Entraîné, comme notre siècle, vers la prose, qui est l’action dans la pensée écrite, comme la poésie en est la contemplation ou le rêve, nous n’avions pas eu, du reste, depuis que nous écrivons ce bulletin56, beaucoup de chefs-d’œuvre à sacrifier à cet amour sévère de la prose, qui est la préférence réfléchie des longues civilisations. […] D’un bout à l’autre de l’Histoire, il n’y a que leurs deux empires qui s’élèvent, partagés par des siècles, sur le même plan d’unité souveraine, et, d’un bout de l’Histoire à l’autre, il n’y a non plus que les trompettes de Waterloo, étouffées aussi dans le sang de ceux qui les sonnent, qui puissent faire écho aux affres du cor de Roncevaux !
Les siècles qui nous précèdent ont ce même caractère. […] Il va eu aussi en Europe des moments, et même des siècles, d’équilibre pacifique et non violent. […] En vérité, j’en compte un par siècle, en en accordant deux, si l’on veut, pour le dix-huitième. […] Le siècle n’est plus des moines défricheurs et civilisateurs, le siècle n’est pas venu des moines lettrés et érudits, défricheurs aussi, à la moderne. […] Deux défauts des siècles non classiques, c’est-à-dire des siècles qui n’ont pas de Kart une assez haute idée ou un respect assez superstitieux : confusion des genres, manque de composition.
C’est l’idée d’une Légende des siècles spiritualiste. […] C’est le cas pour Vigny plus que pour aucun autre en notre siècle Vigny était très intelligent. […] Il a l’air d’être de temps et de siècles différents. […] C’est un défaut commun à notre siècle. […] Elles ont comme suivi sa marche un peu hasardeuse à travers le siècle et les partis.
Louis XIV tenait à ce qu’on dît, en parlant du dix-septième siècle : le siècle de Louis XIV. […] Il s’appelle le siècle de Napoléon. […] À mon arrivée, je trouvai une lettre de Desnoyers, qui me demandait quatre volumes pour le Siècle. […] Buloz, et je lui remis, au détriment du Siècle et au mien, puisque je perdais 2 000 fr. à cette remise, les quatre volumes du Chevalier d’Harmental. […] On publia le Chevalier d’Harmental au Siècle.
Il a noblement apporté sa pierre à ce temple, de l’Esprit pur que, depuis des siècles, les plus hautes intelligences de l’humanité, les plus grands savants, les plus puissants artistes, ont rêvé d’édifier dans la conscience humaine. […] Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’Art a caractérisé les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a inspiré parfois une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. […] Tel poète que nous ne connaissons pas, qui existe déjà ou qui vivra dans des siècles, en révélera aux hommes de tout à fait inattendus. […] Je ne voudrais pas refaire en détail l’historique trop connu des mouvements littéraires du grand siècle qui vient de finir. […] Il nous est apparu que les discussions les plus vives qui eurent lieu entre écoles différentes au siècle précédent venaient surtout de la méconnaissance de rapports encore inconnus.
À travers trente siècles, le même livre armait le même fanatisme du même couteau. […] Nous sommes séparés par vingt-deux siècles des idées modernes. […] Chaque siècle joue la sienne et fabrique un beau type : celui-ci, le chevalier ; celui-là, l’homme de cour. […] Chacun a lu trois ou quatre siècles de trois ou quatre littératures. […] Ce siècle, qui n’est pas achevé, a produit plus que ses aînés.
Car les lois changent, les morales se transforment ; et la beauté demeure, immaculée, sur des siècles qu’elle seule illumine. […] Opinion ridicule et qui retarde par trop d’anachronique candeur, sur le siècle ! […] Après trois ans — trois siècles — il se trouve que rien n’a vieilli de ce curieux livre, et que tout y est, au contraire, d’une actualité passionnante. […] … Se voir dénoncé — indirectement — mais dénoncé tout de même, au Parquet, comme je l’ai été ces jours derniers, par Le Fin de siècle — vous avez bien lu, par Le Fin de siècle — pour attentats à la pudeur et outrages à la morale publique, où trouver, je vous le demande, quelque chose d’aussi absolument réjouissant ? […] Le Fin de siècle voudrait bien savoir ce que c’est que la morale, et il demande à ce qu’on la définisse enfin, d’une façon « légale ».
Je m’attacherai ici particulièrement au poème d’Hermès, le plus philosophique de ceux que méditait André, et celui par lequel il se rattache le plus directement à l’idée de son siècle. […] Ce serait pourtant se tromper beaucoup que de le juger un artiste si désintéressé ; et l’Hermès nous le montre aussi pleinement et aussi chaudement de son siècle, à sa manière, que pouvaient l’être Haynal ou Diderot. […] Il ne l’est pas moins de Boulanger et de tout son siècle par l’explication qu’il tente de l’origine des religions, au second chant. […] Mais la vérité seule est une, est éternelle ; Le mensonge varie, et l’homme trop fidèle Change avec lui : pour lui les humains sont constants, Et roulent de mensonge en mensonge flottants… Ici, il y a lacune ; le canevas en prose y supplée : « Mais quand le temps aura précipité dans l’abîme ce qui est aujourd’hui sur le faîte, et que plusieurs siècles se seront écoulés l’un sur l’autre dans l’oubli, avec tout l’attirail des préjugés qui appartiennent à chacun d’eux, pour faire place à des siècles nouveaux et à des erreurs nouvelles… Le français ne sera dans ce monde nouveau Qu’une écriture antique et non plus un langage ; Oh !
C’est ainsi que le modeste et mélancolique Xavier de Maistre, toujours doutant de lui et toujours ajournant sa gloire, publiait à un petit nombre d’exemplaires, pour quelques amis de régiment et pour quelques voisins de campagne, le Lépreux de la cité d’Aoste, cet évangile des infirmes, ce manuel des lits de douleur, la plus chaude larme qui soit tombée dans la nuit du cœur désespéré et résigné d’un misérable, pour arracher des ruisseaux d’autres larmes sympathiques aux yeux des hommes sensibles dans ce siècle. […] Le préjugé français des hommes spéciaux, c’est-à-dire des hommes qui ne savent faire qu’une seule chose, ce préjugé, la plus grande bêtise nationale de ce temps-ci, ce préjugé inventé par la médiocrité pour s’en faire un rempart contre la concurrence du talent multiple, ce préjugé, émané de l’École polytechnique, qui produit d’excellents outils et peu d’hommes complets, ce préjugé, dis-je, qui m’était déjà connu, qui règne encore à l’heure où j’écris, et qui sera un jour relégué parmi les mémorables inepties de notre siècle, ce préjugé, je le répète, me faisait craindre qu’un peu de célébrité poétique, répandu mal à propos sur mon jeune nom, ne me fît rejeter comme un intrus de toute candidature diplomatique, carrière que je préférais mille fois à quelques battements de mains ou à quelques battements de cœur des poètes ou des femmes des salons de mon temps. […] Alexandre, sont pleins de vertu, de patriotisme et de vrai talent ; mais, selon nous, ils se trompent d’instrument en entrant dans ce grand concert des âmes qui accorde ses lyres pour remuer le siècle nouveau ; ils veulent nous faire penser, il s’agit de nous faire jouir. […] Quand on compose laborieusement le diadème littéraire de son siècle pour les princes de l’art en tout genre, il ne faut pas laisser de telles perles orientales éparses sur les rivages de notre mer du Midi, sans les ramasser et sans les enchâsser dans la mémoire. […] Le siècle le saura plus tard, et je vous le dirai moi-même bientôt.
IV Il m’a été donné d’en connaître deux ou trois dans ma vie : madame Malibran, la séraphique inspirée de ce siècle, en était une ; Louis de Ronchaud, l’auteur de ce livre de Phidias que j’ai sous la main, en est un autre. […] XXXVI Telle était la vie de ce solitaire, se nourrissant à l’ombre du toit de Saint-Lupicin de sa propre substance admirative, et trouvant d’ineffables délices d’esprit dans cette contemplation savante de tout ce que l’homme a fait de grand ou de beau sur ce globe, afin de se donner à lui-même et de pouvoir donner un jour aux autres un sursum corda scientifique, capable d’élever l’âme de son siècle et de la soutenir, au-dessus du plain-pied de la vie vulgaire, à la hauteur des plus sublimes manifestations du beau dans la morale, dans la politique et dans l’art. […] Ces hommes sont le chœur chantant de l’humanité ; ils regardent d’en haut ou d’en bas le drame que le siècle ou les siècles jouent sur la terre, et ils s’y associent par le regard et par la voix seulement, tantôt pleurant sur la chute de l’homme, tantôt le relevant de ses déchéances, tantôt le célébrant dans ses triomphes, prêtres de l’enthousiasme portant jusqu’au ciel, sur leurs strophes lyriques, l’apothéose du génie humain. […] XL Est-ce que Cervantès ne fut pas le satiriste de ces chevaliers de l’enthousiasme, de l’amour platonique et de la dévotion dans un livre, épopée du ridicule, qui amusa la malignité de son siècle aux dépens de ces excès de vertu et d’engouement des héros, des poètes contemplatifs, luxe risible du cœur humain sans doute, mais luxe qui prouvait sa richesse ?
Dans ce peu d’espace on pourrait faire entrer un siècle. […] Quant à moi, j’en pense ce que les pieux cénobites du quatorzième siècle pensèrent de l’Imitation, c’est qu’il y a des secrets dont Dieu est le confident ; j’en pense ce que les femmes du dix-septième siècle pensèrent de la correspondance de Mme de Sévigné, ce livre des cours, je veux dire que ce volume du Journal de Mlle de Guérin m’a paru une des plus touchantes révélations de l’âme humaine dans nos deux siècles : le dix-huitième, avec ses existences calmes, puissantes, recueillies dans la solitude de leurs châteaux, moitié rurales, moitié aristocratiques, au fond de leurs provinces ; le dix-neuvième, avec ses orages, ses renversements, ses dépouillements, ses honorables et glorieuses misères, demandant aux lettres ce que la féodalité ne lui donnait plus : le gentilhomme sans épée et sans éperons enseignant les petits enfants pour un morceau de pain dans les mansardes d’un collège de la capitale, et mourant jeune de misère après avoir coûté au dévouement d’une sœur accomplie sa dot, son mariage, son bonheur ; et cette sœur, à la fois souffrante et heureuse de ce sacrifice, vivant isolée dans les ruines du château paternel, développant son génie natal et confidentiel dans des soliloques avec elle-même ou avec son Dieu, et mourant de tristesse quand son frère et son père lui manquent : Walter Scott seul aurait pu peindre une existence aussi romanesque dans quelque masure d’Écosse, quand les fidèles adorateurs des Stuarts sont vaincus, mais non ralliés à la révolution triomphante. […] D’abord sa mère, puis son père, puis ce frère Maurice, dans l’âme duquel elle se transvase, puis les amis de ce frère, dans lesquels elle voit encore et toujours lui, puis enfin, si l’on en croit des signes non équivoques de sa plume, cet admirateur de son frère, ce jeune homme original, d’un autre temps, ce chevaleresque paladin de style qui confond la plume avec l’épée, et qui aime le combat contre son siècle, parce que le siècle est nombreux comme une foule et que lui est seul comme l’antagonisme courageux, M. d’Aurevilly ! […] XXI Voulez-vous connaître, à travers les murs, la vie recueillie de ces pauvres manoirs qui ont gardé loin du monde les oubliés du nouveau siècle, comme les coquillages des mers de l’Ouest gardent entre leurs écailles, concassées par le flux et reflux de l’élément des tempêtes, les animalcules rejetés par les flots et endormis sur quelques grèves isolées de vos rivages ?
En effet, une chose qui, par sa nature, n’offense ni un individu ni une nation, n’est point une injure ; jamais une vague déclamation contre les vices d’un siècle ou d’un peuple n’a offensé réellement une nation ou une époque ; et jamais ces déclamations, quelque violentes, quelque injustes qu’on les suppose, n’ont été sérieusement reprochées à leurs auteurs ; l’opinion, juste en ce point, a senti que ce qui frappait dans le vague était innocent, par là même que cela ne nuisait à personne. […] pour dédaigner une langue qu’ont chantée le Dante, Pétrarque et le Tasse ; une terre où, dans les temps modernes, toute civilisation et toute littérature ont pris naissance et ont produit la splendeur de Rome sous les Léon X, la culture et l’éclat de Florence sous les Médicis, la puissance merveilleuse de Venise et les plus imposants chefs-d’œuvre que nos âges puissent opposer au siècle de Périclès ? comprendre enfin, dans une exécration universelle, le climat, le génie, la langue, le caractère de dix nations des plus heureusement douées par le ciel, et chez lesquelles tant de grands écrivains, tant de nobles caractères semblent renouvelés de siècle en siècle pour protester contre la décadence même de cet empire du monde qu’aucun peuple n’a pu conserver ? […] Tu dis au temps d’enfanter, Et l’éternité docile, Jetant les siècles par mille, Les répand sans les compter !
Boileau a pensé des auteurs de son temps ce que, deux siècles après lui, libres des préventions et des surprises dont il eut à se défendre, nous en pensons à notre tour, sans effort et presque sans mérite. […] Cependant le livre de l’Allemagne est à la fois une œuvre ingénieuse et un service rendu aux lettres ; et quoique notre siècle y ait pris, avec plus de libéralité envers le génie étranger, le goût des ombres de l’esthétique allemande, par beaucoup de pensées fécondes, par les perspectives qu’il ouvre devant l’esprit français, ce livre a été une influence, la première gloire après celle des œuvres durables. […] S’il n’y a pas eu progrès de la poésie française dans les genres où ce siècle a atteint la perfection, il y a eu développement du fonds poétique et enrichissement de la langue des vers, par l’invention ou par des reprises intelligentes du passé. […] Nous avons, vers la fin du premier tiers de ce siècle, admiré comme auditeurs, et nous admirons aujourd’hui comme lecteurs, une brillante application de la critique à l’histoire de la philosophie. […] Si l’on inventait pour le dix-septième siècle un titre supérieur à celui de grand, je dirais volontiers que les soixante premières années du dix-neuvième siècle sont plus de la moitié d’un grand siècle.
M. le roi Louis II de Bavière Roi, le seul vrai roi de ce siècle, salut, Sire, Qui voulûtes mourir vengeant votre raison Des choses de la politique, et du délire De cette science intruse dans la maison, De cette science assassin de l’Oraison Et du Chant et de l’Art et de toute la Lyre, Et simplement et plein d’orgueil en floraison Tuâtes en mourant, salut, Roi, bravo, Sire ! Vous fûtes un poète, un soldat, le seul Roi De ce siècle où les rois se font si peu de chose Et le martyr de la Raison selon la Foi. […] Les savants musiciens des siècles scolastiques sentirent que les sons employés par leurs devanciers ne suffisaient plus à traduire la multiplicité naissante des émotions. […] Pendant quatre siècles, nulle autre harmonie ne fut connue : Guico d’Arrezzo déclarait, en 1050, que les seuls accords raisonnables sont les accords de quarte et de quinte, ajoutant que l’accompagnement à la quarte était plus spécialement doux et plaisant. […] L’amour de Brünnhilde et de Siegfried ne nous reporte-t-il pas aux siècles antiques, où toutes choses étaient réglées par le Destin inexorable ?
Jacques Normand, versificateur de la Muse qui trotte, apprécia la belle impartialité qui lui accorde exactement autant de place qu’au poète de la Légende des Siècles. […] Les xvie , xviie et xviiie siècles forment le cycle de notre littérature philosophique. […] Dans le roman, les imaginations passionnées de George Sand répondent, à travers deux siècles, aux tendres rêveries d’Honoré d’Urfé, et le naturalisme de Flaubert et de Zola répète la réaction réaliste de Sorel et de Scarron. […] Trois chapitres de ce livre (L’esthétique de Stéphane Mallarmé, Le symbolisme en France, Le sentimentalisme littéraire et son influence sur le siècle), seront fréquemment pillés, rarement cités — pourquoi la goujaterie des professeurs se démentirait-elle ? […] Camille Mauclair me fait songer à la désolation de l’âme de Jean errante parmi un siècle où ne passerait nul maître divin.
il y a des gens qui ne comprennent rien à leur siècle, à leur temps ! […] Il en était ainsi que tu dis, il y a bien longtemps, dans le siècle dernier, et même au-delà du siècle dernier. […] Lorsque l’amour s’empare de deux cœurs, Pour rompre leur commerce et vaincre leurs ardeurs, Employez les secrets de l’art et la nature, Faites faire une tour d’une épaisse structure, Rendez les fondements voisins des sombres lieux, Elevez son sommet jusqu’aux voûtes des cieux, Enfermez l’un des deux dans le plus haut étage, Qu’à l’autre le plus bas devienne le partage, Dans l’espace entre deux, par différents détours, Disposez plus d’Argus qu’un siècle n’a de jours, Empruntez des ressorts les plus cachés obstacles ; Plus grands sont les revers, plus grands sont les miracles : L’un, pour descendre en bas osera tout tenter, L’autre aiguillonnera ses esprits pour monter. […] C’est au dix-huitième siècle que le théâtre proprement gai, le théâtre fait pour s’amuser, le théâtre de bouffonnerie décente, de bouffonnerie honnête, mais enfin de bouffonnerie facile et joyeuse, a eu du succès ; au siècle précédent il n’a jamais pleinement réussi.
Ce siècle a donné une poussée scientifique incomparable. […] Certes de pareils livres sont en dehors du siècle. […] Voyez Plein ciel dans la Légende des siècles. […] Du nord au sud et à l’orient, de grandioses illusions figées émigraient à travers les siècles. […] Il boude la Légende des siècles.
Aucun auteur ne va plus hardiment, voiles ouvertes, contre le courant de notre siècle. […] Cette rencontre en lui des deux tendances du siècle, du romantisme et de la science, Flaubert ne l’avait pas cherchée. […] Ni l’exemple de la gloire de Victor Hugo en France, ni la renommée de Tennyson en Angleterre ne paraissent justifier cette hypothèse d’une disparition prochaine de la catégorie poétique, telle que les siècles passés l’ont transmise à l’âme humaine jusqu’à nos siècles a nous. […] Il est l’interprète du frémissement universel qui court sur la houleuse marée des amours et des haines de son siècle. […] Taine, à plusieurs reprises, proclame la Chartreuse de Parme un des premiers romans de ce siècle.
Aucun autre, dans notre siècle, n’avait été aussi aimé. […] La grand’mère Guyot-Desherbiers était un échantillon remarquable de la bourgeoise française du siècle dernier. […] Nous l’y reverrons dans tout son éclat quand Musset écrira « Rolla » et la Confession d’un Enfant du siècle. […] Jules Lemaître, rejoignent, à travers les siècles, celles des poètes primitifs. […] Telle apparaît la Confession d’un enfant du siècle, à présent que tous les voiles sont levés.
Ce serait vraiment une trop sotte pruderie que celle qui m’empêcherait d’oser parler à ma guise d’un charmant poëte qui a eu, en son temps, de très-vives légèretés et de graves torts, mais qui a occupé une grande place dans la littérature de son siècle et du commencement du nôtre, dont les élégies ont été réputées classiques en naissant, que les plumes les plus sérieuses ont longtemps salué le premier des modernes en ce genre, et dont la mort a été pleurée par nos plus chers lyriques comme celle d’un Anacréon. […] Ces jeunes créoles, plus ou moins mousquetaires, se montraient fidèles en cela aux habitudes de leur siècle comme aussi aux instincts de leur origine. […] Dans une lettre touchante de Français de (Nantes), que j’ai sous les yeux, cet homme excellent, ce bienfaiteur véritable des dernières années de Parny, l’appelle ingénument le premier poëte classique du siècle de Louis XVI. Oui, Parny était bien cela, il l’était dans son genre à meilleur titre que Delille ; mais le malheur c’est que l’époque de Louis XVI n’avait rien de ce qui constitue un siècle ; ce n’était qu’un règne d’un goût passager et d’un jargon poétique aimable. […] Ici, n’oublions pas que nous sommes dans les temps modernes, et tout de bon (n’en déplaise à Théocrite) dans le siècle de fer de la prose ; l’Hiéron ou le Mécène est un directeur général des droits réunis.
Nous avons eu en France, à la fin de Louis XIV et sous la Régence, une société spirituelle, licencieuse et poétique, tout à fait semblable à la société que fréquentait Horace en ce temps-là : c’était celle où chantait Chaulieu, où versifiait La Fare, où naissait Voltaire, ce qu’on appelait la société du Temple, parce qu’elle se réunissait au Temple chez les princes et chez les prieurs de Vendôme, ces Mécènes corrompus du siècle, et dont l’abbé de Chaulieu était véritablement l’Horace. […] Didot ; ces vues en miniature sont la nature elle-même vue à travers le microscope ; l’atmosphère même est peinte : on croirait voir dans ces petits tableaux à l’encre de Chine une Italie exhumée à travers la distance et la brume des siècles. […] La gloire du siècle d’Auguste et de Mécène fut moins d’avoir produit un improvisateur comme Horace que d’avoir senti la perfection d’une telle langue. […] C’était son orgueil aussi à lui, et cet orgueil était assez fondé, sur l’avilissement de son siècle, dans un soldat retiré de Brutus qui avait vu s’agenouiller sa patrie sous trois tyrans, et qui, ne pouvant plus l’estimer, s’en vengeait par le dédain, cette supériorité du regard. […] XVI De cette ode politique il s’élève jusqu’au ciel dans une ode religieuse adressée aux Romains pour les menacer de l’expiation de l’impiété du siècle.
Encore confondue avec la philosophie dans l’École pythagoricienne, deux siècles plus tard, elle en est nettement séparée. […] Il devait s’écouler bien des siècles avant qu’une science nouvelle revendiquât son autonomie. […] Il y a moins d’un siècle, la science en était là, quand la découverte du sanscrit permit à la linguistique de trouver sa voie, sa méthode, de s’affirmer comme science indépendante. […] Il est certain que l’anatomiste et le physiologiste pourraient passer des siècles à étudier le cerveau et les nerfs sans se douter de ce que c’est qu’un plaisir ou une douleur, s’ils ne les avaient point ressentis. […] La doctrine du vieil Héraclite est revenue, mais confirmée par l’expérience de vingt siècles : tout coule, tout change, tout se meut, tout devient.
. — Je dis qu’il est commode, car du haut de la religion, de cette idée inexpugnable et infaillible, on est à l’aise pour courir sus à toutes les opinions et à tous les partis, au siècle tout entier. […] Il est en diligence avec deux de ces Messieurs catholiques ou néo-catholiques, qui sont bien décidés à se moquer des progrès du siècle en sa personne ; il s'aperçoit qu’ils ne sont pas du même bord que lui : « Vous êtes comme cela, dit-il, je suis autrement ; chacun ses goûts, chacun ses opinions. » Mais ce bourgeois est plus tolérant que vous, qui n’êtes occupés qu’à le draper, à le mépriser. […] En un mot ; il y a dans la masse de la société des résultats généraux qui viennent de très-loin, qui sont le produit de plusieurs siècles de raisonnement, d’analyse et de bon sens émancipé, de morale religieuse sécularisée, le produit des découvertes positives en astronomie, en physique, etc.
» Plus de quarante ans après, lorsque Cervantes eut fait la première partie de Don Quichotte et qu’un intrus s’avisa de la continuer en voulant lui ravir sa gloire, ce continuateur pseudonyme eut la malheureuse pensée d’insulter non-seulement à la vieillesse du noble et original écrivain, mais encore à son infirmité, à sa blessure, et de dire, en parlant au singulier de sa main et avec intention, « qu’il avait plus de langue que de mains. » Sur quoi Cervantes, dans la préface de la seconde partie de Don Quichotte, répliqua : « Ce que je n’ai pu m’empêcher de ressentir, c’est qu’il m’appelle injurieusement vieux et manchot, comme s’il avait été en mon pouvoir de retenir le temps, de faire qu’il ne passât point pour moi, ou comme si ma main eût été brisée dans quelque taverne, et non dans la plus éclatante rencontre qu’aient vue les siècles passés et présents, et qu’espèrent voir les siècles à venir. […] C’est par ces faits de l’ordre commun et de l’habitude de la vie relevés à deux ou trois siècles de distance, qu’on peut bien mesurer de combien la civilisation a marché et à quel point le climat social s’est partout adouci.
« On ne peut pas, me disait un, quaker intelligent, on ne peut pas s’empêcher de le respecter comme une œuvre d’art. » Il a toujours fait ce qu’il venait de penser qu’il pouvait faire là est la touchante unité de sa vie, le charme presque esthétique de sa démarche ingénue dans le siècle. […] Un des livres du siècle est éclos, ce m’est l’escompte d’une joie historique de m’en sentir contemporain. Comme nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du Mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut.
Chacun sait que Zola (Le Ventre de Paris) s’est délecté à décrire en style plantureux les puissants aromes des fromages et de la charcuterie ; et deux siècles plus tôt, Saint-Amand, avec un lyrisme rabelaisien, chantait aussi le fromage et « la crevaille ». […] La sensibilité humaine a été s’augmentant et s’affinant de siècle en siècle ; et, les Goncourt l’ont quelque part remarqué, elle réserve encore bien des filons inexplorés à ceux qui essaient d’en rendre la complexité croissante.
Tout le monde sait quelle révolution s’est opérée en histoire pendant les deux derniers siècles. […] Ce que l’on ne peut contester, c’est que par les nombreux travaux critiques qui ont été faits en ce siècle, soit en Allemagne, soit en France, l’histoire de la philosophie est de plus en plus en voie de devenir une science positive. […] Un illustre érudit du xviiie siècle, le chef de l’école de Leyde, Tibère Hemsterhuys, se plaignait que de son temps « l’histoire de la philosophie, cette matière si riche des recherches savantes, n’eût pas encore attiré les études de la critique, qu’elle fût livrée à des compilateurs sans génie et sans lettres, qui ne connaissaient les philosophes anciens que par de vicieuses traductions, et qui tiraient d’une lecture superficielle un résumé aride et sans intelligence37. » Il y a un siècle à peine que ces paroles ont été prononcées.
Lorsqu’on jette les yeux sur les progrès de l’esprit humain depuis l’invention de l’imprimerie, après cette longue suite de siècles où il est resté enseveli dans les plus profondes ténèbres, on remarque d’abord, qu’après la renaissance des lettres en Italie, la bonne culture, les meilleures écoles se sont établies dans les pays protestants, de préférence aux pays qui ont conservé la religion romaine, et qu’elles y ont fait jusqu’à ce jour les progrès les plus sensibles. Sans m’attacher à prouver cette assertion, il me suffira d’observer que l’esprit du clergé catholique, qui s’est emparé de tout temps de l’instruction publique, est entièrement opposé aux progrès des lumières et de là raison que tout favorise dans les pays protestants, et qu’il ne s’agit pas dans cette question d’examiner s’il n’a pas existé dans les pays catholiques de très-grands hommes depuis la renaissance des lettres ; mais si le grand nombre, si le corps de la nation est devenu plus éclairé et plus sensé : car le privilège du petit nombre de grandes têtes consiste à ne pas ressembler à leur siècle, et rien de leur part ne peut faire loi. […] Wagner, et même mieux que cette Mlle Cardel, qui fut en son temps le chandelier portant la lumière de son siècle, sans les avoir.
Privée de vie nationale, elle n’a pas vécu toutes les étapes de l’évolution normale ; elle a connu les brutalités des conquérants, mais non point les relativités nécessaires de sa propre réalité, puisque pendant des siècles elle n’a pas eu de réalité à elle. C’est pourquoi j’ai dit qu’elle était « débarrassée de certaines contingences » ; dans son chaos même, elle touche souvent à l’absolu ; exemples : la Papauté ; Frédéric II, qui au xiiie siècle esquisse déjà Louis XIV ; les tyrans du xve et du xvie siècles. […] Laissons de côté tous les poetæ minores, pour en arriver à ce fait capital, qui ne pouvait se produire qu’en Italie : une littérature en langue latine accaparant brusquement les meilleurs esprits, et interrompant pendant presque un siècle l’évolution de la littérature en langue italienne.
Faute d’invention personnelle, il s’abandonnait au mouvement de la pensée publique ; or la pensée publique aboutissait à ce système le plus audacieux et le dernier du siècle. […] Cousin était alors entraîné si loin, qu’il oubliait sa chère méthode psychologique, seule différence qui le séparât encore « de ses amis, de ses maîtres, des chefs de la philosophie, du siècle. » Il établissait a priori la philosophie de l’histoire et l’histoire de la philosophie38. […] Défendez-vous de la maladie de votre siècle, ce goût fatal de la vie commode, incompatible avec toute ambition généreuse.
Mais vous savez qu’en ce siècle raisonneur il s’est trouvé des prêtres ou des philosophes chrétiens, ou d’anciens élèves de l’École polytechnique, pour expliquer couramment ce qui est, par nature, inexplicable. […] Plus que le Siècle ou le Constitutionnel, il exècre le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. […] J’ai défendu le capital sans avoir eu jamais un sou d’économies, la propriété sans posséder un pouce de terrain, l’aristocratie, et j’ai à peine pu rencontrer deux aristocrates ; la royauté, dans un siècle qui n’a pas vu et ne verra pas un roi. […] par le symbole de Nicée et les définitions du concile de Trente et que, depuis trois siècles, ce nombre va décroissant. […] Nous avons des siècles devant nous.
qu’il soit permis d’en baiser la poussière Au moins crédule enfant de ce siècle sans foi, Et de pleurer, ô Christ, sur cette froide terre Qui vivait de ta mort et qui mourra sans toi ! […] L’air du siècle est mauvais aux esprits ulcérés. […] Mettez au commencement du siècle une littérature de purs savants, pondérée, exacte, logique, et la langue, affaiblie par trois cents ans d’usage classique, restait un outil émoussé, sans vigueur. « Il fallait une génération de poètes lyriques pour faire de la langue un instrument large, souple et brillant. […] Les romantiques venaient à leur heure, ils conquéraient la liberté de la forme, ils forgeaient l’outil dont le siècle devait se servir. […] Le style n’est pas seulement « l’homme », il est la société d’une époque, il est la nation et le siècle vus à travers une individualité.
Il est vraiment peu honorable pour ce siècle que les désespoirs hautains de cette grande âme y aient trouvé si peu d’échos, tandis que les douleurs égoïstes de Musset l’ont empli de leur harmonieuse monotonie. […] celui-là est bien un poète qui porte en soi le grand fardeau des souffrances communes, dont les indignations naissent d’une pensée invinciblement paternelle, en qui se résume l’angoisse d’un siècle ou l’inquiétude d’une race !
Enfin c’est de l’analyse du grec et du latin, soumis au travail de décomposition des siècles barbares, que sortent le grec moderne et les langues néo-latines. […] Fixée d’ordinaire dans une littérature antique, dépositaire des traditions religieuses et nationales, elle reste le partage des savants, la langue des choses de l’esprit, et il faut d’ordinaire des siècles avant que l’idiome moderne ose à son tour sortir de la vie vulgaire, pour se risquer dans l’ordre des choses intellectuelles.
pourquoi vous, chétifs flûtistes, éphèbes de la Décadence, répudier la Lyre qui dans les grands siècles chanta si merveilleusement toute la Beauté ? […] Nicolas Despréaux, qui d’ailleurs était le plus parfait maroufle et le plus sot butor de son siècle, eut un jour une trouvaille de génie (l’attribuer à son tempérament bilieux) dans ce vers : Aux Saumaises futurs préparer des tortures.
Le stile épistolaire est l’opposé de ce goût, & néanmoins ce fut dans ce genre qu’il s’acquit tant de réputation ; ce furent ses lettres qui le firent appeller le seul homme éloquent de son siècle. […] Il ne manque à cet écrivain d’une imagination élevée, d’un stile énergique, harmonieux, pittoresque & correct, que d’être né trente ans plus tard, & d’avoir pris le goût des grands écrivains du siècle de Louis XIV.
N’est-ce pas enfin le premier coup de sifflet qui ait retenti distinctement contre l’enthousiasme de la guerre, la charité chrétienne et armée de la chevalerie, le dévouement, le culte de la femme, la poésie de toutes les exaltations, la défense de toutes les faiblesses, le premier coup de sifflet auquel Voltaire, dans Candide, allait, un siècle plus tard, répondre par un autre tellement aigu qu’il ne peut plus être surpassé ?… Pour nous, le Don Quichotte de Cervantes est une œuvre de vieillard, qui a pris en dérision les préoccupations de sa jeunesse et qui sent le prosaïsme du siècle monter autour de lui comme une glaise froide qui commence à prendre sa poitrine et qui va bientôt l’étouffer.
S’ils servent alors malgré eux d’instruments de publicité, notre siècle pratique les juge cependant très inutiles en général et, de ce fait sans doute, dépourvus de besoins, de soucis, de désirs. […] Ainsi il a fallu plusieurs siècles pour que des droits abstraits puissent se transmettre aux descendants pendant un certain nombre d’années. […] Emerson a représente celle-ci par quelques géants41 qui, de siècle en siècle, se tendent la main au-dessus du troupeau des hommes. […] Médicament utilisé, pendant la première moitié du XXème siècle, contre différentes maladies dont la syphilis. […] Coulon est, par ailleurs, l’auteur d’ouvrages tels que L’Enseignement de Remy de Gourmont (Les Éditions du siècle, 1925) et Au chevet de Moréas (Les Éditions du siècle, 1926).
C’est l’âme inspirée du siècle, c’est la pensée de l’humanité. […] On dirait vraiment que notre siècle est trop faible pour porter le poids de plusieurs admirations. […] Il embrassait le siècle tout entier. […] C’est là une erreur grave, assurément, et qui retarde, par trop de candeur, sur le siècle. […] Nous avons travaillé pour toi sans trêve ni repos ; c’est pour te conquérir un bonheur que nous nous sommes acharnés à faire, de siècle en siècle, plus grand et plus profond, que nous avons régné.
M. de Chateaubriand et tout le mouvement réactionnaire de 1800 ne s’étaient pas produits encore : Mme de Staël seule propageait le sentiment et le spiritualisme poétiques, mais au centre de la philosophie et du siècle. […] L’expérience des siècles et celle de la Révolution sont devant ses yeux. […] le bon temps, que ce siècle de fer ! […] Notons bien, à l’honneur de notre siècle, ces pieuses alliances des génies rivaux Goëthe et Schiller, Scott et Byron, Chateaubriand et Mme de Staël. […] Nous tous du jeune siècle, nous jugeons Ferney en descendant de Coppet.
Mais pour tout sincère et sérieux enfant de ce siècle, la conversion sera douloureuse. […] C’est en réalité l’œuvre d’une vie entière, et d’une des vies les plus studieuses de ce siècle. […] Renan est le plus délicat des enfants de ce siècle. […] C’est son trait distinctif dans la série d’éminents historiens qui honorent ce siècle. […] Quelle chose que de vivre dans un siècle où tout est usé, flétri, discuté, nié, prouvé !
Le siècle des philosophes, c’est là que Veuillot ne manque pas d’ouvrage. […] C’est la rancune des siècles. […] Il en soutirait, du moins, à la fin du siècle dernier. […] Ni les arts, ni les lettres, ni les idées ne trouvaient grâce, à moins de venir d’autre part… » Il y a, pareillement, des siècles qui ne s’aiment pas. […] Machine à explorer les siècles, l’histoire et, machine à explorer l’étendue, la géographie nous mènent à contempler la misère de notre destinée en ce monde.
Jusqu’à présent, en effet, un siècle littéraire est venu après un autre siècle. […] Victor Hugo, à M. de Lamartine, à deux ou trois hommes éminents dans la poésie, dans la critique ou dans la littérature de ce siècle. […] Ce n’est pas à moi à les rappeler ; c’est à mes disciples, c’est à toutes les âmes vaillantes de notre siècle à s’en souvenir ! […] À cette heure dernière d’un pareil siècle et d’un tel héros (M. […] Pour notre petit cadet, je réserve le siècle suivant ; à ma paisible vieillesse appartiendra le siècle des bruits et des tempêtes.
Pourquoi refusais-je tout à l’heure à ce siècle le don du pittoresque ? […] Car jugez quelle solitude morale doit vous apporter un siècle de vie. […] Mais ce siècle l’est si peu qu’il se laisse aisément tromper en ces matières. […] Ils se grisent en trois minutes, et ces trois minutes paraissent un siècle. […] chez les enfants du siècle.
Le siècle de Louis XIV a été pour nous ce que celui de Léon X avait été pour l’Italie, un exercice classique : le nom lui en est resté. […] Les éternels bourgeois qu’il a immortalisés de son crayon et qui vivront à travers les siècles dans toute leur laideur moderne s’écrient en regardant un tableau de M. […] Courbet veut être le peintre du siècle. […] le siècle est laid, c’est possible ; mais pourtant, en conscience, pas si laid que cela ! […] On reconnaît à peu près unanimement que tous ces siècles-là ne sont décidément pas notre siècle, et une fois si bien lancé sur le terrain de la logique, on n’hésite même pas trop à déclarer que la littérature de 1830 a aussi complètement cessé d’être la littérature vivante de notre époque, que les manches à gigots d’alors ont cessé de faire la parure de nos dames.
Il est aussi grand que les anciens, dans un siècle et dans un pays où les anciens n’auraient pas pu vivre. […] Mais l’artiste moderne qui s’est élevé très-haut malgré son siècle, qu’en dirons-nous, si ce n’est de certaines choses que ce siècle n’acceptera pas, et qu’il faut laisser dire aux âges futurs ? […] Malgré de grands et nobles efforts, le Siècle d’Auguste, par exemple, — qui est encore une preuve de cette tendance française de M. […] Le mauvais goût du siècle en cela me fait peur. […] Çà et là, de loin en loin, apparaît la trace d’une protestation, un talent libre et grand qui n’est plus dans le goût du siècle.
Thiers, par exemple, compulse toutes les négociations et tous les actes de ces diplomaties diverses, et les étale sous les yeux des siècles pour l’instruction des diplomates présents et futurs, de façon que chaque nation reconnaisse sa pensée, bonne ou mauvaise, dans les actes de son gouvernement, et qu’un nouveau droit public devienne la loi pacifique des nations. […] Je m’abstiens donc à regret de ces développements dans le passé ; je ne sortirai pas de notre siècle. […] C’est donc évidemment dans la pensée, dans les négociations, dans les transactions de ce grand homme d’État, dont la vie se confond avec deux siècles et dix gouvernements de la France, qu’il convient le mieux, selon nous, d’étudier littérairement la conduite des affaires diplomatiques dans le système moderne de l’Europe. […] C’est le dictionnaire universel en action de la diplomatie de deux siècles ; ce sont les archives de la France exhumées et sortant avec leurs mystères et leurs interprétations vraies de ces cartons, catacombes révélatrices de nos affaires étrangères. […] Pitt ; il parle avec légèreté de ces deux hommes d’État, seuls peut-être au niveau de leur siècle et au niveau l’un de l’autre.
Mon siècle tout entier différait de moi, car l’esprit humain, de mon temps, s’est surtout occupé de lui-même, tandis que mes travaux, à moi, étaient tournés surtout vers la nature extérieure ; j’avais ainsi le désavantage de me trouver entièrement seul. […] La grande épopée de l’Italien a soutenu sa gloire à travers les siècles, mais avec une seule ligne du Don Juan on pourrait empoisonner toute la Jérusalem délivrée ! […] Il ne poussera sur ses côtés que quelques faibles rameaux, qui même dans le cours du siècle doivent dépérir et tomber. […] Qui sait si dans des siècles la mouette ne volera pas de nouveau au-dessus de ces collines ? […] Nous bûmes quelques tasses de café et allâmes visiter le cabinet anatomique ; nous vîmes des squelettes d’animaux, entre autres d’animaux antédiluviens, et des squelettes d’hommes des siècles passés.
Lucrèce, trois siècles après, ne peindra pas sous des couleurs plus lugubres, l’enfance infirme du genre humain. […] Il restera durant de longs siècles, gisant et râlant dans les bas-fonds du Tarlare, sous le quartier de montagne qui lui broiera la poitrine. […] Elle lance vers l’avenir des traits d’une direction si étrange, qu’on dirait qu’ils mettront des siècles pour arriver à leur but. […] Pour les Pères de l’Église, Prométhée, invoquant un rédempteur éloigné, avait entrevu Jésus crucifié, et il l’avait salué d’un gibet à l’autre, à travers les siècles. […] Des siècles avaient passé sur ce recommencement de supplice, mais déjà une certaine détente adoucissait sa rigueur.
… Pendant trente ans et davantage, un homme, doué du plus robuste tempérament d’écrivain, se jette dans toutes les péripéties de cette guerre furieuse — la guerre du siècle — entre l’Autorité et la Liberté, entre la Révolution et les Monarchies, qui n’est pas encore près de finir ! […] Dom Rivet, le bénédictin, la soutint le dernier jusqu’au commencement de ce siècle, quand, sous l’impulsion de Raynouard, on en imagina une autre, sinon plus vraie, au moins moins cruelle pour l’amour-propre national. […] À l’heure qui vient toujours pour la plupart des œuvres, qu’on ne lit bientôt plus, avec la morne indifférence des générations qui se succèdent, quand on se demandera ce que fut, de son vivant, Granier de Cassagnac, l’imagination frappée aura retenu qu’il fut un des forts de son siècle, où les forts n’étaient pas déjà si communs. […] Il avait les qualités des hommes qui gravent sur le marbre ou le bronze pour des siècles, et, avec toutes ses qualités de durée et d’immortalité, il écrivit sur ces feuilles éphémères et enflammées, qui tombent en cendres après avoir brillé et brûlé comme des torches. […] pas tous leurs deux mots d’histoire, — l’histoire les dira sur Cassagnac et je n’hésite pas à les dire avant elle, — il sera compté parmi les plus grands de ce siècle, et peut-être en fera-t-elle le premier.
Et comme Berthelot lui oppose les siècles grecs, je ne puis m’empêcher de lui dire : « Allez, vous aurez beau chercher dans ces siècles, vous ne rencontrerez pas un siècle, où se trouvent un bout de règne d’un Louis XIV, et un 93. » Mercredi 20 février Quelqu’un racontait avoir connu un fils, qui pour faire manger son père, tombé en enfance, était obligé de le menacer, de faire claquer un fouet de poste, et ce monsieur disait qu’il était arrivé à désirer la mort de son père, tant il souffrait de ce supplice de tous les jours. […] Samedi 23 février Exposition des dessins du siècle. J’ai des yeux qui ne voient pas uniquement les beautés du xviiie siècle, mais qui voient les beautés du siècle passé ainsi que du siècle présent.
Il y avait dans cette nouvelle Légende des siècles une conception d’un véritable intérêt philosophique et même social, puisqu’il s’agissait de faire revivre, — dans leurs pensées intimes sur le monde et sur les dieux, — les types les plus variés des sociétés humaines. […] Quand les trois Nornes, assises sur les racines du frêne Yggrasill, symbole du monde, élèvent leurs voix tour à tour, la première chante le passé, car elle est la vieille Urda, « l’éternel souvenir », la seconde chante le présent solennel, le jour heureux et fécond où le juste est né : Ce fruit sacré, désir des siècles, vient d’éclore. […] Les siècles fatidiques Ont tenu jusqu’au bout leurs promesses antiques. […] De siècle en siècle, elle échauffa, elle fit vibrer l’être encore aveugle. […] III Hugo, toujours préoccupé du point de vue social, avait chanté les Misérables et, dans la Légende des siècles, les petits.
Cette civilisation des vieilles lois barbares, lentement accomplie par le progrès des siècles, Eschyle l’a concentrée dans la tragique légende que sa trilogie met en scène. — Une famille réprouvée est vouée au crime perpétuel par un premier crime. […] Il a détruit la masse de son œuvre, et de longs siècles se sont passés avant qu’il ait justifié la confiance superbe que le poète avait mise en lui. […] Aux deux derniers siècles, Eschyle effarouche le goût timoré du temps ; on le bannit de l’admiration officielle prodiguée aux moindres petits poètes de l’antiquité. […] Notre siècle aura eu l’honneur de redresser les colosses. […] Ce siècle a eu le premier l’intuition complète des Génies souverains et extraordinaires, hors rang et hors tour, au-dessus de toute régie et de toute critique, antérieurs par la création ou supérieurs par l’inspiration ; de ceux que marque la grande ride ou qui déploient les grandes ailes.
(1) On conçoit aisément d’abord qu’il ne s’agit pas ici de faire la critique, malheureusement trop facile, des nombreuses classifications qui ont été proposées successivement depuis deux siècles, pour le système général des connaissances humaines, envisagé dans toute son étendue. […] Si la puissance prépondérante de notre organisation ne corrigeait, même involontairement, dans l’esprit des savants, ce qu’il y a sous ce rapport d’incomplet et d’étroit dans la tendance générale de notre époque, l’intelligence humaine, réduite à ne s’occuper que de recherches susceptibles d’une utilité pratique immédiate, se trouverait par cela seul, comme l’a très justement remarqué Condorcet, tout à fait arrêtée dans ses progrès, même à l’égard de ces applications auxquelles on aurait imprudemment sacrifié les travaux purement spéculatifs ; car les applications les plus importantes dérivent constamment de théories formées dans une simple intention scientifique, et qui souvent ont été cultivées pendant plusieurs siècles sans produire aucun résultat pratique. […] Le problème général de l’éducation intellectuelle consiste à faire parvenir, en peu d’années, un seul entendement, le plus souvent médiocre, au même point de développement qui a été atteint, dans une longue suite de siècles par un grand nombre de génies supérieurs appliquant successivement, pendant leur vie entière, toutes leurs forces à l’étude d’un même sujet. […] C’est ce que vérifie tout ce qu’on sait de l’histoire des sciences, particulièrement dans les deux derniers siècles, où nous pouvons suivre leur marche avec plus d’exactitude. […] Chaque siècle ne compte qu’un bien petit nombre de penseurs capables, à l’époque de leur virilité., comme Bacon, Descartes et Leibnitz, de faire véritablement table rase pour reconstruire de fond en comble le système entier de leurs idées acquises.
Il y a une grande école, qui est notre grande école classique, parfaitement respectée depuis trois siècles, excepté à un moment, mais ce n’est pas le lieu de dire ni pourquoi, ni comment. […] C’est l’école qui a été la préceptrice, en littérature, non pas seulement de la France, mais de l’Europe pendant deux siècles environ. […] C’est une chose très amusante que ce siècle si abandonné et à ceinture si lâche pour ce qui était du fond, dans ses contes en vers, dans ses contes en prose, dans ses romans, dans ses poésies légères ; pour ce qui était de la dignité soutenue de la forme, fût impitoyable. […] Corneille est le plus grand des romantiques, à mon avis, de tous les siècles, le plus grand romantique avec une forme qui n’est pas toujours romantique. […] Donc, les Anglais ont été tièdes à l’égard de La Fontaine pendant deux siècles ; pendant le dix-neuvième siècle, ils lui sont venus ; ils lui sont venus même très fort, et il est très curieux de voir, surtout dans les romans anglais, des allusions très fréquentes à La Fontaine, et même parfois des citations.
les préjugés poussent en une minute et durent des siècles, et voilà pourquoi il faut vite les étrangler. […] Les bras de ce géant sont si longs, qu’ils ont embrassé le xixe siècle comme l’Océan embrasse la Terre, et que rien de ce siècle ne reste à personne. […] Une question grandiose et terrible, que les siècles ont enfin posée ! […] Cet immense moraliste, encore plus moraliste que romancier, avait écrit les mœurs de son siècle. […] … Nous sommes assez physiologistes pour croire à la race, — à la race démontrée, d’ailleurs, par des siècles de grandeur, d’héroïsme, de génie et même de beauté.
Un siècle après, Commynes remontera jusqu’aux principes politiques, aux causes premières des événements : voilà la gradation. Froissart va jusqu’à mi-chemin ; il est de son siècle pourtant et de sa robe, et, si l’on surprend parfois chez lui un sourire, l’idée ne lui vient jamais de s’émanciper. […] Ses Chroniques embrassent les événements pendant les trois quarts du siècle, depuis 1325 jusqu’à 1400 (c’est-à-dire depuis le couronnement du roi Édouard III d’Angleterre jusqu’au détrôneraient et à la mort de son petit-fils Richard II). […] Vous ne me verrez jamais aujourd’hui retourner, mais toujours chevaucher avant. » En reproduisant ces paroles après cinq siècles, je n’oublie point pourtant que ce sont des paroles d’adversaire dans une journée qui fut de grand deuil pour la France d’alors ; mais la France est en fonds de gloire, et elle peut honorer un victorieux si doué de générosité, comme lui-même il honora un vaincu si plein de vaillance.
Il ne faudrait pas le voir pourtant trop amoureux des âges gaulois, ni trop épris des doctes personnages de la Renaissance ; il était de son siècle et n’enviait guère à ces savants hommes du passé que leur façon de s’exprimer, plus franche que la nôtre : « On avait », dit-il, « l’esprit étrangement fait du temps de Pasquier ; il admirait Ronsard, que nous ne voudrions pas lire à présent… Disons la vérité, tous ces messieurs-là étaient trop graves pour être plaisants ; il n’y a que leur langage ancien que je voudrais qui eût été conservé, et je sais bon gré à M. de Cambrai (Fénelon) d’avoir dit que ce langage se fait regretter, parce qu’il avait je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné. […] Rollin, quoique bien critiqué en plusieurs endroits, mais qui est composé de grâces et de choses qui plaisent, l’emportera toujours sur la critique de son adversaire qui tient du collège et qui a un peu trop orgueilleusement raison. » Mais surtout les auteurs favoris de Marais sont les grands écrivains du siècle précédent ; il ne s’en tient pas à Boileau, son oracle ; à ses moments perdus, il se complaît et s’adonne à La Fontaine, dont le premier il s’avisa de composer une sorte de Vie puisée aux originaux et dans les ouvrages mêmes du poète, devançant ainsi le genre et la méthode des Walckenaer, pour la biographie littéraire. […] Certes, instruit comme il l’était, possédant ses auteurs anciens et son siècle de Louis XIV, fidèle au goût sain, Marais eût été un membre de l’Académie française qui en eût valu bien d’autres ; mais il oublia trop, en couvant ce désir, qu’il vivait dans un cercle qui n’était pas celui du monde littéraire ; il avait en haine le salon de Mme de Lambert où se décidaient la plupart des choix académiques ; il n’était, lui, d’aucun salon. […] Il s’éteignit en 1737, homme d’un autre siècle, estimé dans son Ordre, inconnu du public.
« Lorsqu’il venait à considérer que cette créature qui brilla a la Cour avec plus d’éclat qu’aucune femme de son siècle n’était plus, que ses enchantements avaient disparu, que c’en était fait pour jamais de cette personne qui l’avait choisi entre tant d’autres, il s’étonnait que son âme ne se séparât pas de son corps. […] Ainsi la réforme de la Trappe elle-même, bien qu’entamée en 1662 seulement, ne se modela sur aucune autre du siècle ; elle fut œuvre originale et ne se rattache par l’imitation qu’aux premiers temps de l’Ordre : de là sans doute la rudesse et quelques excès. […] À mesure qu’on avançait dans le siècle, l’abbaye de la Trappe gagnait en autorité aux yeux du monde ; elle héritait de l’affluence et du concours qui ne se partageait plus entre d’autres saints lieux désormais suspects et sans accès. […] « Les recueils épistolaires, quand ils sont longs, offrent les vicissitudes des âges : il n’y a peut-être rien de plus attachant que les longues correspondances de Voltaire, qui voit passer autour de lui un siècle presque entier.
Ce langage du beau siècle et qui en reste la manifestation vénérée, nous l’avons appris d’hier, nous le contemplons par l’étude, il subsiste vivant dans notre mémoire, il retentit à nos oreilles, mais nos lèvres ne savent plus le proférer. Si je m’échappe à dire d’un roi qu’il est expérimenté par l’infortune, si je dis d’un voyageur que l’aspect de certains lieux sauvages l’impressionne désagréablement, j’ai déjà blasphémé : me voilà rejeté à cent lieues du siècle que je veux aborder, et qui me renvoie les échos de ma voix qu’il ne connaît pas62. […] L’élément théocratique qui entre dans son organisation sociale lui a donné quatorze siècles d’existence63… » A-t-il bien pu, lui, M. de Bâville, dans le courant de la phrase, dire Bossuet tout court, citer d’emblée et sur la même ligne Pascal, Molière et Newton, Molière un comédien d’hier, Newton que Voltaire le premier en France vulgarisera ? […] Il a raison ; mais encore, comme le cadre de ce règne est partout à l’entour, il vient un moment où l’épisode sauvage y va heurter ; si loin qu’on soit du centre, la révolte, avant d’expirer, passe à une certaine heure sous un brillant balcon, et sur ce balcon sont trois hommes du pur grand siècle, Bâville, Villars et Fléchier.
Reportez en idée la méthode de M ignet à un événement déjà ancien et reculé dans les siècles, rien ne paraîtra plus simple, plus légitimement lumineux ; il n’y aura lieu à aucune réclamation. […] Quant à la partie si délicate et si ondoyante des intentions, M.Mignet pense que, pour les trois derniers siècles, on peut arriver à la presque certitude, même de ce côté ; car on a pour cet effet des instruments directs : ce sont les correspondances et les papiers d’État, pièces difficiles sans doute à posséder, à étudier et à extraire ; mais, lorsqu’on y parvient, on surprend là les intentions des acteurs principaux, dans les préparatifs ou dans le cours de l’action et lorsqu’ils sont le moins en veine de tromper, puisqu’ils s’adressent à leurs agents mêmes, ou ceux-ci à eux, et au sujet des faits ou des desseins qu’il leur importe le plus, à tous, de bien connaître. […] Le mémoire lu en 1839, sur la Conversion de la Germanie au Christianisme et à la Civilisation pendant les viiie et ixe siècles, offre une des plus légitimes, des plus belles applications de la méthode scientifique, telle que l’esprit de l’auteur se plaît à la déployer et à la gouverner au sein des masses de l’histoire. […] Il est une dernière remarque que j’oserai glisser ici, bien que contraire à la prévention qui règne aujourd’hui en faveur du langage du siècle de Louis XIV ; tous ces hommes d’esprit dont j’ai parlé causaient à merveille, mais comment écrivaient-ils pour la plupart ?
La Bruyère écrivait juste un siècle avant 1789607 : « L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et remuent avec une opiniâtreté invincible. […] Ainsi, pour le premier quart du siècle qui précède la Révolution, la peinture, bien loin d’être trop forte, est trop faible, et l’on va voir que pendant un demi-siècle et davantage, jusqu’à la mort de Louis XV, elle demeure exacte ; peut-être même, au lieu de l’atténuer, faudrait-il la charger. […] En Auvergne, les campagnes se dépeuplent journellement : plusieurs villages ont perdu, depuis le commencement du siècle, plus d’un tiers de leurs habitants625. « Si on ne se hâtait pas d’alléger le fardeau d’un peuple écrasé, dit en 1787 l’assemblée provinciale, l’Auvergne perdrait à jamais sa population et sa culture. » Dans le Comminges, au moment de la Révolution, des communautés menacent de faire abandon de leurs biens si on ne les dégrève pas626. « Personne n’ignore, dit l’assemblée de la Haute-Guyenne en 1784, que le sort des communautés les plus imposées est si rigoureux, qu’on a vu plusieurs fois les propriétaires en abandonner le territoire627. […] Le régime inventé par Louis XIV a fait son effet, et depuis un siècle la terre retourne à l’état sauvage. « On ne voit que châteaux abandonnés et en ruine ; tous les chefs-lieux de fiefs, qui autrefois étaient habités par une noblesse aisée, sont aujourd’hui occupés par de pauvres métayers pâtres, dont les faibles travaux produisent à peine leur subsistance et un reste d’impôt prêt à s’anéantir par la ruine des propriétaires et la désertion des colons. » Dans l’élection de Confolens, telle terre affermée 2 956 livres en 1665, n’est plus louée que 900 livres en 1747.
Le drame devient quelque chose d’énorme, de gigantesque, d’encyclopédique : l’homme, la femme, tout un siècle, tout un climat, toute une civilisation, tout un peuple, voilà le simple contenu d’Angelo. […] Hugo, les espèces diverses se caractérisent : Marie Tudor ou Lucrèce Borgia sont des mélodrames ; Hernani et Marion de Lorme ont des ossatures de tragédies ; et les Burgraves sont un poème dialogué de Légende des siècles. […] Dumas fils tirer de la comédie l’unique forme littéraire du drame sérieux qui ait été réellement vivante en ce siècle. […] Les comédies historiques se multiplièrent dans la première moitié du siècle, favorisées par le mouvement romantique et par la publication de tant de Mémoires et de Chroniques qui renouvelaient l’histoire.
Ils font à leur tour un siècle qui s’appellera de leurs noms. […] Les Pères de l’Église ne s’y étaient pas trompés, eux qui, dans les premiers siècles de l’Église, sur tous les points du monde romain, partout où il y avait des hommes vivant en société, c’est-à-dire de la matière pour l’extrême bien comme pour l’extrême mal, avaient si profondément médité sur la nature humaine. […] Les vérités du siècle précédent lui parlaient d’obéissance et de déférence, des droits des autres et de ses propres devoirs ; elles le traitaient en sujet de quelqu’un ou de quelque chose ; elles armaient sa raison contre lui-même. […] Outre ces beautés de la langue renouvelée du grand siècle, il y a dans l’Esprit des lois les nouveautés du style de Montesquieu.
Né le 9 mars 1749 d’une race florentine établie depuis cinq siècles en Provence, le cinquième de onze enfants et l’aîné des garçons, Gabriel-Honoré de Mirabeau avait, en naissant, apporté plusieurs des traits essentiels de la famille paternelle, mais en les combinant avec d’autres qui tenaient de sa mère. […] Le marquis, homme supérieur, mais orgueilleux, féodal, antique à la fois et au coup d’œil prophétique, d’une de ces races sans mélange dont l’heure finale avait sonné, éprouvait pour ce fils, qui penchait vers les courants du siècle, vers ce qu’il appelait la canaille philosophique, encyclopédique, plumière, écrivassière et littéraire, une sorte d’étonnement, d’admiration même, antipathique et répulsive, et qui, par moments, ressemblait fort à de l’effroi et à du dégoût. […] Mirabeau aimait beaucoup ce quatrième Dialogue, et le trouvait très joli ; il est, du moins, tout à fait dans le goût du siècle, dans celui de Diderot cette fois bien plus que de Rousseau ; et, tel quel, il fut d’un effet victorieux auprès de Sophie. […] Ajoutez qu’elle garde de lui et qu’elle emporte une tache morale, une crudité sensuelle qu’il lui a inoculée, qui est la plaie de tout le siècle, et qui dépare, qui dégrade par moments cet amour, à le voir même du seul côté romanesque.
Il fallut attendre jusqu’au siècle suivant, et ce fut un littérateur, Jean-Jacques Rousseau, qui donna le signal. […] Töpffer nous montre, chez ces familles fidèles au cul le du passé, la vie paisible, régulière, patriarcale, l’oubli du siècle qui serait amer à trop regarder, et qui n’émancipe les uns qu’en froissant les autres. […] Malherbe avait dit : « J’apprends tout mon français à la place Maubert. » Lui, Töpffer, il veut qu’à deux siècles de distance cette parole bien comprise signifie : Je rapprends et je retrempe mon français chez les gens simples, restés fidèles aux vieilles mœurs, comme il en est encore dans la Suisse romande, en Valais, en Savoie, en dessus de Romont, à Liddes, à Saint-Branchier, au bourg Saint-Pierre.
Et en particulier, les hommes remarquables, guerriers, prélats, savants, hommes de lettres, qui sont sortis avec éclat de la terre natale, y rentrent à l’état de personnages historiques après des années ou après des siècles, et y obtiennent d’un commun suffrage des bustes, des statues. […] On conçoit qu’avec tous ces souvenirs vivants, en présence de ces membres d’une famille qui est encore aujourd’hui pour la cité ce qu’elle était il y a plus d’un siècle, la fête qui se célébrait, il y a quinze jours, dans la jolie ville d’Hesdin n’était pas une solennité ordinaire, toute d’apparat et de curiosité ; il s’y mêlait un intérêt amical et commun, et ce n’était que justice. […] Ainsi donc, il dut beaucoup dès le principe à sa famille et à sa race du bon pays d’Artois, comme il l’appelait ; même lorsqu’il affligeait ses proches par ses écarts et qu’il les étonnait par ses aventures, il continuait de leur être fidèle par bien des traits et de leur appartenir d’une manière reconnaissable : et aujourd’hui, après un siècle presque écoulé, lorsque la renommée a fait le choix dans ses œuvres, lorsque l’oubli a pris ce qu’il a dû prendre et que, seule, la partie immortelle et vraiment humaine survit, — aujourd’hui, en leur apportant plus que jamais ce renom de grâce, de facilité, de naturel, de pathétique naïf, qui est son lot et qui le distingue, il trouve encore à leur emprunter de cette estime solide, de cette autorité bien acquise et de cette considération publique universelle qui s’ajoute si bien à la gloire.
Je crains pour vous une dévotion lumineuse, haute, qui, sous prétexte d’aller au solide en lecture et en pratique, nourrisse en secret je ne sais quoi de grand et de contraire à Jésus-Christ enfant, simple et méprisé des sages du siècle. […] Dans l’expression pourtant il se glisse quelques termes trop enfantins comme on en passe à saint François de Sales, mais qui sont déplaisants ici sous une plume châtiée et dans le sérieux du Grand Siècle : « Il faut vous apetisser, vous faire enfant, vous emmaillotter et vous donner de la bouillie ; vous serez encore une méchante enfant. » Ce sont là les mièvreries du genre, et le mauvais goût de Fénelon. […] On est plus disposé à passer cet excès à saint François de Sales, en raison de son siècle, et aussi à la faveur d’une certaine poésie franche qui s’y mêle et qui ne se donne que comme poésie.
Celui qui venait de développer dans une belle et lumineuse narration la marche et les progrès de la plus parfaite des sciences, cette série et cette gradation ascendante des grands hommes, Hipparque, Copernic, Galilée, Kepler et Newton, celui-là même s’amuse à noter le ton qui différencie les poésies fugitives des divers siècles ; comme quoi Chapelle, plus débauché que délicat, a peint un siècle où les mœurs n’étaient pas déguisées, et où le langage gardait de la grossièreté dans la franchise ; comment Chaulieu, venu après, appartenait à une époque plus polie, où l’on était déjà aimable, où l’on était encore passionné ; comment Gresset, enfin, n’a plus retrouvé ces sources du génie de Chaulieu : Il est venu, dit Bailly, lorsque la galanterie penchait vers son déclin. […] Dans cette contrée, selon lui favorisée entre toutes alors, et à l’abri des inondations comme des volcans, un peuple heureux et sage aurait, durant un long cours de siècles insensibles, vécu en paix et cultivé les hautes sciences ; et ce ne seraient que les restes de cette science primordiale, après la ruine et la dispersion du peuple fortuné, ce n’en seraient que les débris que l’on découvrirait ensuite chez les Chaldéens, chez les Indiens, chez les Chinois, tous peuples dépositaires plutôt qu’inventeurs : Mais je dois renvoyer ici, ajoutait Buffon, à l’excellent ouvrage que M.
que mes yeux sont contents De voir ces bois qui se trouvèrent À la nativité du temps, Et que tous les siècles révèrent, Être encore aussi beaux et verts Qu’aux premiers jours de l’univers ! […] Toutefois il a entrevu quelque chose, il a eu un éclair de nouveauté et de libre peinture ; sa chaleur de jeunesse l’a bien servi, et dans cette pièce, de même que dans la suivante, intitulée Le Contemplateur et adressée à l’évêque de Nantes Cospeau, il a eu en présence de la nature l’aperçu de certains genres de poésie descriptive ou méditative qui ont sommeillé durant près de deux siècles encore, pour n’éclore et ne se développer dans leur vraie et pleine saison que de nos jours. […] C’en est un, et je ne sais s’il y en a quelque autre plus extrême, que de s’adresser à tous les hommes de son temps, et à tous ceux qui viendront dans la suite des siècles, sans avoir rien que de malhonnête à leur dire.
Il n’entrera pas plus dans les raffinements que dans les coteries de son siècle. […] Je sais qu’il faut faire la part de ce qui a été perdu, de ce qui ne s’est point transmis ; mais des hommes célèbres du siècle avec lesquels on le compare d’ordinaire, il en est peu avec qui Buffon paraisse avoir été en commerce habituel de lettres. […] Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien caractérisé de ses beautés les plus frappantes. » Là encore, à ceux même qui n’aimeraient ni la grenouille ni le hanneton, je dirai : « Je passe condamnation sur le peu d’élégance de l’expression, mais trouvez-moi dans le siècle un jugement de plus de bon sens.
Mais ce qu’il eut de particulier et de vraiment original entre tant de personnages ses contemporains, qui eurent également une longue vie et qui furent ainsi que lui à cheval sur deux siècles, ce fut d’être plus jeune dans la seconde moitié de sa vie que dans la première. […] les La Fayette, les La Rochefoucauld, les Broglie, les Montmorency étaient atteints de la philosophie du siècle et touchés de l’esprit nouveau. […] Cela n’est pas aisé, je le sais ; mais si l’éducation de l’enfance est une science que les siècles n’épuisent pas, celle de l’adolescence, qu’à peine on a ébauchée, est plus difficile encore.
Né le 5 août 1810, il appartenait à cette seconde génération du siècle, lequel n’avait plus deux ou trois ans, mais bien dix ou onze lorsqu’il produisait cette volée nouvelle des Musset, des Montalembert, des Guérin ; je joins exprès ces noms. […] Témoin ces vers datés de la roche d’Onelle, qui se rapportent à l’automne de 1832 : Les siècles ont creusé dans la roche vieillie Des creux où vont dormir des gouttes d’eau de pluie, Et l’oiseau voyageur, qui s’y pose le soir, Plonge son bec avide en ce pur réservoir. […] Celui-ci, tout admirateur et prosélyte qu’il était alors, ne devait subir qu’en la traversant cette influence de Lamennais ; un an ou deux après, il en était totalement affranchi et délivré ; s’il s’émancipa par degrés de la foi, s’il se laissa bientôt gagner à l’esprit du siècle, ce ne fut pas à la suite du grand déserteur, mais à sa propre manière, et il erra dans sa propre voie ; en 1835, il n’était plus le disciple de personne ni d’aucun système.
Mais n’est-il pas devenu lui-même patois en son genre avec les années, avec les siècles ? […] Je laisse aux Legonidec, aux Le Huërou, s’il en existe encore, et à leurs successeurs, je laisse à mon savant confrère, M. de La Villemarqué, de décider si le breton en est pur et classique, s’il est digne du siècle d’Arthur. […] C’est dommage, vraiment, que de telles strophes n’aient pas été faites il y a deux siècles, au lendemain de Malherbe : on s’en souviendrait peut-être ; mais elles viennent trop tard ; c’est trop de mots pour trop peu de sens : Ô Rose, en toi que l’amour rende Hommage aux fragiles destins !
on a beau dire que ces années sont des siècles : nous tous, gens de trente ans, nous l’avons vu. […] Le second morceau, très-beau à mon sens, est le Te Deum des morts après Marengo, dans cet intervalle des deux siècles et après la signature de cette courte paix. […] Toutefois, Français de la tradition grecque et latine rajeunie, mais non brisée, ami surtout de la culture polie, studieuse, élaborée et perfectionnée, de la poésie des siècles d’Auguste, et, à leur défaut, des époques de Renaissance, le lendemain matin qui suit le jour de cette lecture, je reprends (tombant dans l’excès contraire sans doute) une ode latine en vers saphiques de Gray à son ami West, une dissertation d’Andrieux sur quelques points de la diction de Corneille, voire même les remarques grammaticales de d’Olivet sur Racine ; et aussi je me mets à goûter à loisir, et à retourner en tous sens, au plus pur rayon de l’aurore. le plus cristallin des sonnets de Pétrarque.
Scott, plus insouciant peut-être, et comme un voyageur simplement curieux qui a déjà vu beaucoup de siècles et de pays, mais qui n’est pas las encore, se remettra en marche au risque de repasser, chemin faisant, par les mêmes aventures. […] il ne s’agissait que d’achever la fusion ; l’œuvre de réforme dramatique qui se poursuit maintenant sous nos yeux eût été dès lors accomplie. — C’est que, sans doute, dans la tragédie telle qu’il la concevait, Racine n’avait nullement besoin de ce franc et libre langage ; c’est que les Plaideurs ne furent jamais qu’une débauche de table, un accident de cabaret dans sa vie littéraire ; c’est que d’invincibles préjugés s’opposent toujours à ces fusions si simples que combine à son aise la critique après deux siècles. […] On remarquera que dans ses tours il conserve par moments des traces légères d’une langue antérieure à la sienne, et je trouve pour mon compte un charme infini à ces idiotismes trop peu nombreux qui lui ont valu d’être souligné quelquefois par les critiques du dernier siècle.
J’ai essayé si ce qu’il y a de poignant dans la douleur personnelle, ne s’émoussait pas un peu, quand nous nous placions nous-mêmes comme une part du vaste tableau des destinées, où chaque homme est perdu dans son siècle, le siècle dans le temps, et le temps dans l’incompréhensible. […] Ce n’est pas le nombre des individus, mais les douleurs qu’il faut compter ; et si l’on pouvait supposer la possibilité de faire souffrir un innocent, pendant plusieurs siècles, il serait atroce de l’exiger pour le salut même d’une nation entière ; mais ces alternatives effrayantes n’existent point dans la réalité.
Il y a plus de soixante et dix ans que l’on travaille après un dictionnaire qui ne sera pas encore achevé de deux siècles. […] Il est probable que la verve toujours licencieuse et audacieuse de nos Italiens francisés paraissait de moins en moins tolérable, et qu’elle finit par être tout à fait en désaccord avec les rigueurs et les tristesses de la fin de ce siècle et de ce règne62. […] C’est assez de ce trajet d’un siècle et demi que nous avons accompli.
Elle y a retrouvé, de siècle en siècle, des chevaliers, des amoureux et des vengeurs. […] Le crime eut de l’écho par-delà les mers : L’Hôpital, ce représentant de la conscience humaine en un siècle affreux, apprit, dans la retraite de sa maison des champs, l’égarement de celle dont il avait célébré le premier mariage et la grâce première ; il consacra son indignation par une nouvelle pièce de vers latins, dans laquelle il raconte les horreurs de cette nuit funèbre, et ne craint pas de désigner l’épouse et la jeune mère, meurtrière, hélas !
Deux volumes écrits par un homme du siècle de Louis XIV, et dont Mme de Sévigné disait : « Il a bien de l’esprit », ne sauraient se lire avec trop d’attention. […] Je n’ai plus rien à dire de cette princesse, sinon qu’elle aurait été la gloire et l’honneur de son siècle, et que son siècle l’aurait adorée, s’il avait été digne d’elle.
L’introduction élégante et assez animée, qui résume l’histoire des siècles antérieurs de la Grèce, fait le frontispice du monument. […] L’idée qu’on se faisait de la Grèce, de cette littérature et de cette contrée célèbre, n’a pas toujours été la même en France, et elle a passé depuis trois siècles par bien des variations et des vicissitudes. […] » L’abbé Barthélemy devait avoir, au fond du cœur, moins de facilité à bien augurer de l’avenir : c’est lui qui avait écrit dans une lettre de Callimédon à Anacharsis, en parlant des préjugés et des superstitions populaires : « Mon cher Anacharsis, quand on dit qu’un siècle est éclairé, cela signifie qu’on trouve plus de lumières dans certaines villes que dans d’autres, et que, dans les premières, la principale classe des citoyens est plus instruite qu’elle ne l’était autrefois. » Quant à la multitude, sans excepter, disait-il, celle d’Athènes, il la croyait peu corrigible et peu perfectible, et il ajoutait avec découragement : « N’en doutez pas, les hommes ont deux passions favorites que la philosophie ne détruira jamais : celle de l’erreur et celle de l’esclavage. » Tout en pensant ainsi, il n’avait nulle misanthropie d’ailleurs, et n’était point porté à se noircir la nature humaine : « En général, disait-il, les hommes ont moins de méchanceté que de faiblesse et d’inconstance. » Les événements de la Révolution vinrent coup sur coup contrister son cœur, et détruire l’édifice si bien assis de sa fortune.
. — S’il vivait de notre temps, Voltaire écrirait l’Histoire de Charles XII et le Siècle de Louis XIV dans le style preste, clair et net que vous savez ; mais il ne médirait pas pour cela de la phrase colorée, pittoresque et précise de Notre-Dame de Paris. […] Ne serait-il pas temps enfin de laisser les imbéciles crier tous seuls à la décadence des lettres dans un siècle (et il n’est encore qu’à sa moitié !) […] Je suivais de l’œil, en riant aux éclats, ce steeple-chase forcené, quand j’ai été ramené aux choses et aux journaux de ce monde par la voix du garçon, qui criait : « Le Siècle demandé, voilà !
Il recommencerait le succès de Thomas Moore, au commencement du siècle, quand il chantait dans les salons de Londres ses touchantes Mélodies irlandaises. […] Ne faire qu’un étant deux, à distance, dans la vie d’un siècle, par le fait unique d’organisations étonnamment semblables et d’un accord parfait dans les impressions véritablement extraordinaire, constitue l’originalité collective et particulière à la fois de ces deux Ménechmes de génie, Edgar Poe et Charles Baudelaire. […] La Critique de ce moment du siècle a procédé avec M.
C’est un de ces Légers que j’aurais aimés dans tous les siècles, mais dont je raffole dans le mien ; car les Solennels, les Sérieux et les Puritains, m’ont absolument gâté le xixe siècle, et, anglais pour anglais, j’aime encore mieux les Mémoires de Gramont, par Hamilton, que les Mémoires de Guizot, par Guizot ! […] Épicuriens tous trois, du reste, et c’est leur infériorité, nés du sensualisme de ce siècle, Gustave Droz est de beaucoup le plus sensuel et le plus hardi des trois, sous cette forme légère qui a le dangereux attrait de sa légèreté. […] Pour lui, on n’aura pas besoin, comme on l’a tenté pour Machiavel, l’homme sans âme qui écrivit avec la main de bronze du Destin sous la dictée des Perversités de son siècle, — et ce qu’on vient de renouveler pour Flaubert, talent sans âme non plus, — on n’aura pas besoin d’inventer une ironie d’après coup, qui n’existe pas dans leurs œuvres glacées.
Il l’a montré sous son beau jour dans le Siècle de Louis XIV. […] L’éclat du catafalque ne lui a pas manqué ; un écho de l’éloquence du grand siècle l’a accompagné jusque dans la tombe.
Guizot un mémoire sur l’étude qu’on a faite aux xvie, xviie et xviiie siècles de la littérature des xiie, xiiie, xive et xve siècles : c’est un travail minutieux, mais assez joli, qui me fait voir du pays et qui m’est utile .
Ces articles, écrits tous à l’occasion de quelque représentation particulière, sans être des biographies ni des appréciations complètes, étincellent de vues neuves, de détails agréablement érudits, de comparaisons diverses, et prennent rang d’abord parmi les pièces et les jugements à consulter pour la connaissance littéraire de notre grand siècle. […] Et ceci, tout énorme que je le trouve littérairement, ne me paraît qu’une peccadille auprès de cette autre accusation portée après deux siècles contre lui, le doux et tendre poëte, d’avoir été un intrigant.
Jamais homme ne fut moins de son siècle que le duc de Saint-Simon506 : par ses idées, c’est un féodal ; par son tempérament, il est notre contemporain. […] Saint-Simon est en avance d’un siècle.
Je crois, en effet, qu’un des caractères généraux de la littérature qui s’est développée en ce siècle, orientée tantôt vers la science et tantôt vers l’art, c’est d’être une littérature d’hommes, faite surtout par et pour des hommes. […] C’est donc ici qu’il faut rechercher de quelle façon l’étonnant développement de la presse en notre siècle a pu affecter la littérature.
À rebours fut la solution imaginaire, le rêve quasi réalisé d’un intellect distingué et décadent, « écœuré de l’ignominieuse muflerie du présent siècle », d’un exceptionnel jeune homme moderne s’édifiant une vie insolemment factice, bâtissant hors du siècle, dont l’auteur étudie les dégénérescences et les interversions avec la sûreté d’un physiologiste devant un cas morbide.
Ce fut alors qu’un tas d’écrivains obscurs, enhardis par l’impunité de la satyre, ou par l’idée d’avoir part aux bonnes graces du cardinal, s’acharna, comme à l’envi, contre le plus bel ornement de son siècle, contre le créateur de la scène Françoise. […] Ce poëte au-dessus de la critique, comme au-dessus de son siècle & de ses rivaux, donna son consentement.
Il y a la poésie qui vient des autres, le lyrisme commun à ce siècle, coulant à pleins bords et à plein bassin, abondant, écumant, vermeil et rapide. — et celle-là, c’est l’inférieure des deux, — et la poésie qui filtre sous les roseaux plies par le poids des roitelets, gouttes d’eau de source et même gouttelettes, verselets très évidemment supérieurs à tous les grands vers d’à côté. […] Mais un siècle défait ce qu’un autre a refait Et l’humanité désespère !
Sceptique comme lord Byron, — et c’est peut-être sa plus profonde ressemblance avec le grand poète qui accable toute comparaison, — sceptique comme Alfred de Musset et comme tous les enfants d’un siècle qui, du moins, avait sauvé du naufrage de son ancien spiritualisme l’honneur d’être sceptique encore, mais qui a fini par étouffer jusqu’au dernier éclair tremblant du scepticisme dans son âme, morte maintenant, morte toute entière sous l’athéisme contemporain, le douloureux inquiet de La Vie inquiète, qui, fût-il heureux, a de ces pressentiments et de ces incertitudes : Peut-être vous cachez sous votre pur sourire Des pleurs que j’essuirai des lèvres quelque jour… mêle à tous les sentiments qu’il exprime ce scepticisme qui ne va à Dieu, dont on doute, que pour retomber à la créature dont on va douter ; car le scepticisme est la plus cruelle des anxiétés de la vie, c’est la plus formidable inquiétude, pour une âme ardente, qui puisse dévorer l’esprit et le cœur ! […] Le matérialisme ne l’a point durci et n’en a pas fait le tailleur de cailloux qu’il faut être dans ce siècle de bijoux faux ou vrais, et dans lequel les poètes ne sont plus que des lapidaires.
C’est aussi la Confession d’UNE enfant du siècle que cette Confession d’Antoinette, mais d’une enfant à qui le siècle n’a pas fait le mal affreux que ce pauvre de Musset a peint, en regardant son cœur !
Il ne souriait que de temps en temps, et comme pour se divertir du songe des siècles. […] Cette volonté gouverne, depuis des siècles, la diplomatie française. […] Je pense qu’il n’entra dans sa cellule qu’après avoir connu les inquiétudes du siècle. […] Ils contiennent plus de merveilles que tu n’en saurais découvrir, quand même, ainsi qu’Ahasvérus, tu parcourrais infatigablement, jusqu’à la fin des siècles et des siècles, des chemins et des routes illimitées. […] Le grand siècle le fit marquis, ou peu s’en faut.
Une force de stabilité avait reparu après un quart de siècle d’improvisations toutes condamnées par l’épreuve du réel. […] Nous avons devant nous un témoignage direct de plus de cinquante années consacrées à Dieu, en contact avec quelques-uns des plus angoissants problèmes du siècle. […] La paix qui suivit, en 1300, ouvre un siècle de guerres intestines dont le résultat fut un effort de mainmise par Florence sur sa voisine. Autre siècle de résistances, enfin brisées par un long siège qui marquera la sujétion définitive. […] Gruyer, datant du siècle dernier et n’étant plus au courant.
Cela contredit ouvertement ce que l’auteur dit dans son Siècle de Louis XIV que la nature, à la fin de ce siècle, parut se reposer . […] Voltaire ne s’est pas cru assez fort pour corriger son siècle ; il a jugé qu’il était plus facile et plus sûr de le flatter. […] Quand il s’acharne contre l’ombre d’un fanatisme éteint depuis un siècle, il me semble que c’est don Quichotte qui combat des moulins à vent. […] Sophocle et Euripide sont les premiers poètes dramatiques de la Grèce, comme Corneille et Racine sont les premiers tragiques de la France ; et non seulement il est faux, il est même absurde dans les termes, d’avancer que nos grands hommes du siècle de Louis XIV surpassent infiniment les grands hommes du siècle d’Alexandre. […] N’avons-nous pas été nous-mêmes infectés de ce malheureux préjugé, à la fin du siècle qu’on appelle le siècle de la philosophie et des lumières ?
[Portraits du prochain siècle (1894).]
[Portraits du prochain siècle (1894).]
La Légende des siècles, tome premier, in Œuvres complètes de Victor Hugo.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
[Portraits du prochain siècle (1894).]
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Ajoutez une pointe d’ironie, un peu de scepticisme et de désenchantement, comme chez quelques poètes anglais de notre siècle, comme dans l’Illusion de Jean Lahor.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Mais il n’en est pas ainsi, et quoi qu’on puisse dire contre notre siècle, la littérature élevée peut y montrer des noms comme Béranger, Lamennais, George Sand, Hugo, Lamartine : avec de telles gloires, une époque peut s’égarer ; mais on ne saurait dire sans injustice qu’elle a perdu le sens des choses de l’art. […] Ainsi pendant 2 000 ans Homère et Sophocle, Horace et Virgile règnent sans contradicteurs, et lorsque le génie antique épuisé se laisse tomber au bas du temple où ces bras puissants l’avaient porté, alors le désordre commence pour se perpétuer pendant des siècles. […] Tout le butin du charmant poète est pris dans les trois volumes des Analecta de Brunck, dans Théocrite, dans Moschus, si l’on veut, et point ailleurs ; si bien qu’en supposant aux siècles à venir, une fantaisie pareille à celle qui nous possède aujourd’hui, les écrivains futurs ne peindraient notre époque qu’au travers du prisme des élégiaques et des chansonniers. […] Heureusement Frédéric et Bernerette n’a pas suivi la trace des Confessions d’un Enfant du Siècle, et la pensée en a été conçue dans une atmosphère plus dégagée des vapeurs romantiques. […] Après avoir lu le recueil de Nouvelles et avoir réuni les impressions qu’on y a puisées à celles que peuvent faire naître les Confessions d’un Enfant du Siècle, et si l’on veut, Pierre et Camille et le Secret de Javotte, de toutes les productions de M.
Samedi 16 février Au fond chez Shakespeare, malgré toute l’humanité ramassée par lui en son entour, et plaquée dans ses pièces sur des êtres d’autres siècles, cette humanité me paraît bien chimérique. […] En ce siècle de respect et de conservation de l’autographe, le balayage, la jetée aux ordures des manuscrits, des lettres de Balzac, a été encore plus étonnante, plus renversante, plus incroyable, que le récit courant qu’on en fait. […] Au fond il y a eu une peinture primitive italienne et allemande ; ensuite la vraie peinture qui compte quatre noms : Rembrandt, Rubens, Velasquez, le Tintoret ; et à la suite de cette école de l’ingénuité et de cette école du grand et vrai faire, encore de jolies et spirituelles palettes en France, et surtout à Venise, et après plus rien que de pauvres recommenceurs, — sauf les paysagistes du milieu de ce siècle. […] Je relis aujourd’hui du Veuillot, et vraiment c’est le grand pamphlétaire de ce siècle, avec les mépris de son ironie en sous-entendus, et avec le mordant de sa blague hautaine, quand il risque un mot tintamarresque, et qu’il dit que Vapereau est Français comme Jocrisse. […] Non, il n’y a décidément qu’un siècle où l’on prie, qui puisse donner la figuration morale de la montée amoureuse d’une pensée humaine au ciel.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Notre siècle vaut mieux que le siècle passé, parce que M. Guizot est de notre siècle, parce que le siècle passé n’a pu profiter des avis de M. […] Nous dirons la même chose de la différence établie par M. de Ségur entre l’influence d’un siècle sur un homme, et celle d’un homme sur son siècle. […] Et pourtant il s’est rencontré de nos jours des hommes qui, au nom de la fantaisie, souveraine maîtresse de leur pensée, se sont arrogé le droit de traiter l’histoire comme un pays conquis, d’inscrire au front d’un siècle ou d’un roi des sentiments que le roi et le siècle n’avaient jamais connus. […] à quoi bon feuilleter les livres poudreux pour retrouver le sens des siècles évanouis, puisque l’admiration est acquise d’avance à toutes les paroles qui s’échapperont de la bouche du poète ?
À mon avis, l’artiste moderne plus remarquable par la force du caractère que par le talent, est resté inférieur aux grands peintres du siècle de Louis XIV ; mais sans M.
Poète, puis journaliste, George Vanor fut cela très précieusement, et ceci farouchement symboliste de la première heure… [Portraits du prochain siècle (1894).]
L’auteur qui veut barrer la rivière et prendre tout le poisson, c’est-à-dire, donner toute la littérature de ce siècle, montre, aujourd’hui, en fait de femmes, la fleur du panier, en supposant qu’un pareil panier ait une fleur… Aujourd’hui, ce n’est que quelques-unes.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Ils n’ont rien de « fin de siècle », mais ils ont ce qui est éternel, la poésie, la douleur et la foi.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Roslin et Valade C’est un assez bon portraitiste, pour le siècle.
Vers le huitième siècle, la décomposition finale du grand cadavre romain, que Charlemagne avait tenté de relever et qui s’affaissait dans sa pourriture, les appela comme des vautours à la proie. […] Depuis quinze siècles, l’idée du mariage n’a pas changé dans cette race35. […] Des gouttes de la neige fondante naquit un géant, Ymer. « Ce fut le commencement des siècles, — quand Ymer s’établit […] Un siècle et demi après la conquête59, des missionnaires romains, portant une croix d’argent avec un tableau où était peint le Christ, arrivèrent en procession, chantant des litanies. […] La Germanie aux quatrième et cinquième siècles, le Danemark et la Norvége au septième et au huitième, l’Islande aux dixième et onzième siècles, offrent le même état, et les documents de chaque pays peuvent combler les lacunes qu’il y a dans l’histoire des autres.
Elle m’a envoyé, ce matin, un gros bouquet de roses, apporté par son blond bébé, sur les bras de sa bonne, avec ce gentil billet du père : « Constantin Rodenbach apporte à M. de Goncourt le respect et l’admiration du siècle prochain, dont ils seront tous les deux. » Le bébé parti, j’ouvre La Libre Parole, et je suis agréablement surpris d’y trouver un article, pareil à ceux du temps, où j’étais en communauté de cœur avec Drumont, et où il s’associe avec ceux qui me fêteront. […] « Vous n’avez vécu que pour les choses de l’intelligence ; et, non content de chercher dans l’observation de notre coin de nature et d’humanité, matière à remplir vos études et à satisfaire la curiosité de vos goûts, vous avez élargi l’horizon contemporain, vous avez ressuscité le charme d’un siècle disparu, vous avez rapproché de nous la fantaisie et le mystère des arts lointains. […] Enfin ce lit sur lequel il est mort, ce lit qui a la grandeur d’un lit de garçonnet, ce lit en fer, monté sur des roulettes, avec son petit dais en forme de tente militaire, sa soie verte passée, son mince matelas, son traversin, son gros oreiller : — ce lit, entre les rideaux duquel, il y a eu peut-être, dans l’insomnie, la plus grande souffrance morale de notre siècle. […] La comtesse Puliga me peint, en sa complète transformation, cet être domestique, ne voulant plus du mariage, ayant assez de l’ancienne servitude conjugale, se refusant à être plus longtemps la bonne d’un ivrogne, et fondant des clubs féminins, avec des tableaux qui représentent une femme dans les flammes et une femme dans le ciel : la première, la femme des siècles passés ; la seconde, la femme des siècles futurs, et avec cette épigraphe décochée aux hommes : « Ils disent, qu’ils disent ! […] Jeudi 20 juillet Au cimetière… Dire qu’il y a vingt-cinq ans, un quart de siècle déjà, que nous sommes séparés.
L’enseignement matérialiste, l’incrédulité du siècle en ont fait tous les frais. […] Ainsi, depuis des siècles dont nous ne pouvons évaluer le chiffre, l’éternel modèle animé et inanimé pose devant les hommes qui, de génération en génération, s’efforcent de l’observer, de l’étudier, de le pénétrer et de le traduire fidèlement. […] Nous nous garderons bien de retomber dans les vaines querelles des anciens et des modernes nous ne soutiendrons pas que les écrivains des deux siècles derniers étaient nécessairement mieux doués que ceux du nôtre. […] Ce n’est pas trop que les siècles se succèdent avec leur transmission d’observations et d’expériences incessamment réitérées, pour étendre la science et rectifier les fréquentes erreurs de ceux qui la cultivent. […] Mais, hélas ce n’est malheureusement qu’une illusion, car la palette des grands coloristes des deux siècles derniers, reste supérieure à celle de nos contemporains les plus illustres.
Callon, bien des intentions nous échappent ; ce poète a certainement ce que les parnassiens ont appelé le don du vers ; la liste de ses rimes complète celle de la Légende des siècles ; son vocabulaire est prodigieux, sa science historique et mythologique semble vaste, sinon toujours de bon aloi, et il admire comme il sied M. de Heredia, à qui son livre est dédié.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
[Portraits du prochain siècle (1894).]
On ne risque guère l’erreur à faire consister le romantisme dans les inspirations caractéristiques par où la littérature du XIXe siècle, ou du moins de sa première moitié se distingue de celle des précédents siècles. […] Un siècle auparavant, Victor Hugo, dans la Préface des Odes et Ballades, écartait dédaigneusement ce même débat, presque dans les mêmes termes, déclarant ne connaître entre les écrivains qu’une distinction valable : celle des bons et mauvais. […] Comment les poètes lyriques, êtres sensitifs et imaginatifs entre tous, ne seraient-ils pas plus sujets que d’autres aux vicissitudes de ces impressions qu’un siècle agité fait se succéder si rapidement ? […] Elle s’est affirmée pendant tous les siècles du moyen âge, non chez des individus isolés, mais dans des écoles entières, telles que l’école averroïste. […] me dit-on, voulez-vous nier l’évidence d’un siècle de découvertes ?
Pendant plus de dix siècles, rien dans notre Europe n’a été facile, général, ni simple. […] C’est ainsi qu’en France le siècle de Richelieu et de Louis XIV connut et posséda cette portion de liberté qui nous a valu une littérature et un théâtre. […] Peu de bons mots sont en état de fournir une carrière de deux siècles. […] Vers le milieu du dernier siècle, un M. […] Près des monuments des siècles écoulés, commencent maintenant à s’élever les monuments d’un autre âge.
La Bruyère lui fait un petit résumé des absurdités et des gloires du siècle. […] Un siècle après, cet art ne sera pas dépassé. « Le pélican, le cou reployé, le bec reposant comme une faux sur sa poitrine, se tenait immobile à la pointe d’un rocher. » Dans les siècles des siècles, on ne fera pas mieux voir le pélican. […] Mes écrits de moins dans mon siècle, y aurait-il eu quelque chose de changé aux événements et à l’esprit de ce siècle ? […] Même aux siècles où elle peut être acquise, elle est fort peu de chose.
Ces obscurités augmentent de siècle en siècle par les explications toujours nouvelles et s’accumulant les unes sur les autres qu’on en donne ; et ainsi, aux yeux d’un peuple qui aime la clarté, plus une religion dure plus elle se détruit, parce que plus elle dure plus elle s’explique, et plus elle s’explique plus elle s’obnubile. […] Tous les réformateurs religieux de ces derniers siècles, quoiqu’ils aient échoué, avaient raisonné assez juste. […] Or un tel siècle prépare mieux à l’irréligion qu’un siècle de guerres civiles proprement dites. […] Le sentiment général de l’humanité jusqu’à lui, le consensus communis ne lui impose pas ; car il est très orgueilleux ; et se sentant (avec raison) très supérieur comme philosophe à tous les penseurs contemporains, et d’ailleurs croyant au progrès intellectuel et estimant son siècle supérieur aux siècles précédents, que tous les philosophes jusqu’à lui aient cru en Dieu, cela n’est pas pour l’intimider : ils vivaient dans des siècles d’obscurité et de tâtonnements ; le siècle de Diderot est un siècle de lumières ; dans ce siècle Diderot est supérieur comme penseur à tous les hommes qui se mêlent de raisonner ; l’opinion de Diderot, quoique étant contraire à celle de tout le genre humain jusqu’à lui, peut donc, malgré cela, être la vraie. […] Très longtemps, pendant trois quarts de siècle, elle a excité, soulevé et lancé le peuple contre l’aristocratie, contre « les nobles ».
Charton Il ne voyait dans les lettres qu’un moyen de satisfaire sa passion la plus ardente, celle de se rendre utile selon ses facultés en exprimant les sentiments généreux dont son cœur était plein, en défendant les vérités de l’ordre moral proscrites, reniées, oubliées, au milieu des entraînements matériels du siècle.
L’auteur y procède par tableaux grandement espacés au point de vue chronologique, mais ces tableaux sont si bien choisis, que leur enchaînement s’éclaire de lui-même à travers les siècles… Le vers, bien construit, aux rythmes variés, juste de ton, accommodé aux effets voulus, se soutient sans défaillance pendant tout le cours de l’œuvre.
Rossignol établit, avant tout, ce soin scrupuleux et presque religieux que mirent les Grecs à distinguer les genres divers de poésie, et à maintenir ces distinctions premières durant des siècles, tant que chez eux la délicatesse dans l’art subsista : La nature dicta vingt genres opposés D’un fil léger entre eux chez les Grecs divisés ; Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites, N’aurait osé d’un autre envahir les limites… André Chénier s’est fait, dans ces vers, l’interprète fidèle de la poétique de l’antiquité. […] Dès le second siècle du Christianisme, des esprits plus fervents qu’éclairés se complurent à cette confusion bizarre qui, au moyen de quelques centons alambiqués, à la faveur même de misérables acrostiches, mariait ensemble les deux cultes, et contre laquelle devait tonner saint Jérôme.
La filiation que l’auteur commence par établir entre les romanciers actuels et ceux du siècle dernier est toute factice. […] En parlant des romans du siècle passé, l’auteur oublie trop que, sur le pied dont il le prend, il n’aurait pas manqué alors, s’il avait vécu, de confondre ce qu’il veut bien séparer aujourd’hui.
Les écrits de Bacon caractérisent son génie plutôt que son siècle. […] L’homme de génie fait quelques pas dans des sentiers inconnus ; mais il ne faut pas moins que la force commune et réunie des siècles et des nations pour frayer les grandes routes.
Il a trouvé le moyen d’établir que mesdames Deshoulières, de la Fayette et de Sévigné, qui, de son aveu, étaient les plus charmants esprits du siècle, étaient néanmoins du nombre des femmes dont Molière a voulu corriger la folie86 ; et il insinue qu’elles étaient de la coterie qui soutenait les Cottin, les Pradon et les Voiture ; il nous assure que madame de Sévigné, bien qu’admiratrice de Corneille, ne trouvait rien de plus charmant que le badinage de Voiture. […] C’est assurément accuser Molière d’une folie plus grande que celle dont il aurait voulu guérir les esprits les plus charmants de son siècle.
On y trouve un écrivain dont les grands talens doivent faire oublier ses Lettres du chevalier d’Her… ses comédies peu théâtrales, son Apologie des tourbillons de Descartes & les Essais informes qu’il a faits dans les genres de Lucien & de Théocrite ; plus heureux dans ceux de Quinault & de Bacon, & surtout dans la géométrie ; faisant aimer les sciences les plus abstraites ; réunissant la subtilité du raisonnement à un stile qui lui est particulier & qui a fait beaucoup de mauvais imitateurs ; ayant plus d’esprit que de génie, & plus de délicatesse que d’invention ; placé sous deux règnes pour mériter l’estime de deux siècles, & par la variété de ses connoissances, & par la singularité de son ame toujours paisible, modérée, égale, inaccessible aux mouvemens inquiets ou violens, qui rendent les autres hommes malheureux ; fait, en un mot, pour les agrémens & les délices de la société, mais non pour être l’exemple des belles ames, des cœurs sensibles & reconnoissans. […] Il rappelle quantité de contes puériles, de livres apocryphes, de subterfuges qu’on imaginoit dans les premiers siècles de l’église pour l’accréditer, & dont elle n’avoit pas besoin.
tilités des casuistes du dernier siècle, pour s’attacher à la méthode de Sainte-Beuve107, des Conférences d’Angers, de Paris, etc. […] Ce professeur passerait ensuite à l’éclaircissement des faits les plus importants de l’Église, s’occupant particulièrement de celle des premiers siècles, et faisant remarquer à ses auditeurs la perpétuité de la foi, la chaîne de la tradition et du ministère, la forme ancienne du gouvernement ecclésiastique, ses vicissitudes, sa forme actuelle, la naissance des hérésies, l’origine des abus, le relâchement de la discipline, etc.
Il est aux bons peintres du siècle passé comme nos bons littérateurs aux écrivains du même siècle.
Entrepris dans un but de propagande religieuse, — l’auteur était lazariste, — ces voyages, dont nous avons rendu compte avec une sympathie presque enthousiaste, car, à part de leur but, le plus grand que puisse atteindre l’homme, ils prouvaient autant de caractère, de décision, de persévérance que de curiosité élevée ; ces voyages, qu’il faudra désormais citer quand on parlera de l’Asie, ont mis pour la première fois dans la circulation des notions certaines sur ces mystérieuses populations qui vivent et meurent depuis tant de siècles comme des fourmilières d’insectes dans des boîtes fermées, sous le couvercle semé d’hiéroglyphes de leurs impénétrables civilisations. […] … Et quelle notion prise dans ce Christianisme, repoussé par la Chine, empêcherait d’admettre aujourd’hui l’impossibilité d’une conversion à laquelle on a résisté pendant des siècles, et cette vue d’un châtiment, pour les peuples qui n’ont pas, comme les individus, d’autre monde pour expier leurs fautes, sans laquelle l’ordre croule et l’Histoire ne se comprend plus !
si Paul de Saint-Victor, la plus éclatante phrase de la fin de ce siècle, — qui devait être aussi pour Flaubert « un gueuloir » comme Chateaubriand, — n’est pas insupportable aune époque si ravalée et si commune ; si, de hasard, son livre des Deux Masques réussit, cela n’est pas venu assurément de la beauté sentie de ce livre, mais peut-être uniquement de ce que l’auteur était, avant ce livre, en possession d’une réputation si bien faite, dans un autre temps, que tout ce qu’il fait de beau pour l’augmenter dans celui-ci n’est pas capable de la ruiner ! […] De l’organisation la plus heureuse, fait essentiellement pour les lettres, il y débuta en se jetant éperdument dans le feuilleton dramatique, alors florissant, et malgré tous les Mentors, — il en avait plusieurs, — qui craignaient les Eucharis du théâtre pour ce Télémaque en plein feu d’imagination et de jeunesse… La grande littérature du milieu du dix-neuvième siècle était morte ou allait mourir : Balzac et Stendhal n’étaient plus ; Gozlan vivait encore, mais les deux plus grands poètes du siècle, de Musset et Lamartine, étaient tombés, l’un des bras d’une indigne femme dans le désespoir enivré qui devait le tuer, l’autre dans la vie politique, qu’on pourrait appeler la mort littéraire, où il s’engloutit, la lyre à la main, comme Sapho, qu’il avait chantée, dans la mer !
De Portraits intimes en portraits intimes de cette époque dont ils ont le goût, qui est déjà une corruption, ils sont arrivés à cette grande figure de Marie-Antoinette, plus grande que le cadre du siècle dans lequel elle est renfermée ; et, le croira-t-on ? […] Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses.
De Portraits intimes en portraits intimes de cette époque dont ils ont le goût, qui est déjà une corruption, ils sont arrivés à cette grande figure de Marie-Antoinette, plus grande que le cadre du siècle dans lequel elle est renfermée ; et, le croira-t-on ? […] Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort, comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses.
Est-ce que les Chinois, ces potiches, pris en masse et de siècle en siècle, ne cachent pas des hommes affreux ?
Entre 1857 et 1757, il y a certainement plus, d’un siècle. […] Mais l’Évangile et la tradition ne lui fournissent pas ce qu’ils auraient fourni à saint Thomas d’Aquin, par exemple, si saint Thomas, tombé de son siècle dans le nôtre, nous avait donné une loi sur la famille chrétienne déchirée et l’ordre social ébranlé.
II C’est le dernier siècle, surtout, — ce charmant xviiie siècle, dont la Critique historique d’aujourd’hui ose bien se vanter d’être la fille, — qui a été dur pour ce pauvre Mahomet jusqu’à la calomnie, et jusqu’à la caricature dans la calomnie ! […] Le voluptueux siècle qui n’avait pas trop de sifflets pour l’ascétisme chrétien, qui cultivait la sensation et qui en écrivit la philosophie, n’a tenu compte de rien à Mahomet, pas même de cette excellente polygamie, en comparaison de laquelle le divorce est une bien petite invention.
Chrétienne d’origine, chrétienne d’institution, de hiérarchie, de foi et de mœurs, la monarchie a cessé peu à peu de l’être, et, à mesure qu’elle se diminuait comme chrétienne, elle se diminuait comme monarchie, jusqu’au moment où l’affreux bubon que se transmettaient les gouvernements, de siècle en siècle et de génération en génération, se soit enfin ouvert et ait laissé couler à flots la révolution sur les peuples.
… Voici pourtant un roman illustre, le seul, ou presque le seul, qui ait trouvé des lecteurs jusqu’à nos jours, qui ait joui, de siècle en siècle, de l’honneur de nombreuses rééditions : La Princesse de Clèves. […] Toute cette société du Siècle de Louis XIV dévore les écrits des théologiens et des polémistes religieux. […] Elle y prend autant d’intérêt — et davantage — que nous, du siècle actuel, à la politique et à la science. […] Après un siècle écoulé, ceci n’a plus guère, à nos yeux, d’importance. […] Ainsi, dans les petites villes de nos provinces et dans nos campagnes les modalités des passions n’ont pas beaucoup changé depuis un siècle.
Le siècle suivant lui appartient tout entier en Allemagne. […] On le goûtait moins au siècle dernier, et même il y a cinquante ans. […] Quel siècle que celui où un divertissement de circonstance devenait un chef-d’œuvre ! […] C’est ainsi que les personnages créés par les poètes, sont devenus, siècle à siècle, si grands et si complexes ! […] Il y a dans chaque siècle une façon générale de sentir et de parler, comme de s’habiller.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
En ce siècle hâtif qu’effrayent les longues besognes, à moins que ce ne soient d’interminables romans bâclés au jour le jour, il faut un singulier courage et une patience d’enthousiasme extraordinaire pour traduire en vers, avec une fidélité scrupuleuse qui n’exclut pas l’élégance, tout l’enfer de la Divine Comédie, depuis le premier cercle jusqu’au dernier.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Anonyme Alfred des Essarts se jeta vers 1832 dans le mouvement de l’école romantique, à laquelle il est demeuré fidèle, tout en ayant modifié et perfectionné sa facture depuis l’évolution marquée par la Légende des siècles.
La plupart de ses poèmes sont des récits qui rappellent la manière de la Légende des siècles, et ce mélange de l’épique et du lyrique qui est une des conquêtes et qui fut un des charmes du xixe siècle.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
, [Les Portraits du prochain siècle (1894).]
Mes livres, ce sont des gens de tous les pays et de tous les siècles : distingués à la guerre, dans la robe et dans les lettres ; aisés à vivre, toujours à mes ordres ; je les fais venir quand je veux, et je les renvoie de même ; ils n’ont jamais d’humeur et répondent à toutes mes questions. […] Rienzi, poète et orateur comme Pétrarque, n’eut que le tort de se tromper de quelques siècles. […] Le tribun paraissait alors, et, donnant du geste et de la voix l’éloquente explication de ces peintures énigmatiques, il incendiait le peuple d’indignation contre les oppresseurs de la patrie ; il prophétisait à une multitude, incapable de distinguer la différence des siècles, le prochain rétablissement de la liberté, de la puissance et de la gloire du sénat et du peuple romain. […] Une partie de l’Italie s’émut à sa voix et crut renaître à ses beaux siècles ; les Visconti de Milan, l’empereur, le roi de Hongrie, lui envoyèrent des ambassadeurs pour le reconnaître et l’encourager dans ses entreprises. […] Nous allons voir disparaître la merveille de notre siècle, le modèle de toutes les perfections.
Elle encourage les arts qui succèdent aux industries ; Florence se couvre de monuments, véritable diadème de l’Italie moderne ; elle semble gouvernée pour l’honneur de l’esprit humain par une dynastie de Périclès ; sa langue devient la langue classique de l’Italie régénérée ; ses mœurs s’adoucissent comme ses lois ; son peuple, déshabitué des guerres civiles, reste actif sans être turbulent ; il cultive, il fabrique, il navigue, il commerce, il bâtit, il sculpte, il peint, il discute, il chante, il jouit d’un régime tempéré et serein comme son climat ; les collines de l’Arno, couvertes de palais, de villages, de fabriques, d’oliviers, de vignobles, de mûriers, qui lui versent l’huile, le vin, la soie, deviennent pendant trois siècles l’Arcadie industrielle du monde ! […] Commerciale comme Tyr, militaire comme Carthage, Venise devint en peu de siècles ce qu’est l’Angleterre aujourd’hui, un empire flottant, négociant et combattant sur toutes les mers. […] Nous connaissons l’infidélité de votre alliance, l’histoire nous l’atteste ; en un siècle, quatre-vingt-quinze ans d’alliance austro-sarde contre cinq ans d’alliance austro-française : voilà votre histoire. […] Dans cet élan vers la conquête et vers l’absorption universelle de toutes les Italies, malgré la France qui les déconseille, un prince sans peur, un roi d’avant-garde, comme disait Murat, servi par un ministre équilibriste, paraît changer de point d’appui, et, Français avant la lutte, devenir Anglais après la victoire ; l’Angleterre, qui cherchait depuis tant de siècles une position politique navale et territoriale contre nous au Midi, a souri aux envahissements prétendus italiens du Piémont. […] Voyons maintenant ce que ce souverain génie politique, ce Dante de la diplomatie, ce Montesquieu précurseur de son siècle, aurait, dans son patriotisme italien, conseillé à l’Italie s’il eût vécu de nos jours.
L’imitation de Molière est si féconde, qu’il en a bien pris à deux auteurs de cette première moitié du siècle de quitter la poésie légère, pour s’aventurer, sur les pas de ce guide, dans la haute comédie. […] Aussi, vers le milieu du siècle, le public demandait-il du nouveau. […] De son vivant, cette réputation lui suscita un envieux à qui la jalousie, chose triste à dire, inspira la meilleure comédie de la fin du siècle. […] ô siècle et pervers et barbare ! […] Par ma foi, notre siècle est un pauvre siècle auprès de celui de Louis XIV. » 27 décembre 1758.