Je regarde que tous mes malheurs, de conséquence en conséquence, viennent de ce que mes parents, bien contre mon gré, m’ont forcé d’apprendre à écrire, et il n’y a pas de jour où je ne redise avec un sentiment profond ce mot d’un ancien : Utinam nescirem litteras ! […] Je regarde la mort et l’embrasse de tous mes vœux.
Si la Vierge et Notre-Seigneur me regardent en pitié, ne le sauras-tu pas un des premiers ? […] On consacre tous les jours de longues pages aux hommes soi-disant de puissance et d’action qui, bien souvent gouvernés eux-mêmes, passent pour avoir gouverné le monde, à ceux qui ont traité et souvent trafiqué des nations : pourquoi regarderait-on à quelques pages de plus ou de moins, quand il s’agit de ces êtres d’élite qui ont habité et véritablement régné dans la sphère spirituelle, dans le monde du cœur, et qui n’ont cessé toute leur vie de cultiver et de cueillir la fleur des meilleurs sentiments ; êtres innocents et brisés, mais qui parlent par leurs blessures et qui apprennent ou rappellent de douces choses, — ou des choses amères, exprimées avec douceur, — aux hommes leurs semblables ?
Assurément ils s’en souciaient assez peu l’un et l’autre, et ils n’y regardaient pas de si près. […] Les Anglais, qui surpassent toutes les nations à mourir, la doivent regarder avec jalousie.
C’est entre 1750 et 1760631 que les oisifs qui soupent commencent à regarder avec compassion et avec alarme les travailleurs qui ne dînent pas. […] Le marquis de Mirabeau décrit « la fête votive du Mont-Dore, les sauvages descendant en torrents de la montagne650, le curé avec étole et surplis, la justice en perruque, la maréchaussée, le sabre à la main, gardant la place avant de permettre aux musettes de commencer ; la danse interrompue un quart d’heure après par la bataille ; les cris et les sifflements des enfants, des débiles et autres assistants, les agaçant comme fait la canaille quand les chiens se battent ; des hommes affreux, ou plutôt des bêtes fauves, couverts de sayons de grosse laine, avec de larges ceintures de cuir piquées de clous de cuivre, d’une taille gigantesque rehaussée par de hauts sabots, s’élevant encore pour regarder le combat, trépignant avec progression, se frottant les flancs avec les coudes, la figure hâve et couverte de longs cheveux gras, le haut du visage pâlissant et le bas se déchirant pour ébaucher un rire cruel et une sorte d’impatience féroce Et ces gens-là payent la taille !
Là, Alberti commença l’entretien en remarquant qu’on peut regarder comme jouissant d’un bonheur solide et réel ceux qui, après avoir perfectionné leur esprit par l’étude, peuvent se soustraire de temps en temps au fardeau des affaires publiques et à la sollicitude des intérêts privés, et, dans quelque retraite solitaire, se livrer sans contrainte à la contemplation de l’immense variété d’objets que présentent la nature et le monde moral. « Mais si c’est une occupation convenable aux hommes qui cultivent les sciences, elle est encore plus nécessaire pour vous, continua Alberti en s’adressant à Laurent et à Julien ; pour vous, que les infirmités toujours croissantes de votre père mettront probablement bientôt dans le cas de prendre la direction des affaires de la république. […] Que regardes-tu dans ces bocages ?
Enfin, après avoir de tous côtés regardé fixement, et baisé de temps en temps un crucifix d’argent orné magnifiquement de perles et de pierres précieuses, il expira. […] Son art et ses ordonnances lui ayant fait défaut, il en fut désespéré, se jeta dans un puits, et médecin, si vous regardez au mot, il rendit sa part d’honneurs au chef de la famille des Médicis.
Zola : Le plus bel éloge qu’on pouvait faire autrefois d’un romancier, était de dire : « Il a de l’imagination. » Aujourd’hui cet éloge serait presque regardé comme une critique… L’imagination de Balzac, cette imagination déréglée qui se jetait dans toutes les exagérations et qui voulait créer le monde à nouveau, sur des plans extraordinaires (ne dirait-on pas que ceci vise Scudéry ou, si l’on veut, Corneille ?) […] Il l’y retrouvera parce qu’il l’y recherche, et parce qu’il ne regarde pas ou retranche de son impression tout ce qui n’est pas sa nature à lui.
Un chevalier toutes les nuits vient regarder la dame accoudée à sa fenêtre : elle a un vieux mari qui s’inquiète, et lui demande ce qu’elle fait ainsi ; elle répond qu’elle vient entendre le chant du rossignol, et le brutal fait tuer le doux chanteur : la dame envoie le petit corps de l’oiseau à son ami, qui le garde dans une boite d’or : et c’est tout. […] Peut-être amusèrent-ils le public plus qu’ils ne l’édifièrent, et y regarda-t-on les aventures plutôt que la morale : cette proscription de l’amour n’avait aucune chance de succès, et il faut peut-être venir à notre siècle incrédule et curieux pour que cette conception mystique soit pleinement comprise en son étrange et déraisonnable beauté.
Et c’est pareillement un coin d’idylle qui fleurit en pleine aridité de la métaphysique amoureuse, quand le poète fait dire à son amant : Je ressemble le paysan Qui jette en terre sa semence, Et il a joie à regarder Comme elle est belle et drue en herbe : Mais avant qu’il en cueille gerbe, Par malheur l’empire et la grève Une male nue, qui crève Quand les épis doivent fleurir : Et fait le grain dedans mourir, Et ravit l’espoir du vilain. […] Il est croyant et pieux, comme Rutebeuf : si l’on ne regardait que l’élan du cœur, je dirais presque qu’il l’est comme Joinville.
Ensuite nous regarderons, dans Boileau, les grandes théories d’art qui nous expliquent les créations de l’éloquence et de la poésie classiques, dans ce qu’elles ont de propre à l’égard de l’œuvre des autres siècles, et dans ce qu’elles ont entre elles de commun. […] Tous les deux sont assez près de regarder le respect des anciens comme une dévotion de cuistre : pour eux, ils les jugent en honnêtes gens, par leur raison, sans leur attribuer de supériorité sur les modernes en vertu de leur antiquité.
Il nous faut, avant de regarder les œuvres, étudier les doctrines, les formules nouvelles ou prétendues telles : V. […] On arrive ainsi à l’étrange formule de la Préface de Marie Tudor : « tout regardé à la fois sous toutes ses faces797 ».
Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue. […] A ne regarder que les hommes, l’un me paraît plus noble que Hugo, l’autre plus malheureux, et tous deux plus aimables.
On les « regarde » et ils gagneraient à être faits comme un poème dada, avec beaucoup de blancs mettant en valeur des titres renseignant sur les faits du jour : c’est l’idéal vers lequel tendent les feuilles à gros tirage, avec plus ou moins de franchise. […] On a voulu regarder la critique comme un genre littéraire inférieur.
Qu’on regarde après cela le rôle de Phèdre. […] J’ignore si l’anecdote est authentique, et peu m’importe ; mais elle enseigne que, pour mesurer le résultat obtenu par l’effort de ceux qui prétendent terrasser un vice ou une superstition, il faut très souvent regarder dans la direction opposée au but qu’ils ont visé.
Un dieu propice regarde d’en haut ceux qui commandent avec douceur ; car personne ne se soumet volontiers au joug de la servitude. […] l’Oracle va resplendir au grand jour ; il ne regardera plus à travers des voiles, comme une jeune épousée. » — Le souvenir de sa jeunesse évoque en elle celui d’Apollon, de son amour qu’elle a trompé, qu’elle regrette peut-être : passage rapide où glisse l’apparition lumineuse de l’amant céleste poursuivant la jeune fille dans un sentier de l’Ida. « — Autrefois la pudeur eût retenu mon aveu.
Ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder : il n’est affecté de rien ; dans le Conseil, il est d’une indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui lui est présenté. […] Le traité de Versailles, qui durera ce qu’il pourra ; L’Amour de Bouchardon, qu’on admirera à jamais ; quelques pierres gravées de Gai, qui étonneront les antiquaires à venir ; un bon petit tableau de Vanloo, qu’on regardera quelquefois ; et une pincée de cendres !
Il se fait leur dénonciateur déclaré et commence contre eux sa guerre à mort : Comme la plupart des hommes, dit-il, ont des passions fortes et un jugement faible, dans ce moment tumultueux, toutes les passions étant en mouvement, ils veulent tous agir et ne savent point ce qu’il faut faire, ce qui les met bientôt à la merci des scélérats habiles : alors, l’homme sage les suit des yeux ; il regarde où ils tendent ; il observe leurs démarches et leurs préceptes ; il finit peut-être par démêler quels intérêts les animent, et il les déclare ennemis publics, s’il est vrai qu’ils prêchent une doctrine propre à égarer, reculer, détériorer l’esprit public. […] S’ils triomphent, ce sont gens par qui il vaut mieux être pendu que regardé comme ami.
Le Sceau enlevé, Poëme du Tassoni, est regardé comme un des beaux monumens de la langue italienne. […] Dryden est plus connu & plus estimé que Shakespear ; il est regardé comme le Poëte le plus fécond de l’Angleterre, mais il est plein d’inégalités & de négligences.
Regardons vivre, respirer et se nuancer leurs jeunes sensibilités, et de jour en jour, en lisant leurs lettres, en suivant leurs émotions qu’ils envoient à leurs familles, nous distinguerons que leurs instincts s’engrènent et s’organisent. […] Maintenant, regardez, écoutez Alfred Cazalis, fils et petit-fils de pasteurs missionnaires.
Rends ma vision saine et claire Que je puisse voir quelle beauté s’attache Aux formes communes et trouver l’âme Des choses non regardées ? […] La noblesse et la splendeur enfin accordées aux « formes communes » et aux « choses non regardées » !
Si je promène mon doigt sur une feuille de papier sans la regarder, le mouvement que j’accomplis, perçu du dedans, est une continuité de conscience, quelque chose de mon propre flux, enfin de la durée. […] Nous appelons alors simultanés deux flux extérieurs qui occupent la même durée parce qu’ils tiennent l’un et l’autre dans la durée d’un même troisième, le nôtre : cette durée n’est que la nôtre quand notre conscience ne regarde que nous, mais elle devient également la leur quand notre attention embrasse les trois flux dans un seul acte indivisible.
Maintenant, je pense aller bientôt prophétiser aux bords du Cocyte et de l’Achéron. » Puis, excité par les reproches du chœur, que troublent ces paroles, le délire mélancolique de Cassandre devient plus expressif encore : « Déjà, dit-elle, la prophétie ne regarde plus, à travers les voiles, comme une jeune fiancée : mais elle se découvre tout éclate tante et pressée de paraître à la pleine lumière du soleil levant. » Alors commence et se précipite à torrent tine nouvelle prédiction de la captive sur Agamemnon, sur Clytemnestre, sur Oreste et sur elle-même. […] Ici encore, ce que je n’entends pas nommer sur le sol d’Asie, ni dans l’île dorienne de Pélops, ce qui n’est pas semé d’une main morte telle, ce germe né de lui-même, qui fait peur aux épées, et qui fleurit surtout dans cette terre, ici croît la feuille de l’olivier, nourrice de la jeunesse, cette feuille que ni jeune ni vieux général ne déracinera de sa main : car toujours la regarde l’œil de Jupiter, maître du destin, et la prunelle de Minerve.
Après cela, ce n’est guère de cette poésie dont moi, en mon particulier, j’use ; ce n’est pas non plus la vôtre, c’est celle des générations tumultueuses, enivrées, qui n’y regardent pas de si près.
jouissons du seul plaisir qui nous reste ; regardons couler nos jours rapides, savourons l’amère volupté de nous comprendre et de nous sentir tous entraîner pêle-mêle : du moins nous nous perdons ensemble, nous n’allons pas seuls vers la fin terrible !
Pour peu qu’on regarde de près dans l’antiquité, on est frappé de tout ce qu’elle contenait de divers, de ce qu’elle cumulait déjà depuis des siècles avec une sorte d’encombrement.
On regardait ces restes d’agitation comme la vie même d’un État libre.
Dans un voyage qu’il fit à travers la Bourgogne et les provinces du Midi, il est touchant de le voir « rôder par les champs et dénicher les habitants dans leurs chaumières, regarder dans leur pot-au-feu, manger leur pain, se coucher sur leurs lits sous prétexte de se reposer, mais, dans le fait, pour s’assurer s’ils sont assez doux. » De retour en Amérique, après des adieux bien vifs à la France, pour laquelle il garda toujours une prédilection vraiment tendre, Jefferson suivit jusqu’au bout les vicissitudes et les progrès de ce grand et bon peuple, qu’il considérait comme l’initiateur du vieux monde.
Si la curiosité, toujours maligne, du lecteur, regrette par endroits tant de mesure de la part d’un témoin qui a si bien regardé du dedans, elle a d’ailleurs de quoi raisonnablement se satisfaire en ce qu’il raconte ; si l’on se trouve arrêté souvent plus vite qu’on ne voudrait, on sait du moins qu’on a été guidé constamment dans une voie consciencieuse et véridique.
Je ne sais quel effet la littérature de ce temps-ci fera dans l’avenir à ceux qui la regarderont à distance respectueuse ; il est à croire que moyennant les inclinaisons de la perspective, et un peu, de bonne volonté et d’illusion chez les spectateurs, tout cela prendra une tournure, une configuration générale et appréciable, une sorte de simplicité.
Nous étions loin de regarder les quatre grandes lois, municipale, électorale, de la garde nationale et du jury, comme la conception définitive qui allait désormais régler et clore les destinées de l’humanité ; mais nous pensions qu’en s’appuyant là-dessus conformément à l’opinion du grand nombre, un gouvernement intelligent et fort aurait pu noblement vaquer à la double tâche qui lui était imposée, d’émanciper graduellement les classes pauvres et laborieuses, de favoriser et de garantir l’affranchissement des nations européennes.
Ici l’auteur se laissera aller sans nécessité, et même à contretemps, à développer quelque idée favorite ; il s’épanchera sur ce qui lui tient au cœur, sans trop regarder si c’est de son sujet.
Avec les individus, il regarde les masses.
Mais ce qui soutenait le goût classique, c’était le monde, une aristocratie de privilégiés si bien dispensée des spécialisations et des actions professionnelles qu’elle en regardait la marque comme disqualifiant l’honnête homme : alors l’éducation pouvait n’avoir pour fin que l’ornement et le jeu de l’esprit.
Mais Augier regarde le mouvement de la société contemporaine, et, avec indignation, il en dénonce les vices.
Kahn ait lu d’un peu près, ou s’il a bien regardé Thaïs, qu’il été à l’excès mécontenté par les réminiscences de Louis Ménard, de Flaubert ou de Hroswita.
Les Samaritains avaient, alors comme aujourd’hui, l’habitude de donner à toutes les localités de leur vallée des noms tirés des souvenirs patriarcaux ; ils regardaient ce puits comme ayant été donné par Jacob à Joseph ; c’était probablement celui-là même qui s’appelle encore maintenant Bir-Iakoub.
On y voit l’imagination la plus vive & la plus féconde, un esprit flexible pour prendre toutes ses formes, intrépide dans toutes ses idées, un cœur pétri de la liberté Républicaine, & sensible jusqu'à l’excès, une mémoire enrichie de tout ce que la lecture des Philosophes Grecs & Latins peut offrir de plus réfléchi & de plus étendu ; enfin une force de pensées, une vivacité de coloris, une profondeur de morale, une richesse d’expressions, une abondance, une rapidité de style, & par-dessus tout une misanthropie qu’on peut regarder comme le ressort principal qui a mis en jeu ses sentimens & ses idées.
Est-ce pour qu’il se regarde comme un être à part, comme un dieu, et le tout parce qu’il aime son père, sa mère et sa gouvernante ?
Celle-ci a eu le courage d’appeller la nature, et de la regarder.
Il n’est pas bien certain veritablement qu’Aristote ait rédigé lui-même par écrit ses problemes : mais il doit suffire que cet ouvrage ait été composé par ses disciples, et qu’il ait toujours été regardé comme un des monumens de l’antiquité, et comme étant composé par consequent quand les théatres des grecs et des romains étoient encore ouverts.
Mais ceci n’est qu’une forme de l’horreur du lieu commun et du goût que M. de Gourmont connaît bien — il l’a analysé dans une très bonne page — pour regarder toute chose avec des yeux frais, après s’être absolument débarrassé de tout préjugé, de toute manière traditionnelle et acquise de voir, de juger et de sentir.
L’Europe luttera en vain contre l’ascendant d’un tel principe, elle doit renoncer à retenir ses colonies dans les liens d’une obéissance filiale, qui serait regardée comme une servitude.
Mais appliquée aux époques excessives d’une Révolution qu’on cherche aujourd’hui à nous faire prendre intégralement comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain et la réalisation de l’idéal moral le plus grandiose, sinon le plus pur (on y tient beaucoup moins), cette manière de concevoir l’histoire et de la regarder, dans les ombres et sous la portée des vieux murs, pour saisir ce qui s’y cache d’inepties, de lâchetés, de corruptions, de sales petites ignominies, serait excellente comme réfrigérant d’enthousiasme.
Il faut, à elle, pour qu’on puisse seulement la regarder, que sa toilette soit entièrement faite.
Charrière regarde les Mémoires d’un seigneur russe et l’avenir de leur succès !
Au fond, lorsqu’on y regarde, il méritait moins qu’il n’a eu.
Tout cela est encloué, tout cela n’en peut plus, tout cela ne va plus et peut se regarder comme les canons de marbre des vieux Turcs.
Du haut des sommets de la métaphysique, saint Thomas d’Aquin peut regarder impunément dans tous les gouffres : le vertige lui est inconnu, il reste impassible.
Les yeux sur le Crucifix s’en sont détournés et se sont mis, de leurs beaux orbes démesurés, à regarder le passé, — cette fumée partie, — ce vide béant qui se moque de nous !
Et même il en voit encore, quand il regarde les tranquilles bœufs dans la plaine : Avant que le sommet cache le globe d’or Qui luit en face, — entre vos cornes !
C’est un endolori, c’est un agité, c’est un inquiet, qui regarde plus dans son cœur troublé que dans de petites fleurs, roses ou bleues, pour en dessiner et en colorier les pétales.
Tant qu’on n’a regardé la conquête du monde occidental par les idées égalitaires que comme la fortune surprenante d’une théorie de philosophes qui, tombée du ciel dans le cerveau de quelques penseurs, en serait descendue de proche en proche jusqu’à l’âme des foules, on a pu croire qu’il suffisait pour l’arrêter, d’une discussion philosophique : réfutons Rousseau et l’égalitarisme est vaincu.
Quand il entendait parler Attale contre les vices et les erreurs du genre humain, il le regardait comme un être d’un ordre supérieur. « Attale, ajoute Sénèque (Lettre XVIII) se disait roi, et je le trouvais plus qu’un roi, puisqu’il faisait comparaître les rois au tribunal de sa censure. […] L’horreur les saisit. « Parlez, leur dit Néron, et songez que vous répondrez de l’événement sur vos têtes. » Sénèque regarde Burrhus. et lui demande s’il faut ordonner aux soldats d’égorger la mère de l’empereur. […] « Racine, qui avait un tact si fin, un sentiment si exquis du beau moral, regardait Sénèque comme un charlatan. » Ce jugement valait bien la peine d’être appuyé d’une citation. […] Le savant et pieux évêque de Freisingen, Othon, regardé Sénèque moins comme un philosophe païen que comme un chrétien : Lucium Senecam non lam philosophum quam christianum. […] Nous le regardons comme un peuple triste et sévère ; ce qui pouvait être vrai du souverain, du magistrat et des prêtres ; mais il est naturel à l’esclave, partout où il n’est pas coutenu par la terreur, ou abruti par la misère, de calomnier ses maîtres, d’eu médire et de les plaisanter ; et c’est par la majeure partie d’une nation qu’on juge de ses mœurs.
Ce pauvre Maupassant avait canoté, chassé, et regardé tranquillement autour de lui jusqu’à la trentaine, avant de débuter par la merveille que l’on sait. — Ce qui gonfle de sève ces exubérantes Harmonies, ce paradisiaque Jocelyn et cette inégale, monstrueuse et splendide Chute d’un ange, ce sont peut-être les douze ans d’oisiveté inquiète où il se chercha lui-même et où se forma en lui comme un vaste et secret réservoir de poésie inexprimée. […] Insensé, regardez, et songez où vous êtes ! […] Des phrases indéfinies, et dont les contours flottent et ondulent ; pas d’arêtes, pas d’antithèses ; une syntaxe molle, fluide, à peine correcte si l’on y regarde de près ; la plus élémentaire juxtaposition des détails ; tout au même plan ; un afflux de sensations à peine ordonnées… Lamartine, je le répète, est le moins classique et le plus vraiment primitif de nos grands poètes. […] Tel, « Néron regardait les jeux par de petites ouvertures. » (Suétone.) […] Le Seigneur, dit-il, emporta l’âme du sage Au point de l’infini d’où le regard divin Voit les commencements, les milieux et la fin, Et, complétant les temps qui ne sont pas encore, Du désordre apparent voit l’harmonie éclore : « Regarde !
Cette littératurite aiguë a été regardée comme monstrueuse. […] Et le fanatisme jacobin regarde comme des monstres tous les dissidents. […] Pour ce qui regarde particulièrement le plus récent volume de M. […] L’orthodoxie religieuse connaît ces phénomènes et les regarde comme des tentations diaboliques. […] Gustave Coquiot regarde Huysmans comme « le plus grand artiste, incontestablement, des lettres françaises ».
Il faut ajouter que les entêtés seuls, les farouches du catholicisme et les sots qui s’en tiennent aux idées toutes faites, continuent à regarder M. […] Seulement, il ne faudrait pas regarder son élection comme le triomphe à l’Institut de la formule scientifique moderne. […] Ce qui est certain, c’est qu’ils auront beau regarder la vie s’agiter autour d’eux, jamais ils ne sauront en reproduire exactement une scène. […] Voilà qui vous regarde, mon brave Huysmans, vous qu’on a appelé « un artiste en ordures ». […] Charles Bigot, condamnant les peintures vraies, en laissant entendra que M. de Bismarck nous regarde.
Il me paraît certain que Molière n’y a pas regardé, ou n’y a regardé que bien en gros, et que prote et correcteur n’y regardaient pas non plus de bien près. » Voilà qui ne laisse pas de discréditer un peu les « éditions originales » de Molière ; et le scrupule de M. […] Dans des lois que l’on ne saurait jamais regarder comme immuables, puisqu’elles ne sont point descendues du ciel, sa mission ou sa raison d’être est d’introduire plus de clarté, plus de justice, plus d’humanité. […] Si nous regardons en arrière de nous, que de temps où nous n’étions pas ! […] Prenez la peine, au surplus, d’y regarder d’un peu près : tous les critiques, encore aujourd’hui, qui revendiquent le droit de nous informer d’eux et de leurs goûts personnels, à l’occasion d’une comédie de M. […] Et, généralement, un romantique avait de si belles choses à dire, qu’il n’y fallait pas regarder à la forme, de peur qu’elle n’attirât sur elle une attention qui n’était due qu’au fond.
Et je regarde cette espèce d’ignorance, soit dans le corps de l’État, soit dans chaque citoyen, comme la plus funeste. […] La religion c’est : « Dieu vous regarde », et la métaphysique c’est : « regardez le monde » ; et sans doute ce n’est pas tout à fait la même chose ; mais il ne s’en faut pas d’autant qu’on pourrait croire, et à regarder le monde l’homme ne peut pas s’empêcher de croire qu’il en est regardé aussi et comme embrassé ; et son sentiment de solitude en diminue. […] S’il en est ainsi, le principe, en ce qui regarde tous les arts, sera celui-ci. […] Regardez les peuples dans leurs relations les uns avec les autres. […] On regardera peut-être cela comme un songe et l’on pensera que c’est là disposer d’un État et de ses habitants comme on dispose de la cire.
Regardez-y toutefois de plus près : ce ne sont plus des caractères, c’est déjà des portraits et des tableaux de mœurs qu’ils peignent. […] Les principes fléchissaient d’abord, et, dans le feu de la première ardeur, on s’en regardait soi-même aisément quitte. […] Mais il y faut regarder plus attentivement, et l’on s’aperçoit alors que cette fécondité n’est qu’apparente. […] Et regardons plutôt la tradition comme une fable, ou peu s’en faut, inventée par de pieux amis pour réconcilier avec l’Église la mémoire d’un homme dont la jeunesse au moins l’avait si fort scandalisée. Je voudrais bien aussi regarder comme une autre fable ce que le même biographe nous a dit de la mort de Prévost.
À la manière dont Octave porte sa douleur, on se demande ce qu’il ferait si son père avait été assassiné, sa sœur déshonorée, sa patrie asservie ; si le destin avait rempli sa coupe de ces peines terribles qui frappent tout ce qui vous entoure, tout ce qu’on aime, tout ce qu’on doit aimer ; à cela le livre répond, il est vrai, que son héros n’a rien à voir dans de pareils malheurs, livré tout entier comme il l’est à ce qui ne regarde que lui ; au cas où on ne serait pas content, on n’a qu’à fermer le volume, et il n’est pas juste d’exiger ce que l’auteur n’a pas annoncé l’intention de donner. […] Ils bouleversaient tout, regardaient partout, déployant mouchoirs, chemises et pantalons. […] Mais, après tout, ceci ne nous regarde point et nous nous empressons d’en revenir au livre de M. […] Il commence à propos d’un livre ou d’une pièce de théâtre par raisonner sur le temps qu’il fait ; il s’attendrit ou il s’irrite, il se rappelle combien le ciel était gris ou bleu un autre jour ; il regarde le soleil se lever ou se coucher et quelquefois il se trompe, il met le couchant à l’Orient, et l’Orient au couchant. […] Sainte-Beuve, il semble qu’on doive y regarder à deux fois, avant de déclarer ces reproches injustes, car il ne paraît pas probable qu’un critique aussi attaché à la littérature, juge un livre sans l’avoir étudié et le condamne sans conviction, monstruosité très fréquente aujourd’hui.
Il aimait à regarder et savait regarder. […] Cela veut dire qu’à douze ans, qu’à dix ans, il savait voir et aimait à regarder. […] C’est un Protée qui communique sa nature à tout ce qu’il touche, et qui rend Protées eux-mêmes tous les objets qu’il regarde. […] Il s’habitua à prendre autant de plaisir à voir vivre les autres qu’il avait eu de complaisance à se regarder vivre lui-même. […] Ces idola temporis sont regardés par Sainte-Beuve de très mauvais œil ou d’œil très dédaigneux.
Grymalkin regarda au dehors : la campagne dormait toute morte de silence et d’hiver. […] Dans les rues, sur les places, la foule regardait avidement. […] Ces choses radieuses lui semblent pourriture et néant ; il ne lui reste donc qu’à se lamenter, à regarder si ses ailes poussent et à se boucher le nez devant les fleurs. […] Au seuil de sa petite maison dont la porte flambe, peinte d’un vert cru, le batelier demeure tranquille à regarder l’eau et l’azur. […] Un peu interloqué, je regardai les jeunes gens.
En même temps la régularité du don fit regarder, comme un droit attaché au mérite, ce qui n’avait été jusqu’alors que le prix capricieux de quelques flatteries bien tournées, et l’Etat parut avoir donné ce que le roi s’interdisait de reprendre. […] J’en crois ces vers si nobles et si éloquents de Boileau : … Ma muse, occupée à cet unique emploi, Ne regarde, n’entend, ne connaît plus que toi. […] Toujours profond et noble, on ne le confondit point avec ce désordre grossier de l’imagination et des sens, qui usurpe son nom et prétend vainement à l’intérêt qu’il inspire ; toujours combattu, souvent sacrifié au devoir, Louis XIV n’en put regarder la peinture comme une flatterie adressée à ses fautes, ni le public garder des doutes dangereux sur les suites toujours funestes d’un amour illégitime. […] Louis XIV eut à entendre de sévères paroles sur « ces victoires et ces conquêtes qui remplissent ici-bas la vanité des histoires, auxquelles on élève des monuments pompeux pour en éterniser le souvenir, et qui ne seront regardées, au jour du jugement, que comme des agitations stériles ou le fruit de l’orgueil et des passions humaines255. » Il se vit représenter les malheurs que ses fautes, avaient en grande partie suscités ; des batailles perdues lors même que la victoire paraissait assurée ; des villes imprenables tombées à la présence seule des ennemis ; un royaume, le plus florissant de l’Europe, frappé de tous les fléaux que Dieu peut verser sur les peuples dans sa colère ; « la cour remplie de deuil, et toute la race royale presque éteinte : malheurs singuliers que Dieu préparait à Louis XIV pour purifier les prospérités de son règne256. » Il eut à se reconnaître dans la peinture de ces guerres « où l’on voit les disciples de celui qui vient apporter la paix aux hommes, armés du fer et du feu les uns contre les autres ; les rois s’élever contre les rois, les peuples contre les peuples ; les mers, qui les séparent, les rejoindre pour s’entre-détruire ; chacun voulant usurper sur son voisin, et un misérable champ de bataille, qui suffit à peine pour la sépulture de ceux qui l’ont disputé, devenir le prix des ruisseaux de sang dont il demeure à jamais souillé257. » Massillon, devant ce roi plus que sexagénaire, parlait déjà le langage sévère de l’histoire.
Pourtant, si l’on y regarde de plus près, il y a encore ici un élément psychique. […] Frappé de cette vision, il regarde l’heure (en bon Anglais) ; il écrit en Amérique et apprend que son frère était mort au moment où il l’avait vu apparaître. […] Si, dans tous les faits de ce genre, la besogne était réellement partagée entre deux personnalités distinctes, la communication entre les deux serait inconcevable ; on ne voit pas comment, parce que la personne inconsciente verrait l’objet qu’on a suggéré de ne pas voir, la personne consciente pourrait cesser de l’apercevoir : de ce que vous voyez un arbre que je regarde, il n’en résulte point que je cesse de le voir. […] Même dans l’état actuel de notre vision, après avoir regardé un objet, nous pouvons en avoir des images complémentaires et des images négatives qui, si elles étaient plus constantes et plus systématisées, seraient pour nous un nouvel aspect du cosmos.
» « — Erreur, mes bons Messieurs, reprend un magister ; Regardez-le marcher ; c’est le grand Jupiter : L’astre errant à vos yeux scintille. » Moi tout bas à mon cœur j’ai dit : — C’est un flambeau, C’est la cire qui brûle au balcon du château, Dans les mains de la jeune fille.
Ma curiosité, mon désir de tout voir, de tout regarder de près, mon extrême plaisir à trouver le vrai relatif de chaque chose et de chaque organisation m’entraînaient à cette série d’expériences, qui n’ont été pour moi qu’un long Cours de physiologie morale.
Deux jours sans direction, le peuple des rues agit de lui-même ; tandis que le peuple des palais, des salons et des Chambres regardait l’action sans pouvoir comprendre comment la force qu’on avait toujours appelée brutale était devenue intelligente sans rien perdre de son énergie, au contraire.
Le célèbre professeur de Berlin regarde la religion ou le sentiment comme le premier moment du développement de l’humanité, la philosophie ou la raison ou la réflexion comme le dernier moment, l’art qui représente la forme étant le terme intermédiaire de cette évolution ; aussi, à ses yeux, la nouvelle époque de l’histoire où nous allons entrer ne sera pas autre chose que la religion chrétienne passée à l’état de philosophie, ou, comme il dit, ayant acquis la conscience de soi.
De loin, et d’une langue à l’autre, on n’y regarde pas de si près ; on ne va qu’au gros du roman, ce qui contribue à faire, en propres termes, un jugement fort grossier, comme j’ai remarqué déjà qu’on le disait fort poliment sous Louis XIV.
C’est peu de chose, direz-vous ; c’est beaucoup, si vous avez regardé, si vous avez vu.
Quand vous avez regardé cette bonne et ouverte face d’honnête savant que porte Rabelais, passez à Calvin : ce profil fin et dur, ces lèvres minces, cette jolie main effilée et nerveuse, qui se lève impérieusement pour enfoncer un argument, vous donnent la sensation de l’homme.
Et je n’ai point parlé des « grâces niaises » de Mlle Bertiny, que je regarde au contraire comme une comédienne très fûtée, mais de la « grâce niaise de Néra », personnage de M.
Les autres firent du bruit : cela les regarde ; mais les « rêveurs », et ils étaient nombreux dans la salle ce soir-là, voulurent couvrir d’applaudissements les intempestives interruptions.
Santeul, étonné d’abord et ensuite réjoui de ce qu’il voyait, entra dans la plaisanterie et courut lui-même dans tous les coins de sa chambre, puis ils se regardaient tous deux, faisant chacun des grimaces pour se payer de la même monnaie.
C’est pourquoi le juge ne doit pas y regarder de trop près.
On se regarde silencieusement.
Il résulte de ce qui précède que la comédie de Molière, ou n’était pas une hostilité contre la société d’élite, ou était regardée par lui-même comme une hostilité impuissante dont il ne voulait pas cire accusé.
Vaniere, la Callipédie de Quillet, le Poëme de Scevole de Sainte Marthe, sur la maniere d’élever les enfans à la mamelle, celui de Arte graphicâ de Dufresnoy, celui de l’Abbé de Marsy sur le même sujet, l’Anti-Lucrece, sont regardés comme d’excellens Ouvrages, malgré le fond des matieres, au dessus du commun des Lecteurs ; malgré la Langue dans laquelle ils sont écrits, dont la connoissance est encore plus bornée que celle des matieres.
Dans le trouble où sont les esprits, le danger de parler est plus grand encore que celui de se taire ; mais, quand il s’agit d’éclairer et d’être éclairé, il faut regarder où est le devoir, et non où est le péril ; il se résigne donc.
Malheureuse comme femme, car elle est comme si elle n’avait pas de mari ; malheureuse comme reine, car elle est comme si elle n’avait pas de roi ; penchée vers ceux qui sont au-dessous d’elle par pitié royale et par instinct de femme aussi peut-être, et regardant en bas pendant que Ruy Blas, le peuple, regarde en haut.
Il regarda cette rétractation, comme la marque d’une foiblesse, comme une atteinte à sa gloire littéraire.
La dernière dispute sur le stile regarde cette question, s’il ne seroit pas convenable, nécessaire même, de fixer une langue vivante comme les langues mortes.
Qui ne voit, sans tout cela, que le simple est celui qui n’a que des choses simples à dire ; le tempéré, celui qui regarde des matières de pur agrément, & sur lesquelles il ne faut répandre que des fleurs ; le sublime, celui qui roule sur de grands intérêts ?
Quoi qu’il fût très agréable en conversation lorsque les gens lui plaisaient, il ne parlait guère en compagnie, à moins qu’il ne se trouvât avec des personnes pour qui il eût une estime particulière : cela faisait dire à ceux qui ne le connaissaient pas qu’il était rêveur et mélancolique ; mais s’il parlait peu, il parlait juste, et d’ailleurs il observait les manières et les mœurs de tout le monde ; il trouvait moyen ensuite d’en faire des applications admirables dans ses Comédies, où l’on peut dire qu’il a joué tout le monde, puisqu’il s’y est joué le premier en plusieurs endroits sur des affaires de sa famille, et qui regardaient ce qui se passait dans son domestique.
Il est donc à souhaiter qu’un jeune homme, que son génie détermine à être peintre, se trouve dans une situation telle qu’il lui faille regarder son art comme son établissement, et qu’il attende sa consideration dans le monde, de la capacité qu’il acquerera dans cet art.
Enfin, les ouvrages des grands maîtres n’étoient point regardez, dans le temps dont je parle, comme des meubles ordinaires destinez pour embellir les appartemens d’un particulier.
Raczynski, opposé à l’idée de l’empire d’Allemagne, qu’il regardait comme un piège tendu par la Révolulion à la Prusse, n’avait pas prévu la constitution de son unité et l’homme robuste qui s’appelle Bismarck !
ce ne sera pas la faute d’une supériorité trop évidente pour ne pas échapper aux vues basses d’un temps qui ne regarde plus qu’à ses pieds.
Telle elle était, — rien de plus, — et ce fut suffisant pour lui constituer un empire auquel travaillèrent les hommes et les femmes : les hommes, vaniteux et sensuels, les femmes, curieuses, curieuses de voir cette maîtresse de tout le monde, et la regardant comme les sauvages regarderaient un beau fusil.
Vaublanc, sur lequel on s’est mépris parce qu’on a regardé son rang d’opinion et l’opinion de son rang plus que son opinion personnelle, ne fut point, comme on l’a dit, un royaliste quand même.
Blême Narcisse pour le compte de la Prusse, il a passé son temps à la regarder poindre, cette idée, dans tous les courants et tous les torrents de l’Histoire.
Nul, dans l’histoire de la pensée de ces cent cinquante dernières années, ne saurait être comparé à ces deux hommes, de Maistre et Bonald, pas même Burke, le bouillonnant et vaste Burke, qui eut un jour quelque chose de leur esprit prophétique quand il jugea, seul de toute l’Angleterre, un instant affolée de la Révolution française, les délirants débuts de cette Révolution… Philosophes chez qui, heureusement pour elle, l’Histoire dominait la Philosophie, le comte de Maistre et le vicomte de Bonald, ces observateurs qui avaient des griffes dans le regard et appréhendaient le fond des choses, quand ils en regardaient seulement la surface, de Maistre et Bonald, ces Dioscures du même ciel et du même religieux génie, sont d’une supériorité si haute et si éclatante qu’aucun esprit ne peut être placé à leur niveau, ni pour l’élévation, ni pour la lumière !
Richelieu, qui protégea Renaudot, le fondateur de la première gazette en France, mais qui le protégea en restant son maître ; la Chambre étoilée, en Angleterre, qui regarda toujours les journaux d’un œil de vigilance sourcilleuse, — torvo lumine, — quoique, en Angleterre, la liberté des écrits périodiques ait bien moins d’inconvénients qu’ailleurs, parce qu’elle y est accompagnée d’un grand respect pour les hiérarchies, auraient dû, ce semble, éveiller en Μ.
De pareils hommes ne peuvent s’atteler, ni de gré ni de force, au joug d’un système qui regarde comme un progrès l’esprit politique du dix-huitième siècle, et qui le glorifie dans ce Quinze-Vingt de sa propre pensée, laissé par le dédain de Bonaparte, accroupi dans les ténèbres de sa constitution impossible, — l’abbé Sieyès.
L’œuvre d’Étienne Boileau, chargé par le roi de la réorganisation de l’État populaire, est regardée, avec raison, par F.
C’est ainsi que partout, dans le livre des Études sur la Chanté chrétienne, Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est jamais appelé que « le plus grand des révélateurs », et que les miracles enseignés par l’Église sont regardés de cet œil tout ensemble défiant et superficiel que nous connaissons.
A-t-il bien regardé à leurs causes ?
… Prudente, elle y regarderait à deux fois.
Ce poème, qui mériterait d’être réédité, si nous avions une littérature qui sût regarder derrière elle et qui n’abattît pas tous les jalons que les divers esprits contemporains ont plantés, attestait en son auteur une profondeur de foi et une santé de doctrine étonnantes dans un temps où tout était malade, même la vérité.
C’est lui qui est le timide ; il détourne les yeux quand elle le regarde, il voudrait fuir, un afflux de sang teinte sa joue sous le hâle. […] « C’est bien à la cour qu’il y faut regarder de si près ! […] L’indolent, le lymphatique, réfractaire aux jeux comme à l’étude, en était venu à le regarder comme un être incomplet. […] Celui qu’ils devaient sacrer le grand peintre de mœurs du dix-neuvième siècle, leur apprit à le regarder, ce siècle. […] Leur destinée ne l’agite ni ne l’inquiète ; tout au moins n’en laisse-t-il rien paraître, Regardez-le pendant les discours de ses contradicteurs, moment propice pour observer un homme.
Ici ce n’est pas derrière les saules que fuit Galatée, comme chez Virgile, c’est dans la mer qu’elle se replonge, en nymphe qu’elle est ; et la belle vague, apaisant son bouillonnement, la laisse voir à la nage sur la grève : le chien est là qui regarde vers la mer en aboyant. […] Et ceux qu’elles regardent d’un œil de joie, ceux-là n’ont rien à craindre des breuvages funestes de Circé. » Il semble indiquer par là que c’est un de ces breuvages de passion insensée qui l’a un moment égaré dans l’intervalle, mais qui n’a pas eu puissance de le perdre, parce qu’il possédait le préservatif souverain des Muses. […] « Et m’ayant regardée, l’homme sans tendresse fixa ses regards à terre, il s’assit sur le lit et là il dit cette parole… » Arrêtons-nous, reposons-nous un instant ici après de si fortes images : tel apparaît l’antique quand on l’envisage sans aucun fard et dans toute sa vérité : J’ai parlé du tableau de Stratonice ; chez Théocrite c’est la femme, c’est la Stratonice qui se sent atteinte du mal d’Antiochus ; c’est elle qui reste gisante sur ce lit, elle qu’une sueur glacée inonde, et qui fait ce mouvement convulsif lorsqu’elle a vu entrer l’objet pour qui elle se meurt.
Voici comment il parle à ses amis mondains, qui lui reprochaient sa fuite du monde : « Ces gens-là regardent les plaisirs du monde comme le souverain bien ; ils ne comprennent pas qu’on puisse y renoncer. […] « Le nouveau tribun, dit-il, que je regarde comme votre troisième libérateur, réunit en lui seul la gloire des deux autres, ayant fait mourir une partie de vos tyrans et mis en fuite le reste… « Homme courageux, continue Pétrarque, qui portez tout le fardeau de la république, que l’image de l’ancien Brutus vous soit toujours présente ! […] Vers qui regardes-tu en arrière dans ce temps qui ne peut plus revenir ?
Ce désintéressement d’ambition est un défaut selon le monde, qui le regarde comme une faiblesse de la volonté ; en réalité c’est une force de la raison ; cette abnégation personnelle laisse le sang-froid au cœur dans les affaires publiques, et par là même elle donne plus de lumière à l’esprit. […] Premièrement, quant aux ministères faits ou à faire, je regarde tout cela comme des rêves et des agitations d’ambition sans fondement et sans réalité, et enfin je ne veux pour rien être ministre ; qu’on me raye de toutes les listes. […] Je regarde et j’écoute si personne ne monte ou ne descend encore les marches de cet escalier.
Du reste, ma très chère sœur, vous ne devez pas mettre en doute mes sentiments envers vous, et jusqu’à quel point j’ai plaint votre situation : mais, de l’autre côté, je vous prie de faire réflexion que, dans ce qui regarde votre indissoluble union avec mon frère, je n’ai eu aucune autre part que celle d’y donner mon consentement de formalité après que le tout était conclu, sans que j’en aie eu la moindre information par avance, et pour ce qui regarde le temps après l’effectuation de votre mariage, personne ne peut être témoin plus que vous-même de l’impossibilité dans laquelle j’ai toujours été de vous donner le moindre secours dans vos peines et afflictions. […] Pour ce qui regarde votre sortie pour prendre l’air, qui est trop nécessaire à votre santé, le Saint-Père a eu la bonté de me laisser l’arbitre sur cet arrangement-là, moyennant quoi vous pouvez être tranquille sur ce point comme sur beaucoup d’autres choses qu’il ne me convient pas de traiter en détail avec vous.
« L’homme qui a pénétré le secret du monde, d’après Schopenhauer, connaît tout, embrasse l’essence de tout, trouve l’humanité en proie à un effort vain, à un combat intérieur et à une souffrance ; il voit partout où il regarde l’homme souffrant et aussi l’animalité. […] Cela s’explique par le fonds du génie de Wagner qui fut toujours socialiste. « Qui peut, dit-il dans sa lettre sur Parsifal, regarder ce monde organisé par la ruse, l’imposture et l’hypocrisie, par le meurtre et le vol légalisés, sans avoir à se détourner de lui avec une répugnance pleine de frisson ? […] Il se repose, avant de continuer sa-route, et la nature, « qui attend sa délivrance de l’homme » resplendit autour de lui — c’est le miracle du vendredi-saint, — « Toute créature, dit Gurnemar, se réjouit aujourd’hui : elle regarde vers l’homme délivré (nun freut sich aile Kreatur…) La femme pécheresse aux pieds de Parsifal a retrouvé enfin les larmes (ich sah sie welken, die mir lachten) : « je les vis pleurer elles qui autrefois riaient : aujourd’hui aspirent-elles enfin à la délivrance ?
De là cette fureur de l’autobiographie, cette tendance à noter et à éterniser les traits même non importants de la vie journalière, à se regarder constamment, et surtout à se regarder souffrir, à se grossir pour ses propres yeux, une tendance enfin à transformer la moindre action en sujet d’épopée. […] Le couchant me regarde avec ses yeux de flamme, La vaste mer me parle, et je me sens sacré.
S’il est doublé d’un psychologue, à plus forte raison, les romanciers de l’âme et les poètes sensitifs, les hommes à la Stendhal et à la Baudelaire se regardent vivre, vouloir, aimer, haïr, sentent sans cesse, à côté des portions d’homme normal et instinctif qui subsistent en eux, un impassible et perspicace témoin, qui mine leur activité spontanée en la contrôlant : Il semble avoir deux âmes, dit M. de Maupassant dans un article récent, l’une qui recueille et commente chaque sensation de sa voisine, l’âme naturelle commune à tous les hommes ; et il vit condamné à être toujours, en toute occasion, un reflet de lui-même et un reflet des autres, condamné, à se regarder sentir, agir, aimer, penser, souffrir, et à ne jamais souffrir, penser, aimer, sentir comme tout le monde, bonnement, franchement, simplement, sans s’analyser soi-même après chaque joie et après chaque sanglot….. […] Il me semble que l’explication de cette anomalie est dans la grandeur même des génies qui la montrent : Le génie le plus haut, dit Edgar Poe dans ses Marginalia le génie que tous les hommes reconnaissent à l’instant, qui s’impose aux individus et aux niasses par une sorte de magnétisme incompréhensible mais irrésistible et irrésisté, le génie qui se révèle par le geste le plus simple, par rien, qui parle sans voix, qui brille dans les yeux avant qu’ils ne regardent, résulte d’une puissance mentale également répartie, disposée en un état de proportion absolue, de façon qu’aucune faculté n’ait de prédominance illégitime.
Pour mieux comprendre combien il est improbable qu’on puisse découvrir à l’état fossile de nombreux liens intermédiaires rattachant l’une à l’autre deux espèces éteintes, on peut se demander si les géologues des temps futurs pourront prouver que nos différentes races de Bœufs, de Moutons, de Chevaux et de Chiens sont descendues d’une seule souche originelle ou de plusieurs ; ou encore si certaines coquilles marines des côtes de l’Amérique du Nord, que plusieurs conchyliologistes considèrent comme spécifiquement distinctes de leurs congénères d’Europe, et que d’autres regardent seulement comme de simples variétés de celles-ci, sont réellement des variétés ou des espèces. […] Pour ma part, d’après une expression poétique de Lyell, je regarde les archives naturelles de la géologie comme des mémoires tenus avec négligence pour servir à l’histoire du monde et rédigés dans un idiome altéré et presque perdu. […] Lorsqu’on regarde de ce point de vue les objections que nous venons d’examiner, ne semblent-elles pas moins fortes, si même elles ne disparaissent complétement ?
La durée où nous nous regardons agir, et où il est utile que nous nous regardions, est une durée dont les éléments se dissocient et se juxtaposent ; mais la durée où nous agissons est une durée où nos états se fondent les uns dans les autres, et c’est là que nous devons faire effort pour nous replacer par la pensée dans le cas exceptionnel et unique où nous spéculons sur la nature intime de l’action, c’est-à-dire dans la théorie de la liberté. […] Plus particulièrement, en ce qui regarde l’étendue concrète, continue, diversifiée et en même temps organisée, on peut contester qu’elle soit solidaire de l’espace amorphe et inerte qui la sous-tend, espace que nous divisons indéfiniment, où nous découpons des figures arbitrairement, et où le mouvement lui-même, comme nous le disions ailleurs, ne peut apparaître que comme une multiplicité de positions instantanées, puisque rien n’y saurait assurer la cohésion du passé et du présent.
S’amuse à regarder son ombre. […] Enfin, et de tous leurs arguments, celui-ci — qui détruisait les autres, il est vrai, mais on n’y regardait pas de si près ! […] « La société humaine demande que l’on aime la terre où l’on habite ensemble ; on la regarde comme une mère et une nourrice commune, on s’y attache, et cela unit. C’est ce que les Latins appellent caritas patrii soli, l’amour de la patrie, et ils la regardent comme un lien entre les hommes. […] Regardez autour de vous, et comptez combien vous en trouverez — je dis de ceux qui pensent — pour se ranger à la suite de Bayle, et pour oser ainsi mettre avec lui la religion et la métaphysique au nombre des illusions que l’humanité ne revivra plus ?
Mais elles craignent, en allant jusqu’au bout de cette clairvoyance, de se mêler de ce qui ne les regarde pas. Or, la sauvegarde de leurs enfants les regarde ; et celle-ci serait définitivement compromise, si la prolongation des idoles amenait demain un nouveau massacre. […] Il est le grand père de tous le « moi, moi, moi », de tous les moitrinaires, qui se regardent pâlir et vieillir dans leurs miroirs ternis et écaillés. […] L’homme regarde l’homme, et ce qui l’entoure, avec sa faculté créatrice, autant et plus qu’avec ses yeux. […] Nos contemporains regardent autour d’eux, mais ils ne regardent pas en eux-mêmes ; et, dans la génération qui va de 1870 à maintenant, Paul Bourget est le seul écrivain, à ma connaissance, qui ait remis en honneur (parmi ces sarcasmes des imbéciles qui sont le signe de toute rénovation) l’éminent privilège du regard intérieur.
On ne peut se regarder sans apercevoir l’humanité ; on ne peut pré tendre juger toute l’humanité d’après soi. […] En d’autres moments, ces pages eussent soulevé les masses ; alors on les regarda comme l’œuvre purement littéraire d’un auteur épris du beau génie de l’antiquité. […] Convenons-en une fois : « le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement230. […] Mais s’ils le regardent eux-mêmes comme une folie, comment s’avisent-ils de l’enseigner, de le recommander ? […] C’est un observateur chrétien, qui regarde autour de soi et qui peint ce qui le frappe.
On est un peu surpris qu’il regarde tous ses contradicteurs comme des traîtres, ce que n’étaient ni un Phocion, ni un Isocrate. […] Dira-t-on que cela regarde seulement quelques centaines d’érudits et d’amateurs ? […] Thiers voulut-il bien à partir de ce jour regarder Montaigne comme son égal dans le monde des lettres. […] Certains le regardent comme le trait d’union entre Pascal et M. […] Lucien Herr regarde comme son élève.
Ces enfants qui n’ont droit, en fait de couleurs, qu’à celles de la Vierge Marie, peuvent, sans abus de confiance métaphorique, signifier tout ce qu’il entre de restrictif dans l’idée de vocation, puisqu’elle est non la chance d’aller à quelque point de nouvelles vues, par un chemin modeste, mais l’interdiction de regarder hors de ce chemin, qui, d’ailleurs, se termine toujours en cul-de-sac. […] Elle regardait l’heure à un bracelet-montre extensible (objet alors fort rare), et, très volontiers pour ma grande joie (à nous le symbolisme sexuel) sa main allait et venait à travers ce cercle complaisant. […] De l’animal et de la jouissance Un de ces éducateurs aimait à répéter : Quand on se regarde nu dans une glace on voit le diable. […] Le juge, le général d’une part, le particulier, la partie, d’autre part, se regardent en chiens de faïence. […] Mais regardez-les plutôt jouer les orchidées du désespoir.
Quand j’étais plus jeune et plus ardent, j’ai regardé souvent, pendant mes excursions, ce crépuscule durant des heures entières. […] Dès qu’il aperçut ma pelisse cramoisie, il s’approcha de la voiture, et me regarda en souriant très gracieusement. — Eh bien que veux-tu ?
Il s’attache à en énumérer les principales sortes, à en dénombrer les sources les plus fréquentes : les mauvais tours, les transpositions de mots et les entrelacements maladroits, les constructions que l’on appelle louches, « parce qu’on croit qu’elles regardent d’un côté, et elles regardent de l’autre. » Notez ici que l’écrivain devient spirituel à force de propriété et de justesse, comme il sied à un grammairien. — La longueur des périodes est encore un des vices les plus ennemis de la netteté du style : Vaugelas entend parler surtout de celles qui suffoquent et essoufflent par leur grandeur excessive ceux qui les prononcent, « surtout, ajoute-t-il avec esprit, si elles sont embarrassées et qu’elles n’aient pas des reposons, comme en ont celles de ces deux grands maîtres de notre langue, Amyot et Coëffeteau. » Reposoir est fort joli.
Les autres, qui n’adoptent pas ces formules et qui, dans la voie démocratique ouverte en 89, avaient conçu des espérances plus modérées, plus réalisables, ce semble, voyant les difficultés, les échecs, les désappointements à chaque pas après quarante-six ans comme au premier jour, sont tentés enfin de regarder le programme d’alors comme étant, pour une bonne moitié du moins, une grande et généreuse illusion de nos pères, comme un héritage promis, mais embrouillé, qui, reculant sans cesse, s’est déjà aux trois quarts dispersé dans l’intervalle. […] Quant au reste, vérité, évidence, limpidité parfaite ; pas une tache, pas un voile à jeter ; regardez aussi avant que vous voudrez dans sa maison de verre, transparente comme avait souhaité ce Romain : la lumière de l’innocence et de la raison éclaire un intérieur bien ordonné, purifiant.
J’ai passé trois heures, il y a un mois, sur le port d’Ostende, occupé à regarder le soleil qui se couchait dans un ciel clair, et, en ce moment-ci, je me rappelle sans difficulté la rue plate, la digue pavée de briques rougeâtres, la vaste étendue d’eau miroitante, tout le détail de ma promenade, le matelot et les deux promeneurs à qui j’ai parlé, ma longue rêvasserie au bout de l’estacade, d’où je suivais le déclin du jour et les changements de la mer mouvante, le fourmillement lumineux des flots, leurs creux bleuâtres zébrés de clartés rousses, toute la pompe de la grande nappe liquide qui se plissait, se déroulait et chatoyait comme une soie de Jordaens. — Ce sont là des images, c’est-à-dire des résurrections spontanées de sensations antérieures, et, comme toutes les images, celles-ci comportent une illusion quand elles deviennent intenses et nettes. […] Elle roule ainsi, banale ; si je lui découvre sa niche dans le lointain vague de l’enfance, c’est par conjecture et raisonnement ; d’elle-même, elle ne se la trouve point ; elle n’a plus son avant et son après, elle est privée de situation. — Et, si l’on regarde l’avenir, son cas est le même, puisque son existence future apparaît comme soumise à telle ou telle condition, entre autres à ma volonté variable, et puisque, dans le royaume de l’avenir, elle est encore banale, capable de s’intercaler à tel ou tel moment de mon expérience future aussi bien qu’à tel autre. — Des deux côtés, la situation lui manque ; par essence, elle flotte ; je ne puis la fixer, l’affirmer ; en cela, elle s’oppose aux jugements affirmatifs précédents, prévisions et souvenirs.
Regardez toutes ses nuits : on en ferait une galerie ; il n’y en a pas deux qui se ressemblent : nuit en mer, nuit d’Amérique, nuit de Grèce, nuit d’Asie, nuit du désert663. […] Avec quelle exactitude, je ne puis le dire : il faut regarder ses tableaux pour le sentir.
C’est la mentalité de l’ignorant du moyen âge qui regardait tout savant comme sorcier digne d’être brûlé ! Nos Purs, les vieilles barbes, les arrivistes et les métèques regarderont donc tout homme étudiant ou sachant le latin comme un être rétrograde, comme le plus sinistre des conspirateurs !
Parce que, comme l’aigle, qui regarde fixement le soleil, il a pu regarder fixement les yeux d’Hippolyte.
— Et comme je restais à regarder cet étrange conseiller, bouche béante. — « Eh quoi ! […] À peine si on la daignait regarder, si on consentait à l’entendre.
l’autre me regardait Comme celui-ci me regarde. » S’il est ainsi, j’aime bien mieux Ne dire mot, baisser les yeux, Et prendre une froideur qui soit comme la vôtre, Que de vous mettre au point où vous étiez tantôt.
Pour elle, Henri VIII n’est qu’un réformateur d’abus, et la plupart des réformateurs anglais, elle les regarde comme de simples défenseurs de la foi ; rien de plus. […] Pour donner un exemple des sympathies de sa politique, qu’on regarde l’Orient !
Il avait bien regardé l’univers, mais il avait oublié d’y voir une chose, la source même de la vie « matérielle », l’« âme » ; je ne veux pas dire assurément cet étrange feu follet de la conception spiritualiste, cette entité indépendante et immortelle opposée au « corps », mais bien cette vie profonde et harmonique, cette conscience infinie du cosmos dont nous ne sommes que des étincelles et des parcelles. […] La question est alors de savoir si la soif de vie inassouvie peut valoir en fécondité réelle pour l’artiste, cette même soif assouvie, et si l’esprit qui regarde de l’extérieur vibrer la matière vaut l’être qui la sent intérieurement vibrer en lui-même.
et regardez en pitié les larmes d’un peuple malheureux qui attend son repos de vous seul, après Dieu. […] « Leurs yeux, qui virent la beauté de ta face, que regarderont-ils encore, qui ne leur soit ennui ?
Ces courses de Valentine avec Louise et Athénaïs, Bénédict toujours présent, par les prairies, à travers le foin des granges et au bord de la rivière ; le moment surtout où Bénédict, lassé de courir et de pêcher, en blouse, négligemment assis les jambes pendantes sur un tronc de chêne au-dessus des eaux, est admiré pour la première fois et trouvé beau par Valentine qui le regarde du bord ; ce moment et les tendresses folâtres qui l’amènent et le suivent sont le triomphe du roman.
« Car je n’ignore pas, dit-il, quelle est l’influence exercée par la nature du pays et les faits antécédents sur les constitutions politiques, et je regarderais comme un grand malheur pour le genre humain que la liberté dût en tous lieux se produire sous les mêmes traits. » Un de ses premiers chapitres porte sur ce qu’il appelle le point de départ, sur l’origine même des divers États américains et l’esprit infusé en eux dès le commencement.
Regardons seulement quelques-unes de ces œuvres fameuses, où l’on a cru qu’elle manquait : nous l’y trouverons, et là précisément où il fallait qu’elle fût.
Il ne regarde que l’homme idéal, la définition de l’homme : mais cet homme en soi n’est pas Français plutôt qu’Allemand : il est Européen, il est partout où il y a des hommes ; et toutes les vérités que conçoit la raison d’un homme sont faites pour cet homme universel.
On n’a plus à regarder la nature : il suffit de connaître Racine, Corneille et Quinault.
. — On ne reproche d’ailleurs pas au conteur de dire son chapelet, pourvu que les Aves soient jolis à regarder et d’un bruissement harmonieux. — Tel est assez le cas du Démon de l’Absurde.
Xerxès regarde ses courtisans qui comprennent et qui se prosternent.
Regardez-les attentivement !
Quand on ne peut plus montrer dans une figure placée et comme appendue, ainsi qu’un grand portrait, dans la préoccupation contemporaine, un trait oublié que l’admiration n’avait pas vu ou que quelque autre trait d’à côté plus développé ou plus puissant avait recouvert et caché, il faut s’en détourner sous peine de pléonasme d’idées, car la critique, cette observatrice qui se sert tout à la fois du télescope et du microscope, est tenue d’apercevoir dans ce qu’elle regarde quelque chose qu’on ne voyait pas, sous peine de manquer à son devoir.
, et il fut regardé dans ce journal, dont tous les rédacteurs sont des hommes de génie… les uns pour les autres, comme l’esprit le plus savoureusement littéraire que l’on eût vu depuis Rigault, cet amour perdu de Rigault !
Taine l’entend si bien ainsi qu’il ajoute : « Chacun regarde avec des lunettes de portée et de couleurs diverses… Et l’on s’est disputé et battu, l’un disant que les choses sont vertes, d’autres qu’elles sont jaunes, d’autres enfin qu’elles sont rouges… Mais voici que nous apprenons l’optique morale… que nous découvrons que la couleur n’est pas dans les objets, mais en nous-mêmes. » Et que, par conséquent, tout le monde a raison ou tort !
Par simplification, il laisse l’idée du droit se dégager toute seule du spectacle des choses, et il ne comprend pas, ce Grec qui n’est dirigé que par la raison, que la beauté de son histoire — à ne regarder que la seule beauté !
Regardez son portrait, à la tête du volume de M. de Barthélemy !
Imposante, originale et profonde figure, près de laquelle les historiens passent trop vite, et qu’ils devraient plus attentivement regarder.
À chaque instant il donne Vauvenargues comme un ambitieux qui ne s’était mis à regarder les hommes que pour plus tard les gouverner.
Mais il n’y a que la Philosophie qui, après y avoir regardé avec attention, puisse se passionner d’enthousiasme pour un homme comme Abailard et pour une femme comme Héloïse.
Honoré Bonhomme, qui pourtant la confirme par les Lettres inédites qu’il publie, mais qui semble regarder cette autre vocation comme un par-dessus le marché du talent de chansonnier dans Collé, tandis qu’au contraire c’était le talent du chansonnier qui était par-dessus le marché, dans cet homme apte aux choses sévères.
À chaque instant il donne Vauvenargues comme un ambitieux qui ne s’était mis à regarder les hommes que pour plus tard les gouverner.
Mais il n’y a que la Philosophie qui, après y avoir regardé avec attention, puisse se passionner d’enthousiasme pour un homme comme Abailard et pour une femme comme Héloïse.
Or, il y avait deux manières de traiter Schopenhauer et Hartmann : ou c’était avec le rire le plus vibrant d’un mépris gai, ou avec la cruauté d’un mépris atroce ; car leurs systèmes valent ces deux mépris, selon le point de vue d’où on les regarde.
Ce fossoyeur d’un genre nouveau, qui ne ressemble pas à celui d’Hamlet et qui creuse son propre trou à lui-même ; ce creuseur à bêche sanglante, qui regarde, avec des yeux scientifiques et épouvantés, dans le mal certainement destructeur de sa chair et dans le mystère horriblement incertain de la mort, est, esthétiquement, d’un effet terrible.
Qu’on regarde attentivement autour de soi !
Excellent tout le temps qu’il n’est qu’historien et peintre, il n’a plus la même valeur quand, des faits qu’il décrit avec une si pénétrante ironie, il veut monter dans les généralités philosophiques et, dominant Soulouque et son empire, regarder plus haut que cette tête crêpue et ce globe impérial fait avec une boule de jongleur.
Ce serait trop français pour Rémusat, devenu Anglais à force de regarder l’Angleterre, pour Rémusat qui a le spleen politique et la nostalgie du régime parlementaire dont il est privé !
La première impression de la vie, la première image qui se soit incrustée dans nos yeux d’enfant, ces yeux qui grandissent tout ce qu’ils regardent, quand nos yeux d’homme le diminuent et finissent, de désabusement ou de mépris, par ne plus le voir !
je ne crois pas que dans ce siècle de progrès, qui fait des questions de toutes choses et qui s’imagine être un grand améliorateur du sort des hommes, il y ait question plus importante, plus pressante, plus menaçante, plus épouvantable que celle-là, si nous avions la force virile de regarder fixement dans cet abîme, et si, comme des femmes, nous n’en détournions pas les yeux.
On conçoit qu’il n’aime pas à se regarder dans ces imitations et à se trouver trop soi dans ces glaces dont il a fourni l’étamage, — ce qui est trop cher ; mais les hugolâtres s’excommuniant eux-mêmes de leur hugolâtrie, et se mettant à la porte de l’imitation hugotine qui est toute leur Église, et hors de laquelle il n’y a pour eux ni vie ni salut, cela réellement ne se comprend plus !
Il était une équation superbe entre l’âme humaine et l’Absolu, à laquelle ceux qui ne sont pas au courant de la mathématique de l’Absolu et de l’âme ne comprennent et ne comprendront jamais rien, l’ai entendu quelquefois dire aux abjects de ce temps abject, qui ne regardent que la terre où ils mettent leurs pieds de devant comme ils y mettent leurs pieds de derrière, que le naturel divin de Lamartine n’était pas du naturel.
Jules Janin, quand on y regarde, n’est pas le Ménechme de Diderot.
En effet, ils sont comme cela trois ou quatre en France, à peu près, qui y sont regardés sérieusement comme impeccables, et sur lesquels le pays le moins disposé de sa nature au respect, le pays qui fait le plus de révolutions et gamine le plus contre ses gouvernements, n’entend pas que l’on dise un seul mot qui ne soit l’expression d’un hommage… Depuis longtemps M.