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27. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Le talent de Florian s’y montre au complet, avec son naturel gracieux, sa diction facile et spirituelle, avec une morale aimable et bienveillante, mais qui n’exclut ni la raillerie, ni la malice. […] On l’a voulu faire venir de l’Orient, et voilà que le Moyen Âge nous la montre arrivant du Nord dans cet admirable Roman de Renart, qui est toute une épopée. […] Il se plaît en réalité avec les animaux ; lui aussi, il vit avec eux à sa manière : Vous connaissez ce quai nommé de la Ferraille, Où l’on vend des oiseaux, des hommes et des fleurs : À mes fables souvent c’est là que je travaille… On nous le montre aussi logé à l’hôtel de Toulouse, ayant sa bibliothèque tout près d’une volière peuplée d’une multitude d’oiseaux, sujets vivants de ses Fables. Faut-il indiquer quelques-unes des meilleures, les excellentes : L’Aveugle et le Paralytique ; Le Grillon ; Le Hibou, le Chat, l’Oison et le Rat ; Le Pacha et le Dervis ; Le Singe qui montre la lanterne magique ; Le Lapin et la Sarcelle ? […] Là où l’esprit et la grâce peuvent suppléer à la poésie, là où il suffit de bien conter et d’égayer le récit par un trait agréable, Florian s’en tire à merveille, comme lorsqu’il nous montre, dans la querelle entre le hibou, le chat et l’oison, ce rat arbitre, Rat savant qui rongeait des thèmes dans sa hutte !

28. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Mme de Maintenon affecte de paraître moins qu’elle n’est, et aime à laisser deviner plus qu’elle ne montre ; elle s’esquive, se dérobe en partie, se fait petite et modeste, allant jusqu’à dire qu’elle ignore comment il faut traiter avec les grands. […] Le caractère et la vocation politique de Mme des Ursins se montre bien en ce qu’elle est curieuse et avide de connaître les personnages distingués du monde, les gens capables, et de les apprécier en eux-mêmes pour en tirer ensuite quelque usage par rapport aux, choses de l’État. […] Les lettres de Mme des Ursins, même dans la fuite et les disgrâces, ne respiraient que courage et espérance ; mais, à partir de ce moment, elles prennent une teinte marquée d’enjouement et de raillerie brillante, qui nous la montre dans tout son beau. […] On peut juger si celle-ci entre dans le badinage : « La posture où il faudrait me mettre pour remuer conviendrait peut-être mieux à ma figure qu’à mon rhumatisme. » Toute cette partie de la correspondance nous montre les deux femmes célèbres à leur avantage, dans toute la vivacité de leur goût mutuel, en veine heureuse et en plein accord ; et Mme de Maintenon, avec son habituelle justesse, résume cette impression quand elle dit (29 mai 1707) : Je viens de relire encore vos lettres pour voir si j’ai répondu à tout : Mon Dieu ! […] L’ironie se montre plus fréquente chez Mme des Ursins à travers tous les compliments et les politesses, et l’aigreur piquante se glisse sous la plume de Mme de Maintenon : « Le roi et la reine d’Espagne ont bien des raisons de vous aimer, madame ; la passion que vous avez pour eux vous fait cesser d’être Française. » Et encore : « Consolez-vous, madame, il n’y a nulle apparence de paix. » En ces moments, Mme de Maintenon (on la voit d’ici) se tire et se fronce ; elle prend un air mortifié et de victime : « Je suis accoutumée, dit-elle, à vivre de poison. » Elle en laisse distiller des gouttes ; chaque trait pique.

29. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Outre ceci, ils les défigurent de plus en plus par un maudit coloris plâtreux à la française. » Il se montre partout sévère pour cette négligence de notre école de peinture à l’égard du coloris ; il regrette de ne point trouver cette qualité attachante au milieu des ordonnances sévères et judicieuses qu’il reconnaît à Le Brun, Jouvenet, Boullongne et Bourdon : « Tous nos Français sont si mauvais coloristes !  […] De Brosses, en laissant de côté les plaisanteries et les gaietés dont il assaisonne son propos, est fécond en de telles idées patriotiques, où il se montre précurseur et promoteur. […] En pénétrant si bien dans le secret des beautés étrangères et de l’art immortel, de Brosses se montre à la fois tout à fait lui-même ; il reste bien Français, de son pays et de sa race. […] Là-dessus il m’arrêta en me disant que César entendait mieux le dénouement que Molière ; qu’il avait eu l’esprit de se faire tuer au moment du comble de sa gloire, dans le temps qu’il allait peut-être la risquer contre les Parthes, et qu’il était mort la montre à la main. […] C’est que Molière, lui aussi, est mort la montre à la main, au comble de sa gloire et sans déclin, après Le Misanthrope, le Tartuffe et Les Femmes savantes.

30. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

. — Par contre, je citerai un conte dans lequel un frère montre un dévouement très grand à son cadet (V. […] Il montre autant de tendresse pour l’enfant du premier lit que pour ceux qu’il a eus de sa propre femme ; souvent il n’est payé que d’ingratitude par son fils adoptif (V. […] -F. : Les deux amis peuhl, montre, par exception, le conflit du devoir et du désir et même le triomphe du devoir. […] Les deux intimes), du lionceau tuant sa mère pour venger celle de son ami, de Bassirou oubliant qu’Ismaïla a tué le fils d’un ami par rage de voir la mère de celui-ci résister à sa convoitise (Bassirou et Ismaïla), de ce peuhl qui, pour sauver son ami mourant de désir, lui cède sa propre femme120, tout cela montre que la fraternité d’élection inspire des sentiments aussi forts pour le moins que la fraternité du sang. […] >Quant à la paresse, elle se voit excusée avec une indulgence amusée dès qu’elle se montre ingénieuse.

31. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Tout le livre de Michelet nous le montre tel. […] Il faut dire que, dans les cas supposés par Michelet, la femme ne montre point de perversité, oh ! […] Consulté sur le cas à propos duquel Mme de La Fayette montre tant de finesse et Michelet un si bon cœur, Molière n’hésiterait point : Oui, je tiens que jamais de semblables propos On ne doit d’un mari traverser le repos. […] Il montre bien que la femme est d’autant plus notre égale qu’elle est moins notre pareille et que son sexe s’étend à son âme, à son esprit, à elle tout entière.

32. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

ce Journal présent de Louis XVI montre parfaitement, malgré sa sécheresse, que ce vertueux inerte fut un passionné, — un passionné comme tous ceux de sa race. […] le Journal de Louis XVI montre parfaitement que ce Roi auquel on avait donné des mœurs bourgeoises — car on voulait à toute force qu’il fût un bon bourgeois dans sa maison, le dos au feu, le ventre à table, — était, de pied en cap, aussi prince de goûts et de mœurs que peut l’être un prince, et, chose nouvelle et plus stupéfiante encore ! […] Louis Nicolardot, qui a mis des titres piquants aux classifications diverses de ce Journal qu’il nous montre comme une lanterne magique de faits et de chiffres, M. 

33. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

« Celui que la pureté de ses mœurs a rarement laissé faillir, un éclatant rayon le frappe et lui montre les choses invisibles. […] tu es prêt à la détruire pour tes serviteurs ; et tu leur montres l’inaltérable voie par où le corps même doit renaître. […] Est-ce le chrétien, le poëte, l’époux séparé mais tendre, qui se montre le plus dans ces vers de Paulin à Thérésia : « Viens, compagne inséparable de mon sort !

34. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

La négligence avec laquelle la phrase est jetée montre tout le peu de valeur de la vie. […] Théophraste conjecture, La Rochefoucault devine, et La Bruyère montre ce qui se passe au fond des cœurs.

35. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 43, que le plaisir que nous avons au théatre n’est point produit par l’illusion » pp. 429-434

Or il est vrai que tout ce que nous voïons au théatre concourt à nous émouvoir, mais rien n’y fait illusion à nos sens, car tout s’y montre comme imitation. […] Mais dans le tableau dont je parle, Attila représente si naïvement un Scythe épouvanté, le pape Leon qui lui explique cette vision, montre une assurance si noble et un maintien si conforme à sa dignité, tous les assistans ressemblent si bien à des hommes qui se rencontreroient chacun dans la même circonstance où Raphaël a supposé ses differens personnages, les chevaux mêmes concourent si bien à l’action principale ; l’imitation est si vrai-semblable, qu’elle fait sur les spectateurs une grande partie de l’impression que l’évenement auroit pû faire sur eux.

36. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Il montre ce qui a été pour lui le point de départ. […] Du reste, bonne, brave, loyale et intelligente nature ; mélange du poète, du gueux et du prince ; riant de tout ; faisant aujourd’hui rosser le guet par ses camarades comme autrefois par ses gens, mais n’y touchant pas ; alliant dans sa manière, avec quelque grâce, l’impudence du marquis à l’effronterie du zingaro ; souillé au-dehors, sain au-dedans ; et n’ayant plus du gentilhomme que son honneur qu’il garde, son nom qu’il cache, et son épée qu’il montre. […] Le grand fait de la noblesse se montre, dans Hernani comme dans Ruy Blas, à côté du grand fait de la royauté.

37. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Il sort enfin ou plutôt il feint de sortir ; car M. de Ryons, qui est toujours là, le montre à la jeune femme embusqué, comme un satyre aux aguets, derrière une charmille du jardin. […] M. de Ryons fait si bien que l’amant évincé adresse la lettre au mari, par crainte d’un rival imaginaire qu’il lui montre prêt à le supplanter. […] On se sent en présence d’une vérité franche, d’une âme nue qui se montre dans sa grâce et dans sa faiblesse. […] Elle ne le met pas à la porte, mais elle la lui montre. […] Le dernier acte nous montre madame Aubray prise au mot par ses idées, et sommée de les accomplir.

38. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Fiévée montre au Premier consul la société telle qu’elle est véritablement au fond, lasse, épuisée, se reprenant à une espérance précaire sitôt que quelques bons symptômes reparaissent : « On peut dire des peuples qui sont entrés dans la carrière des révolutions, qu’après s’être fatigués d’idées et d’espérances, ils retombent lourdement sous le joug de leurs besoins. » Il montre cette situation favorable à tout pouvoir qui s’élève, mais bien difficile à ménager : La Révolution ayant exagéré toutes les espérances populaires et n’ayant produit qu’un plus grand malaise, le peuple, toujours dupe de ceux qui l’exaltent, attendait tant de ses flatteurs qu’on ne peut rien faire pour lui qui approche de ce qu’on lui avait promis. […] Fiévée nie que ce soit là une exacte conséquence : « Il serait fort extraordinaire, dit-il, que quatorze siècles de monarchie ne puissent plus servir en France qu’à faire opposition même au gouvernement d’un seul. » Il montre qu’entre ce retour aux vrais principes de gouvernement et un retour à l’Ancien Régime, il y a toujours un énorme obstacle qui s’interpose, à savoir la masse d’intérêts créés par la Révolution. Il montre le royalisme tel qu’il était dès lors dans cette société de plus en plus positive : De nos jours, le royalisme n’est ni une passion, ni un enthousiasme, moins encore un fanatisme : c’est une opinion ; et les hommes qui n’agissent qu’en conséquence d’une opinion torturée par toutes les crises dont nous avons été acteurs et victimes, ne sacrifient pas la tranquillité de leur vie à des projets dont ils sentent que l’exécution est au-dessus de leur pouvoir. […] La Correspondance en avançant se gâte un peu ; l’inconvénient de n’être qu’un homme d’esprit se montre.

39. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

C’est la différence d’une femme qu’on voit et d’une femme qui se montre. […] Pénélope vue de profil regarde au loin et montre du doigt quelque chose. […] L’un montre une femme couronnée de laurier, la tête et les regards tournés vers le ciel ; dans un accès de verve. à sa droite un bout de cheval Pégase assez mal touché. […] Que le plus habile artiste, s’arrêtant strictement à l’image du poëte, nous montre cette tête si belle, si noble, si sublime dans l’ énéide, et vous verrez son effet sur la toile. […] Il faut auparavant que je vous montre comment un poête en quatre lignes, fait succéder plusieurs instants différents, et croyant n’ordonner qu’un seul tableau, il en accumule plusieurs.

40. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Montre-nous le Saint-Graal !  […] … » En même temps, il montre une blessure qui saigne à sa poitrine avec les signes d’une douleur affreuse. […] Mais le magicien lui montre en perspective une victime attrayante sous forme d’un jeune homme vierge. […] Le magicien se montre sur une terrasse et jette la lance sacrée contre le téméraire qui le brave. […] Qu’il se montre, cet homme de génie qui doit placer la véritable tragédie, la véritable comédie sur le théâtre lyrique ! 

41. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

et par cette condamnation si bien conduite, si savamment combinée, Bossuet ne montre-t-il pas qu’il était plus théologien que prophète, et qu’il regardait plus en arrière ou à ses pieds qu’il ne voyait en avant ? […] Le journal de Le Dieu nous montre Bossuet à Meaux, dans le tous-les-jours de sa vie pastorale, et le plus paternel des évêques. […] On aime à rejoindre ces détails sur le Bossuet de la fin et sur son bel organe, éclatant une dernière fois, avec ce que le même biographe nous a dit de lui dans sa jeunesse, quand il nous le montre affectionné à chanter l’office de l’Église et les psaumes : « Il avait la voix douce, sonore, flexible, mais aussi ferme et mâle. […] — Encore une fois, Bossuet ressort de cette lecture et de l’épreuve suprême de ces intimes documents avec des traces de faiblesse sans doute et d’infirmité humaine ; je ne sais si ceux qui se dressent dans l’esprit d’illustres statues qui ressemblent trop souvent à des idoles, trouveront qu’il ait grandi à leurs yeux ; mais cet homme, qui a eu tant de grandeur dans le talent, s’y montre avec bien de la bonté morale et de la piété vraie dans le cœur ; que faut-il davantage ?

42. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet ne le dit pas, mais Salomon, tel qu’il nous le montre dans son faste oriental et dans sa plénitude de jouissance, est de tous les saints rois celui qui s’est le plus accommodé de l’état présent, de la forme mosaïque tout acquise, qui s’y est le plus installé comme à demeure, en y mêlant les délices, et qui s’est le moins inquiété de Jésus-Christ. […] Tous ces miracles tiennent plus de la bonté que de la puissance, et ne surprennent pas tant les spectateurs qu’ils les touchent dans le fond du cœur. » Quant à la doctrine, il la montre également humaine, appropriée, et tempérant la hauteur par la condescendance : « C’est du lait pour les enfants et tout ensemble du pain pour les forts. […] A l’entendre nous développer le secret de ce peuple-roi dans sa discipline, dans son ordre et sa tactique, dans son courage exempt du faux point d’honneur, comparer ensemble la phalange macédonienne et la légion romaine, puis pénétrer dans les conseils de son Sénat, dans cette conduite si forte au dehors, si ferme au dedans, Bossuet se montre historien philosophe, comme auparavant il était historien prophète. […] Un mot d’éloge, à la fois excessif et vague, sur Charlemagne qui était la fin indiquée d’avance, montre qu’il avait peu étudié de près ce dernier des grands conquérants dont il parle comme d’un saint Louis.

43. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

La théorie nouvelle, au contraire, montre que les divers procédés de l’intelligence ne sont que les formes diverses d’une loi unique ; qu’imaginer, déduire, induire, percevoir, etc., c’est combiner des idées d’une manière déterminée ; et que les différences de facultés ne sont que des différences d’association. […] Le peu qu’il en dit cependant montre que sa solution pourrait se rapprocher de celle de M. […] « La tendance de l’idée d’une action à produire le fait, montre que l’idée est déjà le fait sous une forme affaiblie. […] Mais la disposition à passer d’un souvenir, imagination ou idée, à l’action qu’ils représentent, — à produire l’acte et non pas seulement à le penser, — c’est là aussi un principe déterminant dans la conduite humaine. » L’auteur montre combien de faits curieux en psychologie s’expliquent par cette tendance de l’idée à se réaliser : la fascination causée par un précipice, les phénomènes produits par les idées fixes, par le sommeil magnétique, les sensations causées par sympathie.

44. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Avec un art plus élémentaire, Poe élague de ses personnages ce qui est humain, commun et subordonné : il désigne ta faculté excessive ou défectueuse en laquelle ils s’individualisent, les montre déséquilibrés en acte et poussant à ses conséquences extrêmes la conduite commandée par leur état mental. […] Il montre la mystérieuse et inexplicable hantise de l’Homme des foules, la volonté succombant sous des impulsions morbides, les dégradants ravages de l’alcool ; puis les demi-affolements, les illusions acoustiques et les envies sanguinaires de l’assassin du Cœur révélateur, enfin te vampirisme forcené de l’amant de Bérénice, dont l’acte dégoûtant lutte d’horreur avec une épouvantable folie. […] Le plus grand nombre des contes ont pour personnages des hommes et rien dans l’arrière-fonds de l’intrigue, ne montre que ceux-ci se soient jamais émus du frôlement d’une jupe. […] Poe voile l’attraction des sexes, dont il renverse les rôles, l’altère de maladie, de folie ou de crime, la montre morbide et forcenée dans Ligeïa, enfantine et fantasque dans Eleonora ; et ses poèmes même, quelques pièces fugitives à part, ne décrivent de l’amour que le spectre. […] Sur ces deux points la biographie de Poe est négative, tandis que sa psychologie où il s’analyse calmement en ses vices et ses misères, montre quel était l’empire de son intelligence sur sa sensibilité.

45. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Mais La Fontaine nous montre par là qu’il aime à discuter  on le sait par ailleurs  qu’il aime à exposer des thèses philosophiques ou scientifiques, et que peut-être il y avait un peu trop d’inclination même, puisqu’il s’attarde tellement sur de pareilles choses, qui parfois ne sont pas précisément très agréables pour le lecteur ; mais là où il montre que cette faculté de dialecticien il l’avait, éminemment et avec une souplesse, une aisance, avec une grâce tout à fait extraordinaires, c’est dans le passage suivant, que l’on trouve dans le Discours à Madame de La Sablière et que je vais vous lire. […] Telle est la montre qui chemine A pas toujours égaux, aveugle et sans dessein : Ouvrez-la, lisez dans son sein : Mainte roue y tient lieu de tout l’esprit du monde ; La première y meut la seconde ; Une troisième suit ; elle sonne à la fin. […] Une montre  Et nous  C’est autre chose. […] Cela, avec des métaphores d’une sûreté étonnante, avec un parallélisme de métaphores et d’images entre la montre et l’animal, entre les roues de la montre et les ressorts qui, selon les cartésiens, agissent et meuvent l’animal. […] Vous savez que le héron dédaigne tous les poissons qu’il pourrait prendre parce que c’est un être dédaigneux, susceptible, je l’ai appelé « neurasthénique » dans une conférence précédente, et il montre un goût dédaigneux Comme le rat du bon Horace.

46. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Fersen montre, en haut, ce que Taine montre en bas, et c’est la même chose ! […] …) plus forts que la dignité et la placidité de sa plume, il montre une patience qui résiste à tout, même quand il n’a plus d’espérance !

47. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Cette institution de Saint-Cyr, étudiée comme il nous la montre, exprime mieux la société de ce temps que toutes les autres institutions. […] Il nous montre la femme du xviie  siècle, non la femme individuelle, la femme d’exception, qui déforme toujours beaucoup plus les mœurs qu’elle ne les fait, et dont les portraits ne nous manquent jamais ! […] Et ce n’est pas tout : il nous montre aussi la solution éclatante de ce terrible problème de l’éducation que chaque époque pose et reprend à sa manière, et qui, grâce à une femme et à des circonstances inouïes, a été résolu une fois.

48. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Rien ne montre mieux le progrès de l’esprit laïque que l’émancipation graduelle du théâtre sérieux. […] La domination de l’Église se montre à d’autres signes. […] et elle montre la main du Dieu vivant venant frapper jusque sur les planches cet histrion qui fut l’auteur du Misanthrope. […] L’histoire, elle aussi, se fait alors au profit et sous la direction de l’Église : c’est Bossuet qui, dans son Discours sur l’histoire universelle montre le catholicisme comme le terme triomphal où aboutissent toutes les civilisations de l’ancien monde ; ce sont les Bénédictins qui débrouillent patiemment le chaos de notre passé national. […] Chose plus curieuse encore, et qui montre à quel point la source des sentiments religieux est alors tarie !

49. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

X Du reste, ce triste livre, sans esprit, sans critique, sans moralité, mais écrit en anglais contre l’un des plus beaux génies de l’Angleterre, nous en a rappelé un autre, mais écrit en français, celui-là, qui nous montre un Byron plus vrai. […] Étude de nuances digne de madame de Staël, et dans laquelle l’aperçu se montre à chaque mot, mais en pointes de lumière comme cette poudre du diamant qu’on fait monter en étincelles. […] Il vous montre, en Byron, à travers la passion de ses poèmes, le poète de la fidélité éternelle. […] Nisard montre encore Byron, malgré ses égarements et ses fautes, l’homme de tous les hommes qui a le plus souffert peut-être de n’avoir ni foyer ni famille. […] Son amitié, charmante et toujours présente pour cette sœur, qui fut sa consolation dans l’infortune, montre à quel point Byron était organisé pour la famille.

50. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Stéphane Mallarmé a mis en tête de sa traduction des poèmes d’Edgar Poe8 ce sonnet préliminaire : LE TOMBEAU D’EDGAR POE Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change Le Poète suscite avec un glaive nu Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu Que la Mort triomphait dans cette voix étrange Eux comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange Donner un sens plus pur aux mots de la tribu Proclamèrent très haut le sortilège bu Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange Du sol et de la nue hostiles ô grief Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur Que ce granit du moins montre à jamais sa borne Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur Qu’est-ce que cela veut dire ? […] Et maintenant voici la traduction que je vous propose : « Redevenu vraiment lui-même, tel qu’enfin l’éternité nous le montre, le poète, de l’éclair de son glaive nu, réveille et avertit son siècle, épouvanté de ne s’être pas aperçu que sa voix étrange était la grande voix de la Mort (ou que nul n’a dit mieux que lui les choses de la Mort).

51. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

» Elle jeta sur la montre un regard ardent, avide, et se rapprocha de moi. […] Je vais vous apporter cela… Mais que votre montre est belle et brillante ! Prêtez-la-moi, je vous prie. » Je détachai la chaîne d’or qui suspendait la montre à mon col ; elle prit la montre, la tourna, la retourna, l’examina dans tous les sens, et finit par passer la chaîne d’or à son col. — Je serais bien heureuse, s’écria-t-elle d’un air d’extase, si je possédais une montre pareille !  […] J’échangeai alors des regards d’intelligence avec mon protecteur et redemandai ma montre à l’hôtesse.

52. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Mais cette virtualité se montre aussi, en quelque mesure, déterminée par l’intervention des circonstances extérieures : or, c’est là une action qu’il est possible d’observer et dont on peut jusqu’à un certain point fixer l’importance. […] Cette science nous montre tout d’abord que les organismes sont susceptibles de changements d’autant plus grands qu’ils sont plus proches de leur origine. […] Notons encore, qu’en matière sociale, le rôle de la durée montre clairement son importance et de la même façon dont il l’a manifestée à l’égard de la biologie. […] Aussi importe-t-il de confesser ici que si l’on a pu montrer, dans la première partie de cette étude les quelques déviations subies, du fait de ce formidable phénomène de suggestion, par quelques activités originales, on ne saurait mettre ce dommage en ligne de compte avec l’extraordinaire enrichissement qui fut réalisé par la Renaissance au bénéfice de l’humanité tout entière Si le pouvoir de se concevoir autre, de s’appliquer les bienfaits de notions et d’une culture que l’on n’a pas soi-même inventées, s’exerce en cette circonstance au détriment de quelques variétés humaines particulières, il faut proclamer qu’il se montre ici, avant tout, le moyen même du phénomène humain, sans lequel ces variétés n’existeraient point.

53. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Exception encore pour Victor Hugo, dont la Légende des Siècles, malgré les faiblesses dans l’unité, montre ce souci également, — chez ce génie divinateur si plein d’intermittents souffles d’avenir qu’il ne sut formuler. […] Ce qu’il en a dit montre que le principe de cette œuvre n’est nullement original — et qu’elle ne doit se développer que comme très intelligente et curieuse compilation recréée par un esprit poétique, délicat et éminemment subtil, des conceptions idéales à priori. […] Stéphane Mallarmé montre enfin à quelles tendances s’arrête sa pensée : On ne peut se passer d’Eden. […] Et encore, MM Jean Moréas et Gustave Kahn, les promoteurs de ce lieu commun, ne surent-ils pas s’abstraire du simple Symbole d’images successives tel que le montre en ses essais M. 

54. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Elle montre au forgeron les rougeurs féeriques de l’incendie qui l’environne, elle chante à l’oreille du soldat pour rythmer l’étape, elle siffle avec le maçon sur son échelle, elle montre au bûcheron les nids qui s’envolent à chaque coup de la cognée, elle berce le pêcheur sur la mer, et, pour égayer le laboureur, elle pose sur les cornes noires de ses bêtes la gentillesse de l’oiseau.

55. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Parmi ceux-ci, les montres, ces petits chefs-d’œuvre de l’art industriel avec les délicates imaginations de leur riche décor, sont parmi les bibelots que j’aime le mieux. […] Puis il tire d’une commode, des cahiers, où il nous montre de nombreuses pages contenant l’historique de ces évocations, et nous montre enfin un tableau, représentant une femme aux mains lumineuses, qu’il dit être venue l’embrasser, et dont il a senti sur sa joue, ses lèvres, des lèvres pareilles à des lèvres de feu. […] … Vous avez le masculin et le féminin dans votre langue… je le comprends pour l’homme et la femme… mais pour les choses inanimées. » Et il me montre un bol : « Pourquoi ceci est-il masculin ? » Et après il me montre une tasse : « Pourquoi cela est-il féminin ?  […] Antoine se montre un acteur tout à fait supérieur.

56. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Il nous montre ce qui a converti tout d’un coup ces succès et une victoire qu’on était tout près d’arracher, en un immense désastre, deuil éternel de notre histoire. […] Thiers montre, par des raisons concluantes, qu’il ne peut en avoir été autrement. […] Thiers montre que la difficulté n’est pas là, et que la lettre fut rendue bien à temps dans la matinée (avant onze heures).

57. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

On bien encore il faut qu’il soit païen s’il n’est mystique ; il faut que la religion lui montre Dieu dans la nature, si elle ne le lui montre pas dans l’âme. […] Il y trouve des figures sublimes, dignes d’Homère, quand il montre « les Parques blêmes dont la main se joue également des jours du vieillard et de ceux du jeune homme. » Il ne peint pas les dieux vaguement, avec des souvenirs de classe.

58. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Voyez de quelle façon l’écrivain russe Tolstoï représente un homme dans un état de joie extrême : il fait sa première visite à sa fiancée : Il rôda dans les rues pour passer le temps qui lui restait à attendre, consultant sa montre à chaque instant, et regardant autour de lui. […] Après avoir fait un grand tour par la rue des Gazettes et la Kislowka, il rentra à l’hôtel, s’assit, posa sa montre devant lui, et attendit que l’aiguille approchât de midi. […] Tout cela veut dire : Levine était joyeux ; mais, à cette sèche indication, l’écrivain substitue une riche analyse, qui montre la révolution produite par la joie dans tout le domaine de l’intelligence et de la sensation.

59. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Il y a sans doute de la sublimité dans une tête de Jupiter ; il a fallu du génie pour trouver le caractère d’une Euménide, telle que les Anciens nous l’ont laissée ; mais qu’est-ce que ces figures isolées en comparaison de ces scènes où il s’agit de montrer l’aliénation d’esprit ou la fermeté religieuse, l’atrocité de l’intolérance, un autel fumant d’encens devant une idole ; un prêtre aiguisant froidement ses couteaux, un préteur faisant déchirer de sang-froid son semblable à coups de fouet, un fou s’offrant avec joie à tous les tourments qu’on lui montre et défiant ses bourreaux ; un peuple effrayé, des enfants qui détournent la vue et se renversent sur le sein de leurs mères, des licteurs écartant la foule, en un mot, tous les accidents de ces sortes de spectacles ? […] On ne peut pas dire que sa cuisse soit découverte ; mais il y a une telle magie dans ce linge léger qui la cache, ou plutôt qui la montre qu’il n’est point de femme qui n’en rougisse, point d’homme à qui le cœur n’en palpite. […] Un assistant lève le voile qui couvrait cette tête étonnante, et vous la montre subitement.

60. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

De son côté, Champagny nous montre à son tour dans ses Césars, réédités avec beaucoup d’intelligence, Rome à ce moment formidable où, ayant conquis l’univers, il s’agissait pour elle de le gouverner. […] En sortant d’une étude si consommée des faits, Lerminier, son œuvre achevée, s’est mis à conclure, les yeux sur son siècle, et sa conclusion, qui va du monde ancien au monde moderne, atteint le monde moderne et lui montre cruellement ses fautes. […] Aristote, il est vrai, est un Grec ; mais si cet homme incomparable se montre encore plus fort que les hommes d’aujourd’hui dans son livre sur la politique, ce livre, par contre, fait ressortir combien ses contemporains étaient inférieurs aux hommes d’aujourd’hui.

61. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il fait commencer l’instruction dès les plus tendres années de l’enfant ; il montre la force des premières impressions, il développe le « quo semel est imbuta recens… » : « Cette âme donc toute neuve et blanche, tendre et molle, reçoit fort aisément le pli et l’impression que l’on lui veut donner, et puis ne le perd aisément. » Cette jolie et franche expression (une âme toute neuve et blanche, mens novella) est-elle bien de luim ? […] Il ne s’agit pas enfin de s’informer du savoir et des opinions d’autrui pour en faire montre, il faut les rendre nôtres : « Il ne faut pas les loger en notre âme, mais les incorporer et transsubstancier. […] Parmi ceux pourtant qui critiquèrent le livre de La Sagesse, il en est un qui mérite d’être distingué, c’est l’auteur de l’écrit intitulé Considérations sur la sagesse, publiées en 1643, et qu’on dit être le médecin Chanet : il est modeste, il est modéré de ton, il se montre plein d’égards pour l’auteur qu’il réfute. […] Il montre qu’il y a une certitude suffisante dans les notions qui nous viennent par les sens.

62. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Mais la première condition pour trouver cela beau serait de trouver cela vrai ; autrement on ne peut que dire : « C’est ingénieux, c’est subtil, c’est bien présenté, bien imaginé. » Elle nous transfigure la vieillesse, elle ne nous la montre pas. […] Arrêté sur la hauteur d’où le pays se montre plus étendu et plus riche, il suit le cours des eaux qu’il a su maîtriser, il reconnaît ses ombrages, ses abris de prédilection, les champs fécondés par ses sueurs, des glands semés par lui devenus chênes ; le même soleil éclaire encore de ses rayons obliques et toujours amis la longue route qu’il a suivie, et les sentiers mystérieux par lesquels la bonne Providence l’a doucement conduit à elle… » Ce qui suit, et qu’il faut lire, sur les infirmités et l’usage moral qu’on en peut faire est fort beau, Dans ces termes adoucis, je cesse de contredire, et je m’efforcerais plutôt de m’associer aux affectueuses espérances de l’auteur. […] Il avait une montre de Breguet (ou de tout autre) à laquelle il tenait beaucoup et qu’il s’amusait à faire sonner. Mme Swetchine n’eut pas de cesse qu’elle ne l’eût amené à se priver de cette montre, par esprit de mortification.

63. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Ses Caresses sont assurément, de tous les poèmes qu’on ait écrits, ceux où les reins jouent le rôle le plus considérable  Puis il tente le théâtre, et ce mâle nous montre une femelle, la Glu, une goule qui mange un pêcheur breton. […] Le ton même de cette déclaration nous montre que la Chanson des Gueux (et j’en suis bien aise) n’est point une oeuvre de pitié humanitaire et révolutionnaire, à la façon des Misérables, si vous voulez. […] Richepin nous montre une bande d’oiseaux voyageurs passant très haut sur la tête des poules, des canards et des dindons. […] La mer tout entière et chacune de ses vagues, la nuit et chacune des nuées du ciel, autant de prostituées qu’il nous montre à l’œuvre.

64. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Dans une belle pièce de ses secondes Méditations, qui a pour titre Les Préludes, il se montre à nous sous quatre ou cinq aspects différents, tour à tour nonchalant, rêveur, puis amoureux des tempêtes, puis emporté dans les combats, puis rentrant dans son Arcadie au son de la flûte du pasteur. […] Dans son Histoire de la Restauration, M. de Lamartine revient aux premières scènes de sa jeunesse, et, bien qu’il y revienne avec un complet dégagement de vues, il saura en ressaisir suffisamment les émotions et le ton : il les embellira même peut-être ; mais, qu’il se montre plus ou moins indulgent ou sévère, il ne saurait ici être dangereux. […] Mais ce qui est à côté les trahit, et ne les montre que comme d’heureux hasards ou comme des jeux d’une rhétorique supérieure. […] Ainsi, dans ce premier retour de Louis XVIII, dans ce voyage de Calais à Compiègne, il montre le pays oubliant volontiers ses droits au milieu de l’attendrissement, et se donnant tout entier, tandis que les politiques à Paris stipulent et marchandent encore : Il (Louis XVIII) sentit, au tressaillement universel et spontané de sa patrie, qu’il était maître de ce peuple, et qu’on ne lui marchanderait pas sérieusement le règne à Paris.

65. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

M. l’Abbé de Barruel semble s’être proposé pour modele les fameuses Lettres de Pascal, & il faut convenir qu’il se montre souvent le digne émule de ce Grand Homme. […] « Le Scorpion, traînant son corps immense, montre un cœur brillant, étend ses serres entr’ouvertes & replie sa queue armée d’un double aiguillon.

66. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Maintenant, ceci bien posé, en principe : c’est un épicurien qui admet la notion de la Providence, notion que les épicuriens n’admettaient pas, il y a là une réserve très considérable, très originale aussi, et qui montre la liberté d’esprit de La Fontaine qui n’est jamais celui qui jure sur la foi d’un maître   maintenant il a fait, relativement à la philosophie déjà classique de son temps, déjà en possession de l’admiration et de l’adhésion du public, il a fait une sécession aussi incontestable, qui est celle de la croyance à l’âme des bêtes, j’y reviens, mais à un autre point de vue que tout à l’heure. […] C’est le ton d’un La Bruyère qui, probablement, ne nous donne pas comme étant ce qui doit être tout ce qu’il nous montre, et ce serait bien scandaleux que La Bruyère nous donnât tout ce qu’il nous montre pour ce qui doit être. […] C’est dans les Obsèques de la Lionne que La Fontaine montre le mieux, et avec une sorte de rire sarcastique, qu’en définitive c’est le Normand, — dans le sens péjoratif du mot  qu’en définitive c’est l’habile, le rusé, l’adroit et le flatteur qui l’emporte là où l’Alceste des animaux, je veux dire l’ours, a perdu complètement la partie. […] Le ton est lyrique, et le ton est infiniment pénétrant, autant qu’il montre que l’auteur est de cette idée pénétré lui-même.

67. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Il est important de bien placer cette limite, de sorte qu’on montre tout ce qui est nécessaire, et qu’on fasse imaginer ce qu’on ne montre pas.

68. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Il se montre tout d’abord immédiatement après le coup de trompe du veilleur de nuit, qui porte à son comble l’hallucination où Walther se débat contre les maîtres qui cherchent, grimaçants, à lui arracher Eva. […] Détail curieux, ce motif se montre, tout gai et comique, tandis que David explique à Sachs distrait comment Magdeleine sait lui faire oublier ses déboires dans sa cuisine. […] Motif 32 (p. 34, 104, 107, 156, 253, 254, 255, 256, 257, 262, 263, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 346, 347, 368). — Se montre dès qu’il s’agit de l’intervention de Sachs en faveur de Walther, soit devant les maîtres, soit plus tard quand il se dévoue à lui faire obtenir le prix du concours. […] Pendant qu’Eva s’indigne contre les maîtres et contre Sachs à la fois, ce motif prend une forme malicieuse, fine et gaie ; puis, le motif de Sachs dans son intégrité reparaît sombre sous la forme doucement railleuse, et le motif mélancolique 13 se montre au milieu des syncopes de la basse en même temps que Sachs reprend : « Das dacht ich wohl !  […] Motif 67 (p. 26, 38, 57, 70, 82, 83, 263). — Se montre quand Walther se résout à soumettre sa liberté poétique aux règles magistrales.

69. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Le même axiome nous montre que les philosophes sont restés à moitié chemin en négligeant de donner à leurs raisonnements une certitude tirée de l’autorité des philologues ; que les philologues sont tombés dans la même faute, puisqu’ils ont négligé de donner aux faits le caractère de vérité qu’ils auraient tiré des raisonnements philosophiques. […] Le premier nous montre le penchant naturel du vulgaire à imaginer des fables et à les imaginer avec convenance. — Le second nous fait voir que les premiers hommes qui représentaient l’enfance de l’humanité, étant incapables d’abstraire et de généraliser, furent contraints de créer les caractères poétiques, pour y ramener, comme à autant de modèles, toutes les espèces particulières qui auraient avec eux quelque ressemblance. […] Au milieu de cette prétendue liberté populaire que l’imagination des historiens nous montre dans Rome, ils pressaient 30 les plébéiens, et les forçaient de les servir à la guerre à leurs propres dépens ; ils les enfonçaient, pour ainsi dire, dans un abîme d’usures ; et lorsque ces malheureux n’y pouvaient satisfaire, ils les tenaient enfermés toute leur vie dans leurs prisons particulières, afin de se payer eux-mêmes par leurs travaux et leurs sueurs ; là, ces tyrans les déchiraient à coups de verges comme les plus vils esclaves. […] Le troisième article du même axiome nous montre la route que suivent les ambitieux dans les états populaires pour s’élever au pouvoir souverain ; ils secondent le désir naturel du peuple, qui, ne pouvant s’élever aux idées générales, veut une loi pour chaque cas particulier. […] Les hommes à courtes vues prennent pour la justice ce qu’on leur montre rentrer dans les termes de la loi.

70. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Henri IV, ayant à l’instant donné ordre à Rosny de faire mettre à part une certaine somme pour payer la montre (ou solde) aux compagnies suisses, Sancy, collègue de Rosny aux finances et son ancien, essaya de faire acte d’autorité, et, le matin de la revue des Suisses, il lui envoya demander cet argent par un billet qui sentait le supérieur. […] Il montre la lettre à l’un des intéressés avant qu’elle parte. […] Tous les mois Rosny fait sa visite à l’armée à la tête de son convoi : il fait voiturer avec lui cent cinquante mille écus pour la montre ou solde ; cette vue réjouit les cœurs, « tous les capitaines et soldats criant tout haut qu’il paraissait bien maintenant que le roi avait mis en ses finances un gentilhomme d’illustre maison, qui était bon Français, bon soldat et en avait toujours fait le métier, puisqu’il servait si bien le roi et la France… ». […] La suite du discours de Henri IV concernant Sillery et Villeroi est belle et montre bien la supériorité politique de celui qui parle, qui contrôle l’un par l’autre, et qui met chacun à son juste emploi ; mais c’est assez de nous tenir à Sully.

71. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Mais en écrivant ce qui lui est arrivé, elle raconte ce qu’ont fait les autres, ce qu’ils ont dit et machiné ; elle les peint et elle les montre à nu dans leurs intriguesah, dans leurs vices, dans leur nature fantasque ou brutale, dans leur fonds de grossièreté épaisse et encore mal civilisée. […] Je ne fais qu’indiquer un portrait du général ministre Grumbkow, persécuteur odieux de Frédéric et de sa sœur : dans son duel avec le prince d’Anhalt, elle le montre effaré et tremblant, et rappelle toutes les autres preuves qu’il avait données de la même disposition, soit à la bataille de Malplaquet, où il était resté dans un fossé pendant tout le temps de l'action, soit au siège de Stralsund, où il s’était démis fort à propos une jambe dès le commencement de la campagne, ce qui le dispensa d’aller à la tranchée : « Il avait, conclut-elle, le même malheur qu’eut un certain roi de France, qui ne pouvait voir une épée nue sans tomber en faiblesse61 ; mais, excepté tout cela, c’était un très brave général. » Et ailleurs, montrant le roi son père qui ne s’accommodait pas des manières polies et réservées du prince héréditaire de Bareith, tout en le lui donnant pour mari : « Il voulait un gendre, dit-elle, qui n’aimât que le militaire, le vin et l’économie. » Certes, dans une société idéale où l’on se figure réunis les Caylus, les Hamilton, les Grammont, les Sévigné, les Coulanges, les Saint-Simon, les Staal de Launay, les Du Deffand, la margrave n’eut pas été hors de sa place ni dans l’embarras ; elle eût trouvé bien vite à payer son écho par maint trait d’esprit et de raillerie bien assénée, qui eût été applaudi de tous et de toutes, de même que son frère, en causant, n’était en reste de mots excellents ni avec Voltaire, ni avec personne ; mais à la lecture, et eu égard au genre et à la nature des tableaux, elle garde sa couleur étrange et son accent exotique. […] L’élévation de cœur en effet, la noblesse de sentiments qui était inhérente à sa nature et qui, dans ses mémoires, est masquée par l’esprit de plaisanterie et de satire, se prononce davantage dans les lettres : la margrave s’y montre par ses meilleures et ses plus solides qualités, non plus comme le peintre moqueur et caricaturiste de sa famille, mais bien plutôt comme une personne passionnée, aimante, et, quand il le faudra, héroïque et généreuse, dévouée à l’honneur de sa maison ; et c’est aussi par ces côtés sérieux et moins connus que nous prendrons plaisir à la dégager et à la dessiner en face de son frère. […] [1re éd.] elle les peint, elle les montre à nu dans leurs intrigues ai.

72. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Celle qui y gagnerait le moins serait encore Mme du Deffand ; cependant, tout considéré, elle n’y perd pas, et, selon la remarque de l’ingénieux éditeur, elle s’y montre mieux encore peut-être que dans la correspondance avec Walpole, telle que les plus bienveillants aimaient à la voir, « plus sensible qu’affectueuse, et plus découragée qu’incapable d’aimer les autres ou soi-même ». […] Elle a beaucoup de peine à nettoyer ma montre avec un vieux gant ; elle me fait voir que le fond en est toujours noir. Ce n’est pas tout : un militaire pérore de l’expulsion des jésuites ; deux médecins parlent, je crois, de guerre, ou se la font peut-être ; un archevêque me montre une décoration d’architecture ; l’un veut attirer mes regards, l’autre occuper mon esprit, tous obtenir mon attention : vous seule intéressez mon cœur. […] Elle se montre à nous telle qu’elle est, sans chercher à s’embellir ; elle se rend justice, ou même elle se fait tort plutôt que de se flatter.

73. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Charles-Quint au cloître se montre très soigneux, même quand il s’occupe forcément de politique, de n’empiéter en rien sur l’autorité de son fils. […] Quand il croit voir des fautes, des lenteurs préjudiciables dans la conduite de quelque affaire importante, il ne se contient plus et donne des avis : il se montre surtout pressant dans l’affaire des Luthériens qu’on a découverts et arrêtés dans la Vieille-Castille, et lui qui a éprouvé les inconvénients de n’avoir pas étouffé en Allemagne le Luthéranisme au berceau, il n’a de cesse qu’on ne fasse leur procès aux hérétiques d’Espagne et qu’on ne les brûle. […] S’il fait de temps en temps et par exception acte de maître, il sait pourtant trop bien au fond qu’il ne l’est plus : aussi se montre-t-il des plus sensibles à la déférence qu’on a à l’étranger pour ses désirs ; et le roi de Portugal ayant paru céder, dans une négociation de famille où il s’était montré jusqu’alors inébranlable, aux instances particulières de Charles-Quint, celui-ci en éprouva une joie telle qu’il n’en avait pas eu une semblable au temps de sa puissance pour ses succès les plus éclatants. […] On n’est jamais sûr de rien avec ces diables de conquérants, même devenus ermites, avec ces lions, même vieillis, s’ils restent libres et si on leur montre leur proie.

74. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

La Tour, le premier, dans un admirable pastel, nous montre la reine à l’âge de quarante-cinq ans environ : elle est à mi-corps ; elle tient d’une main un éventail fermé ; elle se retourne vers le spectateur comme quelqu’un qui pense et qui va dire une légère malice, une malice innocente. […] Elle est de face, elle montre d’une main la couronne posée sur un coussin, elle semble dire : « Après tout, je suis reine. » Elle a également le manteau royal, une robe à grands ramages, étoffe de Lyon, soie et or. […] Il nous la montre « aimable dans ses reparties, ingénieuse dans le détail de ses réponses et de ses propos ; ayant le cœur droit, excellent », très aimée, populaire même ; digne fille d’un vertueux père « qui avait répandu en elle toute la bonté et la candeur d’un monarque honnête homme ; ennemie de la dépense, souffrant des tourments réels et des supplices quand elle apprenait quelque calamité publique » ; une vraie mère des Français ; adoptant et admirant tout des grandeurs de la nation ; ne se considérant d’ailleurs que comme la première sujette de son époux : « Véridique avec le cardinal Fleury, hardie même auprès de lui plutôt que fausse, elle sortait, mais rarement, de cet état d’indifférence où elle s’était mise, et lui reprochait avec esprit et doucement les petites tracasseries qu’il lui faisait auprès du roi ; elle souriait un peu malignement, le déconcertait quelquefois et prenait alors le ton de reine de France ; elle lui disait que c’était à lui qu’elle était redevable d’une telle parole du roi. […] Rathery un détail qui montre bien ce coin de bon esprit chez la reine : « L’intendant des menus.

75. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Un de ses camarades de ce temps, qui a donné depuis un récit, quelque peu arrangé, de ses souvenirs, nous le montre alors, grand, mince et maigre ; avec une bouche largement fendue, de grosses lèvres, un visage marqué de petite vérole, fort laid en un mot, mais d’une laideur animée et réparée par la gaieté et l’esprit de la physionomie ; se piquant de bonnes fortunes, amoureux d’une danseuse, Mlle Simonnette, et écrivant en grec ses dépenses secrètes sur son calepin. […] Telle est cette gracieuse peinture qui ressemble si bien elle-même à un bas-relief antique, et qui nous montre que, si Courier avait été de l’expédition de Mummius à Corinthe, il eût certainement été de cœur pour les Corinthiens contre les Romains. […] Par un jugement aussi absolu, Courier fait tort, ce me semble, à son esprit, je ne dirai pas militaire, mais historique, et il montre qu’il n’a pas embrassé un ensemble. […] Le fameux pâté se voit encore et se montre à Florence avec une attestation de la main de Courier, qui déclare l’avoir fait par étourderie.

76. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

L’idée dominante des deux volumes qu’il vient de publier n’est pas tout d’abord celle à laquelle nous avait accoutumé le critique humanitaire ; elle se montre même précisément opposée. […] Lorsque l’auteur de Simiane nous montre Juliette s’enivrant des douces paroles amoureuses dont la musique se môle à l’oscillation du bateau, quand il nous murmure un peu longuement quelques-unes de ces tendresses infinies : « A quoi servirait au ciel d’être la plus étincelante merveille qui soit sortie  des mains du créateur, s’il ignorait lui-même sa beauté ? […] Dans le portrait de Montesquieu, je ne crois pas qu’il soit exact de faire du grand écrivain un causeur aussi insignifiant et aussi dénué de saillies que nous le montre M. 

77. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Leconte de Lisle… Où Victor Hugo cherche des drames et montre le progrès de l’idée de justice, M.  […] Ce poète impersonnel, qui s’est appliqué avec un héroïque entêtement à rester absent de son œuvre, comme Dieu de la création, qui n’a jamais soufflé mot de lui-même et de ce qui l’entoure, qui a voulu taire son âme et qui, cachant son propre secret, rêva d’exprimer celui du monde, qui a fait parler les dieux, les vierges et les héros de tous les âges et de tous les temps, en s’efforçant de les maintenir dans leur passé profond, qui montre tour à tour, joyeux et fier de l’étrangeté de leur forme et de leur âme, Bhagavat, Cunacepa, Hy-pathie, Niobé, Tiphaine et Komor, Naboth, Quai’n, Néféroura, le barde de Temrah, Angantyr, Hialmar, Sigurd, Gudrune, Velléda, Nurmahal, Djihan-Ara, dom Guy, Mouça-el-Kébyr, Kenwarc’h, Mohâmed-ben-Amar-al-Mançour, l’abbé Hieronymus, la Xiraéna, les pirates malais et le condor des Cordillères, et le jaguar des pampas, et le colibri des collines, et les chiens du Cap, et les requins de l’Atlantique, ce poète, finalement, ne peint que lui, ne montre que sa propre pensée, et, seul présent dans son œuvre, ne révèle sous toutes ces formes qu’une chose : l’âme de Leconte de Lisle.

78. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

La moindre réflexion montre qu’elle n’en a aucun par elle-même. […] La loi de Newton est une vérité d’expérience ; comme telle elle n’est qu’approximative, ce qui montre que nous n’avons encore qu’une définition par à peu près. […] Ce que je viens de dire nous montre peut-être pourquoi nous avons cherché à faire rentrer tous les phénomènes physiques dans un même cadre.

79. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Il semble tout d’abord, pour le moi humain, comme pour l’Etre universel que cette utilité s’exprime dans la joie de connaître : tous les efforts de l’homme, pour augmenter la somme de ses sensations heureuses au détriment de ses déplaisirs, se heurtent, ainsi qu’on l’a montré, à cette faculté de mécontentement qui transforme l’assouvissement de ses convoitises en une sensation d’ennui ou en un malaise nouveau : à cette fin, que les individus semblent poursuivre et qu’ils ne réalisent jamais un surcroît de bien-être, il semblerait donc qu’il convienne do substituer cette autre qui se montre sans cesse et par chaque effort accomplie, l’embellissement et l’enrichissement du spectacle phénoménal offert à l’esprit. […] La vie se montre le support et le moyen indispensable de la connaissance, son intensité détermine strictement l’horizon de la connaissance future : on a déjà précédemment touché la même conclusion en montrant le Génie de l’Espèce serviteur et moyeu du Génie do la Connaissance. […] Cette fausse conception, qui se manifeste à la source et se montre le moyen de tout savoir scientifique, soutient également nos notions le plus universellement acceptées et qui semblent le plus incontestables.

80. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

La partie de l’ouvrage dans laquelle M. de Latena se montre le plus lui-même, et avec ses avantages, est celle où il a pied en terre et où il parle de ce monde où il a vécu, de ces sentiments moraux qu’il a éprouvés ou observés avec justesse et délicatesse. […] Mais le doute ne tarde pas à être éclairci par sa rougeur ou son air de contrariété, par son calme affecté ou sa triste préoccupation. » La Bruyère, sans entrer dans ces nuances un peu prolongées, avait dit vivement : « Une femme qui n’a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d’elle la même chose. » Mais, dans bien des cas, on éprouve chez M. de Latena la satisfaction de rencontrer des pensées justes, exprimées avec une attention et une description circonstanciée qui montre qu’elles sont bien nées, en effet, dans l’esprit de l’auteur : son seul soin est d’être élégant d’expression en même temps que fidèle.

81. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Mais de plus indiscrets ont voulu chercher plus avant ; et comme le héros du livre, Adolphe, est évidemment le portrait de Benjamin Constant lui-même, que celui-ci a bien eu l’éducation et la jeunesse qu’il donne à son personnage, qu’il a bien eu un père comme celui-là, d’apparence froide et sans confiance avec son fils, qu’il a bien réellement connu, dès son entrée dans le monde, une femme âgée, philosophe, telle qu’il nous la montre (Mme de Charrière), on a voulu le suivre plus loin et trouver, dans les tristes vicissitudes de la passion décrite, des traces et des preuves d’une de ses propres passions et de la plus orageuse. […] Ni les circonstances de la vie, ni celles de la personne n’ont aucune identité ; il en résulte qu’à quelques égards elle se montre dans le cours du roman tout autre qu’il ne l’a annoncée : mais, à l’impétuosité et à l’exigence dans les relations d’amour, on ne peut la méconnaître.

82. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais. […] Sa petite pièce, intitulée Milan, nous la montre plus sensible encore aux maux de la grande famille humaine qu’aux beautés de l’éblouissante nature.

83. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Et en effet, nous savons qu’elle est quelquefois décevante, que c’est un fantôme qui ne se montre à nous un instant que pour fuir sans cesse, qu’il faut la poursuivre plus loin et toujours plus loin, sans jamais pouvoir l’atteindre. […] L’une nous montre à quel but nous devons viser, l’autre, le but étant donné, nous fait connaître les moyens de l’atteindre.

84. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Il se plaint élegamment dans la préface en vers qu’il mit à la tête de ces tragedies, que Melpomene, pour qui la scéne fut inventée, n’y paroisse plus en Italie que comme une suivante de Polimnie ; enfin, qu’elle ne s’y montre plus que comme la vile esclave de la peinture, de la musique et de la sculpture. […] Un anglois à qui l’on prononce l’arrêt qui le condamne à la mort, montre moins d’agitation qu’un italien que son juge condamne à un écu d’amende.

85. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

On confond quelquefois le bon air avec l’agrément ; il y a pourtant beaucoup de différence. « Le bon air, dit le chevalier, se montre d’abord, il est plus régulier et plus dans l’ordre. […] On se rappelle cette charmante et toute jeune Mlle de Saint-Germain chez Hamilton, qui avait tout bien dans sa personne, hormis les mains  : « Et la belle se consoloit de ce que le temps de les avoir blanches n’étoit pas encore venu. » A cet égard, tout épicurien qu’il se montre en bien des endroits, le chevalier ne sait sans doute pas la recette aussi bien que les Grammont, les Hamilton, ces voluptueux rompus à l’art de plaire. […] Je ne m’étonne pas que ce grand homme53 ait eu tant d’ennemis ; la véritable vertu se confie en elle-même, elle se montre sans artifice et d’un air simple et naturel, comme celle de Socrate. […] Que si M. le Prince, comme vous dites, se montre un peu moins favorable à mes observations, c’est que, dès sa première enfance, il estime cet excellent génie, et que les héros ne reviennent pas aisément. […] Voir la lettre 11e, où il se montre comme assiégé par les créanciers, qui l’empêchaient, de sortir de chez lui et de faire des visites ; la lettre 37e, sur le triste état de ses affaires ; la lettre 8e, sur une dette de jeu.

86. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

À vrai dire, je trouve que l’on s’exalte un peu trop ; on se montre délicat et chatouilleux à tous les endroits sur cette reine brillante et infortunée ; on ne veut aucune tache ni aucune ombre à cette figure. […] La montre de la jeune Dauphine retardait sur Versailles d’au moins cinquante ans. […] Une fort belle lettre de Marie-Antoinette, déjà reine, nous la montre vers l’âge de quatorze ans se jetant dans la piété avec ardeur et demandant à entrer en religion. […] Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que je m’entendrai bien avec elle comme je m’entends avec Provence. » La Dauphine essaye donc de se faire une petite société gaie et jeune dans ce vaste ennui de Versailles ; elle se montre presque bourgeoise, ou du moins très naturelle dans les premières combinaisons qu’elle met en œuvre : « J’ai imaginé avec les femmes de mes deux beaux-frères de faire table commune, quand nous ne mangeons pas en public ; j’en ai fait la proposition à M. le Dauphin qui a trouvé la chose à son gré, et ainsi nous sommes toujours six à table au dîner et au souper.

87. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Une admirable histoire, racontée par Hérodote, montre à quel point les Grecs croyaient le droit des Suppliants sacré pour les dieux, — Pactyas, le Lydien, chef d’une révolte contre les Perses, s’était enfui devant leur armée, et il avait cherché un refuge chez les Cyméens. […] » — « À parer ces figures d’ornements nouveaux. » — Tu parles par énigmes. » — « Nous nous pendrons aussitôt aux statues des dieux. » — Terrible image qui rappelle les servantes d’Ithaque, qu’Homère nous montre dans l’Odyssée, pendues, à la file, au câble tendu entre les colonnes du palais d’Ulysse. — « De même que les grives aux ailes ployées et les colombes se prennent dans un filet, au milieu des buissons du champ clos de murs où elles sont entrées, et y trouvent un lit funeste ; de même ces femmes avaient le cou serré dans un lacet, afin de mourir misérablement, et leurs pieds ne s’agitèrent point longtemps. » — Cette fois, Pélasgos n’hésite plus, l’horreur le saisit. […] Eschyle s’y montre hautain, presque méprisant, envers cette aïeule déjà radoteuse. […] Tel grammate rustique que la fresque d’un hypogée nous montre accroupi sous un sycomore, et dénombrant sur ses tablettes les ânes et les oies rentrant à l’étable, a l’air d’un percepteur royal qui procéderait au recensement d’une province. — Dans une inscription funèbre de El-Kab, Baba, le mort du tombeau, transcrit solennellement son livre de ménage sur la muraille souterraine : « Des enfants étaient à moi dans ma ville, pendant mes jours ; car j’ai procréé, grands et petits, cinquante-deux enfants.

88. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Il faut vivre, avancer, parvenir, la montre à la main. […] Ce dénouement serait parfait, s’il ne visait à la théorie ; mais il montre à la jeunesse la borne d’un champ comme le but de toute ambition, il lui trace un sillon pour unique carrière, il l’envoie planter ses choux avant l’âge… C’est trop de prudence et trop de sagesse. « Jeunesse oblige !  […] Celle-ci est déchue de naissance ; elle campe en dehors de la société ; elle a le signe de sa caste empreint sur son front ; elle montre le bec et les ongles des oiseaux de proie de l’amour. […] Elle se jette entre les deux hommes et, d’un geste, leur montre l’abîme qui les sépare à jamais.

89. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

On a dit que c’était à Gourville que La Bruyère avait pensé dans la page célèbre qui commence par ces mots : « Ni les troubles, Zénobie, qui agitent votre empire… » Le peintre moraliste y montre les palais et les magnificences de bâtiments d’une grande reine, ne paraissant pas encore dignes de lui à un enrichi qui n’achète cette royale maison que pour l’embellir. […] Les débuts de Gourville doivent ainsi se compléter toujours par cette considération dernière qu’il s’était acquise et qui nous le montre, dans ses conditions successives, comme l’un des êtres les plus naturellement doués de l’art et de la prudence des Ulysses4. […] Il me semble ici que le rôle des deux côtés est beau : de la part du prince, on aime à voir une dernière fois ce regard étincelant dont l’air de colère n’est ici qu’une preuve suprême d’affection, et on aime aussi cette noble marque du désintéressement de Gourville, qui se montre digne de l’amitié d’un grand homme. […] Il se montre à nous le même jusqu’à la fin, l’esprit aux aguets, curieux de nouvelles, le premier averti de ce qui se passe, et en faisant des relations pour ses amis de province : Enfin le jour se passe doucement.

90. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Cette supposition, à son tour, vient de ce que l’expérience nous montre des choses autres que notre pensée, existant sans notre pensée et existant d’une autre manière que nous ne l’avions pensé. […] L’expérience, disait-il, ne nous montre aucune figure géométrique parfaite, ni, en général, aucune forme parfaite ; donc nous en prenons l’idée dans un monde supérieur. Kant lui-même considérait les figures géométriques comme des synthèses a priori que l’expérience ne peut fournir, mais qui pourtant ne répondent pas, comme le croyait Platon, à des objets réels. — Il est bien vrai, peut-on répondre à Platon et à Kant, que nous construisons par la pensée des figures d’une exactitude parfaite dont l’expérience ne nous montre jamais une complète réalisation, comme une ligne exactement droite ou exactement circulaire ; mais nous n’avons besoin pour cela que de l’abstraction. […] — D’une part, la doctrine naturaliste nous montre bien la formation des idées proprement dites dans la conscience une fois donnée, sous l’action du milieu extérieur et du milieu social, de la sélection naturelle et de la sélection sociale.

91. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Quant au roi, il tira sa montre vers l’heure de l’exécution, et dit nonchalamment à ses courtisans : « Je crois que cher ami fait à présent une vilaine mine. » Certes, il y a bien là matière à un roman historique ; ou plutôt il est tout fait dans les Mémoires de ce temps-là, et il ne s’agit que de l’en extraire. […] M. de Vigny aurait pu réussir de même sans doute ; le choix de l’événement est heureux ; les documents sont nombreux, faciles, et il montre assez qu’il les connaît parfaitement ; enfin son talent n’est pas vulgaire : qu’a-t-il donc fait pour gâter tant d’avantages ?

92. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Nous avons déjà vu (ch. 1er, § 3. ci-dessus) qu’il existe en nous une activité spontanée qui se déploie sans cause extérieure qui l’excite, et qui ne peut s’expliquer que par une surabondance, un excès, une effusion de puissance ; qu’elle se montre surtout dans l’activité sans repos de l’enfance et du jeune âge ; qu’elle agit sur nos membres locomoteurs, et que souvent même des cris et émissions de voix sont dus à un trop-plein d’énergie centrale. […] Divers motifs concourent pour me poussera agir ; le résultat du conflit montre qu’un groupe est plus fort qu’un autre, c’est là le cas tout entier. […] Ce procédé abandonné depuis longtemps pour l’une avec un grand succès, on est en train de l’abandonner peu à peu pour l’autre ; et cette manière de traiter la psychologie comme une division de l’histoire naturelle, montre que l’abandon sera bientôt complet.

93. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Ce n’est pas non plus uniquement le Mazarin des Mazarinades, quoique Amédée Renée nous l’y montre davantage, parce qu’il est toujours actuel d’opposer les peintures stupidement spirituelles de l’opinion et des partis aux peintures justes et définitives de l’Histoire. […] Amédée Renée montre une véritable sagacité de critique en discutant les différentes versions qui ont couru sur sa naissance ; mais il résulte à peu près de la discussion à laquelle il se livre que Mazarin n’a pas d’ancêtres. […] Attiré, mais non enivré, esprit trop solide pour ne pas savoir résister à l’ivresse, Amédée Renée a la légèreté et l’aplomb qu’il faut pour badiner agréablement avec ces dentelles et passer outre, et, comme les femmes qu’il nous raconte touchaient à tout dans le monde de leur temps, il se rencontre qu’en ayant l’air de ne s’occuper que de cette heptarchie de nièces, il nous raconte le temps lui-même, et nous le montre par des côtés moins solennels et moins pompeux que ceux-là sous lesquels nous sommes habitués à le regarder.

94. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

On est au milieu du jour ; Thyrsis lui montre un tertre abrité, en le lui décrivant, et l’invite à s’y asseoir, tandis que lui il aura soin du troupeau. […] Elle nous le montre au plus beau moment du voyage, à son plus haut soleil du matin, au midi de l’été et de la journée, dans la fleur entière d’un talent et d’un cœur déjà épanouis. […] Au moment où elle montre Delphis franchissant le seuil d’un pied léger, Simétha qui, à cette fin de couplet, n’a pas terminé sa phrase, jette le refrain comme entre parenthèses, et le sens se continue après cette suspension d’un instant. […] s’écrie le poëte ; et, dans un élan plein de grandeur, il revendique le privilège immortel de la Muse ; il montre aux riches que sans elle leur orgueil d’un jour est frappé d’un long, d’un éternel oubli. […] II), l’endroit où le bon Philétas montre aux beaux enfants tout l’artifice du syrinx.

95. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Gil Blas est un homme de naissance très humble et commune, de toute petite bourgeoisie ; il se montre de bonne heure éveillé, gentil garçon, spirituel ; il a une éducation telle quelle, et il sort à dix-sept ans de chez lui pour faire son chemin dans le monde. […] Le maître qui renvoie Gil Blas ne lui en veut pas ; il compatit au tort qu’il lui fait, et lui ménage même une bonne condition ; et Gil Blas renvoyé ne maudit pas le vieillard ; il nous le montre tel qu’il est avec sa passion sénile, amoureux, ridicule, mais bonhomme encore, et tâchant de concilier un reste de justice avec sa faiblesse. […] « C’était commencer le métier d’intendant par où l’on devrait le finir. » Le troisième volume, publié en 1724, et qui est le plus distingué de tous, nous montre Gil Blas montant par degrés d’étage en étage ; et, à mesure que la sphère s’élève, les leçons peuvent sembler plus vives et plus hardies. […] On y trouve un aperçu des goûts littéraires de l’auteur, quand il nous montre son personnage dans la bibliothèque de son château de Lirias (un château en Espagne), prenant surtout plaisir aux livres de morale enjouée, et choisissant pour ses auteurs favoris Horace, Lucien, Érasme.

96. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Toute cette suite où elle nous montre l’escadron des filles d’honneur de la Dauphine, et en général la file des dames de la Cour, ressemble à une galerie d’Hamilton : même date, même finesse de pinceau, même causticité délicate et par instants cruelle. […] Rémond (un de ces paresseux délicats qui n’ont laissé que quelques lignes)7, nous la montre sous un jour nouveau, même après les éloges de Choisy et de Saint-Simon. […] Un jour, Mme de Caylus lui envoie une petite quenouille ; car Mme de Maintenonaimait à filer de ses propres mains, toute demi-reine qu’elle était : c’était une montre de simplicité et de modestie ajoutée à toutes les autres. […] Dans sa petite maison du Luxembourg, qui est isolée et champêtre, et où l’on n’arrive que par un détour comme dans un village, elle se montre presque comme une fermière retirée au lendemain des grandeurs de Versailles : C’est un délice que de se lever matin ; je regarde par ma fenêtre tout mon empire, et je m’enorgueillis de voir sous mes lois douze poules, un coq, huit poussins, une cave que je traduis en laiterie, une vache qui paît à l’entrée du grand jardin, par une tolérance qui ne sera pas de longue durée.

97. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Membre de deux académies, de celle des sciences comme il le fut aussi de l’Académie française, il a été célébré par Fontenelle qui ne le surfait pas trop, et qui nous le montre, avec son tempérament robuste et de feu, suffisant à tous les menus emplois. […] La description qu’a faite de ce premier séjour l’un des collègues de Malezieu, l’abbé Genest, et qu’il a adressée à Mlle de Scudéry, est assez piquante et nous montre l’origine de ce long jeu de bergerie qui va devenir l’existence même de la duchesse. […] Elle nous la montre et se montre à côté d’elle conspirant toute la nuit avec la plume, et essayant, à force de mémoires et d’écritures, de susciter contre le Régent une fronde qui portait encore le cachet du bel esprit.

98. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Ces fleurettes avaient choqué le sévère et assez judicieux Gibert, qui trouvait plutôt en Cicéron du large et du majestueux : « En quoi il n’a pas pris garde, observait-il de Rollin, qu’il a fait comme celui qui disait que M. de Turenne était un joli homme. » Ce Gibert, dans sa critique du Traité des études, n’est point à mépriser ; esprit didactique et dogmatique, austère et sec, il montre assez bien en quoi Rollin manque de rigueur d’analyse et déroge aux antiques modèles. […] » À cette parole trop dure et que Voltaire lui-même rétractera, Montesquieu semble avoir voulu répondre quand il écrivait sur un petit papier cette parole souvent citée, parole d’or et qui montre combien la vraie supériorité est indulgente : « Un honnête homme a, par ses ouvrages d’histoire, enchanté le public. […] Je ne voudrais rien faire entendre au-delà de ma pensée : les modestes, sans doute, pas plus que les présomptueux, ne doivent être pris au mot ; l’homme, dans la plupart des cas, vaut plus ou moins qu’il ne se croit et surtout qu’il ne se montre. […] Il en donne des preuves touchantes en toute occasion, et notamment dans ses lettres, soit que, correspondant avec Jean-Baptiste Rousseau, il se montre continuellement en peine sur l’état de l’âme de ce poète, et sur la sincérité de son repentir au sujet de certains vers, que lui, Rollin, confesse n’avoir jamais lus ; soit qu’écrivant à Frédéric, au moment de son avènement au trône, il lui adresse des conseils de religion, et y mêle une prière à Dieu : « Qu’il lui plaise, dit-il à ce roi philosophe, de vous rendre un roi selon son cœur ! 

99. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Le revenant s’avance tranquillement vers le lit, et avec ses gestes anguleux de cadavre, commence à démontrer qu’en toute raison, il ne saurait y avoir d’esprits ; puis, la preuve faite, met la main à son gousset, et au lieu de montre, en tire délicatement une pincée de vers. […] L’auteur n’y parle que de lui-même, s’analyse et se déchire, mais le cœur qui palpite sous ses doigts est le cœur de tous et si Heine se montre dans ses doux et méchants vers, il s’y montre humain. […] Il lit montre dans son œuvre de toutes autres dispositions menues et fugitives ; sa tristesse n’a point de pleurs sanglants, et son ironie n’a pas l’indignai ion longue.

100. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

En poétique, Voltaire montre le même mépris de toutes ces vaines théories qui troublent le monde. […] Quant à ceux qui font un crime au christianisme d’avoir ajouté la force morale à la force religieuse, ils trouveront ma réponse dans le dernier chapitre de cet ouvrage, où je montre qu’au défaut de l’esclavage antique, les peuples modernes doivent avoir un frein puissant dans leur religion. […] Que si les justes sont le spectacle de Dieu, il veut aussi à son tour être leur spectacle : comme il se plaît à les voir, il veut aussi qu’ils le voient : il les ravit par la claire vue de son éternelle beauté, et leur montre à découvert sa vérité même dans une lumière si pure qu’elle dissipe toutes les ténèbres et tous les nuages. […] Un Vieillard qui montre à un enfant à jouer de la lyre.

101. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Il montre qu’il n’y a point de parfaits synonimes dans la langue françoise. […] L’auteur expose d’abord dans cet ouvrage, à peu-près comme il a fait depuis dans l’Encyclopédie, au mot figure, ce qui constitue en général le style figuré, & montre combien ce style est ordinaire, non-seulement dans les écrits, mais dans la conversation même. […] Il ne montre pas seulement de fautes ; il les corrige. […] Si dans quelques-unes il y a une délicatesse trop pointilleuse, s’il montre dans d’autres trop peu d’attention à conserver les privilèges de la Poésie, il y a en revanche dans ses écrits des observations utiles pour la perfection de notre langue.

102. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Il nous y montre l’arrivée de ce train chargé de tant de douleurs, nous montre le débarquement de ce troupeau effaré, cherchant de quel côté tourner pour trouver la sortie. […] Il nous le montre poète, faiseur de romans, et reconnaît à ses écrits leur valeur réelle en restituant cependant à Jean le Bel des morceaux qui ont contribué à la réputation de Froissart. […] Il nous le montre en proie aux désirs, aux passions de la jeunesse, et finalement le marie à une femme qui le trompe. […] Il semble qu’il ne raconte que ce qu’il a vu ou entendu, et fait en sorte qu’en voyant et en admirant le tableau qu’il vous montre, on ne songe qu’à la peinture, en oubliant le peintre. […] C’est ainsi que nous montre Séverine un peintre de grand talent, M. 

103. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Il montre, en s’appuyant sur les travaux du célèbre histologiste anglais, sir Lionel Beale, que la substance grise qui recouvre les hémisphères cérébraux forme une surface d’environ 19 décimètres carrés, d’une épaisseur moyenne de 2 millimètres et demi ; que cette couche peut contenir approximativement 4,200 millions de cellules et 4,800 millions de fibres. De là il déduit le nombre probable des éléments nerveux — cellules et fibres — nécessaires pour acquérir et conserver tel ou tel ordre de connaissance (mathématiques, musique, langues, etc.), et il montre comment ces diverses acquisitions se limitent réciproquement.

104. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

De ce jour, la montre d’or pendit au côté de l’ouvrière, à qui son travail suffisait à peine pour avoir du pain. Et quel fut le prix de cette montre ?

105. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Sans doute, le mécanisme animal, quand il est mis en jeu, agit comme le mécanisme d’une montre, mais pour le mettre enjeu et l’y maintenir, il faut la présence constante de la sensation. La sensation est une partie nécessaire du mécanisme ; c’est le grand ressort de la montre, le feu de la machine à vapeur. […] Il n’y a pas à en douter ; car, d’une part, on ne sait pas ce qui a été dit ou lu, et d’autre part, si le lecteur cesse subitement, nous nous éveillons, ce qui montre que nous avions la sensation des sons. […] A l’encontre de son assertion, on lui montre un lingot venant de Californie. […] Le vieil adage : Nihil est in intellectu , etc... peut être équivoque ; mais il montre ce fait incontestable, que la sensation est la base de toute opération intellectuelle.

106. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Omphale arbore sa quenouille, Phénice montre son hameçon, Dalila agite ses ciseaux, et elle se moque, avec des grâces infinies, de ce garçon qui prétend arracher la proie à ses ongles roses. […] Cependant la baronne d’Ange vient attendre, montre en main, dans la maison de l’ennemi, l’issue du duel qu’elle a provoqué ; elle compte les minutes, elle calcule les chances : si M. de Nanjac est tué, plus de mariage ; et quel dommage qu’un coup d’épée puisse crever un piège d’un si beau tissu ! […] si la haine qu’il lui montre n’était que l’envers d’un grand amour ? […] D’une autre part, cette baronne, rompue à toutes les roueries féminines, se montre singulièrement maladroite en inventant cette machination mesquine qui ne peut tourner qu’à sa perte. […] Les plus terribles des romans de Balzac ne sont-ils pas ceux où il nous montre un frêle billet de banque s’interposant entre un jeune homme et son rêve, — amour, honneur, ambition, — comme cette toile d’araignée des contes de fées qui sépare un amoureux de sa maîtresse, et que les plus grands coups d’épée ne peuvent rompre.

107. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Or, rien ne nous montre de semblables faits. […] Mais ce que nous avons dit montre bien la fausseté de toutes ces accusations. […] Le jugement montre donc le sujet comme compris dans l’attribut. […] L’imagination, comme les sens, nous montre les choses sous des formes concrètes. […] De plus, cette méthode montre nettement que le syllogisme est purement formel.

108. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Une montre « doit » indiquer l’heure — l’heure astronomique ou une heure sociale convenue, — marcher régulièrement. À cette condition elle sera une bonne montre, d’autant meilleure qu’elle s’y conformera mieux. […] Je dois remonter ma montre, si je veux qu’elle marche, je dois faire de bons souliers si je veux être cordonnier. Mais si je désire laisser ma montre inactive, ou si je n’ai aucune raison d’être cordonnier, il est évident que je dois agir autrement. […] Lorsqu’un horloger fait une montre, si la montre fonctionne mal, on la déclare mauvaise, mais on juge l’ouvrier maladroit.

109. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

L’examen des crânes, des momies, des ossements, des monuments iconographiques les plus anciens montre qu’il y eut/en chaque groupe social, aussi loin que nous pouvons remonter, plusieurs types somatiques distincts qui se perpétuent et se croisent de manière à durer et à se multiplier. […] Il est fort possible que l’artiste s’y soustraie, et se montre réfractaire. […] L’histoire, de même, montre que Louis XVI était simplement un excellent ouvrier serrurier, Néron un médiocre poète, Léon X un bon dilettante. […] Enfin ce qu’on sait des lectures de quelques-uns des écrivains célèbres de ce siècle, montre qu’il existe chez ces hommes dont on peut reconnaître à la fois les goûts et les facultés, de frappantes ressemblances entre ce qu’ils aiment et ce qu’ils sont. […] L’expérience montre qu’il existe une ressemblance accusée entre le type moral des admirateurs d’un auteur et cet auteur même.

110. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Il se montre en effet partout philosophe dans ses divers traités plus ou moins historiques, en ce sens qu’il fait constamment tourner son récit à l’enseignement moral. […] Polybe montre un tout autre sens historique, quand il cherche l’explication de la supériorité politique et militaire de Rome dans la comparaison de ses institutions avec celles des autres grands peuples de l’antiquité. […] Tandis que là ils semblent, à part le destin, en être les rois absolus, ici ils n’en sont plus que les ministres, obéissant à un souverain qui leur dicte ses volontés du fond du théâtre où l’historien les montre aux spectateurs. […] La critique moderne y voit, à côté du génie propre de l’individu, le génie de la race, du peuple, de l’époque où est né l’orateur, le poëte, l’artiste, le romancier ; elle montre l’individu se nourrissant de la substance, s’inspirant de l’âme de ce génie, recueillant et méditant ses traditions, ses mœurs, ses idées, ses sentiments, tous les éléments de sa vie passée ou présente, pour les reproduire par une création véritable de son génie personnel. […] Si la science insiste sur la part de fatalité des choses humaines, si elle montre partout la loi sous le fait, la nécessité sous la contingence, la nature sous la volonté, elle laisse aux acteurs du drame historique, individus ou peuples, la liberté de leurs actes, la moralité de leur caractère, la responsabilité de leurs vertus ou de leurs vices, de leur sagesse ou de leur imprévoyance.

111. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Il s’y montre dans son impartialité. […] On sent dans cette lettre qu’il aurait pu, ce jour-là même, tracer le caractère de Sénèque ou l’orateur chagrin, l’orateur de la vertu, qui commence en ces termes : Celui qui n’est connu que par les lettres, n’est pas infatué de sa réputation, s’il est vraiment ambitieux ; bien loin de vouloir faire entrer les jeunes gens dans sa propre carrière, il leur montre lui-même une route plus noble, s’ils osent la suivre : Ô mes amis, leur dit-il, pendant que des hommes médiocres exécutent de grandes choses, ou par un instinct particulier, ou par la faveur des occasions, voulez-vous vous réduire à les écrire ? […] Elle est trop fragmentaire pour être vraie ; elle montre à nu une faiblesse, une plaie, et se ferme là-dessus ; elle ment en partie par cela même qu’elle ne dit pas tout, et qu’en même temps elle dit à tous et qu’elle livre une confidence qui n’était destinée qu’à un seul.

112. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

En effet, la nature ne nous montre que des masses lumineuses ; le trait n’existe pas en soi et suppose l’effort de l’homme qui l’abstrait du milieu ambiant, — je ne prétends pas donner cela comme une découverte ; — le trait implique un geste caché. […] La Poésie n’est ni la musique, ni la sculpture, ni la peinture, ni l’architecture, ni la morale ; mais qu’elle soit philosophique par son idéale portée, que l’ordonnance la montre architecturale, que ses images la colorent et la dessinent, que par ses rythmes et ses harmonies elle atteigne la musique — et que, musique, philosophie, peinture et dessin, elle soit en même temps tout cela, car elle se nourrit de tous les arts et de toute la pensée, comme elle les pénètre elle-même de son vivant effluve. […] Vielé-Griffin, qui atteint plutôt l’élégance dans la plastique, nous montre aussi des images plus proches, où le geste se perçoit aisément.

113. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

On lui montre la lettre d’Aurelia, il ne sait pas lire. […] Il découvre enfin que Trivelin a ordonné le repas ; il se doute que la clef inconnue est celle de la chambre du fourbe ; il va l’essayer, ouvre la porte, entre, trouve une montre d’or, la vend et invite ensuite Pantalon avec toute sa famille à souper. Trivelin, ne pouvant rattraper sa clef, fait ouvrir sa chambre par un serrurier, ne trouve plus sa montre, en demande des nouvelles.

114. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Lorsqu’il eut été élu malgré lui archevêque de Cantorbéry le 6 mars 1093, pendant un voyage qu’il faisait en Angleterre (l’Angleterre alors et la Normandie n’étaient presque qu’un même pays depuis la conquête), Anselme ne trouva point en lui toutes les qualités et les ressources nécessaires à sa position nouvelle ; en gardant toutes ses vertus, il ne sut point les armer suffisamment pour les conflits et les combats du siècle ; cette haute dignité ecclésiastique de primat d’Angleterre, à laquelle il dut un surcroît de célébrité, un mélange d’éclat et de disgrâce, deux exils, des retours triomphants et bénis, et finalement sa canonisation peut-être, cette haute dignité nous le montre plutôt inférieur à lui-même et dépaysé dans les affaires, craintif, obstiné et indécis, débile sinon d’âme, du moins de caractère. […] Il montre dans l’ensemble de sa conduite un exemple de plus de cette fermeté inébranlable et douce, de cette inflexible douceur 47 qui caractérise la lutte de certaines natures ecclésiastiques contre les potentats de la terre. […] On a cité de lui dans ses derniers moments, et au milieu de toutes ses résignations chrétiennes, une parole qui montre la persistance naïve du métaphysicien en lui.

115. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Par ces faits menus ou longs à décrire, il montre les états d’âme permanents ou passagers de ses personnages, — par ces mains de Gianni travaillant machinalement à déranger les lois de la pesanteur, l’absorption momentanée du saltimbanque cherchant un tour inouï  par ce réglisse : bu dans un verre de Murano, la nature populaire et raffinée de la Faustin. […] Ce que M. de Goncourt nous montre, ce sont les colères d’une petite fille gâtée, se roulant par terre dans la rage d’une soupe ôtée ; l’affollemenl d’une jeune femme mourant de sa chasteté, et courant à la quête d’un mari ; l’état d’âme inquiet et alangui d’une actrice entretenue, élaborant un rôle de grande amoureuse, se jetant dans le plus poétique et le plus émouvant amour, abandonnant le théâtre, puis reprise par lui, récupérant ce coup d’œil aigu d’observatrice qui la fait inconsciemment mimer la mort de son amant. […] Et c’étaient de douces pressions, un échange de sourires paresseux, une volupté de cœur toute tranquille, un muet bonheur… Et il arrive pourtant à ce décriveur des joliesses et des bonheurs, à ce réaliste qui sait parfois être gaminement gai, d’être attiré par le fantastique et le crépusculaire que montre parfois la vie parisienne, par l’existence excessive et mystérieuse de la Tomkins, l’afféterie voluptueusement macabre de Mme Malvezin.

116. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Coppée nous montre dans le livre qu’il vient de publier sous ce titre le Coupable. […] Léo Claretie qui, au fond, ne nous montre pas sous un jour bien sympathique celles qui aimèrent Rousseau, et qu’il a cru aimer. […] » et qui nous montre un beau de village cherchant, sur l’exhortation de son curé, à rendre l’honneur aux jeunesses qu’il a mises à mal. […] Que de détails curieux, comme celui qui nous montre, à Wagram, l’Empereur couché tout de son long, brisé de fatigue et endormi dans un sillon ! […] Georges Lecomte nous montre, par exemple, ce qu’on appelle, au-delà des monts, les Concerts Flamenco.

117. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Et, comme apothéose du pauvre, la dernière planche le montre adossé à des caisses d’or surmontées de bouteilles de saké. […] Takoumi no Kami avait la garde d’un casque porté par l’aïeul du shôgoun vivant, et une planche montre la femme du daïmio le montrant dans une caisse à Kôzouké, envoyé pour l’inspecter. […] Et une planche ingénieuse d’Hokousaï montre la femme qu’est devenu le renard se regardant dans la rivière et se voyant reflétée en renard. […] Et une planche vous montre le roi de ces rats, le rat monstre du prêtre Raïgô, un rat qui, comparé à l’homme monté sur lui, est de la grandeur d’un éléphant. […] Ainsi, dans le premier volume, une planche le montre, la tête en bas dans les eaux d’un lac où une troupe d’oies sauvages est en train de prendre son vol. 

118. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes. […] Le grand poëte s’y montre et s’y manifeste dans toute sa grâce ou sa puissance, armé et formé tout entier.

119. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

On nous montre le monde changeant ; nous le trouvons meilleur pour l’avoir vu changer. […] Et donc voici, comme notre conclusion, l’apologue des montres. […] Elles professèrent qu’elles avaient été créées en un instant et sous leur forme actuelle par une montre toute-puissante, mère commune de toutes les montres. […] Les chronomètres se moquèrent avec mépris des montres précédemment présentées au lecteur et attaquèrent le problème des origines des montres, en montres de précision qu’elles étaient. […] D’autres enfin, conciliant les opinions des montres vulgaires et des montres raffinées dans une ingénieuse synthèse, en arrivèrent à se représenter la création des montres comme une opération infiniment complexe qui… La montre de M. 

120. (1925) Portraits et souvenirs

Entre les deux grands portraits de Mme de Merteuil et de M. de Valmont, s’y montre la touchante figure de la Présidente de Tourvel. […] Aussi est-ce le subtil lundiste qui nous montre là sa face sournoise et cauteleuse. […] C’est ce que nous montre M.  […] Il nous y montre dans « une idylle entre Dilettanti » de curieuses figures d’autrefois. […] Elle mérite d’être méditée, car elle nous montre en Le Nôtre un beau naturel, soutenu par une forte tradition, ce qui est tout le secret de son génie.

121. (1902) Le critique mort jeune

Bourget nous montre accablé par les corrections de copies et les répétitions, renonçant à ses travaux personnels pour assurer la médiocre existence des siens. […] Pierre Lasserre montre, par l’exemple de Senancour, un cœur dévoré de chimères, une vie ravagée par la solitude. […] Le cas de Benjamin Constant montre que « l’idolâtrie de l’amour », au lieu d’enrichir l’âme humaine, ne la conduit qu’à l’impuissance de vivre. […] Boylesve nous montre par le personnage de la petite Jacquette que la connaissance précoce de la vie et de ses misères ne saurait déflorer un cœur bien situé. […] Rebell nous montre, dans la « Saison à Baïa », riant des discours d’un certain Paulus.

122. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Il faut que le sentiment dominant se montre sous des formes toujours nouvelles. […] qu’éloigné du malheur qui m’opprime, Votre cœur aisément se montre magnanime ! […] Quoique Bajazet se montre généreux, quoique Iphigénie s’apprête à recevoir la mort avec courage, cette générosité indispensable dans un héros de tragédie, ne fait le fonds d’aucune pièce de Racine. […] Celui qui se montre sur la scène comique est toujours agréable, délicat, et ne nous cause aucune inquiétude secrète. […] L’air et le chant commencent avec la passion ; dès qu’elle se montre, le musicien doit s’en emparer avec toutes les ressources de son art.

123. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Sans cesse Tolstoï nous montre cette question indifférente à la compréhension — à l’adoption — de la doctrine chrétienne. […] Et Tolstoï nous montre le bonheur, seulement, dans la fusion de notre vie avec la commune Vie. […] Et Wagner nous montre la folie de toute résistance : agir au dehors, c’est affirmer la volonté personnelle, fausse et meurtrière. […] Wagner, dans Religîon et Art, montre, au contraire, que le salut viendra aux hommes par l’Art, qui expliquera la vérité, chassera des âmes le funeste aveuglement. […] Mais il les emploie à regret, et, par des modèles, nous montre quel sens il leur veut donner.

124. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Ce loup est le premier qui le fasse, et elle nous montre son histoire avec son portrait. […] La fable du bûcheron la montre dans le récit. […] Son fils Mercure aux criards vient encor ; A chacun d’eux il en montre une d’or. […] Si l’épée ne sort du fourreau, elle ne peut montrer sa valeur ; et si la plume ne fait sa course sur l’étendue d’une page, elle ne montre pas son éloquence. […] Le poëte remplace ici les couleurs du peintre par des mots passionnés qui font plaindre « les pauvres servantes. » Il montre l’âme, au lieu du corps ; c’est la différence de la poésie et de la peinture.

125. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Par un procédé analogue, fragmentaire et laborieux, Flaubert montre les âmes qui actionnent ces corps et ces visages. […] La Tentation de saint Antoine dresse, en une éblouissante procession, la liste formidable de toutes les erreurs humaines, tire le néant des évolutions religieuses, entrechoque les hérésies, compare les philosophies et, finalement, quand d’élimination en élimination on touche à l’agnosticisme panthéiste des modernes, montre l’humanité recommençant le cycle des prières dès que le soleil se lève et l’aclion la réclame. […] Dans les deux premiers des Trois Contes, dont l’un, Un cœur simple, décrit l’humble vie de sacrifices d’une servante, et l’autre, la Légende de saint Julien l’hospitalier raconte la dure destinée d’un innocent parricide, l’écrivain paraît compatir aux maux qu’il montre, et peut-être est-il juste de croire qu’aux abords de la veillesse, Flaubert a senti qu’il ne convenait pas de séparer la cause des grands de celle des petits, qui, victimes autant que bourreaux, prennent sans doute leur part des souffrances qu’ils contribuent à aigrir. […] « Il suivait les laboureurs et chassait à coups de mottes de terre les corbeaux qui s’envolaient. » Et même Homais, l’homme au bonnet grec, dans une colère pédante contre son apprenti, en vient à être désigné par une réflexion ainsi conçue : « Car, il se trouvait dans une de ces crises où l’âme entière montre indistinctement ce qu’elle renferme, comme l’Océan qui dans les tempêtes s’entrouve depuis les fucus de son rivage jusqu’au sable de ses abîmes. » D’autres échappatoires sont plus légitimes et moins caractéristiques. […] Voici qui montre son obséquiosité et son impersonnalité devant la nature : « Je me suis mal exprimé en vous disant qu’il ne fallait pas écrire avec son cœur ; j’ai voulu dire, ne pas mettre sa personnalité en scène.

126. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Robert est un jeune artiste qui se montre pour la première fois. […] Vers le milieu de sa profondeur la voûte s’est brisée, et montre au-dessus de sa fracture les débris d’un édifice surimposé. […] Mais vous, mon ami, convenez qu’à la manière dont je juge un artiste que j’aime, que j’estime et qui montre vraiment un grand talent même dans ce morceau, on peut compter sur mon impartialité. […] Comment montre-t-on de la lumière à travers une vapeur obscure ? […] Que le peintre de ruines m’en montre un accroché à une grande hauteur, dans un endroit très-périlleux ; et qu’il en place deux autres au bas qui le regardent tranquillement.

127. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Telle Fléchier nous dépeint et nous montre à l’avance la seconde Mme de Caumartin avec laquelle il fera l’année suivante le voyage d’Auvergne, et pour qui il rédigera le récit des Grands Jours. […] La spirituelle gazette de Fléchier nous montre le dedans d’une province à une date un peu antérieure et non moins à nu que ne ferait un journal d’intendant ; on y a en sus l’élégance84. […] Dès l’arrivée à Clermont sa raillerie change d’objet, et il montre M.  […] Arrivant à son sujet principal qui est la chronique des Grands Jours, il nous montre le premier coup qui frappe sur une tête altière et imprudente, le vicomte de La Mothe de Canillac, « fort considéré pour sa qualité dans la province, et, au sentiment de tous, le plus innocent de tous les Canillac ». […] Mais voici ce qu’ajoute Fléchier, et qui est plus curieux que tout, car on y retrouve cette éternelle question des biens chez une race avare et âpre au partage : « Ils étaient encore persuadés que le roi n’envoyait cette compagnie que pour les faire rentrer dans leur bien, de quelque manière qu’ils l’eussent vendu, et sur cela ils comptaient déjà pour leur héritage tout ce que leurs ancêtres avaient vendu, remontant jusques à la troisième génération. » En n’ayant l’air que de sourire, le futur évêque de Nîmes se montre encore ici un connaisseur très clairvoyant et très expérimenté de la nature humaine, et ne versant d’aucun côté.

128. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Elle leur montre la plaie ouverte à son flanc, et leur fait honte du sommeil qui les a surprises. […] Imaginons donc le dieu tel qu’il nous le montre, sa chlamyde volante sur l’épaule, les yeux pleins d’une splendeur terrible, la lèvre soulevée d’un dégoût divin, dans ce rayonnement de colère sereine qui fait songer, devant sa statue, à la foudre éclatant au sein d’un ciel pur. […] — « Si tu te montres indulgente, quand les époux s’égorgent l’un l’autre, si leur crime n’est rien à tes yeux, si tu les regardes sans colère, je le dis que tu poursuis Oreste sans droit. » — Aussi bien, Pallas jugera les deux causes, il les ajourne à son tribunal : et tandis que le vol noir des Érynnies se remet en chasse, le Dieu court rejoindre son Suppliant dans la ville sainte. […] La déesse s’y montre patiente comme un ange, adroite comme une fée. […] Du haut de la colline sainte, elle montre à ces « Furieuses » le temple souterrain qui les attend à sa base ; temple subobscur, ainsi qu’il convient à des déesses lucifuges.

129. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Verlaine la montre conduisant son troupeau de dupes et le sentimental Coppée lui-même l’assimile aux soldats bourreaux qu’elle aime parce qu’ils font aussi couler le sang des cœurs. […] Prosper Mérimée, renouvelant la leçon de Manon Lescaut, avec plus de tragique encore, montre dans Carmen jusqu’à quel point d’avilissement la femme peut amener un honnête garçon. […] Jean Ajalbert nous montre, dans l’un de ses romans, un amant s’éloignant de sa maîtresse, qui implore un rendez-vous, avec ces simples mots : « Je t’écrirai !  […] Il nous montre pour modèles, dans sa Nuit au Luxembourg, deux amants dont l’unique satisfaction consiste à « jouer avec leur corps », mais Remy de Gourmont s’illusionne.

130. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Il y éclate en une vue psychologique qui présente ; tous les personnages sous le jour d’une même déformation, et les montre atteints d’une même tare. […] Dans Madame Bovary, Homais se montre proche parent de Regimbard. […] Si donc Emma Bovary, telle que le romancier la met en scène, se montre en quelque mesure déterminée par les circonstances, il n’en existe pas moins, au premier plan de sa psychologie, une prédisposition personnelle à laquelle il convient d’accorder la première place. […] Indépendamment du défaut de personnalité et de l’extrême légèreté qui rend Arnoux sensible à toutes les influences, il se montre aussi déterminé à se concevoir autre qu’il n’est par des mobiles de lucre.

131. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Et rien ne la dit, rien ne la montre comme une image, cette belle gravure des Comédiens-Français de Watteau. […] — Pas possible plus que le vendredi. » Et il me montre des photographies de Memling qu’il appelle le Vinci flamand, et parle de la spiritualité de ses vierges, faite chez cet artiste avec la lymphe des Flandres. […] Doche montre ses doux yeux d’enfant et sa mine chiffonnée, un peu écrasée par la grande passe bleue de son chapeau. […] On marche l’un sur l’autre dans les corridors, où Janin souffle sur une banquette, où Villemessant raconte le duel Galliffet, où Claudin vague, où Villemot montre un gilet blanc de la Belle Jardinière, où Crémieux se plaint de la poitrine avec des tonalités de Grassot récitant du Millevoye, où Marchal salue tout le monde.

132. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Le talent de Marivaux pour le roman s’y déploie, et l’on est tenté, par moments, de regretter qu’il n’ait pas été forcé, comme les romanciers de nos jours, à produire avec une promptitude et une abondance qui dégage la manière et qui fait courir la veine : il y aurait gagné peut-être certaines qualités dont son Paysan parvenu ne nous montre que les commencements. […] Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes. […] Marmontel nous le montre, dans le cercle même de Mme de Tencin, « laissant percer visiblement l’impatience de faire preuve de finesse et de sagacité ».

133. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Littéralement, Buffon n’avait pas à grandir ni à déchoir ; le grand écrivain en lui est dès longtemps hors de cause et ne saurait dépendre de ce qu’il peut y avoir d’un peu commun dans ses lettres : moralement, sa correspondance nous le montre partout, et dans toute la teneur de sa vie, sensé et digne. […] La correspondance nous montre bien ce moment décisif de son entrée et de sa pleine installation dans la grande voie qu’il a ouverte et illustrée. […] Mais une partie du recueil, qui n’est pas moins neuve et qui est toute à l’honneur de Buffon, ce sont ses lettres à son fils : il s’y montre père, et le plus tendre père, le plus cordialement attentif, le plus rempli de sollicitude.

134. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Il se montre plus sensible aux conquêtes civiles qu’à la passion jalouse de l’indépendance et de la gloire nationale. […] Guizot, dont c’était la pensée bien arrêtée et qui a la faculté de s’isoler des passions et des instincts populaires, nous montre très bien comment ces passions et ce besoin de mouvement, assez vaguement représentés d’abord (à l’état de simple velléité) dans les conseils de la nouvelle monarchie par M.  […] Guizot nous le montre, et en oubliant même ce qu’on en savait déjà, il n’a rien du souverain proprement dit, rien de ce qui frappe l’imagination et de ce qui impose.

135. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Or, voici la description : « D’un côté, cette médaille, qui est fort grande ; représente un enfant d’une figure très belle et très noble : on voit Pallas qui le couvre de son égide ; en même temps les-trois Grâces sèment son chemin de fleurs ; Apollon, suivi des Muses, lui offre sa lyre : Vénus paraît en l’air dans son char attelé de colombes, qui laisse tomber sur lui sa ceinture ; la Victoire lui montre d’une main un char de triomphe, et de l’autre lui présente une couronne. […] Néron, remarquez-le, faux virtuose, artiste de montre et d’apparat, Néron, quand il n’était pas un tragédien mugissant et un Oreste en délire, sympathisait et rivalisait surtout avec Lucain. […] C’est précisément le trait noté par Saint-Simon, dans ce portrait précédent qui nous montre le prince habile, jusque dans sa colère, à apercevoir le faible d’un raisonnement… Tout cela concorde.

136. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

C. de Lafayette que Buffon dirait ce qu’il disait des chantres des Jardins, des Saisons et des Mois son temps, qu’ils parlaient tous comme s’ils n’avaient jamais vu ni les mois, ni les jardins, ni les saisons : ici tout nous montre l’homme pratique qui habite au cœur de son sujet. […] Léonce de Lavergne ou Arthur Young ; quand, par exemple, il étudie l’étable et le bétail ; quand il nous montre à l’œuvre et en ardeur de piocher, hiver comme été, le bon bêcheur à son compte ; quand il nous fait assister au premier essai de la nouvelle charrue, de l’instrument aratoire moderne qui a contre soi la routine et bien des jaloux ; quand il nous décrit la race des bœufs du mezenc (montagne du pays) qui, au labour, craignent peu de rivaux, et qui rendent au maître plus d’un office : Le lait, le trait, la chair, c’est triple bénéfice. […] C’est d’avoir dit d’une poule à qui le vautour a enlevé un de ses petits, un seul, et qu’on nous montre comme uniquement occupée de cet absent : L’infortunée, hélas !

137. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Le troisième tableau nous montre Salammbô la nuit sur sa terrasse, faisant ses adorations aux étoiles et à la lune, — cette lune à laquelle elle est vouée et dont elle subit les phases inégales. […] Le chapitre quatrième, intitulé : Sous les murs de Carthage, nous montre l’armée des Mercenaires arrivée de Sicca et menaçante. […] Il trouve Salammbô endormie dans une espèce de hamac ; il s’approche, elle s’éveille à la clarté trop vive d’une gaze qui prend feu et s’éteint au même instant ; elle croit d’abord à quelque apparition céleste : ce voile si rêvé, si désiré d’elle, Mâtho, comme s’il avait deviné sa pensée, le lui apporte, le lui montre dans sa splendeur ; il est tout près de l’en envelopper.

138. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Les Discours sur les misères de France ou sur le tumulte d’Ambroise, la Remontrance au peuple de France, et la Réponse aux calomnies des prédicans, l’Institution pour l’adolescence du roi Charles IX, débordent tantôt d’indignation patriotique, tantôt de passion catholique, et tantôt de dignité blessée : quand Ronsard montre l’héritage de tant de générations, de tant de vaillants hommes et de grands rois, follement perdu par les furieuses discordes de ses contemporains, quand il oppose le néant de l’homme à l’énormité prodigieuse de ses passions, quand il donne aux peuples, aux huguenots, au roi des leçons de bonne vie, quand enfin il dépeint fièrement son humeur, ses goûts, ses actes, alors il est vraiment un grand poète. […] Il suffit qu’ils soient aux prises avec de rudes réalités, secoués de vraie passion, et dès lors ils ne s’amusent plus à faire montre de leur savoir d’humanistes. […] Dans les efforts de L’Hôpital pour obtenir la paix religieuse, dans la résistance de Pasquier à l’établissement des Jésuites, dans le rôle de Du Vair qui essaie de réconcilier le peuple catholique avec le roi légitime, le même esprit se montre ; et l’action de ce tiers parti, qu’on dit des politiques et qu’on devrait dire des patriotes, se fait sentir.

139. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Avant que la morale devienne un genre, elle se montre, par pensées détachées, dans les autres genres. […] Est-ce un calcul de cet amour-propre, qu’il nous montre si compliqué, si tortueux et si profond ? […] On nous montre une pensée qui nous semble admirablement exprimée.

140. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Pour moi, toutes ces grandes et toutes ces demi-passions qui n’aboutissent pas, telles que Mme de La Fayette nous les montre dans son histoire, et telles que j’y crois, ne s’expliquent, en effet, que par cette jeunesse première. […] Cette pensée, je m’assure, vous paraîtra visionnaire d’abord, voyant ceux de qui dépendent ces sortes de grâces, si éloignés de vous en faire ; mais, pour vous éclaircir cette énigme, sachez que, parmi une infinité d’affaires qui se traitent entre la France et l’Angleterre, cette dernière en aura dans quelque temps, à Rome, d’une telle conséquence et pour lesquelles on sera si aise d’obliger le roi mon frère, que je suis assurée qu’on ne lui refusera rien ; et j’ai pris mes avances auprès de lui pour qu’il demandât, sans nommer pour qui, un chapeau de cardinal, lequel il m’a promis, et ce sera pour vous ; ainsi vous pouvez compter là-dessus… Ce chapeau de cardinal, qu’elle montre ainsi à l’improviste prêt à tomber sur un homme en disgrâce, fait un singulier effet, et on reste convaincu encore, même après avoir lu, qu’il y avait là-dedans un peu de vision et de fantaisie, comme les femmes qui ont le plus d’esprit en mêlent volontiers à leur politique. […] Dans les quelques jours qu’elle passa à Saint-Cloud, au retour de son voyage d’Angleterre et à la veille de sa mort, La Fare nous la montre jouissant de la beauté de la saison et de la conversation de ses amis, « comme M. de Turenne, M. le duc de La Rochefoucauld, Mme de La Fayette, Tréville et plusieurs autres ».

141. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Combien de montres s’étaient ainsi arrêtées durant la Révolution à tel ou tel jour de secousse violente ! Tâchons donc, même quand nous ne prendrions aucun plaisir au temps qui passe, de remonter notre montre tous les soirs et de la tenir à l’heure ; c’est une habitude excellente pour l’esprit. Avez-vous jamais réfléchi à ce que c’était que ces hommes de la Chambre de 1815, dont en général les montres s’étaient arrêtées subitement au 18 Brumaire, et qui, après quinze ans d’isolement, de colère ou de bouderie à l’écart, se virent un jour appelés à l’exercice d’un gouvernement nouveau et à remettre en vigueur les formes parlementaires et délibératives ?

142. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Ce discours du vieil Horace, dit Voltaire, est plein d’un art d’autant plus beau qu’il ne paraît pas : on ne voit que la hauteur d’un Romain et la chaleur d’un vieillard qui préfère l’honneur à la nature ; mais cela même prépare le désespoir que montre le vieil Horace dans la scène suivante, lorsqu’il croit que son troisième fils s’est enfui. […] Le poème dramatique, représentation d’actions merveilleuses, héroïques ou bourgeoises, est ainsi nommé du mot grec δραμα (drama), action, représentation, parce que, dans cette espèce de poème, on ne raconte point l’action comme dans l’épopée, mais qu’on la montre elle-même dans les personnages qui la représentent. […] En conséquence, on distribue les scènes de chaque acte, faisant venir pour chacune les personnages qui y sont nécessaires ; observant qu’aucun ne s’y montre sans raison, n’y parle que conformément à sa dignité, à son caractère, n’y dise que ce qui est convenable et qui tend à augmenter l’intérêt de l’action.

143. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Et le moment du tumulte et le moment du repos ont cela de commun que chacun s’y montre ce qu’il est. […] Montre-moi Commode abandonné aux bêtes. […] Je ne puis souffrir qu’on me montre l’écorché sous la peau ; mais on ne peut trop me montrer le nu sous la draperie.

144. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Il faut que sa montre avance de cinq minutes au moins sur le cadran de l’Hôtel-de-Ville. […] L’époque devient grossière, elle n’estime que le gros qu’elle prend pour le grand ; elle se prend à l’étiquette, à la montre, à ce qui peut faire du bruit ou être utile positivement : l’esprit littéraire véritable est tout le contraire de cela.

145. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

C’est elle qui nous montre combien l’homme est petit par le corps et combien il est grand par l’esprit, puisque cette immensité éclatante où son corps n’est qu’un point obscur, son intelligence peut l’embrasser tout entière et en goûter la silencieuse harmonie. […] Mais à la spectroscopie, nous devons un enseignement bien autrement précieux ; dans les étoiles les plus lointaines, elle nous montre les mêmes substances ; on aurait pu se demander si les éléments terrestres n’étaient pas dus à quelque hasard qui aurait rapproché des atomes plus ténus pour en construire l’édifice plus complexe que les chimistes nomment atome ; si, dans d’autres régions de l’univers, d’autres rencontres fortuites n’avaient pas pu engendrer des édifices entièrement différents.

146. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Elle est autodidacte, et son faire tout à fait heurté et mâle le montre bien. […] On s’opiniâtre, on couvre de couleurs vingt toiles l’une après l’autre, on montre, on écoute, on n’entend rien.

147. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Le tour original qu’il donne à ses traductions, la hardiesse de ses expressions, aussi peu contraintes que si elles étoient nées avec sa pensée, montrent presque autant d’invention, qu’en montre la production d’une pensée toute nouvelle. […] Il est donc naturel que les jeunes poëtes, qui, au lieu d’imiter la nature du côté que le génie la leur montre, l’imitent du côté par lequel les autres l’ont imitée, qui forcent leur talent, et le veulent assujettir à tenir la même route qu’un autre tient avec succès, ne fassent d’abord que des ouvrages médiocres.

148. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Une lettre de la Bruyère, retrouvée par Destailleur, ajoute son intérêt à cette réimpression et montre à quel point le fidèle annotateur a poussé l’investigation ; car de tous les hommes peut-être qui tiennent une grande place dans les chroniques de l’Esprit humain, La Bruyère est celui qui a le moins laissé transpirer sa vie. […] En effet, dans ses appréciations littéraires et grammaticales, tracées du bout des doigts et de la plume, dans ces petites notes qui sont de véritables épluchettes, il se montre souvent fort collet-monté, et un fait que nous citerons donnera mieux l’idée de la portée de ce commentateur que tout ce que nous pourrions ajouter : « Parler et offenser — dit quelque part La Bruyère — est pour de certaines gens absolument la même chose.

149. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Nous avons donc le droit de conclure que si l’égalitarisme, une fois accepté, est capable d’agir ou de réagir sur certaines de nos formes sociales, il n’a nullement la puissance de les susciter toutes, et que par suite, là où l’histoire nous montre entre elles et lui des rapports constants, il est, bien plutôt que leur cause unique, une de leurs conséquences. […] Toutefois, il est au moins une chose dont cette connaissance rend compte : elle montre quelles conditions seraient nécessaires pour qu’une réaction pareille eût quelque chance de succès.

150. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

« — La Reine m’en veut beaucoup, dit-il, et se montre fort irritée, mais après tout, ajouta-t-il, ces criailleries ne m’empêcheront pas de mener mon fiacre !  […] Lavisse nous montre le futur Grand Frédéric dans les résidences où renvoyait son redoutable père, à Neu Ruppin et à Rheinsberg. Cette étude sur le fils qu’il nous montre médiocre sinon mauvais époux, doué d’une intelligence exceptionnelle, philosophe, poète, artiste, est une occasion aussi pour M.  […] Waliszewski nous y montre la jeune cour, la lutte pour le trône et la victoire qui le donna à Catherine. […] Léon Daudet se montre clairement.

151. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Le nom de Catulle, qu’il a reçu à sa naissance, montre les goûts littéraires de la famille. […] Naturellement, c’était d’abord l’aiguille de la montre ; puis c’est devenu la montre elle-même, enfin l’heure et le temps. […] L’histoire nous montre que c’est tantôt ce genre-ci, tantôt ce genre-là qui a prédominé. […] Cela montre qu’ils s’occupent de mon livre et cela ne peut qu’être agréable à un auteur. […] Il nous le montre, ce rustre amoureux, et il sait prendre ce géant passionné par les sens.

152. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Du moins se montre-t-il çà et là très content de la façon dont on la donne. […] Leconte de Lisle montre, dans son discours, quelque dédain de la poésie de ces vieux âges. […] Il y montre avec une douce mélancolie ses cheveux qui grisonnent aux tempes. […] Il nous montre « les anciens mâles usés à l’engrosser ». […] Zola ne nous montre pas distinctement les paysans.

153. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Taine nous montre Bonaparte dominé par sa sensibilité nerveuse. […] Taine nous montre Bonaparte plus jeune de deux ans. […] Renard en pittoresque, alors qu’il nous montre M.  […] Il montre combien elle est dangereuse. […] Elle nous montre des apparences qu’on ne soupçonnait pas sans elle ; elle ne nous montre jamais une réalité, parce qu’il n’est pas en elle de changer la nature de l’homme.

154. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Le baron de Creuz écrit un poème sur les tombeaux, où se montre toute la tristesse d’Young. […] René se montre dès son enfance tel qu’il sera plus tard. […] Joubert montre quel découragement, quelle indifférence pour la vie, s’étaient emparés d’elle. […] Quelque triste qu’il se montre, il rencontre de douces consolations. […] Ne se montre-t-il pas sévère pour le siècle ?

155. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jaloux, Edmond (1878-1949) »

Edmond Jaloux, dont les charmants poèmes nous avaient laissés pleins d’une espérance attentive, nous montre aujourd’hui, dans l’Agonie de l’Amour, ses dons multiples et divers.

156. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Préface »

L’auteur qui veut barrer la rivière et prendre tout le poisson, c’est-à-dire, donner toute la littérature de ce siècle, montre, aujourd’hui, en fait de femmes, la fleur du panier, en supposant qu’un pareil panier ait une fleur… Aujourd’hui, ce n’est que quelques-unes.

157. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article »

Il a publié des Essais, des Lettres, des Poëmes, des Comédies, des Proverbes, des Eloges historiques, des Recueils d’anecdotes, des Opuscules en vers & en prose, & dans tous ses Ecrits il montre une facilité assortie à ses idées.

158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » p. 569

Questant, c’est que la gaieté s’y montre autant qu’elle peut, & que la Philosophie n’y paroît jamais.

159. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haag, Paul (1843-1911) »

Théodore de Banville Plus que tous les récents recueils de poèmes, il (Le Livre d’un inconnu) paraît répondre au véritable idéal actuel, car le poète s’y montre réaliste dans le beau sens du mot, et il est facile de voir que toutes ses descriptions sont vues, que tous les sentiments qu’il exprime ont été éprouvés et non supposés.

160. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 308

Le dernier volume de ces Mémoires est composé en partie des Ecrits de son fils, qui s'y montre digne, par ses talens, d'avoir été le successeur d'un tel pere.

161. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Carrère, Jean (1868-1932) »

De là de très belles strophes où vibrent des glaives entrechoqués, où rutilent des couchants de colère, cependant que le poète clame pour les foules et leur montre l’aurore promise : Plus de prophètes, plus d’élus !

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Le tome présent, qui entame cette dernière période de son Histoire, nous ouvre une série de faits nouveaux et nous montre une nouvelle application de ce talent multiple et fertile. […] Thiers, qui d’ailleurs se montre si attentif à en signaler les parties recommandables, notamment le rétablissement des finances dû au baron Louis, est plus sévère que M. de Viel-Castel au sujet des négociations diplomatiques, et sur le chapitre de M. de Talleyrand au congrès de Vienne.

163. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

La réponse serait si cruelle que je ne veux pas la faire à un jeune homme qui montre certainement, à sa première invention, plus de talent que n’en eut jamais celui qu’il a par trop nommé son maître. […] Duranty, qui bûche si vaillamment dans cette vulgarité, pour lui peut-être la seule nature humaine, ne suffit pas pour nous intéresser à tous ces gens-là qu’il nous montre dans son roman, un écrin de médiocrités !

164. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 340

L’Auteur s’y montre aussi élégant dans son style, que fidele à conserver le sens de ses Originaux, deux points de perfection assez rares dans les Traducteurs.

165. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sabatier, Antoine (1854-19..) »

Maurice Perrès La Manola est un conte des temps jadis, un poème à la fois burlesque, tragique et satirique, où l’auteur nous montre qu’il est un adroit rimeur selon Banville.

166. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soubeyre, Eugène »

Soubeyre, de par son Royaume d’Ève, s’offre à nous comme un poète de talent, et l’inexpérience qu’il montre quelquefois n’est que le précoce retour des beautés qu’il découvre.

167. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 357

La fécondité, en ce genre, se montre toujours au préjudice du talent.

168. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

La conduite pratique, droite, bonne, dépend bien plutôt de la santé du corps que de la santé de l’intelligence. » Aussi Schneider se montre-t-il, comme Spencer, assez dédaigneux de l’instruction intellectuelle et fort peu confiant dans la force des idées. […] Nous venons de voir que la sélection toute mécanique et biologique se montre insuffisante, chez les espèces supérieures, pour produire l’harmonie constante du plaisir ou de la peine avec la conservation de l’espèce. […] Elle nous montre que le plaisir devait finalement s’attacher aux actions utiles, à la vie individuelle ou spécifique ; que la douleur, au contraire, devait finalement s’attacher aux actions nuisibles. […] Celle-ci nous montre que la sensibilité supérieure est liée à des organes spéciaux, comme l’œil, l’oreille, le nez, la bouche, tandis que la sensibilité inférieure est répandue dans le corps, diffuse, sans connexion avec des organes bien différenciés. […] Ce fait essentiel éclaire le reste : il nous montre l’intime et primitive connexion du plaisir avec l’activité, de la peine avec la passivité.

169. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Il a parlé d’elle avec vérité et justice, comme d’une nature mâle un peu parente de la sienne ; tout ce qu’on a lu et ce qu’on lit dans les nombreuses lettres où Madame se déclare et se montre à tous les yeux, n’est en quelque sorte que la démonstration et le commentaire du jugement premier donné par Saint-Simon. […] Le Régent n’a jamais été mieux peint que par sa mère ; elle nous le montre avec toutes ses facilités, ses curiosités en tous sens, ses talents, son génie propre, ses grâces, son indulgence pour tous, même pour ses ennemis ; elle dénonce ce seul défaut capital qui l’a perdu, cette débauche ardente et à heure fixe, où il s’abîmait et disparaissait tous les soirs jusqu’au matin : Tout conseil, toute remontrance à cet égard sont inutiles, disait-elle ; quand on lui parle, il répond : « Depuis six heures du matin jusqu’à la nuit, je suis assujetti à un travail prolongé et fatigant ; si je ne m’amusais pas un peu ensuite, je ne pourrais y tenir, je mourrais de mélancolie. » — Je prie Dieu bien sincèrement pour sa conversion, ajoute-t-elle ; il n’a pas d’autres défauts que ceux-là, mais ils sont grands. Elle nous le montre libertin, même dans les choses de l’esprit, même dans les choses de science, c’est-à-dire curieux et amoureux de tout ce qu’il voyait, et dégoûté de tout ce qu’il possédait : « Quoiqu’il parle de choses savantes, on voit pourtant bien qu’au lieu de lui faire plaisir, elles l’ennuient.

170. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Ses petits Mémoires, destinés à ses enfants, et qu’on publie aujourd’hui dans un texte plus exact, c’est-à-dire dans une langue plus inégale qu’on ne les avait précédemment, ne doivent point, si l’on veut prendre de lui une entière idée, se séparer jamais de la grande Histoire à laquelle il renvoie sans cesse, et où il se montre par ses meilleurs et ses plus larges côtés. […] Il ne se montre pas moins orateur et moins à son avantage en une autre circonstance mémorable où il eut à parler devant de nombreux témoins. […] Le roi de Navarre parla d’abord et posa cette première question : si, dans les circonstances présentes et nouvelles, les huguenots devaient avoir les mains croisées durant le débat des ennemis, envoyer tous leurs gens de guerre dans les armées du roi sans en faire montre (ce qui était l’opinion de plusieurs), ou s’ils devaient prendre séparément les armes pour secourir le roi en leur propre nom, et profiter de toutes occasions pour s’affermir ?

171. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Ce qu’il dit des qualités et défauts de la nation française, par opposition à l’anglaise, le montre observateur judicieux et impartial. […] Il montre quel a été le bonheur de Henri IV, jusque dans ses traverses, puisqu’il en était si valeureusement sorti : Depuis son avènement au royaume (1589), il a employé huit années à le remettre à son obéissance ; lesquelles, quoique pénibles, ont été les plus heureuses de sa vie : car, augmentant sa réputation, il augmentait son État : le vrai heur d’un prince magnanime ne consiste pas à posséder longuement un grand empire qui ne lui serve qu’à se plonger dans les voluptés, mais bien à d’un petit en faire un grand, et à contenter, non son corps, mais son courage. […] Il nous montre d’ailleurs sans fard les motifs habituels aux acteurs de son temps, les revirements hideux et non colorés à chaque tour de roue de la fortune et à chaque vacance du pouvoir.

172. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Dans la seconde guerre, en 1745, la correspondance de Frédéric nous le montre plein de bonne grâce et d’attention pour ses frères, ayant encore l’élan de cœur de la jeunesse ; il écrit à la reine sa mère, du champ de bataille de Friedberg (4 juin 1745) : « Madame, nous venons de remporter une très grande victoire sur l’ennemi. […] Je me trouve à présent la plus heureuse mère du monde, qu’ils me sont tous rendus, et il me semble qu’une pierre du cœur m’est ôtée. » À Potsdam, deux ans après, il se montre plein de sollicitude et d’angoisse pour le prince Henri qui a failli être victime d’un accident, de la chute d’un cadre qui lui est tombé sur la tête. […] Frédéric était un grand homme, de ceux en qui réside et se personnifie la force et la destinée d’une nation ; le prince Henri, tel qu’il ressort à nos yeux de la correspondance qu’on vient de publier et des divers témoignagnes, me paraît un prince raisonneur, réfléchi, méthodique, quelquefois jusqu’au bizarre et au minutieux, ombrageux, susceptible, capable d’envie, fastueux, aimant la montre, ne haïssant pas d’être trompé, ayant une forte teinte de la sensibilité et de la philanthropie de son siècle ; avec cela de la justesse par places, de la mesure habile, de la combinaison, de l’adresse, des parties ingénieuses ; mais grand homme, c’est beaucoup dire : il n’est grand en rien, il n’a rien d’héroïque ; c’est un esprit distingué et un guerrier de mérite.

173. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Lorsqu’on s’est une fois familiarisé avec lui et avec sa manière, on l’aime bien mieux, ce me semble, hors de ces morceaux de montre et d’apprêt, dans les esquisses plus particulières d’originaux, surtout dans les remarques soudaines, dans les traits vifs et courts, dans les observations pénétrantes qu’il a logées partout et qui sortent de tous les coins de son œuvre. […] Destailleur, l’histoire d’une belle et superbe indifférente, d’une insensible qui cesse de l’être, qui devient passionnée par jalousie, puis folle de cœur, puis tout à fait furieuse et qui s’emporte aux derniers dérèglements, nous montre que La Bruyère eût été, s’il eût voulu, un excellent auteur de nouvelles ou de romans. […] Il montre très bien que le complément nécessaire de tout succès est la fureur des médiocres et des jaloux.

174. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Il nous le montre entraîné dès sa jeunesse, et malgré la défense de Boileau, par une vocation irrésistible ; il veut rimer et il rimera. […] Le bon sujet Racine, poète de la Grâce et non des Grâces, reçu à l’Académie des Inscriptions dès 1719, était l’hôte de Frênes, d’où on lui écrivait, après son départ, qu’il avait fait les délices de tous par sa présence ; mais il ne faudrait pas prendre ce compliment pour autre chose qu’une pure politesse, et une lettre du Chancelier à M. de Valincour montre que le jeune Racine, dans son séjour à Frênes, s’était montré doux, facile d’humeur, mais peu inventif, rétif à la réplique, nullement propre aux jeux de société, donnant peu l’idée que de beaux vers pussent sortir de cette tête-là ; et de fait, il était de sa personne sans aucun agrément. […] La nature humaine est si faible d’ailleurs et si misérable, qu’il ne serait pas impossible que, dans ce besoin d’oubli et d’engourdissement à tout prix où on nous le montre, il y eût un coin de vérité.

175. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Beaumarchais donna donc 100 louis, une montre enrichie de diamants, et il ajouta quinze louis qu’on lui demandait pour le secrétaire. Malgré ces raisons, Goëzman conclut contre lui : la dame alors restitua les 100 louis et la montre, mais, par une fantaisie bizarre, elle s’obstina à retenir les quinze louis du secrétaire, à qui elle ne les avait pas remis. […] Marie-Jeanne Phlipon (1754-1793), fille d’un maître graveur pour bijoux, étuis et dessus de montre, épouse Rolan en 1780, va habiter la province, revient à Paris en 1791, et meurt sur l’échafaud le 8 nov. 1793. — Éditions : Lettres autographes de Mme Roland adressées à Bancal des Issarts, Paris, in-8, 1835 ; Lettres aux demoiselles Cannet, paris, 2 vol. in-8, 1841 ; Étude sur Mme Roland et son temps, suivie des lettres de Mme R. à Buzot, par C.

176. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Cette théologie est sans compassion ; elle accable l’homme par la brièveté de ses jugements sommaires, à la différence de la religion, qui découvre d’une main maternelle toutes les plaies du cœur qu’elle va guérir, et qui montre, à côté des ravages du mal originel, les ressources de la nature rachetée. […] Ce que l’on connaît des sermons inédits de Gerson montre, à côté d’obscurités impénétrables dans ce que Gerson adresse aux grands clercs, une langue nette, expressive, dans ce qu’il dit aux simples gens. […] Le génie à cette époque se montre là où la France en a le plus besoin : il est dans la politique et dans la guerre.

177. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

En dénonçant l’abus de l’esprit philosophique, l’auteur ne fait ni comme Bonald, ni comme de Maistre, ni même comme Rivarol ; il n’en accuse pas amèrement, il n’en proscrit pas absolument l’usage, et il se montre attentif à extraire du grand mouvement moderne tout ce qui sert la raison sans détruire la morale et l’État. […] La portion supérieure de son ouvrage est celle où il montre la décomposition de la société par les sophistes, espèce destructive si éloignée en tout de ces hommes à grand caractère et à grandes vues positives, qui ont fondé les sociétés et institué les peuples : « Le faux esprit philosophique est une lime sourde qui use tout. » Il distingue entre les diverses sortes de corruption publique : malgré sa bonté morale personnelle, il sait à quoi s’en tenir sur le fond de l’homme ; les passions étant les mêmes en tout temps, les mœurs aussi sont toujours à peu près les mêmes, ce ne sont que les manières qui diffèrent : mais la différence est grande, d’une corruption qui n’est que dans les mœurs, et à laquelle de sages lois peuvent remédier, d’avec cette corruption subtile qu’un faux esprit philosophique a naturalisée dans la morale publique et dans la législation. […] L’orateur, en terminant, montre les articles organiques du Concordat ayant pour effet d’apaiser tous les troubles, de rallier tous les cœurs, « de subjuguer les consciences mêmes, en réconciliant pour ainsi dire la Révolution avec le ciel ».

178. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Enfin, elle était le modèle et partant l’esclave de la mode de son temps, et, comme elle y survécut, elle en devint à la fin une espèce d’idole conservée et de curiosité, comme on en a pour la montre. […] Dans sa captivité de 1575, s’adonnant à la lecture et à la dévotion, dit-elle, elle nous montre l’étude qui ramène à la religion, et nous y parle du livre universel de la nature, de l’échelle des connaissances, de la chaîne d’Homère, de « cette agréable encyclopédie qui, partant de Dieu même, retourne à Dieu même, principe et fin de toutes choses ». […] Parlant de l’expédition projetée par son frère le duc d’Alençon en Flandre, elle le montre, en termes d’une énergique beauté, représentant au roi : Que c’était l’honneur et l’accroissement de la France ; que ce serait une invention pour empêcher la guerre civile, tous les esprits remuants et désireux de nouveauté ayant moyen d’aller en Flandre passer leur fumée et se saouler de la guerre ; que cette entreprise servirait aussi, comme le Piémont, d’école à la noblesse de France pour s’exercer aux armes, et y faire revivre des Montluc et Brissac, des Terme et des Bellegarde, tels que ces grands maréchaux, qui, s’étant façonnés aux guerres du Piémont, avaient depuis si glorieusement et heureusement servi leur roi et leur patrie.

179. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

En vérité, horlogerie à part, je n’en vois aucun contre qui je voulusse le troquer… Et lorsque ses ennemis voulaient consommer sa ruine dans le courant du même procès, lorsqu’il se voyait emprisonné, calomnié, ruiné, il montre la consternation de tous ses amis qui le visitaient dans sa prison : La piété, la résignation même de mon vénérable père aggravait encore mes peines. […] Cent louis d’or, une belle montre à répétition enrichie de diamants, plus, « quinze louis en argent blanc », censés destinés à un secrétaire, tout cela fut successivement donné à la femme pour obtenir une audience de son mari, et avec promesse de sa part que tout serait rendu si le procès se perdait. Il fut perdu en effet, et la dame rendit assez galamment les cent louis et la montre ; mais, par un singulier caprice, elle s’était obstinée à garder les quinze malheureux louis donnés en sus.

180. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 278

Ce Conte, écrit d'un style aussi singulier qu'agréable, est, selon M. de Voltaire, un exemple, qui montre qu'on peut très-bien conter d'une autre maniere que Lafontaine.

181. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Un jour, je vis, debout au bord des flots mouvants (1859) »

La mer, c’est le Seigneur, que, misère ou bonheur, Tout destin montre et nomme ; Le vent, c’est le Seigneur ; l’astre, c’est le Seigneur ; Le navire, c’est l’homme. — 

182. (1921) Esquisses critiques. Première série

Son goût, qui peut paraître en d’autres circonstances téméraire ou risqué, se montre ici parfaitement sûr et réfléchi. […] Sacha Guitry montre des actions perverses sans prétendre exposer la nature humaine. […] Ils nous en offrent un abrégé, un compendium, un miel, où tout cela se montre vulgarisé et amoindri, mais où toutefois cela est. […] Il est vrai que le style montre en quelque sorte le visage des pensées et des sentiments. […] Des damnés, c’est des damnés que nous montre M. 

183. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

(Il soupire et repose sa montre.) […] Zola, je relèverai dans son livre une idée qui me paraît au moins discutable : l’auteur nous montre l’Empire vieilli, acclamé encore au plébiscite, mais « ayant affaibli l’idée de patrie, en détruisant la liberté ». […]   Plus loin, l’auteur nous le montre à cheval, « les moustaches fortement cirées, les joues si colorées qu’on le trouve rajeuni, fardé comme un acteur. […] Zola nous montre la figure de cet Empereur qui commençait, sur le champ de bataille, à mourir du mal qui l’a emporté, il le fait avec une même fidélité, il nous le montre « dans cet effrayant coup du sort qui brisait et emportait sa fortune ainsi qu’un brin de paille, trouvant des larmes pour les autres, éperdu de la boucherie inutile qui continuait, sans force pour la supporter davantage ». […] On ne peut pas se croire aussi étrange, aussi imparfait : on ressent l’étonnement qu’on éprouve quand un reflet de glaces vous montre de dos ou de profil à vous-même.

/ 1972