dans ses jugements, que l’on sent percer l’esprit de parti. […] avec autant de légèreté que d’esprit, mais avec moins d’esprit que d’injustice, et sans une parcelle de cette sympathie dont il nous reproche de manquer quand nous parlons, nous, de la Terre ou du Rêve. […] Renan trop de gré de l’avoir démontré avec la triple autorité de sa science, de son talent, et de son indépendance d’esprit. […] Sans doute, ne livrant de lui-même que son esprit à ses amis, il n’aura cru devoir que ses opinions au public.

1874. (1923) Nouvelles études et autres figures

Nous associons volontiers la fantaisie de l’esprit à l’insouciance des mœurs. […] L’esprit de justice distingue l’homme de l’animal ; et la justice fait fleurir les cités. […] Tous les spectacles du monde se réfractent dans son esprit en scènes comiques. […] Et dire que nous en rendions responsable l’esprit moderne ! […] Fidélité absolue à la couleur des temps et à l’esprit des civilisations diverses.

1875. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Certes un peuple qui honore ainsi ses grands esprits ne fait que s’honorer lui-même. […] C’est un roulement incessant de railleries et d’esprit. […] trouvait de l’esprit. […] C’est qu’il n’est pas seulement Dom Juan le coureur de ruelles et l’aventurier d’amour, mais encore le libre esprit, l’esprit fort, le libertin, comme on disait alors. […] Il faut que je parle à une foule de peuple et à peu de gens d’esprit !

1876. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

« Ainsi plongé dans cette vulgarité de vie, je tâche de préserver mon esprit de la moisissure d’une complète oisiveté, et je décharge la malignité du sort qui me poursuit, jouissant d’une satisfaction âpre et secrète de me sentir foulé ainsi aux pieds par la fortune, pour voir si à la fin elle n’en aura pas honte et n’en rougira pas ! […] Le père de Nicolas Machiavel, le héros d’esprit et de plume de cette grande race, était gouverneur dans des provinces de la république. […] Nous allons l’étudier avec vous dans son histoire récente ; nous allons conjecturer les conseils pratiques que lui donnerait aujourd’hui, s’il pouvait revivre, le plus ferme esprit politique, le plus sain appréciateur des réalités dans les choses, le plus hardi contempteur des chimères, que l’Italie ancienne ou moderne ait jamais produit, son premier patriote enfin. […] Elle dominait son mari, le roi Ferdinand ; ce prince, très spirituel (quoi qu’on en ait dit), mais indolent d’esprit, ne demandait au trône que du plaisir ; les grands le méprisaient pour sa paresse, le peuple l’adorait pour sa familiarité avec la populace. […] Le jeune roi, menacé de perdre sa nationalité et son indépendance sous l’envahissement sans bornes du Piémont, tient encore le royaume de Naples en équilibre ; l’esprit de nation lutte contre l’esprit de révolution : qui l’emportera ?

1877. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Presque aussitôt, l’image d’un moulin à vent vous revient à l’esprit : c’est un moulin à vent que vous avez devant vous. […] Le bon sens est l’effort d’un esprit qui s’adapte et se réadapte sans cesse, changeant d’idée quand il change d’objet. […] L’esprit qui s’obstine finira par plier les choses à son idée, au lieu de régler sa pensée sur les choses. […] L’esprit, amoureux de lui-même, ne cherche plus alors dans le monde extérieur qu’un prétexte à matérialiser ses imaginations. […] Ils contrefont le raisonnement vrai tout juste assez pour tromper un esprit qui s’endort.

1878. (1932) Le clavecin de Diderot

La raison a trahi l’esprit, et, l’a trahi jusqu’au jour où l’esprit, pour ne point sacrifier son tout à une de ses parties, se déclara, lui-même, contre la raison. […] Sous prétexte de progrès, on est parvenu à bannir de l’esprit tout ce qui peut se taxer, à tort ou à raison, de chimère. […] Hegel, en son temps, avait déjà ridiculisé cette manière de ne voir dans l’esprit qu’un sac à facultés. […] Aussi, ministres de Dieu sur la terre, travaillent-ils à mettre dans les esprits l’espoir d’un monde meilleur. […] Une des nécessités de la vie et de l’esprit, de la vie de l’esprit, la nécessité poétique ne semble la plus aveugle que parce qu’elle est la plus difficile à connaître.

1879. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

La Madeleine du Mystère ne recherche l’entière perdition que dans l’ordre de l’esprit ou des sens délicats. […] On y assiste ; dans un tête-à-tête avec son fils, elle lui adresse successivement quatre requêtes, et lui demande au moins de quatre choses l’une : 1° de ne point mourir, lui son fils, de ne point souffrir mort, s’il est possible ; 2° cette première requête refusée, et puisque cette mort est jugée nécessaire, de ne point la souffrir si amère, si honteuse et si cruelle ; 3° cette requête rejetée encore par Jésus au nom des Écritures et des Prophéties, de permettre au moins que sa mère meure la première et n’ait point à voir de ses yeux une mort si terrible ; 4° puisque cette troisième pétition n’est pas plus accueillie que les deux autres, de vouloir bien qu’elle perde au moins connaissance pendant la durée de la Passion, qu’elle soit ravie en esprit et demeure comme une chose insensible, privée d’intelligence et de sentiment. […] Guessard et de Certain sont des gens d’esprit, d’un bon esprit, autant que des hommes d’un savoir précis et rigoureux. […] Les spectateurs d’alors se contentaient à moins. » Quand des érudits des plus compétents parlent avec cette modestie et cette bonne foi de l’objet de leurs études, on se sent d’autant plus porté à leur accorder ce qui est juste, et on est tout prêt à placer avec eux leur vieux Mystère à son rang dans la série des anneaux intermédiaires qui permettent de mesurer les lents efforts, en tout genre, de l’esprit humain. […] Des historiens distingués lui doivent d’avoir fait des chapitres bien systématiques ou un peu fous ; et la dernière histoire qu’on a d’elle75, une histoire que l’Académie française a eu la complaisance extrême de couronner, est bien la faiblesse même et de plus une œuvre imprégnée d’un léger esprit de superstition.

1880. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Nous n’ignorons pas que des littérateurs modernes qui se piquaient d’esprit philosophique, et qui en ont montré quelquefois, ont soutenu l’opinion contraire ; absurdité qu’on a, suivant l’usage, très injustement reprochée à l’esprit philosophique, qui était bien éloigné de la dicter. […] Dans le premier cas, il peut se flatter de faire passer dans la copie le caractère de la pensée, et par conséquent au moins la moitié de l’esprit de l’auteur ; dans le second cas, s’il ne rend pas la diction, il ne rend rien. […] On se trouve quelquefois avec des étrangers de beaucoup d’esprit, qui parlent facilement et hardiment notre langue ; en conversant, ils pensent dans leur langue et traduisent dans la nôtre, et nous regrettons souvent que les termes énergiques et singuliers qu’ils emploient, ne soient point autorisés par l’usage. […] Par ce moyen ils se rendraient propre, non tout ce que les anciens ont pensé, mais ce qu’ils ont pensé de mieux ; ils connaîtraient le génie et le style d’un plus grand nombre d’écrivains ; ils auraient enfin l’avantage d’orner leur esprit en formant leur goût. […] J’ai tâché enfin de rendre l’esprit, lorsque je n’ai pu rendre les mots.

1881. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Son étude des plus anciens Grecs et son esprit nouveau. […] C’est l’enthousiasme d’un disciple, c’est le ravissement d’un esprit délicat sous l’impression de beautés étrangères qu’il est découragé d’atteindre et dont il n’approche que par l’admiration. […] L’esprit merveilleux d’Horace se joua de cet obstacle. […] « Les cheveux grisonnants modèrent la vivacité des esprits et l’humeur querelleuse. […] Et cependant un merveilleux esprit d’imitation rendra parfois cet enthousiasme au poëte, mais à condition d’être un moment tout à fait Hellène et de traduire ces modèles dont il était ravi.

1882. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

Une chaîne continuelle de généalogies, de noms de Princes, destinés, par leur peu de mérite, à ne servir qu'à établir les dates de la Chronologie, des portraits de Généraux, de Ministres, tracés d'imagination, sans aucune vraisemblance, l'Esprit de Parti toujours prompt à répandre la louange & le blâme, sans aucun discernement, formoient le tissu principal de leur narration. La mémoire seule pouvoit s'enrichir par les faits ; l'esprit y acquéroit peu de lumieres ; les mœurs y gagnoient encore moins. […] C'est pourquoi, sans négliger les événemens principaux, il s'est attaché, dans son Histoire de France, à suivre l'Esprit humain dans sa marche, à développer les progrès successifs des vices & des vertus, les changemens opérés dans le caractere & les usages de la Nation, les principes de nos libertés, les sources de la Jurisprudence, l'origine des grandes dignités, l'institution des divers Tribunaux, l'établissement des Ordres Religieux & Militaires, l'invention des Arts, & tout ce qui peut avoir rapport à ceux qui les ont cultivés & perfectionnés.

1883. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

On pourrait s’étonner, après cela, de l’extrême facilité et de l’ouverture naturelle avec laquelle il prit la Révolution française, si l’on ne savait combien les idées chères à certains esprits l’emportent auprès d’eux sur les intérêts et les agréments. […] Un esprit, ainsi tourné à son propre sens et à la poursuite d’une félicité intime, ne fut donc pas un témoin très attentif ni très rigoureux du détail de la Révolution ; il n’en prit que ce qui allait à ses vues et ce qui favorisait ses espérances53. […] Et de plus, on sent dès à présent la différence d’esprit entre lui et M. de Maistre. […] Laissons le prophète, et ne voyons que le philosophe d’une belle âme et d’infiniment d’esprit dans ces matières morales déliées. […] Il est vrai qu’il ajoute « qu’elle ne devrait jamais sortir de ces limites-là, et que par ce moyen elle deviendrait naturellement une des voies de l’esprit ».

1884. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

toujours des passions publiques, et jamais d’esprit public. […] Le représentant muscadin se retira honteux et confus ; néanmoins, dans son rapport au Directoire, il loua en termes pompeux le bon esprit des troupes : voilà comme on écrit l’histoire. […] Il faut se reporter à cette époque de camaraderie pour bien juger l’ascendant de cet homme sur l’esprit des officiers qui se trouvaient sous ses ordres. […] Il nous exprime bien la moyenne d’esprit de l’armée. […] Rien ne prouve mieux la force de son ascendant que l’effet que produisent ses paroles sur Pelleport, esprit froid, peu enthousiaste.

1885. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Le tour d’esprit d’un Fontenelle n’est qu’à lui ; Diderot, non plus, n’imite personne : c’est tout une nature en action et en éruption. […] Cette Eudora si souvent nommée et invoquée dans les Mémoires de sa mère, elle était devenue à son tour une des preuves vivantes d’une disposition générale des esprits, un des symptômes du temps. […] Tendre fille d’une femme forte, son cœur faisait illusion à son esprit. […] On force les traits : de là une monotonie fastueuse, un crescendo d’éloges qui finit par impatienter bien des esprits sensés et délicats ¡ ils s’irritent alors et s’insurgent contre ce qui leur paraît une déclamation. […] Elle a voulu se rétracter, elle s’est repentie, dirait-on. — Il y a des esprits qui ne peuvent admettre et admirer les autres qu’en les tirant à soi.

1886. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Voilà bien t’entretenir. » L’apologie est un peu longue ; je n’ai pas promis qu’elle serait élégante ; il manque un coup de rabot à cette façon d’écrire de Catinat ; mais on a l’homme, on a la forme d’esprit, on a les raisons. […] Il parlait du cœur plutôt que des lèvres. — Catinat ressentit en effet, avec un esprit d’humilité et un vrai trouble, ce « comble d’élévation » que le roi mettait dans sa famille ; sa correspondance avec son frère, à ce moment, est touchante et d’un naturel charmant. […] On avait donné à Catinat pour servir sous lui depuis 1691 M. de Tessé, homme d’infiniment d’esprit et plus propre certainement à être habile négociateur que grand général. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard. […] « Ce prince, disait Tessé qui le connaissait bien, en sait plus à 27 ans en subtilités, en mauvaises finesses et en indécisions que le vieux duc de Lorraine n’en savait à 60. » Les faibles qui ont de l’esprit apprennent vite la ruse.

1887. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Pour trancher la difficulté, l’esprit seul ne suffit pas toujours ; le plus simple est que le cœur s’en mêle. […] L’esprit français se retrouve sous son léger accent de Savoie et s’en pénètre agréablement : « L’accent du pays où l’on est né, a dit La Rochefoucauld, demeure dans l’esprit et dans le cœur, comme dans le langage. » La pensée semble parfois plus savoureuse sous cet accent, comme le pain des montagnes sous son goût de sel ou de noix. […] Le comte Xavier était si peu connu en France, même après cette publication, qu’on l’attribua à son frère Joseph, et, comme celui-ci était venu à mourir, une dame d’esprit se crut libre carrière pour retoucher l’opuscule à sa guise. […] Quoi qu’il en soit, c’était faire preuve d’un esprit bien subtil ou bien inquiet que de voir dans la simple histoire de ce bon Lépreux, à côté de passages reconnus pour touchants, beaucoup d’autres où respire une sorte d’aigreur farouche : voilà des expressions tout d’un coup extrêmes. […] Il l’a dans la sienne : simplicité, pureté, modestie, honneur ; bel exemple des antiques mœurs jusqu’au bout conservées dans un esprit gracieux et une âme sensible ! 

1888. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Mais ce serait injustice de ne pas, un jour ou l’autre, s’occuper avec quelque détail d’une des femmes poëtes les plus en renom, madame de Girardin, malgré l’apparente difficulté d’aborder, même avec toutes sortes d’hommages, un écrivain dès longtemps si armé d’esprit : ce n’est là, à le bien prendre, qu’un attrait de plus. […] Il est poëte de sens, de sentiment et d’esprit plutôt que de haute imagination. […] Jean Polonius, à qui nous passons maintenant, n’est pas un précurseur de Lamartine, il l’a suivi et peut servir très-distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents. […] Cousin prononça sur sa tombe quelques paroles pleines de douleur, bien qu’un peu dramatiques, dans lesquelles il s’écriait : Noble esprit, âme tendre, jeune sage ! […] Aussi elle a laissé trace plus qu’on ne croirait en des esprits sérieux et qui ne sont pas tendres à toute poésie.

1889. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Toutes ont péri, et le pur esprit, le fumet religieux et capiteux des orgies sacrées s’est évaporé avec elles. […] L’esprit se complaît dans cette grande image : Eschyle l’hôte du volcan et le voisin d’Encelade. […] Il la transforma corps et âme, esprit et matière. […] Ces actions formidables qu’aucun incident ne fait dévier de leur pente droite, roulent sur l’esprit d’un train d’ouragan. […] » Ce large et libre esprit se concilie dans Eschyle, avec la piété la plus haute et la plus fervente.

1890. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Payé à vingt-quatre ans de ce service par un bon évêché, de la familiarité du cardinal et du jeu de la reine, Cosnac, par tempérament, par goût et par esprit d’intrigue (je mets toujours le mot comme lui-même, indifféremment), se mêlait alors de beaucoup de choses, et on l’y jugeait propre. […] Ce grand poste fut l’archevêché d’Aix, dont Cosnac n’aurait pas voulu d’abord pour plusieurs raisons, parmi lesquelles il en était de très positives, telles que le peu de revenus de cet archevêché ; mais le roi avait besoin, dans cette province difficile, en face de ces esprits fâcheux et par trop libres des Provençaux, d’un homme ferme et qui ne reculât point devant l’obstacle. […] Tout spirituel qu’il est, le prince de Conti hésite, et il faut que l’abbé de Cosnac, qui prend très peu de part et d’intérêt à ces plaisirs de la comédie, insiste, par pur esprit de justice et d’exactitude, pour faire accorder à Molière et à sa troupe une suite de représentations promises et qui préludent avec une sorte d’éclat à ses débuts de Paris. […] Quand il eût eu dans le cœur quelques restes de tendresse pour cette femme, elle se serait évanouie par le récit que je lui fis de l’inégalité de son humeur et de la légèreté de son esprit ; mais cette idée était déjà tellement effacée, qu’il ne lui en restait aucun souvenir, et depuis ce temps je ne me souviens point de lui avoir ouï nommer son nom. […] Je cherche à donner idée de l’esprit de Cosnac et à faire sentir comment il faisait passer ses brusqueries par ses saillies et savait sauver sa considération au milieu de ses gaietés.

1891. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

par quel chemin son esprit va-t-il passer en un instant de la ville de Zénobie à la nuit du 4 Août et à l’anniversaire du 14 Juillet ? […] Il y a à faire aussi celle de l’esprit de l’homme et de sa nature. […] Il prétend (ce qui n’est pas) que le livre des Ruines « respire en général cet esprit de doute et d’incertitude qui lui paraît le plus convenable à la faiblesse de l’entendement humain ». […] À partir de ces années, Volney, souffrant et affaibli de santé, légèrement intimidé et découragé d’esprit, se réfugie de plus en plus dans l’étude austère et dans la vie de cabinet. […] Nous touchons, ce me semble, dans tous les sens la tendance prononcée et les limites de cet esprit net et vigoureux.

1892. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

En tentant d’améliorer et de rénover ces vues, et sous l’empire de la réaction libérale à laquelle cédaient les esprits éminents dans la première moitié de ce siècle, on est allé aune conception opposée et plus fausse. […] C’est par des raisonnements analogues que le roman moderne, éliminant de l’esprit l’empire des facultés supérieures, et des groupes l’ascendant des hommes d’élite, pose en principe l’inutilité de l’effort volontaire et choisit ses personnages parmi les êtres moralement et intellectuellement dégénérés. […] La gloire, le pouvoir, la richesse, le succès ne s’acquièrent en dernière analyse qu’en suscitant dans des âmes étrangères, des images, des enchaînements de pensées et de sentiments, qui, remplaçant ou doublant les états d’esprit appartenant en propre à ces êtres subjugués, donnent à leur volonté, à leurs muscles, à leur sensibilité, des impulsions qui sont utiles à leur maître. […] Car s’il est vrai que les images, les sentiments, les sensations que ces œuvres suggèrent, sont faits pour surgir dans l’esprit d’hommes dont la vertu ou le crime importent à leurs semblables, s’il est vrai que ces images et ces sentiments influent sur la nature et la force de leur âme, il ne saurait être admis que, socialement, toute œuvre d’art paraisse innocente, soit pour la cité, soit plus profondément, pour le bien mémo de la race. […] Une analyse esthosychologique se compose de trois parties essentielles : d’une analyse des composants d’une « ouvre, de ce qu’elle exprime et de la façon dont elle exprime ; d’une hypothèse psycho-physiologique construisant au moyen des éléments précédemment dégagés, l’image, la représentation de l’esprit dont ils sont le signe, et établissant, si possible les faits physiologiques en corrélation avec ces faits psychologiques.

1893. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Je dis que cela est mauvais et dénote un petit esprit. […] A présent je ne parle que de l’esprit. […] Ce sont des cœurs d’ange avec l’esprit d’une académie, sauf les liaisons. […] L’opiniâtreté des poursuites, l’attitude du gouvernement qui s’était affermi, et une certaine lassitude naturelle à l’esprit humain avaient jeté beaucoup d’eau sur tout ce feu. […] Elle fait ce qu’elle peut pour avoir de l’esprit.

1894. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Je crois, en effet, que lorsque l’esprit crée, lorsqu’il donne l’effort que réclame la composition d’une œuvre ou la solution d’un problème, il n’y a pas sommeil ; — du moins la partie de l’esprit qui travaille n’est-elle pas la même que celle qui rêve ; celle-là poursuit, dans le subconscient, une recherche qui reste sans influence sur le rêve et qui ne se manifeste qu’au réveil. […] Quand, l’esprit plus ou moins préoccupé, nous déplions notre journal, ne nous arrive-t-il pas de tomber tout de suite sur un mot qui répond justement à notre préoccupation ? […] Nous percevons encore, nous nous souvenons encore, nous raisonnons encore : perceptions, souvenirs et raisonnements peuvent abonder chez le rêveur, car abondance, dans le domaine de l’esprit, ne signifie pas effort. […] Je suis dans la rue ; j’attends le tramway ; il ne saurait me toucher puisque je me tiens sur le trottoir : si, au moment où il me frôle, l’idée d’un danger possible me traverse l’esprit — que dis-je ? […] Explorer l’inconscient, travailler dans le sous-sol de l’esprit avec des méthodes spécialement appropriées, telle sera la tâche principale de la psychologie dans le siècle qui s’ouvre.

1895. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Et une belle éclosion vivace d’idées hardies et de rares images lui fleurissaient l’esprit. […] De là cette influence toujours continuée sur les esprits environnants. […] Respect aux esprits qui, dans la langue des prophètes, enseignent à l’humanité ses grands devoirs ! […] Je ne sais pas de plus grande joie que celle d’être approuvé par un esprit juste et ferme. […] Il exige, pour être entendu, une certaine application d’esprit.

1896. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Sont à l’esprit ce que les ministres sont aux rois. […] Nous sommes des esprits habitués à la précision. […] C’est une maladie de l’esprit. […] Il a mis son esprit au service de l’humanité. […] Il a corrompu l’esprit bien plus que la vie.

1897. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Et l’on se trouve bien de pratiquer ce qui est comme la probité du langage, car on en a plus de facilité pour sentir ce qui manque à l’esprit : on connaît mieux son faible, et il est plus aisé d’y remédier. […] Mais, insensiblement, le dégoût de la platitude obligera votre esprit à faire effort, à mieux diriger son activité, et l’amènera à tirer de soi quelque chose qui sera moins plat. […] Le xviiie  siècle, faussement classique, obéit à la lettre, méconnaissant l’esprit de la loi ; il outra la pruderie, et finit par soupçonner de trivialité tout ce qui gardait de la vérité. […] Les mots heurtent le front comme l’eau le récif : Ils fourmillent, ouvrant dans votre esprit pensif Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ; Comme en un âtre noir errent des étincelles, Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux, Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous : Les mots sont les passants mystérieux de l’âme… Et de même que l’homme est l’animal où vit L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée, C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée.

1898. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Ces petites phrases aux facettes bien taillées, aux arêtes droites, où la pensée est comme cristallisée, s’incrustent dans la mémoire au lieu de se fondre et de s’assimiler dans l’esprit. […] Rien ne paraît s’interposer entre l’esprit du lecteur et celui de l’écrivain, pour en gêner ou en rompre la communication ; il semble qu’on voie les choses mêmes, et non par l’intermédiaire des mots. […] Les débutants qui ont quelque vivacité d’esprit manquent souvent de précision ; ils écrivent facilement avec prolixité et éteignent la propriété des termes dans une abondance un peu trop fluide de paroles : la phrase n’est pas liée, ni arrêtée ; le dessin en est mou et le contour indécis. Cependant ce n’est pas là le défaut le plus commun dans les écoles et dans les lycées : les élèves, en général, y développent leur esprit en sens contraire de la nature ; ils y prennent des défauts qui ne sont pas de leur âge.

1899. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Delavigne, l’essor de la grande ambition littéraire, en ce qu’il peut avoir parfois de téméraire et de suprême, était arrêté en lui et comme limité par une sorte de réserve naturelle, qu’on peut louer ou blâmer, selon qu’on préfère dans les productions de l’esprit le goût qui circonscrit ou le génie qui entreprend, mais qui était une qualité aimable et gracieuse, et qui se traduisait en modestie dans son caractère et en prudence dans ses ouvrages. […] Alfred Nettement Casimir Delavigne a su rarement se dégager de cet esprit voltairien ou philosophique qui est devenu le moule de son esprit, et ce moule étroit a étouffé en lui l’inspiration poétique dont il avait reçu le germe. […] Jules Lemaître J’ai parcouru les œuvres de Casimir Delavigne avec la sympathie qu’on a pour les esprits sages, adroits, tempérés, surtout quand on s’est résigné à n’être tout au plus qu’un de ceux-là.

1900. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

En 1610, pendant que la société de Rambouillet prenait un heureux essor, la publication du ier   volume d’un roman nouveau fit événement dans le monde, et concourut puissamment à déterminer le changement de mœurs qu’amenait le cours des choses, en dirigeant les esprits vers un nouveau genre de la galanterie tout opposé à celui qui régnait en France, depuis François Ier. […] Il était célèbre dans le monde galant par sa beauté, ses grâces, son esprit et son tendre cœur. […] « Ces ouvrages, dit Huet, furent reçus du public avec un applaudissement infini, et principalement de ceux qui se distinguaient par la politesse et par la beauté de l’esprit. » Rien ne nous apprend comment le Ier volume du roman du marquis d’Urfé fut accueilli à l’hôtel de Rambouillet, ni si l’auteur s’introduisit dans cette société. […] Quand l’esprit dominant est de rejeter sans examen et sans discernement tout ce qui appartenait au parti vaincu dans les sciences, dans les lettres, dans les arts même, l’ignorance présomptueuse, les doctrines surannées et réduites à l’absurde, les témérités mille fois réprimées des imaginations sans frein et sans guide, les extravagances les plus révoltantes, ont le champ libre, peuvent se donner carrière, faire ligue, se produire mutuellement, et se soutenir par leurs efforts combinés.

1901. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Tandis que dans l’Occident tout penchait vers sa décadence, tandis que les malheurs de l’empire, les invasions des Barbares, le mélange des peuples, le despotisme ou l’incapacité des princes, la terreur des sujets, l’esprit d’esclavage, le contraste même de l’ancienne grandeur, qui ajoute toujours à la petitesse présente, corrompaient le goût, et rétrécissaient à la fois les esprits et les âmes, on vit paraître un homme né avec une imagination brillante et forte, et à qui, peut-être, pour avoir les plus grands talents, il ne manqua que d’être né dans un autre siècle : c’était Claudien. […] On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince. […] Cet assassinat de la part d’un lâche qui veut faire périr l’objet de sa haine, et qui n’ose le faire ouvertement, était bien digne de la cour de Byzance, où de tout temps l’esprit général fut un mélange de cruauté et de faiblesse.

1902. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

L’esprit des sectes et celui de l’indépendance passionnent alors tous les hommes. […] L’esprit a mille moyens ingénieux de répandre ainsi la diversité sur les détails nécessaires. […] Voltaire a donc très bien fait de séparer ces deux choses, et ce devait être l’esprit de son sujet. […] « Voyez, nymphes, quels nobles esprits votre Tage enfante ! […] L’esprit se rebute s’il n’est retenu par un enchaînement d’objets divers qui captivent sa légèreté.

1903. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Napoléon n’avait pas pour habitude d’assembler de ces sortes de conseils, dans lesquels un esprit incertain cherche, sans les trouver, des résolutions qu’il ne sait pas prendre lui-même. […] Toutes ces qualités, si rares dans un même esprit, M.  […] Nous l’avouons, et cependant nous l’avouons par une condescendance de notre esprit plutôt que nous ne le sentons en lisant ce livre. […] Car, le style, qu’est-ce autre chose que le moyen de communiquer l’objet à l’œil de l’esprit ? […] S’il y a un droit divin dans la supériorité d’esprit et de caractère d’un homme de génie, Napoléon, dans cette histoire, apparaît, plus que partout ailleurs, marqué de ce signe du commandement.

1904. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Zeus, dans sa gloire, apparaîtra à Io redevenue femme, et il apaisera son esprit. […] La convulsion me ressaisit, la démence remonte à mon esprit ! […] » La Grèce avait hérité de ce libre esprit. […] Sans doute, Eschyle n’avait pas la conscience lucide des intuitions qui traversaient son esprit. […] Les personnages de ces peintures formidables semblent pourtant de sa famille, et visités par le même Esprit.

1905. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Paul Albert par esprit de contradiction, et M. Taine par esprit de système. […] Comme la plupart des défauts de Marivaux ne procèdent de rien autre chose que d’une transposition de l’esprit de conversation et de société dans le livre écrit et dans la pièce jouée, peu d’écrivains sont plus Français, et, tant qu’il y aura des salons, il ne faut pas douter qu’il y ait des gens d’esprit, de beaucoup d’esprit, — de bien plus d’esprit que de goût, — pour lui faire de ses défauts eux-mêmes autant de qualités. […] J’en conviens quant aux ouvrages d’esprit. […] Rien n’y fit ; il en fut pour ses frais d’esprit et d’impiété.

1906. (1874) Premiers lundis. Tome II « De l’expédition d’Afrique en 1830. Par M. E. d’Ault-Dumesnil, ex-officier d’ordonnance de M. de Bourmont. »

M. d’Ault-Dumesnil, attaché au général en chef par sa position et aussi par les sentiments de confraternité qui l’unissaient à ses fils, à celui qui mourut en Afrique en particulier, indépendant d’ailleurs d’esprit et de caractère, a été, dès le premier jour, à même d’observer l’expédition par le centre et du côté intérieur et dirigeant. […] Aucun témoignage, en effet, ne nous semble mériter plus de poids que celui de M. d’Ault, et par la situation intime de laquelle il a vu, et par l’esprit éclairé autant qu’attentif qu’il y a porté, et enfin par la véracité de sa parole. […] Ses idées là-dessus qui ajoutent un élément de plus, l’élément d’esprit et de vie aux pians d’ailleurs si judicieux du maréchal Clausel, méritent d’être méditées.

1907. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Hugues Rebell est un esprit délicat et avisé dont je n’aime presque jamais les conclusions, mais dont toutes les manifestations m’intéressent. […] Je crois que c’est bien un des esprits qui me sont le plus antipathiques — me fais-je comprendre ? […] L’ensemble est un peu trop voulu, littéraire, systématique, et l’on sent que l’écrivain met souvent ses métaphores vives au service de son esprit hésitant.

1908. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 241-244

Ce jeune prodige passa ensuite en Angleterre, où Cromwell le combla de bienfaits ; chose étonnante de la part d’un sombre esprit & d’une ame aussi farouche que celle de ce Tyran d’Angleterre ; il alla en Perse, où les Muses ne le suivirent pas sans doute, car il n’a plus rien produit depuis. […] Loret dit dans sa Gazette, en assez mauvais langage, en parlant de ce jeune Poëte : Je crois, quand Apollon eût épousé Minerve, Qu’ils n’eussent pu tous deux faire un si bel Esprit. […] Le quatrieme, sur-tout, annonce un Ecrivain qui connoît les sources de la persuasion, & qui sait profiter de la dextérité de son esprit, pour tourner contre eux-mêmes les armes de ses Adversaires.

1909. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

Malheur à ceux qui n’ont d’esprit qu’autant que la bile fermente dans leur estomac ! L’esprit qui naît des passions déréglées, ne peut que s’égarer. […] Il y a toute apparence que cette sorte d’esprit étoit le seul partage de M. de la Grange.

1910. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

C’est que l’art naît, ne peut naître que dans l’esprit : l’idée, la conception avant tout. […] À quelques exceptions près, elle est encore populaire et conforme à l’esprit du peuple au milieu duquel elle naît. […] Ils n’avaient pas l’esprit aussi tourmenté de logique. […] Aussi écrira-t-il ses vers, par esprit de contradiction ou par humilité, plus prosaïques que sa prose. […] Pour l’art dramatique en esprit de foi. » Telle fut leur devise.

1911. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Arrêtez à la surface de l’œil une image, que l’impression n’en passe ni à l’esprit ni au cœur, et elle n’aura plus rien de beau. […] … et je demeurais absorbé dans diverses spéculations entre lesquelles mon esprit était balancé, sans trouver d’ancre qui me fixât. […] Il y a dans la poésie toujours un peu de mensonge ; l’esprit philosophique nous habitue à le discerner, et adieu l’illusion et l’effet. […] Il y a du hazard aux échecs et à tous les autres jeux de l’esprit, et pourquoi n’y en aurait-il pas ? […] Tel peut-être veille comme un sot, et rêve comme un homme d’esprit.

1912. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

La connaissance des littératures étrangères, utile et féconde pour les esprits qui veulent juger, puisqu’elle leur fournit de nouveaux termes de comparaison, expose à de cruelles méprises les esprits qui prétendent produire. […] La maladie que je signale, le fléau contre lequel je prêche, n’ont pas atteint les esprits éminents de notre âge. […] Aux esprits de cette trempe je n’ai rien à dire. […] C’est une âme tendre, ce n’est pas un esprit curieux. […] Jamais l’imagination la plus riche, l’esprit le plus exercé n’ont réussi à composer un tel tableau.

1913. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

« Au compte des indigènes, c’est toujours le curupira, l’homme sauvage, l’esprit de la forêt, qui produit tous les bruits qu’ils ne savent pas s’expliquer. […] « Aussi, ne pouvons-nous les concevoir séparés, que par une violence faite à la nature des choses, que par l’abstraction, tout artificielle, de l’esprit du sein de la matière qui le supporte ; que par une séparation fictive de la matière d’avec l’esprit qui la vivifie. […] Mais, avouables, évidents l’un et l’autre au sens intime, dans le fait substantiel de leur être, ils sont aussi insaisissables, aussi indéfinissables l’un que l’autre, dans leur état primitif ou essentiel ; tellement que nous ne savons les définir que par opposition l’un à l’autre : La matière, disons-nous, est l’opposé de l’esprit, l’esprit est l’opposé de la matière. […] Moi, je suis persuadé qu’elle est distincte de Dieu ; Et qu’il agit sur les mondes par l’action double de l’esprit et de la matière. […] Il n’a pas besoin d’en savoir davantage ; son âme est satisfaite, son esprit est en repos.

1914. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Le génie de la sculpture étrusque, mystère dans son passé, mystère à sa renaissance, apparaissait au monde comme un phénomène de l’esprit humain qui ne sera jamais expliqué. […] Cet exil, qui reposait sa main et cultivait son esprit, cessa par un retour de fortune des Médicis rentrés à Florence. […] Jamais l’esprit de la Bible ne prit un corps plus imposant dans un bloc de pierre. […] L’absence d’idée fondamentale et créatrice et le désordre d’idées incohérentes semblaient par ses aberrations mêmes y grandir l’esprit humain. […] C’est le moment de sa vie où le dégoût de l’esprit de parti et l’horreur des compétitions de pouvoir entre les Médicis et leurs rivaux le rejetèrent de plus en plus dans la pure passion de la liberté républicaine.

1915. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

La délicatesse est le symptôme de l’esprit. […] S’il y a à dire, c’est plutôt à l’esprit d’unité intérieure et à l’enchaînement des idées. […] La curiosité est aussi une passion de l’esprit ; mais, quand on y joint une passion du cœur, alors on emporte tout. […] Traité partout d’esprit romanesque, honteux du rôle que je jouais, dégoûté de plus en plus des choses et des hommes, je pris le parti de me retirer dans un faubourg pour y vivre totalement ignoré. […] J’étais plein de religion, et je raisonnais en impie ; mon cœur aimait Dieu, et mon esprit le méconnaissait ; ma conduite, mes discours, mes sentiments, mes pensées n’étaient que contradiction, ténèbres, mensonges.

1916. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

D’esprit plus libre, d’ailleurs, que les poètes de la Pléiade, Horace fut, à tort ou à raison, ce que nous appellerions aujourd’hui un enragé moderniste. […] Leur disposition d’esprit est radicalement anti-chrétienne. […] Le pessimisme absolu, quand il est moins une perversion de l’esprit qu’un état du système nerveux, peut être grand créateur de rêves. […] C’est elle qui lui a conseillé de s’en tenir presque toujours à des monographies d’esprits. […] Du petit jardin de son cloître, sœur Marie-Bernard retourne en esprit dans Lourdes transformée.

1917. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

est encore le mot qui revient le plus naturellement sur elle après cette lecture ; mais il faut ajouter aussitôt : jugement droit et net, excellent esprit, langue encore excellente. […] Un véritable citoyen servira sa patrie de son mieux par son esprit et par ses talents, mais n’ira pas écrire sur le pacte social pour nous faire suspecter la légitimité des gouvernements et nous accabler du poids des chaînes que nous n’avions pas encore senties. […] Mais, entre nous soit dit, il doit nous être assez agréable de voir les tyrans de nos opinions se détruire par les mêmes arguments qu’ils ont employés pour subjuguer nos esprits. […] Avouez, ma chère enfant, qu’il n’y a que notre très cher et bon abbé qui se soit garanti de leur venin : c’est qu’il n’a sa supériorité que pour lui, son bel esprit que pour nous, et son bon esprit pour tout le monde. […] Mais, pour peu qu’on entre dans l’esprit de cette correspondance, on ne tarde pas, avec les deux femmes distinguées dont il entretient et resserre l’union, à apprécier à sa valeur cet ami essentiel, ce caractère uni et sûr, complaisant sans bassesse, agréable et serviable sans flatterie.

1918. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Mais de telles discussions, quelles qu’en soient les chances, honorent les esprits ornés et les âmes innocentes qui s’y complaisent et s’y renferment. […] Il avait naturellement la joie de l’esprit et celle de l’humeur ; il fallait qu’il eût bien fort la gravelle pour être triste, tout comme Horace qui est heureux partout, à moins que la pituite ne s’en mêle : Nisi cum pituita molesta est. […] A Mulhouse, alors ville suisse dépendant du canton de Bâle, il prend un plaisir infini à voir « la liberté et bonne police de cette nation. » Il en goûte l’esprit d’égalité. […] Ils sont glorieux, colères et ivrognes, mais ils ne sont du moins ni traîtres ni voleurs. » Il a l’esprit bien fait et prend les gens par ce qu’ils ont de bon. […] Toute fatigue d’esprit et de corps était loin de lui.

1919. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

C’était donc Balzac, Léon Gozlan, Jules Sandeau, Théophile Gautier, Méry, Mélesville ; — Forgues, que la nature a fait distingué et que la politique a laissé esprit libre ; Edouard Ourliac, d’une verve, d’un entrain si naturel, si communicatif, et qui devait finir par une conversion grave ; un italien réfugié, patriote et virtuose dans tous les arts, le comte Valentini, qui payait sa bienvenue en débitant d’une voix sonore et d’un riche accent le début de la Divine Comédie : Per me si va… C’était le médecin phrénologue Aussandon, qui signait Minimus Lavater et qui avait la carrure d’un Hercule ; Laurent-Jan, esprit singulier, tout en saillies pétillantes et mousseuses ; le marquis de Chennevières, esprit poétique et délicat, qui admire avec passion, qui écoute avec finesse ; — nommerai-je, parmi les plus anciens, Lassailly l’excentrique, qui, même en son bon temps, frisait déjà l’extravagance, qui ne la séparait pas dans sa pensée de la poésie, et qui me remercia un jour très sincèrement pour l’avoir appelé Thymbræus Apollo ? […] Grandville, le fabuliste du crayon, l’auteur avec Forgues des Petites Misères de la vie humaine, et qui n’avait de l’esprit que dans ses croquis, n’était pas non plus des habitués. […] Que se passa-t-il dans l’esprit de Gavarni ? […] Encore une fois, que se passa-t-il dans l’esprit de l’artiste ? […] Que d’esprit et de goût pittoresque dans la manière dont tous les actes de ce petit drame sont coupés, divisés par compartiments, présentés gaiement au regard !

1920. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Il suivait presque indifféremment telle ou telle de ses veines ; il ne se rendait nullement compte de la disproportion prodigieuse que mettrait la postérité et que mettaient déjà ses contemporains entre les différentes productions de son esprit. […] Saint-Évremond, qui est avec La Rochefoucauld l’esprit le plus philosophique de son temps, en faisait ses délices. Jugeant en parfaite connaissance de cause les écrivains espagnols, Saint-Évremond disait : « Il y a peut-être autant d’esprit dans les autres ouvrages des auteurs de cette nation que dans les nôtres ; mais c’est un esprit qui ne me satisfait pas, à la réserve de celui de Cervantes en Don Quichotte, que je puis lire toute ma vie sans en être dégoûté un seul moment. […] Aujourd’hui la disposition des esprits est autre, et l’inconvénient serait plutôt dans un autre sens. […] Semblables aux enfants, les peuples rirent et se rassurèrent… » Cela paraît assurément fort exagéré, quoique cette exagération, à propos d’un chef-d’œuvre de l’esprit, ne déplaise pas absolument.

1921. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je ne sais ce qui lui roule dans l’esprit, il ne s’en ouvre pas tout à fait, et il est très agité. […] Je date de cette époque le sérieux auquel elle dut s’efforcer de plier son aimable esprit. […] Dans la disposition détestable des esprits, on n’avait guère de choix qu’entre cette explosion pleine de scandale et un assoupissement vénéneux et sourd, ouvert aux rumeurs malignes. […] (Beauvau), être de l’opposition et ne rendre rien, c’est ce qu’on appelle avoir de l’esprit et du courage. […] L’idée de quitter son poste, ce poste d’honneur et de danger à côté du roi, ne lui entre pas un seul instant dans l’esprit : elle rougirait de honte à une telle pensée et se croirait l’indigne fille de sa magnanime mère.

1922. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Ce guerrier, si véritablement guerrier par le courage, par l’esprit de discipline, par l’entente des opérations et la science consommée du détail, n’était pas nécessairement destiné à l’être. […] laissons Saint Simon parler et peindre : « De l’esprit, dit-il, dans son admirable et brûlant croquis de La Feuillade, une grande valeur, une plus grande audace, une pointe de folie gouvernée toutefois par l’ambition, et la probité et son contraire fort à la main, avec une flatterie et une bassesse insignes pour le roi, firent sa fortune et le rendirent un personnage à la Cour, craint des ministres et surtout aux couteaux continuels avec M. de Louvois. ». […] Il y avait auprès du duc de Mantoue un chargé d’affaires de Louis XIV, fort sage, fort entendu, l’abbé Morel, un « parfaitement bon esprit » ; pourtant on ne se fia pas à lui d’abord pour traiter et trancher des questions plus militaires que politiques ; Catinat eut ordre d’aller en personne à Mantoue pour forcer la main le plus doucement possible au duc et tirer de lui plus qu’il n’avait été convenu. […] Il y a de l’esprit et de la fermeté dans leurs sentiments. […] Le gouverneur et commandant des troupes du duc, le marquis de Gonzague, est un homme d’esprit et qui ne se laisse pas jouer.

1923. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

On aurait tort de croire qu’il y a faiblesse et perte d’esprit à regretter ces agréments envolés, ces fleurs qui n’ont pu naître, ce semble, qu’à l’extrême saison d’une société aujourd’hui détruite. […] Un jour pourtant, l’auteur, cédant à un mouvement de confiance qui lui faisait lever sa barrière idéale, proposa à un ami d’arranger une lecture devant un petit nombre de personnes : cette offre, jetée en avant, ne fut pas relevée ; on lui croyait sans peine un esprit agréable, mais non pas un talent d’écrivain. […] Mme de Souza est un esprit, un talent qui se rattache tout à fait au dix-huitième siècle. […] Mme de Souza est morte à Paris le 16 avril 1836, conservant jusqu’à son dernier moment toute la bienséance de son esprit et l’indulgence de son sourire. — On trouvera dans un volume publié depuis peu (1863), par M. […] Cette affiche et cette affectation de moralité particulière à notre dix-neuvième siècle étaient loin de son esprit nourri et formé dans le dix-huitième.

1924. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Son esprit est un chaos de souvenirs et de réminiscences, une cohue de notes rassemblées au hasard des lectures rapides. […] Je préfère être vrai et, franchement, je crois que c’est leur impuissance créatrice qui entraîne ces esprits à se développer en grâce fine et sournoise. […] Je le hais, ce Mirbeau, qui me force à admirer la puissance de son esprit et à mépriser l’ignominie de son âme. […] Sa grosse gaieté se retient, se mord les lèvres, s’ingénie à paraître l’esprit le plus fin, la pensée la plus profonde, la poésie la plus parfumée. […] « Trahi dans son esprit », le nouveau Christ se met bougrement en colère.

1925. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Boileau a dit qu’il y avait chez elle de la bizarrerie d’esprit. […] Pour admirer, il lui suffit qu’il y ait de l’esprit, de l’habileté, de l’éclat, et une appropriation heureuse aux circonstances et à la société du moment. […] Chaque grande époque produit de ces esprits qui sont faits avant tout pour la servir, qui s’en enflamment, qui s’en enivrent, et qui ne datent que d’elle en quelque sorte. […] Racine, plus contenu et plus ironique, félicita Perrault de son tour de force, en lui disant qu’on voyait bien qu’il n’avait voulu, par ce jeu d’esprit, que rendre parfaitement le contraire de ce qu’il pensait. […] La Renaissance avait produit son effet ; elle avait inondé et pénétré toutes les branches de l’esprit ; elle les avait même encombrées.

1926. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Dorénavant les psychologues, n’ayant pas l’esprit prévenu par des questions préconçues, cesseraient de mutiler ou défigurer les faits, et en donneraient des descriptions complètes et exactes. […] Ce dernier cours, noté au vol et rédigé par un esprit précis71, surpasse de beaucoup tous les autres. […] Jouffroy causait dans une chambre, devant vingt personnes, presque tous gens d’esprit. […] Elle exprime seulement que l’esprit s’étant porté vers la pêche revient avec elle vers lui-même. […] Un homme d’esprit, votre unique successeur, a passé sa vie à en distinguer vingt-cinq ou trente, à compter les trente ou quarante inclinations primitives, à démêler en nous l’instinct de monter sur les lieux élevés.

1927. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

La différence profonde qui, dans le sentiment de Rancé et d’après l’institution rigoureuse de l’Église, devait distinguer les moines proprement dits d’avec le corps du clergé séculier, s’effaçait de plus en plus dans les esprits et n’était plus parfaitement comprise, même des estimables Sainte-Marthe, même des vénérables Mabillon. […] Cet abbé Nicaise, que Rancé avait connu durant son voyage de Rome, était, comme on sait, le plus infatigable écriveur de lettres, le nouvelliste par excellence et l’entremetteur officieux entre les savants de tous les pays ; c’était un Brossette avec beaucoup plus d’esprit et de variété ; il ne résistait pas à l’idée de connaître un homme célèbre et d’entretenir commerce avec lui. […] Si les esprits malins croyaient remarquer quelque contradiction entre cette première lettre et celle de septembre suivant, dans laquelle on donne à l’abbé Nicaise quelques notes et renseignements à l’avantage de la Trappe, il est bon de savoir (ce que M.  […] Cependant, comme il est difficile de se voir peint en beau sans en prendre quelque complaisance, j’appréhende avec raison que je n’y en aie pris plus qu’il n’appartient à un mort, et que vous n’ayez en cela donné une nouvelle vie à mon orgueil et à ma vanité, et je vous en dis ma coulpe. » Voilà qui est de l’homme d’esprit resté tel sous le froc, de celui dont Nicole disait qu’il avait un style de qualité. […] Il y a un endroit qui m’a paru un charmant exemple de ce qu’on peut appeler l’euphémisme chrétien  : il s’agit de la mort, comme toujours ; mais Rancé évite d’en prononcer le nom, tout en y voulant tourner et comme apprivoiser l’esprit un peu faible de son ami, qui est vieux et, de plus, malade en ce moment.

1928. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Les tortures de la passion, les férocités et les lâchetés sociales, les âpres sanglots du désespoir, l’ironie et le dédain, tout se mêle avec force et harmonie dans ce cauchemar dantesque troué çà et là de lumineuses issues par où l’esprit s’envole vers la paix et la joie idéales. Le choix et l’agencement des mots, le mouvement général et le style, tout concorde à l’effet produit, laissant à la fois dans l’esprit la vision de choses effrayantes et mystérieuses, dans l’oreille exercée comme une vibration multiple et savamment combinée de métaux sonores et précieux, et dans les yeux de splendides couleurs. […] Il leur faudrait chercher longtemps et beaucoup pour être simples… Baudelaire avait un esprit ainsi fait, et, là où la critique a voulu voir le travail, l’effort, l’outrance et le parti pris, il n’y avait que le libre et facile épanouissement d’une individualité. […] Léon Dierx Dans le jardin fermé dès l’innocent outrage L’arbre ancestral étend ses bras insidieux, Et le poète au cœur profond, peuplé de dieux, En esprit rôde auprès du ténébreux ombrage. […] Et, les seins dans les mains, devant lui qui sourit, Se touchent, rose essor et chair de son esprit Remords voluptueux qui tord ses yeux impies.

1929. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

» — La raison, dit-il encore42, produit des hommes d’esprit ; le sentiment fait les hommes de génie. […] Saint-Pavin, l’esprit fort, le poète, l’ami de Ninon, trace de lui-même ce portrait peu flatté 49 : Mon teint est jaune et safrané, De la couleur d’un vieux damné, Pour le moins qui le doit bien estre Ou je ne sçay pas m’y connoistre. […] Les choses de la matière, pour parler avec Molière, agissent souvent Sur les productions d’esprit et de lumière, et l’historien n’a pas le droit de dédaigner, comme faisaient les Femmes Savantes, la partie animale si intimement liée à la partie spirituelle. […] Les esprits étaient obsédés d’images lugubres, de pensées effrayantes. […] Il faut alors à l’esprit des mets épicés ou faisandés.

1930. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

D’abord tout bas, pour que l’on comprenne leur pensée ; car la plupart d’entre nous, par l’effet de l’habitude, ne comprennent guère qu’à moitié ce qu’ils lisent tout haut ; ensuite à haute voix, pour que l’oreille se rende compte du nombre et de l’harmonie, sans que, cette fois, l’esprit laisse échapper le sens, puisqu’il s’en sera préalablement rempli. […] Un grand plaisir, difficile pour la plupart et pour moi du moins, avec les prosateurs, très facile avec les poètes, est, non plus de lire, mais de réciter de mémoire les morceaux qui se sont fixés dans notre esprit et que nous chérissons de dilection particulière. […] De même dans le Jean Sévère de Victor Hugo : Un discours de cette espèce, Sortant de mon hiatus, Prouve que la langue épaisse, Ne rend pas l’esprit obtus. Le texte est : « Ne fait pas l’esprit obtus », qui est le mot nécessaire. […] Je me suis toujours récité à moi-même la fin du Semeur de la façon suivante : L’ombre où se mêle une lueur, Semble élargir jusqu’aux étoiles Le geste auguste du semeur, C’est le sublustri noctis in umbra que j’avais dans l’esprit, qui me faisait altérer ainsi le vers de Victor Hugo.

1931. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Cette observation doit toujours être présente à l’esprit du lecteur : sans cela je pourrais courir le risque de passer pour un homme que la trop grande préoccupation de certaines idées jette dans le paradoxe et dans l’exagération. […] Nous nous sommes donc trouvés de suite dans un double esprit d’opposition. […] Alors aussi, et par suite du mouvement général de l’Europe, cette Italie, si une d’esprit et de mœurs, produira un troisième siècle littéraire dont il n’est pas facile d’apercevoir encore les éléments épars. […] Mais je demande si le Discours sur l’Histoire universelle est maintenant autre chose, pour un grand nombre, qu’une magnifique conception littéraire, une sorte d’épopée qui embrasse tous les temps et tous les lieux, et dont la fable, prise dans de vastes croyances, est une des plus belles données de l’esprit humain. […] Sans doute, dans tous les ouvrages de Bossuet, l’esprit resterait étonné par un style vif, énergique et pittoresque ; par la grandeur des images et la hardiesse des figures ; par ce quelque chose de rude et de heurté d’un fier génie pour qui la faible langue des hommes est une condescendance de la pensée, car le feu de sa pensée, à lui, s’allume dans une sphère plus élevée.

1932. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Il ne peut y avoir parmi eux de ces esprits investigateurs qui marchent à la tête des destinées humaines. […] Cet esprit d’indépendance à dû nuire immensément à la religion. […] Il en est résulté néanmoins un grand trouble dans les esprits ; c’est celui que nous avons cru devoir peindre comme tous les autres symptômes de l’époque actuelle. […] En un mot, les liens de la parole ont été jusqu’à présent une des limites de la liberté de l’homme ; et l’émancipation de la pensée par l’affranchissement des liens de la parole est une des prérogatives de l’âge présent de l’esprit humain. […] Ces néophiles, ainsi égarés, ne peuvent prêter à leurs opinions que la lumière de leur esprit, sans y ajouter l’autorité d’une raison supérieure.

1933. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

— comme quelque chose de donné… comme une étoffe qu’il fallait travailler, et c’est ainsi que l’esprit devient matière sous ses mains !   […] Charles Asselineau, dans une introduction aux Odelettes, où un esprit très fin cherche à justifier ses préférences, dit que, malgré quinze ans d’étude, Théodore de Banville produit toujours sur le public l’effet d’un jeune homme qui promet. […] C’est un esprit moins puissant qu’élevé et délicat, et il ne se formalisera pas de l’épithète. […] Dans l’esprit comme dans le cœur de l’homme, il y a souvent le mystère des développements inattendus ! […] à moitié vides ou tout à fait vides, comme l’autre harmonica, ne peuvent pas constituer cette chose émue et puissante, intimement puissante, qui s’appelle un livre de poésie pour les esprits mâles et bien faits, même quand toutes les pièces du recueil ressembleraient à celle que nous venons de signaler, quand toutes seraient d’un timbre aussi mélodieux et aussi pur !

1934. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Tout passe avec de l’esprit. […] Il eut aussi un rêve de grandeur française qui ne fut pas d’un esprit sain, mais qui ne fut pas non plus d’un esprit médiocre. […] Je les connaissais tous, les pauvres chers esprits, je les aimais, je les aime encore. […] « N’a pas de l’esprit qui veut !  […] Les Quatre Vents de l’Esprit. — 1881.

1935. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

À toutes les époques, sans doute, des personnes du sexe, nées la plupart dans des conditions de loisir où la culture de l’esprit est facile, avaient attiré l’attention par des romans, des lettres, des poésies, des livres d’éducation.  […] Or, voici que depuis trois ans environ, depuis que, d’une part, le bon ton rangé et le vernis moral de la Restauration ont disparu, et que, d’autre part, le Saint-Simonisme a fait entendre ses cris d’émancipation et ses appels multipliés, voici que l’esprit d’indépendance a remué les femmes comme le reste, et qu’une multitude d’entre elles prenant la  parole, dans des journaux, dans des livres de contes, dans de longs romans, sont en train de confesser leurs peines, de réclamer une part de destinée plus égale, et de plaider contre la société. […] De quelque manière qu’on veuille interpréter ces symptômes évidents, qu’on y voie, comme les plus illuminés semblent le croire, l’annonce de je ne sais quelle femme miraculeuse destinée à tout pacifier ; qu’on y voie simplement, comme certains esprits plus positifs, la nécessité de réformer trois ou quatre articles du Code civil, nous pensons qu’il doit y avoir sous ce singulier phénomène littéraire une indication sociale assez grave ; nous aimons surtout à y voir un noble effort de la femme pour entrer en partage intellectuel plus égal avec l’homme, pour manier toutes sortes d’idées et s’exprimer au besoin en sérieux langage. […] Nous avons essayé autrefois de caractériser le genre de mérite et d’intérêt de ce premier ouvrage, mais sans faire assez ressortir peut-être l’inspiration philosophique et l’esprit de révolte contre la société qui perçait en maint endroit ; ce même esprit, qui ne s’était montré dans Valentine que sous des nuances moins directes et plus distrayantes, vient d’éclater avec toute son énergie et sa plénitude dans Lélia, roman lyrique et philosophique.

1936. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Et quant à la direction morale à indiquer aux travaux de l’esprit, il suffirait peut-être d’une fondation annuelle par laquelle on proposerait des sujets à traiter soit pour la poésie, soit pour la prose, des sujets nationaux, actuels, pas trop curieux ni trop érudits, mais conformes à la vie et aux instincts de la société moderne. […] A un ordre social nouveau il faut des fondations nouvelles et qui en reçoivent l’esprit. […] On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) ! […] Si l’on est honnête, on garde, même dans les vivacités de cet âge, des réserves et des égards : on ne s’attaque dans les adversaires qu’aux travers de l’esprit, non à des ridicules extérieurs ou futiles que le plus souvent on serait réduit à inventer ; on s’abstient de la calomnie, cette chose odieuse ; du mensonge, cette chose honteuse ! […] Et là où il est le mieux et où il a dressé sa tente, là où le débouché lui est ouvert, dans cette consommation et cette prodigalité d’esprit de chaque jour, quel travail de Danaïdes, s’il y réfléchit !

1937. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand vous avez écrit, comme philosophe hégélien, une Méditation sur le drame comique, vos premières et vos dernières lignes ont clairement eu pour but de rassurer sur le compte de votre orthodoxie nos esprits qui prenaient l’alarme ; ce but, elles l’ont atteint, bien qu’assez gauchement, à l’aide de quelques phrases d’ironie qui, sans transition, ont précédé toute une exposition sérieuse, puis d’autres qui lui ont succédé — sans transition. […] elle en est si sûre que, dérogeant une fois, par une exception heureuse, à sa largeur d’esprit et à sa réserve habituelles, elle a indiqué d’avance et imposé sa solution avec la question. […] Nous n’admettons pas que vous puissiez avoir l’âme assez basse, l’esprit assez court pour en rester à la doctrine de l’école historique. […] Je ne trouve pas que nous ayons l’esprit trop large, ni l’intelligence trop ouverte. […] Vous voyez, mon cher lecteur, que je ne résous rien, et que je ne me mêle pas de concilier les délicatesses du sentiment littéraire avec la magnifique tolérance de l’esprit historique.

1938. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

En face du robuste Tourangeau, l’âpre Picard, disputeur et irritable : un esprit sec, fort, précis, raidement rectiligne, un tempérament froid, de ceux où bouillonnent en dedans les terribles colères. […] Mais surtout elle l’obligea, une fois retiré à Bâle, à mettre par écrit la confession de sa nouvelle foi, arrêtée dans cet esprit avide de clarté : il rédigea en latin l’Institution chrétienne. […] Mais surtout la méthode de l’Institution est l’expression même de l’esprit de la Renaissance, en tant qu’il se caractérise par la découverte de l’homme et par le culte de l’antiquité. […] Depuis Cicéron et Sénèque, depuis Épictète et Sénèque on n’avait jamais écrit sur l’homme avec autant d’ampleur et de précision : ce que l’esprit français enrichi par l’éducation classique fera excellemment, la description des traits généraux de l’homme moral, je le trouve dans Calvin, qui se place ainsi aux sources mêmes du génie classique. […] Il meurt en 1564 ; ce fut un homme de vie pure, de grand esprit, d’une sincérité absolue, qui, s’unissant à sa logique, le fit dur.

1939. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Il toucha du premier coup sur son instrument des cordes de jeunesse, de sensibilité d’esprit, d’ironie de cœur, qui se moquaient hardiment de nous et du monde. […] Tant de dons précieux, un esprit si fin, un tact si délicat, une fantaisie si mobile et si riche, une gloire si précoce, un si soudain épanouissement de beauté et de génie, et au même instant les angoisses, le dégoût, les larmes et les cris ! […] L’invention chez lui n’était pas des plus fortes ; vous retrouvez dans toutes ses œuvres les traces de bien des auteurs, Shakespeare, Byron, Calderon, Schiller, puis Boccace, La Fontaine, Régnier, Ronsard, Marivaux, Béranger et tous nos vieux conteurs ; ce qui faisait dire à une femme d’esprit : Quand je lis M. de Musset , je crois toujours avoir lu cela quelque part. Mais ces traces-là chez lui sont enveloppées de tant de grâce, d’esprit et de désinvolture, qu’on se croit en présence de créations propres à l’auteur. […] Et si l’on constate enfin qu’il a été l’un des hommes les plus impressionnables de ce temps et un des plus spirituels ; qu’il a été le plus sincère des écrivains, et le plus gracieux ; — qu’il nous prend à la fois par le charmé aisé d’un esprit de pure lignée française et par la profondeur et la vérité du sentiment et de la passion… ; il me semble qu’il ne restera plus rien à faire qu’à le relire.

1940. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

On y trouve un écrivain dont les grands talens doivent faire oublier ses Lettres du chevalier d’Her… ses comédies peu théâtrales, son Apologie des tourbillons de Descartes & les Essais informes qu’il a faits dans les genres de Lucien & de Théocrite ; plus heureux dans ceux de Quinault & de Bacon, & surtout dans la géométrie ; faisant aimer les sciences les plus abstraites ; réunissant la subtilité du raisonnement à un stile qui lui est particulier & qui a fait beaucoup de mauvais imitateurs ; ayant plus d’esprit que de génie, & plus de délicatesse que d’invention ; placé sous deux règnes pour mériter l’estime de deux siècles, & par la variété de ses connoissances, & par la singularité de son ame toujours paisible, modérée, égale, inaccessible aux mouvemens inquiets ou violens, qui rendent les autres hommes malheureux ; fait, en un mot, pour les agrémens & les délices de la société, mais non pour être l’exemple des belles ames, des cœurs sensibles & reconnoissans. […] Du Marsais prouve qu’attribuer les oracles au malins esprits, n’est pas une vérité fondée sur la tradition ; que les prêtres, pour tromper le peuple, se servoient de statues creuses ; que ce n’est point affoiblir, mais confirmer la gloire de Jésus-Christ, que de réduire les oracles à des causes naturelles ; que les permissions particulières accordées au démons, suivant le témoignage de l’écriture, ne donnent pas droit d’en supposer d’autres ; que ce prodige n’étoit pas nécessaire à l’établissement du christianisme ; qu’admettre de faux miracles, ce seroit, s’il étoit possible, rendre suspects les véritables. […] Peut-être cet académicien célèbre, d’un esprit si juste, si délicat, si profond, si enchanteur & qui s’étendoit à tout, n’eut-il pas mieux fait, s’il eut écrit lui-même pour sa propre défense. […] Quatre femmes se sont partagées la succession de Fontenelle ; une cinquième a été son exécutrice testamentaire : aussi n’a-t-on pas manqué de dire que jusques dans ses dernières dispositions, il avoit conservé son esprit de galanterie. […] « C’est le nigaud le plus spirituel, & l’homme d’esprit le plus nigaud que je connoisse. » Mais on condamne, dans Dumarsais, les scènes d’irréligion qu’il donna plus d’une fois.

1941. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

On dit, et peut-être avec raison, qu’il n’y a pas un homme au monde qui ait fait de son esprit le plus grand usage possible ; on peut dire, et peut-être avec encore plus de fondement, qu’il n’y a pas un écrivain qui, dans ses ouvrages, montre à ses lecteurs l’esprit qu’il a : les uns font parade de l’esprit d’autrui, les autres tiennent le leur contraint et captif ; ceux-là n’ont d’avis sur rien, ceux-ci n’osent dire le leur. […] Il faut avoir connu comme moi Rousseau pour voir à quel point la hardiesse de braver tout a donné l’essor à son esprit : je l’ai vu il y a vingt ans (en 1762), circonspect, timide et presque flatteur ; ce qu’il écrivait pour lors était médiocre. […] Il n’y a pas grand mal à cela ; mais où j’en trouve davantage, c’est que tant d’esprit, de lumières, de vie et de chaleur, soit dépensé presque en pure perte, pour considérer l’homme dans des états d’abstraction, dans des états métaphysiques où il ne fut et ne sera jamais, et non l’homme tel qu’il est dans la société.

1942. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

C’est la gloire des gens d’esprit et leur vengeance. […] Il la jetait dans ces feuilletons, qui ne durent qu’un jour, et qui sont toujours un peu la fenêtre par laquelle on jette l’argent de son esprit à cette bête de foule, qui ne le ramasse même pas ! […] Tel est le plan de l’ouvrage, tel est le demi-cercle, comme on dit en escrime, dans lequel l’auteur des Deux Masques a vigoureusement ramassé tout l’art dramatique de l’esprit humain. […] Ce livre d’Édelestand du Méril, écrit particulièrement par le savant qui étouffait en lui l’homme d’imagination et d’esprit, mais qui ne put jamais le tuer, tant il était vivace ! […] Quoique l’auteur n’ait pas inventé le sujet de son livre, et que les idées lui en aient été inspirées par ces chefs-d’œuvre dramatiques de l’esprit humain dont il fait l’analyse et raconte l’histoire, il met dans cette histoire et dans cette analyse une telle profondeur de sentiment et une telle richesse de coloris, qu’analyser et raconter ainsi, c’est presque aussi rare et aussi glorieux que de créer…· Positivement, le livre de Saint-Victor est une création.

1943. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Ou il fallait condenser l’esprit des choses dans un miroir ardent de réflexions et d’images qui nous les eût renvoyées en quelques tout-puissants rayons, ou il fallait nous montrer les choses elles-mêmes, sans omission et sans superficialité. […] Et cependant, quand on écrit l’histoire de la Satire, fût-ce en France, fût-ce au Moyen Âge, c’est-à-dire, après tout, dans un assez chétif fragment de l’espace et du temps, on n’écrit pas moins que l’histoire de l’esprit humain, — et de l’esprit humain par son côté le plus varié, le plus profond, le plus mystérieux, car le rire est plus difficile à expliquer que les larmes, dont la source est si large en nous qu’on n’a pas besoin de la chercher ! […] Elle y est restée et elle y règne sur la plupart des esprits. […] Lenient s’appelle légion, quoiqu’il n’ait pas l’esprit de plusieurs diables, ni même d’un seul.

1944. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

L’accroissement de la personnalité qui s’en va monstrueux, la rage universelle de jouir, et tout de suite, encore, enfin l’activité de l’esprit aiguillonnée, exaspérée par cette rage de jouir, voilà ce que ne saurait diminuer, apaiser ou contenir la philosophie un peu vieillotte, maintenant pour ce faire, qu’on appelle proprement la philosophie française, celle-là qui sortit de Descartes, — lequel, lui, ne sut jamais sortir de lui-même, — qui fit un jour sa grande fredaine de Locke, mais qui s’en est repentie quand elle fut sur l’Âge, plus morale en cela qu’une de ses amies, la grand-mère de Béranger. […] Saisset et comme je le crois, la question de la personnalité divine ; si, au terme où est arrivé l’esprit humain, il faut, de rigueur, être pour l’homme-Dieu tel que la religion de Jésus-Christ nous l’enseigne, ou pour le Dieu-homme tel que l’établit M.  […] … Le livre d’aujourd’hui est divisé en deux parties : la première est l’histoire discursive et critique des philosophes antérieurs et contemporains et de leurs systèmes, Descartes, Mallebranche, Spinosa, Newton, Leibnitz, Kant, Fichte, Schelling et Hegel, et dans un temps où la philosophie n’est plus que l’histoire de la philosophie, cette partie du livre, dans laquelle il y a l’habitude des matières traitées qui singe assez bien le talent, se recommande par l’intérêt d’une discussion menée grand train et avec aisance ; mais d’importance de sujet, elle est bien inférieure à cette seconde partie où l’esprit s’attend à trouver contre toutes les erreurs et les extravagances signalées par l’auteur dans toutes les philosophies, un boulevard doctrinal solide, et s’achoppe assez tristement contre ces infiniment petits philosophiques : — le déisme de la psychologie et ses conséquences inductives et probables, ce déisme dont Bossuet disait, avec la péremptoire autorité de sa parole, « qu’il n’est qu’un athéisme déguisé !  […] Un esprit plus vigoureux que celui de M.  […] S’il était plus philosophe, il ne serait pas professeur… De plus, quand on vit eu intimité d’étude avec les grands esprits philosophiques, avec ces grands cerveaux, tous fausseurs ou corrupteurs, plus ou moins, de la tête humaine, si on leur arrache par la réflexion l’intégrité de sa pensée, on leur laisse de sa dignité par l’admiration qu’on ne leur arrache pas, et c’est ce qui est arrivé à M. 

1945. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

C’est cette morale enfin que certains esprits du dix-neuvième siècle professent encore aujourd’hui, en prenant la peine de la détacher adroitement de toute philosophie, comme elle était déjà détachée de toute religion. […] Tout système de philosophie a des complications qui n’entrent pas facilement dans l’esprit de l’homme, ou des parties tellement ridicules (Voyez comme exemple seulement, les Monades du grand et sage Leibnitz !) […] ce moralisme, positif et bon garçon, est la plus dangereuse erreur qu’il y ait pour le commun des hommes, parce qu’elle est de niveau avec eux et qu’elle entre, sans avoir même à : lever le pied, dans la majorité des esprits. […] … Une si jolie petite mécanique enfile l’esprit, comme une petite voiture, enfile une allée de jardin ! […] … Le nom même de Dieu, ce diable de vieux mot qui embarbouille l’esprit et nuit à sa clarté suprême, M. 

1946. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Le judaïsme et le christianisme, et par ce mot de christianisme entendez le catholicisme, — les idées protestantes étant tout ce qu’il y avait de plus antipathique à l’esprit de Heine, — le catholicisme donc et le judaïsme avaient laissé également en son âme des impressions superbes qu’il a superbement exprimées, quitte à s’en moquer une minute après ! […] Taine, par exemple, j’avais la manie d’expliquer les esprits par une qualité première, j’expliquerais tout Henri Heine par celle-là. […] Pour faire le génie de Henri Heine, combien a-t-on broyé d’esprits ? […] C’est un Voltaire, mais qui a une âme, quand Voltaire n’a que de l’esprit. […] Henri Heine, cet intuitif dans l’ordre des idées, qui en voit le néant et qui, de sa flèche railleuse, en traverse le vide ; ce divinateur de l’âme par le sentiment ; Henri Heine, ce prodige d’adorable esprit, a été aussi bête que Goethe (toujours Jupiter : la bêtise dans l’immensité !)

1947. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Adolphe est un des petits chefs-d’œuvre de la littérature et de l’esprit modernes. […] Il avait, comme publiciste, des lumières, des doctrines ou des théories libérales et généreuses, des accès et comme des poussées d’enthousiasme : tout cela ne tenait pas dans le particulier ; esprit aiguisé, blasé, singulièrement flétri de bonne heure par je ne sais quel souffle aride, il se raillait lui-même, il se persiflait, lui et les autres, par une sorte d’ironie fine, continuelle, insaisissable, qui allait à dessécher les sentiments et les affections en lui et autour de lui. […] Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini. […] Il a tout changé pour elle, patrie, condition, figure, esprit.

1948. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Je n’entends nullement dire par là que le roman ait détrôné les autres œuvres de l’esprit humain, et leur ait ravi l’attention publique. […] Elle ne tient pas à être savante, — et quand elle sent la nécessité de le devenir, soit qu’il s’agisse de l’esprit général d’un peuple ou du génie particulier d’un homme, c’est que le peuple ou cet homme ont déjà largement vécu. […] Assurément, la pâle et délicate Mme de La Fayette, cette fille d’une société factice et qui n’a appris ce qu’elle sait de la nature humaine qu’en écoutant à travers les draperies des convenances à la porte de quelques cœurs, semble une bien grêle observatrice, quand on la compare à des esprits comme Defoë et Richardson, ces génies énergiques qui plongent, eux, dans l’humanité à une si grande profondeur, et qui la brassent comme on brasse un bain. […] C’est le privilège du génie, — quand il est absolu, — aussi bien dans les Lettres que dans les Sciences, de faire faire un pas aux esprits de leur temps, c’est-à-dire de leur donner des exigences de plus….

1949. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Son esprit critique est nul. […] Notre esprit a fonctionné comme une balance automatique. […] Mais l’esprit, auquel elle plaisait, la poursuivit et pénétra en elle. […] Mais rien n’arrête l’esprit religieux. […] Un jeune savant d’un esprit très curieux, M. 

1950. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

L’imagination, l’esprit & la délicatesse caractérisent le petit nombre de ses Poésies. […] On y trouve cette belle Strophe : De la contrainte rigoureuse Où l’esprit semble resserré, Il reçoit cette force heureuse Qui l’éleve au plus haut degré. […] Il n’attacha jamais aucun mérite à ses Nouvelles Françoises, où l’on reconnoît la même trempe d’esprit & la même touche que dans Zaïde.

1951. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Préface » pp. 1-3

Il me semble quelquefois qu’il serait bon pour l’esprit de faire tous les ans une chose nouvelle, et de le traiter comme les terres, qu’on ensemence tantôt d’une façon et tantôt d’une autre. […] Véron toutes mes objections : il prit la peine de les combattre ; il me parla en homme de goût qui sent la littérature, et en homme d’esprit qui connaît son public. […] Les temps redevenant plus rudes, l’orage et le bruit de la rue forçant chacun de grossir sa voix, et, en même temps, une expérience récente rendant plus vif à chaque esprit le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, j’ai cru qu’il y avait moyen d’oser plus, sans manquer aux convenances, et de dire enfin nettement ce qui me semblait la vérité sur les ouvrages et sur les auteurs.

1952. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Paul Fort est un vrai poète et un gentil esprit. […] C’est un esprit essentiellement religieux. […] Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit. […] Ils eussent aussi bien parlé, en un autre moment, d’un esprit atlantique. » Comment parlerait-on d’un esprit atlantique, qui n’existe pas ? Mais l’esprit méditerranéen existe.

1953. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Ampère le visita, sa disposition d’esprit était bien changée ; Goethe, averti par le Globe, était au fait de tout, curieux et avide de toutes les particularités à notre sujet. […] Nous étions de la même opinion sur cette pièce, et j’avais du plaisir à voir avec quel esprit et quel feu le jeune Goethe savait analyser les rapports qu’il avait saisis. […] Une dame de beaucoup d’esprit raconta des traits du caractère de Beethoven. […] J’avais ajouté foi à ces bruits, parce qu’ils étaient tout à fait d’accord avec sa santé encore si verte, la puissance productive de son esprit et la fraîche vivacité de son cœur. […] Mais telle qu’elle est, tout esprit juste saura y voir votre manière de penser.

1954. (1909) De la poésie scientifique

Mallarmé m’avait écrit : « Peu d’œuvres jeunes sont le fait d’un esprit qui ait été, autant que le vôtre, de l’avant. […] Par ce vers qui pourrait tenir toute sa théorie simpliste, Verlaine, spontanément, a été l’avertisseur du retour à l’exacte notion : qu’il n’est rien en l’esprit qui ne soit d’abord en les sens. […] C’est dans la Légende, ressuscitée ou créée par son esprit touchant à l’essence des choses et du verbe, qu’il a su enclore l’émotivité d’éternelles vérités, sentiments et idées. […] Et qu’est donc l’Intuition, tout d’abord, sinon le point d’une synthèse si rapide que l’esprit n’a pu en saisir les immédiats termes analytiques ? […] Mais aussi, la Méthode et l’Œuvre sont co-existantes : l’une n’a pas précédé l’autre, elles ont pris âme en même temps dans mon esprit.

1955. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

L’étude de chaque cas est donc ainsi complète et l’on peut en tirer des enseignements qui réagiront à leur tour sur le progrès de la science de l’esprit. […] Il nous a paru que nous avions saisi ainsi, la condition même de cette tendance à la sur-analyse, et par suite à l’impuissance volitionnelle, qui se marque chez un grand nombre de travailleurs de l’esprit. […] Tourguénef fut, jusqu’à la fin de sa vie, le conteur charmant et l’esprit libre qu’il avait été à ses débuts. […] À l’autre confin des lettres, l’esprit « tout en idées » des frères de Goncourt, leur plaisanterie poétique, lumineuse, voltigeante, certaines « parades » de Ch. […] Mais l’exemple le plus singulier de cette légère pénétration de l’esprit français par l’esprit allemand, nous est offert par quelques poésies de M. 

1956. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Toulet, unit la philosophie voluptueuse de Crébillon à l’esprit picaresque. […] Il n’est pas d’effet plus sûr que de gambader sur un cercueil… « C’est une tournure d’esprit vers toutes les impressions. […] Après la mélancolique destinée de l’Indien, les dramatiques irrésolutions de la Malgache, passionnée de jalousie, l’histoire de Compère est tragique, celle de Cafrine est joyeuse ; elles symbolisent l’esprit chinois et l’esprit cafre. […] Ne pensez-vous pas que cet esprit s’imposera à plus forte raison sur des races hésitantes, puisqu’il apportera les germes d’une civilisation ? […] C’était un esprit fin, ironique, assez âpre parfois et saturé de littérature.

1957. (1903) La renaissance classique pp. -

La matière, pensent les philosophes, n’est sans doute que l’envers de l’esprit. […] Le premier caractère de l’esprit classique français est d’abord d’être scrupuleux sur la matière de son art. […] Tout à coup, un jour non prévu, mais sûrement fixé dans l’ordre des destinées, un événement en apparence insignifiant frappe son esprit. […] Rendre la santé au pays comme à l’esprit public, voilà la tâche présente ! […] C’est le palais de l’esprit, de l’art sociable, de la civilisation la plus douce et la plus humaine qui fut jamais !

1958. (1925) Dissociations

Les Chinois, qui n’ont aucunement l’esprit religieux, ont l’esprit superstitieux très développé. […] L’école vient en aide aux esprits paresseux et peut-être qu’elle refrène les esprits actifs. […] Ainsi le veulent les tendances de l’esprit humain. […] Une telle lecture d’ailleurs engendre la paresse de l’esprit. […] Leur liberté d’esprit est notre seule sauvegarde.

1959. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

» — Sire, on dit qu’elle est animée d’un bon esprit. […] Les devoirs que lui imposent ses fonctions de magistrat finissent par s’emparer complètement de son esprit qui entre alors dans une paix relative. […] … Mais le Grand Esprit eut pitié d’elle, et une dernière décharge la jeta à terre, morte cette fois. […] L’ironie est, en effet, la marque de l’esprit de M.  […] Qui oserait affirmer, demande-t-il, que l’esprit de ces aliénés n’était pas déjà en partie envahi par la folie ?

1960. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Huysmans, on y trouvera deux sortes d’esprit. […] Est-ce l’esprit de mot, le sens du saugrenu, la charge ? […] C’est de l’esprit français, toujours. […] La vie, comme il la montre, ne laisse rien dans l’esprit. […] Citons pour leur excellent esprit Le Pompon vert de M. 

1961. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

ce jour-là l’on vit bien ce qu’est la puissance de l’esprit dans la société française, surtout quand il est relevé par la naissance, et, faut-il le dire ? […] Il est vrai que Sieyès s’était éteint dans une sorte d’obscurité, qu’il était avant tout philosophe, et, par l’esprit du moins, demeuré fidèle à ce grand tiers état du sein duquel il était sorti et dont il avait été l’annonciateur. […] Je ne puis cependant élaguer entièrement toute la partie anecdotique qui y foisonne, et qui vient comme autant de pièces à l’appui de tout ce qu’on sait et de ce qu’on a dit de la vénalité, de l’esprit d’à-propos, de l’amabilité, de la grâce, de tous les talents et vices de M. de Talleyrand. […] Sainte-Beuve qui peut paraître la plus importante, au point de vue de l’appréciation du caractère et de l’esprit en M. de Talleyrand. […] Des gens d’esprit comme lui ne mettent jamais le pire de leur pensée ou de leur vie dans des papiers écrits.

1962. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Mlle de Scudéry et Mme Cottin, malgré le grand esprit de l’une et le pathétique d’action de l’autre, sont tout à fait passées. […] Il sortait de l’Élysée-Bourbon par une porte de jardin pour aller, tout auprès, chez elle, plusieurs fois le jour, et là ils priaient ensemble, invoquant les lumières de l’Esprit. […] Lorsque Alexandre eut quitté la France, Mme de Krüdner déclina rapidement dans son esprit : cette vénération pieuse qu’il ressentait pour elle finit par l’aversion, par la persécution même. […] Mme de Staël goûtait Mme de Krüdner auteur de Valérie, mais elle était d’un esprit politique et historique trop prononcé pour entrer dans son exaltation prophétique, et elle en souriait plutôt. […] Comme biographie, ce simple pastel, dans lequel on s’est attaché à l’esprit et à la physionomie plus encore qu’aux faits, laisse sans doute à désirer ; un de nos amis, M.

1963. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

À part la note poétique, Chateaubriand tenait plus de ce maître du style ; mais, quand la pompe des paroles est éloignée, la justesse de l’esprit éclate toujours dans Chateaubriand. […] Ces deux impossibilités se trahissent dans les Martyrs, effort avorté d’un esprit supérieur, mais n’attestant que la double insuffisance de l’écrivain. […] Il résolut de provoquer la bataille entre l’esprit nouveau et l’esprit ancien par un coup d’État. […] Quoi qu’on ait dit d’elle, la nature ne l’avait pas faite à moitié, elle avait l’esprit de son âme, et cette âme était digne d’habiter un si beau corps. […] Le centre du monde est partout où souffle l’esprit de Dieu.

1964. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Bien longtemps les philosophes ont pensé qu’on pouvait étudier l’esprit en ne s’occupant que très peu de l’organisme dont il dépend. […] Lewes241 la tendance de l’esprit humain à réaliser des abstractions, à leur donner une existence objective et indépendante. […] Il y a des esprits, sans doute, qui auront de la peine à s’y résigner. […] Le puissant esprit de Thucydide était-il représenté par un Milésias idiot et un Stéphanos stupide ? […] Ceux qui soutiennent l’hérédité rétorquent l’argument et disent : Pourquoi ces phrases proverbiales : « l’esprit des Mortemart », « l’esprit des Sheridan », si l’on ne croit à la transmission ?

1965. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Imaginez une carte géographique morale, tracée en arabesques railleuses par un artiste enivré d’esprit. […] Il a le calme, l’aplomb, l’aisance, la sûreté sociale la plus complète, et de l’esprit, comme s’il en pleuvait. […] L’esprit fait rage, mais il ne se gaspille pas en fusées vaines : il n’intervient que pour activer l’action de ses langues de flamme. […] Il recevra la leçon et il se taira. » Mais une femme d’esprit n’a pas été la maîtresse d’un homme sans le toiser et sans le connaître. […] Il a de l’esprit et de la fierté, ce M. 

1966. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Nous sommes écœurés de ces idées, mais la majorité des esprits les avale comme l’eau et passe par leur ivresse avant d’arriver à leur corruption. […] Or, les Spécialités contemporaines, ces bœufs qui ne tracent qu’un sillon, nous font vivement aimer les esprits qui savent faire deux choses. […] L’espèce d’éclair qui avait passé dans l’esprit de M.  […] Il est force bons esprits qui prétendent que Fanny descend de l’Amaury de Volupté. […] Fanny sera le niveau de cet esprit qui répète actuellement Fanny par la forme, et qui, par l’idée, n’y ajoute pas.

1967. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

La chose est ce qui est perçu ; l’expression est ce que l’esprit met à la place de la chose pour la soumettre au calcul. […] Car un espace à plus de trois dimensions est une pure conception de l’esprit et peut ne correspondre à aucune réalité. […] Mais cette correspondance n’a de signification que parce que notre esprit parcourt la courbe et en occupe successivement des points. […] Ces lignes brisées d’Espace-Temps, simplement virtuelles, sortent de la ligne droite d’Espace par le seul fait du mouvement que l’esprit imprime au système. […] Dans les pages consacrées au « mécanisme cinématographique de la pensée », nous avons montré jadis que cette manière de raisonner est naturelle à l’esprit humain.

1968. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Villon retrouve avec originalité et vigueur la sève des satires et des fabliaux ; il mêle à l’esprit quelques accents de tendresse ; il promet, il a l’air de débrouiller quelque chose ; il fait espérer un recommencement. […] Il est son digne héritier pour l’esprit, pour la franchise et la gentillesse ; il le surpasse en netteté, en élégance, en politesse de badinage. […] Et à travers une fidélité de sujet si absolue, si entière, son esprit gardait sa liberté et sa franchise. […] L’esprit, le jugement et le courage ne furent jamais en homme au degré qu’ils sont en lui. […] Duclos, qui comptait si fort en son temps, était également connu pour ces mots fréquents et courts qui mordaient sur les esprits ; et l’on peut dire qu’il y avait aussi un Duclos dans Malherbe.

1969. (1925) La fin de l’art

Trop de choses nouvelles veulent entrer et d’autres sont entrées déjà dans les jeunes esprits ; il faut leur faire place. […] Il faut croire que cet esprit n’a plus guère d’admirateurs puisque l’éditeur de ces opuscules a disparu. […] Elle permit de cultiver libéralement les tendances de son esprit sans trop offusquer les autorités. […] D’ailleurs, ce n’était pas un esprit grossier. […] Les municipalités de province n’avaient pas une très bonne réputation d’esprit à Paris.

1970. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Ce n’en sont pas moins des fables, que des esprits critiques accepteront souvent en fait, comme nous l’avons vu, mais qu’en droit ils devraient rejeter. […] Il arrive à des formules presque vides de faire surgir ici ou là, véritables paroles magiques, l’esprit capable de les remplir. […] Les dieux et les esprits y jouaient le même rôle que partout ailleurs. […] Mais tout esprit qui s’engage sur la voie mystique, hors de la cité, sent plus ou moins confusément qu’il laisse derrière lui les hommes et les dieux. […] Certes, nous vivons dans un état d’équilibre instable, et la santé moyenne de l’esprit, comme d’ailleurs celle du corps, est chose malaisée à définir.

1971. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Donnay, Maurice (1859-1945) »

Car, pour plaire au premier, les vieux adolescents pessimistes et symbolistes y sont traités avec un généreux mépris, et, pour plaire au second, un vague esprit évangélique y circule, un Christ ami du monde moderne y apparaît, et l’aube des temps nouveaux y est saluée. […] La dernière, surtout nous charma par une exquise, fantaisie, par l’esprit le plus vif et le plus délicat, par une aimable grâce de poésie, par la finesse de la plaisanterie et la générosité de la pensée. […] Donnay ait subitement aboli toute sa verve, la vivacité et l’ingéniosité de son esprit, mais le sujet de Lysistrata ne prêtait point aux grâces de la poésie, ni ne permettait les sentiers pittoresques de la fantaisie.

1972. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

Nous ne parlerons pas de ses Opuscules poétiques, non plus que de ses petites Productions en prose, qui ne paroissent être que le fruit de ses délassemens, & annoncent néanmoins l’homme sage & l’esprit cultivé : nous nous arrêterons avec plaisir à son Ouvrage principal, qui a pour titre : Recherches sur l’origine des découvertes attribuées aux Modernes. […] quel coup porté à l’orgueil de ces Esprits superbes, convaincus, d’après les textes les plus formels, de n’être que des usurpateurs des lumieres étrangeres, & les plus foibles échos de tant de dogmes dont ils voudroient passer pour les créateurs ! […] Toutes les classes d’esprits y apprendront à régler, les uns leurs prétentions, les autres leur enthousiasme ; ceux qui s’érigent en maîtres, à ne pas sacrifier la reconnoissance à la vanité, à savoir rendre hommage à leurs prédécesseurs, à ne pas regarder comme un bien propre & personnel ce qu’ils ont recueilli sur des fonds étrangers ; ceux qui les admirent trop facilement, comprendront qu’il est essentiel de ne pas croire sur parole, de se tenir en garde contre les manéges de la présomption, & de s’instruire avant de vouloir assigner les rangs & fixer les réputations ; le vrai Philosophe enfin en tirera de nouveaux motifs de s’éclairer & d’être modeste, en apprenant que le cercle des idées humaines est étroit, & que l’agiter sans cesse, n’est ni l’étendre, ni le renouveler.

1973. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 121-125

Ceux qui se sont fait un nom dans la Traduction, ne l’ont dû qu’à leur attention à se pénétrer de l’esprit de leur original, à en saisir les beautés, & à les faire passer dans une Langue étrangere, sans s’attacher à l’exactitude des mots. C’est surtout en fait de Traduction, que la lettre tue & que l’esprit donne la vie. […] En Littérature, comme en Morale, vouloir tout réduire à l’arbitraire, c’est moins la preuve d’un esprit inventif & original, que l’indice de la dépravation du jugement & de l’inquiétude qui en est le fruit.

1974. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

Un caractere original, une imagination vive & brillante, un esprit vigoureux & sublime, animent jusqu’à ses moindres Productions. […] Dès qu’il eut fait paroître quelques-unes de ses Pieces, tous les esprits se réunirent pour admirer l’élévation de son style, la délicatesse & la force de ses pensées, l’énergie & la pureté de ses expressions, l’élégance & le naturel de ses Vers. […] S’il lui échappa quelquefois de légeres saillies que la gravité n’approuveroit pas, la candeur de son ame & la naïveté de son esprit lui méritoient quelque indulgence à cet égard.

1975. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 448-452

Ceux qui aiment l’esprit, les graces la finesse & la gaieté, trouveront ces heureuses qualités éminemment reconnues dans presque toutes les Productions de cet Académicien. […] Les petites Poésies, du même Auteur, ont la même trempe d’esprit & le même ton de vivacité. […] En effet, en sacrifiant à l’esprit, il n’a jamais méconnu les regles ; il leur a même rendu hommage dans plusieurs endroits de ses Ouvrages, où il reproche au Siecle avec autant d’agrément que de vérité, les caprices qui le dégoûtent des bonnes choses, pour le faire courir après les Productions médiocres & puériles.

1976. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

le même esprit y règne-t-il d’un bout à l’autre ? […] État d’esprit singulier ! […] Ce questionnaire, on doit l’avoir toujours présent à l’esprit. […] Cet esprit conciliant est l’opposé de l’esprit scientifique. […] Quelles habitudes d’esprit doit-il lui donner ?

1977. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Mais sa légèreté n’était qu’une qualité et nullement un défaut de son esprit. […] Ce que l’esprit n’ose prévoir, les événements et les caractères l’amènent. […] Le marquis de La Maisonfort avait le genre d’esprit de Rivarol ; c’était un émigré comme Rivarol : il avait autant d’esprit, et du meilleur, qu’il soit possible d’en concentrer dans une tête humaine, même au pays de Voltaire et du chevalier de Grammont. […] Il y a toujours de la ressource dans l’esprit souple et flexible d’un courtisan de rois tombés. […] Il n’y jouissait pas d’une considération très sérieuse, mais d’une réputation d’esprit très méritée.

1978. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

J’ai parlé de longue trêve : ce fut, en effet, dès l’origine la visée du président Jeannin et la solution qu’il entrevit ; il eut, dès son arrivée et dans son premier examen des choses et des esprits, le coup d’œil du seul biais par où on arriverait à mener l’affaire à bien. […] Les livrets, pamphlets et brochures, comme nous dirions, s’y joignaient, en ce pays de liberté de presse, pour animer en sens divers les esprits. […] Sully, lui écrivant dans les derniers mois, n’avait pu s’empêcher de le louer : J’ai toujours fort estimé la vivacité de votre esprit et la solidité de votre jugement, lui disait ce témoin difficile, mais ces dernières actions m’en donnent meilleure opinion que jamais, ayant su vous débarrasser de tant de diversités et opinions différentes qui tombent d’heure à autre dans l’esprit de toutes les parties avec lesquelles vous avez à traiter ; car non seulement il faut concilier deux ou trois partis fort éloignés de désirs et intentions les uns des autres, mais il semble que vous ayez à faire autant de traités qu’il y a de personnes d’autorité de tous bords, y ayant autant d’opinions que de têtes. […] On sait que ce fut d’après son examen et son rapport au Conseil privé que la seconde édition du livre De la sagesse de Charron, l’édition de Paris (1604), pût être mise en vente, moyennant quelques corrections qu’il y fit, et se débiter librement : « Ce ne sont des livres pour le commun du monde, disait-il à l’adresse de ceux qui en parlaient en critiques, mais il n’appartient qu’aux plus forts et relevés esprits d’en faire jugement ; ce sont vraiment livres d’État. » Pendant son séjour en Hollande, il avait tout fait pour se rendre utile à notre compatriote le célèbre et docte Scaliger (M. de L’Escalle, comme il l’appelait), qui vivait à Leyde et touchait à la fin de sa carrière. […] Mais ceux qui ont pu mettre cette affection en l’esprit du roi de le rappeler et honorer… ont négligé de s’y employer, et moi qui l’ai voulu essayer, n’ai été assez puissant pour lui procurer ce bien dont il n’a plus besoin.

1979. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Vicq d’Azyr fut le grand promoteur d’une Société ou Académie de médecine sans préjugés, vraiment moderne d’esprit et de méthode, ouverte même aux plus récentes lumières, et prête à répondre aux consultations du gouvernement sur tous les objets et toutes les questions qui intéressent la santé publique. […] Les affections de son cœur étaient douces, les mouvements de son esprit impétueux. […] Je viens de parcourir un certain nombre de ces pamphlets, dialogues, comédies en vers ou en prose ; il n’y a que de l’injure sans sel, sans esprit et sans gaieté. […] Il faut qu’à une mémoire sûre ils joignent une élocution facile et un jugement exercé ; il faut que leurs idées s’offrent comme à volonté et dans le plus grand ordre à leur esprit. […] Vicq d’Azyr, enlevé avant l’âge, manqua à cette fondation et à cette renaissance complète sous le Consulat, ou plutôt on peut dire qu’il y assista encore dans la personne de ses amis et confrères survivants, nourris du même esprit, les Thouret et les Fourcroy.

1980. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

C’est à Fénelon qu’il en faut venir pour posséder l’esprit familier et adouci d’Homère, tout ce qui pouvait alors se naturaliser de lui en France et y être à l’usage de chacun dans une prose suave et persuasive. […] Il aime à suivre dans les portions de Ronsard qu’on lit le moins, et qui ont peu prêté jusqu’ici aux extraits, dans les discours, les hymnes, les poèmes moraux, des preuves de cette disposition altière et généreuse qui appartenait proprement au tour d’esprit et au talent du poète. […] C’est même un faux sens dans l’esprit de la pièce ; car il n’est pas précisément agréable à un vieillard de se souvenir qu’il a couru là où maintenant il marche à peine ; mais il peut aimer à se dire qu’il s’est traîné tout petit enfant là où il se traîne encore. […] Chapelain est un esprit judicieux, réglé, de tout temps un peu lourd, venu à la suite, et digne finalement par ses vers de toute la risée de Boileau et de tout notre oubli. […] Avec son savoir, son esprit et son talent, il n’aurait qu’à moins viser, il réussirait à moins de frais, et on serait heureux de l’applaudir alors, de l’approuver.

1981. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Un nouvel univers s’offrit, pour ainsi dire, à sa contemplation : il aperçut la chaîne invisible qui lie entre eux tous les êtres ; il vit une main puissante étendue sur tout ce qui existe ; le sanctuaire de la nature fut ouvert à son entendement, comme il l’est aux intelligences célestes, et toutes les plus sublimes idées que nous attachons à ce mot Dieu se présentèrent à son esprit. […] À l’instant, toutes les énigmes qui l’avaient si fort inquiété s’éclaircirent à son esprit : le cours des cieux, la magnificence des astres, la parure de la terre, la succession des êtres, les rapports de convenance et d’utilité qu’il remarquait entre eux, le mystère de l’organisation, celui de la pensée, en un mot le jeu de la machine entière, tout devint pour lui possible à concevoir comme l’ouvrage d’un Être puissant directeur de toutes choses ; et s’il lui restait quelques difficultés qu’il ne pût résoudre, leur solution lui paraissant plutôt au-dessus de son entendement que contraire à sa raison, il s’en fiait au sentiment intérieur qui lui parlait avec tant d’énergie en faveur de sa découverte, préférablement à quelques sophismes embarrassante qui ne tiraient leur force que de la faiblesse de son esprit. […] A-t-il voulu simplement marquer que la nature humaine et l’esprit humain ne comportent la première manière de voir que chez un petit nombre d’individus, et que l’histoire n’admet point le triomphe de la philosophie pure ? […] Un homme d’esprit dont j’entretenais assez récemment nos lecteurs, l’auteur de la Littérature française à l’étranger, M.  […] Un jeune homme faisait la cour à une jeune fille aussi distinguée par l’esprit que par le caractère.

1982. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

C’est ce lien des esprits et de toutes les Muses qu’il sentait si bien, et dont il eut la satisfaction d’exprimer plus d’une fois la douceur quand il fut devenu l’organe aimable et sympathique de son Académie. […] Cependant quelques morceaux lus dans les séances publiques des cinq Académies et fort goûtés du public avaient révélé en lui ce que tous ses amis savaient bien qu’il était, un esprit riche, orné, facile, un écrivain élégant, un orateur aisé, agréable ; aussi quand Raoul-Rochette manqua, l’Académie des Beaux-Arts, après avoir pensé d’abord à M.  […] On ne pouvait lui demander comme à un Quatremère de Quincy de marquer plus expressément les degrés de mérite de chaque artiste dans son ordre ; il était lui-même trop artiste et trop intéressé dans un art voisin, trop collatéral en quelque sorte pour cela ; il ne pouvait guère juger ses pareils et ses confrères que de côté et comme de profil : il était en train de le faire avec bien de l’esprit et de la grâce. […] J’interroge sur Halévy ceux qui l’ont connu de plus près : l’un d’eux (un gentil esprit et une plume des mieux taillées) non-seulement veut bien répondre à mes questions, mais y ajoute quelques mots à mon usage. […] Cet aimable esprit, si curieux, si vacant, quoique possédé par un art spécial, et comme toujours aux regrets, nourrissait une tristesse intime, une plaie cachée.

1983. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Et ici je désire être bien compris : j’admets tout à fait qu’une jeune femme, une jeune fille merveilleusement douée, esprit supérieur et gracieux, âme pure, apporte avec elle une joie légère, un charme qui opère insensiblement ; mais il ne faut pas forcer ce charme et lui demander plus qu’il ne peut. […] L’auteur a beau s’ingénier, vers la fin, pour faire racheter à Sibylle cette faute de tendresse, cette raideur d’esprit ; elle ne s’en relève que bien imparfaitement et par une sorte d’inconséquence4. […] Alors que signifie ce mépris subit que Clotilde fait de lui à certain jour, comme s’il était indigne d’elle, comme si, « avec toute sa science, il n’avait ni cœur, ni âme, ni esprit…, rien de ce qui peut relever à ses yeux une femme qui tombe, lui voiler sa faute, lui ennoblir sa faiblesse, etc., etc. ?  […] Tant que l’auteur des Scènes et Proverbes s’est joué dans ses premiers cadres, il y était soutenu et appuyé de toutes parts ; il n’avait qu’à faire avec esprit le contraire de ses devanciers et à prendre le contre-pied en toute habileté ; c’était au mieux : il avait sous les yeux, à tout moment, ses points de repère. […] Tout à la fin, et lorsqu’elle est revenue à l’amour de Raoul, Sibylle se livre à une grande excentricité d’amour-propre et d’orgueil déguisé en esprit de sacrifice, lorsqu’elle dit : « Il me semble quelquefois que, si je mourais, il croirait ! 

1984. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Autant le faux et fade inédit est méprisable, autant l’inédit qui en vaut la peine est curieux et amusant ; c’est un voyage dans un pays neuf : l’esprit ennuyé et fatigué de croupir sur les mêmes objets s’y renouvelle et s’y rafraîchit. […] Quelqu’un, qui la rencontra alors dans un de ces cercles brillants, nous la montre ainsi, moins en peintre qu’en observateur et en moraliste : « La comtesse d’Albany était, par sa figure, ses manières, son esprit, son caractère et son sort, la femme la plus généralement intéressante. […] Je ne demande pas une admiration excessive pour Mme d’Albany que j’aurai bientôt à définir, sous sa forme dernière, comme une personne gracieuse, distinguée et surtout sensée, comme une vraie reine de salon et une maîtresse de maison parfaite, dont la mort, en 1824, mit le deuil dans Florence et fut une perte pour la société européenne tout entière ; mais, à considérer sa vie telle qu’elle sut la réparer et la fixer, je ne vois pas qu’il y ait lieu ni prétexte contre elle, de la part d’un esprit juste, à aucun anathème. […] « Sublime miroir de pensées sincères, montre-moi en corps et en âme tel que je suis : — cheveux maintenant rares au front, et tout roux ; — longue taille, et la tête penchée vers la terre ; — un buste fin sur deux jambes minces ; — peau blanche, yeux d’azur, l’air noble ; — nez juste, belles lèvres et dents parfaites ; — plus pâle de visage qu’un roi sur le trône ; — tantôt dur, amer, tantôt pitoyable et doux ; — courroucé toujours, et méchant jamais ; — l’esprit et le cœur en lutte perpétuelle ; — le plus souvent triste, et par moments très gai ; — tantôt m’estimant Achille, et tantôt Thersite. — Homme, es-tu grand ou vil ? […] Qui donc, d’une si barbare manière, m’a séparé de la douce source de ma vie, des beaux yeux noirs qui m’ont conquis le cœur, et qui ont guéri de toute erreur mon esprit ?

1985. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Il a même un faible pour cet ancien homme d’esprit dont c’était trop la mode alors de se moquer. […] Quel plus triste métier après tout, quand on a l’honneur d’être le contemporain d’un grand esprit qui a des défauts de caractère, que de passer son temps et de consacrer sa vie à le harceler, à l’irriter, à lui faire faire toutes les fautes dont il est capable ! […] L’homme d’esprit qui l’a rimé n’a vu là dedans qu’un sujet littéraire, un thème à poésie didactique. […] Arrêtons-nous nous-même, de peur d’être bien long sur un auteur court et de paraître pesant à propos d’un esprit léger. […] Il a du bon esprit d’autrefois, de ce qu’avait Colnet, celui qui a fait une si jolie scène de La Harpe à table, dévot et gourmand.

1986. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Ceux qui veulent des larmes et ceux qui veulent de l’esprit, les amoureux d’extraordinaire et les quêteurs de modernité, les simples, les raffinés, les femmes, les poètes, les naturalistes et les stylistes, M.  […] Ajoutez que son talent est en effet d’une composition assez riche pour que des esprits très divers y puissent trouver leur compte. […] Il est vrai que sa façon de regarder est une création et que son œil sait découvrir au point qu’il paraît inventer. « Plus on a d’esprit, dit La Bruyère, plus on trouve d’originaux. » Ajoutons : Et plus l’on découvre autour de soi de situations originales. […] Je sais bien qu’en ce temps de critique, de morosité croissante et à la fois de dilettantisme égoïste, la littérature attendrissante, les histoires qui font pleurer ne sont plus en honneur auprès de certains esprits très raffinés. […] Peu d’esprit de « mots », mais un comique de verve, d’imagination, d’hyperboles, et plus souvent encore un comique de situations et de caractères.

1987. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Comment a-t-il pu subir à ce point l’ascendant de ce goujat qui, pour être un coquin, n’en est pas moins un simple d’esprit ? […] Pour le premier Tartuffe, le bedeau, la brute, méchant, mais stupide, dénué d’esprit critique et incapable de se connaître lui-même, on peut admettre à la rigueur qu’il ait la foi, — la foi d’un abominable charbonnier. Mais il me paraît de toute évidence que le second Tartuffe, l’homme du monde, l’homme d’esprit, l’aventurier de haut vol, ne croit ni à Dieu ni à diable. […] (Et je pourrais ajouter que les figures les plus populaires ont été souvent créées par des esprits fort médiocres : tels Robert Macaire ou Joseph Prudhomme.) — Alphonse Daudet a conçu et fait vivre vingt personnages d’une vérité plus rare que Tartarin, d’une observation plus difficile, plus aiguë, plus curieuse ; et peut-être est-ce du seul Tartarin que les siècles se souviendront. […] Mais, au surplus, pourquoi mes oscillations ne seraient-elles pas la marque d’un esprit scrupuleux et modeste ?

1988. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Le Sénat, afin d’éteindre ces dissensions, attira autour de lui les principales têtes de la discorde ; mais ce levain, au lieu de se perdre dans la masse de l’État, aigrit tellement les esprits, qu’il fallut bientôt être Noir ou Blanc à Florence comme à Pistoie : c’étaient chaque jour des affronts et des atrocités nouvelles. […] Il n’est point de crime qui soit oublié dans la distribution des supplices que le poëte rencontre d’un cercle à l’autre : souvent une enceinte est partagée en différents donjons ; mais toujours avec une telle suite dans la gradation des crimes et des peines, que Montesquieu n’a pas trouvé d’autres divisions pour son Esprit des lois. […] Aussi on ne peut se figurer la sensation prodigieuse que fit sur toute l’Italie ce poëme national, rempli de hardiesses contre les papes, d’allusions aux événements récents et aux questions qui agitaient les esprits ; écrit d’ailleurs dans une langue au berceau, qui prenait entre les mains de Dante une fierté qu’elle n’eut plus après lui, et qu’on ne lui connaissait pas avant. […] Dante parlait à des esprits religieux, pour qui ses paroles étaient des paroles de vie, et qui l’entendaient à demi-mot : mais il semble qu’aujourd’hui on ne puisse plus traiter les grands sujets mystiques d’une manière sérieuse. […] L’âme était une portion de l’esprit qui anime l’univers, une subtile quintessence, un rayon très-épuré : mais c’était toujours de la matière ; et quoiqu’elle ne tombât point sous les sens, on ne la croyait pas pur esprit : tout alors avait une forme et occupait un lieu quelconque.

1989. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Il ne manque pas d’esprits sérieux, solides et dignes d’estime, qui parce que la société vient d’échapper à un péril ou va bientôt avoir à en affronter un autre, voudraient tout rallier autour d’eux dans le combat, tout discipliner, et imposer à chaque écrivain une mission, une faction dans l’œuvre commune. […] Ce domaine, c’est une certaine liberté honnête, difficile à définir, mais très aisée à sentir, qui fait qu’on n’est pas d’un parti, qu’on n’est pas toujours sur l’attaque et la défensive, qu’on cherche le bien, le beau ou l’agréable en plus d’un endroit, qu’on tient son esprit ouvert comme sa fenêtre au rayon qui entre, à l’oiseau qui passe, à la matinée qui sourit. […] Ceux qui croient que la vérité est une non seulement en morale, mais en religion, en politique, en tout, qui croient posséder cette vérité en eux et la démontrer à tous par des signes clairs et manifestes, voudraient à chaque instant que la littérature ne s’éloignât jamais des lignes exactes qu’ils lui ont tracées ; mais comme il est à chaque époque plus d’une sorte d’esprits vigoureux et considérables (je ne parle ici ni des charlatans ni des imposteurs) qui croient posséder cette vérité unique et absolue, et qui voudraient également l’imposer, comme ces esprits sont en guerre et en opposition les uns avec les autres, il s’ensuit que la littérature, la libre pensée poétique ou studieuse, tirée ainsi en divers sens, serait bien embarrassée dans le choix de sa soumission. […] Dans la seconde partie de son roman, l’auteur essayera d’attribuer la conduite légère de sa Louise à la philosophie du siècle, à cet esprit de débauche, autorisé par Louis XV, soufflé par Voltaire, propagé par tant d’autres. […] Et pourtant je ne veux pas te maudire, mon pauvre enfant : ton esprit était bon, ton cœur était sans fiel ; tu as été affable comme moi, amoureux plus que moi ; tu n’as jamais aimé la vengeance, et le pardon s’est rencontré toujours dans ton sourire et dans tes yeux.

1990. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Le Bovarysme, avait-on formulé, est le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est, et sous cette définition, on avait étreint une propriété de l’esprit beaucoup plus vaste que celle que l’on croyait toucher et que suscitait alors le paysage psychologique découvert par Flaubert. […] Mais il a paru avantageux, pour deux motifs, de consacrer méthodiquement cette confusion qui, par un ennoblissement du spectacle que l’on considérait, s’était d’elle-même établie dans l’esprit. […] Or dans tous ces cas, ce que l’esprit distingue toujours avec netteté, ce qui continue de se montrer comme la marque caractéristique du phénomène, c’est ce pouvoir de se concevoir autre, cette sensibilité par laquelle l’être humain offre prise aux images, nous enseignant qu’il peut être par elles déplacé, entraîné hors du lieu psychologique où il est présentement situé. […] Toute nouveauté sort de l’inconscient et manifeste l’évolution du devenir : mais sitôt que cette nouveauté s’est formulée et a été convertie en notion en une première conscience individuelle, la voici propre. à se refléter dans toutes les intelligences et à être transmise à un grand nombre d’esprits. […] Mais pour que cette forme nouvelle ne demeure pas le privilège d’une seule intelligence, il faut qu’un grand nombre d’esprits aimantés vers le sommet où s’ouvre cette fleur nouvelle se haussent au-dessus d’eux-mêmes et se modifient jusqu’à réaliser en eux-mêmes les conditions de cette culture.

1991. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Ce qu’il en a dit montre que le principe de cette œuvre n’est nullement original — et qu’elle ne doit se développer que comme très intelligente et curieuse compilation recréée par un esprit poétique, délicat et éminemment subtil, des conceptions idéales à priori. […] Gustave Kahn, qui de très haut le domine, est lui un esprit curieux. […] Petits « chers Maîtres » et leurs disciples copieurs, contristés de ce que l’on ne me contestait pas, à moi, — quelques rares et puissants esprits — une « maîtrise d’idée » la seule rare, la seule valable et durable maîtrise…   Mais des cordialités sont aussi venues. […] Gaston Dubedat, esprit éclairé et généreux, qui mit au service de mes idées personnelles ce charmant et sévère périodique. […] * * * Cependant, longue et rude sera ma lutte : car trop de chimères hantent la généralité des esprits, et trop d’inanes méchancetés, et les hérédités superstitieuses et peureuses trop les tiennent encore.

1992. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Les noms nous viennent d’eux-mêmes à l’esprit. […] Les artistes ne disent pas tout, ou parce qu’ils n’en ont pas le droit, ou parce qu’il leur suffit d’indiquer une ligne pour que la courbe se prolonge à l’infini dans l’esprit du lecteur intelligent. […] À supposer même que l’esprit n’en reçoive aucune flétrissure, est-il souhaitable que les jeunes filles commencent à entrevoir la vie à travers le roman ? […] Il y aura là, pour un esprit avisé, mille observations à faire et mille comparaisons à établir. […] Il cherchera les causes de cette désaffection subite de son esprit, en présence d’une description prolongée, et voici quelques-unes des innombrables réflexions qu’il pourra faire.

1993. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Renan était demeurée Gasconne d’esprit. […] Et dire que par esprit d’humilité M.  […] L’esprit critique est accueillant et hospitalier. […] Tel est mon vœu : un peu d’esprit dans cette matière, une âme à ces corps. […] Il est tout esprit.

1994. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Les grands esprits n’étaient pas alors, pour la société, des guides reconnus ; ils étaient encore moins des foudres errants, déchaînés, et des météores. Au xviiie  siècle, la royauté, la noblesse, la religion, pâlissent, et l’esprit humain, dans la personne de ses chefs, pousse sa conquëte et aspire à régner. […] Nous voudrions que cette idée fût présente à l’esprit quand on célèbre les grands hommes ; tous les grands hommes qui arrivent sont prédestinés sans doute ; mais tous les grands hommes n’arrivent pas. […] Ailleurs c’est Buzot et Pétion qui sont peints l’un comme plus dévorant, l’autre comme plus bref d’esprit, qu’on ne les a jamais vus. […] Roland, sans être un homme de génie, était un esprit rare et un plus rare caractère.

1995. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Sans nous prononcer entre ces deux compagnes de grands hommes, il paraît en effet que, bonne femme au fond, madame Diderot était d’un caractère tracassier, d’un esprit commun, d’une éducation vulgaire, incapable de comprendre son mari et de suffire à ses affections. […] Je sais d’ailleurs quels reproches sévères et réversibles sur tout le siècle doivent tempérer ces éloges, et j’y souscris entièrement ; mais l’esprit antireligieux qui présida à l’Encyclopédie et à toute la philosophie d’alors ne saurait être exclusivement jugé de notre point de vue d’aujourd’hui, sans presque autant d’injustice qu’on a droit de lui en reprocher. […] Un doute s’élève alors dans son esprit : s’il s’était trompé en ne croyant pas ! […] Cette sorte de conjuration instinctive et intéressée de tous les hommes de bon sens et d’esprit contre l’homme d’un génie supérieur n’apparaît peut-être dans aucun cas particulier avec plus d’évidence que dans les relations de Diderot avec ses contemporains. […] Il n’en fut pas ainsi de Diderot, qui, n’ayant pas cette tournure d’esprit critique, et ne pouvant prendre sur lui de s’isoler comme Buffon et Rousseau, demeura presque toute sa vie dans une position fausse, dans une distraction permanente, et dispersa ses immenses facultés sous toutes les formes et par tous les pores.

1996. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Qu’est-ce que la liberté, selon ces hommes qui ne définissent jamais, afin de pouvoir tromper toujours l’esprit des peuples ? […] Le véritable contrat social n’a pas pour but seulement le corps de l’homme, il a pour but aussi et surtout l’âme humaine, il est spiritualiste plus que matériel ; car le corps ne vit qu’un jour de pain, et l’esprit vit éternellement de vérité, de devoir et de vertu. […] L’énumération de tous ces devoirs sociaux dont le Contrat social selon l’esprit a fait des devoirs ne finirait pas ; je m’arrête. […] C’est une histoire coloniale de l’esprit français dans toute l’Europe, pendant que l’esprit français rayonnait de Paris sur le monde quelques années avant qu’il fît explosion par la révolution française. […] La solitude rendit son esprit indépendant, effet ordinaire et naturel d’une méditation solitaire.

1997. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Véron.] » pp. 530-531

J’accorderai, certes, à Véron en bien des points tout ce qu’il voudra : d’être un homme d’esprit (c’est bien juste), même d’être un homme de goût, d’être un amphytrion modèle, d’être un impresario habile, un directeur de théâtre ou de journal comme il n’y en a pas ; d’être… quoi encore ? […] Vous avez dit ce qui était à dire : il aimait l’esprit et il en avait ; il avait un grand sens, — ce bon sens qui se trouve au fond de tout bonheur : il y mêlait, comme vous l’observez très bien, quelque légèreté (mot qui étonne à première vue) et de l’inconstance. Vous avez prononcé aussi le mot de vanité qui est inévitable en un tel sujet ; mais tant de gens ont leur vanité en dedans que la sienne, toute en dehors, était en quelque sorte commode pour autrui : cela accepté, on avait affaire à un esprit orné, plein d’anecdotes et de mots pris aux bons endroits, facile et coulant.

1998. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 120-124

La vraie source de sa réputation littéraire est sa Nouvelle Traduction en Vers des Géorgiques de Virgile Ouvrage qui lui fait autant d’honneur auprès des esprits capables de sentir les difficultés qu’il avoit à vaincre, qu’il eût pu en recueillir d’un Ouvrage de son invention. […] J’ai eu la gloire de ne compter parmi mes ennemis, que les fanatiques, les esprits serfs, l’Auteur de l’Année Littéraire, & celui de cet Almanach de l’année passée, publié en trois gros volumes, sous le titre des Trois Siecles de notre Littérature ; Ouvrage sans esprit, quoique ce soit un Libelle, & très-obscur, quoiqu’on y déchire tous nos Grands Hommes ».

1999. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Appendice »

Voici le début :‌ Traduction Leconte de Lisle Les chefs des Panakhaiens dormaient dans la nuit, auprès des nefs, domptés par le sommeil ; mais le doux sommeil ne saisissait point l’Atréide Agamemnôn, prince des peuples, et il roulait beaucoup de pensées dans son esprit.‌ […] Mais le sommeil aimable [doux] Ne tenait pas Agamemnon fils-d’Atrée,‌ Pasteur des peuples, Agitant beaucoup de pensées‌ Dans son esprit. […] MÊME CHOSE : La Mort de Dolon Traduction Hachette juxtalinéaire Mais Diomède puissant, Ayant regardé certes lui en dessous Dit à lui : « ne te mets pas certes dans l’esprit la fuite du moins, Dolon, Quoique ayant annoncé De bonnes choses, Puisque tu es venu dans nos mains.

2000. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

Et, pour tout dire enfin, ajoutons à ces qualités substantielles d’un ouvrage qui n’a pas la prétention d’en dire plus long qu’il n’est gros, quoiqu’il en dise beaucoup, que l’esprit qui l’anime est ce qu’il doit être, et qu’on y sent vibrer sympathiquement une âme à tous les coups qui frappent sur le grand cœur du Sacerdoce. […] En cela encore, par l’émotion et par l’aperçu, Fleury est au-dessus des Goncourt, dont l’âme est à peu près muette et l’esprit aveugle, muette et aveugle à tout ce qui n’est pas de l’effet de couleur. […] On dirait des sceptiques de ce temps aux mœurs douces, qui ont l’horreur du sang et le dégoût de la fange, comme il sied à des naturels honnêtes et à des esprits cultivés, mais qui, ce sang montré dans sa vermeille couleur et cette fange dans son infamie, ont tout dit, à l’honneur de l’art et du style, et ne savent pas tirer de cette effroyable peinture, faite avec de véritables pourlècheries de pinceau, un enseignement ou une conclusion.

2001. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Il mettoit partout de l’esprit au lieu d’images, de l’analyse au lieu d’imagination, de la sécheresse & de la froideur au lieu d’embonpoint, de véhémence & d’un feu divin. […] D’aussi frivoles raisonnemens persuadèrent quelques esprits, toujours entraînés par la singularité. […] Celui-ci fit voir, dans une ode, que les difficultés de la versification disparoissent devant ceux qui sont nés poëtes ; & que, bien loin d’être nuisibles au talent, elles contribuent à le faire sortir, & deviennent la source de mille beautés : De la contrainte rigoureuse, Où l’esprit semble resserré, Il acquiert cette force heureuse Qui l’élève au plus haut dégré. […] Ils firent, l’un & l’autre, pendant long-temps, assaut d’esprit, de raison, d’honnetetés, & même de fadeurs. […] Il étoit recherché pour son esprit agréable & solide, pour sa conversation brillante, pour ses mœurs douces & ce mérite de caractère qui souvent influe sur la réputation.

2002. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

, et il fut regardé dans ce journal, dont tous les rédacteurs sont des hommes de génie… les uns pour les autres, comme l’esprit le plus savoureusement littéraire que l’on eût vu depuis Rigault, cet amour perdu de Rigault ! […] Je puis trouver plus ou moins drôle… ou triste — et le garder pour moi — qu’un esprit, qui paraissait en bonne santé, en soit venu à ce point d’agacement et de révolte contre la réalité qu’il s’imagine que chaque semaine de ce temps, si peu exigeant et si tranquille ! […] Homme d’esprit dans le sens le plus léger du mot, doué d’un de ces genres de talent que je ne nie point, mais qui n’était pas de nature à donner de grandes jalousies à personne, Prévost-Paradol est arrivé, dès les premiers pas qu’il a faits dans la littérature, à monter les trois échelons, mystérieux toujours quoique très connu, après lesquels en France, dans ce pays de la moquerie despotisé par les coutumes dont on se sera le plus moqué, il ne reste rien de bien difficile à grimper. […] Par la nature de son talent, Prévost-Paradol est peut-être, de tous les écrivains du Journal des Débats, celui qui convenait le mieux à ce journal et qui a le plus de ce qui s’appelle l’esprit de la maison. Jeunes comme lui, Taine et Renan, qui sont certainement des esprits de plus de talent que lui, de plus d’impulsion et de mouvement d’idées, n’ont pas, comme lui, cette ductilité de rhétorique, et, ce qui est l’avantage suprême au Journal des Débats, la faculté de faire également dans la politique et dans la littérature, qui fut si longtemps la faculté de MM. 

2003. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Les livres, en effet, dans lesquels l’attention est obligée de s’abattre comme un bec d’aigle pour les pénétrer et en prendre la moelle spirituelle, le public des lecteurs, débilité par l’ennui elles lectures vaines, n’en veut plus et il s’en détourne, tandis qu’il se jette avec un empressement avide, sur les brouets clairets que l’esprit lape en un tour de langue, même quand il est pressé. Et quel esprit n’est pressé maintenant ? […] Mais ce n’est pas tout : j’y reconnais jusqu’aux points de vue particuliers et aux expressions individualisantes qui appartiennent à l’historien et sont la seule originalité possible en histoire, quoique ces points de vue et ces expressions soient infiniment rares dans Southey, esprit pompeux et vide. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier, et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros. […] Et elle a été écrite en style Alexandre Dumas, ce conteur aimé des esprits qui conçoivent le plaisir littéraire comme une tasse de chocolat prise sur le bout d’une table de café !

2004. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

C’est que cette philosophie qui, au xixe  siècle, se réclame avec tant d’orgueil de Descartes et de son cogito, ergo sum, se sent des parentés certaines avec l’homme qui, clerc de l’Église de Dieu, introduisit le scepticisme là où l’Église avait mis ses sécurités sublimes, et déposé dans les esprits de son temps, comme dit Cousin : « le doute salutaire et provisoire qui préparait l’esprit à des solutions meilleures » que celles de la Foi. […] Car l’homme est ainsi fait que la Passion l’attire avec son idéal funeste, et qu’il lui garde toujours un lambeau de son être, chair ou esprit, à dévorer ! […] Selon nous, ces lettres éteignent toute illusion et nous tachent, dans l’esprit, les deux beaux portraits que l’imagination y avait peints et suspendus ! […] D’un côté, vous avez un fat de quarante ans, un bellâtre gauche et impudent, une de ces âmes comme celle de Rousseau, coquinement honnêtes, qui se passionnent d’esprit pour le bien et de volonté pour le mal ; et de l’autre vous avez un bas-bleu du xiie  siècle, froide de cœur comme toutes ces folles Ménades de la gloire qui l’appellent « un deuil éclatant du bonheur », et qui s’est, comme on dit vulgairement, monté la tête, non pour l’homme tel qu’il soit, mais pour le professeur le plus renommé de son temps.

2005. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Les livres, en effet, dans lesquels l’attention est obligée de s’abattre comme un bec d’aigle pour les pénétrer et en prendre la moelle spirituelle, le public des lecteurs, débilité par l’ennui et les lectures vaines, n’en veut plus et il s’en détourne, tandis qu’il se jette avec un empressement avide sur les brouets clairets que l’esprit lappe en un tour de langue, même quand il est pressé. Et quel esprit n’est pressé maintenant ? […] Mais ce n’est pas tout : j’y reconnais jusqu’aux points de vue particuliers et aux expressions individualisantes qui appartiennent à l’historien et sont la seule originalité possible en Histoire, quoique ces points de vue et ces expressions soient infiniment rares dans Southey, esprit pompeux et vide. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros. […] Et elle a été écrite en style Alexandre Dumas, ce conteur aimé des esprits qui conçoivent le plaisir littéraire comme une tasse de chocolat prise sur le bout d’une table de café !

2006. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

C’est que cette philosophie qui, au dix-neuvième siècle, se réclame avec tant d’orgueil de Descartes et de son cogito, ergo sum, se sent des parentés certaines avec l’homme qui, clerc de l’Église de Dieu, introduisit le scepticisme là où l’Église avait mis ses sécurités sublimes, et déposé dans les esprits de son temps, comme dit M. Cousin : « le doute salutaire et provisoire qui préparait l’esprit à des solutions meilleures » que celles de la Foi. […] Car l’homme est ainsi fait que la Passion l’attire avec son idéal funeste et qu’il lui garde toujours un lambeau de son être, chair ou esprit, à dévorer ! […] Selon nous, ces lettres éteignent toute illusion et nous tachent, dans l’esprit, les deux beaux portraits que l’Imagination y avait peints et suspendus ! […] D’un côté, vous avez un fat de quarante ans, un bellâtre gauche et impudent, une de ces âmes comme celle de Rousseau, coquinement honnêtes, qui se passionnent d’esprit pour le bien et de volonté pour le mal ; et de l’autre vous avez un bas-bleu du douzième siècle, froide de cœur comme toutes ces folles Ménades de la gloire qui l’appellent « un deuil éclatant du bonheur », et qui s’est, comme on dit vulgairement, monté la tête, non pour l’homme tel qu’il soit, mais pour le professeur le plus renommé de son temps.

2007. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Évidemment, l’esprit de l’auteur était hanté par les beaux sujets poétiques, et c’était là une supériorité dans ce temps. […] Sauf l’exception et le phénomène d’un de ces développements inattendus dont quelques esprits (Balzac entre autres, et si glorieusement !) […] Autran comme ils s’emparent des véritables poètes, dont la préoccupation, la rêverie, les pentes d’esprit, sont irrésistibles, et qui sont saisis par le sujet, comme par l’inspiration elle-même. […] Autran nous a fait le petit ménage de son esprit. « Quand, il y a dix-huit mois, dit-il, je publiai Les Poèmes de la mer, quelques-uns de mes bienveillants critiques exprimèrent le désir (oh ! […] Il y a l’École du bon sens, et ce n’est pas la pire ; il y a l’École de la vulgarité, si chère aux esprits égalitaires de cette époque de démocratie intellectuelle.

2008. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Tout le monde l’a loué hyperboliquement, d’une seule voix, excepté pourtant un critique que j’honore pour la fermeté de son esprit et pour son indépendance (M.  […] Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! […] Ce n’a jamais été un esprit de vigoureuse et rapide spontanéité. […] Savez-vous à quoi je pensais en lisant ce livre qui a la prétention d’être un livre écrit dans l’esprit et pensé dans la langue d’un temps qui n’est plus ? […] Quoique tous les genres de composition romanesque ne soient pas égaux, même devant le génie, et qu’il y ait une hiérarchie dans les œuvres aussi bien que dans les esprits, j’admets cependant que tous les genres de roman ont un intérêt assez grand pour saisir vivement la pensée et faire prendre l’essor au talent ; mais franchement, je ne vois pas très-distinctement à quel genre de composition romanesque peut appartenir Le Capitaine Fracasse de M. 

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