Jordan le napolitain, que ses compatriotes appelloient il sa presto, ou le depêche besogne, étoit après Teniers un des grands faiseurs de pastiche, qui jamais ait tendu des pieges aux curieux.
Daouda cessa aussitôt son travail de culture, rentra dans la case prendre ses armes et revenant, l’arc tendu et le carquois à l’épaule, il dit à sa sour : « Je vais les tuer tous, à l’exception d’un seul qui ira annoncer la mort de ses compagnons à celui qui les a envoyés ici ».
Les Ecrivains tendent à ce but utile. […] Gardons-nous de renoncer à cet esprit actif & nouveau, qui tend à pénétrer les différens objets pour les lier ensemble. […] La fureur de dire tout est dit, n’est donc qu’une injustice & une malignité qui tendent à rabaisser l’homme inventif. […] Il fronde hautement toute idée patriotique, pour peu qu’elle tende à diminuer l’embonpoint excessif qui fait maigrir tant d’autres ; il trouve fort mauvais de ce qu’on traite publiquement de pareilles matieres. […] Il a peint les objets naturels & vrais ; mais ses tableaux n’offrent pas toujours, il faut l’avouer, le point de vue qui tend à confirmer quelque point essentiel de morale utile à l’homme.
Il fallait que l’un diminuât pour que l’autre pût croître. « Tous les métiers de parole, dit Amiel, sont dangereux : ils tendent à faire illusion à la galerie, et finissent par faire illusion au pratiquant lui-même. […] Ce pays de Tendre, il se déployait sous l’œil inquisiteur de Genève, comme la plaine vue des terrasses derrière la rue des Granges. […] Chaque homme aimant recommence le trait d’Alexandre, et boit le breuvage qu’on lui a dénoncé, plutôt que de soupçonner la main qui le lui tend. […] Toutes tendent à reconstituer la sphère et à reproduire soit les couleurs du prisme, soit l’image du monde circonvoisin. […] De son côté, quand notre ami Souday trouva, dans un livre de Gide, la ligne de Valéry sur la profondeur de la peau, il tendit son tablier rouge, à cette vérité première, et il parut en avoir fait la devise de l’intellectualisme intransigeant pour lequel il militait.
Ils tendent vers zéro à mesure que nous nous rapprochons d’elle, n’étant que l’écart entre elle et nous. […] On revient à l’immédiatement donné, ou l’on y tend. […] À le former et à le perfectionner tendaient jadis les méthodes d’enseignement. N’y tendent-elles pas un peu encore ? […] Elle tend par là, comme la science moderne et même beaucoup plus qu’elle, à marcher en sens inverse de la pensée antique.
La saison de Mallarmé était l’automne, ou mieux la douceur chaude qui l’annonce, cette coupe pleine de miel et d’or que lui tend à regret l’été. […] Mais aujourd’hui elle tend, par son poids d’argent, à descendre au niveau électoral. […] Et tout cela, pourtant, depuis l’imprimerie, tend, avec la nécessité fatale de la graine qui germe, vers le Livre, désormais étranger et qui marche dans son destin propre. […] A ne tendre royal que mon absent tombeau (Victorieusement.) […] Le premier tend vers une esthétique plastique, le second vers une esthétique de ballet.
— chacune de ces petites pièces avait un sens ; elle tendait, sans en avoir l’air, à prouver quelque chose ; et, sans qu’on y prît garde, elle le prouvait. […] Elie tend d’elle-même à la rapidité, mais surtout à l’unité du drame. […] Mais du fond d’un massif de verdure, si ce bohème de lettres ne mêlait pas sa face de marbre aux entretiens du militaire avec la nourrice, la verdure en serait-elle plus fraîche ou la nourrice moins tendre ? […] Tout le mouvement de l’histoire ne semble avoir tendu qu’à en diminuer le nombre. […] Ce qui est encore plus certain, c’est que tous ces changements n’ont tendu qu’à l’affranchir de la nature.
Béranger se vante d’être du peuple, M. de Chateaubriand revendique les anciens comtes de Bretagne ; mais tous les deux se rencontrent dans l’idée du siècle, dans la république future, et ils se tendent la main. […] Mais quand il vient à se rappeler que cette société, la première qu’il ait remarquée, est aussi la première qui ait disparu à ses yeux ; quand il montre la mort dépeuplant par degrés cette maison heureuse, une chambre qui se ferme et puis une autre, et le quadrille de l’aïeule devenu impossible, faute des partners accoutumés, il touche alors à une corde de sensibilité intime dont ses Mémoires nous rendent plus d’un tendre soupir. […] un fantôme responsable, un nuage officieux, comme il s’en forme, dans les tendres moments, aux pieds des déesses.
Le désintéressement que réclame la chose publique trouve sous sa plume une vertueuse énergie d’expression : « Quand on ne s’est pas habitué, dit-elle, à identifier son intérêt et sa gloire avec le bien et la splendeur du général, on va toujours petitement, se recherchant soi-même et perdant de vue le but auquel on devrait tendre. » Mais au même moment son noble cœur, si désintéressé des ambitions vulgaires, se laisse aller volontiers à l’idée des orages, et les appelle presque pour avoir occasion de s’y déployer. […] Le noble André Chénier n’aurait plus insulté à la pure intention de Brissot ; Mme Roland, à coup sûr, eût tendu la main à La Fayette. […] On retrouve aussi, dans les lettres de consolation, quelques promesses de fidélité à des souvenirs assez intimes ; puis, au retour de Londres, l’expression d’une tendre inquiétude sur la mélancolie prolongée dont elle est témoin : mais tout se termine alors par l’aveu d’une nouvelle passion de Bancal, pour laquelle Mme Roland, en amie généreuse et dévouée, lui prodigue, avec ses conseils, des offres délicates d’intervenir.
La tête haute et un peu chauve, le front vaste, les tempes découvertes, l’œil en feu ou humide d’une grosse larme, le cou nu et, comme il l’a dit, débraillé, le dos bon et rond, les bras tendus vers l’avenir ; mélange de grandeur et de trivialité, d’emphase et de naturel, d’emportement fougueux et d’humaine sympathie ; tel qu’il était, et non tel que l’avaient gâté Falconet et Vanloo, je me le figure dans le mouvement théorique du siècle, précédant dignement ces hommes d’action qui ont avec lui un air de famille, ces chefs d’un ascendant sans morgue, d’un héroïsme souillé d’impur, glorieux malgré leurs vices, gigantesques dans la mêlée, au fond meilleurs que leur vie : Mirabeau, Danton, Kléber. […] Je pensai juste. » Là, je m’arrêtai et je demandai à mon religieux s’il savait combien il y avait d’ici chez moi : « Soixante lieues, mon père ; et s’il y en avait cent, croyez-vous que j’aurais trouvé mon père moins indulgent et moins tendre ? […] Ses goûts, ses mœurs, la tournure secrète de ses idées et de ses désirs ; ce qu’il était dans la maturité de l’âge et de la pensée ; sa sensibilité intarissable au sein des plus arides occupations et sous les paquets d’épreuves de l’Encyclopédie ; ses affectueux retours vers les temps d’autrefois, son amour de la ville natale, de la maison paternelle et des vordes sauvages où s’ébattait son enfance ; son vœu de retraite solitaire, de campagne avec peu d’amis, d’oisiveté entremêlée d’émotions et de lectures ; et puis, au milieu de cette société charmante, à laquelle il se laisse aller tout en la jugeant, les figures sans nombre, gracieuses ou grimaçantes, les épisodes tendres ou bouffons qui ressortent et se croisent dans ses récits ; madame d’Épinay, les boucles de cheveux pendantes, un cordon bleu au front, langoureuse en face de Grimm ; madame d’Aine en camisole, aux prises avec M.
Vieille en 1720, date de la note manuscrite, était-elle une de ces personnes dont La Bruyère, au chapitre du Cœur, devait avoir l’idée présente quand il disait : « Il y a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si tendres engagements que l’on nous défend, qu’il est naturel de désirer du moins qu’ils fussent permis : de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par vertu. » Était-elle celle-là même qui lui faisait penser ce mot d’une délicatesse qui va à la grandeur ? […] Comme il nous montre gracieusement, dans sa comparaison du prince et du pasteur, le troupeau, répandu par la prairie, qui broute l’herbe menue et tendre ! […] Aujourd’hui que l’Art poétique de Boileau est véritablement abrogé et n’a plus d’usage, la lecture du chapitre des Ouvrages de l’Esprit serait encore chaque matin, pour les esprits critiques, ce que la lecture d’un chapitre de l’Imitation est pour les âmes tendres.
Cette liaison, toutefois, qui fut assez constante, ne fut jamais tendre: le goût de la haute littérature nous unissait, la différence de nos caractères tendait sans cesse à nous désunir. […] repris-je avec une tendre pitié. — Rien non plus, me répondit M.
C’est la formule même de son tempérament que fournit Chateaubriand dans cette étonnante lettre de René à Céluta, qui, du point de vue objectif, est bien de la plus extravagante inconvenance : imaginez une jeune sauvage, puérile et tendre, écoutant ces confidences : « Depuis le commencement de ma vie, je n’ai cessé de nourrir des chagrins : j’en portais le germe en moi, comme l’arbre porte le germe de son fruit. […] Tandis que je contemplais les feux réguliers des lignes romaines et les feux épars des hordes des Francs, tandis que, l’arc à demi tendu, je prêtais l’oreille au murmure de l’armée ennemie, au bruit de la mer et au cri des oiseaux sauvages qui volaient dans l’obscurité, je réfléchissais sur ma bizarre destinée… Que de fois, durant les marches pénibles, sous les pluies ou dans les fanges de la Batavie : que de fois à l’abri des huttes des bergers où nous passions la nuit ; que de fois autour du feu que nous allumions pour nos veilles à la tête du camp ; que de fois, dis-je, avec des jeunes gens exilés comme moi, je me suis entretenu de notre cher pays. » Et voilà à quoi sert d’avoir servi dans l’armée de Condé, septième compagnie bretonne, couleur bleu de roi avec retroussis à l’hermine659 ! […] Je ne puis que rappeler ici les canards sauvages, le cou tendu et l’aile sifflante, s’abattant tout d’un coup sur quelque étang, lorsque la vapeur du soir enveloppe la vallée — le jour bleuâtre et velouté de la lune descendant dans les intervalles des arbres, et ce gémissement de la hulotte qui avec la chute de quelques feuilles ou le passage d’un veut subit remplit seul le silence nocturne— les premiers reflets du jour glaçant de rose les ailes noires et lustrées des corbeaux de l’Acropole — ces Arabes accroupis autour d’un l’eu dont les reflets colorent leurs visages, tandis que quelques têtes de chameaux s’avançaient au-dessus de la troupe et se dessinaient dans l’ombre 664.
Il attaque son propre parti ; il signale les intrigues de Mayenne contre son neveu le duc de Guise, sa politique qui tend toute à sa conservation. […] Je reconnais encore le grand écrivain de tous les temps dans cette critique de certains auteurs de son siècle : « Pourveu, dit-il, qu’ils se gorgiassent en la nouvelleté, il ne leur chault de l’efficace ; pour saisir un nouveau mot, ils quittent l’ordinaire, souvent plus fort et plus nerveux168. » Mais voici qui est de l’écrivain du xvie siècle « Le langage françois n’est pas maniant et vigoureux suffisamment ; il succombe ordinairement à une puissante conception ; si vous allez tendu, vous sentez souvent qu’il languit soubs vous et fleschit ; et qu’à son default le latin se presente au secours, et le grec à d’aultres. » Cette crainte d’en dire trop peu dans le discours, de laisser quelque chose de reste, et que ce reste soit le plus important, est bien d’un siècle plus affamé de connaissances que de vérité. […] Quel tendre intérêt pour nos misères, que dis-je ?
Schiller chantait la liberté morale, l’effort de la vertu, et tendait au sublime ; Goethe, cherchant la beauté calme et fine, reproduisait plutôt, comme un miroir fidèle, les conditions naturelles de la vie. […] Cet homme qui, sur la place publique, raidit ses bras, tend ses muscles et soulève des poids énormes, les passants l’admirent pour sa vigueur. […] Qu’il relise Virgile, le chantre de la Phénicienne Didon, et le Carthaginois Térence, peintre si doux de la sympathie humaine ; qu’il songe à ces paroles si tendres, si profondes : sunt lacrymæ rerum , et qu’il achève le vers en le méditant : mentem mortalia tangunt .
Renan, un homme plus tendre que gai, de nature ; car, quoique le Dieu incertain auquel il ne croit pas lui ait donné un visage qui n’est pas plus fait pour l’amour que celui de Turenne, il est tendre pourtant, à sa manière, comme Turenne était amoureux à la sienne, et c’est cette tendresse jusqu’aux larmes de « l’âme divinement bonne » de Marc-Aurèle, qui l’a enlevé et qui l’a entraîné à écrire sa biographie. […] En quatre mots, la chose serait réglée, si, derrière ce portrait en pâte trop tendre d’un empereur qui ne méritait pas la dignité du bronze, et qui, philanthrope ensanglanté, ne regardait pas apparemment les chrétiens qu’il faisait égorger comme des hommes, il n’y avait pas la gloire du Christianisme qui s’élève et sa puissance qui se constitue !
Comme Proudhon, qu’il admire, il veut la Justice, un idéal de justice sorti des tendres entrailles de la Révolution, mais, plus comiquement que Proudhon, il veut surtout « l’idée dans son globe de cristal », et ceci est peut-être plus difficile à admettre. […] si Proudhon avait vécu, ce vieux Proudhon qui n’était pas tendre et qui voulait qu’on ne volât que les autres, comme, d’un tour de bâton, il l’eût fait lever !! […] Il a eu toujours la puissance de l’odieux et du délicieux au même degré : artiste tendre, homme de parti injuste et souvent cruel, conscience égarée, chrétien détraqué… mais encore chrétien.
D’abord, le parti évangélique ou puritain (Low Church), qui professe arrogamment le protestantisme dans son horreur pure, nie la tradition, méprise les Pères et interprète la Bible à son gré ; ensuite le parti de l’Église et l’État (Church and State), qui tend à sacrifier entièrement, dans un temps donné, l’élément religieux à l’élément politique ; et, enfin, le parti anglo-catholique, celui de tous qui doit frapper le mieux au cœur l’Église anglicane, mais qui la frappe pour la sauver : car, tuée par lui, elle ressuscitera catholique, apostolique et romaine. […] L’anglo-catholicisme n’est pas une opinion nouvelle, une forme religieuse vivant de son énergie propre : c’est une opinion ancienne infectée d’erreur, mais qui tend à se purifier et à se compléter chaque jour. […] Lui qui, nourri à la forte mamelle de Rome, avait, tout en frappant et en reniant sa mère, conservé de son éducation vigoureuse le grand principe de vérité et de gouvernement : « Hors de l’Église pas de salut », il tendait maintenant une main épouvantée à tous ses frères en révolte, jusque-là si hautainement méprisés.
Il fut un délicat et un tendre, un modeste et un aristocrate, un artiste de nuances, dont la force est en dessous, dans la trame de l’œuvre et dans la conduite de la vie. […] L’éducation tend à le développer. […] » Rappelez-vous comme il pèse et comme il est précieux à soutenir, dans quelle attitude exténuée il glisse le long du suaire, avec quelle affectueuse angoisse il est reçu par des bras tendus et des mains de femme… Un de ses pieds, un pied bleuâtre et stigmatisé, rencontre au bas de la croix l’épaule nue de Madeleine.
Elle était fantasque, bizarre, légère, tendre, impétueuse, indéfinissable, jolie au dernier point. […] Si son mari n’est pas tendre avec elle, faites au moins qu’il soit poli. […] Pas un mot du cœur, pas un tendre sentiment, pas une parole humaine dans les reproches de Lucinde à son cher Moncade. […] C’est un vrai drôle qui tombera dans tous les pièges qu’on voudra lui tendre. […] Au quatrième acte, nouveau guet-apens, tendu à Moncade.
Dans les mystères, les boiteux tendent leur béquille, les lépreux montrent leurs ulcères, les soudards sont renfrognés, les gens de métier gauches et courtauds. […] La figure est sans expression, le cou défait, les pieds rigides, la main droite se crispe sur la poitrine ; quant au bras gauche, il vient en avant, tendu tout roide vers le spectateur, et la main tombe à angle droit, comme cassée. […] Ainsi fut dressée par ses soins, puis par ceux de Diderot, une véritable échelle allant du rire aux larmes et ayant pour degrés le terrible, le grand, le pitoyable, le tendre, le plaisant, le ridicule. […] Le nouvel art tend à priver l’âme des franchises que l’idéalisme lui avait accordées : il lui fait subir les fatalités du corps et de la nature extérieure. […] Dans l’art comme dans la société, que tout tende à la suppression radicale des classes et des catégories.
Il me semble que je pense maintenant à vous avec un souvenir plus tendre… Les idées sont abstraites ; on ne s’y élève que par un effort. […] » De ce tendre amour pour la nature sont nés l’Oiseau, l’Insecte, la Mer, la Montagne. […] Avec quelle tendre sollicitude il épie les lents et minutieux travaux de l’insecte ! […] Jamais homme n’a mieux su le but où il tendait, ni dépensé à ses œuvres une plus grande intensité d’application, un plus grand effort de volonté. […] C’est à tous les moments de la vie qu’il s’observe, travaille sur lui-même, s’adresse des réprimandes et des conseils, tend sans cesse à la perfection morale.
Les coursiers se cabrent, les chevaliers s’enfuient ; et l’un d’eux, l’un des anciens amants, Arthur, le tendre troubadour, entre dans un cloître ; c’est lui qui, en pleurant toujours sa belle, a donné, dit-on, le premier récit.
Enfin, les caractères passionnés ne sont jamais susceptibles de ce qu’on appelle l’égoïsme, c’est bien à leur propre bonheur qu’ils tendent avec impétuosité ; mais ils le cherchent au-dehors d’eux, mais ils s’exposent pour l’obtenir, mais ils n’ont jamais cette personnalité prudente et sensuelle qui tranquillise l’âme, au lieu de l’agiter.
C’était une forêt de sapins dont les branches inférieures n’avaient presque pas de feuilles, étant à moitié desséchées, grisâtres, couvertes de poussière, d’où pendaient de ces lichens gris filamenteux qu’on nomme barbes de capucin, et entre lesquelles étaient tendues beaucoup de toiles d’araignée ; j’y marchais, ayant conscience de suivre un guide que je ne voyais pas.
L’ordre s’impose dans une démonstration mathématique, où, abstraction faite des sentiments personnels, tout le monde opère sur les mêmes données et tend au même but.
Camille Mauclair Je tends simplement à expliquer que Laforgue attribuait au vers un usage essentiellement spéculatif, subjectif et intime, et réservait à la prose une objectivité plus grande, une intervention plus visible de la composition et des qualités littéraires.
Il lui suffit du bavardage d’un doux idiot et d’une heure de chapelle pour devenir une femme du cœur le plus tendre et le plus délicat. — Richard Fénigan a seize ans et habite la campagne avec sa mère.
Son rôle serait, non pas d’entraver la vie de la langue, mais de la nourrir au contraire, de la fortifier et de la préserver contre tout ce qui tend à diminuer sa forme expansive.
Or, quiconque a médité l’Évangile, doit convenir que ses préceptes divins ont précisément ce caractère triste et tendre.
Celui-ci, à une imagination vive, joint un génie tendre et rêveur ; il se sert même, ainsi que La Fontaine, du mot de mélancolie dans le sens où nous l’employons aujourd’hui.
Il me semble que la jeunesse, l’innocence, la gaieté, la légèreté, la mollesse, un peu de tendre volupté devaient former leur caractère.
Ou l’imagination trop allumée ne présente plus distinctement aucun objet, et une infinité d’idées sans liaison et sans rapport s’y succedent tumultueusement l’une à l’autre ; ou l’esprit las d’être tendu se relâche ; et une rêverie morne et languissante, durant laquelle il ne joüit précisement d’aucun objet, est l’unique fruit des efforts qu’il a faits pour s’occuper lui-même.
Didon conçoit d’abord une compassion tendre pour énée obligé de s’enfuir de sa patrie, parce qu’elle même avoit été obligée de s’enfuir de la sienne.
Ce qui fait l’étonnant mérite de la Princesse de Clèves et de Madame de La Fayette, ce sont les nuances les plus tendres et les plus choisies qu’on ait jamais vues fleurir, un matin, dans la délicatesse humaine, et que madame de la Fayette nous a offertes avec l’adorable simplicité qui prend de l’eau de source dans ses belles mains pour nous montrer combien elle est pure.
Il était là, dans sa pose assurée, et me tendait, avec son charmant sourire, une petite bouteille pleine d’eau limpide et transparente. « Allons, dis-je en me levant et en lui serrant la main avec une sorte d’enthousiasme, conduis-moi, je te suis. » Il sourit de nouveau, et se remit en marche. […] Elle plut tout d’abord à Ivan Pétrovitch, bientôt il l’aima ; sa démarche timide, ses réponses modestes, sa voix douce, son tendre sourire l’avaient captivé ; tous les jours, elle lui semblait plus aimable. […] Tout dans la maison était resté dans le même état ; les petits divans du salon, sur leurs pieds grêles, tendus de damas gris, lustrés, usés et défoncés, rappelaient le temps de l’impératrice Catherine. […] Quelques instants s’écoulèrent ; Lavretzky tendait l’oreille pour écouter. […] Il la nomma une troisième fois, et lui tendit les bras.
Cela est bon, je vous assure, aux nerfs trop tendus, aux cœurs trop gonflés, et l’on a besoin, après les luttes trop vives, de se retremper dans un bain de solitude et de silence. […] Il ne me déplaît pas qu’un homme se mette au-dessus des routines, des préjugés, des lois même, qu’il entre hardiment, les poings tendus, dans la révolte humaine, douloureux et sincère, qu’il crie à Dieu ses souffrances et ses doutes. […] Il représente une somme considérable d’efforts, dénote une peu commune intelligence, l’habitude des pensées graves, des hautes spiritualités, l’amour du grand, du tendre, de l’inconnu, qui est dans la vie. […] Jules Lemaître, et, dans la Revue des deux mondes, le tendre M. […] Et — comble de l’audace — M. de Gourmont avouait garder à la mémoire de Jules Laforgue, qui avait été lecteur de l’impératrice Augusta, un culte tendre… Alors, il ne l’aurait pas fusillé non plus, celui-là, un espion sans doute ?
Ainsi, chose admirable, l’humanité tend à l’extinction de la misère dans la mesure même où elle tend au perfectionnement intérieur, et son salut spirituel et son salut économique ne font plus qu’un aux confins extrêmes de l’idéal. […] Car, à mesure que le temps passe, le sable fin des heures tend à niveler l’empreinte des objets enfuis. […] Et je ne sais plus du tout quelles paroles tendres, brûlantes et un peu cyniques ils échangent dans leur premier entretien : mais je sais que M. […] Elle en fait dès le début une douce et tendre amoureuse, à qui elle prête l’aspect, comment dire ? […] Ce théâtre si spirituel est tendre.
Les filles sont envoyées à l’école, dès leur plus tendre jeunesse. […] Pourquoi pleures-tu, tendre chevreau ? […] Quelle mère tendre leur a conseillé d’en couvrir le fond de matières molles et délicates, telles que le duvet et le coton ? […] Saint Jean a quelque chose de plus doux et de plus tendre. […] Où sont les éducations sévères qui préparaient des âmes fortes et tendres ?
Séverine, un ovale court, ramassé, dans lequel il y a de tendres yeux, une grande bouche aux belles dents, et de la bonté. […] Je la revois, ma mère, en ces années, où retirée du monde, n’allant plus nulle part, le soir, elle s’était faite le tendre maître d’étude de mon frère. […] En effet la blouse est toute couverte d’une pluie de taches tendres, où manque le vert. […] Et aussitôt, que ma tante m’eut embrassé, son premier mot à sa femme de chambre, était : « Donne-moi un mouchoir. » Et je m’apercevais, qu’elle lui tendait le mouchoir de la nuit, plein de sang, et que ces maigres mains cherchaient à cacher. […] L’enfant tendre, à l’intelligence paresseuse, que j’ai peint sous le nom de Pierre-Charles, était mort d’une méningite, avant le départ de sa mère pour l’Italie, et sur ce pauvre et intéressant enfant, présentant un sujet neuf, sous la plume d’un romancier, j’ai fait peser le brisement de cœur et les souffrances morales de son frère cadet, pendant la folie religieuse de sa mère.
Alors elle tendit de nouveau sa peau par un effort plus grand, et demanda qui des deux était le plus grand. […] Ce sont autant d’arguments dissimulés qui tendent tous à un même effet. […] Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre. […] Comme il était naturellement pitoyable, il dit en lui même : « Il est vrai que ces animaux sont ennemis des hommes, mais aussi les bonnes actions sont très-estimables, et quiconque sème la graine des bonnes oeuvres ne peut manquer de cueillir le fruit des bénédictions. » Après avoir fait cette réflexion, il prit un sac qu’il avait, et l’ayant attaché au bout de sa lance, il le tendit à la couleuvre, qui se jeta aussitôt dedans.
Le ton de son argumentation est railleur, goguenard, ironique ; il tend des embûches de paroles à ses auditeurs ; il jouit de les voir s’y prendre ; il ne se hâte pas de les en retirer ; il plaisante, non pas amèrement, mais superbement, avec eux de leur chute ; il les humilie par sa supériorité, au lieu de les relever par leur propre force ; en un mot la philosophie, sous la plume de Platon, a l’air de consister dans une grande moquerie des ignorants, au lieu de consister dans une tendre initiation des faibles. […] XXIII Nous avouons que cette philosophie, depuis la métaphysique jusqu’à la morale, en d’autres termes depuis le retour de l’âme immortelle en Dieu, type exemplaire et raison de tout, jusqu’à la morale, c’est-à-dire jusqu’aux abnégations, aux sacrifices, aux piétés, aux dévouements à la vérité, aux hommes et à Dieu qui purifient l’âme et la divinisent ; nous avouons que cette philosophie est aussi la nôtre, comme elle est celle de Cicéron et de Confucius, comme elle est en grande partie celle des philosophes chrétiens, indépendamment du dogme de la rédemption de l’homme par Dieu descendu du ciel pour tendre sa main à l’humanité. […] « — Pas autre chose, lui répondit cet homme, que de te promener quand tu auras bu, jusqu’à ce que tu sentes tes jambes lourdes, et alors de te coucher sur ton lit. » Et en même temps il lui tendit la coupe.
De plus, pour les ranger dans l’espace selon tel ordre et non selon tel autre, il faut qu’il y ait en elles une marque locale déterminée ou déterminable ; il faut qu’elles tendent d’elles-mêmes à prendre telle place et à se ranger dans tel ordre ; il faut, en un mot, qu’il y ait dans le mécanisme physiologique et dans le dynamisme psychique l’explication du caractère extensif. […] Au contraire, quand vous écoutez des sons simultanés, ils tendent à se fondre ; et malgré cela, avec de l’attention, vous discernez encore une sorte de surface ou même de profondeur sonore : vous percevez des directions diverses de sons, mais trop vaguement pour juxtaposer les origines de ces sons et les étaler en étendue. […] Si leurs sensations, relativement très passives, ne provoquent pas d’une façon assez nette des efforts moteurs, il n’en existe pas moins jusque dans ces sensations une certaine part d’activité, et d’activité motrice : on tend l’oreille pour mieux entendre, on meut les narines et on aspire l’odeur pour mieux sentir, on réagit contre une chaleur ou un froid trop vif par des mouvements dans les parties affectées. […] Elle est le cadre commun du mécanisme et de la finalité : du mécanisme, parce qu’elle ouvre devant nous le champ illimité des mouvements possibles ; de la finalité, parce que les mouvements de notre part auxquels elle ouvre ainsi une perspective sont tous appétitifs et tendent tous à quelque lin.
Les romans modernes sont descriptifs, pittoresques, analytiques ; conçus généralement en une langue graphique et peinant à l’être, s’appliquant à dépeindre exactement et magnifiquement, en couleur et en relief, les lieux où se passe l’action, ils tendent surtout à présenter une image précise et impartiale de l’âme humaine conçue comme complexe, variable, aussi intéressante dans ses parties inférieures ou honteuses, dans ses laideurs, ses vices, ses passions, qu’en ses vertus et son énergie ; ils tendent encore à donner la connaissance minutieuse et renseignante du milieu social ou professionnel dans lequel se meut le protagoniste, du monde qui l’entoure, des intérêts qu’il prend du département de la vie commune auquel il participe ; et tous ces renseignements et ces analyses sont mis bout à bout au moyen d’une intrigue la plus simple, la plus ordinaire possible, réduite à n’être plus qu’une sorte de prétexte à lier entre eux les tableaux, les scènes, les traits de caractère, de façon que l’œuvre soit plutôt une étude de personnage et de mœurs, qu’un récit romanesque ou une effusion personnelle de l’auteur. […] Un écrivain humoristique sera donc un homme qui tend à n’éprouver et, par conséquent, à ne rendre chacune de ses sensations, de ses idées, de ses imaginations, de ses perceptions totales ou fragmentaires, que sous forme de sentiments, d’affections, de passions, d’émotions d’aversion, de crainte, de pitié, d’intérêt, de gaieté, et qui s’émeut ainsi sans cesse et, pour des gens autrement constitués, sans raison. […] Dans la description des lieux où ils se meuvent, l’écrivain ne tâche qu’à rendre aussi clairement que dans la délinéation de leur caractère, quelque impression sentimentale, une manière de voir, une suggestion morale ; dans les scènes où il les met en présence, il ne tend qu’à exagérer encore la saillie de leur tempérament, tout en accusant le sens et la tendance propres de l’épisode même, qui, grossi sans mesure, infléchit brusquement toute la marche du récit au gré du goût de l’auteur plus soucieux d’incidents intéressants que de l’équilibre et du progrès de l’œuvre.
Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie ; quand l’imagination de l’homme se tend, et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme ; quand la passion réelle ou imaginaire l’exalte ; quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine ; quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous, parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu ! […] Son invocation joint à la dignité de la prêtresse le courage de l’amazone et la candeur d’une fille tendre et innocente. […] Aucun de ces remèdes que la médecine inventa ne vaut, dans les tortures de l’âme et du corps, les tendres soins d’une épouse. » « Tu dis vrai, réplique Nala ; tu dis vrai, ô fille à la taille de palmier ! […] Abattu par la tristesse, l’homme ne trouve nulle part un berceau aussi doux que dans les bras d’une tendre épouse ; non, je ne te quitterai pas, femme timide.
et ne savaient pas que vous, le justificateur sentencieux du fait, vous seriez un jour un partisan si zélé et si tendre de ce que vous appelez le droit. […] Jouffroy tendait à établir entre la physiologie et la psychologie.
Plus bas, en effet, la reproduction, le changement, le renouvellement nous entourent ; le sol actif et fécond se recouvre éternellement de parure ou de fruits, et Dieu semble approcher de nous sa main pour que nous y puisions le vivre de l’été et les provisions de l’hiver ; mais ici où cette main semble s’être retirée, c’est au plus profond du cœur que l’on ressent de neuves impressions d’abandon et de terreur, que l’on entrevoit comme à nu l’incomparable faiblesse de l’homme, sa prochaine et éternelle destruction si, pour un instant seulement, la divine bonté cessait de l’entourer de soins tendres et de secours infinis. […] Aussi, tandis que l’habituel spectacle des bienfaits de la Divinité tend à nous distraire d’elle, le spectacle passager des stérilités immenses, des mornes déserts, des régions sans vie, sans secours, sans bienfaits, nous ramène à elle par un vif sentiment de gratitude, en telle sorte que plus d’un homme qui oubliait Dieu dans la plaine s’est ressouvenu de lui aux montagnes.
En rencontrant chez Mme Guyon une âme tendre et subtile, qui renouvelait en apparence ce qu’on a rapporté des ferveurs les plus saintes et les plus favorisées, il s’oublia trop à spéculer avec elle et à rivaliser de curiosité ou d’abandon. […] Les écrivains dits spirituels et mystiques, à force de sentir cette condition de l’homme souffrant, dénué et orphelin, qui n’a pas cessé d’être dans un rapport intime avec un Dieu aussi tendre et aussi miséricordieux que puissant, ont eu des paroles qui semblent annoncer une exaltation excessive et une certaine ivresse.
Et c’est alors que, tandis que Jésus descend le long de la montagne des Olives, il le présente touché au vif dans son cœur d’une tendre compassion, et pleurant sur la ville ingrate dont il voit d’avance la ruine ; puis, tout d’un coup, sans transition et par une brusque saillie qui peut sembler d’une érudition encore jeune, Bossuet s’en prend à l’hérésie des marcionites qui, ne sachant comment concilier en un seul Dieu la bonté et la justice, avaient scindé la nature divine et avaient fait deux Dieux : l’un purement oisif et inutile à la manière des épicuriens, « un Dieu sous l’empire duquel les péchés se réjouissaient », le Dieu qu’on a nommé depuis des bonnes gens ; et, en regard de ce Dieu indulgent à l’excès, ils en avaient forgé un autre tout vengeur, tout méchant et cruel : et aussi, poussant à bout la conséquence, ils avaient imaginé deux Christs à l’image de l’un et de l’autre Père. […] La nature l’avait fait tendre, le dogme l’avait fait dur. » Je ne crois pas à cette contradiction chez Bossuet, la nature la plus une et la moins combattue qui nous apparaisse.
Les Gessner, les Florian n’opéraient qu’en petit pour les imaginations de femmes et d’enfants, pour les amoureux, les cœurs tendres et les têtes légères ; ils faisaient un âge d’or de petits bergers. […] L’invention dépend essentiellement d’une certaine inquiétude de l’esprit qui sans cesse tire l’homme du repos, où il tend sans cesse à revenir. » Il y a un degré d’ignorance et de stagnation qui, selon lui, ne peut exister avec l’esprit inventeur : Quand je verrai dans la ménagerie de Versailles un éléphant qui ne produit pas, j’en conclurai que c’est un animal étranger, né sous un ciel plus chaud.
… Plaignons les faiblesses de l’humanité, et respectons les moindres de ses espérances ; n’en arrachons aucune à l’âme crédule et timide : elle mérite plus que toute autre l’indulgence du philosophe et les tendres soins des âmes fortes. […] N’est-ce pas celle qui garantit à une portion malheureuse de l’humanité les soins les plus prévenants, la condescendance la plus attentive, en un mot, ce tendre intérêt si supérieur à la simple compassion ?
À ces moments il est à demi désarmé, et bien loin de son premier nerf : il ne tend plus l’arc d’Apollon. […] Il est revenu à la paraphrase, et c’est à son aise qu’il rejoint son modèle, qu’il le développe et le transforme, sans lutte, sans paraître y viser ; Il soupire en repos l’ennui de sa vieillesse Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse A vu dans le berceau ses bras emmaillottés·.
Il y a tel passage du songe, celui-ci, par exemple : « L’autel qui s’élevait au milieu du temple se distinguait à peine au travers des vapeurs d’un encens épais qui portait à la tête et troublait la raison… L’appareil d’un continuel carnage environnait cet autel terrible… Tantôt on précipitait de tendres enfants dans des flammes de bois de cèdre, tantôt, etc., etc. », il y a, dis-je, tel de ces passages qui me fait m’écrier : Ô Rousseau, ô Lamennais, lequel des deux a imité l’autre ? […] Il y avait loin encore de l’âme tendre, jalouse, exigeante, susceptible, dévorée d’un immense besoin de retour, de celui qui disait : « J’étais fait pour être le meilleur ami qui fût jamais, mais celui qui devait me répondre est encore à venir », il y avait loin de cette âme seulement refoulée et douloureuse à celle qui devait tourner toute chose en poison, à ce Jean-Jacques, par exemple, qui, en apprenant la mort de Louis XV, s’écriait : « Ah !
Veuillot franc, violent, fin pourtant, âpre non moins qu’adroit à l’attaque, riant ou mordant à belles dents, et sachant choisir sur le prochain les endroits vulnérables et tendres ; ayant rompu avec la moitié et plus de la moitié de ses confrères, et seul contre tous s’en faisant craindre. […] Un de nos amis les plus maltraités, les plus insultés dans ce volume12, recevait, en mai 1853, une lettre de M. de Pontmartin, datée du journal l’Assemblée nationale, et ainsi conçue : « Monsieur et ancien collaborateur, Pendant que nos rédacteurs en chef se fusillent et s’exterminent du haut de leur premier-Paris, ne serait-ce pas chose agréable et piquante de nous tendre la main à travers les fenêtres de notre rez-de-chaussée ?
Il est certes des natures merveilleusement douées en naissant, des êtres (surtout femmes) revêtus de dons singuliers, d’aspirations pures, tendres, poétiques, idéales, et qui semblent vouloir glisser, s’élever au-dessus de la terre : ici, chez Sibylle, cette faculté éthérée, cette tendance au sublime est jointe à une fermeté de volonté qui devient le trait caractéristique et qui, dans plus d’un cas, ira jusqu’à la dureté. Elle est encore plus impérieuse et opiniâtre que tendre.
Le grand Frédéric, qui n’était pas des plus tendres, ne put s’empêcher de le remarquer quand il eut vu M. de Gisors et pris connaissance de son régime : « Il se couche trop tard, disait-il, et se lève trop matin. […] J’ai perdu le seul protecteur, ce n’est rien, mais le plus tendre et le plus sincère ami que j’eusse.
Il n’en persista pas moins dans sa résolution d’écrire désormais dans un journal modéré et libre de tout joug, où des amitiés éprouvées lui tendaient la main, et où il savait que les convictions philosophiques, qu’il venait de défendre au Sénat, trouveraient autour de lui non seulement la tolérance avec un peu d’indifférence (comme cela aurait pu lui arriver dans d’autres feuilles amies et libérales), mais aussi une sympathie sûre et de fermes soutiens, des plumes instruites et sérieuses avec lesquelles il se sentait en parfaite communion d’idées. […] Vous nous avez vu dans ces deux ou trois années de véritable ivresse, vous m’avez vu dans ces six mois célestes de ma vie qui m’ont fait faire les Consolations ; vous avez contribué à m’y inspirer par ce mélange de sentiments tendres, fragiles et chrétiens que vous agitez en vous et qui sont un charme.
Doué d’une imagination riche et facile, d’une âme tendre et pure, de bonne heure nourri d’études classiques, M. […] L’onction antique respire surtout dans ce vœu d’une âme tendre : O champs de Pressagni, fleuve heureux, etc.
Or, sans faire d’hypothèse gratuite, sans demander aux hommes plus que leur siècle ne comporte, on conçoit, ce me semble, dans cette atmosphère de souvenirs et d’affections, une âme tendre, chaste, austère, effrayée de la contagion croissante et du débordement philosophique, fidèle au culte de la monarchie de Louis XIV, assez éclairée pour dégager la religion du jansénisme, et cette âme, alarmée, avant l’orage, de pressentiments douloureux, et gémissant avec une douceur triste ; quelque chose en un mot comme Louis Racine, d’aussi honnête, et de plus fort en talent et en lumières. […] Sa correspondance durant ce temps d’exil avec Rollin, Racine fils, Brossette, M. de Chauvelin et le baron de Breteuil, a des parties qui recommandent son goût et qui tendent à relever son caractère.
Les enfants, laissés à eux-mêmes, sont les êtres les plus libres, le bonheur les affranchit de tout ; les philosophes doivent tendre au même résultat par la crainte du malheur. […] Si l’objet qui vous est cher vous est enlevé par la volonté de ceux dont elle dépend, vous pouvez ignorer à jamais ce que votre propre cœur aurait ressenti, si votre amour, en s’éteignant dans votre âme, vous eût fait éprouver ce qu’il y a de plus amer au monde, l’aridité de ses propres impressions ; il vous reste encore un souvenir sensible, seul bien des trois quarts de la vie ; je dirai plus, si c’est par des fautes réelles dont le regret occupe à jamais votre pensée, que vous croyez avoir manqué le but où tendait votre passion, votre vie est plus remplie, votre imagination a quelque chose où se prendre, et votre âme est moins flétrie que si, sans événements malheureux, sans obstacles insurmontables, sans démarches à se reprocher, la passion par cela seulement qu’elle est elle, eût, au bout d’un certain temps, décoloré la vie, après être retombée sur le cœur qui n’aurait pu la soutenir.
On n’est pas en compagnie pour se montrer véhément ou sombre ; l’air concentré ou tendu y ferait disparate. […] On a des amies de cœur pour qui « on éprouve quelque chose de si vif et de si tendre que véritablement c’est de la passion », et qu’on ne peut se passer de voir trois fois par jour. « Toutes les fois que des amies se disent des choses sensibles, elles doivent subitement prendre une petite voix claire et traînante, se regarder tendrement en penchant la tête, et s’embrasser souvent », sauf à bâiller tout bas au bout d’un quart d’heure et à s’endormir de concert parce qu’elles n’ont plus rien à se dire.
Achille n’est pas seulement la force héroïque : c’est le jeune fils d’une déesse, le plus beau des Grecs, qui, outragé, pleure comme un enfant dans le sein de sa mère ; qui sur la grève solitaire chante avec la lyre en contemplant la mer immense ; qui console son ami affligé avec un accent aussi tendre et aussi ému que celui d’une jeune mère : « Pourquoi pleures-tu, Patrocle, comme une enfant qui ne sait pas encore parler, qui court après sa mère afin qu’on la prenne, la tire par sa robe, et l’arrête, et la regarde en pleurant pour être portée dans ses bras ? […] Quand nous voyons un noble chêne, dont les racines s’enfoncent dans le sol comme des pieds d’athlète, étendre ses branches noires chargées de feuilles sonores, et dresser son tronc serré par l’écorce comme par des muscles tendus, nous l’imaginons plus grand et plus fort encore ; nous élargissons sa voûte, nous tordons son écorce, nous raidissons ses bras, nous couvrons sa masse sombre d’une plus riche lumière, et il nous semble alors que la nature n’a pu accomplir son dessein, que ses lois ont entravé son action, que son oeuvre n’est pas égale à son génie.
Il trouva en Suisse, dans la maison de Coppet, l’amitié la plus tendre, la religion la plus tolérante et toutes les consolations que les mêmes déceptions donnent aux illusions également trompées. […] Ses cheveux, d’un blond tendre, ont gardé les inflexions du premier âge autour d’un front de vingt-cinq ans ; ils jettent une ombre légère et mobile sur sa figure.
L’âme de ce cher petit Chose, qui n’a pas eu une enfance heureuse et qui a songé des songes si jolis et si tendres, continue de flotter, légère, sur les romans vrais de M. […] Or ce rien est délicieux, et si tendre !
Il se vit alors une contradiction singulière et piquante : les hommes les plus épris des merveilles de ce siècle de Louis le Grand et qui allaient jusqu’à sacrifier tous les anciens aux modernes, ces hommes dont Perrault était le chef, tendaient à exalter et à consacrer ceux-là mêmes qu’ils rencontraient pour contradicteurs les plus ardents et pour adversaires. […] Son Avare, où le vice détruit toute affection entre le père et le fils, est une œuvre des plus sublimes, et dramatique au plus haut degré… Dans une pièce de théâtre, chacune des actions doit être importante en elle-même, et tendre vers une action plus grande encore.
Ce tendre rejeton d’une si longue et si illustre race était frappé et desséché peut-être jusque dans ses futurs rameaux. […] Y eut-il jamais place, dans ce cœur qui avait été saturé d’agonie dès sa tendre jeunesse, à une pure et véritable joie ?
Tout cela ne mériterait pas même l’attention, si la disposition fondamentale qui est là-dessous ne tendait à persister jusque dans de bons et graves esprits, à les envahir, ou, si c’est trop dire, à les marquer d’un coin qu’on ne se serait jamais attendu à trouver en eux. […] Les natures moins délicates ou moins maîtresses d’elles-mêmes ne peuvent se retenir ; il en est qui s’exhalent en propos vifs et outrageants, d’autres tournent au tendre et à l’élégie.
Ou encore : « Tout va de guingois chez elle ; ni moellons, ni briques, ni pierres, mais de chaque côté, bordant le chemin sans pavé creusé d’une rigole au centre, des bois de bateaux marbrés de vert par la mousse et plaqués d’or bruni par le goudron, allongent une palissade qui se renverse entraînant toute une grappe de lierre, emmenant presqu’avec elle la porte, visiblement achetée dans un lot de démolitions et ornée de moulures dont le gris encore tendre perce sous la couche de haie déposée par des attouchements de mains successivement sales ». […] Les fleurs rares et étranges dont le duc Jean garnit son vestibule, ne lui présentent que des images de charnier et d’hôpital : « Elles, affectaient cette fois une apparence de peau factice sillonnée de fausses veines ; et la plupart comme rongées par des syphilis et des lèpres, tendaient des chairs livides, marbrées de roséoles, damassées de dartres ; d’autres avaient le teint rose vif des cicatrices qui se ferment, ou la teinte brune des croûtes qui se forment ; d’autres étaient bouillonnées par des cautères, soulevées par des brûlures ; d’autres encore montraient des épidermes poilus, creusés par des ulcères et repoussés par des chancres ; quelques-unes enfin paraissaient couvertes de pansements, plaquées d’axonge noire mercurielle, d’onguents verts de belladone, piquées de grains de poussière, par les micas jaunes de la poudre d’iodoforme.
Néanmoins, ou l’esprit ne serait qu’une inutile faculté, ou les hommes doivent toujours tendre vers de nouveaux progrès qui puissent devancer l’époque dans laquelle ils vivent.
Tyrtée, tendre et fort, des batailles du pain quotidien.
Mecenas , dit-il, étoit homme de bien, de ces gens de bien néanmoins doux, tendres, plus sensibles aux agrémens de la vie, que touchés de ces fortes vertus qu'on estimoit dans la République.
L’honnête Vaugelas appelle le ch dur un piège tendu à toutes les femmes et à tous ceux qui ne savent pas le grec.
Nos arts et nos vies tendent de plus en plus à dépouiller la joie.
Ses œufs, ses tendres œufs, etc.
Gessner nous a laissé dans la Mort d’Abel un ouvrage plein d’une tendre majesté.
Il nous a montré une chimère peut-être, qu’il a rêvée, l’homme de tendre imagination qu’il est !
Ferme l’oreille à des discours dangereux ; tu mérites sans doute l’hommage qu’on va te rendre, achève de le mériter en le dédaignant ; aujourd’hui la vérité te loue, demain la flatterie t’attend ; de tous côtés l’orgueil te tend des pièges et te poursuit ; l’esclavage en silence te trompe et te flatte ; iras-tu encore permettre à un orateur de te corrompre avec art ?
Ainsi, de ce monde social embelli et policé par tous les arts de l’humanité, ils tendent à en faire la grande forêt des premiers âges, où, avant Orphée, erraient les hommes à la manière des bêtes sauvages, suivant au hasard la coupable brutalité de leurs appétits, où un amour sacrilège unissait les fils à leurs mères, et les pères à leurs filles.
Pas tant que cela : mais enfin le style de cette seconde partie des Natchez est un peu moins tendu. […] Pour vaincre les disciples d’une loi sévère, il ne faut ni violence ni sagesse : j’armerai contre eux les tendres passions… Cette ceinture me répond de la victoire. […] Esclaves de Neptune, abandonnez la voile au souffle des vents… Volez, oiseaux de Libye… Quand retrouverai-je mon lit d’ivoire… J’étais semblable à la tendre génisse… Ah ! […] Volontiers solennel et un peu tendu dans ses livres, il était facilement, dans la conversation, libre, familier, et même, à l’occasion, assez vert. […] Ce Joubert fut assurément le plus distingué des amis de Chateaubriand, qui a fait de lui un portrait amusant et tendre.
Georges Rodenbach, Charles Van Lerberghe, le Maurice Maeterlinck des premiers drames, s’apparentent aux primitifs flamands inquiets, tendres et religieux, continuent, en littérature, l’adaptant à leur caractère, l’œuvre mystique de Memling. […] Dans cet aimable roman où le jardinier, qui répond au nom parfumé de Jasmin Buguet38, cache un tendre amour pour la belle Favorite, il y a des héroïnes, les fleurs ; elles répandent leur arôme par tout le livre. […] Je suis venu si tard Vers la douceur de ton regard Et de si loin, vers tes deux mains tendues, Tranquillement, par à travers les étendues ! […] Les pauvres marionnettes, effarouchées, inquiètes et gauches, les pauvres et tendres marionnettes, touchantes infiniment dans leur candeur timorée ! […] Ma volonté est morte et ne tend plus à rien.
Si Saint-Preux le plus souvent divague, Rousseau a parfois placé sous la plume de la tendre Julie ou de la malicieuse Claire des propos fort raisonnables. […] Une espèce de tendre et caressante maternité avait été le premier piège de l’amour. […] Et pourtant, dans ma pensée, ces mots perdaient leur air d’impertinence, et tendaient seulement à rapprocher M. […] Quand il rencontra Madeleine, jeune femme tendre ayant déjà souffert, et quand il se pencha sur elle, le sentiment qui l’animait était le même qui entraînait alors vers les faubourgs de nombreux bourgeois de son âge. […] La lutte fut douloureuse, car il avait, il s’en porte garant, un cœur tendre, mais il fallait que cette lutte eût lieu, il fallait qu’il éprouvât la pitié pour avoir le droit de la mépriser.
Il n’y a rien qui soit plus utile aux lettres que l’individualisme intellectuel, ou ce qui y tend, surtout ce qui y tend, à vrai dire, mais lui aussi. […] À dix-sept ans on l’envoya à la Cour, c’est-à-dire auprès de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qu’il ne connut jamais que vieux et malade, et dont il a gardé le plus tendre souvenir. […] — Parce qu’ils ne les font pas cuire, et que le blanc de poulet est rouge quand il est cru. » Voilà bien le piège tendu à l’enfant ou au nigaud, et le gros éclat de rire quand celui-ci y est tombé. […] L’antiquité a connu l’amour à l’état de passion ardente ; elle ne l’a pas connu à l’état de sentiment tendre ; elle ne la pas connu comme une occupation de l’imagination jointe à l’attendrissement du cœur. […] Poussés à leurs extrêmes, les deux termes tendent à s’exclure.
Il travaille appliqué et nerveux, jetant des mots italiens, dans une intonation tendre à sa femme, jetant des secatore au beau petit garçon, qui devient trop familier, jetant des porcheria à la chienne Mouchette, dont la gaîté se prend, par moments, à aboyer. […] » * * * — Dans ce moment-ci, chez les écrivains littéraires, c’est une recherche, une sélection, une chinoiserie de style, qui tendent à rendre l’écriture impossible. […] … comme le caoutchouc, où le pas ne s’entend pas… Un ciel bleu tendre… Vous ne connaissez que l’Orient clair et découpé… Là, à tous les plans, d’imperceptibles voiles de vapeur, devenant plus intenses à mesure qu’elles s’éloignent… Là, des bonshommes noirs ou bleus… il est très rare de rencontrer une note rouge… et quel joli ton fait là-dedans la cotonnade bleue… Je les vois, tous ces bonshommes, avec une petite lumière au front et à la clavicule. […] » Pour Raoul Duval, la chose menée par des honnêtes gens et des sincères du parti, a été un piège tendu par les orléanistes à leur cousin. […] Les Russes ne sont pas en général tendres, et celui-ci me parlait de sa femme avec une tendresse inexprimable.
Certes j’admire Hugo pour ses imageries somptueuses, son souffle d’ouragan, sa belle allure épique, mais d’autres ont mieux su émouvoir les cordes secrètes de ma sympathie : Lamartine, le pur et profond rêveur, Baudelaire, ce sensitif et ce voyant, Laforgue, ce tendre et ce narquois… et surtout Verlaine, surtout. […] Ceci dit, j’ajouterai que, pourtant, les Flûtes de Franc-Nohain ne sauraient me donner, à elles seules, toute la poésie et qu’il m’arrive aussi d’éprouver avec quelques savoureux émois à l’audition des grandes et magistrales orgues du Père — admiré — Hugo, et aux violons si câlinement tendres ou pervers du Fils — aimé — Verlaine. […] C’est dans ce sens purement extérieur qu’on peut dire d’Hugo qu’il représente une valeur esthétique plus variée, plus féconde et plus dense, de nature donc à lui assurer une suprématie où tendirent avec des énergies inégales ceux qui vécurent dans son temps. […] — Et frêles, des cahiers roses, ou mauves, ou bleus, dans les doigts des jeunes filles, se tendent naïfs et jolis, gauches à réjouir l’âme douce de M. […] Dans les limites que vous indiquez — un poète mort du xixe siècle — je m’adresse à Lamartine ou à Desbordes-Valmore lorsque je veux trouver une inspiration tendre et nuancée, à Baudelaire (bien qu’il ait eu toujours une sensibilité artificielle) pour rencontrer l’un des rares faiseurs de vers qui aient eu le sens de la métrique et connu la valeur des mots.
C’est de l’âme entière, en effet, que la décision libre émane ; et l’acte sera d’autant plus libre que la série dynamique à laquelle il se rattache tendra davantage à s’identifier avec le moi fondamental. […] À mesure que vous complétiez davantage la somme des conditions qui, une fois connues, eussent permis de prédire l’action future de Pierre, vous serriez de plus près l’existence de ce personnage, vous tendiez davantage à la revivre dans ses moindres détails, et vous arriviez ainsi au moment précis où, l’action s’accomplissant, il ne pouvait plus être question de la prévoir, mais simplement d’agir. […] Or, notre conception de la durée ne tend à rien moins qu’à affirmer l’hétérogénéité radicale des faits psychologiques profonds, et l’impossibilité pour deux d’entre eux de se ressembler tout à fait, puisqu’ils constituent deux moments différents d’une histoire. […] Et l’on prouverait sans peine que, plus le progrès des explications mécaniques permet de développer cette conception de la causalité et d’alléger par conséquent l’atome du poids de ses propriétés sensibles, plus l’existence concrète des phénomènes de la nature tend à s’évanouir ainsi en fumée algébrique. […] Nous ne prétendons pas que le sens commun ait l’intuition (les théories cinétiques de la matière, encore moins peut-être d’un mécanisme à la Spinoza ; mais on verra que, plus l’effet paraît nécessairement lié à la cause, plus on tend à le mettre dans la cause même comme la conséquence mathématique dans le principe, et à supprimer ainsi l’action de la durée.
Ceux-ci auront beau s’en défendre, ils n’empêcheront pas· leur essai de synthèse et d’explication universelle, auxquelles ils tendent dans la mesure où le permet l’état des sciences particulières, d’être comme le boulevard d’une philosophie première. […] L’effort des germinations tend mon vouloir. […] Tout l’effort du métaphysicien et du grand poète doit tendre à ceci : rétablir la continuité primordiale en s’élevant au-dessus des contingences pour s’adapter de mieux en mieux au Réel. […] Il est clair, comme j’ai tendu à le montrer au début de cette étude, qu’il existe un fond permanent grâce auquel l’Iliade, la Divine Comédie, Andromaque, demeureront toujours actuelles. […] « Ce sont des centaines de bras qu’il tend vers toutes choses, c’est d’un millier de mains qu’il souhaite les palper.
Politiquement par l’abolition de la moindre hiérarchie, nous semblons tendre chaque jour davantage à l’abaissement et à l’annihilation des capacités. […] Leur plus grand soin dès lors ne devait plus tendre qu’à s’entretenir et à se perfectionner dans leur prédisposition native. […] Il n’est pas démontré d’abord que la beauté absolue, idéale, vers qui doit tendre l’artiste, ne soit pas impassible. […] Mais, en dehors du style, — qui baisse d’ailleurs, — et de l’affabulation, — qui tend à disparaître, — on cherche l’effort artistique, et on ne le trouve guère. […] C’est cependant à quoi tend d’un bout à l’autre le Traité de Poésie française, et c’est à quoi il est trop bien parvenu, au grand dommage de notre développement littéraire.
Hautefeuille sont deux amis intimes et tendres, camarades de collège, camarades de guerre, dévoués l’un à l’autre jusqu’à la mort. […] Cela tend à prouver que les mariages de convenance sont souvent mauvais ; mais qu’il y a peu de raisons pour que les mariages d’amour soient meilleurs. […] Quoi qu’il en soit, voici le mélodrame : Dario Boccanera et Benedetta Boccanera s’aiment depuis la plus tendre enfance. […] commence à tendre vers l’expression… c’est encore trop, marque une tendance vague à prendre une expression indécise ; mais rien de plus… C’est à peu près cela. […] tend directement, depuis sa première ligne, vers La Case de l’Oncle Tom, comme vers son objet.
L'une des plus jolies pièces, A une branche d’amandier, rappelle celle de Jean-Baptiste Rousseau : Jeune et tendre arbrisseau, l’honneur de mon verger, etc.
Et riant, conversant de rien, de toute chose, Retenant la pensée au calme qui repose, On voyait le soleil vers le couchant rougir, Des saules non plantés les ombres s’élargir, Et sous les longs rayons de cette heure plus sûre S’éclairer les vergers en salles de verdure, Jusqu’à ce que, tournant par un dernier coteau, Nous eûmes retrouvé la route du château, Où d’abord, en entrant, la pelouse apparue Nous offrit du plus loin une enfant accourue13, Jeune fille demain en sa tendre saison, Orgueil et cher appui de l’antique maison, Fleur de tout un passé majestueux et grave, Rejeton précieux où plus d’un nom se grave, Qui refait l’espérance et les fraîches couleurs, Qui sait les souvenirs et non pas les douleurs, Et dont, chaque matin, l’heureuse et blonde tête, Après les jours chargés de gloire et de tempête, Porte légèrement tout ce poids des aïeux, Et court sur le gazon, le vent dans ses cheveux.
Vinet n’a pas eu le même bonheur que Topffer ; il a vu son cher pays en proie aux violents, la culture de quinze années détruite en un jour, ses meilleurs amis dispersés ; il a bu tout le calice d’amertume dont était capable sa nature tendre, et il est à croire que, tout en sentant qu’il en souffrait et qu’il en mourait, sa belle âme en tirait un nouveau sujet de rendre grâces et de bénir.
Madame de Genlis se montre sévère à l’égard de La Harpe, qui fut en un temps son admirateur tendre et passionné ; elle lui ressemble pourtant beaucoup à M. de La Harpe.
Ignominieusement refoulés vers ce peuple dont ils étaient sortis, et qui leur tendait les bras, les guerriers s’y jetèrent au premier appel.
Né avec des affections vives et tendres, passionné pour les vers, il eût été probablement poète, si la Révolution n’était pas venue ; l’un des premiers, il s’y jeta ; dès le 12 juillet, il était populaire, et depuis, journaliste et clubiste sans cesse haletant, il se vantait d’avoir toujours eu six mois d’avance sur l’opinion publique ; tour à tour ami de Mirabeau et de Brissot, il les dépassa dès qu’il les jugea trop lents, et ne s’arrêta qu’à Danton.
La critique est surtout un art ; l’histoire tend à être de plus en plus une science.
Douée, dès l’âge le plus tendre, d’une prudence capable de seconder les vûes politiques de ses parens, qui la faisoient passer pour un garçon, elle touchoit à sa sixieme année, lorsqu’elle fut envoyée à Paris auprès d’une de ses Tantes.
Dans tous les cas, un excès contraire à celui qui naissait de l’isolement et de l’ignorance où s’étaient tenus les arts vis-à-vis les uns des autres, tendit dès lors à se produire et dans la poésie et dans la peinture et dans la musique. […] Les démembrements postérieurs qui devaient produire des genres nouveaux tendirent tous à l’affranchir de plus en plus du sentiment divin, et à la mettre sous la dépendance de passions moins élevées, de goûts plus arbitraires et plus variables. […] Jamais, à Lyon, ne se sont perdues les habitudes d’un mysticisme tendre et rêveur, exalté même, non plus que celles d’une infatigable charité. […] Il lutte des heures entières, le cerveau tendu ; il efface, il ajoute ; il laisse courir son pinceau avec précipitation, ou le dirige avec lenteur. […] Cependant, pour rassurer encore certaines consciences, il n’est pas inutile de montrer comment l’amour le plus tendre pour le christianisme se concilie avec le respect de l’antiquité.
Dès sa plus tendre enfance, Étienne avait montré du goût et quelque aptitude pour l’art du dessin. […] Près d’elle était une dame âgée, pâle et maigre, mais dont les traits nobles, dont l’expression digne et calme faisaient un contraste déchirant avec l’état de sa jeune compagne, sur laquelle elle semblait jeter un regard tendre et protecteur. […] « Je gagerais, dit-il en se tournant vers un de ceux qu’il savait être des plus assidus aux études de l’Académie, que c’est toi qui as imaginé cette belle pose, qui fait tendre la poitrine du modèle comme une carcasse de volaille ? […] Girodet n’était pas homme à montrer un ouvrage sans l’avoir revu et corrigé plutôt vingt fois qu’une ; aussi ses confrères n’étaient-ils pas dupes du piége qui leur était tendu. […] Le biographe de Girodet55 a été discret sur les affections tendres de ce peintre.
« La Muse, pour se confier, veut une oreille apaisée, un esprit fin et un cœur délicat. » Cela est vrai et le sera toujours des muses discrètes, tendres ou sévères. […] Que si, sous sa forme purement folâtre et dans la voix bruyante de l’ivresse, elle est moins faite pour séduire les âmes délicates et tendres, elle prend parfois aussi des accents d’une telle richesse, d’une folie si éclatante et si sincère, qu’elle a force de poésie à son tour, et que, bon gré mal gré, elle entraîne. […] Désaugiers (ce qu’on croirait difficilement à ne le juger que du dehors) était un homme d’intérieur ; mari et père tendre, voué aux affections domestiques, il n’a laissé au sein de la famille la plus unie que des souvenirs pieux et inaltérés, aussi vifs après tant d’années que le premier jour.
Relisons-le pour y sympathiser avec une sensibilité pathétique qui n’existait pas au même degré dans les années tendres de l’écrivain, et qui semble en vieillissant participer davantage à cette mélancolie de l’espèce humaine, à cette tristesse des choses mortelles, à ce mentem mortalia tangunt , à ce sublime lacrimæ rerum de Virgile, qui, lui aussi, avait vu des révolutions, des proscriptions, des déceptions humaines. […] J’aime Hugo, parce que je l’ai connu et aimé dans l’âge où le cœur se forme et grandit encore dans la poitrine ; dans l’âge où les racines de notre vie, pleines encore de sève et de souplesse, s’attachent par leurs filaments les plus tendres à ce qui pousse, végète ou se rencontre seulement dans le même sol, et où, si ces racines viennent à se tordre, à se replier et à se nouer autour d’un caillou ou d’un bloc de granit, elles l’enserrent dans leurs nœuds, l’emportent en grandissant et le font pour ainsi dire végéter et vivre avec elles de leur propre substance, comme si l’arbre et la pierre n’étaient qu’une seule vie ! […] « Oui, une société qui admet la misère… oui, une humanité qui admet la guerre, me semblent une société, une humanité inférieures, et c’est vers la société d’en haut, vers l’humanité d’en haut que je tends, société sans rois, humanité sans frontières… « Je veux universaliser la propriété, ce qui est le contraire de l’abolir, en supprimant le parasitisme, c’est-à-dire arriver à ce but : tout homme propriétaire et aucun homme maître.
Ses mains jointes sont tellement éloquentes par la pression des doigts contre les doigts et par les veines à travers lesquelles on voit circuler le sang brûlant de se répandre pour l’homme, son frère, que, lors même qu’on ne verrait ni le corps, ni les jambes, ni le buste, ni la tête divine, mais que ces mains seules sortiraient de l’ombre, le tableau aurait suffisamment parlé au cœur ; on aurait pleuré, on aurait compris que ces deux mains tendues par l’enthousiasme de l’agonie triomphante étaient assez fortes pour arracher l’aiguillon à la mort et le salut de l’humanité au ciel. — La passion de ces mains est égale à l’objet. […] Comment laisser ces tendres pères ? […] Un chien, c’est si riant, si caressant, si tendre, si à nous !
Chacun me tendait une fiasque de vin ou un verre de rosolio ; on m’attachait une giroflée à ma zampogne ou un ruban à ma veste pour me témoigner le contentement. […] J’en glissai inanimée tout de mon long sur la pierre froide, au pied de la lucarne ; le froid des dalles sur mes mains et sur mon visage, me ranima, je me relevai pour écouter encore ; mais l’attention même avec laquelle je cherchais à écouter m’ôtait l’ouïe, à force de tendre l’oreille, et je n’entendais plus qu’un bourdonnement confus semblable à un grand vent précurseur de la pluie à travers les rameaux de sapins, quand la tempête commence à se lever de loin sur la mer des Maremmes et qu’elle monte au sommet de nos montagnes. […] Il y a bien des innocents et des innocentes dans le nombre ; il ne faut pas leur tendre leur morceau de pain et leur verre d’eau au bout d’une barre de fer : il est assez amer sans cela le pain des prisons ; viens, mon garçon, que je te montre ton ouvrage de tous les jours, et que je t’apprenne ton métier.
Les prix ont tout pour eux, puisqu’ils tendent à diriger le public, et à marquer la gloire juste ; Et tout contre eux, puisqu’on les donne à tort et à travers ; puisque des Comités, dont la Littérature est l’impossible souci, partout se fondent, envahissent la place, etc. […] À parler net, je trouve que les prix tendent, selon votre expression, à avilir la mentalité des jeunes. […] Ils ne suffisent pas à créer l’avenir d’un inconnu, et cela est si vrai qu’on tend à reculer la limite d’âge et qu’on a couronné des jeunes approchant la quarantaine et ayant déjà un bagage.
Car si nous n’avons le choix qu’entre une coopération tyranniquement imposée et une coopération libre et spontanée, c’est évidemment cette dernière qui est l’idéal vers lequel l’humanité tend et doit tendre. […] Ils tendent en vertu de leur nature même à se constituer en dehors des consciences individuelles, puisqu’ils les dominent.
Ils lavent leurs enfants aux ruisseaux les plus froids ; La mère au tronc d’un arbre avecque son carquois Attache la nouvelle et tendre créature ; Va sans art apprêter un mets non acheté. […] Toute feinte est sujet de scrupule à des saints, Et, quel que soit le but où tendent leurs desseins, Si la candeur n’y règne ainsi que l’innocence, Ce qu’ils font pour un bien leur semble être une offense. […] Tantôt sur des tapis d’herbe tendre et sacrée, Adonis s’endormait auprès de Cythérée, Dont les yeux enivrés par les charmes puissants Attachaient au héros leurs regards languissants.
Par d’autres chemins que les siens on semblait tendre à cette unité, ou, pour dire quelque chose de plus, à cette homogénéité qui était le principal ou l’unique objet de sa politique intérieure. Comme il voulait faire de la monarchie française le type en quelque manière de l’État moderne, vraiment un, vraiment vivant, vraiment organisé, la littérature, elle aussi, semblait tendre vers le même idéal d’organisation et de vie commune. […] Et enfin et surtout, — je ne parle qu’au point de vue de la littérature, — si l’on aspirait au naturel, et qu’on y tendît sans y pouvoir atteindre ; si l’on s’était trompé jusqu’alors sur les moyens d’y toucher ; les Provinciales étaient ensemble le signal et le modèle attendus. […] Il a très bien vu, du premier coup d’œil, où tendait l’exégèse de Richard Simon, ce qui n’était pas si facile à voir, dès 1678 ; et il a pressenti, puisque l’expression est de lui, « le grand combat qui se préparait contre l’Église sous le nom de cartésianisme », dès 1687. […] Il tend vers un but, et ce but n’est pas éloigné, mais prochain ; ni vague, mais précis.
C’est pourtant à ce but que doit tendre tout poète qui veut longtemps charmer le plus grand nombre de lecteurs. […] Tantôt l’auteur remonte à l’antiquité des fêtes chrétiennes ; tantôt il peint leur caractère sublime ou tendre, joyeux ou funèbre, consolant ou terrible, qui se varie avec toutes les scènes de l’année et de la vie humaine auxquelles il est approprié. […] Les descriptions d’Homère sont toujours longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre, ou triste ou gracieux, ou fort, ou terrible, ou sublime. […] On retrouve, en effet, dans cette description, les élans passionnés d’une âme tendre qui portait l’amour divin jusqu’à l’excès ; mais ce morceau n’est pas le seul où l’auteur a répandu l’esprit du christianisme. […] Une piété tendre et vive peut accroître encore cet enthousiasme qui saisit le poète à la vue des cieux, des mers et des campagnes ; je sais même que certains tableaux du christianisme s’associent très heureusement aux scènes de la nature, et surtout à celles qui ont un caractère majestueux, touchant ou sublime.
Il s’est partagé : les tendres ont été pour le sentiment, les intellectuels pour la raison. […] On dirait qu’il est dans la destinée du réalisme de tendre au bas, qui n’est pas moins son contraire que le sublime. […] Dans Marianne, jusqu’aux loups sont tendres, sensibles et vertueux. […] Homme modéré, il déteste le despotisme, parce qu’il est un état violent qui tend tous les ressorts de la machine sociale. […] Pour Montesquieu, la monarchie de Louis XIV, par exemple, n’est point despotisme ; il est vrai qu’elle y tend.
Quels ressouvenirs tendres de sa pieuse enfance à Port-Royal, de la chapelle où il priait, des jardins où il rêvait et composait ses odes enfantines ! […] Deschanel, hanté par son idée fixe, estime que la tragédie de Voltaire tend vers le drame romantique. […] Et Mme de Maupas, admirant également Humbert pour ses deux sacrifices et pour son refus, lui tend la main. […] — C’est que j’ai ma mère dit Sévérac. » Sur ce beau trait, la comtesse, subitement attendrie, lui tend la main en signe d’amitié. […] » Et patati et patata ; un gazouillis de bon petit ange, de bon petit cœur innocent et tendre.
Partout l’humble surtout lui a tendu la main. […] Tout d’ailleurs y tend dès les premières lignes, tout semble vrai parce que tout est vraisemblable. […] Les Contes à Ninon révèlent en lui une nature tendre et mélancolique qui sait aimer aussi bien que haïr. […] L’abbé Faujas tendit les bras d’un air de défi ironique, comme s’il voulait prendre Plassans pour l’étouffer d’un effort contre sa poitrine robuste. […] La vie en commun fut moins prolongée que les absences, heureusement pour le gendre, pour la fille trop aimée, pour la mère trop tendre, et aussi pour la postérité.
Ces sermens qui trompaient mon cœur tendre et crédule. […] Idamé, dans l’Orphelin de la Chine, Mérope et Andromaque, sont trois mères sensibles et tendres, toutes alarmées sur le sort de leurs fils : cependant que de nuances de tendresse et de douleurs entre elles ! […] De telles peintures demandent une musique naïve, des airs simples, un chant uni, une symphonie douce et tendre ; mais ce genre semble épuisé parmi nous, et n’avoir plus rien que de fade et de monotone. […] Cette tendre princesse combat les raisons de son amant ; mais lorsqu’elle en a reconnu la solidité, elle consent à son éloignement, non sans un extrême regret : voilà le sujet de la scène et du récitatif. […] En un mot, tout ce que la passion la plus douce et la plus tendre pourra inspirer dans cette position à une âme sensible, composera les éléments de l’air de Mandane ; mais quelle plume serait assez éloquente pour donner une idée de tout ce que contient un air !
La seule chose qui en moi se reproduise intacte et entière, c’est la nuance précise d’émotion, âpre, tendre, étrange, douce ou triste, qui jadis a suivi ou accompagné la sensation extérieure et corporelle ; je puis renouveler ainsi mes peines et mes plaisirs les plus compliqués et les plus délicats, avec une exactitude extrême, et à de très grandes distances ; à cet égard, le chuchotement incomplet et défaillant a presque le même effet que la voix. — Mais si, au lieu de prendre pour exemple un homme enclin à remarquer surtout les sentiments, on considère des hommes accoutumés à remarquer surtout les couleurs et les formes, on trouvera des images si nettes qu’elles ne différeront pas beaucoup des sensations. […] Tout à l’heure, pensant à une représentation du Prophète, je répétais silencieusement en moi-même la pastorale de l’ouverture, et je suivais, j’ose dire, je sentais presque, non seulement l’ordre des sons, leurs diverses hauteurs, suspensions et durées, non seulement la phrase musicale répétée en façon d’écho, mais encore le timbre perçant et poignant du hautbois qui la joue, ses notes aigres, tendues, d’une âpreté si agreste, que les nerfs en sursautent, pénétrés d’un plaisir rude comme par la saveur d’un vin trop cru. — Tout bon musicien éprouve à volonté cette impression quand il suit les portées couvertes de leurs signes noirs. […] Pendant une durée de six à dix minutes, j’avais tendu mon regard vers les montagnes dont la couleur, selon les diverses altitudes et profondeurs, flottait entre le violet, le brun et le vert sombre, et je m’étais en vain fatigué lorsque je cessai et m’en allai. […] Chaque image est munie d’une force automatique et tend spontanément à un certain état qui est l’hallucination, le souvenir faux, et le reste des illusions de la folie.
Le poëte joue avec la beauté ; nul badinage n’est plus romanesque ni plus tendre. […] La barque remonte poussée par la marée, « et la morte avec elle, dans sa main droite un lis, dans sa main gauche — une lettre qu’elle avait dictée, toute sa chevelure blonde ruisselant autour d’elle. — Et tout le linceul était de drap d’or — ramené jusqu’à la ceinture ; elle-même tout en blanc, — excepté son visage, et ce visage aux traits si purs — était aimable, car elle ne semblait point morte, — mais profondement endormie, et reposait en souriant1538. » Elle arrive ainsi dans un grand silence, et le roi Arthur lit la lettre devant tous les chevaliers et toutes les dames qui pleurent : « Très-noble seigneur, sir Lancelot du Lac, — moi qu’on appelait quelquefois la vierge d’Astolat, — je viens ici, car vous m’avez quittée sans prendre congé de moi ; — je viens ici afin de prendre pour la dernière fois congé de vous. — Je vous aimais, et mon amour n’a point eu de retour. — C’est pourquoi mon fidèle amour a été ma mort. — C’est pourquoi, devant notre dame Ginèvre — et devant toutes les autres dames, je fais ma plainte. — Priez pour mon âme et accordez-moi la sépulture. — Prie pour mon âme, toi aussi, sir Lancelot, — car tu es un chevalier sans égal1539. » Rien de plus ; elle finit sur ce dernier mot, plein d’un regret si triste et d’une admiration si tendre : on aurait peine à trouver quelque chose de plus simple et de plus délicat. […] Il a glissé au plus haut des sentiments nobles et tendres ; il a recueilli dans toute la nature et dans toute l’histoire ce qu’il avait de plus élevé et de plus aimable. […] L’accumulation des sensations et de la fatigue tend à l’excès leur machine nerveuse, et leur vernis de gaieté mondaine s’écaille vingt fois par jour pour laisser voir un fonds de souffrance et d’ardeur.
Il excelle dans tous les genres, il étend sa domination sur tout le vaste empire de l’art, depuis la canzonetta jusqu’au poème dramatique, depuis la sonate jusqu’à la symphonie : son imagination, aussi variée que profonde, aussi tendre que sublime, exprime tous les sentiments de la nature humaine, depuis le demi-sourire jusqu’à la grâce, et les transports de l’amour jusqu’aux sombres terreurs de l’âme religieuse ; car il ne faut pas oublier que c’est la même plume qui a écrit le Mariage de Figaro et la messe de Requiem. […] D’Aponte et Mozart sont inséparables dans la postérité ; d’ailleurs même, dans les confidences de saint Augustin, si tendre et si pieux pour sa mère, il n’y a pas beaucoup de pages en littérature intime supérieures à ce retour d’un fils aventurier dans la maison paternelle. […] ” Il souffla la lampe, et nous restâmes quelques moments en silence, attendant le sommeil ; mais entendant soupirer plus fortement qu’à l’ordinaire ce tendre père, je le priai de me dire la cause de son insomnie. […] « Nous revînmes insensiblement à la gaieté ; j’allai rendre visite à toutes les personnes qui étaient venues nous visiter la veille au soir ; je revis quelques-unes de mes anciennes amies de jeunesse, qui m’accueillirent avec une joie et une courtoisie tendre, pareille aux sentiments que j’éprouvais moi-même à les revoir ; et ce ne fut qu’à l’heure du dîner, l’après-midi, que je prévins la famille et les amis que je devais partir, dès le lendemain, pour Trévise et peut-être pour Venise.
D’un caractère tendre, d’une humeur très douce, d’une abnégation complète en ce qui ne concernait que lui, il s’était consacré exclusivement, par devoir et par affection, à l’éducation de ses chers enfants. […] Le bonheur a voulu que, par une série de heureux hasards et de fidèle affection (celle de M. d’Aurevilly, un écrivain qui ne peut être caractérisé que par lui-même, parce qu’il ne ressemble à personne), le hasard et le bonheur ont voulu que ce journal et ces lettres n’aient pas péri dans les cendres du Cayla ; mais que des mains pieuses les aient recueillies le lendemain de sa mort pour édifier tout un siècle, et, après M. de Sainte-Beuve, moi, qui vais essayer d’inspirer à mes lecteurs la passion de les lire comme une Imitation de Jésus-Christ en action, le plus beau des livres modernes dans la plus tendre des âmes et dans le plus confidentiel des styles. […] Aussi ai-je beaucoup prié en ce jour où vint au monde le plus tendre, le plus aimant, le meilleur des pères. […] « D’où me peuvent venir, en effet, que d’en haut tant de choses tendres, élevées, douces, vraies, pures, dont mon cœur s’emplit quand je te parle !
Sa gorge était comme l’écume des vagues ; ses yeux comme les étoiles de la nuit : l’aile du corbeau est moins noire que ses cheveux ; son âme était généreuse et tendre : mon amour pour Moïna fut extrême, et mon cœur nageait dans le plaisir. […] Je revois les bardes mes rivaux, le vénérable Ullin, le majestueux Ryno, Alpin à la voix mélodieuse, la tendre et plaintive Minona. […] Ce fut dans une de ces fêtes qu’on vit la tendre Minona s’avancer, pleine de charmes. […] Écoutons sa tendre complainte : Colma.
En quoi des hommes médiocres, d’esprit et de cœur bornés, sans idées, sans générosité, qui par leur incompréhension tendent à détruire la civilisation occidentale dans son universalité, sont-ils autorisés à juger le xixe siècle et à le condamner ? […] Lasserre, pour ne citer que ces deux noms), et tend à dénaturer et à bafouer en bloc, la plus féconde et brillante époque de notre histoire littéraire. […] Ils tendent aux autres peuples de splendides miroirs où les âmes étonnées se reconnaissent. […] Je vais probablement étonner certains collaborateurs de la Revue universelle ou de la Revue critique : leurs jeux funestes à l’encontre du xixe siècle ne tendent rien moins qu’à l’avilissement de l’intelligence et de la littérature.
Il leur apprend à marcher vers ce but mystérieux où, dussent-elles n’arriver jamais, il importe qu’elles ne se lassent pas de tendre sans découragement et sans arrêt. […] Faites-moi toucher sous les mots ce tendre cœur d’où s’est épanchée cette poésie si expressive ; rendez-moi plus étroite, par la difficulté même de la langue, l’intimité avec le divin poète, et si je ne suis pas guéri de l’envie de lire de mauvais romans, me voilà capable au moins de les lire sans péril. […] « Qu’il se fasse un plaisir, dit Rollin, de répondre à toutes les questions qu’ils lui font ; qu’il aille même au devant et qu’il les interroge lui-même, s’ils ne lui en font point. » Comme la traduction est plus tendre et plus pressante que le texte ! […] Rollin, père par adoption, attentif et tendre comme les meilleurs pères par la nature, semble avoir appris des enfants eux-mêmes l’art de les élever.
En effet, c’est le rose de la chair, dans le blanc du linge, dans le brouillard laiteux de la gaze : le plus charmant prétexte aux colorations blondes et tendres. […] Le peintre vous exhibe ses tableaux, commentant, de temps en temps, son explication par la mimique d’un développement chorégraphique, par l’imitation, en langage de danseuse, d’une de leurs arabesques, — et c’est vraiment très amusant de le voir, les bras arrondis, — mêler à l’esthétique du maître de danse, l’esthétique du peintre, parlant du boueux tendre de Velasquez et du silhouetteux de Mantegna. […] Mercredi 4 novembre La princesse m’a fait des reproches tendres, sur ce que je séjournais chez tout le monde, excepté chez elle. […] Il ne dit pas un mot, mais m’indique, d’un bras théâtralement tendu, la porte… Je ramasse mon carton, tout en me disant à moi-même : puisqu’il la fait à la noblesse, il faut la continuer… Et le père me voit, une main devant les yeux, la colonne vertébrale, secouée de mouvements de désespoir, sortir de la pièce, avec la marche de Levassor, dans la parodie de Lucie de Lammermoor.
De ses comme péroniers le cheval tend dans le prolongement effaré du cou sa tête de danseuse, les feuilles noires peuplent les nuages mauves et les décombres courent comme des pommes de pin, parmi les cadavres aux bords translucides d’axolotls, étiquetés de corbeaux au bec clair. […] L’œil clos du Château enferme l’image de la princesse Elade, que le commerce subtil des tendres lettres et des songes a dotée pour les visiteurs du désir, de la beauté des madones et des fées, sœur de cette Statue de Diane, si asexuée ou ambisexuée, conte l’un des philosophes du Banquet, que le jeune Grec qui la vint violer dans son temple l’approcha à la manière des philopaèdes, avant de se jeter dans la mer. […] C’est une Réforme proclamée, une affiche énigmatique ; mais c’est surtout une superbe combinaison bien dans le mouvement du jour : l’occultisme vieillissait, n’ayant plus la confiance du public ; il baissait et tendait vers un krach imminent ; ce joli coup de bourse le fait remonter au-dessus du pair. […] Livre qui tendrait à démontrer que les « guerriers » anarchistes sont de mauvais littérateurs, et dont le héros est finalement guillotiné, après boire, ainsi qu’il convient.
Si l’on ne rencontre pas partout et toujours dans la nature d’innombrables formes de transition, cela dépend donc principalement du procédé même de sélection naturelle, en vertu duquel les variétés nouvelles tendent constamment à supplanter et à exterminer leurs souches mères. […] Le principe de concurrence entre les organismes voisins, ou entre les descendants et leurs ancêtres, a dû rendre un pareil cas très rare ; car c’est une loi générale que les formes vivantes nouvelles et progressives tendent à supplanter les vieilles formes demeurées fixes. […] Or, ce même mouvement d’affaissement doit le plus souvent tendre à restreindre l’étendue de la contrée dont le sédiment provient, et à en diminuer la quantité, tandis que la vitesse d’affaissement reste la même132. […] De sorte que par le moyen des descriptions écrites on doit acquérir un sentiment plus profond des ressemblances et préjuger l’identité lorsqu’il y a seulement analogie, de même qu’une opinion plus tranchée des différences que l’esprit tend à élever jusqu’à la valeur d’oppositions.
Le sang de sa mère en elle se tempérait de sentiments plus doux et plus tendres qui lui composaient une sorte d’honneur. […] Elle était blanche et blonde ; elle avait les cheveux blonds et d’or fin, relevés en masse ou mi-crêpés par les bords, le front beau, l’entrœil (comme on disait alors) large et noble, le nez droit et régulier, la bouche petite, souriante et pourprine, la physionomie engageante et tendre, un charme répandu sur les contours.
Ce n’est point là l’esprit d’une assemblée de gens de lettres, et l’Académie ne tend à l’uniformité que par voie d’éclaircissement et non pas par voie de contrainte. […] Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps.
Quand nous voyons dans la série des lettres missives de Henri IV son voyage en Limousin, dans l’automne de 1605, pour y étouffer quelque rébellion, sa lettre écrite de Bellac au landgrave de Hesse, où il se plaint des menées du duc de Bouillon, ce chef astucieux d’une intrigante famille laquelle a eu grand besoin de Turenne pour se faire pardonner de la France tous ses méfaitsq ; quand on lit ces pièces instructives, on n’a pas encore l’impression soudaine que faisait éprouver aux hommes de sens et aux amis de leur pays le réveil de ces remuements funestes, chers à quelques ambitieux mécontents ; et c’est ce que Malherbe, si sensé quoique poète69, a rendu dans une strophe admirable de son ode, ou plutôt de sa prière à Dieu pour le roi allant en Limousin : Un malheur inconnu glisse parmi les hommes, Qui les rend ennemis du repos où nous sommes : La plupart de leurs vœux tendent au changement ; Et comme s’ils vivaient des misères publiques, Pour les renouveler ils font tant de pratiques, Que qui n’a point de peur, n’a point de jugement. […] Louis XIV, s’adressant à son Parlement, n’était pas tendre, et le réduisait strictement à l’obéissance : Henri IV est un roi plus parlant et moins majestueux, mais il mène également son monde et le fait obéir.
Mais le style de la poésie lyrique était fort déchu ; il était entravé et gêné de toutes parts, jeté à froid dans des moules usés ; les heureuses tentatives de quelques jeunes poètes tendaient à le restaurer, à l’étendre, et à ceux qui s’en étonnaient et s’en irritaient comme d’une innovation inouïe, je rappelais qu’on l’avait déjà essayé et sans tant de maladresse et de malheur qu’on l’avait bien voulu dire. […] Les Amours de Ronsard, qui succédèrent (1552), sont moins tendues que les premières odes, et offrent, malgré la monotonie, quelque agrément.
Si maltraité et tyrannisé par son père, il avait pour sa mère, la reine Sophie, un attachement respectueux et tendre ; il aimait ses sœurs, et particulièrement celle qui devint margrave de Baireuth, et à qui il avait voué une amitié vive et passionnée. […] Le 5 décembre, à un mois jour pour jour de Rosbach, il écrivait au prince Henri sur le ton le plus tendre : Mon cher cœur, aujourd’hui un mois du jour de votre gloire, j’ai été assez heureux de traiter les Autrichiens ici de même.
Ce discours solennel, officiel, et qu’on a soin de remplir de pathos, coupé de temps en temps par cette tendre déclaration en mineure et ces roucoulades sentimentales non moins banales au fond, est d’un effet très heureux, toujours ironique. […] Flaubert demeure très âpre et ironique ; le ton n’est jamais tendre ni complice : au fond, rien n’est moins tentant.
Combes, repasser sur les différentes phases de la carrière politique de Mme des Ursins pendant ses treize années d’influence ou de domination en Espagne : il a très bien distingué les temps, démêlé les intrigues selon l’esprit de chaque moment, montré Mme des Ursins représentant dès l’abord le parti français, mais le parti français modéré qui tendait à la fusion avec l’Espagne, et combattant le parti ultra-français représenté par les d’Estrées : — ce fut sa première époque : — puis, après un court intervalle de disgrâce et un rappel en France, revenue triomphante et autorisée par Louis XIV, elle dut pourtant, malgré ses premiers ménagements pour l’esprit espagnol, s’appliquer à briser l’opposition des grands et travailler à niveler l’Espagne dans un sens tout monarchique, antiféodal ; c’était encore pratiquer la politique française, le système d’unité dans le gouvernement, et le transporter au-delà des Pyrénées : — ce fut la seconde partie de sa tâche. — Mais quand Louis XIV, effrayé et découragé par les premiers désastres de cette funeste guerre de la succession, paraît disposé à abandonner l’Espagne et à lâcher son petit-fils, Mme des Ursins, dévouée avant tout aux intérêts de Philippe V et du royaume qu’elle a épousé, devient tout Espagnole pour le salut et l’intégrité de la couronne, rompt au-dedans avec le parti français, conjure au dehors la défection de Versailles, écrit à Mme de Maintenon des lettres à feu et à sang, s’appuie en attendant sur la nation, et, s’aidant d’une noble reine, jette résolument le roi dans les bras de ses sujets. […] Mais, pour que la trame soit complète, que de fils tendus dans tous les sens !
Nous ouvrons le livre, et dès l’abord ceux qui ne connaissent que le Lamennais des derniers temps sont comme transportés aux antipodes : on a un Lamennais tendre, gai, enfant, innocent, tout occupé du petit troupeau spirituel qui se rangeait autour de l’abbé Carron, et badinant avec un peu moins de légèreté que Saint-François de Sales, mais avec la même allégresse ; un Lamennais parlant du bon Dieu, de la sainte Vierge, et disant en toute naïveté : « Les Feuillantines sont ma pensée habituelle. — Mon cœur, ma vie est aux Feuillantines ; je me trouve partout ailleurs étranger. » Qu’il y a loin de là au Lamennais qu’on a vu siéger, silencieux et le front plissé, à la Montagne ! […] Il avait beau les prévenir, ces amis tendres, et leur dire comme à l’oreille : « Peut-être, avant peu, entendrez-vous parler de quelque chose qui fera crier… Il va paraître un petit livre qui vous déplaira fortement.
Par exemple, dans une lettre à M. de Montalembert, au moment de la crise de déchirement avec M. de Lamennais : « Je le crois, disait-elle, le grand homme eut fléchi devant un enfant tendre et pieux, car il me semble bien que c’est à la seule tendresse que peut céder M. de Lamennais, et, comme Clorinde, si son bras est fort, son cœur est faible. […] Ses besoins d’aimer, ses ambitions d’intelligence, ses jalousies tendres qui se rassemblaient et s’accumulaient faute de mieux sur une tête chérie, ses soifs de Tantale qu’elle ne peut assouvir, ses accès de dévouement à la Décius qu’elle ne sait à quoi employer, ses colères à la Tarquin dans lesquelles elle abat impitoyablement tout ce qu’elle a dédaigné de cueillir et de respirer, tout cela s’épanche avec plus de naïveté qu’on n’aurait cru, et les ressorts humains, les mobiles naturels jouent fort distinctement devant nous, sans préjudice de la fibre religieuse fondamentale.
Par exemple, en terminant une Histoire de Port-Royal où le grand Racine aurait rempli toute la place qu’il doit tenir, et où l’on aurait montré l’esprit religieux de cette sainte maison s’exprimant par sa bouche avec un caractère unique de tendresse, de mélodie et de grandeur, dans l’œuvre d’Athalie et surtout dans celle d’Esther on ajouterait quelque chose comme ceci : « Il est un autre Racine que l’on aurait aimé à y joindre, ce Racine fils qui n’a pas été tout à fait sans doute le poète tendre, plaintif, l’élégiaque chrétien, le Cowper janséniste qu’on aurait souhaité à Port-Royal expiré, mais qui en a eu quelques accents ; ce Racine fils qui offre le modèle de la manière la plus honorable de porter un nom illustre quand on est engagé dans la même carrière ; car si le crime d’une mère est un pesant fardeau, la gloire d’un père n’en est pas un moins grand, et Racine fils n’a cessé de le sentir en même temps qu’il a suffi dignement encore à ce rôle difficile. […] Cet esprit arrogant s’est montré tendre pour le fils de Racine, comme l’éminent Montesquieu avait été d’une indulgence charmante pour Rollin : cela sied aux forts.
Virgile et Apollonius, soyez à jamais bénis de tous les esprits délicats et de tous les cœurs tendres pour nous avoir laissé votre Didon et votre Médée : créations enchanteresses et immortelles ! […] Flaubert et offre de fortes et mâles qualités ; mais il est trop tendu, trop uniforme de tours.
M. de Chateaubriand, à la tribune des Pairs, eut ce jour-là de nobles paroles, et, cet autre jour, il en eut de malheureuses… » Sur les violences matérielles et les horreurs qui ensanglantèrent le Midi, on est unanime ; mais là encore on essaye de n’en pas trop dire et de limiter l’indignation ; on n’emprunte que discrètement à l’effroi de la tradition populaire qui a survécu et qui subsiste encore ; on craint de paraître donner dans la légende qui grossit les faits et les transfigure : à ce travail honorable, entrepris par de bons esprits qui ont oublié d’être de grands peintres, le courant incendiaire qui traversa alors et dévora toute une partie de la France, se dissipe et s’évapore ; l’atmosphère embrasée du temps ne se traduit point au milieu de ces justes, mais froides analyses ; l’air échappe à travers les mailles du filet, et c’est encore dans les historiens d’une seule pièce, d’une seule et uniforme nuance comme Vaulabelle, dans ce récit ferme, tendu et sombre, où se dresse énergiquement passion contre passion, qu’on reçoit le plus au vif et en toute franchise l’impression et le sentiment des fureurs qui caractérisent le fanatisme royaliste à cette époque. […] quels étaient les auteurs de ces propositions ultra-royalistes et vraiment révolutionnaires, qui allaient pleuvoir coup sur coup, qui tendaient à tout remettre en question, les idées et les intérêts modernes, à constituer la société entière en état de suspicion, à aggraver toutes les peines, à proposer la peine de mort de préférence à toute autre, à substituer le gibet à la guillotine, les anciens supplices aux nouveaux40, à maintenir la magistrature dans un état prolongé et précaire d’amovibilité, à excepter de l’amnistie des catégories entières de prétendus coupables, à rendre la tenue des registres civils au Clergé, à revenir sur les dettes publiques reconnues, etc., etc. ?
Son âme pieuse et tendre en avait reçu une blessure au milieu de sa joie. […] Le lendemain matin, M. de Fréjus, devenu tout à fait ambitieux et voulant essayer d’un grand moyen, écrivit une lettre au roi bien humble, bien affligée et mortifiée, bien tendre, et le rusé mentor joua sa comédie de se retirer de la Cour pour finir ses jours dans la retraite à Issy.
Il ne peut y avoir eu un tel quiproquo dans l’établissement du christianisme, et je dirai également, du catholicisme, sa forme unique, sa forme organique et manifeste avant et durant tout le Moyen-Age et encore depuis, sans faire injure à la Providence elle-même qui aurait tendu là un singulier piège et préparé un leurre magnifique à l’esprit humain, à la piété confiante des fidèles. […] Guizot se rapprochent fort et tendent à se confondre.
De telles idées, en un mot, à ce degré de crudité et de réaction, tendaient à ramener violemment cette société vers un état à jamais détruit et de toutes parts dépassé ; et, si l’on n’y parvenait pas, elles n’allaient à rien moins qu’à faire jeter, comme on dit, le manche après la cognée, à faire désespérer de tout, du présent et de l’avenir. […] Le Play la véritable unité sociale ; or, cette unité, dans l’état présent, est faible, instable, précaire et caduque : les fortunes, par suite du partage égal forcé, se brisent à chaque génération ; les plus grandes créations d’existence sociale, après deux ou trois transmissions successives, tendent à se fondre et à rentrer dans la masse : c’est à recommencer toujours.
Il était bien avec Mme de Pompadour ; il était au mieux de tout temps avec les frères Paris, ces gros bonnets financiers de l’époque et d’une intelligence qui allait au génie ; le maréchal de Noailles lui avait dans toutes les circonstances témoigné une affection tendre, et il se fit fort de le détacher de l’infante pour le convertir à l’alliance saxonne. […] Ce qu’on a appelé le siècle de Louis XV se partage en deux ; la fin de la première moitié demeure assez belle : la figure du maréchal de Saxe apparaît de loin dans nos dernières victoires et perce le nuage ; il rejoint la chaîne historique, il tend la main aux Kléber ; malgré des défauts, malgré des vices, il est d’une ampleur et d’une générosité de nature qui le fait sympathique à la France nouvelle, et de lui aussi on peut dire avec quelque vérité : C’est le Mirabeau des camps.
Pourtant ce rôle impliquait de nombreuses inconséquences qui tendaient à sortir, et qui rendaient la tenue prolongée de la position, scabreuse et à peu près impossible. […] En attendant, il y avait émotion, et pour moi complicité irrésistible, je l’avoue, à suivre jusque dans ses infractions partielles ce Savonarole de nos jours, ainsi que l’a appelé M. d’Eckstein, à écouter ses menaces pleines de prières et ses invectives mêlées d’un zèle tendre.
Le stoïcien Brutus, dont la farouche vertu n’avait rien épargné, laissant voir un sentiment si tendre dans ces moments qui précèdent et ses derniers efforts et ses derniers jours, surprend le cœur par une émotion inattendue ; l’action terrible et la funeste destinée de ce dernier des Romains, entourent son image d’idées sombres qui jettent sur Porcie l’intérêt le plus douloureux24. […] Sans vouloir discuter ici quel avantage résulte, pour une nation, de cette force morale, exaltée par tous les efforts réunis des institutions et des mœurs, il est certain que la littérature doit avoir moins de variété, lorsque l’esprit de chaque homme a sa route tracée par l’esprit national, et que les efforts individuels tendent tous à perfectionner un seul genre, au lieu de se diriger vers celui pour lequel chacun a le plus de talent.
Après une enfance rêveuse et tendre, le voilà élève de l’École navale, puis en route à travers le monde. […] C’est, je crois, Bernardin de Saint-Pierre, ce grand vagabond, ce génie hardi et tendre, qui a commencé à voir.
Tous ces cœurs tendres et blessés appellent la délivrance. […] Ils connaissaient pourtant les visées ambitieuses et cette violence d’appétits de Rastignac qui lui fait dire, contemplant Paris du haut d’une éminence, le poing tendu dans une sorte d’héroïque défi : « Et maintenant, à nous deux !
Un jeune homme de dix-neuf ans, qui, passant par Florence, y aurait rencontré l’harmonieux poète, et aurait brûlé de l’interroger sur la réalité de ces tendres sentiments, si voilés de mysticité et de mélodie, peut nous donner quelque idée de ce qu’était Patru dans son pèlerinage auprès de d’Urfé : Lorsqu’en mon voyage d’Italie, raconte-t-il, je passai par le Piémont, je vis l’illustre d’Urfé, et je le vis avec tant de joie qu’encore aujourd’hui je ne puis penser sans plaisir à des heures si heureuses. […] Il écrit à son ami d’Ablancourt, et va lui raconter la visite que la reine Christine a faite à l’Académie dans un autre voyage, dix-huit mois après (11 mars 1658) ; mais tout d’abord il annonce à ce tendre ami, avec lequel il a autrefois été dans les plaisirs, une plus grave nouvelle : Il est vrai, mon cher, que, depuis un mois ou environ, j’ai pris la perruque, ou, pour parler plus exactement, une calotte de cheveux ; tellement que j’ai des cheveux plus que toi, et tu as des lunettes plus que moi.
Un jour, Bonaparte voulut mettre à l’épreuve cette merveilleuse faculté de Portalis, et il lui tendit comme un piège. […] Il chercha d’abord un asile en Suisse, à Zürich, où il connut l’ingénieux observateur Lavater, Meister, ancien secrétaire de Grimm, homme aimable, écrivain distingué en français, et qui n’avait pris du xviiie siècle que ce qu’il avait de fin et d’honnête ; Mallet du Pan, qu’il retrouva ensuite à Fribourg-en-Brisgau, et avec qui il contracta une liaison de tendre attachement et d’estime.
Le Racine romantique, ce Racine de la pitié, plus tendre que l’autre Racine, — car la pitié est plus tendre que l’amour puisqu’elle est ou sa sœur, ou sa fille, ou sa mère, — vit toujours cependant.
Je bégayais étant enfant et je tendais les bras. […] Jamais la poésie n’a plus pensé et jamais elle n’a été plus tendre : loin d’émousser le sentiment, l’effort de la réflexion le rend plus aigu. […] Sully-Prud’homme tendre de plus en plus vers la poésie philosophique. […] Et puis cette mort lui a inspiré de si belles pages, si tendres, si harmonieuses ! […] Très varié au moyen âge, tour à tour grivois, religieux, moral ou merveilleux, il est surtout grivois (parfois tendre) au XVIe et au XVII siècle.
Elle lui prit les deux mains, et lui tendit son front. […] La foule qui tendait vers elle ne tarissait point. […] Elle entra dans la mer, les bras tendus, les lèvres entrouvertes, sans un cri, raide comme une statue. […] Une dernière fois, elle tendit ses bras vers la mer complice, criant toujours : — Hervé ! […] Et il lui tendit la poire.
La solitude fera longtemps l’impression la plus démoralisante sur cette âme trop tendre. […] Il y a dans les grâces fluides de son style, dans la douce harmonie de son vers, quelque chose d’abandonné et de tendre, qui caresse les sens et va au cœur. […] La décoration favorise l’irrégularité, mais le poète tend d’instinct à la régularité : et déjà l’esprit, sinon la lettre, des unités est observé dans sa tragédie. […] Ils ont décrit l’un et l’autre une fermeté d’âme commune en leur temps, et l’idéal où cette forme d’âme tendait. […] Il tend une main à Scarron, l’autre à Beaumarchais.
Roderic n’est autre que le page tendre et discret de Lara.
Scribe y songe : la haute muse comique, qui à la vue des excès du vaudeville est blessée au cœur et nous boude avec raison, a tendu la main à l’auteur de la Camaraderie, et le protégerait de préférence à beaucoup d’autres, si, au lieu d’éparpiller ses forces, il s’appliquait à les réunir ; s’il livrait plus souvent de véritables combats, au lieu d’escarmouches sans fin ; s’il donnait à son observation plus d’étendue et de profondeur, et s’il ne dédaignait pas aussi ouvertement cette puissance ombrageuse qui ne se laisse captiver que par de continuels sacrifices, mais qui seule aussi peut faire vivre l’écrivain : c’est du style que je veux parler.
Il est allé cette fois à la source de la vie, et comme la main qu’il tendait était sincère, la source ne lui a pas refusé son onde.
Ne pas détruire les religions, les traiter même avec bienveillance, comme des manifestations libres de la nature humaine, mais ne pas les garantir, surtout ne pas les défendre contre leurs propres fidèles qui tendent à se séparer d’elles, voilà le devoir de la société civile.
Effrayée à l’aspect des flots irrités, elle tombe, & son frere éploré lui tend en vain les bras ; en vain il implore pour elle le secours des Cieux.
Tend, dit-on, à disparaître devant le mot français donneur.
La liberté dans l’art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent tendre d’un même pas tous les esprits conséquents et logiques ; voilà la double bannière qui rallie, à bien peu d’intelligences près (lesquelles s’éclaireront), toute la jeunesse si forte et si patiente d’aujourd’hui ; puis, avec la jeunesse et à sa tête, l’élite de la génération qui nous a précédés, tous ces sages vieillards qui, après le premier moment de défiance et d’examen, ont reconnu que ce que font leurs fils est une conséquence de ce qu’ils ont fait eux-mêmes, et que la liberté littéraire est fille de la liberté politique.
Le théâtre, on ne saurait trop le répéter, a de nos jours une importance immense, et qui tend à s’accroître sans cesse avec la civilisation même.
C’est ainsi qu’un vieux médecin, bien qu’il soit né tendre et compatissant, n’est plus touché par la vûë d’un mourant autant que l’est un autre homme, et autant qu’il le seroit encore lui-même, s’il n’avoit pas exercé la médecine.