Presque dès le début de sa liaison avec Mme du Châtelet, il put lui dire et lui redire ces vers charmants : Si vous voulez que j’aime encore Rendez-moi l’âge des amours… Elle acceptait toutefois cette situation inégale, et jusqu’à un certain point pénible ; durant des années elle s’y montra constante et fidèle. […] Quand l’âge et les maladies ont diminué son goût, j’ai été longtemps sans m’en apercevoir : j’aimais pour deux ; je passais ma vie entière avec lui, et mon cœur, exempt de soupçons, jouissait du plaisir d’aimer et de l’illusion de se croire aimé. […] Mais les cajoleries du roi de Prusse, que Mme du Châtelet avait conjurées de son mieux tant qu’elle avait vécu, revinrent le tenter ; il n’y résista plus, et il alla faire, à l’âge de cinquante-six ans, cette triste et dernière école de Prusse, après laquelle seulement il reparut moins agité et, en apparence, un peu plus sage.
Lent à penser, prompt à sentir, avec des convoitises ardentes et rentrées, avec une souffrance et une contrainte de chaque jour, Rousseau arrive à l’âge de seize ans, et il se peint à nous en ces termes : J’atteignis ainsi ma seizième année, inquiet, mécontent de tout et de moi, sans goût de mon état, sans plaisirs de mon âge, dévoré de désirs dont j’ignorais l’objet, pleurant sans sujet de larmes, soupirant sans savoir de quoi ; enfin caressant tendrement mes chimères, faute de rien voir autour de moi qui les valût. […] Logé ainsi à l’âge de dix-neuf ans auprès d’une femme aimée, mais à laquelle il n’ose déclarer son ardeur, Rousseau s’abandonnait à une tristesse « qui n’avait pourtant rien de sombre et qu’un espoir flatteur tempérait ».
Mme de Coulanges, en apprenant cette nouvelle, et tout en estimant Mme des Ursins très digne de son emploi, trouvait qu’à cet âge il n’y avait plus rien à imaginer d’agréable dans la vie : c’est qu’elle n’était que femme, et ne concevait de son sexe que les passions aimables et tendres. […] Mais ce qui paraît plus certain, quoiqu’un peu singulier au premier aspect, c’est qu’à cet âge de soixante ans et plus, Mme des Ursins avait encore des amants. […] On est même allé jusqu’à supposer que les vues de Mme des Ursins se portèrent plus loin : « l’âge et la santé de Mme de Maintenon la tentaient ».
Sa force d’impulsion étant épuisée, il atteignait à l’âge où tout lui aurait paru assez bon, pourvu qu’il pût faire jouer ses pièces, être gai et heureux dans son jardin. […] Mais la paternité l’avait ramené d’instinct et en idée au drame moral et vertueux, et il répétait souvent dans sa vieillesse « que tout homme qui n’est pas né un épouvantable méchant, finit toujours par être bon quand l’âge des passions s’éloigne, et surtout quand il a goûté le bonheur si doux d’être père ! […] J’ai évité jusqu’ici de traiter la question de moralité positive en Beaumarchais, et je dirai simplement pourquoi : il appartient à cette famille d’esprits que nous connaissons très bien pour l’avoir déjà étudiée chez Gourville et chez d’autres encore, famille en qui la morale rigide tient peu de place, et qui, dans l’âge de l’activité et des affaires, se sert du oui ou du non, selon l’occasion, et sans trop de difficulté.
François de Sales, qui entrait peu d’ailleurs dans ces distinctions, et dont la foi voyait partout un égal et horrible danger, se consacra, dans cette première ardeur de son âge, à la vie du missionnaire qui se jette seul au milieu des infidèles et qui va relever la croix. […] C’est en France, c’est à Lyon qu’était saint François de Sales quand la mort le prit le 28 décembre 1622, consumé de zèle et accablé d’infirmités, à l’âge seulement de cinquante-cinq ans. […] La réponse de saint François de Sales est admirable de sagesse et de prudence : « Vous requérez de moi, répond-il à cette dame, une chose également difficile et inutile » ; et il montre en quoi la solution est difficile, non pas tant en soi et pour les esprits simples qui la cherchent par le chemin de la charité, mais parce qu’en cet âge qui abonde « en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses », il est malaisé de dire une chose qui n’offense pas ceux qui, « faisant les bons valets soit du pape, soit des princes, ne veulent jamais qu’on s’arrête hors des extrémités ».
Byron aussi avait, un jour, et à l’âge de Brizeux, manqué de la force qui se fait aimer. […] Mais si la grande originalité qui n’a pas d’âge, l’originalité absolue, manquait à Brizeux, à ce poète parfumé de Bretagne, mais qui n’en était pas pénétré, la relative qu’attestent ses poésies leur donne une valeur qui l’emporte, selon moi, sur bien des poésies que nous avons vues se produire depuis qu’il n’est plus. […] avec l’expérience de cet âge ingénu, le pauvre Brizeux se trompait.
quoi, dans un âge si tendre, On ne peut déjà vous entendre, Ni voir vos beaux yeux sans mourir !
Il composa des vers à l’âge de près de quatre-vingt-dix ans, qui ressemblent assez à ceux de sa jeunesse.
MAIRET, [Jean] né à Besançon, mort à Paris en 1660, dans un âge fort avancé.
C’est dans Versailles que les pompes de l’âge religieux de la France s’étaient réunies.
Claude avait été bafoué jusqu’à l’âge de cinquante ans. […] J’ignore votre âge ; je n’ai aucune répugnance à vous accorder des mœurs pures. […] XIV, cap. xv) : ni l’âge, ni la dignité, ni la naissance, ni le sexe, ne dispensent d’apprendre et d’exercer l’art des histrions. […] Vous êtes dans la vigueur de l’âge ; une assez longue expérience vous a rendu familier l’art de gouverner : souffrez que vos amis se reposent dans l’âge avancé ; il vous sera même glorieux d’avoir élevé à la grandeur celui qui pouvait supporter la médiocrité. » (TACIT. […] La nature suivit l’ordre de l’âge ; Sentia mourut la première, et Pollutia la dernière.
Il est intelligent, hardi, ambitieux ; il a l’âge qu’aurait le vrai Démétrius ; il a recueilli avidement, dans les aveux du moribond, les détails qu’il lui importait de savoir. […] À cet irrésistible appel, Eschyle oublie son âge ; il ne croit plus à cette décadence de son génie dont il s’est plaint avec une si éloquente amertume. […] M. de Musset se jouait à l’entour sans prendre parti pour personne, et avec cette cavalière insouciance que son âge justifiait encore. […] L’union de ces deux puissances n’appartient qu’à ces temps éclairés qui sont comme l’âge viril des nations. […] Parfois, le sérieux de sa pensée donnait à sa parole un caractère plein de noblesse ; parfois, le naïf enjouement de son âge rayonnait, au contraire, sans désirs et sans regrets.
Une raison prématurée lui ayant fait connoître de bonne heure, que rien ne contribuoit plus que les Belles-Lettres & les Sciences à rendre la vie douce & agréable, il a consacré à l’étude un temps que les personnes de son âge & de son rang donnent ordinairement aux plaisirs & à la dissipation.
Pluche a fait encore une Histoire du Ciel, en 2 volumes, un Livre sur la Mécanique des Langues, & une Concorde de la Géographie des âges, Ouvrages estimables, & écrits selon le génie de l’Auteur, qui ne manque ni de sagacité, ni de méthode, ni d’élégance.
« Newton, Pascal, Bossuet, Racine, Fénélon, c'est-à-dire les hommes de la terre les plus éclairés, dans le plus philosophe de tous les Siecles, & dans la force de leur âge, ont cru Jésus-Christ.
Dans une première division du recueil où se lit cette inscription, Amour, il se trouve de bien jolis motifs de chants, des mélodies pures, et qui rappellent l’âge, déjà bien ancien, où la poésie se nourrissait encore toute de sentiment : Les roses de Saadi J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes, Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir. […] Je l’aurais aimée comme une mère et à vous en rendre jaloux, si mon âge ne m’avait permis de l’aimer comme une sœur.
Certes il lui convenait mieux qu’à personne, à lui qui avait si bien prouvé les immenses services de la Montagne, de saluer d’un regret et d’une larme les hommes de ce parti, qui, à la fleur de l’âge et du talent, étrangers aux crimes et aux faveurs de la dictature, et coupables seulement d’exaltation républicaine, étaient proscrits au nom de la modération comme des brigands, et mouraient comme des martyrs en désespérant de la liberté. […] Si, dans l’enivrement de l’âge et du patriotisme, leur imagination s’exagéra les périls et se méprit sur les remèdes, le temps et l’expérience auraient fini par tempérer cette fougue généreuse, et la Révolution eût conservé en eux des vertus civiques d’autant plus utiles qu’elles allaient devenir plus rares, et qu’on touchait à une époque de tiédeur et de corruption.
Orpheline depuis l’âge de 5 ans, élevée par un oncle respectable, instruite par Ménage, mariée à 18 ans, veuve à 26, retirée pendant deux années qu’elle emploie à l’éducation de ses enfants et à l’arrangement de leur fortune, sachant le latin, l’espagnol, l’italien et la littérature, ses premiers pus dans la société se tournent vers l’hôtel de Rambouillet ; la marquise, âgée, isolée par le mariage de sa fille, désolée de la mort de son mari et de celle d’un fils de 31 ans arrivées à un an de distance, fut la première personne dont madame de Sévigné, belle, brillante de jeunesse, d’esprit et de savoir, rechercha la société et ambitionna la confiance. […] » Le 7 octobre 1655, à propos de l’estime que M. de Turenne lui avait témoignée pour elle : « … Il faut que je vous dise, madame, que je ne pense pas qu’il y ait au monde une personne si généralement estimée que vous… On s’accorde à dire qu’il n’y a point de femme de votre âge plus vertueuse et plus aimable que vous.
On ne fit point un crime à la Motte-Houdart de s’être ainsi expliqué dans une Ode lue & applaudie par toute l’Académie Françoise, à qui elle étoit adressée : Notre âge retrouve un Homere Dans ce Poeme salutaire, Par la Vertu même inventé : Les Nymphes de la double cîme Ne l’affranchirent de la rime, Qu’en faveur de la vérité. […] « Quoique cet Ouvrage, dit un des* Panégyristes de Fénélon, semble écrit pour la jeunesse, & particuliérement pour un Prince, c’est pourtant le Livre de tous les âges & de tous les esprits.
Rousseau mourut un an après son retour à Bruxelles, dans la soixante-douzième année de son âge. […] A cet âge, où les biens de la fortune sont le plus nécessaires, il ne subsistoit que des secours de quelques amis.
Le journalisme, cet ogre qui aime la chair fraîche littéraire et qui mange les littérateurs en bas âge, a dévoré l’homme de lettres que Pelletan aurait pu devenir. […] L’âge est venu ; d’autres révolutions aussi et d’autres républiques, après la belle, proclamée en 1848, la république du genre humain et de l’imagination de Lamartine, qui avait rêvé d’être le Président des États-Unis Européens.
Ce devait être l’œuvre et la couronne de son âge mûr. L’âge mûr est venu, mais n’a pas apporté sa couronne.
Issu d’une famille profondément religieuse, qui l’avait destiné, dès son plus bas âge, au sacerdoce, il n’eut pas besoin pour aller à Dieu de passer, comme saint Colomban, par-dessus le corps de sa mère. […] Apôtre futur de Celui qui à douze ans enseignait dans le temple, il jaillit docteur par la force seule du génie, à l’âge où les autres jeunes gens ne sont que des bégayeurs de sciences apprises, mais non pénétrées.
Jeune, vingt-trois ans à peine, l’âge à peu près de lord Byron quand il publia ses Heures de loisir, l’auteur du livre que voici nous le jette à la tête comme un défi, avec des airs qu’assurément lord Byron n’avait pas quand il débuta. […] Quant à Gustave Rousselot, qui a l’âge de la candeur, s’il est candide, il est, comme je l’ai dit et comme je viens de le prouver, aussi inconséquent à son orgueil, dans la misérable conception de sa poétique, qu’insolent pour la poésie elle-même.
. : cette conspiration, c’est la future philosophie de l’histoire, qui ne doit plus être, comme celle de l’âge héroïque, antérieure, mais postérieure à la connaissance scientifique des faits sociaux. […] Lorsqu’on nous a dit sur quel sol et sous quel ciel vit un groupe d’hommes, s’ils sont dolichocéphales brachycéphales, aryens ou sémites, s’ils sont entrés ou non dans l’âge des machines, s’ils craignent Dieu ou n’y paraissent pas penser, s’ils sont insouciants ou prévoyants, s’ils penchent vers le matérialisme ou vers l’idéalisme, on n’aura pas encore épuisé la liste des déterminants de leur histoire.
Car, d’abord, on ne saura jamais à quel âge il est mort, et s’il est né en 1807 ou en 1811. […] Et elle ne s’empoisonnerait pas ; ou, si cette idée d’un autre âge lui venait, elle le ferait avec de la morphine, non avec de l’arsenic, — ce poison canaille. […] — Oui, madame. — Quel âge a-t-il ? […] mais c’est l’âge de Jeanne ! […] Vous aimez encore mieux ces belles vertus quand il s’y joint un peu de « panache » ; mais ce goût est bien de votre âge.
. — L’âge moderne. — Comment les idées européennes élargissent le moule national. […] L’âge barbare a établi sur le sol une race de Germains, flegmatique et sérieuse, capable d’émotions spiritualistes et de discipline morale. L’âge féodal a imposé à cette race les habitudes de résistance et d’association, les préoccupations politiques et utilitaires. […] À l’ouverture de chaque âge, il est d’une certaine façon ; son corps, son cœur et son esprit ont une structure et une disposition distinctes ; et de cet agencement durable que tous les siècles précédents ont contribué à consolider ou à construire sortent des désirs ou des aptitudes permanentes, selon lesquelles il veut et il agit. […] Deux puissances la dirigent, l’une européenne, l’autre anglaise ; d’un côté ce talent d’analyse oratoire et ces habitudes de dignité littéraire qui sont propres à l’âge classique, de l’autre ce goût pour l’application et cette énergie de l’observation précise qui sont propres à l’esprit national.
Les poëtes qui se succèdent à travers les âges forment entre eux une chaîne mystérieuse parfaitement isolée des influences terrestres, et dont le premier anneau touche au ciel. […] C’est en appliquant la méthode si féconde de l’observation comparée aux diverses sociétés anciennes et modernes qu’il arrive à découvrir la loi des trois âges de l’humanité, âge divin, âge héroïque, âge humain, et qu’il a compris que certains personnages fabuleux ou même historiques, comme Hercule, Homère, Romulus, ne sont qu’une personnification des sentiments et des actions de leur époque ou de leur nation, chose dont l’antiquité ne s’était jamais doutée.
La caducité de l’âge n’eut pas le pouvoir d’amortir les saillies de sa Muse, ni d’altérer ses goûts ; il aima toujours les plaisirs, & les chanta jusqu’à la fin de sa vie.
Celle du Maréchal de Belle-Isle, quoique le fruit d’un âge avancé, est marquée au coin de ses autres Productions, c’est-à-dire qu’on y retrouve cet esprit vaste qui saisit tous les points de vue d’un sujet, qui les approfondit avec pénétration, qui les énonce avec autant de grace que de force ; cet esprit enchanteur, qui donne une vie à tout, & une vie qui annonce toujours le Génie créateur.
Des chambres particulières et séparées pour les élèves avancés en âge et en instruction.
À cet âge, en littérature généralement les injures s’arrêtent, et il en est fini de la critique insultante. Moi, je suis vilipendé, honni, injurié comme un débutant, et j’ai lieu de croire que la critique s’adressant à un homme ayant mon âge et ma situation dans les lettres, est un fait unique dans la littérature de tous les temps et de tous les pays. […] Puis, il y a dans la présente jeunesse, ce côté curieux qui la différencie des jeunesses des autres époques ; elle ne veut pas reconnaître de pères, de générateurs, et se considère, dès l’âge de vingt ans, et dans le balbutiement du talent, comme les trouveurs de tout. […] Je fais cette remarque, en me comparant aux bourgeois de mon âge que je connais. […] Et je causais avec Alfred Lenoir, de l’âge où il s’était pris de passion pour la sculpture, et il me racontait qu’à l’âge de quatorze ans, ayant eu une fièvre cérébrale, ses études avaient été interrompues, et qu’il passait sa journée à vaguer dans l’École des Beaux-Arts, dont son père venait d’être nommé le Directeur.
Julien Leclercq Parti trop tôt, — à l’âge où l’artiste se juge à la hauteur de ses projets.
Murger, c’est le bas âge éternel !
L’Homere vengé donna lieu à cette Epigramme : En vain des siecles triomphant, De l’Univers entier Homere eut le suffrage ; Le plus honteux revers l’attendoit dans notre âge : Houdart l’attaque, & Gacon le défend.
Si dans la fleur de son bel âge, Fille qui pourroit tout charmer, Vous donne son cœur en partage, Qu’on est sot de ne pas aimer !
Un guerrier expirant au champ d’honneur, dans la force de l’âge, peut être superbe, mais un corps usé de maladies est une image que les arts repoussent, à moins qu’il ne s’y mêle un miracle, comme dans le tableau de saint Charles Borromée138.
Que cette anecdote soit vraie ou fausse, il est certain que la maturité de l’âge dirigea les talens de ce Jésuite vers leur véritable objet.
C’est, le cri qui nous parvient du fond des âges les plus reculés. […] Ces quatre âges sont pourtant d’une invention relativement récente. […] » Mme Clairmont avait deux enfants, un fils et une fille de l’âge de Fanny Imlay. […] Shelley venait d’atteindre l’âge de sa majorité. […] Il mourut à l’âge de cinquante ans, en 1815.
Les intérêts généraux de la Société, les droits de la Famille, toutes ces idées morales pour lesquelles les hommes de l’âge héroïque avaient combattu, qui combattaient en eux, et dont la lutte plus qu’humaine est l’essence du tragique, furent reléguées à l’arrière-plan sur le théâtre comme dans la vie. […] Dans l’âge d’or de la poésie, dans l’âge héroïque, il n’y avait point de police, point d’armée, point de gouvernement. […] Ce n’est pas par une fantaisie aristocratique que Shakespeare met habituellement des princes sur la scène, c’est par une nécessité de l’art, c’est afin d’avoir des figures indépendantes ; et pour cela il ne suffit pas de prendre des princes, il faut encore les tirer du fond des âges fabuleux de la vieille Europe. […] Le temps où vivent Gœtz et Franz de Sickingen est cet âge héroïque du monde chrétien qui s’appelle la féodalité. […] Les monarques de nos jours ne forment plus, comme les héros des âges mythologiques, la tête vivante d’une société qu’ils dirigent, mais un centre plus ou moins abstrait, environné d’institutions façonnées et fixées par des lois et par une constitution.
Mais ce prieur avait auprès de lui un neveu d’un âge tendre, nommé Julio Mosti, qui compensait autant qu’il était en lui par ses assiduités, ses entretiens, ses tendresses, la dureté de son oncle. […] Voltaire a dit : « Les Français n’ont pas la tête épique. » Il nous semble plus juste de dire : Les âges où nous vivons ne sont pas épiques. […] « Au reste, si la Jérusalem a une fleur de poésie exquise, si l’on y respire l’âge tendre, l’amour et les déplaisirs du grand homme infortuné qui composa ce chef-d’œuvre dans sa jeunesse, on y sent aussi les défauts d’un âge qui n’était pas assez mûr pour la haute entreprise d’une épopée. […] Le Tasse jouissait complètement de sa gloire ; l’envie ne l’avait pas poursuivi jusque-là ; sa mélancolie s’affaiblissait en lui avec l’âge et avec la vie. […] Né d’une race à la fois chevaleresque et poétique, élevé par une mère d’élite et par un père déjà glorieux, recueilli dans la fleur de son adolescence par un prince qui lui ouvrit pour ainsi dire sa propre famille, protégé, aimé peut-être par la sœur charmante de ce prince, qui fut pour lui, sinon une amante, du moins une autre sœur, et qui lui pardonna tout, même ses négligences et ses distractions de sentiment que tant d’autres femmes ne pardonnent jamais, illustre avant l’âge de la gloire par des poèmes que la religion et la nation popularisaient à mesure qu’ils tombaient de sa plume ; disputé comme un joyau de gloire entre la maison d’Este, la maison de Médicis, la maison de Gonzague, la maison de la Rovère, ces grands patrons des lettres en Italie ; misérable et errant par sa propre insanité, mais non par la persécution de ses ennemis ; comblé d’enthousiasme et de soins par la jeune princesse Léonora de Médicis ; chéri à Turin, désiré à Florence, appelé à Rome ; retrouvant à Naples, toutes les fois qu’il voulait s’y réfugier, la patrie, l’amitié, la paix d’esprit, l’admiration d’une foule de disciples fiers d’être ses compatriotes ; enfin rappelé pour le triomphe à Rome par un neveu du souverain de la chrétienté, fanatique de son génie et providence de sa fortune ; mourant dans ses bras avec la couronne du poète en perspective et le triomphe pour tombeau : on ne voit rien dans une telle vie qui soit de nature à accuser l’ingratitude humaine, excepté quelques années de cruelle séquestration dans un hospice de fous, qui n’accusent pas, mais qui dégradent un peu son protecteur devenu son geôlier ; mais cette infortune n’est-elle pas souvent, dans l’économie d’une grande destinée, l’ombre qui fait mieux ressortir la note pathétique, qui attendrit le cœur de la postérité, et qui donne à la gloire quelque chose d’une compassion enthousiaste du monde ?
Ce sont les Achilles et les Homères de ces âges de héros et de poëtes. […] Loclin fut consumé du feu de ta colère dans cet âge où ta beauté le disputait à celle de nos jeunes filles. […] « Ullin, d’un pas ralenti par l’âge, marche vers le fils de Starno, et lui dit : « Ô toi qui habites loin de nous environné de tes flots, viens à la fête du roi et passe ce jour dans le repos ; demain, ô Swaran, nous combattrons, nous briserons les boucliers. […] « Fils de mon fils, dit le roi, Oscar, l’honneur du jeune âge, j’ai vu briller ton épée, et je me suis enorgueilli de ma race : suis la trace glorieuse de nos aïeux, et sois ce que furent Trenmor, le premier des hommes, et Trathal, le père des héros. […] « Tel je fus dans mon jeune âge ; mais toi, Oscar, imite la vieillesse de Fingal ; ne cherche jamais le combat : s’il se présente, ne l’évite jamais.
À quoi bon avoir quitté la retraite qui sied à son âge ? […] On retrouve déjà chez les Aryens, ses ancêtres, la croyance que le Ciel change comme la terre, qu’il a ses avènements et ses décadences, et que des dynasties divines s’y succèdent dans le cours des temps. — « Chantons », — dit un Hymne du Rig-Veda — « les naissances des dieux qui, célébrés par nos voix, verront le jour dans l’âge à venir. Les dieux existants naissent de ceux qui n’existent plus, et qu’a vus l’âge précédent. » — Ailleurs, un prêtre versant le Soma sur l’autel d’Agni, confond dans un même hommage les dieux passés, présents et futurs, les aïeux et les enfants de l’Ether, ceux qu’abolit déjà la caducité, et ceux qui naissent à la vie céleste. — « Adoration aux grands dieux ! […] Aux âges barbares, les idoles grossières, façonnées sur les cataclysmes du globe et sur les fureurs des tribus sauvages : Ouranos, qui engloutit ses enfants ; Cronos, qui dévore les siens, après avoir mutilé son père. […] Prométhée revient, d’âge en âge, à son rocher d’agonie.
Louise Labé, qui a très-bien pu, même avant son mariage avec le cordier Ennemond Perrin, s’être appelée la Belle Cordière, prit rang de bonne heure, et, dès l’âge de seize ans, sa beauté et son esprit la produisirent. […] En un mot, dans toute sa plaidoirie, Apollon s’attache à représenter Amour dans son excellence et sa clairvoyance, Amour en son âge d’or et avant la chute pour ainsi dire, Amour avant Folie. […] Ses trois élégies, coulantes et gracieuses, sentent l’école de Marot ; elle y raconte comment Amour l’assaillit en son âge le plus verd et la dégoûta aussitôt des œuvres ingénieuses où elle se plaisait ; elle s’adresse à l’ami absent qu’elle craint de savoir oublieux ou infidèle, et lui dit avec une tendresse naïve : Goûte le bien que tant d’hommes désirent, Demeure au but où tant d’autres aspirent, Et crois qu’ailleurs n’en auras une telle, Je ne dis pas qu’elle ne soit plus belle, Mais que jamais femme ne t’aimera Ne plus que moi d’honneur te portera. […] Elle avait environ vingt-neuf ans à la date de cette publication ; elle vécut jusqu’en 1566, et mourut à l’âge où les cœurs passionnés n’ont plus rien à faire en cette vie, ayant vu se coucher à l’horizon les derniers soleils de la jeunesse.
Non ; ce serait intervertir l’esprit du siècle lui-même et remonter au symbole impératif d’un autre âge qui défendait de penser en religion, à moins de penser comme nous ; cela ne serait ni raisonnable ni sensé, ce serait un retour au moyen âge. L’âge dans lequel nous vivons est une époque de doute, d’éclectisme et de transition, où tout le monde est convenu d’abriter sa conscience dans la liberté de croyance, de respecter dans les autres les dogmes auxquels nous ne croyons pas devoir adhérer nous-mêmes, laissant à Dieu de juger dans sa science universelle si ce que nous pensons de lui est plus ou moins digne de sa mystérieuse essence. […] Elle lui avait pardonné les nombreuses infidélités de sa vieillesse, madame de Chateaubriand lui pardonna celles de tous les âges. […] Il dut y avoir à la fin du paganisme des hommes supérieurs, d’abord chrétiens, puis ramenés aux dieux de leur jeunesse par la poésie de l’Olympe et par la facilité d’un vieux culte rétabli ; flottant d’une religion à l’autre, écrivant tantôt pour la nouvelle, tantôt pour l’ancienne foi de Rome, et mourant héroïquement comme Julien l’Apostat, en lançant au ciel le reproche terrible où le doute retentit à travers ces âges : « Tu as vaincu, Galiléen !
La poésie de notre âge et de notre pays contient toutes les autres dans son vaste sein. […] combien lent ne s’élabore pas par elle à travers les âges ? […] Cela donne à réfléchir, d’autant plus que nous-mêmes, les derniers venus et les moins malheureux, nous nous sentons encore inclinés vers la métaphysique vague et dés (mot illisible, vraisemblablement désolée) où s’assoupissaient nos plus lointains ancêtres (mot illisible) même que souvent dans le cerveau d’un homme renaissent au déclin de l’âge les songes et les croyance de ses jeunes années, ainsi l’humanité vieillissante refait le songe de sa jeunesse. […] Leconte de Lisle ne voit point les âges avec l’œil de Michelet ou de Hugo.
Il y a même des téméraires, qui, à l’exemple de Franklin, cette incarnation du bon sens pourtant, prédisent aux hommes des âges futurs la longévité de Mathusalem. […] On ne se borne plus à constater une règle de grammaire : on en cherche patiemment la genèse à travers les âges ; on remonte à son origine, à son principe. […] Je crains que ces ouvrages, où le vrai et le faux, le réel et le chimérique s’enchevêtrent d’une façon inextricable, ne satisfassent guère, passé un certain âge, ni la raison ni l’imagination. […] L’âge d’or, tel que l’imaginaient les anciens, avec ses ruisseaux de lait, son printemps perpétuel, ses arbres d’où coulait le miel, ses hommes innocents parmi lesquels erraient des lions, des ours, des tigres aussi innocents qu’eux, cette idylle aimable et douceâtre a pu prêter à de jolis tableaux.
L’âge où nous sommes vieux est leur adolescence. […] Il est vrai, vous m’aimiez pendant votre jeune âge : Aujourd’hui j’en demande un nouveau témoignage…. […] La Fontaine devait évidemment écrire une Astrée, puisqu’il en était hanté depuis sa dix-septième ou sa dix-huitième année jusqu’à l’âge de « la barbe grise ». […] Mon âge et mon expérience Doivent dans votre esprit inspirer ma science, Je sais ce qu’en vaut l’aune, et j’ai passé par là.
Son bagage poétique est si mince, qu’il surnagera peut-être sur le flot des âges, comme une tablette de matiere légère, pendant que les gros volumes sombreront.
Roederer, que nous avons vu mourir le 17 décembre 1835, plein de vigueur encore à l’âge de quatre-vingt-deux ans, était né à Metz, le 15 février 1754, d’un père avocat, nous dit-il, « distingué au barreau comme profond jurisconsulte, dans la magistrature comme ennemi du pouvoir arbitraire, et dans la société comme homme aimable ». […] Le jeune Roederer, à cet âge où le jeune homme embrasse d’un coup d’œil tout l’avenir, voulait donc un champ plus vaste à son activité et à ses aptitudes ; il voulait une réputation étendue, sinon la gloire. […] Telle était la religion du siècle, les jours où le siècle était sérieux ; telle fut celle du jeune Roederer à l’âge de dix-huit ans.
Il y avait plus de quinze ans que saint Louis était rentré dans son royaume, qu’il en réparait les plaies, qu’il y affermissait chaque jour un ordre de justice et y pourvoyait au bonheur de ses sujets, quand malade et affaibli avant l’âge, au point de ne pouvoir supporter ni le cheval ni à peine la voiture, il se sentit ressaisi d’une extrême ardeur d’aller encore combattre ou plutôt mourir sous la croix (1270). […] Il est le représentant le plus agréable, le plus familier et le plus expressif de cet âge que nous aimons à nous représenter de loin comme l’âge d’or du bon vieux temps.
Ayant obtenu de revenir à Paris en 1770, et employé à la Bibliothèque du roi, il allait peut-être réparer ses premiers échecs et se refaire une réputation plus solide et de meilleur aloi, quand il mourut, à l’âge de quarante-sept ans (1773). […] Je crains que cette lettre ne vous trouve dans le grand accablement de la douleur ; je vous prie de vous souvenir de ce que je vous ai dit à Potsdam, et songez que votre père, qui est mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, n’a jamais cru être immortel. […] Votre père est mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.
Au milieu de ce vaste océan des âges, quoi de mieux à faire que de se coucher, comme Ulysse, au fond de sa petite nacelle, la laissant errer au gré des flots, et attendant en paix le moment où ils se refermeront sur elle pour jamais ? […] Ce n’est pas connaître le monde, en effet, que de vivre jusqu’à l’âge de trente-deux ans au fond d’une campagne, n’ayant qu’un seul ordre étroit et sévère de rapports et d’intérêts moraux, de n’avoir jamais observé la société moderne dans l’infinie variété de ses conditions, de ses opinions, de ne s’être pas accoutumé de bonne heure à considérer de plain-pied les hommes nos semblables dans la diversité de leurs goûts, de leurs aptitudes, de leurs talents et de leurs mérites, dans les directions multipliées de leur, zèle et de leur ardeur, dans leur indifférence même, qui serait bien souvent de la sagesse si elle était plus réfléchie. A cette école de la vie, s’il y avait été mêlé à temps et dans l’âge où l’on se forme, La Mennais aurait-il appris la tolérance, l’indulgence ?
Le père d’Ernest était dans les ambassades ; M. de Liron trouve naturel qu’Ernest y entre à son tour : voici l’âge ; pour l’y introduire, il a songé à l’un de ses anciens amis, M. de Thiézac, qui, de son côté, se voyant au terme décent du célibat, songe que Mlle de Liron lui pourrait convenir, et arrive à Chamalières après l’avoir demandée en mariage. […] Mlle de Liron a donc aimé déjà : ce qui fait qu’elle est femme, qu’elle est forte, capable de retenue, de résolution, de bon conseil ; ce qui fait qu’elle ne donne pas dans de folles imaginations de jeune filie, et qu’elle sent à merveille qu’Ernest lui est de beaucoup trop inégal en âge, qu’il a sa carrière à commencer, et que si elle se livrait aveuglément à ce jeune homme, il ne l’aimerait ni toujours, ni même longtemps. […] Il la ramena en France, la fit très-bien élever, abusa d’e le, à ce qu’il paraît16, dès qu’il la crut en âge, et mourut en lui laissant une pension de 4,000 livres.
Et pourtant son Histoire se déroule suivant un plan inexorable et l’esprit français ressemble chez lui à une personne morale qui se développerait, puis déclinerait à travers les âges. […] De même, le cosmopolitisme lui paraissant un des signes de notre âge, il a été cosmopolite, il s’est appliqué à l’être. […] Ce sentiment est très particulier à notre âge.
Lorsqu’il en venait à l’homme, ces explications tant soit peu mystérieuses se relevaient par des observations aussi sensées que fines sur les divers âges d’enfance, de puberté, de virilité et de vieillesse, sur les acquisitions et la sphère d’action des divers sens. […] À tout le mal qu’il dit des passions, on peut lui opposer cependant une seule, chose : « Mais vous-même, pourrait-on lui dire, auriez-vous échappé à cet ennui, à cette langueur de l’âme qui suit l’âge des passions, si vous n’aviez pas été soutenu et possédé de cette passion fixe de la gloire ? […] Le plus parfait écrit de Buffon, je l’ai dit, est son discours ou tableau des Époques de la nature qu’il publia en 1778, à l’âge de soixante-et-onze ans, et qu’il avait fait recopier, assure-t-on, jusqu’à dix-huit fois (rabattez-en, si vous le voulez) avant de l’amener au degré de perfection qui le pût satisfaire.
Dans la troisième partie, l’Ombre de Mme de Buffon, morte à la fleur de l’âge et de la beauté, nous est représentée s’adressant à la Parque pour la fléchir, et obtenant la guérison de son époux. […] Le Génie est le dieu des âges : Lui seul embrasse tous les temps. […] Le Brun mourut le 2 septembre 1807, à l’âge de soixante-dix-huit ans.
Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont, qui vient de mourir à Venise le 3 mars 1852, le dernier et le plus jeune d’âge des maréchaux de l’Empire, était né le 20 juillet 1774 à Châtillon-sur-Seine, d’une famille toute militaire. […] Dès l’âge de neuf ans, celui-ci était formé par son père aux exercices violents et ne passait pas un seul jour sans chasser. […] Son esprit naturellement profond avait déjà acquis une grande maturité, plus que son âge ne semblait le comporter.
Le théâtre tragique du xviie siècle, disait-on, est un théâtre artificiel, froide imitation de l’antiquité, et qui recouvre d’un vernis de cour et d’une pompe de convention les fables et les histoires d’un autre âge. […] Comment, vous critiques, qui regrettez sans cesse dans notre littérature l’élément gaulois et populaire, comment n’avez-vous pas vu que ce poëte est de race gauloise, de race populaire, que c’est là le Parisien, mais le Parisien à l’âge mûr, frère de Molière et de la Fontaine, quoique au-dessous. […] Sous Louis XIV personne ne s’intéresse aux âges précédents.
C’était là qu’apparaissait, dans sa plus haute puissance, cette invention du théâtre parée de tous les arts qui faisaient cortège à la poésie, cette tragédie, créée depuis un demi-siècle, relief des festins d’Homère, disait Eschyle, y mêlant le spectacle, la musique et le chant, image sublime des temps fabuleux de la Grèce, mais encore assortie à son âge politique et guerrier ; école d’héroïsme comme de génie, où les vainqueurs, en se célébrant eux-mêmes, s’engageaient de nouveau à vaincre pour leur pays. […] Dans ces beaux jours du génie des Hellènes, à ce second âge, c’est-à-dire à cette pleine jeunesse d’une poésie déjà savante, mais surtout naturelle et passionnée, le poëte n’aspirait pas à l’universalité, à la primauté dans les genres divers. […] Déjà ce n’était plus l’âge du poëme épique et de ses longs cycles d’aventures.
Née au seuil de l’Italie, à Trieste, dans l’exil, à l’époque de la plus grande proscription de sa race, la princesse fut emmenée dès l’âge de trois ans à Rome, où allaient se fixer pour plusieurs années ses augustes parents le roi Jérôme et la reine Catherine. […] Dès l’âge de neuf ans, elle commençait à peindre.
Les chansons sveltes, élégantes, qui s’envolaient chaque matin de ses lèvres, et qui bientôt coururent sur celles de tous, étaient bien de son âge ; mais la passion, il la devinait, il l’aspirait avec violence, il la voulait devancer. […] Poète qui n’a été qu’un type éclatant de bien des âmes plus obscures de son âge, qui en a exprimé les essors et les chutes, les grandeurs et les misères, son nom ne mourra pas, Gardons-le particulièrement gravé, nous à qui il a laissé le soin de vieillir, et qui pouvions dire l’autre jour avec vérité en revenant de ses funérailles : « Notre jeunesse depuis des années était morte, mais nous venons de la mettre en terre avec lui. » Admirons, continuons d’aimer et d’honorer dans sa meilleure part l’âme profonde ou légère qu’il a exhalée dans ses chants ; mais tirons-en aussi cette conséquence de l’infirmité inhérente à notre être, et de ne nous enorgueillir jamais des dons que l’humaine nature a reçus.
J’ai gardé un défaut, je le vois bien, dont l’âge ne me corrigera jamais. […] Le sermon prêché à Sainte-Gudule n’est pas le moins éloquent des sermons romantiques que notre âge ait entendus : la description des ruines de Babylone qui sont une preuve de Dieu, est un morceau que pourrait avouer, ce me semble, un dominicain, même académicien.
Hase, mourait surchargé de titres, de places et d’honneurs bien mérités, Dubner, à l’âge de plus de soixante ans comme au premier jour, n’était rien qu’un travailleur isolé, tout entier voué à l’exécution des grandes entreprises philologiques qui roulaient sur lui, dont il était la cheville ouvrière et l’âme, se dérobant, ne s’affichant pas, étranger au monde, n’ayant au dehors que les relations strictement nécessaires, enseveli, comme il le disait, dans sa vie souterraine au fond de sa mine philologique, et tout semblable à l’un de ces mineurs du Erzgebirge auquel lui-même il se comparait ingénieusement. […] Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.
Il eût été plus complet et plus large en le refaisant à l’âge avancé de la vie : M. […] « De la sorte, l’énergique et brutal conseil de Caton l’Ancien fait place aux galantes fadaises de Dorat, et, au lieu des mœurs de la vieille Rome, le lecteur n’entrevoit que l’âge brillant des cinq maîtresses.
En Grèce, en cette patrie longtemps sacrée des Homérides, lorsque l’âge des vrais grands hommes et de la beauté sévère dans l’art se fut par degrés évanoui, et qu’on en vint aux mille caprices de la grâce et d’une originalité combinée d’imitation, les poëtes se rassemblèrent à l’envi. […] Il y a bien des années déjà, Charles Nodier et Victor Hugo en voyage pour la Suisse, et Lamartine qui les avait reçus au passage dans son château de Saint-Point, gravissaient, tous les trois ensemble, par un beau soir d’été, une côte verdoyante d’où la vue planait sur cette riche contrée de Bourgogne ; et, au milieu de l’exubérante nature et du spectacle immense que recueillait en lui-même le plus jeune, le plus ardent de ces trois grands poëtes, Lamartine et Nodier, par un retour facile, se racontaient un coin de leur vie dans un âge ignoré, leurs piquantes disgrâces, leurs molles erreurs, de ces choses oubliées qui revivent une dernière fois sous un certain reflet du jour mourant, et qui, l’éclair évanoui, retombent à jamais dans l’abîme du passé.
Au sortir surtout de l’atmosphère artificielle qu’infectent nos intrigants de tout âge et de tout étage, quand les corrompus de dix régimes coalisés avec les roués d’hier, avec les parvenus acharnés, les intrus encore tout suants, les avocats-ministres tombés dans l’obésité, composent à la surface du pays une écume vraiment immonde, on se sent soulagé en mettant le pied sur cette terre nouvelle, sur ces seuils antiques et vertueux : c’est au moral comme l’odeur végétale des savanes qu’on respire. […] à cet âge avancé, une grande soif d’étude et de lecture s’était emparé de Jefferson ; il prenait aussi un intérêt très actif à l’université de Charlotteville, dont il était visiteur et recteur.
La façon dont Tarass accueille ses fils, dont il les houspille et les raille, dont il force presque l’aîné à faire, pour premier bonjour, le coup de poing avec lui, nous transporte aussitôt dans ce monde de sauvagerie et de rudesse ; la mère silencieuse, émue et navrée, qui ose jouir à peine du retour de ses fils, est touchée avec un sentiment profond et délicat : on assiste à la misérable condition de la femme en ces mœurs et en ces âges barbares. […] Les caractères de ces deux jeunes gens diffèrent : l’aîné, Ostap (ou Eustache), Cosaque accompli, est calme, plein de sang-froid et de coup d’œil autant qu’intrépide dans le danger ; il annonce dès l’âge de vingt-deux ans les hautes qualités d’un chef futur.
“Sire, lui dit Arlequin, il faut avoir un peu de patience, les garçons changent de conduite en avançant en âge. […] — Fort. — Quel âge a-t-elle ?”
Binet demande à la personne quel est son âge ; au moment où elle répond : dix-huit ans, « et même quelques secondes avant qu’elle réponde », la plume qu’on a eu soin de glisser entre l’index et le pouce de sa main anesthésique fait la même réponse écrite. Le sujet a la représentation consciente de son âge : il n’a pas la représentation de ce qu’il écrit.
Non content de cette récompense, le jeune duc eut à peine atteint l’âge de vingt-cinq ans, que le premier acte de majorité qu’il fit fut de donner à son précepteur une pension de quatre mille livres à prendre sur tous ses biens. […] Cet écrivain est mort en 1692, dans la soixante dix-neuvième année de son âge.
Le docteur Akakia se moque surtout de l’idée d’établir une ville latine, du beau projet de ne point payer les médecins, lorsqu’ils ne guérissent pas les malades ; de cette comète qui viendra voler notre lune, & porter ses attentats jusqu’au soleil ; de ces observations nouvelles sur la génération ; de l’âge de maturité qui est la mort, & non l’âge viril ; de la démonstration, par algèbre, de l’existence de dieu ; du moyen de connoître & de prédire sûrement l’avenir ; du conseil de dissequer des cervaux de géans hauts de onze pieds, & d’hommes velus portant queue, afin de sonder la nature de l’intelligence humaine .
Observons ici une de ces réactions si communes dans les lois de la Providence : les âges irréligieux conduisent nécessairement aux sciences, et les sciences amènent nécessairement les âges irréligieux.
Notre âge sans foi, corrompu presque autant qu’eux, en proie à une imagination qui est la seule faculté qui lui reste, a été dupe des qualités de ces Princes vicieux et brillants. […] L’imperceptible tolérance de âges précédents est devenue une chose énorme en ces derniers temps, et elle réjouit M. de Meaux, comme elle réjouirait le philosophe Laboulaye.
Très jeune à l’âge où les autres jeunes gens se dissipent, à l’âge des coups d’épée (il en donna un), il se fait rendre compte judiciairement par son père de la gestion de sa fortune, en proie aux plus affreuses dilapidations, rachète la terre de Buffon que ce bourreau d’argent avait vendue, et le garde tendrement chez lui, ce bourreau qui se remarie, et dont il garde également et élève les enfants !
D’ailleurs, ce travail, qui a un autre but que d’expliquer les procédés de l’art oratoire et d’en mettre les beautés en lumière, sera la preuve d’un fait qu’il faut incessamment rappeler aux peuples affolés de l’art de bien dire, comme le sont les peuples vieux et impuissants ; c’est que l’éloquence véritable, celle que les âges n’éteignent point en passant sur elle, exprime toujours, je ne dis pas seulement une conviction… qu’est-ce que la conviction d’un homme ? […] … Toute prédication catholique — à quelque âge du monde qu’elle ait eu ou doive avoir lieu — a donc été ou sera marquée de ces deux imposants caractères : une connaissance plus intime de Dieu ; une connaissance plus intime de l’homme.
Tout le monde sait que son père lui fît faire, dès son âge de huit ans, contre les catholiques, le serment que le père d’Annibal avait fait faire à son fils contre les Romains, un jour qu’en passant à Amboise il avait vu sur un bout de potence les têtes coupées de plusieurs gentilshommes de son parti. […] Comparez, par exemple, les vers ravissants de Corneille : À la marquise qui lui reprochait son âge, et l’admirable préface d’Agrippa d’Aubigné, incitable parce qu’elle est trop longue : Livre, celuy qui te donne N’est esclave de personne ; Tu seras donc libre ainsi, Et dédié de ton père À ceux à qui tu veux plaire Et qui te plairont aussi.
Enfin, dans sa vieillesse, menacé par un homme puissant : « Ne sais-tu pas, lui dit-il, qu’à mon âge on ne craint plus ? […] Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord.
La beauté corporelle conservée dans une image, la bonté charitable rappelée d’âge en âge au souvenir du monde par des institutions diverses, la force elle-même et surtout l’intelligence s’appliquant, d’une façon mémorable, à diriger la société politique : autant de manières diverses d’être et de se distinguer qui n’ont rien d’inférieur en soi au mode d’existence où la science, l’art et la littérature aspirent. […] Un jeune auteur, ardent et naïf, s’imagine volontiers qu’un chef-d’œuvre est une création en l’air, d’autant plus belle qu’elle n’a point d’âge et qu’elle date de l’éternité. […] Au bout d’un certain temps de renommée séculaire et grandissante au cours des âges, il devient absolument inutile et vain de prétendre prouver que les critiques et la multitude à leur suite ont été dupes et que cette renommée est usurpée. […] Toutes les grandes œuvres du passé ne conservent pas éternellement cette espèce d’élasticité qui permet à la critique de les pétrir et de les refaçonner au goût de chaque âge littéraire. […] Personne pourtant ne s’est jamais avisé de dire que ce grand favori de notre âge soit né trop tôt ; car il est aussi, avec évidence, l’enfant de son propre siècle.
C’est une vraie ville où tous les âges ont laissé des souvenirs ; une ville type : qui la connaît en connaît cent autres. […] À dire vrai, dans ces vieux âges et pour longtemps encore, il vous manquait le charme. […] Ses vœux seront comblés et le nom de Monselet demeurera gracieux et plaisant à la petite troupe des connaisseurs, qui se reforme d’âge en âge. […] On y respire la poussière subtile des âges évanouis. […] Là tout était riant et fleuri ; là régnait l’âge d’or.
. — Béranger, Lamennais, Sand et Sue, les quatre grandes puissances socialistes et philanthropiques de notre âge.
Henri Barbusse semble tout à fait étranger au mode de concevoir qui fut habituel à la plupart des poètes de l’âge précédent… Par la volonté des dieux propices, il échappa à la contagion d’idées très précieuses par elles-mêmes, mais que l’indécente familiarité des sots avait avilies, comme toujours… De là ce livre où l’on ne retrouve pas l’air de famille ordinaire aux livres de début qui s’impriment en France et en Belgique.
Il paraît vraiment, et par ces citations mêmes, que l’âge du didactisme soit clos à jamais ; c’est une conception contradictoire que de prétendre en même temps à l’exactitude scientifique et à la beauté pittoresque qui est d’un autre ordre.
Armand, l’âge affoiblit mes yeux, Et toute ma chaleur me quitte ; Je verrai bientôt mes Aïeux Sur le rivage du Cocyte.
A la bonne heure, qu'on n'écrive point en latin, quand on ne pourra tout au plus atteindre qu'au style des Philosophes, qui, dans les trois âges de la Littérature, a été la premiere époque de la dépravation des Lettres, ainsi qu'il commence à l'être dans celle-ci ; mais quand on pourra approcher des Auteurs faits pour être les modeles de tous les temps, ce sera un nouveau genre de gloire qu'on répandra sur sa Patrie.
Or, il est certain qu’on trouve dans l’Écriture : L’origine du monde et l’annonce de sa fin ; La base des sciences humaines ; Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ; Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés, comme aux rangs les plus humbles de la vie ; Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.
Accoutumé de bonne heure à l’étude et à la méditation, possédant parfaitement la langue du pays, animé par un but fixe et une ambition réglée, jeune et peut-être plus avancé qu’un autre à mon âge, riche d’ailleurs, très-riche pour ce pays-là, voilà bien des Avantages. […] Les circonstances ont changé mon goût : à Paris, je cherchais tous les gens d’un certain âge, parce que je les trouvais instruits et aimables ; ici, les vieux sont ignorants comme les jeunes, et roides de plus. […] C’est un conseil que j’ose donner à mon amie à l’âge de vingt-six ans. […] Et puisque nous en sommes ici à ses lettres, nous nous reprocherions de ne pas en citer une écrite par lui, à l’âge de douze ans, à sa grand’mère, pendant qu’il était à Bruxelles avec son gouverneur. […] Autre forme et variante de son refrain favori : ainsi, il ne s’en faisait faute dès l’âge de seize ans.
Au dix-huitième siècle, second âge de la monarchie absolue, on vit d’un côté les pompons et les coupoles enguirlandées, de l’autre les jolis vers de société, les romans musqués et égrillards remplacer les lignes sévères et les écrits nobles. Pareillement au quatorzième siècle, second âge du monde féodal, on voit d’un côté des guipures de pierre et la svelte efflorescence des formes aériennes, de l’autre les vers raffinés et les contes divertissants remplacer la vieille architecture grandiose et la vieille épopée simple. […] Car un mal est venu, inconnu aux âges sérieux, l’ennui ; du nouveau et du brillant, encore du nouveau et du brillant, il en faut absolument pour le combattre, et Chaucer, comme Boccace et Froissard, s’y emploie de tout son cœur. […] Je veux donner la fleur de mon âge aux actes et aux fruits du mariage… Je veux un mari, et je ne le lâcherai pas ! […] Âge triste et morne, amusé par des divertissements extérieurs, opprimé par une misère plate, qui souffre et craint sans consolation ni espérance, situé entre l’esprit ancien dont il n’a plus la foi vivante, et l’esprit moderne dont il n’a pas la science active.
On m’excusera sur mon âge d’en être charmé.
A l’âge de douze ans, il avoit été reçu dans les Sociétés Littéraires dont il est Membre.
Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats, sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux, il n’est pas donné à l’homme de pousser plus loin la vertu… Attaqué de la peste devant Tunis… il se fit étendre sur la cendre, et expira à l’âge de cinquante-cinq ans, avec la piété d’un religieux et le courage d’un grand homme. » Dans ce portrait, d’ailleurs si élégamment écrit, Voltaire, en parlant d’anachorète, a-t-il cherché à rabaisser son héros ?
Ce mode suppose dans les disciples, ou dans les auditeurs, des puérilités et des ignorances qui ne sont plus de leur âge ; il perd le temps, et il dégoûte la pensée du but, en la traînant impitoyablement par tant de circonvolutions, de demandes et de réponses sur la route ; l’esprit abandonne cent fois l’argumentateur en chemin, et souvent il l’abandonne tout à fait à ces fastidieux ambages, rebuté, avant d’arriver, par les détours inutiles qu’on lui fait faire. […] » « Ainsi, Athéniens, j’ai des parents, et, quant à des enfants, j’en ai trois, l’un déjà dans l’adolescence, les deux autres encore en bas âge ; mais je ne les ferai point comparaître ici, pour votre honneur et pour le mien ; il ne me paraît pas séant d’employer de pareils moyens à mon âge (il avait près de soixante-douze ans à l’époque de son procès). […] « En disant ces mots, il se leva et passa dans la salle du bain ; nous l’attendîmes, tantôt en nous entretenant de tout ce qu’il avait dit, tantôt parlant de l’affreux malheur qui allait nous frapper, nous regardant véritablement comme des enfants privés de leur père, et condamnés à passer le reste de notre vie comme des orphelins. » XXVI « Après qu’il fut sorti du bain, on lui apporta ses enfants, car il en avait trois, deux en bas âge et un qui était déjà assez grand, et on fit entrer les femmes de sa famille. […] On a calomnié le genre humain, en lui attribuant plus d’inconséquence et plus de superstition qu’il n’en a eu dans la partie éclairée de l’humanité de tous les âges.
Thomas, à l’âge de douze ans, pauvre et abandonné, fut recueilli par la charité d’une pieuse femme qui le fit élever et instruire : il apprit dans cette maison la grammaire, le latin, le plain-chant, et surtout l’art recherché et précieux alors de transcrire d’une main courante les manuscrits rares que la découverte de l’imprimerie ne vulgarisait pas encore. […] À l’âge de près de soixante ans, il rédigea pour les novices une suite de sermons connus de Scott, où rien ne rappelle l’inimitable onction de l’auteur de l’Imitation ; il continua ainsi jusqu’à l’âge de soixante-dix ans, où la mort le cueillit dans sa sainteté. […] V En effet, il fallait un homme consommé par l’âge avancé, par la science sacrée, par les vicissitudes de la vie humaine, par le bonheur et par le malheur de l’existence orageuse des assemblées et des cours, pour se rendre compte en lui-même de tout ce qu’il avait souffert, pour distinguer parmi la trame mêlée de sa vie le fil conducteur de sa destinée, et pour lui donner ce nom de consolation intime qu’il ne trouvait que dans la philosophie suprême : la résignation en conformité avec la divine volonté. […] Il y remit son âme à Dieu à l’âge de soixante-six ans.
Laissant là ta morale, Tu peux, comme au vieux temps, chanter la pastorale, Les roses, le sainfoin, le pasteur Corydon, La belle Amaryllis et son mol abandon, Le miel de l’Age d’or, les jeux dans les prairies Tous nos hommes d’Etat aiment les bergeries Rien de tel pour calmer les noires passions Et nous donner l’horreur des révolutions. […] N’y eut-il pas un professeur pour appliquer vers par vers au roi de Rome la quatrième églogue de Virgile et pour annoncer au monde le retour de l’âge d’or ramené par cet enfant miraculeux ? […] C’est alors que brillent ces glorieux âges d’or, après lesquels il semble souvent qu’il y ait une décadence irrémédiable, quoique ce soit seulement un acheminement vers un autre moment d’harmonie sociale et de perfection relative correspondante. […] Faut-il s’étonner si notre littérature, pour arriver à un nouvel âge d’or, digne, mais différent de ceux qu’elle a traversés au xiiie et au xviie siècle, doit passer par une sorte de mue, qui, comme tous les changements profonds subis par un être ou un groupe d’êtres, est pénible et douloureux ? […] L’âge d’or, p. 159.
De là cette adolescence ardemment, frénétiquement vouée à l’étude, puis cette jeunesse et cet âge mûr abîmés dans le travail. […] Avec cela, et ici le portrait est bien fidèle, un visage ravagé qui n’avait plus d’âge. […] Je redeviens un manœuvre, à mon âge ! […] Il peut, en outre, et c’est sa mission propre, dégager de l’accident contemporain ce qui est de tous les âges. […] Avant l’âge de vingt ans, Michelet possédait déjà ce pouvoir du langage direct et vibrant.
Quand l’homme se trouvait en présence de dieux avoués, qualifiés, reconnus, et pour ainsi dire notifiés, il pouvait nettement demeurer un homme ; justement parce que Dieu se nommait Dieu, l’homme pouvait se nommer homme ; que ce fussent des dieux humains ou surhumains, un Dieu Tout ou un Dieu personnel, Dieu étant mis à sa place de Dieu, notre homme pouvait demeurer à sa place d’homme ; par une ironie vraiment nouvelle, c’est justement à l’âge où l’homme croit s’être émancipé, à l’âge où l’homme croit s’être débarrassé de tous les dieux que lui-même il ne se tient plus à sa place d’homme et qu’au contraire il s’embarrasse de tous les anciens Dieux ; mangeurs de bon Dieu, c’est la formule populaire de nos démagogues anticatholiques ; ils ont eux-mêmes absorbé beaucoup plus de bons Dieux, et de mauvais Dieux, qu’ils ne le croient. […] Un âge se conçoit où la production d’un déva serait évaluée à un certain capital, représentant les appareils chers, les actions lentes, les sélections laborieuses, l’éducation compliquée et la conservation pénible d’un pareil être contre nature. […] Peu de matière est maintenant organisée, et ce qui est organisé est faiblement organisé ; mais on peut admettre un âge où toute la matière soit organisée, où des milliers de soleils agglutinés ensemble serviraient à former un seul être, sentant, jouissant, absorbant par son gosier brûlant un fleuve de volupté qui s’épancherait hors de lui en un torrent de vie. […] Si cet esprit est une forme littéraire et gouverne un âge entier, l’écrivain est un Racine. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.
Ces fils aînés de la nature, confidents des vieux âges de transformation, parurent aux premiers qui les virent d’étranges hiéroglyphes. […] Il est vrai que j’ai des raisons de m’éloigner de la cour, et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. […] Aucun âge n’a le droit d’imposer sa beauté aux âges qui précèdent ; aucun âge n’a le devoir d’emprunter sa beauté aux âges qui précèdent. […] À travers la littérature anglaise, vous découvrez à tous les âges cet homme passionné, concentré, intérieur. […] Vous y découvrez à tous les âges le don d’être clair et d’être agréable, l’art de se faire entendre et de se faire écouter.
Mais la mauvaise heure est l’âge de transition. […] L’aristocratie a trois âges successifs : l’âge des supériorités, l’âge des privilèges, l’âge des vanités ; sortie du premier, elle dégénère dans le second et s’éteint dans le dernier. » — Un pareil aristocrate devait être l’enfant terrible de son parti. […] Près de monuments des siècles écoulés commencent maintenant à s’élever les monuments d’un autre âge. […] l’âge de Juliette ! L’âge où vous vous aimiez !
— Quel âge avez-vous ? […] Il a pris un pli dès son âge adolescent. […] C’est l’âge où l’on commence ordinairement à étudier la « jeunesse contemporaine ». […] Mais à son âge, on ne souffre pas sans révolte. […] Cet uniforme, au premier abord, confondait leurs âges.
Peut-être eût-il réalisé, dans nos âges, le stupéfiant phénomène d’une royauté. […] Après l’âge de la poésie lyrique, après Page du roman, nous sommes entrés maintenant dans l’âge de la critique. […] « À mon âge, disait Royer-Collard à Alfred de Vigny, on ne lit plus, on relit. » Cet âge est décidément venu pour l’humanité. […] L’âge de l’imitation a commencé, pour la littérature et pour tous les arts. […] J’avais vingt ans, c’était l’âge de la poésie.
« Son épée avait pour page une dague, qui était un peu petite pour son âge, et en conséquence l’accompagnait en la façon dont les nains suivaient les chevaliers errants. […] Une sorte de fumée lumineuse, reste de l’âge précédent, plane encore sur son théâtre. […] La Renaissance finit, l’âge classique s’ouvre, et l’artiste fait place à l’écrivain. […] Il y a une galanterie exquise dans ses stances à la petite lady Lucy Sidney sur son âge. […] Sa littérature et ses mœurs, les plus belles de l’âge classique, faisaient la mode.
Fox lui-même ne peut plus rien pour elle ; il a perdu presque toute son éloquence : l’âge et des excès de table la lui ont enlevée. […] Cependant les siècles sont venus ; et, sans s’embarrasser des penseurs de l’âge de Trajan, ils ont donné la palme à l’âge de l’imagination et des arts, à l’âge d’Auguste. […] Il vit une femme presque aveugle, et accablée de vieillesse, que ses parents portaient tour à tour, parce que l’âge l’empêchait de marcher. […] La manie de tous les âges a été de se plaindre de la rareté des bons écrivains et des bons livres. […] Ses goûts et ses pensées, par un contraste affligeant, appartiennent à la fois à tous les âges, mais sans rappeler le charme de la jeunesse ni la gravité de l’âge mûr.
Je ne parlerai donc pas autrement de cette œuvre, et ne veux en trancher aucun détail ni fragment, pas plus que je ne puis offrir un pouce de la stature, ni un seul jour de l’âge du poète.
Ils sont bien faibles et de seconde main, pas plus mauvais pourtant que les vers des hommes de mon âge qui s’obstinent à rimer.
C’est toujours la même pensée avec d’autres soucis, la même onde avec d’autres vents, le même front avec d’autres rides, la même vie avec un autre âge.
Avec ses mains croisées sur sa poitrine ; ce visage long ; cet âge ; ces grands yeux tristement tournés vers le ciel ; cette draperie ramenée à grands plis sur la tête, c’est une mère de douleurs, mais d’un petit caractère, et un peu grimaçante.
On passerait de là au sexe, à l’âge, à la couleur de la peau, à l’état, à des convenances plus fines, d’où l’on parviendrait à démontrer qu’un dessin de robe est de mauvais goût, et cela aussi sûrement que le dessin de quelque autre objet que ce fût, car enfin les mots de tact, d’instinct, ne sont pas moins vides de sens dans ce cas qu’en tout autre, si l’on fait abstraction de la raison, de l’usage des sens, des convenances et de l’expérience.
Âge d’or.
Cette langue fut nécessaire aux premiers âges, où les hommes ne pouvaient encore articuler.
Ce qui me paraît surtout à remarquer en lui comme en plusieurs personnages du haut clergé français au xviiie siècle, c’est ce mélange de monde, de philosophie, de grâce, qui peu à peu sut s’allier avec bon sens et bon goût à la considération et à l’estime ; ces prélats de qualité, engagés un peu légèrement dans leur état, en prennent cependant l’esprit avec l’âge ; ils deviennent, à un moment, des hommes d’Église dans la meilleure acception du mot, sans cesser pour cela d’être des hommes du monde et des gens aimables ; puis, quand viendra la persécution, quand sonnera l’heure de l’épreuve et du danger, ils trouveront eu eux du courage et de la constance ; ils auront l’honneur de leur état ; vrais gentilshommes de l’Église, ils en voudront partager les disgrâces et les infortunes comme ils en avaient recueilli par avance les bénéfices et possédé les privilèges. […] Vous êtes encore dans la fleur de votre âge : que ferez-vous de votre génie, de vos connaissances acquises, de tous vos talents ? […] Notons-y seulement au passage cette main invisible qui n’est pas dans Horace et à laquelle Bernis se confie, et sachons que, lorsque viendront les heures d’adversité sérieuse et de ruine, le cardinal-archevêque, de ce séjour à Rome où il apprend les dépouillements successifs et rigoureux dont il est menacé ainsi que tout le clergé de France, écrira à M. de Montmorin : Vous avez pu remarquer, monsieur, que, dans cent occasions, il n’y a jamais eu d’évêque ministre du roi à Rome plus modéré que moi, plus ami de la paix, ni plus conciliant ; mais, si on me pousse à bout par des sommations injustes et peu délicates, je me souviendrai que, dans un âge avancé, on ne doit s’occuper qu’à rendre au Juge suprême un compte satisfaisant de l’accomplissement de ses devoirs.
Il est bon d’exercer son esprit pour se procurer des plaisirs à tous les âges ; il est bon de se former des plaisirs intellectuels qui servent d’entractes aux plaisirs des sens, qui sont les seuls réels… Il faut croire assez à l’amitié pour avoir de douces illusions, mais jamais ne s’abandonner assez fortement pour être surpris de n’avoir embrassé qu’un nuage. […] Le souvenir de la liaison de Mme du Deffand et d’Horace Walpole se présente aussitôt à l’esprit, et l’on se demande involontairement : « N’y eut-il rien, chez Mme de Créqui, de ce sentiment possible à tout âge chez une femme, et qui la porte avec un intérêt tendre vers un homme dont quelques qualités la séduisent ? […] Il lui fait l’effet d’être plus jeune qu’il ne l’était, et M. de Meilhan passa longtemps dans le monde pour être plus jeune que son âge : elle le plaint et elle compatit à le voir ainsi désabusé comme un vieillard, et il semble qu’en mettant son propre désenchantement en commun avec le sien, elle ait quelque désir de le consoler : « Vous êtes destiné, monsieur, lui disait-elle au début, à passer une vie douloureuse : vous voyez le jeu des machines, et alors plus de bonheur.
Ce sont ces aimables frères, unis ou plutôt confondus par l’amitié comme par les goûts, qui viennent aujourd’hui nous donner le résumé, la quintessence et l’esprit de leurs recherches favorites, de leur commerce prolongé avec le xviiie siècle, dans un volume où les femmes de ce temps sont montrées dans tous les rangs et dans toutes les classes, à tous les crans et à tous les moments de la société, à toutes les heures et à tous les âges. […] Née en 1707, elle épousa en 1721, à quatorze ans, le duc de Boufflers, mort de la petite vérole à Gênes, en 1747, à l’âge de quarante-deux ans, et elle ne fut duchesse de Luxembourg qu’en secondes noces, en 1750, M. de Luxembourg étant devenu veuf vers ce même temps. […] Mme la comtesse de Boigne que nous possédons encore, mais que son âge et sa santé affaiblie ne laissent plus vivre tout entière que de près et pour l’intimité (1864).
Il vint dès son bas âge à Paris, j’allais dire il y revint, tant il en est. […] Lui, il devait venir au temps de la belle Grèce et de la molle Ionie, en ces âges chantés et illustrés par l’antique Anacréon, par Alcée, par Ibycus, Solon, ou Mimnerme, ou par le, glorieux Pindare. […] Son effréné désir serait de remonter le cours des âges, de faire rebrousser le fleuve de l’humanité, D’Albert aime l’impossible, et il s’y acharne.
Un jeune homme qui n’admirerait pas le Cid serait bien malheureux ; il manquerait à la passion et à la vocation de son âge. […] ayons toutes les qualités, s’il se peut, et le moins possible les défauts de nos divers âges ; mais gardons-nous, tout en faisant pour la forme nos légers mea culpa, de prétendre retoucher à notre jeunesse, — aux œuvres et aux actes de notre jeunesse ; — et surtout si ç’a été celle du grand Corneille. […] Quel âge peut avoir Rodrigue ?
Il paraît, par tout ce que l’on en dit, qu’elle est assez grande pour son âge, qu’elle a d’assez belles dents et une belle taille, un vilain nez, et, quoiqu’elle ne soit point belle, qu’elle a en tout une figure qui plaît. » On lui fit quitter son costume polonais à Strasbourg. […] A l’âge de cinquante-quatre ans, il semblait jeune encore et nageait dans la plénitude des pensées et des sens. […] Elle serait plus historique, je le répète, s’il avait vécu l’âge de Turenne, s’il avait eu sa guerre de Sept Ans.
Nommé colonel du 10me de chasseurs à cheval au lendemain de Marengo, à l’âge de vingt-trois ans, Auguste Colbert allait prendre une part non moins active, sous Ney, à la première moitié de cette incomparable campagne de 1805. […] Avant tout, le hasard et la bizarrerie des destinées ; cette fatalité « qui préside aux événements de notre vie, qui paraît dormir dans les temps calmes, mais qui, dès que le vent s’élève, emporte l’homme à travers l’air comme une paille légère » ; les premiers succès, l’entrain du début, les heures brillantes de la vie, les espérances déjà couronnées ; puis les revers, les lenteurs, les mécomptes, les difficultés tournant à la ruine ; la prison, la souffrance, une épreuve sans terme ; une longue agonie dans l’âge de la force ; une nature d’élite écrasée, victime et martyre des persécutions ; les haines aveugles des foules, les sauvages préjugés des races ; l’horreur des guerres injustes ; toujours et partout, çà et là, quelques âmes bienfaisantes et compatissantes ; notre pauvre humanité au naturel et à nu, en bien et en mal ; une belle mort enfin, délicate et magnanime. […] Le dossier de Franceschi au Dépôt de la Guerre contient un extrait de l’acte de mariage du général, daté du 15 février 1808 ; mais il s’y remarque une circonstance singulière : c’est que l’âge du contractant y est tout à fait dissimulé.
Les vieux généraux de la guerre de Sept Ans, exhumés après tant d’années et pris pour guides, se trouvèrent à court ; ils n’avaient rien appris depuis : « l’âge avait glacé chez eux les qualités qui leur avaient valu du renom, et ne leur avait pas donné le génie, car le génie n’est jamais le fruit de l’âge ni de l’expérience. » Les jeunes, « le prince de Hohenlohe, et Massenbach, son bras droit, avaient tout juste assez d’esprit et de science pour prendre de la guerre ce qu’il y avait de plus faux. » Les manœuvres leur cachaient les vrais mouvements. […] M. de Canouville, un homme de la société, que les gens de mon âge ont connu, et qui avait été attaché à la cour du premier Empire, racontait l’anecdote suivante.
Une bonne cote hardie Me donna de vingt florins d’or ; Il m’en souvient moult bien encor ; en s’en tenant aux âges plus rapprochés et après que le français proprement dit se fut entièrement dégagé du roman, dès l’aurore du xvie siècle, on trouve quelques points saillants : dans les premiers livres français imprimés (mystères, romans de chevalerie ou autres), un bon nombre le fut à Chambéry ; on rencontre archevêque à Turin Claude de Seyssel, l’historien de Louis XII et l’infatigable traducteur : il était né à Aix en Savoie. […] Loin de nous, en Savoie, en Russie, au ciel de Naples, il semblait s’être conservé exprès pour nous venir offrir, dans sa trop courte visite, à l’âge de près de soixante-seize ans, l’homme le plus moralement semblable à ses ouvrages qui se puisse voir, le seul de nos jours peut-être tout à fait semblable et fidèle par l’âme à son passé, naïf, étonné, doucement malin et souriant, bon surtout, reconnaissant et sensible jusqu’aux larmes comme dans la première fraîcheur, un auteur enfin qui ressemble d’autant plus à son livre qu’il n’a jamais songé à être un auteur. […] — Le comte Xavier de Maistre est mort à Saint-Pétersbourg, le 12 juin 1852, à l’âge de près de 89 ans.
L’autre manière est plus pastorale et rappelle mieux l’âge d’or, je le sais ; mais celle-ci me convient davantage, et d’ailleurs je suis d’avis qu’on ne peut plus trouver l’âge d’or que chez soi. » Quand sa muraille est élevée, il s’occupe du dedans ; il dispose son jardin anglais, groupe ses arbres, fait tourner ses allées, creuse son lac, dirige ses eaux, n’oublie ni le pont, ni les kiosques, ni les ruines ; c’est alors qu’il exécute un projet favori, et dont nul ne s’est avisé encore. […] Voici l’inscription qu’il place au fronton du temple : Dormez sous ce paisible ombrage, O vous pour qui le jour finit dès le matin, Mes hôtes, mes héros, mes semblables par l’âge, Par les penchants, peut-être aussi par le destin !
Si en effet l’on parvient à démontrer que, dès les premiers siècles de Rome, le grand pontife traçait chaque année dans sa maison, sur une table blanchie, les faits mémorables ; que ces tables sur bois ou sur pierre ne furent jamais complétement détruites, qu’elles échappèrent à l’invasion des Gaulois, et qu’elles purent être consultées par les historiens à qui l’on doit le récit de ces premiers âges, il en résulte qu’il n’y a pas lieu de tant douter sur les origines, ni de tant attribuer que l’a fait Niebuhr à l’imagination populaire, aux chants nationaux et aux légendes épiques. […] Bayle nous en marque l’âge d’or si court, le vrai siècle de Louis XIV. […] Mais on était encore en ces années dans l’âge d’or de la maladie, et un honnête homme, Sabatier de Cavaillon, répondant d’avance au vœu de Bonneville, adressait, en avril 1786, comme conseils au gouvernement, des observations très-sérieuses sur la nécessité de créer des espions du mérite 198. « Épier le mérite, le chercher dans la solitude où il médite, percer le voile de la modestie dont il se couvre, et le forcer de se placer dans le rang où il pourrait servir les hommes, serait, à mon avis, un emploi utile à la patrie et digne des meilleurs citoyens.
Or, quand Corneille, né en 1606, parvint à l’âge où la poésie et le théâtre durent commencer à l’occuper, vers 1624, à voir les choses en gros, d’un peu loin, et comme il les vit d’abord du fond de sa province, trois grands noms de poëtes, aujourd’hui fort inégalement célèbres, lui apparurent avant tous les autres, savoir : Ronsard, Malherbe et Théophile. […] Il se mit en relation avec les beaux esprits et les poëtes du temps, surtout avec ceux de son âge, Mairet, Scudery, Rotrou : il apprit ce qu’il avait ignoré jusque-là, que Ronsard était un peu passé de mode, et que Malherbe, mort depuis un an, l’avait détrôné dans l’opinion ; que Théophile, mort aussi, ne laissait qu’une mémoire équivoque et avait déçu les espérances, que le théâtre s’ennoblissait et s’épurait par les soins du cardinal-duc ; que Hardy n’en était plus à beaucoup près l’unique soutien, et qu’à son grand déplaisir une troupe de jeunes rivaux le jugeaient assez lestement et se disputaient son héritage. […] Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.
C’est toujours une belle chose d’avoir vingt ans ; mais c’est chose doublement belle et heureuse de les avoir au matin d’un règne, au commencement d’une époque, de se trouver du même âge que son temps, de grandir avec lui, de sentir harmonie et accord dans ce qui nous entoure. […] Liberté, royauté, aristocratie, démocratie, préjugés, raison, nouveauté, philosophie, tout se réunissait pour rendre nos jours heureux, et jamais réveil plus terrible ne fut précédé par un sommeil plus doux et par des songes plus séduisants. » Ainsi on ne se privait de rien en cet âge d’or rapide ; on était aisément prodigue de ce qu’on n’avait pas perdu encore ; on cumulait légèrement toutes les fleurs. […] Jusqu’alors il n’avait fait qu’entremêler avec agrément les camps et la cour, cultiver la littérature légère, et arborer les goûts de son âge, non sans profiter vivement de toutes les occasions de s’éclairer ou de se mûrir au sein de ces inappréciables sociétés d’alors, qu’il appelle si bien des écoles brillantes de civilisation.
Au milieu de cette vie d’excitation et d’élourdissement, se voyant atteinte de crises nerveuses et menacée d’une maladie de poitrine, Mme de Krüdner part pour Paris au mois de mai 1789 ; elle n’y était venue que tout enfant, à l’âge de treize ans : c’est donc pour la première fois qu’elle va juger de cette ville, qui était bien véritablement alors la capitale du monde. […] Des physiologistes et des moralistes plus positifs pensent seulement que celui qui a l’air de se convertir se retourne, et qu’à la bien suivre, la même nature, aux divers âges et dans les divers emplois, se retrouverait au fond jusque sous le déguisement. — Dans toutes ses lettres au docteur Gay, Mme de Krüdner continue de commander instamment les vers désirés et de varier l’inépuisable thème cher à son amour-propre ; elle continue de faire l’article, comme on dit : « Je vous ai prié d’envoyer des vers à Sidonie, nous les ferons insérer ici. […] « Mme de Krüdner flottait entre quarante et cinquante ans, âge ingrat pour les femmes, quand elle se convertit décidément : avec ses goûts tendres, avec sa complexion sentimentale et mystique, qu’avait-elle de mieux à faire ?
Je n’irai pas jusqu’à dire avec La Bruyère que « les enfants des dieux se tirent des règles de la nature, que le mérite chez eux devance l’âge et qu’ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance ». […] Il y a là une trentaine de portraits de Condé, depuis l’enfance jusqu’à l’âge mûr. […] Dans tous les cas, les facultés dont est composé le génie d’un soldat sont presque toujours d’une espèce assez humble ; le degré seul en est quelquefois éminent. » Ainsi raisonne-t-on à l’âge heureux où l’on a toutes les impertinences.
Mariée d’abord au duc d’Alençon à l’âge de 17 ans, puis, en secondes noces, à Henri d’Albret, roi de Navarre, après une vie tout entière subordonnée à celle de son royal frère, elle mourut à 58 ans dans un commencement de vieillesse pieuse et triste. […] Il y mourut en 1544, à l’âge de soixante ans, l’année même de la bataille de Cérisoles, extarris et rerum egenus, dit son biographe Sainte-Marthe, mais toujours poète et galant, malgré le conseil d’Ovide qu’il avait dû lire dans le texte même : Turpe senilis amor. […] Plus tard, et déjà dans l’âge viril, il rapprit le latin.
Paul Bourget Lorsque, il y a deux ans, — qu’il pensât réagir contre le symptôme de désorientation intellectuelle qui se dégage nettement de la littérature présente, ou qu’arrivé au seuil de l’âge où l’on aime revoir ce par quoi l’on a été quelque chose, il obéît simplement à un scrupule de lettré, — M. […] Et s’il inaugure depuis peu une manière en quelque sorte imprévue de chanter leur fait aux acteurs, lui qui savait leur être invariablement débonnaire, il serait exagéré de croire que ce soit la lassitude du spectacle qui lui en consent la fantaisie ; tout au plus pourrait-on penser que l’âge a vaguement modifié son humeur. […] Et nous observons, sans doute, qu’à l’âge de la première expérience vitale, l’individu sent en soi s’opérer, sans y rien pouvoir que d’en retarder parfois la victoire certaine, s’opérer le lent mais irrésistible envahissement de l’atmosphère ambiante.
De siècle en siècle, d’âge en âge, d’école en école, on a cherché, comme dit Gautier, à reculer les bornes de la langue, à exprimer l’inexprimable, à émettre des idées neuves et à trouver des formes nouvelles. […] La plupart sont encore juste à l’âge d’ajouter à ce qu’ils ont fait jusqu’à présent les productions magistrales et peut-être décisives de leur maturité.
Dites que saint Augustin, saint Jean Chrysostome, saint Basile sont des génies de l’âge de fer. […] Nous traversons l’âge d’analyse, c’est-à-dire de vue partielle, âge durant lequel la diversité des esprits est nécessaire.
Le jeune Eliacin s’exprime avec une aisance et une sûreté qu’on n’eût pas attendues d’un âge si tendre. […] Ayant élaboré ce logogriphe, Legouvé dut être aussi fier de son ouvrage que Boileau le fut le jour où il eut déguisé sous les plis d’une ample circonlocution son âge et sa perruque. […] Dirai-je la critique et l’histoire impuissantes à comprendre les âges barbares, parce qu’elles se les figuraient à l’image des époques civilisées ; la poésie lyrique à peu près tuée en son germe, parce que toute effusion personnelle est d’un homme « mal élevé », ainsi que disait Buffon en parlant de Jean-Jacques ; enfin la vie du peuple et celle de la famille proscrites de la littérature comme choses basses et indignes de son attention ?
Au moment où elle est amoindrie, abattue, les excès des vainqueurs, leur impatience, leur ardeur précipitée de négation et de destruction, les vieilles traditions enracinées dans une multitude d’esprits, la solidité d’une organisation qui d’âge en âge se resserre et se concentre, amènent un réveil religieux, et l’Église retrouve, au moment où ses adversaires s’y attendent le moins, un regain de faveur, de puissance et de popularité. […] Et qu’on ne cite pas Jean-Jacques comme une exception ; Jean-Jacques, il faut toujours s’en souvenir, est un protestant qui a été catholique ; un genevois qui, dans la mystique Savoie, à l’âge où l’âme garde, comme une cire molle, toutes les impressions, a pris part aux solennités de l’Eglise romaine ; il a suivi le lent déroulement des processions sous les arceaux des cathédrales ; il a respiré la fumée enivrante de l’encens ; il a rempli ses yeux d’un spectacle doux à la vue et son cœur d’une doctrine plus tendre que forte, plus féminine que virile.
Le duc du Maine qui en 1692, à l’âge de vingt-deux ans, épousait ainsi la petite-fille du Grand Condé, âgée de seize, était l’aîné des bâtards que Louis XIV avait eus de Mme de Montespan. […] Ce furent des jeux, des fêtes, des feux d’artifice continuels en son honneur, le tout ménagé avec un certain air d’innocence et d’âge d’or. […] C’est une pièce de physiologie morale des plus fines ; j’en donnerai les principaux traits : Mme la duchesse du Maine, à l’âge de soixante ans, n’a encore rien acquis par l’expérience ; c’est un enfant de beaucoup d’esprit ; elle en a les défauts et les agréments.
On sait que Henri Heine est né dans une riche famille juive, et qu’il se convertit au christianisme à l’âge de vingt-quatre ans, échangeant son nom de Harry contre celui plus orthodoxe de Henri. […] Et comme sous l’influence dissolvante de l’âge et de la maladie, l’âme dépouille d’abord ses acquisitions les plus tardives, suivant en sens inverse, dans sa ruine, les étapes par où elle a passé de la jeunesse à l’âge stérile, ce sont les premières assises cérébrales, les notions héréditaires ou enfantines, qui subsistent les dernières.
Dans les scènes les plus effrayantes, si les spectateurs sont des personnages vénérables ; si je vois sur leurs fronts ridés et sur leurs têtes chauves, l’annonce de l’âge et de l’expérience ; si les femmes sont composées, grandes de forme, et de caractère de visage ; si ce sont des natures patagonnes, je serois fort étonné d’y voir beaucoup de mouvement. […] Quelle que soit la nature qu’on préfère, le mouvement s’accroît en raison inverse de l’âge, depuis l’enfant jusqu’au vieillard. […] Caesar débarquant à Cadix trouve dans le temple d’Hercule la statue d’Alexandre, et gémit d’être inconnu à l’âge où ce héros s’étoit déjà couvert de gloire.
J’attendais un remerciement : il avait dû s’apercevoir que j’interrompais ma lecture par pure déférence pour son âge. […] Ce mot latin, « Capitolium », te fait peut-être songer, mon ami, à quelque bâtisse vingt fois séculaire, — de l’âge des Thermes, rue de Cluny, à Paris ; et tu murmures déjà le vers des Feuilles d’automne : Toulouse la romaine, où, dans des jours meilleurs, etc. […] Le jour, je la sous-loue à un ancien préfet qui gagne le pain de cinq enfants en bas âge.
Je sais bien que pour la grandir les fatalistes de notre âge l’ont sacrée avec la sainte Ampoule d’une inévitable nécessité. […] Car telle est l’importance du livre en question, telle en est la hardiesse, qu’il ne va à rien moins qu’à briser le plus vivace préjugé de notre âge et à déshonorer la Révolution. […] Si l’expérience et l’observation ne lui avaient enseigné la consubstantialité des hommes et des choses dans les manifestations de l’histoire, s’il n’avait pas vu qu’à tous les âges du monde les hommes qui ont trempé au plus profond d’une époque, qui en occupèrent les avenues et les hauteurs, laissent sur elle l’éclatant honneur ou l’éclatante infamie de leur caractère ou de leurs passions, — de leur humanité, enfin, qu’elle ait été vertueuse ou scélérate, — il se serait épargné, et à nous aussi, l’inutile détail de ces consciences corrompues, de ces personnalités abjectes, de toutes ces grandeurs apocryphes qui, quand on les touche d’un doigt ferme, se rétractent en de honteuses politesses ou coulent en fange sur la main.
Autour d’une vaste table ovale sont réunis des joueurs de différents caractères et de différents âges. […] Mais l’on peut dire souvent que deux contemporains représentent deux époques distinctes, fussent-ils même assez rapprochés par l’âge. […] C’est le caractère et non l’âge qui décide.
L’âge qui suit n’est qu’un temps d’érudition. […] Cet âge de la civilisation arabe produisit des grammairiens sans nombre, des professeurs, des commentateurs, des auteurs de dictionnaires et de recueils variés sous toutes les formes. […] Consultez-vous les écrivains de l’âge précédent, et quelques philosophes du nôtre, les croisades sont une œuvre admirable, le plus magnifique exploit de cette féodalité chrétienne, dont le pape était le grand suzerain. […] Le temps des croisades fut, comme la guerre de Troie pour les Grecs, l’âge héroïque des nations européennes. […] Mais, avec son goût exquis, Arioste n’avait pas pris au sérieux les contes du douzième siècle ; il les renouvela en n’y croyant plus, seule manière de se servir encore des fictions naïves d’un autre âge.
Bien plutôt il fut l’abeille qu’autrefois entendit bourdonner l’Hymette et qui, immortelle à travers l’âge, nous apporta, dans son miel, un peu du soleil d’Ionie.
Aussi, dans un des meilleurs passages du livre, il nous montre un brave homme, un officier plein d’honneur et d’esprit, mais vieux avant l’âge, et livré par d’affaiblissants chagrins et par la fausse hygiène de l’ivrognerie aux gouailleries d’une bande d’estaminet.
Il est vrai qu’il a fait quelques Contes dont les enfans s’amusent, & qu’on peut lire encore dans un âge avancé, pour affoiblir un moment d’ennui ; mais un homme qui fait tomber un aune de boudin par la cheminée, qui occupe le grand Jupiter à attacher ce boudin au nez d’une Héroïne, n’a pas prétendu travailler pour les Gens de goût, encore moins se destiner par-là à figurer parmi les Coopérateurs du grand chef-d’œuvre de l’esprit humain.
Nous ne lui attribuerons pas, comme le Public, l'Histoire de l'établissement du Commerce dans les deux Indes : il seroit trop humiliant pour lui de vieillir au milieu des fables, en enchérissant sur le défaut de véracité, à mesure que les progrès de l'âge devroient perfectionner ses lumieres & mûrir sa raison.
Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces moments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère.
Qu’on les laisse se soutenir d’eux-mêmes dans la jeunesse, ou s’en aller librement dans l’âge avancé.
Ce scalpel qu’il tient si bien, qu’il dirige si sûrement le long des moindres nervures du cœur ou du front, il l’a pris tard, après l’épée, après la harpe ; il a tenté d’être, entre tous ceux de son âge, poëte antique, barde biblique, chevalier-trouvère. […] Les jeunes Émile et Alfred s’étaient connus de bonne heure, avec quelque inégalité d’âge, l’un tout jeune homme, l’autre enfant ; ils se retrouvèrent après un intervalle, en 1814 ou 1815, dans un bal : quelques mots rapides, communicatifs, les remirent vite au fait de leurs goûts, de leurs rêves et de leurs essais durant l’absence, et le lendemain ils eurent rendez-vous, dans la matinée, pour se confier leurs vers. […] Deschamps ; écoutons l’auteur des Dernières Paroles 21 nous la peindre au complet dans une de ses pièces les plus touchantes : C’était là mon bon temps, c’était mon âge d’or, Où, pour se faire aimer, Pichald vivait encor, Cygne du paradis, qui traversa le monde Sans s’abattre un moment sur cette fange immonde. […] Entre tous ceux de son âge, et comme le dit le vieil Étienne Pasquier à propos de la pléiade du règne d’Henri II, entre ceux de sa volée, il n’en est aucun qui semble plus imprévu, plus étrange même, provenu d’une source mieux recélée, d’une filiation moins commode à saisir.
On connaissait l’homme, on ne connaissait pas les hommes ; on n’avait pas pénétré dans l’âme ; on n’avait pas vu la diversité infinie et la complexité merveilleuse des âmes ; on ne savait pas que la structure morale d’un peuple et d’un âge est aussi particulière et aussi distincte que la structure physique d’une famille de plantes ou d’un ordre d’animaux. […] Une certaine conception dominatrice y a régné ; les hommes, pendant deux cents ans, cinq cents ans, se sont représenté un certain modèle idéal de l’homme, au moyen âge, le chevalier et le moine, dans notre âge classique, l’homme de cour et le beau parleur ; cette idée créatrice et universelle s’est manifestée dans tout le champ de l’action et de la pensée, et, après avoir couvert le monde de ses œuvres involontairement systématiques, elle s’est alanguie, puis elle est morte, et voici qu’une nouvelle idée se lève, destinée à une domination égale et à des créations aussi multipliées. […] C’est d’après cette loi que se forment les grands courants historiques, j’entends par là les longs règnes d’une forme d’esprit ou d’une idée maîtresse, comme cette période de créations spontanées qu’on appelle la Renaissance, ou cette période de classifications oratoires qu’on appelle l’âge classique, ou cette série de synthèses mystiques qu’on appelle l’époque alexandrine et chrétienne, ou cette série de floraisons mythologiques, qui se rencontre aux origines de la Germanie de l’Inde et de la Grèce. […] Il y eut une de ces concordances lorsque, au dix-septième siècle, le caractère sociable et l’esprit de conversation innés en France rencontrèrent les habitudes de salon et le moment de l’analyse oratoire, lorsqu’au dix-neuvième siècle, le flexible et profond génie d’Allemagne rencontra l’âge des synthèses philosophiques et de la critique cosmopolite.
XXII Quant à nous, nous ne nous étonnons pas de cette puissance de répercussion du son de l’âme humaine à travers toutes les âmes et tous les âges ; il y a dans le cœur du héros, du poète ou du saint, des élans de force qui brisent le sépulcre, le firmament, le temps, et qui vont, comme les cercles excentriques du caillou jeté dans la mer, mourir seulement sur les dernières plages du lit de l’Océan. […] Que ne puis-je l’y retrouver, pour chanter les tristesses de mon cœur et celles du cœur de tous les hommes dans cet âge inquiet, comme ce berger inspiré chantait ses espérances dans un âge de jeunesse et de foi ! […] Tu défendis aux vents d’en sécher le rivage, Et tu dis aux échos : Roulez-la dans les âges, Humectez tous les yeux, mouillez tous les visages Des larmes du divin chanteur !
L’émotion qu’il ressentit à cette heure de sa vie, ses propres paroles nous la révèlent : « Quand on commence à jeter les yeux sur les cartes géographiques, et à lire les descriptions des voyageurs, on éprouve pour certains pays, pour certains climats, une sorte de prédilection dont, arrivé à un âge mûr, on ne peut pas trop bien se rendre compte. […] XI À cela près, il entra dans la science avec tous les heureux privilèges de son aristocratie, riche, libre, au niveau ou au-dessus de tout le monde, se consacrant exclusivement, non aux vains plaisirs de son âge, mais aux sérieuses études de la vie scientifique : véritable savant allemand transporté dans Paris. […] Jusqu’à la fin, ce fut à sa maison que vinrent se réunir toutes les voies de la science et tous les efforts du progrès ; il était en rapports fréquents avec tout ce qui était bon, noble, spirituel, et en outre avec l’austère science. » XVI Ses panégyristes allemands le dépeignent ainsi : nous ne l’avons pas connu à cet âge. Nous ne pouvons pas savoir ce que l’âge avancé de la vie pouvait avoir ajouté à cette physionomie complexe et multiple, qui exprimait jadis toute autre chose que la candeur et la sincérité qui conviennent au vieillard.
Un homme a ajouté aux travaux d’un homme ; un siècle a ajouté aux lumières d’un siècle ; et c’est ainsi qu’en joignant et perpétuant leurs efforts, les générations qui se reproduisent sans cesse ont balancé la faiblesse de notre nature, et que l’homme, qui n’a qu’un moment d’existence, a jeté dans l’étendue des âges la chaîne de ses connaissances et de ses travaux, qui doit atteindre aux bornes de la durée. […] Combien un succès si rare à cet âge dut exciter de jalousie et humilier tout ce qui prétendait à la gloire ! […] Il était dans cet âge où l’homme joint au feu de la jeunesse, qui n’est pas encore amorti, toute la force de la maturité, les avantages de la réflexion, et les richesses de l’expérience. […] Réunissez dans les mêmes honneurs ces deux hommes trop grands pour que la nature ait pu les réunir dans un même siècle ; et mettez sur leurs statues cette inscription qui les caractérise et qui sera la leçon de tous les âges, le beau et le vrai.
Et qu’on ne dise pas que dans un siècle comme le nôtre, où les sciences politiques et les études philosophiques sont portées à un si haut degré de perfection, les poètes ne peuvent plus acquérir la prépondérance qu’ils avaient dans les âges moins éclairés ; les hautes renommées de Goethe au milieu de la philosophique Allemagne, et de Byron dans le pays natal de la politique, sont là pour démentir ce préjugé trop répandu. […] Il proclamerait sans doute hautement, que les rayons presqu’éteints du dernier siècle ne peuvent pas être la lumière d’un nouvel âge ; il n’hésiterait pas, dans l’intérêt de l’art et de sa propre gloire, à se séparer de la mort pour s’attacher à la vie, et tout en éclairant les poètes de cette nouvelle école sur leurs défauts et leurs dangers, il les vengerait, par l’autorité de sa parole, des outrages de l’ignorance ou du pédantisme scholastique. […] On vit l’imitation des anciens devenue originale et créatrice, réfléchir, en l’embellissant encore, la civilisation la plus splendide de notre monarchie, et de cette fusion harmonieuse entre la peinture de l’antiquité et celle de l’âge présent, sortir un idéal ravissant et pur, objet de délices et d’enchantements pour toutes les âmes délicates et cultivées. […] Il a reproduit avec génie la manière franche, l’expression mâle du grand poète Régnier ; et remontant aux premiers âges de notre poésie, il a rendu à nos vers l’indépendance de la césure et de l’enjambement, et ces formes elliptiques, et cette allure jeune et vive, dont ils n’avaient presque plus de traces.
Ces sortes de fautes, qu’on peut passer à une rude et vigoureuse jeunesse, auraient dû disparaître avec les crudités inhérentes à cet âge. Il nous semble, si le souvenir ne nous abuse pas, que les Feuilles d’Automne en contenaient moins et annonçaient un travail d’élaboration que les Chants du Crépuscule ne réalisent qu’en partie ; ou peut-être ces fautes ne nous choquent-elles ici davantage que par le caractère plus élégiaque des morceaux qui les entourent et les font ressortir, et aussi par la susceptibilité d’un goût malheureusement plus difficile et plus rebuté avec l’âge.
Ce Vénitien, issu de sang espagnol, qui compte dans sa généalogie force bâtards, religieuses enlevées, poètes latins satiriques, compagnons de Christophe Colomb, secrétaires de cardinaux, et une mère comédienne ; ce jeune abbé, qui débute fraîchement comme Faublas et Chérubin, mais qui bientôt sent l’humeur croisée de Lazarille et de Pantalon bouillonner dans sa veine, qui tente tous les métiers et parle toutes les langues comme Panurge ; dont la vie ressemble à une comédie mi-partie burlesque et mi-partie amoureuse, à un carnaval de son pays qu’interrompt une atroce captivité ; qui va un jour visiter M. de Bonneval à Constantinople, et vient à Paris connaître en passant Voisenon, Fontenelle, Carlin, et être l’écolier du vieux Crébillon ; ce coureur, échappé des Plombs, mort bibliothécaire en un vieux château de Bohême, y a écrit, vers 1797, à l’âge de soixante et douze ans, ses Mémoires en français, et dans le meilleur et le plus facile, dans un français qu’on dirait naturellement contemporain de celui de Bussy. […] Son père était mort le laissant en bas âge.
La mère de Verlaine était une septuagénaire encore solide, simple et cordiale, à qui l’âge et les déboires avaient quelque peu brouillé les idées. […] L’âge lui avait donné cette manie.
On y trouve également enraciné un vieux reste de catholicisme, l’idée qu’on reverra des âges de foi, où régnera une religion obligatoire et universelle, comme cela eut lieu dans la première moitié du Moyen Âge. […] L’homme formé selon ces disciplines vaut mieux en définitive que l’homme instinctif des âges de foi.
Aux yeux de ceux-là, nous sommes fiers de passer pour des gens d’un autre âge, pour des fous et des rêveurs ; nous nous faisons gloire d’entendre moins bien qu’eux la routine de la vie, nous aimons à proclamer nos études inutiles ; leur mépris est pour nous ce qui les relève. […] Quand on compare les œuvres timides que notre âge raisonneur enfante avec tant de peine aux créations sublimes que la spontanéité primitive engendrait, sans avoir même le sentiment de leur difficulté ; quand on songe aux faits étranges qui ont dû se passer dans des consciences d’hommes pour créer une génération d’apôtres et de martyrs, on serait tenté de regretter que l’homme ait cessé d’être instinctif pour devenir rationnel.
La raison varie d’âge en âge ; le sentiment est toujours le même. — Et il continue longuement ce parallèle où la pauvre raison est immolée sans pitié en l’honneur du sentiment réhabilité.
C’est ainsi que M. de Montalembert, devenu à l’improviste pair de France tout à la veille de l’abolition de l’hérédité, fit ses débuts d’orateur à la barre de la noble Chambre en septembre 1831, à l’âge de vingt et un ans, et en qualité d’accusé. […] C’était un beau rôle à l’âge de trente-trois ans, et il sut le remplir dans toute sa hauteur et son étendue.
Ces problèmes obsédaient dans le désert Jérôme, cet homme de l’antre, cet Isaïe du Nouveau Testament ; il interrompait les préoccupations de l’éternité et l’attention au clairon de l’archange pour méditer sur telle âme de païen qui l’intéressait ; il supputait l’âge de Perse, rattachant cette recherche à quelque chance obscure de salut possible pour ce poëte aimé du cénobite à cause de sa sévérité ; et rien n’est surprenant comme de voir ce penseur farouche, demi-nu sur sa paille, ainsi que Job, disputer sur cette question, frivole en apparence, de la naissance d’un homme, avec Rufin et Théophile d’Alexandrie, Rufin lui faisant remarquer qu’il se trompe dans ses calculs et que, Perse étant né en décembre sous le consulat de Fabius Persicus et de Vitellius et étant mort en novembre sous le consulat de Publius Marius et d’Asinius Gallus, ces époques ne correspondent pas rigoureusement avec l’an II de la deux cent troisième olympiade et l’an il de la deux cent dixième, dates fixées par Jérôme. […] Ce travail a des phases ; et chacune de ces phases, marquant un âge dans le progrès, est ouverte ou fermée par un de ces êtres qu’on appelle génies.
L’usage des masques empêchoit donc qu’on ne vît souvent un acteur déja flétri par l’âge joüer le personnage d’un jeune homme amoureux et aimé. […] On ne sçauroit démêler ces expressions à une distance de laquelle on peut néanmoins discerner l’âge et les autres traits les plus marquez du caractere d’un masque.