Dans ces choses sans nom il y a du sang de tigre et des larmes de chien sans maître. […] Notre Bas-Empire intellectuel a désormais de semblables maîtres et c’est ainsi qu’il faut leur parler quand on n’est pas encore devenu tout à fait un Dieu. […] A-t-il donc l’ambition d’avoir été procréé par des goujats, ces futurs maîtres de la terre ? […] Je sus alors pour de bon qui étaient nos maîtres. […] Quand les hommes faits pour obéir n’ont plus de maîtres, ils les remplacent aussitôt par des tyrans et se précipitent à l’esclavage.
. — Votre hommage à Victor Hugo est digne du maître à tous.
André Fontainas Sans doute, avec une âpre étude des maîtres qu’il révère et une implacable sévérité pour lui-même, M.
Bien différent d’un grand nombre de ses Confreres, plus occupés à former leur style sur les froides Productions du jour, & à en transporter le ton dans la Chaire, qu’à se former sur les grands Maîtres, il s’étoit nourri de la lecture des Saints Peres, & sur-tout de celle de S.
Les Principes pour la lecture des Poëtes, forment une espece de Poétique, où se trouvent exposés, d’une maniere nette & facile, les préceptes des Grands Maîtres.
Tillemont, [Louis-Sébastien le Nain de] Prêtre de l'Oratoire, né à Paris en 1637, mort en 1698 ; Eleve de Nicole, & plus savant que son Maître, quoique moins célebre.
Leconte de Lisle n’est-il pas son maître vénéré et son ami très aimé ? […] Dans le salon où l’on se réunissait avant de passer à table, je trouvais ordinairement la fille des maîtres de la maison, femme de beaucoup de charme et d’esprit, et aussi un vieux parent qui répondait au nom de M. […] L’écolier, d’ailleurs, s’y montrait un maître dont la maîtrise accusait une haute influence shakespearienne. […] Celle de la maison du boulevard Montmorency où habitait Edmond de Goncourt, annonçait souvent la venue, chez le maître, de ce disciple vagabond. […] Il dut également beaucoup à un maître tel que Daumier.
Philippe V étoit encore maître des pays-bas. […] Il avoit le droit d’envelopper dans la même disgrace le confesseur de son maître, mais il ne fit point tout ce qu’il pouvoit. […] S’il loua quelques morceaux de grand maître, il parut que ce n’étoit que pour acquérir le droit de critiquer davantage. […] Les courtisans n’ont de goût que celui de leur maître. […] Il atteste, de son innocence, le ciel ses amis, ses maîtres, quiconque voudra l’entendre.
Auguste Barbier Ses vingt chants du Dante que personne n’a surpassés, comme expression du style et du caractère poétique du grand maître, quelques paysages italiens vrais et colorés, trois ou quatre vigoureuses satires politiques et surtout ses élégies, cris de souffrances pendant des heures de maladie, et qu’on a si bien nommées un requiem de la douleur, laisseront certainement trace dans la mémoire des vrais lettrés.
Léonce de Lavergne ou Arthur Young ; quand, par exemple, il étudie l’étable et le bétail ; quand il nous fait assister au premier essai de la nouvelle charrue, de l’instrument aratoire moderne qui a contre soi la routine et bien des jaloux ; quand il nous décrit la race des bœufs du mézenc (montagne du pays), qui, au labour, craignent peu de rivaux et qui rendent au maître plus d’un office : Le lait, le trait, la chair, c’est triple bénéfice.
Du Maître des Humains l'éternelle bonté, Des malheureux Mortels est le plus sûr asile.
Les Publics sont des maîtres plus jaloux, plus arbitraires, hélas ! […] Mais les disciples ont pris les maîtres au mot. […] De leur œuvre et de celle de leurs maîtres fuse l’ennui. […] Il est, dans l’Art, notre conscience vivante, le Maître difficile qu’on rêve de contenter […] C’est le Maître des Injures.
Je voulais échauffer l’imagination de mes parents et de mes maîtres ; je voulais qu’ils me lâchassent au service : je m’y regardais déjà un peu, puisque de vieux dragons du brave régiment de mon oncle me portaient sur leurs bras et qu’ils me racontaient Clausen, Dettingen et Bonef. […] Ne quittez jamais le plus beau des métiers… Il se présente souvent des occasions où la Cour se rappelle d’avoir oublié, négligé ou mal jugé le mérite, et où un bon bras, dirigé par une bonne tête, est recherché pour rendre encore service à son maître. […] Vous avez tous les deux le même éclair dans l’esprit, mais il n’a pas votre sang-froid imperturbable ; vous ne faites et ne dites jamais rien qui ne soit parfait, jamais rien que vous puissiez vous reprocher : aussi n’y a-t-il jamais eu de mérite supérieur au vôtre, ni d’admiration qui égale la mienne pour mon cher maître.
Dès son enfance, il avait aimé la discussion sur les matières religieuses ; il avait du goût pour le raisonnement et la dialectique : il lut des livres de théologie et de controverse, Middleton, Bossuet surtout, qu’il proclame le grand maître en ce genre de combats. […] Le pressentiment de sa vocation se décèle lorsqu’il dit en parlant d’Auguste et regrettant que la variété de ses sujets l’empêche de l’étudier à fond : « Que ne me permet-elle (cette variété) de faire connaître ce gouvernement raffiné, ces chaînes qu’on portait sans les sentir, ce prince confondu parmi les citoyens, ce Sénat respecté par son maître ! […] Il lit tout Homère et se rend bien maître du grec pour la première fois.
Alors le roi appela les maîtres nautoniers devant les autres passagers principaux, dont était Joinville, et leur demanda leur avis sur le coup que le bâtiment avait reçu. […] L’office de sénéchal ou de grand maître de la maison des comtes de Champagne était héréditaire dans sa famille, et il en fut pourvu à la mort de son père. […] Quand les chevaux furent dedans, notre maître pilote cria à ses nautoniers qui étaient au bec (à la proue) de la nef et leur dit : « Tout est-il prêt ?
les chapeaux en l’air au bout des baïonnettes ; les compliments du maître à ses guerriers ; la visite des retranchements, des villages et des redoutes si intactes ; la joie, la gloire, la tendresse. […] D’Argenson, tout philosophe qu’il est, se montre attentif à noter ces légères marques d’attention du maître, de même qu’il recueille les bonnes paroles échappées sur son compte au cardinal de Fleury. […] Je ne crois pas devoir demander grâce pour avoir osé conserver le grand chien de l’audience, qu’on a eu soin par décorum d’effacer dans l’imprimé, comme s’il n’y en avait pas un souvent aux pieds du maître dans les antiques portraits de famille.
Occupée tout le jour par ses maîtres, son unique récréation était de le voir : « Jamais tendresse, dit-elle, n’a égalé la nôtre. […] Il lui a rendu cette justice, qu’elle fit tout pour l’en tirer : Le vice à son aspect n’osait jamais paraître : De mes sens mutinés elle m’a rendu maître ; C’était par la vertu qu’on plaisait à ses yeux. […] Quand elle l’a obtenu, il lui donne le moyen sûr pour le garder près d’elle autant qu’elle le voudra, et même pour entreprendre un voyage s’il le lui ordonne : c’est que le margrave envoie au roi quelques grands hommes pour son régiment favori ; moyennant cette « galanterie de six pieds » faite au roi, tout ira bien ; « deux ou trois grands hommes envoyés à propos seront des arguments vainqueurs62. » — Le général ministre Grumbkow, qui a tant persécuté Frédéric et sa sœur, meurt un an avant son maître, laissant une mémoire généralement exécrée.
Force m’est bien, écrira de là Casaubon à de Thou, de renoncer une fois pour toutes à tout ce que j’avais élaboré jusqu’à ce jour pour l’utilité des amis des lettres, à ces chers travaux auxquels le monde me croit un peu propre, et par lesquels j’ai mérité votre estime à vous-même, très illustre et très docte président ; il faut bien qu’ici je m’applique avant tout à satisfaire à la volonté du maître : et comme son esprit royal est tout entier aux controverses théologiques du jour, il y a nécessité que nous qui lui appartenons et sommes de sa suite nous entrions dans les mêmes études, dans les mêmes inquiétudes que lui. […] Ô souverain maître du monde, tu m’as donné, il est vrai, la volonté de diriger ma vie selon tes préceptes ; mais, au moment où je cherche ton propre vouloir, quelquefois je me sens incertain entre les variétés merveilleuses des opinions des hommes. […] Le second jour qu’il le vit, l’entretien tomba sur Tacite, Plutarque et Commynes : Le roi ayant dit que c’est se tromper que de faire de Tacite le maître unique de la prudence civile, l’historien politique par excellence, je m’empressai de remarquer (c’est Casaubon qui parle) qu’il n’y avait pas un an que j’avais porté le même jugement dans ma préface du Polybe ; et le docte monarque me témoigna qu’il était charmé de cette rencontre de sentiments.
Chassang, dans le Mémoire devenu tout un livre qu’il a composé à ce sujet et que l’Académie des inscriptions a couronné, s’attache, avec sa sûreté de critique, avec la science dont il use et dispose en maître, à suivre, à démêler et à démasquer le roman sous toutes les formes mythiques, historiques, allégoriques, morales, sous lesquelles il se glissait : la Cyropédie de Xénophon était déjà un roman qui tenait du Télémaque ; l’Atlantide de Platon n’était qu’une fiction de Salente, plus idéale et plus grandiose. […] Il les observe, il les écoute, tout comme fera plus tard en pareil cas Gil Blas, cette fine mouche ; — et, en général, il est âne à fort observer et fort écouter les différentes sortes de maîtres au service desquels il va successivement passer ; si, en sa qualité d’âne, il n’est pas toujours au salon, à la cuisine ou dans l’alcôve, en cette même qualité il a l’oreille longue et fine, et il entend de loin. […] Chassang, maître de conférences à l’École normale ; 1 vol. in-8°, Didier et Cie, quai des Augustins, 35.
Mais celui qui habituellement y tenait le de et y faisait le diable à quatre, qui harcelait le maître de la maison, tenait tête à Courier, et relançait un chacun jusque dans les derniers retranchements des vieilles doctrines, c’était Beyle, autrement dit Stendhal, la trompette à la fois et le général d’avant-garde de la nouvelle révolution littéraire. J’allais pourtant oublier, dans cette réunion des dimanches, un assistant des plus exacts, le moins semblable à Beyle et le plus silencieux de tous, Adrien de Jussieu, le botaniste, mince et long de taille, long de tète, long de visage, penché par habitude, souriant du coin de l’œil et du coin des lèvres, avec bénignité et finesse, et qui, sortant des derniers, disait chaque fois en serrant la main au maître de la maison : « Ils ont été bien amusants aujourd’hui ! […] On s’y réglait sur le ton du maître de la maison.
Depuis huit jours en ça, j’ai entrepris de lui faire rétablir sa pension, et l’ai obtenu par l’intermédiaire de M. l’abbé de Bois-Robert, lequel, sur les propositions que je lui ai faites et les raisons que je lui ai alléguées, a si bien gouverné son maître, que la chose s’est achevée au grand contentement de ses amis. […] En les indiquant sans les nommer, Vaugelas les salue encore avec respect et les appelle nos maîtres ; car il est toujours poli jusque dans sa contradiction et dans la critique qu’il fait des personnes et des auteurs. […] D’un tout autre avis que Malherbe et que Platon qui, lui aussi, appelait le peuple son maître de langue, s’il se confine trop au ton des salons, il tâche du moins de retendre et de le fortifier par le contrôle des bons livres.
Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien et artiste ; ses hymnes s’avançaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation… « Il fait comprendre ce mot de Platon, son maître, que les mélodies vertueuses enseignent la vertu… » Et ce mot encore : « Les paysages de Milton sont une école de vertu. » La vertu de Milton s’était accommodée de Cromwell. […] Ses premiers maîtres furent insignifiants ; ce fut lui qui s’éleva lui-même ; à douze ans il apprenait le latin et le grec, concurremment, et presque sans maître ; à quinze, il résolut d’aller à Londres, d’y apprendre le français et l’italien, de manière à lire les auteurs.
Ils savent les styles, ils ont le coup d’œil, le tact. « Apprendre à voir, ont-ils dit, est le plus long apprentissage de tous les arts. » Ils ont fait depuis longtemps cet apprentissage ; ils sont passés maîtres en matière de xviiie siècle. […] Watteau, Chardin, Latour, jusqu’à Greuze et Fragonard ;-ils ont fait sur ces grands ou charmants artistes, et sur d’autres bien moindres dits les petits maîtres, des Études curieuses, approfondies, fouillées, qui sont des merveilles en ce genre de monographie descriptive. […] On hésite, quand on lit ceux qui sont maîtres en ce genre excessif, à venir protester contre de si savants et parfois de si séduisants abus.
Marie-Joseph Chénier a écrit sur Mme de Souza, avec la précision élégante qui le caractérise, quelques lignes d’éloges applicables particulièrement à Eugène : « Ces jolis romans, dit-il, n’offrent pas, il est vrai, le développement des grandes passions ; on n’y doit pas chercher non plus l’étude approfondie des travers de l’espèce humaine ; on est sûr au moins d’y trouver partout des aperçus très-fins sur la société, des tableaux vrais et bien terminés, un style orné avec mesure, la correction d’un bon livre et l’aisance d’une conversation fleurie…, l’esprit qui ne dit rien de vulgaire, et le goût qui ne dit rien de trop. » Mais indépendamment de ces louanges générales, qui appartiennent à toute une classe de maîtres, il faut dire d’Eugène de Rothelin qu’il peint le côté d’un siècle, un côté brillant, chaste, poétique, qu’on n’était guère habitué à y reconnaître. […] La maréchale tient dans l’action toute la partie moralisante, et elle en use avec un à-propos qui ne manque jamais son but ; Athénaïs et Eugène sont le caprice et la poésie, qui ont quelque peine à se laisser régler, mais qui finissent par obéir, tout en sachant attendrir leur maître. […] Hier enfant, ce fils est devenu un homme ; il veut être libre, se croit son maître, prétend aller seul dans le monde… Jusqu’à ce qu’il ait acheté son expérience, vos yeux ne trouveront plus le sommeil, que vous ne l’ayez entendu revenir !
Quand la publication de L’Avenir, empreinte de talent et de générosité, mais si mêlée d’imprudences et de hasards, eut provoqué, de la part du Saint-Siège, un jugement de désapprobation, tous les rédacteurs se soumirent dans le premier instant ; mais, tandis que le maître indigné se soumettait en frémissant, d’une soumission impatiente et qui ne devait pas durer, M. […] Bourdaloue et Massillon furent de leur temps les maîtres de la chaire dans le genre du sermon. […] Sous la figure de l’abbé de Janson, il a peint lui-même, à son insu, quelques traits de sa propre nature, de sa propre ambition spirituelle d’apôtre : « L’apostolat, dit-il, qui était sa vraie, son unique vocation, le tourmentait et l’emportait dès les premiers jours de son sacerdoce. » On était à la fin de l’Empire : M. de Janson cherchait une carrière à son zèle, un champ pour y semer la parole, et n’osant songer à la France, alors muette, il errait en esprit de l’Amérique à la Chine, de la Chine aux bords du Gange : Tout à coup, au sein même de la patrie, poursuit l’orateur, un cri prodigieux s’élève : le descendant de Cyrus et de César, le maître du monde, avait fui devant ses ennemis ; les aigles de l’Empire, ramenées à plein vol des bords sanglants du Dniepr et de la Vistule, se repliaient sur leur terre natale pour la défendre, et s’étonnaient de ne plus ramasser dans leurs serres puissantes que des victoires blessées à mort.
Il avait reconnu Dussault sous le masque, mais il répondit mal ; au lieu de se disculper sur les articles essentiels, il s’exalta lui-même, il parla avec emphase de ses ennemis : Jusqu’ici, s’écriait-il, j’avais aisément repoussé les traits lancés du dehors ; mais, pour la première fois, j’ai eu affaire à des ennemis maîtres de la place, ils m’attaquaient dans l’intérieur même du journal, au sein de mes foyers ; ma propre maison était devenue leur arsenal et leur citadelle. […] , celui-ci lui avait dit, en concluant d’un ton de maître : « Croyez-moi, c’est un conseil d’ami que je vous donne : renoncez aux dissertations, vous êtes né pour les opéras. » Quand Hoffman fut entré, en 1807, au Journal de l’Empire, Geoffroy put voir s’il avait prédit juste. […] Les matins, il relisait ces auteurs qu’on réimprimait alors et qui sont les maîtres de la vie, La Bruyère, Montesquieu, Don Quichotte, Hamilton, l’abbé Prévost.
Il sort de ce cœur des flammes qui manquent d’aliment, qui dévoreraient la création sans être rassasiées, qui te dévoreraient toi-même… C’est bien cela, et il nous la définit en maître cette flamme sans chaleur, cette irradiation sans foyer, qui ne veut qu’éblouir et embraser, mais qui aussi dévaste et stérilise. […] Ici, il avait affaire à une personne aussi élevée par l’esprit que noble et facile par le caractère, belle et jeune encore, et n’en abusant pas ; qui le comprenait par ses hauts côtés, qui lui ôtait tout sentiment de lien, tout soupçon de tracasserie ; il était gai avec elle, aimable, maussade aussi parfois souriant le plus souvent, et s’émancipant comme un écolier échappé aux regards du maître : « J’ai peur que les temps de courte liberté, dont je jouis si rarement dans ma vie, ne viennent à m’échapper de nouveau. » Il écrivait cela en août 1832, en courant les grandes routes de Paris à Lucerne. […] [NdA] Passe pour Crispin, qui, dans la jolie comédie de Lesage (Crispin rival de son maître), dit, en voyant Mme Oronte et sa fille : « Malepeste !
Rousseau n’est pas seulement un ouvrier de la langue, apprenti avant d’être maître, et qui laisse voir par endroits la trace des soudures : c’est au moral un homme qui, jeune, a passé par les conditions les plus mêlées, et à qui certaines choses laides et vilaines ne font pas mal au cœur quand il les nomme. […] Je dispose en maître de la nature entière… Ne lui demandez pas d’écrire en ces moments les pensées sublimes, folles, aimables, qui lui traversent l’esprit : il aime bien mieux les goûter et les savourer que de les dire : « D’ailleurs portais-je avec moi du papier, des plumes ? […] Je n’ai pu indiquer qu’en courant dans l’auteur des Confessions les grands côtés par lesquels il demeure un maître, que saluer cette fois le créateur de la rêverie, celui qui nous a inoculé le sentiment de la nature et le sens de la réalité, le père de la littérature intime et de la peinture d’intérieur.
Écrivain en prose, Frédéric est un disciple de nos bons auteurs, et, en histoire, c’est un élève, et certes un élève original et unique, et par endroits passé maître, de l’historien du Siècle de Louis XIV. […] Quand on dépouille sa personne de toutes ces drôleries anecdotiques qui sont le régal des esprits légers, et qu’on va droit à l’homme et au caractère, on s’arrête avec admiration, avec respect ; on reconnaît dès le premier instant, et à chaque pas qu’on fait avec lui ; un supérieur et un maître, ferme, sensé, pratique, actif et infatigable, inventif au fur et à mesure des besoins, pénétrant, jamais dupe, trompant le moins possible, constant dans toutes les fortunes, dominant ses affections particulières et ses passions par le sentiment patriotique et par le zèle pour la grandeur et l’utilité de sa nation ; amoureux de la gloire en la jugeant ; soigneux avec vigilance et jaloux de l’amélioration, de l’honneur et du bien-être des populations qui lui sont confiées, alors même qu’il estime peu les hommes. […] Voulant caractériser le génie trop vaste, trop remuant, du cardinal Alberoni, et son imagination trop fougueuse : « Qu’on eût donné deux mondes comme le nôtre, dit-il, à bouleverser au cardinal Alberoni, il en aurait encore demandé un troisième. » Les portraits des personnages qu’il a connus et maniés sont emportés de main de maître, et comme par un homme qui était habile ou même enclin à saisir les vices ou les ridicules.
» Ce trait m’en rappelle un autre d’un homme qui a laissé un vif souvenir chez ceux qui l’ont connu, l’abbé Mablini, le plus exquis et le plus attique des maîtres que notre École normale ait jamais eus. […] M. d’Aguesseau aurait préféré, nous dit son fils, rester dans la pure et véritable magistrature, et passer ses jours dans une charge de conseiller au Parlement de Paris, et il ajoute, en des termes qui rappellent l’hôtel Rambouillet plus subtilement qu’il ne convenait à un ami et à un disciple de Boileau : « Les maîtres des requêtes ressemblent aux désirs du cœur humain, ils aspirent à n’être plus ; c’est un état qu’on n’embrasse que pour le quitter… » Or, cette phrase étrange sur les maîtres des requêtes, comparés aux désirs du cœur qui aspirent à n’être plus, serait inexplicable chez un aussi bon esprit sans une phrase de saint Augustin qui dit cela, en effet, des désirs du cœur humain (sunt ut non sint).
Alfred de Martonne, fils d’un père connu par des études sur la littérature du Moyen Âge, et qui n’y est pas étranger lui-même, a publié, sous le titre d’Offrandes (1851), une cinquantaine de sonnets qui attestent le commerce des maîtres en ce genre. […] Cette poésie banale, travaillée par les maîtres, presque usée par les disciples, est en quelque sorte dans l’air ; on peut s’en saisir et ne pas, pour cela, savoir se donner l’accent particulier et qui distingue. […] Dans ce poème, il y a de la composition, du dessin, un ordre sévère, une division habile, une description poétiquement amenée des principaux tableaux du maître ; il y règne, d’un bout à l’autre, un sentiment élevé du sujet.
Il tâtonna, il s’essaya, il ne donna point sa mesure entière de talent tant qu’il ne fut point en chef et maître de tous ses mouvements : c’est sa première période jusqu’en août 1830. […] Carrel, à l’école de ce maître, exerça et fortifia ses qualités fermes et précises, et s’accoutuma à ne jamais les séparer de l’idée qu’il se formait du talent. […] Ce général (s’il l’avait été, en naissant vingt-cinq ans auparavant) aurait certainement écrit tôt ou tard ; il aurait raconté ses campagnes, les guerres dont il aurait été témoin et acteur, comme on l’a vu faire à un Gouvion Saint-Cyr ou à tel autre capitaine de haute intelligence ; mais ici, dans l’ordre littéraire ou historique, ce n’est pas seulement ce qu’il a senti et ce qu’il a fait que Carrel doit exprimer ; il est obligé d’accepter des sujets qui ne le touchent que par un coin, de s’y adapter, de s’y réduire, d’apprendre l’escrime de la plume, la tactique de la phrase ; il y devient peu à peu habile, et, dès qu’un grand intérêt et la passion l’y convieront, il y sera passé maître.
En ces veines de dissipation, il est très humilié de ne pas savoir danser, condition alors essentielle pour un jeune homme ; il reprend un maître de danse, ce qu’il a fait bien des fois avec un médiocre succès39. […] Mais Courier va plus loin, il doute de l’art militaire même et du génie qui y a présidé dans la personne des plus grands capitaines ; il doute d’Annibal, il doute de Frédéric, il doute de Napoléon ; lui qui a l’honneur de servir sous Saint-Cyr et qui le reconnaît « le plus savant peut-être dans l’art de massacrer », il ne prend nul goût à s’instruire sous ce maître ; il a l’air de confondre Brune et Masséna ; la première campagne d’Italie pour lui n’est pas un chef-d’œuvre. […] Il y a là de quoi faire quelque chose comme le Jugurtha de Salluste, et mieux, en y joignant un peu de la variété d’Hérodote, à quoi le pays prêterait fort ; scène variée, événements divers, différentes nations, divers personnages ; celui qui commandait était encore un homme, il avait des compagnons ; et puis, notez ceci, un sujet limité, séparé de tout le reste ; c’est un grand point selon les maîtres : peu de matière et beaucoup d’art.
Mais moi, qui ne suis pas obligé d’apprendre par cœur le dogme dans le Catéchisme universitaire, moi qui ne suis pas même maître d’études, j’ai le droit d’apercevoir sous les passions et les doutes qui ont arraché à Musset, Byron, Hugo, des confessions navrantes, le roman moral de toute une génération, — et de le dire hautement. […] » Et, tout humilié de cette victoire sur-lui-même, Champfleury obéit à sa conscience : en sorte que tous les insulteurs de notre chère langue française sont autorisés à l’appeler publiquement leur maître. […] Si le maître de céans rencontrait parfois, dans les jeux de cette langue factice, le ravissant et le joli, — eux, ils n’aboutissaient qu’à des madrigaux manqués.
Ils les nomment : la chose, l’être, la créature de brousse (kongomorho bambara, moutâné ndâzi) l’homme de l’eau (moutâné rouha), le maître de l’eau (diandiam en peuhl)70. […] (Les maîtres de la nuit, Le cabri, etc.). […] Le guinné altéré. — Les maîtres de la nuit. — S.
Ajoute-t-on qu’il faut s’abstenir de ramener sur la scène ceux que nos grands maîtres y ont présentés avec tant d’éclat ? […] Les maîtres de la nouvelle école parlent beaucoup de vérité. […] Je dirai seulement aux partisans du premier : Soyez vrais, soyez-le, s’il vous est possible, plus que vos maîtres et les nôtres ; mais n’exagérez pas même cette qualité que vous mettez avec raison au-dessus de toutes les autres.
Maître de ses sens qu’il a domestiqués, il a le calme, la placidité d’un sage et la vertu d’un stoïcien. […] Aujourd’hui, raillant et ridiculisant ses maîtres de la veille, il se proclame lui-même le grand poète, le réformateur de l’esthétique. […] « À force de pontifier, il a fini par se faire prendre au sérieux par tous les aspirants à la littérature qui lui donnent du “cher Maître”, bien qu’il n’ait pas encore atteint sa vingt-deuxième année.
Qu’est-ce qu’un homme maître de lui-même ? […] Le maître de philosophie de M. […] Le maître de philosophie de M.
Qu’on ne s’étonne pas de ce mot : tous les peuples désirent que leur maître, soit grand, et aiment à se le persuader. […] Cet homme hardi et brillant, fait pour éblouir le peuple, pour subjuguer les grands, pour opprimer le roi, courant à la grandeur par les factions, et à la renommée par l’avilissement de son maître ; qui s’occupait de le détrôner sans daigner le haïr ; et qui, par mépris, ne s’apercevait pas même qu’il s’en était fait craindre, vivant pouvait être coupable, mais assassiné ne parut qu’un héros. […] Il finit par exhorter tous les seigneurs de la cour qui étaient présents, à ne jamais prendre les armes que par l’ordre et pour le service de leur maître, s’ils voulaient, comme Du Guesclin, remplir les devoirs de la chevalerie, et mériter à la fois l’approbation de Dieu et l’estime des hommes.
Oui, pendant que debout je regardais ébloui, la tête nue, et que je lançais au loin mon âme sur la terre, l’Océan, les airs, maître de toutes choses par la puissance du plus ardent amour, là je t’ai sentie, ô liberté ! […] mais nous devons avouer que même ici peut se trouver le bonheur, et que celui qui est le maître bienfaisant nous a donné sa paix sur la terre, et son espérance pour le ciel. » Le pieux ministre, qui, même dans les effusions de sa tendresse domestique, avait toujours la sévère douceur de la pensée chrétienne, ne la perdait guère, on peut le croire, dans ses travaux et ses études. […] « C’est là le premier martyr, dont l’œil sut pénétrer au-delà du tombeau, qui aperçut son maître dans les cieux, et l’invoqua pour être sauvé.
On dirait que l’huissier porte en lui un peu de la puissance du maître. […] Et partout est passé un peu de l’esthétique, de la vision et de l’imagination du maître. […] Les œuvres, il les donnera, j’en suis convaincu ; le maître, il le sera. […] Mais chacun est un maître, dans le conte. […] Et tes maîtres d’aujourd’hui font ce que nous avons fait.
Gigleux ait subi l’influence de ces deux maîtres, et je ne vois point qu’il y ait à l’en blâmer, car le charme de Musset allié à la vigueur nerveuse du poète des Trophées ne peut manquer de donner un résultat qui fasse honneur aux lettres françaises.
Ce Prince joignit au titre de Bibliothécaire, une Charge de Maître des Requêtes, & le nomma, peu de temps après, Ambassadeur auprès de Leon X.
Faut-il que l'art de penser, le plus beau partage des Hommes, devienne une source de ridicule, & que les Gens d'esprit, rendus souvent, par leurs querelles, le jouet des sots, soient les bouffons du Public, dont ils devroient être les Maîtres » ?
Les estampes multiplient à l’infini les tableaux des grands maîtres.
Il ne le fait pas à haute voix et pour se montrer maître de soi, ce qui alors serait naturel, il le fait simplement pour son bonnet. […] Célibataires et maîtres d’eux-mêmes, ils se livrèrent librement à leurs passions d’artistes. […] C’est à faire préférer les gredins qui, du moins, sont décrits de main de maître et qui n’endorment pas. […] Une fois maître du roman, l’élément féminin se cramponna à son butin. […] Nous savons ce que furent— dans les grandes lignes et en maîtres — Homère, Eschyle, Dante et Shakespeare.
Et au moment où il se croyait le maître, il retomba tout naturellement dans la vieille ornière de l’autorité et du despotisme. […] Shakespeare se sert du monde comme d’un champ sans borne et sans horizon où il fauche, et récolte en maître. […] Hugo, et qu’elles expriment très finement ce que les disciples du grand lyrique français découvraient dans l’art plastique du maître. […] Perfide, oubliez-vous que je suis votre maître ? […] Nous étions les maîtres, nous régnions, nous avions l’empire !
Les maîtres pour qui je ne vote pas m’excuseront s’ils connaissent les Parques.
Rousseau, en lui adressant une Epître, se fait gloire d’imiter son style & de le regarder comme son maître.
Si j’avais eu à peindre la descente de Venus dans les forges de Lemnos, on aurait vu les forges en feu sous des masses de roches ; Vulcain debout, devant son enclume, les mains appuyées sur son marteau ; la déesse toute nue lui passant la main sous le menton ; ici le travail des Ciclopes suspendu ; quelques-uns regardant leur maître que sa femme séduit, et souriant ironiquement ; d’autres cependant auraient fait étinceler le fer embrasé.
Le Clerc, était au complet, et chacun des maîtres a tour à tour adressé au candidat, déjà maître lui-même, des objections ou remarques qui le plus souvent n’étaient pour lui que l’occasion de réponses développées et accueillies avec éloge.
C’est, d’ailleurs, que Stendhal n’est pas seulement un des écrivains les plus originaux de ce siècle, mais qu’un certain nombre de lettrés, sincèrement ou par imitation, les uns pour paraître subtils et les autres parce qu’ils le sont en effet, considèrent Beyle comme un maître unique, comme le psychologue par excellence, et lui rendent un culte où il y a du mystère et un orgueil d’initiation. […] Ses maîtres de philosophie sont Hobbes, Helvétius et Destutt de Tracy.
Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard I M. […] Las d’un petit genre où il était le maître, il s’est efforcé loyalement vers une maîtrise supérieure.
Il est permis à un grand maître d’oublier quelquefois qu’il y a des couleurs amies ; Chardin jettera pêle-mêle des objets rouges, noirs, blancs ; mais ces tours de force-là, il faut que M. […] Ces dessins sont charmans, et un grand maître ne les désapprouverait pas.
dès la première ligne de son ouvrage, l’éloquent historien en convient, du reste : « A côté de la puissante figure de Grégoire VII, il en est une — dit-il — qui semble s’effacer d’elle-même et se mettre pieusement dans l’ombre où les historiens l’ont laissée… » Et après un rapide coup d’œil sur ce qui restait de l’empire de Charlemagne et de la domination allemande au temps de Mathilde, comme pressé et presque haletant d’arriver au grand homme qui d’un geste arrêta l’empereur et toute sa féodalité derrière lui aux portes de l’Église épouvantée, il s’adresse, dès la page 4, la question brûlante : « D’où venait cet homme qui, de son autorité, se rangea parmi les maîtres du monde, et dont le nom est un des noms les plus retentissants du passé ? […] Comme Jésus, il était fils d’un charpentier ; comme son maître, il avait vidé son calice d’amertumes.
Hoffmann resta toute sa vie dans l’entre-deux, entre cette foi au surnaturel sans laquelle il ne saurait y avoir de vrai fantastique, et cette comédie de terreur qu’Anne Radcliffe nous a jouée en maître. […] La fameuse Correspondance entre le baron Walborn et le maître de chapelle Kreisteren en est un exemple frappant… On peut rendre le squelette d’un roman, d’un tableau ; il est impossible de rendre le squelette d’une symphonie… » — « Je ne conseillerais à personne — ajoute un peu plus bas Champfleury — de renouveler ces tentatives, qui ne peuvent être comprises que par une vingtaine de personnes dévouées, intelligentes, s’attachant à tout ce qui sort de la plume d’un auteur et prenant la peine de l’étudier pendant des années entières. » Éloge, en langage négligé, plus singulier encore que les singularités d’Hoffmann lui-même !
, dans Lara, ce poème fait avec dix mystères, Kaled, le page, aime d’un amour sans sexe le maître de sa vie. C’est de l’éther qui s’embrase à force d’être concentré… Il aime son maître comme on aime Dieu !
Mais nous apportent-ils l’un et l’autre une si grande découverte que l’un soit à juste titre d’une satisfaction si orgueilleusement modeste, quand il se regarde, et l’autre d’une si fringante impertinence quand il regarde ses prédécesseurs et ses maîtres ? […] Taine a parfaitement appris, à l’école d’où il est sorti, le défaut de l’armure de ses maîtres, la vacuité de leurs systèmes, le vice de leur enseignement et les grimaces de leurs prétentions.
l’abbé Monnin me paraît doué d’assez de goût, de possession de soi, d’amour de la simplicité et de la couleur par-dessus le marché, pour avoir, s’il l’avait voulu, imité les vieux maîtres, et pour nous entretenir de son saint à la manière des anciens hagiographes. […] Le verbe s’était fait chair, chez ce disciple de Jésus-Christ, comme il s’était fait chair en son divin Maître, qu’il ne pensa jamais qu’à imiter, — imitation, préhension, possession plutôt, par l’amour !
Jusqu’ici nous n’avions à juger que les écoliers de l’École, les Saisset et les Simon, les minces qui bégaient et zézaient, comme ils peuvent, dans le silence du maître, la philosophie qu’il a parlée, lui, avec cette grande voix de Fontanarose dont nos oreilles sourient encore… Eh bien, c’est cette voix qu’il nous fait entendre à nouveau, en réimprimant ses anciennes œuvres ! […] l’incroyable aveu de son ancien maître, à la page 75 de ses amusants et terribles Philosophes salariés, comme s’il avait voulu nous donner, à nous autres critiques, une juste idée de l’homme qui, à quatorze ans de distance, caractérise de cette gaillarde manière le livre qu’il réimprime avec un si grand sérieux aujourd’hui.
Autrefois, les maîtres mettaient à genoux les élèves. À présent, les élèves y mettent leurs maîtres.
Sous un règne où tout avait une certaine pompe, où le souverain en imposait par la dignité, où l’admiration publique, sentiment presque habituel, devait élever les expressions comme les idées, il semble que la manière oratoire devait être plus à la mode qu’un style moins soutenu, et par conséquent moins rapproché de la dignité du maître. […] L’orateur peint cette multitude féroce dont on se sert pour changer la destinée des empires ; il fait voir le soldat arraché de ses campagnes, les quittant par un esprit de débauche et de rapine, changeant de maîtres, s’exposant à un supplice infâme pour un léger intérêt, combattant quelquefois contre sa patrie, répandant sans remords le sang de ses concitoyens, et sur le champ de carnage attendant avec avidité le moment où il pourra de ses mains sanglantes arracher aux mourants quelques malheureuses dépouilles qui lui sont bientôt enlevées par d’autres mains.
Arbitres des élégances, petits maîtres, créateurs d’œuvres légères ou durables, ils jouissent de l’une des plus grisantes formes du succès. […] Dans l’ordre littéraire, les maîtres ouvrages de Verlaine et de Mallarmé étaient déjà fameux. […] Les premiers disciples du maître, à son exemple, écrivirent librement tout en respectant le cadre du vers. […] Pour le trouver et en user, il est maître d’un lexique fort étendu. […] Par toute son industrie, au contraire de ces maîtres, il isole soigneusement son sujet de la vie, il le détache, n’expose qu’un cas nettement déterminé.
La perfidie que vous m’enseignez, je la pratiquerai et j’aurai du malheur si je ne surpasse pas mes maîtres ! […] » s’écrient nos maîtres et leurs thuriféraires. « Mourir pour la Patrie, c’est le sort le plus beau ! […] Mais, en 1814, nos chers maîtres les Russes ayant occupé Fontainebleau, après la banqueroute du Corse adoré par MM. […] Furieux d’orgueil, jaloux de nos maîtres actuels, il aspire, lui aussi, à la tyrannie. […] La plupart se croient perdus dès qu’ils ne se sentent plus tenus en lisière par les maîtres qu’ils se donnent.
Il ne visait pas d’abord à être auteur ; maître chéri et familier de ses élèves, c’étaient d’abord de petites comédies qu’il écrivait pour leur divertissement. […] Töpffer que, sur ce visa du maître, les gens pourraient bien s’en accommoder, et, à son loisir, il autographia plusieurs de ces fantaisies. […] Une épigraphe commune sert de préface à ces petits drames en caricature : « Va, petit livre et choisis ton monde ; car aux choses folles, qui ne rit pas bâille ; qui ne se livre pas résiste ; qui raisonne se méprend, et qui veut rester grave en est maître. » Mais, sans vouloir raisonner, et en croyant seulement consulter notre goût d’ici, j’avouerai que je leur préfère et je n’hésite pas à recommander surtout deux relations de voyages par M. […] Il a des moments sublimes, d’autres détestables ; il emporte son maître et lui joue des tours. […] C’est la description de cette crise, dans toutes ses péripéties, que l’auteur a retracée avec un naturel parfait et comme minute par minute : joli tableau malicieux qui semble pointillé par la plume de Charles Lamb, ou sorti du pinceau d’un maître flamand.
J’ai autrefois parlé de Millevoye, et il m’est arrivé même d’écrire sur Léonard ; oublier après eux, ou bien omettre tout exprès Parny, c’est-à-dire le maître, ce serait dureté et injustice. […] Doué d’un goût musical très-vif et très-pur, comme l’atteste assez la mélodie toute racinienne de ses vers, mais de plus ayant cultivé ce talent naturel, il devint le maître de musique de la jeune créole qu’il a célébrée sous le nom d’Éléonore : O toi qui fus mon écolière En musique, et même en amour… Dans ce temps, il y avait à Bourbon une très-grande disette de professeurs en tout genre ; on était réduit à faire apprendre à lire et à écrire aux jeunes gens, même aux jeunes filles, par quelque lettré de régiment. […] La jeune personne, l’Héloïse nouvelle auprès de laquelle on l’accrédita imprudemment en qualité de maître de musique amateur, n’avait que de treize à quatorze ans. […] « Vous savez que je ne suis pas maître de mes idées ; quand elles arrivent, elles m’entraînent. […] P. » On aura remarqué cette espèce d’aveu que fait Parny qu’il n’est pas maître, à certains moments, de ses idées, et que sa verve l’emporte : c’est qu’en effet, sous sa froideur apparente et sa sobriété habituelle de langage, il avait, jusqu’à la fin, de ces courants secrets et rapides de pensée qui tiennent aux poëtes ; aux saisons heureuses, et quand il ne fait pas encore froid au dehors, cela s’appelle la veine.
Mais qu’en somme cet évangile soit sorti, vers la fin du premier siècle, de la grande école d’Asie-Mineure, qui se rattachait à Jean, qu’il nous représente une version de la vie du maître, digne d’être prise en haute considération et souvent d’être préférée, c’est ce qui est démontré, et par des témoignages extérieurs et par l’examen du document lui-même, d’une façon qui ne laisse rien à désirer. […] L’expression de « royaume de Dieu », qui était si familière au maître 56, n’y figure qu’une seule fois 57. […] C’est l’auteur de cet évangile, en effet, qui est le meilleur biographe, comme si Platon, tout en prêtant à son maître des discours fictifs, connaissait sur sa vie des choses capitales que Xénophon ignorât tout à fait. […] Uniquement attentifs à mettre en saillie l’excellence du maître, ses miracles, son enseignement, les évangélistes montrent une entière indifférence pour tout ce qui n’est pas l’esprit même de Jésus. […] En même temps, d’ailleurs, qu’on voulait peindre le maître, on voulait le démontrer.
Celle-ci est faite avec soin & bien écrite ; mais on désireroit qu’elle fût plus animée ; que l’auteur se fût rendu plus maître des tours de son original, & que sans perdre de vue son modèle, il l’eût dessiné plus librement. […] Après avoir suivi les meilleurs maîtres qui fussent pour lors à Rome, il alla dans la Grèce pour se perfectionner dans cette ancienne patrie des Arts. […] L’une théologique, où il rapportoit les sentimens des maîtres de l’école ; & l’autre jurîdique tirée tantôt du droit canon, tantôt du droit civil. […] La noblesse des idées, la variété des images, la pureté de la diction, tout annonce en lui un grand maître. […] Les maîtres d’éloquence donnent pour regle de choisir dans une cause, les deux moyens les plus concluans, l’un pour ouvrir, l’autre pour fermer la marche, & de placer au centre ceux qui sont les moins capables de résister à l’ennemi ; mais Cochin cherchoit à fixer d’abord l’incertitude des juges en débutant par le moyen le plus décisif.
Maître enfin du pouvoir, comment Bonaparte va-t-il en user ? […] Ou bien le lyrisme reste seul maître de la place. […] Perds peu de temps avec les camarades et suis en toutes choses les avis de tes maîtres et les conseils de ton père et de ta mère. […] C’est par où le disciple se distingue de ses maîtres. […] Et, si chacun est maître de sa forme, ne suis-je pas libre d’entendre les mots au sens où il me plaît et de les associer à mon gré ?
Ils ouvrent de nouvelles voies, et c’est engager toute sa vie que les prendre pour maîtres et pour conseils. […] Ce mot, inconnu il y a un siècle, est aujourd’hui le souverain maître de toutes les vies. […] Ils disent vous à leurs maîtres, qui les tutoient. […] On peut tout dire devant eux ; à la volonté du maître, ils n’ont point d’oreilles. […] Quels sont les maîtres de cette parole et de cette prière ?
Cicéron, réduit à vivre sous un maître, ne s’occupa plus que de littérature et de philosophie. […] Le mal était fait dans la faiblesse de la république, qui ne pouvait plus se sauver d’un maître qu’en se donnant un protecteur, c’est-à-dire un autre maître. […] Au commencement de ce voyage, le pouvoir de Séjan sur son maître s’accrut encore par un incident fortuit. […] Sans doute il avait également étudié, sous des maîtres habiles, toutes les parties des belles-lettres. […] Que Virginie est touchante lorsqu’elle va demander à un maître barbare la grâce de la pauvre négresse !
Celui-ci l’aime d’un véritable amour ; il a adopté sa vision délicate de la vie réelle et du monde mystique ; il porte un peu, à son chapeau, la cocarde du maître.
Grenier a, dans son style, la pureté racinienne ; il est un des rares survivants de l’école de Lamartine, mais il a plus de correction que le maître.
Alphonse Lemerre Le maître prosateur qui a écrit de si charmantes nouvelles, Marocca, Boule de suif, l’Héritage, a débuté dans les lettres sous une étoile heureuse.
L’Abbé de Chaulieu surpassa son Maître à beaucoup d’égard.
JARDIN, [Benigne du] ancien Maître des Requêtes, né à Paris en 17..
Nous devons tous deux nous connaître : S’il perd un fichu Serviteur, Ma foi je perds un fichu Maître.
Il faut cependant convenir qu’il a surpassé son Maître, c’est-à-dire, que, né avec plus d’esprit, ayant moins écrit, ses Ouvrages sont plus purs, plus exacts du côté du langage.
Cependant quelques morceaux excellents, échappés à ces grands maîtres, prouvent que si toutes les parties du tableau avaient été retouchées avec le même soin, nous posséderions des enfers aussi poétiques que ceux d’Homère et de Virgile.
Des chambres séparées pour les maîtres de quartier ou répétiteurs.
Mais tous, tant que nous sommes, voyons-nous aujourd’hui Jules César et Scipion l’Africain comme nos premiers maîtres nous les donnaient ? […] Mais, si rapides qu’aient passé les règnes de ces maîtres, la durée en fut encore imposante si on la compare à l’existence éphémère de la période romantique. […] Si nous en croyons les maîtres de tous les temps, ces écrivains à qui jamais la pensée n’est venue de mépriser l’activité des citoyens d’Athènes, des habitants de Ferrare ou de Florence, une nature oisive et constamment pâmée n’est pas plus belle dans l’art que dans la nature. […] La ressemblance avec Brutus, quelquefois invoquée dans l’ouvrage, n’a rien de réel ; Brutus était menacé de mort ; Lorenzaccio tout au contraire est le favori du maître. […] Rabelais, Érasme, n’auraient plus besoin d’abuser les maîtres du pouvoir par des gentillesses ; ils passeraient de plein droit entre les sentinelles.
Et pour cette Maison, où, en comptant le Maître, il y a huit bouches à nourrir, Audiger arrive à la somme de quatre cent huit livres par mois, et à la somme par « chacun an » de quatre mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf livres. […] Quant au maître, il peut dépenser, tant pour sa chambre garnie que pour le logement de ses gens, et pour sa pension et nourriture, un écu par jour ; ce qui fait par an : 1 098 l. […] L’autre, un dessin aux deux crayons, n’est qu’une contre-épreuve de Watteau, mais ils méritent vraiment d’être encadrés, — ces doubles du dessin original, un rien atténués dans les valeurs, — quand ils sont du grand maître français, et ne payait-on pas dans le siècle dernier, à la vente de Mariette, des mille francs, des contre-épreuves de Bouchardon ? […] De Watteau, ce maître de la main, et cet admirable interprète de sa nervosité, c’est une feuille de cinq mains de femmes, dans différents mouvements, et desquelles, l’artiste, seulement avec de la mine de plomb, et de la sanguine pourprée qui est à lui seul, a fait de la chair peinte. […] Frantz Jourdain, peint, dans un lavis d’encre de Chine, par Besnard (1890), sur un exemplaire de : À la côte, un lavis dont la pochade sort de dessous le pinceau d’un maître.
. — Le Mandarin, 2e partie, Un maître (1896) ; 3e partie, L’Épouvante (1896). — La Chanson du moulin à vent (1897). — La Glaneuse (1897). — Un gueux (1898). — Régina Sandri (1898). — La Fleur (1898). — Poupée japonaise (1899).
Je ne saurais m’en plaindre, j’appartiens par mes maîtres au passé. […] Le maître sort victorieux, au bout de sa pince, une pièce rouge : “Voilà, messieurs !” […] Le maître s’est assis. […] Nul ne sait aujourd’hui qui eut raison ou tort, de César ou de Pompée, maîtres du monde ! […] Une fois parti, nous resterons maîtres du terrain.
Nous ne sommes pas tellement maîtres de nous que nous puissions limiter à notre gré nos aspirations et nos besoins. […] Grâce à notre appauvrissement et aux efforts d’une instruction d’année en année plus intense et plus complète, ils devinrent nos maîtres comme nous avions été les leurs. […] Des siècles s’écoulèrent jusqu’à ce que l’homme, jouet de la nature, en fût devenu le maître. […] Là nous entendons le disciple qui avait vu de ses yeux, qui de ses mains avait touché le Maître. […] Il faut ajouter Pêcheurs d’Islande, paru postérieurement et que nous jugeons être le maître d’ouvrage de l’auteur.
Enfin Rousseau était arrivé ; elle avait reconnu son maître, elle avait subi le charme impérieux de cette logique ardente, et son divorce avec le catholicisme fut consommé. […] On dit que Mme Sand a eu plusieurs maîtres de philosophie. […] Mais son premier maître de philosophie a été son cœur, un maître plein d’illusions et de chimères, et ce n’est que par l’intermédiaire de celui-ci que les autres ont pu agir et se faire écouter. […] Un maître de la critique, M. […] Les maîtres sont pourvus, riches et satisfaits.
Ils font à souhait son jeu au maître farceur.
Gide est devenu, après maintes œuvres spirituelles, l’un des plus lumineux lévites de l’église, avec autour du front et dans les yeux toutes visibles les flammes de l’intelligence et de la grâce, les temps sont proches où d’audacieux révélateurs inventeront son génie… Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu’à l’originalité du talent le maître des esprits a voulu qu’en cet être singulier se joignit l’originalité de l’âme.
. — Maîtres anciens (1882). — La Peinture italienne (1885). — La Vie et l’œuvre du Titien (1886).
On a pu regarder pendant quelque temps Lamotte & Henri Richer, comme les imitateurs de la Fontaine, en laissant toujours une distance très-grande entre le Maître & les Disciples.
lvii. « Le maître intérieur et universel dit toujours et partout les mêmes vérités. Nous ne sommes point ce maître. […] Nul sens ne s’allie moins à l’âme et n’est plus au service du corps ; il flatte, il sert le plus grossier de tous les maîtres, l’estomac. […] Il faut bien le dire aussi : les portraits de ces deux habiles maîtres n’ont pas l’importance historique de ceux de leurs devanciers. […] Les plus forts sont les maîtres de plein droit.
De tout temps, ç’a été le travers des disciples et des imitateurs d’exalter surtout les défauts du maître. […] … Quel échange de sentiments, quelle fusion d’intelligence possibles entre le maître et l’esclave ? […] Quasimodo et Triboulet, les deux héros bossus, avaient épuisé la veine entre les mains du maître. […] Pour le riche lui-même, pour le maître de la terre ou de la fabrique, c’est le type de tous les vices. […] Homme sans passions ou maître de ses passions ?
Divisée en sept corps d’armée et commandée par des lieutenants assouplis à la main du maître, Marmont, Bernadotte, Davout, Soult, Lannes, Ney, Augereau, Oudinot, Murat, elle présentait deux cent mille combattants aguerris, attendant à Wurzbourg la présence de Napoléon. […] Les vainqueurs, disposant en maîtres de ces villes presque abandonnées, établissaient leurs magasins et leurs hôpitaux dans les églises et les lieux publics. […] Ce général égale et souvent surpasse son maître ; il ne lui manque que le commandement suprême, qui attribue la gloire à celui pour qui meurent ou triomphent ses lieutenants. […] La conscience reprend ses droits ; c’est un des crimes historiques les plus fortement burinés par un écrivain contre un maître du monde. […] Lannes reçut avec une sorte de satisfaction convulsive les étreintes de son maître, et exprima sa douleur sans y mêler aucune parole amère.
Au bout d’une causerie sur l’art qui lui apporte une espèce d’enivrement, s’arrêtant au milieu de l’escalier qu’il descend, et renversé sur la rampe, en face d’un dessin de Watteau, représentant : Le Printemps, peint par le maître dans la salle à manger de Crozat, les yeux tout ronds, le bout du nez fébrilement dilaté, la bouche contractée comme en une dégustation gourmande, Groult au milieu de paroles en déroute, coupées par cette phrase : « Vous les verrez, Monsieur, chez moi ! […] Constable, le grand, le grandissime maître… Il y a parmi ces toiles, un Turner : un lac d’un bleuâtre éthéré, aux contours indéfinis, un lac lointain, sous un coup de jour électrique, tout au bout de terrains fauves. […] Le second acte, le clou de la pièce, et dont la connaissance qu’il a du Palais, m’a fait adresser à lui, Ajalbert, à la fois un littérateur et un avocat, commence au moment, où le Président dit : « Maître un tel, vous avez la parole… » C’est donc dans une plaidoirie et une défense d’accusée, qu’est toute l’exposition de la vie de la femme — et ceci est pour moi une trouvaille originale — puis la condamnation à mort, comme elle l’est à peu près dans mon livre. […] » Et tout le monde couché au coup de canon de neuf heures et demie : le maître voulant que tout le monde soit au lit, et agacé de savoir que Mme Lockroy restait levée dans sa chambre. […] Éloge que Dupré coupe au milieu, par cette phrase : « Je dois vous déclarer que les trois tableaux que vous avez le plus loués, ne sont pas de moi… ils sont d’un jeune homme chez lequel il faut que je vous mène. » Le jeune homme était Rousseau, et Corot sortant du pauvre atelier de Rousseau, disait à Dupré : « Derrière cette petite porte, il y a notre maître à tous les deux !
Rien qu’à la largeur de la coupe on peut prendre idée de la manière du maître : « Allons, ô mon hôte, bois ! […] Son père, compositeur de musique et ami de Sacchini, de Gluck, a donné des opéras et d’autres morceaux lyriques appréciés des maîtres. […] Un peu plus tôt, un peu plus tard, l’aimable société avait son terme marqué vers ce moment qui enleva plusieurs de ses principaux convives : l’un des Ségur mourut, l’aîné devenait maître des cérémonies ; Després, nommé secrétaire des commandements du roi de Hollande, et d’autres membres encore, appelés à de graves fonctions officielles, durent renoncer à des amusements qui semblaient incompatibles avec l’étiquette renaissante. […] Il a, du premier jour et sans y songer, effacé le pâle Laujon, redonné la main aux maîtres gaulois de vieille race, et n’a pas été détrôné à cet endroit, même par Béranger.
Pour tant de jeunes, il n’y a pas de maîtres, ni de talents : rien que des « voix » à ménager, — des « voix politiques » ! […] On travaille aujourd’hui non pour produire une œuvre selon son cœur, mais pour entrer dans tel ou tel mouvement, plaire à tel ou tel maître et, par-dessus le marché, la bonté des chers maîtres s’en mêle, cette sorte de trémolo social qu’on emploie pour accompagner le geste élégant de protection qu’il convient d’étendre sur la tête du candidat. […] Je n’ai rien, Dieu merci, d’un cher maître… seulement je suis une femme !
J’ai eu depuis des maîtres autrement brillants et sagaces ; je n’en ai pas eu de plus vénérables, et voilà ce qui cause souvent des dissidences entre moi et quelques-uns de mes amis. […] Il me fallut six années de méditation et de travail forcené pour voir que mes maîtres n’étaient pas infaillibles. Le plus grand chagrin de ma vie a été, en entrant dans cette nouvelle voie, de contrister ces maîtres vénérés ; mais j’ai la certitude absolue que j’avais raison, et que la peine qu’ils éprouvèrent fut la conséquence de ce qu’il y avait de respectablement borné dans leur manière d’envisager l’univers. […] De là vient en partie mon inaptitude à laisser ma pensée se gouverner par la rime, inaptitude que j’ai depuis bien vivement regrettée ; car souvent le mouvement et le rythme me viennent en vers, mais une invincible association d’idées me fait écarter l’assonance, que l’on m’avait habitué à regarder comme un défaut et pour laquelle mes maîtres m’inspiraient une sorte de crainte.
L’artiste aujourd’hui est maître de son outil ; il a su le rendre docile tout en le gardant farouchement personnel. […] J’entends qu’ils subissent les mystérieuses lois de la prosodie non formulée, instinctive, mais ayant cependant ses règles inécrites, laquelle a été tout simplement le secret des maîtres. » — Oui, mais cette prosodie inécrite comprend plus de secrets particuliers que de secrets communs à tous les maîtres. […] Et le critique devrait encore découvrir le secret de chaque maître, nous faire sentir en quoi diffèrent l’alexandrin de Racine sinueux et profond comme un sourire dessiné par Vinci et l’alexandrin de Corneille solide et précis comme sur une médaille un profil de Romain.
Elle a la servilité idolâtre d’une vieille concubine arabe accroupie, dans l’angle de la tente, devant le maître et l’époux. […] Un mariage l’en ferait le seigneur et maître. […] Le père n’y peut plus rien ; le sculpteur, maître de la glaise, n’a plus de droit sur le bronze. […] Mais, comme j’ai fait imprimer ma tragédie avec les deux dénouements, les directeurs des théâtres seront les maîtres de choisir celui qu’il leur conviendra d’adopter. » Ainsi, les directeurs endurcis laissaient impitoyablement le More poignarder l’innocente Hédelmone : Eh bien, meurs !
Je crois cependant, avec le respect que nous devons à nos maîtres, que le but de tous ces ouvrages n’a été que de plaire par l’imitation. […] Nous avons d’un des maîtres de l’art une ode pindarique, où il n’a pas mis un autre désordre que celui que je reconnois ici pour une beauté. […] Ma hardiesse ne va qu’à poser pour principe la possibilité de surpasser nos maîtres ; et il me semble qu’on est enfin parvenu à en convenir : mais quand cette idée seroit aussi fausse qu’elle est vraie, l’illusion ne laisseroit pas d’avoir encore ses avantages. […] Nous avons un avantage qui manquoit aux anciens, puisqu’ils sont nos maîtres, et qu’ils n’en ont pas eu, du moins d’aussi parfaits.
Et les bruits du foyer que l’aube fait renaître, Les pas des serviteurs sur les degrés de bois, Les aboiements du chien qui voit sortir son maître, Le mendiant plaintif qui fait pleurer sa voix. […] Nul ne sait, à moins d’avoir été bouvier, pasteur, soldat, chasseur ou solitaire comme moi, combien il y a d’amitié entre les animaux et leur maître. […] Dieu est Dieu ; les prés, les terres et les maisons sont à lui, et il les change de maître quand il veut ! […] Un seul vieux chien invalide se traîna péniblement à ma rencontre, et poussa quelques tendres gémissements en léchant les mains de son maître.
Eutrope était un favori tout-puissant auprès de l’empereur Arcade, et qui gouvernait absolument l’esprit de son maître. […] Je sais bien que Louis XIV n’a pas eu l’honneur d’être le maître ni le bienfaiteur d’un Bayle, d’un Newton, d’un Halley, d’un Addison, d’un Dryden : mais dans le siècle qu’on nomme de Léon X, ce pape avait-il tout fait ? […] Il eut plus que de la fortune, il eut la faveur et quelquefois la familiarité d’un maître dont un regard était un bienfait. […] C’était M. de Colbert, me direz-vous ; je l’avoue, et je prétends bien que le ministre doit partager la gloire du maître.
Le parasite, pourvu qu’il soit aimable avec le maître de la maison, pourvu qu’il flatte ses goûts, ses manies, et pourvu qu’il montre à chaque instant à quel point le patron est un homme supérieur, le parasite est plus maître dans la maison que le maître de la maison lui-même, et il est ce que tu me vois être, gros et gras, frais et la mine vermeille, admirablement vêtu et faisant l’envie de tous les honnêtes gens…. » Ce passage, très amusant, est d’une philosophie historique fort curieuse. […] Naguère en m’arrêtant il m’a traité de maître, Le long temps et l’habit me l’ont fait méconnaître : Autant qu’il était propre, aujourd’hui négligé, Je l’ai trouvé d’abord tout triste et tout changé, « Est-ce vous ?
La préoccupation du maître était déjà tournée sur le personnage, et il m’a dit une fois que le sujet l’avait bien des fois tenté, sans qu’il eût jamais eu occasion d’écrire sur lui : « Mais il y a, ajoutait-il, un portrait à faire. » La lettre qu’on va lire, antérieure de près de deux ans à la publication des articles qui ont paru dans le Temps, me semble être le fruit et le résumé d’une opinion qui n’a pas changé : « Ce 9 février 1867.
Cette Piece n'est, dans le fond, qu'un amas de pensées boursoufflées, d'allusions froides & puériles, telles que celle-ci, où, en parlant du poignard de Pyrame, il dit : Le voilà, ce poignard, qui du sang de son Maître S'est souillé lâchement ; il en rougit, le traître.
« Quoi que fassent ceux qui règnent chez eux par la violence et hors de chez eux par la menace, quoi que fassent ceux qui se croient les maîtres des peuples et qui ne sont que des tyrans de consciences, l’homme qui lutte pour la justice et la vérité trouvera toujours le moyen d’accomplir son devoir tout entier.
Il apprit de ses maîtres du latin, et le reste au hasard, comme on peut se le figurer en ces années de troubles civils. […] Ce qu’il a fait en musique pour la cause de Mozart, de Cimarosa, de Rossini, contre les Paër, les Berton et les maîtres jurés de la critique musicale d’alors, il l’a fait en littérature contre les Dussault, les Duvicquet, les Auger, les critiques de l’ancien Journal des débats, de l’ancien Constitutionnel, et les oracles de l’ancienne Académie. […] Il y travaillait à sa manière, non en nous disant des douceurs et des flatteries comme la plupart de nos maîtres d’alors, mais en nous harcelant et en nous piquant d’épigrammes.
Il était de Caen ; il s’était formé presque tout seul aux lettres, n’ayant commencé à apprendre Musa qu’à douze ans ; pour le grec particulièrement, où il excellait, il n’avait eu de maître que pendant très peu de mois, et s’était avancé à force de lire et d’étudier directement et aux sources. […] Dans ce cours d’études de Tanneguy Le Fèvre, il se mêle de la gaieté, une sorte de plaisir qui réjouit le maître et anime l’enfant : « Car ôtez le plaisir des études, je suis fort persuadé qu’un enfant ne saurait les aimer. » C’est ainsi qu’à la lecture d’Homère, de Térence, même d’Aristophane (en y mettant du choix), il jouit de voir la jeune intelligence prendre et se divertir comme à une chose naturelle, et tirer d’elle-même plus d’une conclusion avant qu’on ait besoin de la lui montrer : « On m’a dit souvent, et je l’ai lu aussi, qu’il y a beaucoup de plaisir à voir croître un jeune arbre ; mais je crois qu’il y a plus de plaisir encore à voir croître un bel esprit. » C’est pendant qu’on élevait de la sorte l’un ou l’autre de ses frères que Mme Dacier enfant, et à laquelle on ne songeait pas, écoutait, profitait en silence ; et un jour que son frère interrogé ne répondait pas à une question, elle, sans lever la tête de son ouvrage, lui souffla ce qu’il devait répondre. […] Cependant, comme il avait peu de fortune, il dut modérer ses désirs, et ce ne fut que onze ans après la mort du maître qu’il put contracter avec la fille une union à laquelle il avait toujours songé.
Maître de la mer, il rend alors espérance et courage aux Rochelois, qui avaient d’abord fait mine de le désavouer. […] La conclusion de Richelieu est que « tant que les huguenots auront le pied en France, le roi ne sera jamais le maître au dedans, ni ne pourra entreprendre aucune action glorieuse au dehors » ; qu’il n’y a pas moyen de faire deux affaires considérables à la fois ; que le mal interne, fût-il moindre en soi, est le pire et celui auquel il faut avant tout pourvoir. […] En conseillant au roi de faire impérieusement, et même avec menaces (s’il en était besoin), ces demandes assez singulières à ses alliés protestants pour battre ses sujets protestants, le cardinal, à qui son tact présageait qu’on obtiendrait tout, savait bien pourtant qu’il se mettait en grand hasard auprès du maître si l’on essuyait un refus : Qui se fût considéré lui-même, dit-il dans un sentiment de généreux orgueil, n’eût peut-être pas pris ce chemin qui, étant le meilleur pour les affaires, n’était pas le plus sûr pour ceux qui les traitaient ; mais sachant que la première condition de celui qui a part au gouvernement des États est de se donner du tout au public et ne penser pas à soi-même, on passa par-dessus toutes considérations qui pouvaient arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune chose nécessaire pour sauver l’État, duquel on peut dire que les procédures basses et lâches des ministres passés avaient changé et terni toute la face.
Il trouve sa liberté de vouloir absente ou insuffisante ; il ne trouve nulle part le repos, pas même en soi ; non seulement l’homme extérieur en lui contrarie l’homme intérieur, mais du fond de l’homme intérieur il sent ressortir des contradictions dont il n’est pas maître : « Quel sera le terme de ces contradictions ? […] Cousin. « Les plus sincères défenseurs du spiritualisme en France n’hésitent pas à saluer aujourd’hui dans Maine de Biran leur véritable maître après Descartes. » C’est ce que déclare M. Lachelier, un jeune maître éminent, dans une lettre du 30 août 1868 ; et entre Maine de Biran et lui, il se plaît à désigner, comme faisant la chaîne, cet autre disciple d’un ordre bien élevé, M.
À la seconde lettre, il l’appelle mon maître. […] Toutefois, sur cette protestation de son peu d’étude et de lecture, Mirabeau n’est pas dupe et n’est crédule qu’à demi : « Vous ne lisez point, me dites-vous, et vous me citez tous les mots remarquables de nos maîtres ; cela me rappelle Montaigne qui soutient partout qu’il craint d’oublier son nom tant il a peu de mémoire, et nous cite dans son livre toutes les sentences des anciens. » — S’il convie son ami à s’ouvrir à lui, il lui donne largement l’exemple et ne se fait pas faute de se déclarer. […] Mirabeau qui va et vient à sa guise, qui est maître d’une fortune considérable dont il use et abuse déjà, qui n’est à son régiment que quand il le veut bien ; qui, dès que l’envie lui en prend, s’installe à Paris où il va acheter un hôtel ; qui, cette année même (1740), achètera la terre de Bignon dans le Gâtinais pour être toujours à portée de la capitale, Mirabeau en parle donc bien à son aise.
Rou se confondit alors en respects et en humilités, se déclarant un trop petit écolier pour prétendre juger des œuvres d’un tel maître […] qu’avait Marolles d’être seul de son bord et d’aller toujours, d’être le maître et l’écolier de son école unique, le licencié et le docteur de sa propre université, et de s’applaudir tout seul et souriant dans son théâtre vide : Vacuo laetus sessor plausorque theatro. […] Un jour ce même Jean Rou, qui nous introduit si bien dans l’intimité du grand homme, comme il l’appelle rondement (on est toujours le grand homme de quelqu’un), Jean Rou passait à quatre heures du matin, au mois de mai, proche le quai des Quatre-Nations, devant la porte de Marolles33 ; il voit son domestique déjà habillé, debout, droit comme un cierge sur le seuil, et qui l’invite à monter chez son maître, lequel est, assure-t-il, encore plus matineux que lui.
Il existait, en effet, sous cet Ancien Régime réformé de main de maître, une organisation moderne déjà bien forte, remontant directement au roi, au Conseil du roi, en recevant les ordres et l’impulsion, et déployant son ressort, étendant son réseau dans tout le royaume par les intendants ; mais, ce qu’il faut aussitôt ajouter, c’est qu’avec et malgré cette organisation une et vigoureuse, qui fonctionnait régulièrement depuis Louis XIV, il y avait, à tout moment, des points d’arrêt et d’empêchement, des prétentions qui venaient à la traverse, des exemptions et des privilèges, — privilèges nobiliaires, ecclésiastiques, parlementaires, municipaux, de toutes sortes ; autant d’enclaves et d’îlots réservés soustraits au niveau commun, débris de pouvoirs et d’institutions appartenant la plupart au régime féodal antérieur, lequel, amoindri et réduit de plus en plus, n’avait jamais été formellement aboli. […] Vous n’avez ni parlements, ni comités, ni états, ni gouverneurs, j’ajouterai presque ni roi ni ministres ; ce sont trente maîtres des requêtes, commis aux provinces, de qui dépend le bonheur ou le malheur de ces provinces, leur abondance ou leur stérilité… » Une autre fois, dans le salon de son père, d’Argenson avait entendu Law dire de la France, par opposition à l’Angleterre ; « Heureux le pays où, en vingt-quatre heures, on a délibéré, résolu et exécuté, au lieu qu’en Angleterre il nous faudrait vingt-quatre ans ! […] D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas.
Il y a des jours où le maître du château et le maire de la commune (car il est l’un et l’autre) ne craint pas, à l’exemple de ses administrés, d’endosser la blouse. […] Il avait gardé sa tenue de chasse, et rien ne l’eût distingué des hommes de peine, si chacun d’eux ne l’eût appelé Monsieur notre maître. […] Fromentin se rattache à l’école des maîtres et des modernes classiques en ce genre : J.
Les services que ces hommes éclairés ont rendus en politique peuvent être reconnus, mais sont incontestablement moindres que ceux qu’ils auraient rendus à la société en restant maîtres du poste des idées, et en y ralliant par la presse ceux qui survenaient à l’aventure. […] Des Préaux s’y connaît en vers mieux que moi. » Aujourd’hui que ce genre de déférence et de patronage va peu à nos idées, que dans les conditions actuelles il courrait risque d’être peu accepté des hommes de talent, que tout poëte dirait volontiers tout d’abord au maître, s’il y en avait un : « Je m’y connais en matière d’État mieux que toi ; » et que, de leur côté, des gouvernants illustres, et en général capables sur tout sujet, vaquent à beaucoup de choses qu’ils croient plus essentielles que le soin des phrases, lesquelles ils manient eux-mêmes à merveille, qu’arrive-t-il et que voit-on ? […] Quand on ne connaissait Dante que par son vieux masque chagrin, on avait peine à y reconnaître, ce maître du sourire.
Une multitude de femmes et d’enfants de l’âge le plus tendre franchissent les lignes des brigades, et, d’un autre côté, des troupeaux de chiens conduits dans le pays libre, après y avoir été enfermés quelque temps sans aucune nourriture, sont chargés de sel, que, pressés par la faim, ils rapportent promptement chez leurs maîtres. » — Vers ce métier si lucratif, les vagabonds, les désespérés, les affamés accourent de loin comme une meute. « Toute la lisière de Bretagne n’est peuplée que d’émigrants, la plupart proscrits de leur patrie, et qui, après un an de domicile, jouissent de tous les privilèges bretons : leur unique occupation se borne à faire des amas de sel pour les revendre aux faux sauniers. » On aperçoit comme dans un éclair d’orage ce long cordon de nomades inquiets, nocturnes et traqués, toute une population mâle et femelle de rôdeurs sauvages, habitués aux coups de main, endurcis aux intempéries, déguenillés, « presque tous attaqués d’une gale opiniâtre », et j’en trouve de pareils aux environs de Morlaix, de Lorient et des autres ports, sur les frontières des autres provinces et sur les frontières du royaume. […] J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps. […] Dans le Toulousain, sur cinquante paroisses, dix ont des écoles Dans la Gascogne, dit l’Assemblée provinciale d’Auch (24), « la plupart des campagnes sont sans maîtres d’école ni presbytères » En 1778, le courrier de Paris n’arrive à Toulouse que trois fois par semaine ; celui de Toulouse pour Alby, Rodez, etc., deux fois par semaine, pour Beaumont, Saint-Girons, etc., une fois. « À la campagne, dit Théron de Montaugé, on vit pour ainsi dire dans la solitude et dans l’exil. » En 1789, le courrier de Paris n’arrive à Besançon que trois fois par semaine (Arthur Young, I, 257).
C’est un peintre de mœurs charmant, délicat, ingénieux ; c’est un maître écrivain, qui excelle à mettre en scène, comiquement, un travers, un préjugé : mais son observation a la portée du Français à Londres de Boissy, et du Cercle de Poinsinet. […] Quelqu’un s’était donné ce spectacle avant lui : c’était Bossuet ; et Montesquieu, qui du reste n’a rien de commun avec ce grand chrétien, ne pourra nier de l’avoir eu pour maître. […] De nos jours, cependant, la réputation de Montesquieu décline : ou plutôt il reste un nom, il cesse d’être un maître.
« Cette gazette, étant littéraire, s’occupera rarement des théâtres », annonçait, au premier numéro de ses éphémères Taches d’encre, un jeune maître des jeunes, M. […] (Par la suite, il multiplie les idées qu’il a créées par celles que ses antécesseurs : parents, maîtres, livres, lui repassent toutes faites.) […] C’est dommage : je sens que je regretterai le théâtre. » Tant mieux, au contraire, mon doux maître, car dans trente ans c’est un théâtre défunt qu’il vous faudrait regretter : tandis que, vos amis peuvent l’espérer, cela durera bien toujours autant que vous, heureusement !
A côté de quelques écrivains qui ont la franchise d’avouer leurs maîtres et de reconnaître leurs dettes envers eux, combien n’y en a-t-il pas qui cachent leurs emprunts, même les plus innocents, comme si c’étaient autant de larcins ! […] Dans le nôtre surtout, une foule d’auteurs gardent la trace de ce commerce avec les maîtres qu’ils se sont donnés. […] Il peut arriver alors que le premier né de ces ouvrages similaires ne soit pas le meilleur, qu’une idée trouvée et mal exploitée par un talent novice ou secondaire soit plus tard mise en valeur par un maître, Molière a profité chacun le sait de trouvailles pareilles.
Ce ne fut qu’au mois de juin 1830 que le mystère cessa, et qu’il dut être clair pour tous que cette mort n’était point un coup de parti ni une vengeance politique, mais quelque chose de plus simple et de plus commun, le guet-apens et le complot de domestiques grossiers, irrités et cupides, voulant en finir avec un maître dur et de caractère difficile. […] En rentrant chez son maître, elle dit : « Mon cheval a eu grand-peur ; il a eu aussi grand-peur que moi quand on a tué M. […] Il avait vieilli en peu d’années ; il avait remords d’avoir tué son maître qui avait plus de confiance en lui qu’en tout autre, et d’avoir cédé à des suggestions, peut-être à des menaces, dans l’exécution du meurtre.
Ainsi maître de la langue, lancé dans les meilleures compagnies, armé d’un bon esprit et muni de points de comparaison très divers, il se trouvait aussitôt plus en mesure que personne pour bien juger de la France. […] Je veux bien faire un voyage et passer quelques mois dans ma république ; mais, par les propositions que l’on me fait, il s’agit de m’y fixer, et, si j’accepte, je ne serai pas maître de n’y pas rester. […] Grimm a prononcé. » Ce caractère d’oracle est assez naturel à tous les maîtres critiques : Grimm, sous la forme polie et sous un air du monde, ne pouvait s’empêcher de le marquer dans ses paroles et dans son procédé ; il aimait à donner le ton ; il avait cette rigueur et cette exigence du bon sens qui va rarement sans quelque sécheresse.
Shakespeare, persécuté comme plus tard Molière, cherchait comme Molière à s’appuyer sur le maître, Shakespeare et Molière auraient aujourd’hui le cœur plus haut. Le maître, c’était Élisabeth, le roi Élisabeth, comme disent les anglais. […] Clifford, son favori, qui n’entrait jamais dans la salle du parlement sans cracher, disait : Il vaut mieux pour mon maître être vice-roi sous un grand monarque comme Louis XIV qu’esclave de cinq cents sujets anglais insolents.
Ils gênent les maîtres et indignent les laquais. […] Donc chagrinons les maîtres, si nous pouvons. […] Entrer en passion pour le bon, pour le vrai, pour le juste ; souffrir dans les souffrants ; tous les coups frappés par tous les bourreaux sur la chair humaine, les sentir sur son âme ; être flagellé dans le Christ et fustigé dans le nègre ; s’affermir et se lamenter ; escalader, titan, cette cime farouche où Pierre et César font fraterniser leurs glaives, gladium gladio copulemus ; entasser dans cette escalade l’Ossa de l’idéal sur le Pélion du réel ; faire une vaste répartition d’espérance ; profiter de l’ubiquité du livre pour être partout à la fois avec une pensée de consolation ; pousser pêle-mêle hommes, femmes, enfants, blancs, noirs, peuples, bourreaux, tyrans, victimes, imposteurs, ignorants, prolétaires, serfs, esclaves, maîtres, vers l’avenir, précipice aux uns, délivrance aux autres ; aller, éveiller, hâter, marcher, courir, penser, vouloir, à la bonne heure, voilà qui est bien.
C’est plus tard, c’est quand la poésie devient une science littéraire, que, dans le Musée d’Alexandrie, dans la cage des oiseaux chanteurs nourris par les Ptolémées, loin des religieux anniversaires qui ramenaient l’offrande sacrée de la muse tragique, loin des triomphes patriotiques qui inspiraient sa voix, Callimaque, Apollonius, Lycophron, maîtres experts au métier de la poésie, feront indifféremment des hymnes aux dieux, des cantates aux rois, des tragédies, des épigrammes, et ne craindront pas même de reprendre en sous-œuvre et de versifier de nouveau ces grands sujets que s’était appropriés le génie aux jours de sa jeunesse créatrice, les Pélopides, Œdipe, Agamemnon, toute une part du répertoire d’Eschyle et de Sophocle. […] quel est le maître de cette armée ? […] viens, avance, montre à l’extrémité de la tombe la semelle empourprée de tes pieds ; et dévoilant l’éclat de ta royale tiare, viens, ô père, ô tutélaire Darius, afin d’entendre nos nouveaux, nos derniers malheurs ; et apparais-nous comme le maître du monde.
Est-ce un maître cruel ? […] Savinien Lapointe avec ses apostrophes et ses adieux à celui qu’il appelle son maître. […] « Quand on n’a que soi pour maître, dit-il, les études sont bien longues. […] Qu’il soit… vois, ô mon maître ! […] » Voilà l’ambition avouée des maîtres et des disciples.
Ayant à écrire de la littérature française et à la suivre dans son développement à travers les siècles, il s’est demandé tout d’abord au début ce que c’est que l’esprit français ; il s’en est fait préalablement une idée, il s’en est formé comme un exemplaire d’après les maîtres les plus admirés, d’après les classiques le plus en honneur et en crédit ; il a présenté aux lecteurs français un portrait tout à fait satisfaisant de l’esprit français vu par ses beaux côtés et en ses meilleurs jours. […] Mais sur les trois ou quatre écrivains maîtres et rois du siècle, sur Montesquieu, sur Buffon, sur Voltaire, toutes les parts n’y sont-elles pas faites d’un coup d’œil élevé, d’une main sûre, et avec des expressions significatives qui restent dans l’esprit et dont on se souvient ?
Le grand Gœthe, le maître de la critique, a établi ce principe souverain qu’il faut surtout s’attacher à l’exécution dans les œuvres de l’artiste, et voir s’il a fait, et comment il a fait, ce qu’il a voulu : « Il en est beaucoup, disait-il, qui se méprennent, en ce qu’ils rapportent la notion du beau à la conception, beaucoup plus qu’à l’exécution des œuvres d’art ; ils doivent ainsi, sans nul doute, se trouver embarrassés quand l’Apollon du Vatican et d’autres figures semblables, déjà belles par elles-mêmes, sont placés sous une même catégorie de beauté avec le Laocoon, avec un faune ou d’autres représentations douloureuses ou ignobles. » Il y a donc, selon lui, une part essentielle de vérité, qui entrait dans les ouvrages des anciens, dans ceux qu’on admire et qu’on invoque le plus, et c’est cette part de vérité, cette nature souvent crue, hideuse ou basse, moins négligée des anciens eux-mêmes qu’on ne l’a dit, qu’il ne faut point interdire aux modernes d’étudier et de reproduire : « Puisse, s’écriait Gœthe, puisse quelqu’un avoir enfin le courage de retirer de la circulation l’idée et même le mot de beauté (il entend la beauté abstraite, une pure idole), auquel, une fois adopté, se rattachent indissolublement toutes ces fausses conceptions, et mettre à sa place, comme c’est justice, la vérité dans son sens général ! […] Il a eu, d’ailleurs, une récompense qui vaut mieux que tous les articles du dehors : le maître de nos romanciers, une nature féconde et généreuse, Mme Sand qui ne connaît l’auteur que par ses livres, lui en a écrit, et à diverses reprises, et des lettres pleines de sympathie, de cordialité, d’éloges et de conseils aussi, de critiques de détail discutées et motivées.
Chassang, maître de conférences à l’École normale ; de l’autre, un distique latin, envoyé de Gotha par un ami, un compatriote de M. […] — Aujourd’hui même elle est injuste, sans s’en douter, envers un homme du plus haut mérite, doyen de Strasbourg, Bergmann, seul maître dans le norrain.
Aussi ne croyez nullement que la traduction de M. de Pongerville retrace en quelque chose son modèle ; c’en est une contrefaçon pâle et fade, vernissée d’une plate et monotone élégance, où l’on ne retrouve rien du nerf logique ni de la poésie étincelante du maître. […] Quand Rome s’écroulait sous le fer des tyrans, Que, sortis de son sein, de rebelles enfants Par une guerre impie ensanglantaient leur mère, Et vainqueurs ou vaincus accroissaient sa misère, Un poète parut qui, d’une austère voix, Chantant de l’univers le principe et les loix, Et leur chaîne à jamais bienfaisante, éternelle, Faisait du triumvir rougir la loi cruelle ; De leurs prêtres du moins détrompait les humains ; C’était assez d’un maître aux malheureux Romains ; Et pour les rassurer (?)
Le grand art de Béranger, son coup de maître et à la fois de citoyen, a été de rallier tant de fines, d’éternelles observations, héritage de Molière et de La Fontaine, autour des sentiments actuels les plus enflammés, d’appeler les qualités permanentes de la nation au foyer des émotions nouvelles, de lier les unes et les autres en faisceau indissoluble, de grouper les Gueux, même Frétillon, ou Madame Grégoire, sous les plis du glorieux Drapeau, la Sainte Alliance des Peuples formant la chaîne aux collines d’alentour, et le Dieu des Bonnes Gens bénissant le tout. […] Ces quatre ou cinq pièces politiques, jointes à tant de délicieuses chansons personnelles, d’une inspiration et d’une fantaisie intimes, telles que Mon Tombeau ; Passez, jeunes Filles ; le Bonheur ; Laideur et Beauté ; la Fille du Peuple, et ce sémillant Colibri, qui est le lutin familier du maître et la personnification éthérée de sa muse comme est la Cigale pour Anacréon ; toutes ces pièces ensemble auraient suffi à composer un charmant recueil final, digne assurément de ses aînés, et la dernière couronne eût brillé verdoyante encore, pour bien des saisons, au front du citoyen et du poëte.
Quelques amitiés solides et variées, un petit nombre d’intimités au sein des êtres plus rapprochés de nous par le hasard ou la nature, intimités dont l’accord moral est la suprême convenance ; des liaisons avec les maîtres de l’art, étroites s’il se peut, discrètes cependant, qui ne soient pas des chaînes, qu’on cultive à distance et qui honorent ; beaucoup de retraite, de liberté dans la vie, de comparaison rassise et d’élan solitaire, c’est certainement, en une société dissoute ou factice comme la nôtre, pour le poëte qui n’est pas en proie à trop de gloire ni adonné au tumulte du drame, la meilleure condition d’existence heureuse, d’inspiration soutenue et d’originalité sans mélange. […] Ce que le sévère historien a si hautement compris, le poëte surtout le doit faire ; c’est dans ce recueillement des nuits, dans ce commerce salutaire avec les impérissables maîtres, qu’il peut retrouver tout ce que les frottements et la poussière du jour ont enlevé à sa foi native, à sa blancheur privilégiée.
L’entrée en matière de ses Annales fait espérer d’utiles révélations ; en quelques mots profonds et rapides, il montre le monde fatigué des guerres civiles, un besoin général de repos et de sécurité ; Auguste, maître de l’armée par ses largesses, du peuple par ses distributions, des nobles par ses faveurs, de tous par la douce tranquillité de son gouvernement ; les provinces acceptant avec joie cette domination d’un seul homme par aversion pour l’empire du sénat et du peuple, pour les combats des grands, pour l’avarice des magistrats, pour la violence, la corruption et la brigue qui avaient pris la place des lois ; enfin, la République s’effaçant peu à peu du souvenir d’une société qui, sous un sceptre protecteur, goûtait un repos dont elle avait été si longtemps privée. […] Lui qui, jusque là, et tant que la lutte engagée avec César avait laissé en doute lequel serait le maître, haïssait Pompée lui-même tout en le suivant : aussitôt après le désastre de Pharsale, il se met à le chérir, à l’adopter mort et à l’exalter, et il devient pompéien de tout son cœur.
Les saints locaux et indépendants du moyen âge s’effacent et se subordonnent, comme les seigneurs féodaux et libres, pour former une cour d’adorateurs « inclinés qui, d’un oeil respectueux, contemplent l’éclat » de leur maître. […] Tels sujets, tels maîtres.
Il quémandait auprès des grands, il hantait la domesticité, jongleurs, maîtres d’hôtel, panetiers, race joviale, impudente, tumultueuse. […] Cette affaire mettait en jeu toutes les passions du poète : l’Université et son champion Guillaume de Saint-Amour luttaient désespérément pour interdire aux religieux des ordres mendiants, aux dominicains surtout, l’accès des chaires publiques, et pour défendre les maîtres séculiers d’une concurrence redoutable.
Avec Gautier, Banville et Baudelaire, puis avec Leconte de Lisle, qui fut le vrai maître des Parnassiens, le culte de la forme poétique se fait plus attentif et plus scrupuleux. […] Lisez, par exemple, le sonnet du Vieil orfèvre : Mieux qu’aucun maître inscrit au livre de maîtrise, Qu’il ait nom Ruyz, Arphé, Ximeniz, Becerril, J’ai serti le rubis, la perle et le béryl, Tordu l’anse d’un vase et martelé sa frise.
Prenons la tribu proto-aryenne ou proto-sémite ; il s’y trouvait des esclaves, qui parlaient la même langue que leurs maîtres ; or l’esclave était alors bien souvent d’une race différente de celle de son maître.
Avoir fait de la pauvreté un objet d’amour et de désir, avoir élevé le mendiant sur l’autel et sanctifié l’habit de l’homme du peuple, est un coup de maître dont l’économie politique peut n’être pas fort touchée, mais devant lequel le vrai moraliste ne peut rester indifférent. […] Chacun s’y voyait déjà assis sur un trône 547 à côté du maître.
Les contemporains aiment récompenser les bons élèves qui abaissent les maîtres à la portée de toutes les sympathies. On leur accorde beaucoup plus qu’aux maîtres qu’ils vulgarisent et familiarisent.
Là arrivent, tous les soirs, — car la bière vient du Grand Balcon, et la femme a le don capiteux de produire autour d’elle une certaine excitation de l’esprit et de mettre les imaginations en verve, — là arrivent le peintre Hafner, le plus bredouilleur des Alsaciens ; Valentin, le dessinateur de L’Illustration ; Deshayes, le petit maître aux tonalités grises, et le blond coloriste Voillemot, avec sa tignasse d’Apollon roussi, et Galetti, et le tout jeune Servin, et d’autres, et d’autres, et c’est toute la soirée un tapage et une débauche de paroles, que de temps en temps, solennellement, le maître de la maison réprime par un « Où te crois-tu !
L’envoyé d’Ammon disoit plaisamment qu’à l’exception de la Silésie, son maître eut tout donné pour avoir M. de Voltaire. […] Il protesta qu’il les remettroit dès l’instant qu’ils seroient entre ses mains ; consentant, s’il manquoit à sa parole, d’être déclaré criminel de lèze-majesté envers le roi de France son maître & le roi de Prusse .
Des maîtres les dressoient pour le théâtre, & tâchoient de réparer le défaut d’éducation. […] Les ouvriers ne peuvent point passer maîtres, s’ils ne présentent un chef d’œuvre qui fasse connoître qu’ils méritent ce titre ; & un jeune orateur aura l’impudence de déclamer en public, sans avoir auparavant exercé ses talens en particulier, ou corrigé ses défauts en secret. » Il est étonné qu’il n’y ait pas une chaire publique pour apprendre à déclamer.
Laujon, y est venu prendre séance le jeudi 7 novembre 1811, et a prononcé le discours qui suit : Messieurs, Cette imposante solennité porte dans mon âme un trouble dont je cherche en vain à me défendre ; glorieux de vos suffrages, étonné de mon bonheur, j’éprouve l’embarras d’un disciple qui s’assied pour la première fois parmi ses maîtres. […] Les Romains, ayant imité les Grecs, n’ont point eu de théâtre national ; encore les ouvrages de Plaute et de Térence sont-ils d’excellents sujets d’étude pour les historiens ; on y retrouve une foule d’usages qu’eux seuls nous ont transmis, et rien ne nous fait mieux connaître la dissolution de la jeunesse de Rome, les séductions des courtisanes, l’effronterie des parasites, et enfin tous les éléments dont se composait la société sous les maîtres du monde.
Il est facile de lui répondre par l’exemple des grands maîtres, qui ont su allier dans leurs vers la beauté du sens à celle de l’harmonie. […] Entre plusieurs raisons qu’on en pourrait apporter, et qui se présentent assez facilement, en voici une que je soumets au jugement des maîtres qui m’écoutent.
Il le regardait comme son supérieur et son maître, même en force morale. […] C’est une âpreté dévorante dont ils ne sont pas maîtres et qui les rend très odieux.
Après quelques affirmations empruntées à des sciences d’hier, pédantesques dans leur langage comme tout ce qui ne sait pas encore grand’chose, l’auteur des Études retombe à des récits qu’il nous sert en tranches et qu’il nous coupe dans des historiens peu connus, ou d’autorité contestable, qu’il ne critique pas, dont il ne discute pas la valeur, et qu’il suit, comme le chien suit son maître. Et ce sont ses maîtres, en effet.
Élevée par des maîtres sceptiques, gouvernée longtemps par des hommes de juste milieu pour qui jamais la vérité ne fut qu’un jeu d’escarpolette, tourbillon d’individualités sans le ciment qui les relierait et leur donnerait la solidité d’un monde, la société moderne, privée du profond et sympathique intérêt des doctrines communes, n’a plus que le théâtre pour toute ressource. […] Ils sont réellement, dans ces soirs tristement brillants, les vrais ornements de la chose et les maîtres de la situation.
Les peines édictées, qui sont « la mort et la confiscation des biens » au profit des hôpitaux, pour les DEUX combattants, pouvaient être d’autant plus sévères que, dans cet édit de 1679, le législateur créait ce fameux tribunal d’honneur composé des maréchaux de France, qui devaient juger en dernier ressort et punir les injures de l’honneur outragé… Le législateur avait fait de sa loi une espèce de filet, tissé de précautions et de peines, dans lequel il pût prendre tous ceux qui participaient à un duel d’une manière quelconque : combattants, seconds, témoins, porteurs de cartels ou d’appels, même jusqu’aux laquais qui, le sachant, porteraient une lettre de provocation de leurs maîtres, — condamnés par ce fait seul au fouet et à la fleur de lys, et, si récidive, aux galères à perpétuité ! […] Mais à une époque où le point d’honneur, qui s’obstine, a perdu néanmoins du rayonnement qu’il avait autrefois, et où l’argent, par exemple, cet instrument de toutes les jouissances et de toutes les corruptions, est plus fort que lui et règne en maître, l’amende peut-être, mais l’amende dans des proportions énormes et ruineuses, — car si elles n’étaient pas énormes l’amende ajouterait la vanité du luxe à la vanité du duel, — pourrait avoir l’efficacité si difficile à trouver et que la confiscation n’eut pas, dans un temps où l’exaltation du point d’honneur dominait toutes les autres considérations de la vie Seulement, qu’on y prenne garde !
Il n’avait qu’un maître, l’empereur ou le flamine Auguste, qui lui commandait des vers officiels. […] Vous vous rappelez l’aimable Joubert, le délicat des délicats, ce platonicien meilleur que Platon, qui sentait l’antiquité en maître et qui a déjà l’air d’un ancien, quoiqu’il soit d’hier ?
Ce besoin, du reste, qui n’est — si l’on veut y réfléchir — que de l’individualisme encore ; ce besoin qui a produit tant de métaphysique vaporeuse, de synthèses, de formules, et qui, surexcité jusqu’à la rage par la vanité de chacun, ne nous a saisis tous que parce qu’il ne sied qu’à quelques-uns, c’est-à-dire aux maîtres, aux grands esprits, à ceux-là enfin qui se donnent seulement la peine de naître, pourrait faire croire à nos descendants que nous avons perdu le bon sens proverbial de nos pères, n’étaient quelques livres d’histoire fermes, nets, circonscrits, et dans lesquels il sera possible de le retrouver. […] Il chargeait les mers du Levant de vaisseaux français, étonnait l’Angleterre et Venise, et portait au loin la gloire du maître qui devait reconnaître tant de services par le déshonneur et l’exil.
Et il l’est tellement qu’il ne s’aperçoit pas combien la bêtise d’Eckermann est compromettante, combien la fidélité naïve des souvenirs de ce ramasseur de mots du grand Goethe est imprudente et dommageable à l’esprit du maître qu’il s’était donné. […] Parce qu’il ajustait avant tout le succès, le rapport, la chose utile, immédiatement utile, on a dit qu’il était un grand génie positif, qu’il avait la science de la vie, et tous les serviles du succès se sont mis à genoux et l’ont reconnu pour leur maître.
Probablement métempsychosiste comme le sont ses maîtres, mais avec discrétion et n’ayant pas besoin de l’être expressément dans une Histoire de France, de manière à troubler le Jean Jeannot de lecteur qui ne demande qu’à grignoter sa petite touffe de thym historique ; ne lâchant le mot « transformation » qu’avec prudence, mais le risquant parfois, comme une petite lumière pour les yeux prévenus et fidèles, qui savent bien ce que veut dire cette petite lueur, M. […] Voilà à peu près les idées générales, qu’il ose déboutonner, de sa philosophie, mais ses idées générales en histoire, empruntées à des maîtres qui les ont eux-mêmes empruntées, ont-elles plus d’originalité ?
Daniel, et le meilleur de toute sa thèse : « Que l’homme qui enseigne est plus que l’enseignement, et que là où le maître est excellent, les mauvaises doctrines deviennent innocentes », cet argument n’est pas au fond beaucoup plus solide que les autres, et l’histoire elle-même ne s’est-elle pas chargée de le réfuter ? […] Mais, enfin, l’éducation qui avait suffi jusque-là ne suffisait donc plus pour que Voltaire devînt… ce qu’il est devenu, malgré ses maîtres, et que le dix-huitième siècle fût possible ?
… Dans son livre, il n’a pas procédé une seule fois à la manière de ses maîtres, car il a des maîtres, nous les connaissons.
M. de Rémusat a beau nous dire, avec une intention qui ne trompe personne : « Descartes ne serait pas aisément convenu que saint Anselme fut un de ses maîtres. » Tout ce qui s’occupe de philosophie n’en sait pas moins que l’argument de saint Anselme, sur l’existence de Dieu (et l’existence de Dieu, c’est toutes les questions de la philosophie dans une seule), est le même dans le Monologium que dans les Méditations. […] à cette vertu si profondément sociale de l’obéissance, saint Anselme, respecté par le pape, saint Anselme, le primat d’Angleterre, prit un simple moine pour maître, et le croirez-vous, esprits de nos jours ?
Les docteurs du jour d’alors n’étaient que de pervers ou d’imbéciles docteurs, et à présent, imbéciles ou non, ils sont les maîtres. […] Pour mon compte, en effet, je suis persuadé, à distance, que si Brucker fût resté le maître de son inspiration personnelle, son livre y aurait extrêmement gagné en composition et en portée… Mais il obéit chrétiennement à une idée qui n’était pas la sienne, souple jusque-là, ce grand esprit, qui pouvait tout par lui-même mais qui était désintéressé de tout, même de la beauté de son livre, et ne voyait rien de plus que ce qu’on lui montrait, — la puissance de son utilité.
Par un de ces étranges hasards qui ont l’air de se moquer de la majesté de l’Histoire, il s’est trouvé que ce type de femme bestialement ardent, que cet animal de volupté, — animal voluptatis , — comme disait Tertullien, dans sa brutalité africaine, même des femmes qui n’étaient pas des Messalines ; il s’est trouvé que cet être vulgaire, mais assez rare pourtant dans sa hideuse vulgarité, a été un jour impératrice, et que, femme du maître du monde, elle a souvent quitté son lit de pourpre et ses plafonds étoilés pour aller… là où Juvénal, certainement plus hardi qu’Arsène Houssaye, nous conduit avec elle et ose nous la montrer. Ce type de femme, simple comme la bête, mais la bête malade et affolée, et d’autant plus affreuse de cette simplicité dégradante qu’elle est un être doublé de la dualité d’une âme qui devrait retenir le corps sur la pente de ses infamies, Juvénal en a gravé l’horreur dans ses vers qui n’ont peur de rien, et qui ont dû faire pousser les hauts cris aux petits maîtres de moralité, s’il y en avait à Rome ; car les moralistes de ce temps étaient des Cyniques qui ne tremblaient pas non plus devant le mot, quand il s’agit de dire les choses.
Presque tous les maîtres de la prose contemporaine ont commencé par écrire des vers. […] Il y est un créateur, ce qui est la condition indispensable pour être un maître. […] L’honneur en revient, pour un peu, à ses maîtres du séminaire. […] On dirait un écolier en gaieté singeant son bon maître. […] Il n’a pas pour les journalistes l’horreur que professe à leur égard votre maître, M.