Ils se seraient disputé une image comme celle-ci. […] Ils sont indépendants même dans un seul vers où des images s’emboîtent plus souvent qu’une image ne se développe. […] Tantôt l’image visuelle s’exprime ou se renforce par une image auditive. […] Ailleurs et plus souvent c’est l’image auditive qui s’exprime et se développe en image visuelle. […] Ce qui me paraît signifier que, bien qu’admirable créateur d’images, il ne pensait pas par images.
On les cite comme modèle d’un style figuré et plein d’images. […] Le poète ne développe pas l’idée de la grandeur de Napoléon, mais il passe tout de suite à l’image ; il n’y a même pas de comparaison, le mot d’aigle n’est seulement pas prononcé ; et cependant rien n’est plus clair que cette pensée en images. […] Et par cela même qu’il a pris deux objets de comparaison, il montre assez qu’il ne sacrifiera pas une de ses deux images à l’autre, et qu’il n’en prolongera aucune jusque dans l’objet spirituel, ce qui est la condition du symbole ; car nécessairement l’autre image deviendrait un hors-d’œuvre, et ne pourrait que nuire à l’effet. […] Ainsi s’opère la fusion de l’idée morale dans l’image physique ; l’assimilation est parfaite. […] Surtout nous ne prétendons rien préjuger sur une très grave question qui ne peut manquer de s’élever bientôt, savoir, si ce n’est pas errer que de cultiver exclusivement l’image.
Pour l’idéalisme, les objets extérieurs sont des images et le cerveau est l’une d’elles. Il n’y a rien de plus dans les choses mêmes que ce qui est étalé ou étalable dans l’image qu’elles présentent. […] Dire que l’image du monde environnant sort de cette image, ou qu’elle s’exprime par cette image, ou qu’elle surgit dès que cette image est posée, ou qu’on se la donne en se donnant cette image, serait se contredire soi-même, puisque ces deux images, le monde extérieur et le mouvement intracérébral, ont été supposées de même nature, et que la seconde image est, par hypothèse, une infime partie du champ de la représentation alors que la première remplit le champ de la représentation tout entier. […] Je conçois bien, dans l’hypothèse idéaliste, que la modification cérébrale soit un effet de l’action des objets extérieurs, un mouvement reçu par l’organisme et qui va préparer des réactions appropriées : images parmi des images, images mouvantes comme toutes les images, les centres nerveux présentent des parties mobiles qui recueillent certains mouvements extérieurs et les prolongent en mouvements de réaction tantôt accomplis, tantôt commencés seulement. […] Mon corps est resté seul ; et pourtant les autres images redeviendront visibles sous forme de souvenirs.
Nous avons dit en parlant de la poësie du stile qu’elle devoit exprimer avec des termes simples les sentimens, mais qu’elle devoit nous présenter tous les autres objets dont elle parle sous des images et des peintures. […] Les vers qui contiennent des peintures et des images, et ce qu’on appelle souvent par excellence de la poësie, ne donnent pas au musicien la même facilité de bien faire. […] Comme la musique n’ajoûte presque point d’énergie aux vers dont la beauté consiste dans des images, quoiqu’elle en émousse la force en rallentissant leur prononciation. […] Il n’y entre qu’une image des plus simples, celle de l’amour qui décoche ses traits sur Medée. Les vers de Racine contiennent les images les plus magnifiques dont la poësie se puisse parer.
Il n’y a dans tout cela qu’une soudure des images intérieures avec des points de repère extérieurs, comme quand on fait passer une courbe par des points donnés. […] C’est que, selon nous, toutes ces hallucinations sont attachées à quelque point réel dont elles sont comme une auréole imaginaire, tel point de la table où on croit voir l’oiseau, tel point de la fenêtre où on croit voir la Vierge : si vous dédoublez le point d’attache ou centre de localisation, si vous l’éloignez ou le rapprochez par des instruments d’optique, vous transférez le même effet à l’image hallucinatoire. […] Eh bien, quand Gœthe composait Faust, il était également obligé d’attendre la résolution intérieure d’une équation qui avait pour termes des images et des idées : son attention et son « aperception » réagissaient pour éliminer ce qui ne convenait pas au dessein choisi ; elles établissaient un intérêt dans le développement du spectacle interne, un nœud dramatique. […] Helmholtz a montré, dans son Optique physiologique, combien il y a de sensations visuelles dont nous ne nous apercevons pas : taches aveugles, mouches volantes, images consécutives, irradiation, franges chromatiques, changements marginaux de couleur, doubles images, astigmatisme, mouvements d’accommodation et de convergence, antagonisme des deux rétines, etc. Nous ne savons pas même sur lequel de nos yeux tombe une image, jusqu’à ce que nous ayons appris à discerner la sensation locale propre à chaque œil ; aussi peut-on, depuis des années, être aveugle d’un œil et ne pas le savoir.
La matière, pour nous, est un ensemble d’« images ». […] Donc, pour le sens commun, l’objet existe en lui-même et, d’autre part, l’objet est, en lui-même, pittoresque comme nous l’apercevons : c’est une image, mais une image qui existe en soi. Tel est précisément le sens où nous prenons le mot « image » dans notre premier chapitre. […] Cet esprit croirait naturellement que la matière existe telle qu’il la perçoit ; et puisqu’il la perçoit comme image, il ferait d’elle, en elle-même, une image. […] Cette pensée s’accompagne de la représentation d’images, au moins naissantes.
Si vous détaillez trop les idées, elles échappent aux images et aux sentiments, qui rassemblent au lieu de diviser. […] Les images qui ne répandent de lumière sur aucune idée, ne sont que de bizarres fantômes ou des tableaux de simple amusement. […] Les sentiments qui ne peuvent se rapporter à des idées justes, ne sont point susceptibles d’images naturelles. […] Malebranche a essayé de réunir, dans ses ouvrages de métaphysique, les images aux idées ; mais comme ses idées n’étaient pas justes, on n’a pu sentir que très imparfaitement la liaison qu’il voulait établir entre elles et ses images brillantes. […] La concision ne consiste pas dans l’art de diminuer le nombre des mots ; elle consiste encore moins dans la privation des images.
Au contraire, dans l’émotion réelle, ces images ont toute l’intensité que leur donne la certitude de leur réalité, et, dans le cas d’une participation personnelle, la certitude qu’elles vont passer à l’état de sensation. […] C’est que dans celles-ci l’émotion causée par des images fictives douloureuses sera extrême ; et dans celles-ci également l’émotion, étant de l’ordre factice, fictif, esthétique, ne sera extrême que comme excitation, et non comme douleur. […] Il élabore des images et des sensations définies qui provoquent des images et des sensations aussi identiques que possible, mais prosaïques en ce qu’elles sont analytiques, c’est-à-dire données plutôt à comprendre et à concevoir qu’à ressentir. […] Les émotions esthétiques sont en général comprises entre ces limites, avec une tendance cependant à se rapprocher de la joie, qui est une émotion d’excitation presque pure et sans images naissantes. […] En littérature même, tous les dehors se réduisent à des formes verbales et à des images, choses sur lesquelles on possède des notions précises.
Mais quelle floraison d’images, et combien belles ! […] aux images lamartiniennes. […] Armand Silvestre, c’est dans cette ampleur et cette monotonie des images, presque toutes empruntées aux grands phénomènes naturels, qu’il faudrait la voir. […] Il faut ajouter, du reste, que parfois, dans les poèmes les plus extasiés, sous la plus magnifique floraison d’images, le pied du faune s’entrevoit çà et là, et, comme chez Hugo « crève l’azur ». […] Je pense que cela s’explique par l’association fatale d’images qui dans la réalité sont toutes proches, en sorte que celle qui est ignoble bénéficie du voisinage de l’autre et devient plaisante parce qu’elle la rappelle.
Lorsque la rencontre d’une personne à Paris me rappelle la rencontre de cette même personne à Lyon, la vue de son visage éveille l’image du même visage dans un milieu ou cadre différent, en contiguïté avec des images affaiblies de telle rue de Lyon. Je juge alors qu’il y a similarité entre les deux images, c’est-à-dire une même image avec des contiguïtés d’images différentes. […] Toutes ces images se sont liées alors dans mon cerveau. […] Dans le centre visuel dorment toutes les images de la vue, triées et mises à part ; dans le centre auditif sommeillent toutes les images de l’ouïe. […] Qu’une image particulière de la vue, comme celle de la couleur rouge, ébranle le centre visuel, cet ébranlement se répandra par diffusion dans le centre visuel tout entier ; il tendra à susciter l’image plus ou moins précise d’autres couleurs similaires, ou encore celle de la couleur en général, puis, par une sélection nouvelle, celle de l’étendue, et ainsi de suite.
L’image le tente moins exclusivement ; chez lui elle est souvent inattendue et même nouvelle, mais elle a quelquefois le défaut de ne pas grandir le vers. […] Le Parnasse immobilisait la strophe ; il immobilisa le poème et la Poésie aussi bien que l’image elle-même. […] Il fallait reprendre l’image pour l’image ; — c’est ce qu’ont fait les Parnassiens, et n’est-ce point là toute leur École ? […] Ce lointain même est propice à l’immobilité et s’harmonise heureusement à la noblesse de l’image. […] Vielé-Griffin, qui atteint plutôt l’élégance dans la plastique, nous montre aussi des images plus proches, où le geste se perçoit aisément.
Taine l’a justement remarqué : les mots tiennent la place des images qu’ils désignent, et la plupart du temps ils ne les évoquent pas. Quand nous lisons, et même quand nous pensons, nous n’apercevons pas sous chaque mot l’image correspondante : le mot est seul dans notre esprit, notation sèche, algébrique, et qui nous suffit parce qu’elle est familière et connue, et que nous nous sentons le pouvoir de la remplacer à chaque moment par l’image. Mais tant que cette évocation n’est pas faite, nulle pensée originale, nulle invention n’est possible : les mots se combinent en nous, sans nous, mécaniquement, selon les affinités et les répugnances qu’ils ont contractées, avant nous souvent et hors de nous « par leur association avec l’expérience de l’objet et avec l’image de l’objet ». […] Je puis évoquer l’image d’un individu désigné par un nom propre ; le nom commun, général et abstrait, représente toute une collection d’objets, et seulement les qualités communes à tous ces objets. […] Taine, exprime la qualité commune à toutes les espèces d’arbres, peupliers, chênes, cyprès, bouleaux, etc. » Nulle image n’y correspond : comment dessiner l’arbre, qui ne soit qu’arbre, c’est-à-dire quelque chose qui soit à la fois peuplier et chêne, sans être ni un peuplier ni un chêne ?
C’est précisément dans la fixation de cette image subjective et dans la difficulté de la transformer en une image objective que les comédiens ont toujours quelques progrès à faire. […] On ferait également de semblables remarques au sujet de l’expression de la joie, où l’image générale suffit, sans qu’on y ajoute les images disgracieuses qui déparent souvent les plus jolis visages. […] De la clarté de l’image dépendent la netteté et la sérénité du jeu. […] Par conséquent, toutes les images initiales, qui sont les points de départ des rôles d’une même classe ayant quelques caractères communs, dériveront toutes d’une même image plus lointaine, plus générale, hiérarchie d’images absolument semblable à la hiérarchie des idées. Ces images générales constituent en quelque sorte des personnalités complexes.
Nous y voyons notre image comme en un miroir, mais une image qui se retourne contre nous, nous bat, nous fait mal, nous résiste : le non-moi devient autrui, il devient vous ou lui, un autre homme, un autre être vivant en chair et en os. […] La représentation d’un être semblable à nous est donc aussi automatique à l’origine que la vision de notre image dans l’eau ou dans un miroir. […] Le zoomorphisme est la métaphysique instinctive de tous les animaux, et il se réduit à une simple combinaison d’images. […] Le inonde se divise pour nous en ce qui est désirable et ce qui est redoutable, en amis et ennemis ; il y a pour l’animal des choses bonnes ou des choses mauvaises, des êtres bons ou des êtres méchants, c’est-à-dire des formes qui attirent et des formes qui repoussent, des images de jouissances ou des images de souffrances sous tel aspect visible, tangible, etc. […] Le monde des représentations est donc aussi un monde d’images motrices.
Cristallisations C’est une grande chose que de trouver, pour exprimer une idée ancienne, permanente, humaine, une image élégante et neuve. L’idée paraît alors une âme qui cherchant son corps l’a rencontré, elle pousse autour de l’image une cristallisation vivante. […] Voilà une occasion de regarder de près une de ces images fraîches au moment même où elle descend dans le mécanisme de notre pensée et s’incorpore à l’habitude de notre langage. […] En tout cas, si nous la prenons comme une image, au même titre que la cristallisation, c’est une image commode, profonde et vraie. […] Ils s’en allaient au-delà de la volupté elle-même vers cette conjonction et cette dissolution qui sont à l’image de la mort.
. — Le Livre d’images (1897). — Premiers poèmes, avec une préface sur le vers libre (1897). — Le Cirque solaire (1898). — Le Conte de l’Or et du Silence (1898). — Les Petites Âmes pressées (1898). — Les Fleurs de la Passion (1900) […] Gustave Kahn, j’aime le Livre d’images comme celui par quoi s’est le plus complètement imposé à l’admiration le talent neuf et nombreux de visions qui originalise son auteur parmi les premiers des poètes qui se révélèrent aux environs de 1884. […] Ces images ne sont pas unicolores. […] C’est ainsi que les Images d’île de France ont la joliesse, la grâce joyeuse et reposante d’un pays que nulle altitude, nulle onde somptueuse et courroucée ne magnifient ni n’attristent. […] Je lui préfère pourtant les Images du Rhin et Mosellanes, la perle du livre, à mon avis.
C’est cette dissemblance des images qui est, en optique, le signe indicateur de la solidité ou des trois dimensions. […] Le stéréoscope donne l’illusion de la solidité en présentant à l’œil deux images dissemblables : par là, il imite la nature et produit les mêmes effets qu’elle ; tandis que la peinture, produisant deux images semblables, ne peut être confondue avec les objets solides. […] Seulement la différence ou la ressemblance des images nous apprennent que l’objet est distant ou rapproché. Quant à cette difficulté souvent posée : comment les images renversées sur la rétine peuvent-elles nous paraître droites ? […] Nos idées de haut et de bas sont dues à notre sens du mouvement et nullement aux images optiques.
La troisième nuit, ne dormant pas, il continuait à voir les images de ses rêves, même en ouvrant les yeux dans l’obscurité ; mais à la lumière, elles disparaissaient. […] Ces images d’êtres se mouvaient sans faire de bruit. Lorsqu’il tenait son regard fixé sur elles et que quelqu’un entrait dans la chambre, l’arrivant était momentanément caché par l’image et semblait passer derrière elle lorsqu’il arrivait au point où elle était ; mais, si le regard se portait sur l’arrivant dès son entrée dans la pièce et demeurait attaché sur lui pendant sa marche, celui-ci paraissait passer devant l’image et la dérobait un instant à la vue du malade, lorsqu’il arrivait au point où elle se trouvait. — Jusqu’ici, la vue seule était hallucinée. La nuit suivante, l’ouïe se mit de la partie, et, ne dormant pas, il entendait ses images fredonner d’une voix lointaine, confuse, mélodieuse, de petites phrases musicales. […] Notre malade, fort bien du reste et ne se plaignant que de la faim, vit à son réveil une image gracieuse assise près de son lit, dans la pose du tireur d’épine (chevelure et épaules toutes semblables), mais dont la main droite était étendue vers le lit du patient ou de l’observateur (comme on voudra), et posée sur la couverture à 30 centimètres de ses yeux, c’est-à-dire tout près de sa figure et à portée des investigations les plus minutieuses du regard.
L’œuvre d’art consiste donc beaucoup moins dans la reproduction minutieuse du pêle-mêle d’images hantant nos yeux que dans la perspective introduite en ces images. […] Dans l’art, en effet, la vérité des images serait peu de chose sans leur intensité même. […] Certains puissants artistes savent évoquer en nous des images assez fortes pour produire, elles aussi, la conviction, et pour paraître réelles malgré leurs dissemblances avec toutes les images réelles jusqu’alors connues de nous. […] Déjà, en se reculant dans l’espace, en devenant lointaine et exotique, l’image se poétise. […] On a dit avec raison que l’image totale de la terre est obscurément évoquée par chaque paysage de Loti.
Il dit de la déesse des mers : nec brachia longo… etc. quelle image ! […] La nature des sons augmente ou affaiblit l’image, leur quantité la resserre ou l’étend. […] C’est cette force du rythme, cette puissance des sons, qui m’a fait penser que peut-être je prononçais un peu légèrement entre l’image du poëte latin et l’image du poëte grec ; qu’il y avait telle emphase d’expression, telle plénitude d’harmonie qui me forcerait de donner à la figure d’Homère une grosseur proportionnée à sa hauteur ; et je me suis dit à moi-même : voyons, ouvrons son ouvrage, récitons ses vers et rétractons-nous, s’il le faut. […] Il y a trois images dans ces deux vers ; on voit la Discorde s’accroître ; on la voit appuyer sa tête contre le ciel ; on la voit marcher rapidement sur la terre. […] Un petit nombre de syllabes emphatiques et lentes lui ont suffi pour étendre la tête de sa figure ; cette tête est énorme lorsqu’elle touche le ciel, il en faut convenir ; et l’imagination a passé, malgré qu’elle en ait, de l’image d’un enfant de quatre ans à l’image d’un colosse épouvantable.
C’est la destinée de la plûpart des images dont les poëtes anciens se sont servies judicieusement pour interesser leurs compatriotes et leurs contemporains. Une image noble dans un païs, est encore une image basse dans un autre. Telle est l’image que fait un poëte grec d’un asne, animal qui dans son païs étoit bien fait et qui avoit le poil luisant, au lieu qu’il est vilain dans le nôtre. […] Les images et les traits d’éloquence perdent toujours quelque chose quand on les transplante de la langue en laquelle ils sont nez. […] La même figure ne forme plus la même image.
Comment l’image la plus exacte de l’esprit français est la langue française […] Comment l’image la plus exacte de l’esprit français est la langue française elle-même. […] Ces images sont le plus souvent des effets du sang, des fumées qui montent au cerveau. Les littératures les plus riches en images sont les plus pauvres d’idées. […] Elle s’est regardée successivement dans les images vraies ou prétendues de son propre esprit.
Imiter un auteur, c’est étudier ses procédés de style, l’originalité de ses expressions, ses images, son mouvement, la nature même de son génie et de sa sensibilité. […] C’est l’ensemble des idées et des images, en quelque sorte la tournure d’esprit d’un auteur qui finissent par être assimilés : et c’est la combinaison de ces éléments digérés qui développe l’originalité personnelle. […] Création de mots, saillie d’expressions, surprises de style, équivalents et images proviennent, selon lui, « de l’émotivité » et non de la « volonté ». […] Je compare, je cherche, je corrige, et, par ce seul effort de volonté, il se trouve que je parviens à sentir autrement, je découvre des images nouvelles, ma volonté a éveillé mon émotivité et ma sensibilité. […] Voilà la vérité vraie, contre laquelle tous les livres de réfutation ne pourront rien. » Pour rendre cet enseignement clair et pratique, nous avons cru devoir distinguer d’abord deux sortes de style : le style d’idées, ou abstrait, et le style d’images, ou de couleur.
Cette interpénétration des images ne se fait pas au hasard. […] Il faudra remonter à la source même, ramener l’image dérivée, celle d’une mascarade, à l’image primitive, qui était, on s’en souvient, celle d’un trucage mécanique de la vie. […] Déjà la forme compassée de tout cérémonial nous suggère une image de ce genre. […] Une personne que son corps embarrasse, voilà l’image qui nous est suggérée dans ces exemples. Si un embonpoint excessif est risible, c’est sans doute parce qu’il évoque une image du même genre.
Tout symbole est à la fois une abréviation et une transposition ; ce sont là les rôles que l’image remplit chez le poète. […] En ce point s’arrête l’évolution de l’image. […] A ces deux formes de son style, la répétition et l’image, M. […] De même le poète s’exprime, en effet, par des mots justes, puis par des mots détournés, puis par des images. […] De même, c’est grâce à ce rapport lointain entre l’image et l’idée que M.
Dans l’ordre intellectuel il en va de même : on ne peut effacer de son souvenir l’image du pauvre M. […] Sentez-vous pas la plume descriptive qui poursuit avec amour la réalisation voluptueuse et l’image qui donnera satisfaction à sa veine ? […] Mais moins bonne attitude pour la production littéraire, c’est quelque peu l’image de Mme de Noailles. […] Il est si tentant de donner une image de soi-même différente de celle qu’on attendait. […] Ce n’est pas seulement notre amour des contrastes qui trouve sa satisfaction dans ces deux images rapprochées.
Je réponds à cette objection que les images et les pensées les plus habituelles, dans Ossian, sont celles qui rappellent la brièveté de la vie, le respect pour les morts, l’illustration de leur mémoire, le culte de ceux qui restent envers ceux qui ne sont plus. […] Le climat est certainement l’une des raisons principales des différences qui existent entre les images qui plaisent dans le Nord, et celles qu’on aime à se rappeler dans le Midi. […] Les poètes du Midi mêlent sans cesse l’image de la fraîcheur, des bois touffus, des ruisseaux limpides, à tous les sentiments de la vie. […] Les ombres penchées sur les nuages ne sont que des souvenirs animés par des images sensibles39. […] Mais on peut toujours juger si les images de la nature, telles qu’elles sont représentées dans le Midi, excitent des émotions aussi nobles et aussi pures que celles du Nord ; si les images du Midi, plus brillantes à quelques égards, font naître autant de pensées, ont un rapport aussi immédiat avec les sentiments de l’âme ; les idées philosophiques s’unissent comme d’elles-mêmes aux images sombres.
Tous ces matériaux sont des images de sensations possibles sous telles conditions, et nécessaires sous les mêmes conditions, plus une complémentaire. […] Dans ce groupe d’images évoqué par la sensation, il faut distinguer deux choses, les images elles-mêmes, et la réflexion par laquelle je remarque la possibilité permanente, en tout temps et pour tout être sensible ; des sensations qu’elles représentent. […] S’il voit, flaire ou touche une pièce de viande, il a, par réviviscence et association, l’image d’une sensation de saveur agréable, et cette image le pousse à happer le morceau. Quand il voit un bâton levé ou entend un fouet sifflant, il a, par réviviscence et association, l’image d’une sensation douloureuse de contact, et cette image le porte à fuir. Rien de plus en lui ; il n’a pas le langage, il lui manque le moyen de discerner et d’isoler les caractères de son image. — Nous avons ce moyen, et nous nous en servons.
Et cette forme de tercets rimés continue, sauf quelques interruptions, à reproduire en foule les images que la foi rendait vulgaires sans les rendre moins poétiques. […] Car, en beauté et en splendeur, il est votre image. […] Que sont, en effet, les images extérieures de l’empyrée, les rayons, les flammes, les étoiles, toute la magnificence des cieux ? […] Platon l’eût affirmé ; et sa Diotime, cette image de la sagesse et de l’amour, dont il a fait l’inspiratrice de Socrate, était moins divine que Béatrix. […] Sa douce extase devant de telles images suspend sa colère et ses haines ; et la lyre est, sous ses doigts, pleine de tendresse et de pureté naïves.
Au contraire, tant que la représentation de l’étendue est elle-même étendue, vous restez dans le domaine de l’objectif, vous n’êtes pas dans celui de la perception : l’image dessinée sur la rétine n’est pas une perception, et si petite que soit cette image, elle ne deviendra pas une perception, tant que l’étendue n’aura pas absolument disparu. […] On connaît ces deux lois qui ont pu être exagérées sans doute par l’école empirique et sensualiste, mais qui restent vraies dans leur généralité : l’âme ne pense pas sans images, l’âme ne pense pas sans signes. Les images et les signes (qui eux-mêmes ne sont que des images) sont donc les conditions de l’exercice actuel de la pensée. […] Si l’organe des images et des signes est altéré ou bouleversé, la force pensante ne peut pas à elle toute seule exercer une fonction qui, selon les lois de la nature, exige le concours de forces subordonnées. […] Si le cerveau est l’organe de l’imagination et de la mémoire, comme l’expérience semble bien l’indiquer, si l’âme ne peut penser sans signes et sans images, c’est-à-dire sans cerveau, qu’advient-il le jour où la mort, venant à dissoudre non-seulement les organes de la vie végétative, mais ceux de la vie de relation, de la sensibilité, de la volonté, de la mémoire, semble détruire ces conditions inévitables de toute conscience et de toute pensée ?
Il voit les choses concrètes, et il en rappelle l’image. […] Il l’a constamment : l’idée tourne naturellement chez lui en image. […] de ce qu’une image inoubliable, avec ou sans justice, s’est appliquée au nom du bonhomme. […] Il était né pour faire des vers sonores et colorés, notations d’images et de sensations physiques. […] En réalité, l’idée générale est peu de chose pour Boileau : l’important pour lui, ce sont les couplets, les images qu’elle relie.
L’image est nette. […] Deux images, dans cette expression devenue banale, mais qui fut neuve, sont unies en une seule : l’image d’une quantité de sang répandu autour d’un homme ; l’image d’un homme plongé dans l’eau. […] Que l’on essaie de faire voir l’image double des éléphants-proues, des cohortes-flots ! […] Il faut savoir effacer l’image neuve pour mettre à sa place l’image vieille, pourrie, mais phosphorescente et qui jalonne de lueurs la route inconnue. […] Imaginer, c’est associer des images et des fragments d’images ; cela n’est jamais créer.
Quand l’imagination est forte et capable de suivre dans leur développement parallèle une double série d’images successives, sans jamais en perdre de vue le rapport, la comparaison initiale aide puissamment à l’invention. Chaque image d’une série évoque une image correspondante de l’autre série ; si l’imagination est à bout d’un côté, elle se soutient de l’autre. […] Partant de la vieille et banale comparaison d’un peuple libre à un cheval sauvage, Barbier a traduit dans les images qui montrent l’animal dompté, enlevé, poussé, crevé par son écuyer, l’histoire de la France asservie par Bonaparte, lancée à travers l’Europe, épuisée de guerres, et agonisante enfin avec lui. […] On n’en tirera une véritable utilité que si l’on se condamne au labeur pénible de convertir il chaque moment l’image en idée, le symbole en abstraction, de passer de la métaphore au mot propre, enfin si l’on refait en sens inverse le chemin déjà parcouru.
Ce serait une étude technique de noter, dans les vers de l’Alexandra, les mouvements, les images, les formes de style, empruntés ou détournés d’Eschyle ou de Pindare. […] Sous le nom de Jupiter, c’est le Dieu des Juifs qui est adoré ici, ce Dieu qui donne la vertu et la richesse, et qui, même par les biens terrestres, anticipe sur les promesses éternelles, selon les images fréquentes dans les livres de l’ancienne loi. […] Peut-être les vives peintures du Cantique des Cantiques, ces images d’une poésie si sensuelle que l’ancienne synagogue en interdisait la lecture, furent-elles ce qui d’abord intéressa l’esprit grec. On pourrait le supposer, en trouvant dans un jeu poétique de Théocrite, dans l’Épithalame d’Hélène, une rencontre si heureuse, ou plutôt une si visible imitation des brûlantes images du voluptueux monarque de Judée. […] Bien auparavant, Homère avait réfléchi dans ses vers ce même feu d’Orient ; et l’analogie de beaucoup de ses images avec celles de l’Ancien Testament est plus orientale que directement hébraïque.
La poésie moderne se compose d’images et de sentiments. […] Les faits, les caractères, les superstitions, les coutumes des temps héroïques étaient singulièrement propres aux images poétiques. […] Homère et les poètes grecs ont été remarquables par la splendeur et par la variété des images, mais non par les réflexions approfondies de l’esprit. […] Il en est de même de la poésie d’images et de celle qui contient des idées philosophiques. […] Les mêmes images, les mêmes sentiments, et surtout la même harmonie, excitaient toujours les applaudissements de la multitude.
L’expression est en général l’image du sentiment. […] Si l’on m’eût dit à dix-huit ans : mon enfant, de l’image du vice, ou de l’image de la vertu, quelle est la plus belle ? […] C’est qu’à dix-huit ans, ce n’était pas l’image de la beauté, mais la physionomie du plaisir qui me faisait courir. […] Il faut feuilleter les historiens, se remplir des poètes, s’arrêter sur leurs images. […] C’est qu’ils étaient accessibles de toutes parts : image de la sécurité.
De la délimitationet de la fixation des images. […] En faisant de l’état cérébral le commencement d’une action et non pas la condition d’une perception, nous rejetions les images perçues des choses en dehors de l’image de notre corps ; nous replacions donc la perception dans les choses mêmes. […] Mais à quoi pourrait servir cette grossière image ? […] Mais puisqu’une théorie de la matière se propose justement de retrouver la réalité sous ces images usuelles, toutes relatives à nos besoins, c’est de ces images qu’elle doit s’abstraire d’abord. […] Mais y a-t-il là autre chose qu’une image ?
Réduction des idées à une classe d’images et des images à une classe de sensations. — Énumération des principales sortes de sensations. — Ce que signifie le mot sensation. — Distinction entre la propriété du corps extérieur qui provoque la sensation et la sensation elle-même. — Distinction entre la sensation brute et la position apparente que la conscience lui attribue. — Distinction entre la sensation et l’état du nerf ou des centres nerveux. — Caractères propres et primitifs de la sensation. […] Mais, comme on le verra plus tard, c’est là une opération ultérieure engendrée par l’expérience ; un groupe d’images s’est associé la sensation pour lui attribuer cette position ; ce groupe lui donne une situation qu’elle n’a pas, et d’ordinaire la place à l’extrémité du nerf dont l’action la provoque. […] Mais on l’a déjà, si l’on se souvient que nos images ne sont que des sensations renaissantes, que nos idées ne sont que des images devenues signes, et qu’ainsi la trame élémentaire subsiste plus ou moins déguisée à tous les étages de notre pensée. — Ces fils primitifs sont d’espèces diverses. […] Nous n’avons point ici ces éléments communs, images, représentations, idées générales, auxquels se réduisent les diverses inventions humaines et les diverses combinaisons sociales. […] Nous pouvons montrer comment avec elles nous formons les images, les représentations, les idées générales, comment avec elles nous formons les notions de grandeur, de position, de forme, de nombre ; mais, de quoi elles-mêmes elles se forment, nous ne le savons pas.
Victor Hugo définit ainsi l’éloquence de Danton ; mais il me paraît que ces images expriment encore mieux la poésie de Victor Hugo. […] Je me sens ivre de mots et d’images. […] ses trente-cinq images se dressent presque en même temps dans sa pensée : elles sautent d’elles-mêmes sur les mots qu’il leur faut, sur les mots dont son cerveau est l’ample ménagerie, et les chevauchent éperdument ; et c’est un flot rapide et intarissable, un torrent auquel rien ne résiste… Et les trente-cinq images sur Marat ne lui suffisent pas. […] Et ce qui me console de n’avoir pu trouver les autres images, c’est qu’assurément je n’aurais pas ramassé celle-là ! […] Puis, comme la moindre idée lui suggère une image, et comme ensuite les images s’appellent et s’enchaînent en lui avec une surnaturelle rapidité, le sujet qu’il traite a beau être maigre et court dans son fond, la forme dont il le revêt est un vaste enchantement, Ces correspondances qu1il saisit entre les choses nous intéressent par elles-mêmes.
Veut-on dire que nous recevions passivement de l’extérieur nos sensations toutes faites, comme Démocrite croyait que les images subtiles des choses pénètrent à travers nos sens ? […] Cette forme d’association unit aux sensations présentes des images qu’elles évoquent et qui leur font cortège ; elle nous permet ainsi d’interpréter les sensations présentes. […] Ils oublient cette continuité naturelle et cette fusion spontanée des images dont un jouet scientifique, le zootrope, suffirait à donner une preuve frappante. […] Il enveloppe la conscience des deux états précédents subsistant comme images et du sentiment transitionnel de conflit ou de résistance. […] Supposez donc dans la conscience : 1° un changement de plaisir en douleur ; 2° un changement en sens opposé, un retour de la douleur au plaisir, dont l’image avait subsisté pendant la douleur même : ce nouvel état sensitif coïncidera avec l’image de l’ancien.
Et chacun de ses groupes de brèves et de Ionguès est si bien pour lui une unité discrète et comme une strophe, qu’il réserve, pour les clore, ses mots les plus retentissants, les images sensuelles et les artifices les plus adroits. […] Décrits, analysés, mis en scène, avec une moquerie tacite, mais aussi avec la pénétration adroite d’un connaisseur d’hommes, ils donnent de la vie et de la société une image au demeurant exacte pour une bonne part de ce siècle. […] Masqué par une esthétique qui consiste à montrer de la vie une image et non pas une impression, l’écrivain garde en lui ses opinions et ses haines, ne fournissant qu’à l’analyse de légers mais suffisants indices. […] La loi des nombres gouverne donc les sentiments et les images, et ce qui paraît être l’extérieur est tout bonnement le dedans ? […] Il s’était empli l’oreille de cadences sonores, l’intelligence d’images démesurées, d’adjectifs exaltés et amples, de rutilantes visions verbales.
Ou nous les comprenons tous dans la même image, et il faut bien par conséquent que nous les juxtaposions dans un espace idéal ; ou nous répétons cinquante fois de suite l’image d’un seul d’entre eux, et il semble alors que la série prenne place dans la durée plutôt que dans l’espace. […] Mais, dès qu’on désire se représenter le nombre, et non plus seulement des chiffres ou des mots, force est bien de revenir à une image étendue. […] Que si enfin je conserve, joint à l’image de l’oscillation présente, le souvenir de l’oscillation qui la précédait, il arrivera de deux choses l’une : ou je juxtaposerai les deux images, et nous retombons alors sur notre première hypothèse ; ou je les apercevrai l’une dans l’autre, se pénétrant et s’organisant entre elles comme les notes d’une mélodie, de manière à former ce que nous appellerons une multiplicité indistincte ou qualitative, sans aucune ressemblance avec le nombre : j’obtiendrai ainsi l’image de la durée pure, mais aussi je me serai entièrement dégagé de l’idée d’un milieu homogène ou d’une quantité mesurable. […] Elle avait donc constaté à sa manière la succession des quatre coups frappés, mais tout autrement que par une addition, et sans faire intervenir l’image d’une juxtaposition de termes distincts. […] Nous ne les apercevons plus alors que dans le milieu homogène où nous en avons figé l’image et à travers le moi qui leur prête sa banale coloration.
Ces idées et ces images nous constituent et nous déterminent. […] Les mots éveillent toujours des images, mais des images lyriques et non plus sensuelles ; des images sensibles, mais douées de conscience, comme fondues dans un précipité animique. […] Voici une image puis une autre et leur ensemble constitue une vibrante émotion. […] À vrai dire, ni ces images de paysages et de lacs ne conviennent. […] La fantaisie, le choix d’images prestigieuses, étincelantes, sont du domaine lyrique.
Mais, ici, il y a la source et le flot, l’harmonie large et continue, une spontanéité, une facilité divine, et une beauté simple d’images ce « sentier des tombeaux », ce « voyageur assis aux portes de la ville » images grandes, non détaillées, non situées dans le temps, et qui font songer aux fresques d’un Puvis de Chavannes. […] Deschanel l’image d’un abbé Liszt « pour qui Jéhovah n’est qu’un thème sur lequel il brode des fugues ». […] Ceci posé, je crois que la meilleure métaphore, et la plus vivante, est celle où l’objet sous-entendu reste le plus présent, le mieux mêlé à l’image par laquelle on l’évoque en nous à condition que cette image n’en soit point elle-même effacée ou affaiblie. […] Vous verrez que, d’un bout à l’autre, l’idée et l’image s’y entrelacent mollement, mais inextricablement. […] — Dans la Retraite (Harmonies), la pénétration des images par l’idée est plus intime et plus profonde encore.
Mais plutôt entraînement spécial à transformer le retentissement émotif en notions intellectuelles, à changer automatiquement les images concrètes — terrifiantes à l’état d’image — en éléments abstraits de diagnostic, éléments intéressants mais non plus émouvants. Ce passage de l’ordre sensitif à l’ordre intellectuel, du monde des images à celui des idées, nous pouvons le prendre sur le fait en comparant les deux séries de vocables sous lesquels un médecin, d’une part, un profane de l’autre, traduiraient les mêmes tableaux de clinique courante. […] Elle s’acquiert au moment même où l’étudiant en médecine peut substituer automatiquement, à l’image quelconque, le terme technique qui la désigne, remplacer « ventre ouvert » par « laparotomie », « membre carbonisé » par « brûlure du sixième degré », « jambe broyée » par « fracture comminutive du tibia et du péroné ». […] Le profane accepte telle que l’image perçue, le praticien la transforme en éléments de diagnostic et en projets thérapeutiques.
Il semble que Paul Fort se rapproche de Gustave Kahn par les images. […] Celle-ci donne la sensation d’une image d’Épinal collée au mur d’une auberge de village ; celle-là fait songer à une pierre gravée, à un camée grec, et cette autre est pareille à une feuille de parchemin, ornée et fleurie par le soigneux pinceau de l’imagier. […] Paul Fort offre un vaste répertoire d’images et de pensées. Il y a là, il faut le dire, une abondance singulière et une vitalité puissante, toute la plantureuse confusion d’un esprit qui se cherche et s’exerce dans tous les sens, à travers les zigzags de toutes ses fantaisies, obéissant à des poussées disparates, à des intuitions subites, aux soubresauts d’une verve capricieuse, à tout ce que l’instant fait passer d’émotions, d’images et de rythmes en une âme extraordinairement vibrante et attentive, prompte à les saisir au passage et à en fixer la nuance, la forme ou le mouvement. […] Van Bever Empruntant, sous les contours fallacieux de la prose, la plastique et la rythmique du vers, mêlant aux images les plus transparentes le coloris violent des réalités, l’art de ce poète s’affirme en petits tableaux parfaitement achevés, où l’habileté du peintre ne le cède en rien au lyrisme de l’évocateur.
D’ordinaire, les philosophes lui donnent la place principale et une place tout à fait distincte. « J’éprouve des sensations, disent-ils, j’ai des souvenirs, j’assemble des images et des idées, je perçois et conçois des objets extérieurs. Ce je ou moi, unique, persistant, toujours le même, est autre chose que mes sensations, souvenirs, images, idées, perceptions, conceptions, qui sont diverses et passagères. […] Il ne reste de nous que nos événements, sensations, images, souvenirs, idées, résolutions : ce sont eux qui constituent notre être ; et l’analyse de nos jugements les plus élémentaires montre, en effet, que notre moi n’a pas d’autres éléments. […] Si on le considère à un moment donné, il n’est rien qu’une tranche interceptée dans la trame, c’est-à-dire un groupe d’événements simultanés, en train de se faire et de se défaire, telle sensation saillante parmi d’autres moins saillantes, telle image prépondérante parmi d’autres qui vont s’affaiblissant. À tout autre moment, la tranche est analogue ; il n’est donc rien d’autre ni de plus Que maintenant on classe ces divers événements, sensations, images, idées, résolutions ; qu’à chaque classe on impose un nom, sensibilité, imagination, entendement, volonté ; qu’on attribue au moi divers pouvoirs, celui de sentir, celui d’imaginer, celui de penser, celui de vouloir ; cela est permis et utile.
Riemann, au contraire, appelle de suite la Géométrie à son secours, chacune de ses conceptions est une image que nul ne peut oublier dès qu’il en a compris le sens. Plus récemment, Lie était un intuitif ; on aurait pu hésiter en lisant ses ouvrages, on n’hésitait plus après avoir causé avec lui ; on voyait tout de suite qu’il pensait en images. […] Au début, ce n’était qu’une image sensible, par exemple, celle d’un trait continu tracé à la craie sur un tableau noir. […] Et cependant si l’image primitive avait totalement disparu de notre souvenir, comment devinerions-nous par quel caprice toutes ces inégalités se sont échafaudées de cette façon les unes sur les autres ? […] Hermite ; jamais il n’évoquait une image sensible, et pourtant vous vous aperceviez bientôt que les entités les plus abstraites étaient pour lui comme des êtres vivants.
C’est là que parut La Fille aux mains coupées, un mystère où, à des vers lyriques, sonores et doux, variés de rythmes et riches d’images, étaient mêlées des proses descriptives, savantes et harmonieuses. […] Pierre Quillard s’évade de ce musée aux blanches figures antiques dont il étudie et retrace sans cesse les immobilités, il faut convenir qu’il a le don du vers condensé et de l’image évocatrice, mais évocatrice du passé. […] Lisez ses belles élégies héroïques : le Dieu mort, Ruines, les Vaines Images, qui sont Psyché, Hymnis et Chrysarion, le Jardin de Cassiopée, la Chambre d’amour, et goutez-en la beauté amère et sereine, l’âcre et doux parfum, la cadence sonore. […] C’est pendant ce séjour en Orient, où il devait retourner, en 1897, suivre, pour le compte du journal l’Illustration, les opérations de la guerre gréco-turque, qu’il écrivit l’Errante, poème dialogué et qui fut représenté au Théâtre de l’Œuvre, en mai 1896, et la plupart de ces pièces sous le titre général : Les Vaines Images, si pures, si harmonieuses, d’une beauté tout ensemble orgueilleuse et désabusée.
Déjà l’armoire semblait vide et l’image apparaissait toujours. […] Je compte sur les images pour me le trouver. […] Maintenant c’est à lui de donner les images. […] Il me faut redire cela en images. […] Au début une impression, des images, une ou deux idées abstraites, puis d’autres images appelées par les premières.
La phrase : « l’arbre se dressait » évoque ainsi, à côté d’une image assez peu précise, le sentiment d’exaltation et d’aise que donne la pensée d’un puissant chêne debout sous les cieux. En expressions plus précises, un mot générique de la sorte qui présente une image trop grande, trop indéfinie pour être conçue clairement, qui nécessite donc un effort, une tendance insatisfaite à l’image, provoque dans le mécanisme cérébral comme une décharge suffuse, une tension croissante ; il y a dans l’esprit un mouvement d’expansion et une description conçue en termes généraux pareils, qui se limitent le moins possible, sera une description plus sentimentale que notionnelle, sera une description poétique. […] Dans l’une les mots sont employés à donner des choses une image la plus précise possible, une image intellectuelle qui laisse dans l’esprit peu de place aux sentiments associés ; dans l’autre, au contraire, l’image est vague, lointaine, grandie, à peine aperçue et mystérieusement belle ; de l’émotion qu’elle suggère, toute intelligence est excluse. […] Ils font appel de la sorte au sentiment de répulsion, d’horreur, de désespoir que cause cette image de dégradation, mais aussi au sentiment de profonde sympathie, de pitié que cause la vue de cette humanité qui peine et se châtie. […] Pour l’artiste, cet homme qui vient de le juger est à la fois une brute abhorrée pour qui la vie réelle a plus d’intérêt que les images qu’il lui en présente, — et un protecteur nécessaire qui applaudit et qui paie.
L’image naît de la pensée, la pensée appelle l’image et n’est jamais appelée par elle. […] Les images mêmes qui nous étonnent par la nouveauté, la hardiesse, nous sembleraient timides, si nous prenions la peine de les comparer aux images prodiguées par Salomon. […] Le style en est tour à tour pâteux et semé d’images qui nous dépaysent. […] La correction grammaticale n’est pas plus respectée que l’analogie des images. […] À cette condition seulement, l’image présentée par M.
J’ai loué avec enthousiasme le jaillissement spontané et intarissable des images, la puissance nerveuse du rythme. […] la grâce flottante des draperies et le sourire lumineux des images. […] Et elle est, l’étonnante barbare, un génie créateur de rêves et trouveur d’images. […] On y trouve déjà quelquefois l’image originale, qui sera un des deux grands mérites de Boissier. […] J’ai cité au courant de l’analyse, quelques images délicieusement fleuries ou chantantes.
La nature se peint par-tout dans ces images fortes devenues ordinaires. […] Nul n’auroit répondu, nous adorons des images, des idoles. […] On feroit un volume de tous les passages qui déposent que des images n’étoient que des images. […] En un mot, les images des dieux n’étoient point des dieux ; Jupiter & non pas son image lançoit le tonnerre. […] L’infini est-il autre chose que l’image de cette même mesure que vous prolongez sans fin ?
C’est dans ces quatre prosateurs qu’il faut chercher la plus complète image de l’esprit français au xvie siècle. […] Il en paraît enfin une image dégagée de toutes les formes qu’elle reçoit dans chaque temps particulier, des religions et des sociétés diverses et composée de ces traits généraux et communs qui constituent l’unité de l’homme, si divers par le temps et le lieu. […] Les images abondent, par cette illusion de l’esprit qui, n’ayant pas en vue une proposition considérable à prouver, donne à chaque détail un prix exagéré et force le langage, moins pour tromper les autres que parce qu’il se trompe lui-même. […] Né parmi les grands spectacles de la nature alpestre, élevé en Italie, saint François de Sales avait la mémoire remplie de toutes ces images de la grandeur et de la bonté de la Providence. […] Il sentit que le temps était venu où l’image de la France, arrachée aux partis intérieurs et victorieuse de l’étranger, devait se réfléchir dans les lettres ; et il fournit aux quatre meilleurs esprits du temps, Charron, Malherbe, Régnier, saint François de Sales, un premier idéal.
Pour toucher à la Bible et traduire en images dignes du texte cette parole surnaturellement inspirée, il faut être soi-même surnaturellement inspiré. […] La première impression de la vie, la première image qui se soit incrustée dans nos yeux d’enfant, ces yeux qui grandissent tout ce qu’ils regardent, quand nos yeux d’homme le diminuent et finissent, de désabusement ou de mépris, par ne plus le voir ! […] En effet, qui de nous, quand il était enfant, n’a pas eu sa Bible illustrée, n’a pas penché son jeune front, curieux ou rêveur, sur quelques images, plus ou moins bien exécutées, qui nous faisaient entrer dans l’esprit le texte sacré par les yeux ? […] Mais, je l’affirme en toute sécurité, pour les autres comme pour moi-même, les chefs-d’œuvre épars vus depuis n’ont pu effacer en nous l’impression de ces images peut-être grossières, et quand nous pensons à la grandeur des scènes bibliques, c’est à travers le tressaillement d’émotions que ces images nous ont données et que rien dans nos âmes n’est capable maintenant de recommencer ! […] Toutes ces illustrations, qui serviraient à la renommée de Gustave Doré si cette renommée n’était déjà faite, nous continuent le Doré que nous connaissons, mais ne nous le changent pas, ne nous le transfigurent point, et, puisque nous parlons de la Bible, qu’on nous permette cette image biblique : c’était ici une transfiguration qu’il fallait.
MM. de Régnier et Griffin sont tous deux jusqu’à un certain point objectifs car ils savent s’exprimer par des images ; ils sont aussi et surtout subjectifs car ils écoutent chanter la voix intime, — et le contraire eût été une surprise puisque M. de Régnier aussi bien que M. […] Aussi la période est-elle inégale, souvent trop longue, — parfois dépourvue d’éclat lorsqu’elle dédaigne l’image, — de proportions plutôt naturellement venues que mesurées savamment et parfaites. […] Mais une certaine indigence de mots et d’images se découvre à des prosaïsmes, à des expressions trop approximatives, qui étonnent et détonnent ; ou bien, à maintes places, un adjectif, un nom, un verbe qui ne sont plus de la langue chantée, ou qui ramènent trop près de nous. […] Il a des images de la campagne plutôt que l’âme populaire, laquelle est d’ailleurs de la ville aussi bien que du village ; il fait songer à un promeneur qui regarde et s’étonne mais demeure étranger au paysage. […] La règle du premier paraît être : rien de trop peu ; il prétend exprimer toute la pensée, toute l’image, avec toutes leurs nuances, avec toutes leurs complémentaires musiques.
Puis les images se rejoignent. […] Les images sont ici très rares et d’une simplicité absolue. […] Par une seule image soutenue et concentrée, ou par des pyramides d’images contradictoires, ils donnent même élan à notre imagination. […] Une déviation harmonieuse rompt quelquefois ce flux implacable et splendide et fait image sans image. […] J’admire aussi cette hâte, cette précipitation nourrie d’images.
Imprégnant de son influence les images qui occupent à ce moment le champ visuel, la sensation tactile pourra en modifier la forme et la signification. […] Souvent aussi l’image évoquée est celle d’un objet ou d’un fait perçu distraitement, presque inconsciemment, pendant la veille. […] Mais quand il veut à toute force en donner une explication, sa logique, destinée à relier entre elles des images incohérentes, ne peut que parodier celle de la raison et frôler l’absurdité. […] Mais cette précipitation des images n’a rien de mystérieux. Remarquez que les images de rêve sont surtout visuelles ; les conversations que le rêveur croit avoir entendues sont la plupart du temps reconstituées, complétées, amplifiées au réveil : peut-être même, dans certains cas, n’était-ce que la pensée de la conversation, sa signification globale, qui accompagnait les images.
Quand on voit ces maîtres du style raturer, essayer leurs épithètes, poursuivre l’image forte ou l’expression pittoresque, on est bien forcé de conclure que le don d’écrire se développe et que l’on devient original par le travail. L’originalité est chose si importante que M. de Gourmont lui-même m’approuve d’avoir divisé le style en style banal et en style original, ce qui est gros de conséquences, puisqu’il sait que j’entends par originalité la recherche de l’image, le mot vivant, l’expression en relief, la force, la couleur, le pittoresque, toutes les surprises du style. […] » On n’a pas tort de nous mettre en garde contre l’excès du pittoresque et l’outrance des images ; qu’il y ait péril à trop viser l’originalité, nul ne le conteste ; mais que l’originalité soit néanmoins la qualité maîtresse du style, son essence même, si je puis dire, c’est de toute évidence, et l’on ne saurait s’abstenir de la recommander, sous prétexte qu’il y en a qui en abusent. […] Leurs perpétuelles « trouvailles » de style jouissent de quelque renommée dans le monde, et il y a longtemps qu’on s’extasie sur leurs surprises de mots, d’images et d’expressions.
Il faut comprendre aussi que l’expression qui est à l’état de cliché dans un style, peut se trouver dans un autre à l’état d’image renouvelée. […] Enfin le cliché véritable, comme je l’ai expliqué antérieurement, se reconnaît à ceci : l’image qu’il détient en est à mi-chemin de l’abstraction au moment où, déjà fanée, cette image n’est pas encore assez nulle pour passer inaperçue et se ranger parmi les signes qui n’ont de vie et de mouvement qu’à la volonté de l’intelligence. […] Mais ce dernier cliché s’est formé à un moment où le mot comble était très vivant et tout à fait concret ; c’est parce qu’il contient encore un résidu d’image sensible que son alliance avec vœux nous contrarie » Dans le précédent, le mot colorer est devenu abstrait, puisque le verbe concret de cette idée est colorier, et il s’allie très mal avec rougeur et avec joues.
Cette image nous touche ; mais quand elle nous est representée dans un tableau, elle nous touche bien davantage. […] La peinture contenuë dans ces vers Ferus et Cupido semper ardentes acuens sagittas, cote cruenta. paroît en quelque façon une image nouvelle à ceux qui la voïent à Chantilly dans un tableau. […] Le peintre s’est servi de cette image pour faire le fond d’un tableau dont la principale figure est le portrait d’une princesse sortie du sang de France ; mais qui est plus illustre aujourd’hui dans la societé des nations, et qui doit être encore plus célebre dans l’avenir par sa beauté que par son rang et par sa naissance. […] L’imagination la plus sage forge souvent des fantômes lorsqu’elle veut réduire en images les descriptions, principalement quand l’homme qui prétend imaginer, n’a jamais vû des choses pareilles à celles dont il lit ou dont il entend la description. Je conçois bien, par exemple, que l’homme de guerre puisse sur une description, se former l’image d’un certain assaut ou d’un certain campement ; mais celui qui ne vit jamais ni campemens ni assauts, ne peut s’en faire une juste idée sur des relations.
l’image des peines qui font couler tes larmes me remplit de mélancolie et d’attendrissement sur toi. […] On voit, à sa tendre curiosité sur les secrets de cet amour, combien il avait aimé lui-même Béatrice, et combien il aimait encore cette image au-delà de la vie. […] Traduire, ce n’est pas mentir ; il faut calquer, non seulement l’image, mais le dégoût sur le dégoût. […] Ce sont ces images, si fréquentes en Italie, ce sont ces oratoires, ces peintures, ces musiques, ces larmes, ces offrandes, ces prières, dont l’air d’Italie est rempli, qui inspirèrent, je n’en doute pas, des images si suaves et des vers si féminins au Dante dans son poème du Purgatoire. […] « Et je voulais voir, ajoute-t-il, comment l’image s’adapte au cercle et comment elle s’y incorpore.
Tout s’en est retiré, images, idées, couleurs. […] D’après lui, on doit expulser de la poésie toute espèce d’idées, de sentiments et d’images. […] Pensées, images, sentiments, c’est une série indéfinie d’ondulations. […] Mais il faut bien comprendre que la vraie poésie n’est jamais l’amalgame d’une image et d’une idée, que l’image n’est pas une simple métaphore ou une allégorie « conscious » (voulue, appliquée). […] Ce que l’on aime poétiquement dans un poème, ce n’est pas précisément « le son et l’image synthétique » ; beaucoup moins encore l’image, car celle-ci n’est pas, comme le son, indispensable à la poésie.
Si chaque homme sensé, et qui a senti ou qui a vu, laissait ainsi son petit livre à son image, la science morale en serait plus avancée. […] Dans les visites que faisait à la Chartreuse le jeune enfant accompagné de son précepteur, il s’entretenait avec dom Durant, qui était ravi de le voir prendre si bien à la poésie jusqu’à admirer son poème ; de ces visites l’enfant rapportait toujours quelque image en taille-douce, dont il ornait les murailles de sa chambre à coucher. C’est ainsi que ses goûts divers se dessinaient déjà : littérature facile et belles images. […] Marolles, qui lui fait à l’avance toutes les objections, et qui établit qu’en telle matière « le peuple ne voit pas même ce qu’il regarde », ne laisse pas d’y aller pour lui obéir, et il s’assure que tout est fabuleux, hors le coup de pistolet que quelqu’un avait lâché sans intention : « Toutefois, ajoute-t-il, on ne laissa pas d’en faire une image en taille-douce, que j’ai eue entre les miennes ». […] Que lui fait un miracle de plus ou de moins, pourvu qu’il en rapporte une image ?
D’une part, nous avons vu que nos idées les plus abstraites, étant des signes, se réduisent à des images, que nos images elles-mêmes sont des sensations renaissantes, que partant notre pensée tout entière se réduit à des sensations. […] Or, lorsque nous examinons de près l’idée d’une sensation et l’idée d’un mouvement moléculaire des centres nerveux, nous trouvons qu’elles entrent en nous par des voies non seulement différentes, mais contraires. — La première vient du dedans, sans intermédiaire ; la seconde vient du dehors, par plusieurs intermédiaires. — Se représenter une sensation, c’est avoir présente l’image de cette sensation c’est-à-dire cette sensation elle-même directement répétée et spontanément renaissante. […] On voit par là l’importance de l’événement central ; quel qu’il soit, il communique son caractère au reste. — Or, des deux points de vue par lesquels nous l’atteignons, l’un, qui est la conscience, est direct : connaître une sensation par la conscience, c’est avoir présente son image, qui est la même sensation réviviscente. […] Nous l’avons montré plus haut en exposant les conditions des sensations et des images : c’est la sensation, c’est l’image, c’est l’événement moral interne. […] Par contrecoup la même dégradation et la même réduction s’opèrent dans les événements moraux ; au plus haut degré de complication, ils constituent les images, les sensations proprement dites et ces sensations rudimentaires que dénote l’action réflexe ; aux degrés suivants, ils sont encore des événements de la même espèce, mais moins composés, et ainsi de suite, leur complication diminuant avec celle du mouvement moléculaire, tant qu’enfin, au degré le plus simple de l’événement physique, correspond le degré le plus simple de l’événement moral.
Le prudhommisme de l’image est le lieu commun éculé, usé, effacé, la honte de l’imagination, cette ambitieuse de nouveauté, qui n’en est jamais rassasiée. […] — de son prudhommisme d’images, puisqu’on a fait d’elle un grand écrivain ! […] Je sais bien qu’elle a une mesure et une suite dans l’image que les Prudhommes fougueux n’ont pas toujours. […] Je défie qu’on me montre dans Mme Sand une seule de ces grandes images qu’on n’a pas vues encore. Toutes les siennes sont des images tombées vingt fois de leurs béquilles, et qu’elle relève, et qu’elle appuie contre sa phrase, pour qu’elles tiennent encore un peu debout.
Dans tous les deux mêmes originalités, même fraîcheur d’idées, même luxe d’images neuves et vraies, seulement l’un est plus grave et même plus mystique dans ses peintures ; l’autre a plus d’enjouement, plus de grâce, avec beaucoup moins de goût et de correction. […] On continuera à louer en lui ces images vives et brillantes que sa muse a répandues ; toutefois on ne le considérera plus comme notre seul et premier peintre poétique ; on n’oubliera pas que La Fontaine, Racine, Fénelon, et même Boileau, avaient ouvert, bien avant lui, la pure et vraie source des comparaisons et des images, sans jamais tomber dans la prodigalité ; on n’oubliera pas non plus que Chénier vécut dans un siècle descriptif et que ce don de peindre ou même de colorier les objets, qu’il a perfectionné sans doute, a pourtant été celui de plusieurs de ses contemporains. […] Jusque dans ses essais informes, on trouve déjà tout le mérite du genre, la verve, l’entraînement et cette fierté d’idées d’un homme qui pense par lui-même ; d’ailleurs, partout la même flexibilité de style ; là, des images gracieuses, ici des détails rendus avec la plus énergique trivialité… Il n’y aura point d’opinion mixte sur André de Chénier.
Tous les règnes de la nature n’ont-ils pas leurs images dans notre pensée, où se fait une classification plus ou moins exacte des êtres, une reproduction plus ou moins fidèle de leurs types et du plan que réalise l’univers ? […] La première est naturaliste ; elle consiste à représenter la pensée comme le reflet ou l’enregistrement passif des objets extérieurs et des lois de la nature, auxquelles elle n’aurait aucune part : c’est la forme de l’objet qui explique seule celle de l’image dans le miroir. […] En face de cette doctrine, l’idéalisme représente le sujet pensant comme le principe même des lois universelles et des relations nécessaires que l’on croit découvrir dans les objets extérieurs : c’est la forme du miroir qui explique celle de l’image, et par cela même de l’objet représenté. […] Le monde de la connaissance, dit Schopenhauer, n’existerait plus si cette sorte d’objets qu’on appelle cerveaux « ne pullulaient sans cesse, pareils à des champignons, pour recevoir le monde prêt à sombrer dans le néant et se renvoyer entre eux, comme un ballon, cette grande image identique en tous, dont ils expriment l’identité par le mot d’objet ».
L’image, qui presque partout (et même en philosophie) a culbuté l’idée, l’image, dans ce poète dépaysé, n’a ni la puissance ni l’imprévu qui nous enlèvent ; on la connaît, on l’a déjà vue… Enfin, ce rhythme dont nous parlions tout à l’heure, et qui est d’un travail si agencé et si merveilleux sous la plume de Gramont, cette guirlande flexible et forte que tout poète moderne semble tenu d’enlacer et de sertir autour de sa pensée, tant les travaux sur le rhythme et la langue du mètre ont été multipliés en ces derniers temps, Bouniol, s’il ne le dédaigne, semble l’oublier ; et c’est ainsi qu’il se présente tout d’abord, modeste et hardi, dans son livre, dénué des trois forces de la poésie telle que l’Imagination l’aime et la veut au xixe siècle. […] Nous avons dit que pour Bouniol l’idée passait avant l’image ; mais il ne faut pas croire pourtant qu’il ne soit pas peintre à sa manière. […] Voilà comme il se venge de n’avoir pas à son service le don de l’image.
La larve, devenant insecte parfait, a beau se métamorphoser, elle conserve l’image de cette proie dont elle a vécu pendant son état larvaire ; elle la reconnaît, elle a une préférence pour elle, qui va même jusqu’à un « exclusivisme absolu ». […] L’image d’une chose redoutée et non voulue peut donc se réaliser malgré nous. […] La somnambule, a-t-on remarqué, exécute un acte uniquement parce qu’elle en a l’image dans l’esprit c’est pourquoi son acte est machinal et automatique ; nous, nous exécutons le même acte parce que, outre l’image, nous jugeons l’acte utile ou nécessaire. […] On a supposé là un mode de détermination tout à fait particulier, consistant à être mû par des idées pures sans images et par des rapports tout abstraits. […] Or, la représentation d’un acte, par exemple d’un serment à prêter, est toujours une image, accompagnée de quelque émotion.
En général, dans un siècle ou dans une race, on conçoit le souverain céleste à l’image du souverain terrestre, ou plutôt on conçoit la puissance d’une certaine manière, et on les modèle l’un et l’autre d’après cette conception. […] Le Dieu du dix-septième siècle fut une sorte de Louis XIV, image et suzerain de l’autre. […] Les images mythologiques naissent chez lui d’elles-mêmes. […] Ils ne sont les dieux de ce peuple que parce qu’ils sont faits à son image. […] Les anciens n’avaient point tort de l’appeler divine, et de trouver dans l’étrange puissance qui la forme une image des puissances immortelles qui opèrent dans l’univers.
Mais j’aurai de plus, au lieu de l’image indécise et illimitée que me suggérait Buffon, la vue intérieure, nette et lumineuse, d’un paysage où se localisent avec précision les caractères généraux du désert. […] Après un intervalle de temps, vous le regarderez en vous-même, vous en évoquerez l’image : incomplète, fragmentée, déformée, elle ramènera l’émotion, l’idée, que la vue involontaire, le choc inattendu de la réalité vous avaient imposées : ce lambeau d’image qui s’est accroché inconsciemment dans votre esprit, c’est précisément ce qu’il y a pour vous de caractéristique dans l’objet, c’est ce que la description doit éclairer. Maintes fois, vous n’aurez pas vu, vous ne pouvez voir l’objet qu’il vous faudra décrire : il vous restera à l’imaginer, c’est-à-dire à adapter, à joindre des fragments d’images, résidus de vos expériences antérieures, de façon à former une image qui puisse être la représentation sensible, aussi approchante que possible, de l’idée que vous prenez de l’objet, selon les conditions et les données qui vous sont indiquées. […] Quelques pages de quelques voyageurs, quelques tableaux aperçus dans les musées et les salons, quelques impressions d’enfance, de l’âge où l’on se fait d’immenses solitudes dans un coin de jardin, l’image persistante d’un long ruban de route poudreuse sous le grand soleil d’été, d’un angle de cour enflammé où l’air était suffocant, la lumière intense, tout cela se fondant, s’amalgamant, pourra dicter une page qui ne sera pas banale.
Examinons ce que peut être cette image ou cette idée. Commençons par l’image. […] Quand les images successives ne diffèrent pas trop les unes des autres, nous les considérons toutes comme l’accroissement et la diminution d’une seule image moyenne, ou comme la déformation de cette image dans des sens différents. […] Pour que les images s’animent, il faut qu’il y ait du mouvement quelque part. […] Si je colle une image sur un carton et que je découpe ensuite le carton en morceaux, je pourrai, en groupant comme il faut les petits cartons, reproduire l’image.
Beaucoup demeurent invisibles, même à des yeux pénétrants ; d’autres se laissent découvrir, offrant volontiers leur image à qui la veut contempler. […] Le vieux français disait barbute et barbue ; à Parme, c’est comme en Normandie la barbe de capucin, barba de fra ; en Roumanie, la barbe de boyard, barba boïarului ; en Allemagne, la chevelure de Vénus, Venushaar et, image plus pittoresque, la fille de crin, braut in haren ; en Angleterre, la barbe blanche, oldman’s beard ; en Catalogne aranyas, image que se disent nos patois avec arogne et irogné (toile d’araignée). […] Méthode, s’il fallait voir dans le choix des images l’influence d’une intelligence volontaire, comme le désire M. […] Pas plus que les contes ou les chansons populaires les mots métaphoriques ne sont une végétation sporadique analogue à la crue matinale des champignons dans les forêts ; les contes ont un auteur, les images verbales ont un auteur . Mais le même conte ou le même mot ont pu être créés plusieurs fois et même simultanément ; pour les mots nous en avons la certitude par la coexistence des mêmes combinaisons d’images dans des langues très différentes ; pour les contes, cela est fort vraisemblable.
Le langage a ses « centres de mémoires d’images spéciales ». […] Mme Marie Dauguet excelle à évoquer les images odorales, les plus subtiles, les plus intraduisibles de toutes les images. […] Elle n’emprunte ses images à la nature que pour exprimer des états de sentiment. […] L’image est jolie et d’une si fraîche impudeur. […] La vie est une naïve image d’Epinal.
En général, chacun sait cela, presque toutes les métaphores employées par les grands écrivains sont des métaphores qui se suivent, c’est-à-dire dont les développements répondent à l’image initiale. […] Elle serait superbe, quoique suivie, si l’image était belle, et M. […] Nous croyons avoir fait toutes les concessions raisonnables, en déclarant, dans notre Art d’écrire (p. 282), « qu’il faut que les images et les métaphores se suivent ; mais si elles persistent trop longtemps, elles produisent l’effet contraire : l’idée disparaît dans la comparaison. Nous citions même, pour la blâmer, une image de Bossuet qui se suit trop. — Par contre, voici une métaphore comme les admet M. […] Ce que nous demandons avant tout au style, c’est l’originalité, la vie, le relief, la création, l’image, et c’est pour cela que Molière, Sévigné et Saint-Simon restent pour nous de vrais écrivains, et que nous avons mis notamment le génie de Saint-Simon hors de pair.
Il faut donc que le lecteur veuille bien examiner et vérifier lui-même les théories présentées ici sur les illusions naturelles de la conscience, sur les signes et la substitution, sur les images et leurs réducteurs, sur les sensations totales et élémentaires, sur les formes rudimentaires de la sensation, sur l’échelonnement des centres sensitifs, sur les lobes cérébraux considérés comme répétiteurs et multiplicateurs, sur le mécanisme cérébral de la persistance, de l’association et de la réviviscence des images, sur la sensation et le mouvement moléculaire des cellules considérés comme un seul événement à double aspect, sur les facultés, les forces et les substances considérées comme des illusions métaphysiques2, sur le mécanisme général de la connaissance, sur la perception extérieure envisagée comme une hallucination véridique, sur la mémoire envisagée comme une illusion véridique, sur la conscience envisagée comme le second moment d’une illusion réprimée, sur la manière dont se forme la notion du moi, sur la construction et l’emploi des cadres préalables, sur la nature et la valeur des axiomes, sur les caractères et la position de l’intermédiaire explicatif, sur la valeur et la portée de l’axiome de raison explicative. — En de pareils sujets, une théorie, surtout lorsqu’elle est fort éloignée des doctrines régnantes, ne devient claire que par des exemples ; je les ai donnés nombreux et détaillés ; que le lecteur prenne la peine de les peser un à un ; peut-être alors ce qu’au premier regard il trouvait obscur et paradoxal lui semblera clair ou même prouvé. […] Au-dessous et à côté des idées, images, sensations, impulsions éminentes dont nous avons conscience, il y en a des myriades et des millions qui jaillissent et se groupent en nous sans arriver jusqu’à nos regards, si bien que la plus grande partie de nous-mêmes reste hors de nos prises et que le moi visible est incomparablement plus petit que le moi obscur. […] Tout ce qui dans l’esprit dépasse « la sensation brute » se ramène à des images, c’est-à-dire à des répétitions spontanées de la sensation. […] L’œil extérieur n’atteint pas les mouvements moléculaires qui s’exécutent dans les fibres et les cellules de l’encéphale ; seul l’œil intérieur peut servir de guide ; il faut avoir recours à la psychologie pour démêler les sensations et les images dont ces mouvements sont l’aspect physique. […] Ici même, notre étude des sensations et des images nous a conduits à une hypothèse sur la structure, les connexions et le jeu intime des cellules cérébrales.
Depuis la Renaissance, les écrivains supérieurs semblent à quelques égards procéder les uns des autres et, selon la belle image de Lucrèce, se passer de main en main le flambeau de la vie, qui brille de plus en plus à mesure qu’on approche de l’époque de perfection. […] Mais ces noms tirés de l’histoire générale, cette gravité, cette rhétorique, grossière image de l’éloquence, charmaient les esprits. […] Mais nulle part l’image n’en est plus frappante que dans le combat entre Rodrigue et Chimène. […] Cette lutte remplit la pièce ; c’est la pièce tout entière ; on ne s’en lasse point, tant cette image de la vie est forte et attachante. […] Un amour épisodique n’inspirera pas au poète un langage touchant, pathétique, durable, et s’il l’emploie comme embellissement, il risque de ne donner qu’une image bientôt surannée de la manière dont on comprenait l’amour de son temps.
À mesure que la scène avance, l’image du diable à ressort se dessine mieux, si bien qu’à la fin les personnages eux-mêmes en adoptent le mouvement, Sganarelle repoussant chaque fois Pancrace dans la coulisse. […] Serrons de plus près encore l’image du ressort qui se tend, se détend et se retend. […] Ouvrons maintenant un livre d’images pour enfants : nous allons voir ce dispositif s’acheminer déjà vers la forme d’une scène comique. […] Même dispositif dans bien des images pour grandes personnes. […] Elles évoqueront plus ou moins confusément dans notre esprit une image que nous savons drôle.
Nous n’avons que deux moyens d’expression, le concept et l’image. […] Pour peu que l’objet ait remué, ou que l’œil ait remué, il y a eu, non pas une image, mais dix, cent, mille images, autant et plus que sur le film d’un cinématographe. […] — Supposons toutes ces images emmagasinées ; à quoi serviront-elles ? […] On ne saurait la représenter par des images. […] Or, l’image a du moins cet avantage qu’elle nous maintient dans le concret.
— Notre religion romaine et italienne se manifeste de plus en plus dans les moindres détails, et par le caractère même des images exposées aux vitres des boutiques d’ornements catholiques. Plusieurs de ces images représentent la conversion de M. […] Toute cette image de conversion est du plus joli galant.
Ce morceau, ainsi que beaucoup d’autres, où il a employé des images qui ne sont point dans l’Original, donnent l’idée la plus avantageuse de son talent, & doivent le faire distinguer de la foule des Poëtes Traducteurs. […] Il est donc bien plus digne des soins de quiconque est né avec du talent, de ne pas s’asservir à rendre un Original mot à mot, phrase par phrase, idée par idée, image par image.
Le tourbillon lui paraissait une image passagère du chaos, suscitée fortuitement au milieu de l’œuvre merveilleux de la création. […] Le crépuscule, qui n’est d’abord ni le jour ni la nuit, image de nos faibles pensées, image qui avertit le philosophe de s’arrêter dans ses spéculations, avertit aussi le voyageur de ramener ses pas vers son asyle. […] Le règne des images passe, à mesure que celui des choses s’étend. […] Dans l’enfance on nous prononçait des mots ; ces mots se fixaient dans notre mémoire et le sens dans notre entendement ou par une idée ou par une image, et cette idée ou image était accompagnée d’aversion, de haine, de plaisir, de terreur, de désir, d’indignation, de mépris. […] La ligne perpendiculaire, image de la stabilité, mesure de la profondeur, frappe plus que la ligne oblique.
Tout le travail de l’artiste sera donc celui-ci : faire concorder selon l’eurythmie l’analyse logique de la phrase, les plans des images et les formes musicales qui en sont le naturel support. […] Il est homme avant d’être artiste ; pour lui, vivre c’est agir, regarder est une joie puissante, puisqu’en l’action, puisqu’en les images se développe et se précise le moi. […] Griffin l’analyse, vers par vers, du discours et des images, est conduite encore plus loin. […] Mais que feront des poètes moindres, que fera l’adolescent littérateur qui jette sa pensée vierge dans le tumulte des images et des rythmes ? […] Si le rythme se développe dans les harmonies, l’âme devient et se révèle par ses images ; elle l’enseigne au songeur et lui aide à retrouver le But dont son génie ressent l’attirance divine.
Hugo : il pense par images. […] Hugo ne pense que par images : l’idée, ramassée en un seul mot, lui apparaît liée à une forme sensible, qui la manifeste ou la représente, qui par ses affinités propres en détermine les relations, en sorte que les associations d’images dirigent le développement de la pensée. […] Hugo a les gaucheries et les spontanéités de l’humanité primitive : sa raison obscure, troublée de mille problèmes, qu’elle ne peut résoudre ni manier en leur abstraction, les pose en images concrètes : il crée des mythes. […] Il les mêle aux mots techniques : c’est un moyen d’agrandir la réalité, de développer des images finies en symboles fantastiques. […] Sully Prudhomme a réussi plus constamment dans la courte méditation qui réalise par une image gracieuse ou touchante quelque vérité philosophique, un fait de notre vie morale, une loi de la vie universelle.
Réalité et grandeur des images, vérité et sincérité d’inspiration, elle offre tous ces caractères, mais avec quelques taches de détail. […] Il est fâcheux que, par son besoin immodéré de suivre l’analogie de l’image matérielle jusque dans ses moindres circonstances, M. […] Puis la vanité vient et raye, égratigne avec son poinçon aigu la surface jusque-là vierge ; puis l’impiété, l’impureté aux grossières images. […] Hugo l’a revêtu d’une exacte et merveilleuse image. […] Nous avons noté à regret les images suivantes : Napoléon qui va glanant tous les canons, une charte de plâtre qu’on oppose à des abus de granit, des écueils aux hanches énormes, Rome qui n’est plus que l’écaille de Rome, etc.
Cette langue antique, toute composée de syllabes sonores et d’images rayonnantes, m’étonnait et me ravissait ; il me semblait n’avoir entendu jusque-là que des mots ; mais ici c’était de la musique dans l’oreille, de la peinture dans les yeux, de l’enivrement dans tous les sens. […] Je devais retrouver avec délices, dans les descriptions de Théocrite, de Virgile, de Gessner, les images connues et embellies par l’imagination de ces poètes. […] Le père Béquet lui-même, très indulgent de sa nature, semblait atteint comme nous de cette sorte de somnolence générale ; il nous lisait et nous commentait, sans goût et sans verve, je ne sais quels vers ou quelle prose des livres classiques dont les images et les pensées étaient aussi usées pour lui et pour nous que le parchemin taché d’encre de nos livres d’étude. […] Cette triple splendeur est peut-être ce que la nature a de plus beau ; car, en nous donnant l’idée de la perpétuelle magnificence et de la toute-puissance de Dieu, elle nous montre aussi une image éclatante de sa glorieuse Trinité. […] De ce moment le nom de M. de Chateaubriand fut une fascination pour nous ; il remplit notre esprit d’un éblouissement d’images et notre oreille d’un enivrement de musique qui nous donnait le vertige de la poésie.
Mais, à quelque image que l’on se reporte, on ne démontre pas, on ne démontrera jamais que le fait psychologique soit déterminé nécessairement par le mouvement moléculaire. […] Désignons donc par X et Y ces tendances elles-mêmes : notre nouvelle notation présentera-t-elle une image plus fidèle de la réalité concrète ? […] Les mathématiques nous fournissent, en effet, l’image d’une préformation de ce genre. […] Il faudra, par conséquent, faire table rase de cette image et lui substituer la formule abstraite du mouvement qui engendre la figure. […] Mais il y a une préformation d’un autre genre, plus familière encore à notre esprit, parce que la conscience immédiate nous en fournit l’image.
Fénelon n’a-t-il pas associé dans une même image deux roseaux d’espèce différente ? […] Le bon Joinville, en son voyage d’Égypte et de Syrie, nous est une image fidèle de ces époques naïves et ferventes, pour qui le miracle éclatait et renaissait à chaque pas. […] Il voit la nature toute fleurie, toute vivante sous ses plus riants emblèmes ; il rejoint plus directement les objets de sa piété aux images de la nature physique, aux vendanges, au printemps. […] Fénelon est racinien de ton ; il a la distinction et le fini des sentiments, il a plus rarement l’image. […] J’ai parlé d’images : en voici une qui me paraît du plus vif et du plus joli Fénelon.
Il ne travaille point à expliquer ni à prouver ; tableau sur tableau, image sur image, il copie incessamment les étranges et splendides visions qui s’engendrent les unes les autres et s’accumulent en lui. […] Toutes les forces de son esprit se concentrent sur l’image ou sur l’idée présente. […] Les sonnets sont un délire d’idées et d’images creusées avec un acharnement qui donne le vertige. […] » Elle fuit cette cruelle image, et pourtant elle garde incessamment au fond du cœur une angoisse secrète. […] Au milieu de la conversation, l’image de son père surgit devant son esprit.
Toutes les images qui ont passé devant ce miroir de son imagination vive et tendre s’y sont fixées comme, dans un courant limpide, les rameaux, les fleurs, les colombes du bord. […] » Et l’ode est finie, comme elle est commencée, par une image de félicités, entre lesquelles une sombre image de la brièveté de la vie, comme un cyprès noir entre deux arbustes verts et roses couverts de la blanche neige des fleurs du myrte ou des pâles roses des premiers églantiers fleuris. […] Il personnifie dans cette ode Rome dans un vaisseau qui porte les Romains, image neuve et belle alors, devenue banale et usée aujourd’hui dans tous les discours de nos mauvais orateurs et de nos vulgaires publicistes : le temps use les images comme il use tout. […] » La mélancolie de l’avenir, cette ombre qui sert à relever les courtes félicités du présent, fut-elle jamais plus inextricablement mêlée aux images de la volupté et de l’opulence ? […] On ne reconnaît pas ici son bon goût attique dans la lubricité des images : le goût pur est dans l’âme pure.
La métaphore est condamnée : à sa place vient l’image, qui n’est pas procédé d’écriture, mais façon de sentir. […] C’est qu’il y voit l’image de la Providence. […] Chaque poème est né d’une image : un livre qu’on publie, c’est une bouteille jetée à la mer. L’image se développe, s’assimile tous les éléments qui peuvent la compléter, s’organise, devient une réalité vivante, qui reste le symbole d’une pensée profonde. […] Pas d’images curieuses ou originales ; pas de style savant et artiste ; le jargon pâteux, incolore, banal de tout le monde : le style de Scribe, pour tout dire.
Jamais chez Baudelaire les images ne foisonnent sur place ainsi que chez les inspirés. […] C’est aussi que Claudel pense avec des images, avec ses sens. […] Elle aspire Dieu et elle expire une image marquée de son propre sceau. […] Au lieu de se développer suivant une courbe calculée, elle se compose du tumulte même des images. […] Il repousse l’image de ce qui est pur, immobile, inflexible.
Encore aujourd’hui, si éloignés que nous soyons de l’imitation corporelle, ils gardent avec eux une partie du cortège qui les entourait à leur naissance ; ils renaissent en nous accompagnés par l’image des gestes que nous avons faits lorsqu’ils sont venus sur nos lèvres ; ils traînent après eux la figure de l’objet qui pour la première fois les a fait jaillir. […] L’auteur déguise alors sa pensée comme s’il en avait honte ; il en efface les traits saillants et le caractère simple, et ce n’est plus elle qu’on aperçoit. — Quand Delille dit : Et d’une horrible toux les accès violents Etouffent l’animal qui s’engraisse de glands, il ne laisse dans l’esprit du lecteur qu’une image froide et vague. […] Junon chez lui, à l’occasion, parle en marchande et compare la queue du paon « à la boutique d’un lapidaire. » Il tourne volontiers au style trivial que sa trivialité rend narquois ; son amoureux est tiraillé entre deux veuves, « l’une encore verte, et l’autre un peu bien mûre » ; il est de moyen âge et « tire sur le grison », mais « il a du comptant, et partant de quoi choisir. » Ailleurs la goutte plante le piquet sur l’orteil d’un pauvre homme, pendant que l’araignée « se campe sur un lambris, comme si de ces lieux elle eût fait bail à vie. » Tout son style est composé ainsi de familiarités gaies ; rien n’est plus efficace pour mettre en notre cerveau l’image des objets ; car en tout esprit les images familières se réveillent plus aisément que les autres, et les images gaies naissent plus promptement que toutes les autres dans l’esprit des Français. […] On agrandit les événements par des images violentes ; on dit d’un richard qui s’enrichit, « qu’il pleut dans son escarcelle » ; on dit des pèlerins alléchés par la vue d’une huître « qu’ils l’avalent des yeux. » On insiste, on redouble, on s’acharne ; on ne se contente pas de dire qu’un avare entasse et compte ; on le montre « passant les nuits et les jours à compter, calculer, supputer sans relâche, calculant, supputant, comptant comme à la tâche. » On revient vingt fois sur le même objet, avec vingt expressions différentes ; un seul mot est impuissant à manifester la sensation intérieure ; tout le dictionnaire y passe ; toutes les images grossissantes ou appétissantes défilent coup sur coup pour l’exprimer. […] Monsieur le mort, laissez-nous faire On vous en donnera de toutes les façons, La multitude des rimes rapprochées étourdit le lecteur et l’accable sous le bruit, en même temps qu’elle oppresse son imagination sous les images, et agrandit l’objet décrit.
Où attendrais-je des scènes d’horreur, des images effrayantes, si ce n’est dans une bataille, une famine, une peste, une épidémie ? […] Non, c’est une image commune. […] Non, puisqu’il y a une image plus rare, celle de l’oiseau qui bat les ailes de joie. Aussi cette image est-elle présentée la dernière, aussi présentée la dernière sauve-t-elle le dégoût de l’image qui précède ; aussi y a-t-il bien de la différence entre ces images rangées dans l’ordre qui suit : je vois les corneilles qui battent les ailes autour de ton cadavre et qui t’arrachent les yeux de la tête… ou rangées dans l’ordre du poëte : je vois les corneilles rassemblées autour de ton cadavre, t’arracher les yeux de la tête, en battant les ailes de joie. […] Il y a donc un art inspiré par le bon goût dans la manière de distribuer les images dans le discours et de sauver leurs effets, un art de fixer l’œil de l’imagination à l’endroit où l’on veut.
L’image a de l’éclat sans être criarde, de l’élégance sans être précieuse. […] Ce sont des descriptions faites au moyen de métaphores et d’images : ce que traduisent réellement ces métaphores ou ces images, n’est pas toujours très évident. […] je suis tellement délaissé que j’offre à n’importe quelle divine image des élans vers la perfection ! […] Aucun poète n’eut peut-être au même degré que celui-ci le don essentiel de l’image. […] Elle se dédouble alors, contemplative et contemplée, l’œil et l’image.
Le fondement du plaisir ; que procurent ces pièces, c’est qu’elles évoquent pour l’auditeur l’image des choses familières : elles utilisent la vie réelle en jouissances d’art, et portent vilains ou bourgeois à la contemplation désintéressée du monde vulgaire où leur existence de désirs et de peines est enclose. […] Il n’y a pas grande merveille non plus dans les descriptions des dix images peintes en dehors sur les murs du verger d’Amour ; mais une chose frappe dans ces portraits : c’est la simplification hardie et juste des éléments moraux, et la précision minutieuse, nette, pittoresque des apparences physiques qui les revêtent et les expriment. […] Ainsi, quand il peint dame Oiseuse, dont la gorge est blanche, Comme est la neige sur la branche Quand il a fraîchement neigé, n’est-ce pas une sensation personnelle et toute frissonnante encore qu’il fixe dans cette jolie image ? […] Guillaume de Lorris avait esquissé la figure hypocrite de Papelardie, sans désigner personne : Jean de Meung, avec emportement, brosse l’image horrifique de Faux-Semblant, richement enluminée de tons crus et violents ; et de peur qu’on ne s’y trompe, il ajoute à l’image une légende qui nomme les originaux. […] La grossièreté cynique de ses images ne doit pas nous arrêter : il y a de la grandeur dans la façon dont il a traduit par le lourd martèlement et l’insistance rude de son style l’effort de la nature réparant incessamment la mort par la naissance.
On ne craindrait nullement de conserver, dans la traduction de cette ode grecque il la Fortune, l’image des vicissitudes que voyait t’œil du poëte, et de porter dans l’expression cette alternative de haut et de bas qui fait le sujet même. […] La splendeur du soleil, la magnificence des rois, les merveilles des arts, les palais, les fêtes, la solennité des sacrifices, la guerre avec ses terribles images et sa sanglante parure, les casques d’airain, les aigrettes flottantes plaisent également aux deux poëtes et leur reviennent d’un attrait si vif que ce qui semblerait parfois image vulgaire brille toujours nouveau sous leurs paroles de feu. […] Mais l’image entière, le tableau appartient à l’ordre de leur génie ; et c’est leur voix qu’on entend dans ces paroles de Bossuet. […] Le corps, chez tous, suit la loi de la mort irrésistible ; mais il reste de nous une image vivante du principe éternel : car seule, elle vient des dieux. […] C’est la perfection de la béatitude spirituelle, dans la souveraine intelligence ; ce sont ces incomparables joies, dont le philosophe voyait, ose-t-il dire, comme une image ici-bas dans les ravissants plaisirs de la pensée savante16.
L’image rencontrée par le prophète et par le philosophe ne naissait-elle pas pour l’un et pour l’autre de la vue des mêmes objets ? […] Il faut avouer du moins que certaines identités de pensées et d’images entre la Bible et les livres de Platon doivent étonner, si elles ne convainquent pas. […] Si cette poésie n’est jamais légère et profane, elle se pare cependant des affections douces et des images gracieuses, l’amour, le regret tendre, l’espoir, la joie contenue et la douleur aussi ; car l’une et l’autre peuvent avoir un charme de réserve, qui en est comme la pudeur. […] Il s’agit surtout de ce qui éclate dans beaucoup d’autres, la magnificence des images, l’excès de la passion, le tour extraordinaire de la pensée, ces choses admirables, mais humaines, parce qu’elles ne semblent que le suprême effort et le plus haut degré des dons qui sont en nous. […] Sous les images de l’infinie grandeur, elle enveloppe la loi morale ; et elle n’éblouit les yeux que pour parler à la conscience.
La nature est un immense réservoir d’images et de sensations. […] De là l’emploi obligatoire du symbole, des images accumulées, pour acheminer peu à peu le lecteur au point où son esprit coïncidera avec le nôtre. « Beaucoup d’images diverses, empruntées à des ordres de choses très différents, pourront, par la convergence de leur action, diriger la conscience sur le point précis où il y a une certaine intuition à saisir. En choisissant les images aussi disparates que possible, on empêchera l’une quelconque d’entre elles d’usurper la place de l’intuition qu’elle est chargée d’appeler, puisqu’elle serait alors chassée tout de suite par ses rivales. […] Peu à peu mes mots, mes images, mes gestes, le son de ma voix, l’expression de mon visage se sont saisis de votre esprit, l’ont capté dans leurs réseaux émotionnels.
S’il lui manque de ces expressions originales, et dont quelquefois une seule représente une masse d’idées, il a ce coloris toujours égal, qui donne de la valeur aux petites choses, et qui ne dépare point les grandes ; il n’étonne presque jamais l’imagination, mais il la fixe : il emprunte quelquefois de la poésie, comme Bossuet ; mais il en emprunte plus d’images, et Bossuet plus de mouvements. […] Enfin il a le mérite de la double harmonie, soit de celle qui, par le mélange et l’heureux enchaînement des mots, n’est destinée qu’à flatter et à séduire l’oreille ; soit de celle qui saisit l’analogie des nombres avec le caractère des idées, et qui, par la douceur ou la force, la lenteur ou la rapidité des sons, peint à l’oreille en même temps que l’image peint à l’esprit. […] Ici Fléchier, comme on l’a dit souvent, paraît au-dessus de lui-même ; il semble que la douleur publique ait donné plus de mouvement et d’activité à son âme ; son style s’échauffe, son imagination s’élève, ses images prennent une teinte de grandeur ; partout son caractère devient imposant. […] Alors il fait voir ce grand homme étendu sur ses trophées ; il présente l’image de ce corps pâle et sanglant, auprès duquel, dit-il, fume encore la foudre qui l’a frappé, et montre dans l’éloignement les tristes images de la religion, et de la patrie éplorée.
Le moment vient même où l’entassement des images peut être appelé beauté. […] Par le choix sévère des expressions, par l’ordonnance heureuse des images. […] Mais n’y a-t-il pas parmi les images qu’il emploie un grand nombre d’images triviales ? […] Malgré lui, sans le savoir, Maurice trouve dans le chêne obéissant l’image de sa cousine. […] L’idée se laisse toujours apercevoir sous l’image.
., images décevantes, à la suite desquelles on est allé jusqu’à l’excès d’ôter le nom de poète à Molière et à La Fontaine. […] Si quelques-unes nous veulent parler du devoir, l’accent y manque, et l’image qui les fait briller y remplace l’émotion qui les rendrait persuasives. […] Dans ce flot de rythmes et cet éblouissement d’images, l’oreille et les yeux font illusion à l’esprit, et c’est même la séduction de cette pièce, de surprendre le goût avant qu’il ait fait ses réserves. […] Amené en France à l’âge de deux ans, le beau soleil du Languedoc conserva et fixa dans sa tête enfantine les images flottantes du pays natal. […] Otez de leurs élégies la rime, les images mythologiques, les périphrases, il reste de la prose érotique.
On aura ainsi une image du continu physique à n dimensions, et cette image sera aussi fidèle qu’elle peut l’être du moment qu’on ne veut pas laisser subsister la contradiction dont je parlais plus haut. […] Pourquoi alors suis-je conduit à juger que ces deux sensations, qualitativement différentes, représentent une même image qui s’est déplacée ? C’est parce que je puis suivre l’objet de l’œil et, par un déplacement de l’œil volontaire et accompagné de sensations musculaires, ramener l’image au centre de la rétine et rétablir la sensation primitive. Je suppose que l’image d’un objet rouge soit allée du centre A au bord B de la rétine, puis que l’image d’un objet bleu aille à son tour du centre A au bord B de la rétine ; je jugerai que ces deux objets ont subi le même déplacement. […] Quand on cherche à analyser ce sentiment, on constate qu’il se réduit soit à la conscience de la convergence des yeux, soit à celle de l’effort d’accommodation que fait le muscle ciliaire pour mettre l’image au point.
Les livres sont l’image la plus fidèle de l’État : ils sont aussi, dans une certaine mesure, l’image du roi, ou plutôt et cette réserve est à l’honneur seul des écrivains l’image de ce qu’il y avait du grand homme dans le roi. […] Louis XIV avait imprimé dans tous les esprits une image de beauté, de grandeur et de naturel, demeurée plus forte que les préventions personnelles. […] C’est donc à Versailles qu’il faut aller chercher l’image du génie et de la personne de Louis XIV. […] A aucune époque notre société n’a offert une image plus parfaite de l’esprit français. […] Il n’en retint que la profondeur et ce vif sentiment des misères humaines qu’elle a exprimé par une si grande variété d’images tirées de la vie.
L’image de la mort plane sur les Méditations ; mais c’est une image qui n’est ni lugubre ni sombre. […] L’esprit de Victor Hugo est tout plein de belles images. Victor Hugo a le don de penser en images ; mais il ne se contente pas de penser en images : ces images, il les multiplie, il les renforce par ses procédés de développement, si vous voulez, par sa rhétorique. […] Victor Hugo, nous le voyons, commence par traduire son idée en image, puis il renforce l’image par les développements, enfin il soutient l’image et le développement par le rythme, par la cadence. […] Les images qui s’y présentent à l’esprit de Musset ne sont que des images douloureuses.
Il y a bien deux chapitres sur les images dans le livre de M. […] Albalat note avec raison « qu’il y a des images qu’on peut renouveler et rajeunir ». […] Comment une sensation devient-elle une image ; l’image, une idée ; comment l’idée se développe-t-elle ; comment prend-elle la forme qui nous semble la meilleure ; comment, s’il s’agit d’écriture, la mémoire verbale est-elle mise à contribution ? […] Véritablement l’association et la dissociation des idées (ou des images : l’idée n’est qu’une image usée) évoluent selon des méandres qu’il est impossible de déterminer et dont il est difficile même de suivre la direction générale. […] Chabaneix dit (p. 17) que ceux qui pensent souvent par images visuelles sont sujets à des rêves ou les images s’objectivent amplifiées.
Les cruelles images de M. […] Le mot est une image : à chaque mot doit répondre une image, une notion nette, unique. […] Les termes ne sont plus des images, dans notre esprit, mais nous suggèrent tout au plus de lointains fantômes d’images. […] Mallarmé, nous aura donné l’image d’un artiste véritable. […] L’image y est colorée et précise, et les idées les plus abstraites n’y apparaissent qu’en images.
Mais supposons, à l’intérieur de la fusée, un appareil optique et photographique capable de photographier toutes ses étincelles, tout son trajet brillant, et même le trajet des autres fusées : ce sera une sorte de mémoire, si la fusée sent à la fois sa lueur présente et les images affaiblies de ses lueurs passées, disposées selon une ligne fuyante. […] La conséquence finale est la survivance, par hérédité, des cerveaux qui aboutissent le mieux à la formation de cette image intérieure, de ce foyer intellectuel et appétitif : le moi. […] De plus, l’image de la jouissance passée continuant d’accompagner la sensation présente, l’être tendra à maintenir cette image, à faire ainsi du passé le perpétuel accompagnement du présent, à multiplier le présent par le passé : il deviendra avide du souvenir, ce moyen de prolonger en arrière son existence, comme il est avide de tout ce qui peut amplifier et étendre sa vie. Il tendra ainsi à répéter sa propre image dans une perspective sans fin, ouverte derrière lui, sorte de percée triomphante de la vie à travers toutes les causes de destruction qu’elle a surmontées. […] Que l’image de la dent subsiste avec celle de la douleur, le mouvement de fuite se produira et, l’identité se projetant du passé à l’avenir, l’être deviendra capable de prévision par le souvenir même.
C’est assez d’avoir pu rallier à ce nom, par un art délicat et charmant, les images de la poésie grecque et jusqu’au souvenir de l’antique vertu romaine. […] De qui la folâtre image de la voix redira-t-elle le nom, sur les hauteurs ombragées d’Hélicon, ou sur le Pinde, ou sur le frais Hémus ? […] Après lui, toutefois, Pallas a les premiers honneurs. » Ce qui manque au poëte de crédulité naïve et religieuse, il le remplace par une raison plus haute, par cette noble et précise image, sinon du Dieu unique, au moins du Dieu suprême. […] Le disciple de la Grèce et d’Épicure dira sur le ton de Pindare : « Les crimes de tes aïeux, ô Romain, tu dois les expier, même sans être coupable, jusqu’à ce que tu aies réparé les temples, les demeures croulantes des dieux et leurs images souillées de poudre. […] De là le jugement du critique ancien qui nous dit : « Des a poëtes lyriques, Horace est presque le seul digne d’être lu ; car il s’élève par moment, il est plein d’enjouement et de grâce, et, dans la variété de ses images et de ses expressions, il déploie la plus heureuse audace.
Il sortit donc de ces années préparatoires avec un renfort de couleur, une science de tons et une décision d’images à tout prix, qui, après quelques essais moins remarqués, ont trouvé enfin leur cadre et leur jour : dans l’école, aujourd’hui renouvelée, de M. […] Si elle reproduit tout à fait la mythologie et le fantastique des moralités et des peintures du moyen âge, elle n’en est pas un simple pastiche ; le manque absolu de foi et l’idée de néant qu’y jette l’auteur, en deviennent l’inspiration originale ; après tout, cette image physique de la mort, horrible, détaillée, continuelle, obsédante, ce n’est que celle qu’avaient les chrétiens de ces âges pieusement effrayés ; mais le poète, en prenant les images sans la foi, les éclaire d’une lueur plus livide, et qui les renouvelle suffisamment.
Les images se fondent dans le récit et en couronnent discrètement chaque portion, sans se dresser avec effort et sans vouloir se faire admirer : Bernardin a l’image légère. […] À propos d’un changement de lune et d’un redoublement de pluie au mois de mai, il lui écrit : « Cette abondance d’eau accélère la pousse des végétaux ; elle est nécessaire à leurs progrès et à leurs besoins : le mois de mai est un enfant qui veut toujours téter. — Je t’embrasse, mes amours, mes délices, mon mois de mai. » Ce mois de mai, qui est un enfant qui veut toujours téter, n’est-il pas la plus gracieuse et la plus parlante image, surtout adressée à une jeune femme, à une jeune mère ? […] C’est là, pour le style et le riant de l’image, du saint François de Sales tout pur. […] Trois réponses à faire à trois candidats, des regrets à donner à ceux dont ils occupaient les places, lui fournissaient des idées nombreuses et variées, des images brillantes ou aimables comme les talents qu’il avait à célébrer… Il a loué les trois récipiendaires et leurs trois prédécesseurs, mais il ne s’est pas assez arrêté sur leur éloge, et l’on peut dire qu’il les a traités comme Pindare (lisez Simonide) traitait les héros des jeux Olympiques, dont sa muse se contentait de dire un mot, pour parler ensuite de Castor et Pollux. […] La comparaison de l’aigle qui ne vint qu’à la fin du discours après l’homélie philosophique, et qui, détachée aujourd’hui, produit tant d’effet, ne se trouve point particulièrement indiquée dans les extraits critiques que j’ai lus, et, si elle fut remarquée, je crains que ce n’ait été plutôt à titre d’image singulière et risquée, eu égard au goût du temps.
ce n’est pas ce qui est vicieux, car l’image en serait haïssable ou dégoûtante, mais ce qui est ridicule et honteux, parce que l’image qu’on en offre excite le rire. […] Voulez-vous quelque exemple du sublime d’images ? […] S’éteint ; éteindre se rapporte au mot feu, et continue l’image. […] Le premier, soldat républicain, étale les images des victoires de sa patrie et de la chute des trônes, dans le cours de sa carrière poétique. […] grande et forte image de l’enchaînement d’un premier crime qui précipite les coupables à de nouveaux attentats.
Si vous réduisiez ce livre, impudent de citations, aux idées strictes de Taine, tout se réduirait à quelques pages dont l’idée même ne lui appartiendrait pas : « Sensation et image, — dit-il en commençant, — voilà toute l’intelligence humaine ! […] « La loi fondamentale, — continue-t-il, — c’est la tendance de la sensation et de l’image à renaître. » Et si c’est toute l’intelligence que cela, c’est aussi tout le livre. […] que des possibilités de sensation et d’image. […] Toutes ces constructions de sensations, toutes ces reviviscences d’images, toutes ces études d’hallucination, toutes ces dentelles d’analyses physiologiques faites au microscope, tous ces fils de la Vierge qu’on nous montre entre l’index et le pouce, toutes ces bluettes, en fin, qu’on veut nous donner et qu’on nous donne, c’est pour que nous ne puissions apercevoir du premier regard le but où l’on veut nous conduire, et ce but, c’est de réduire les plus grandes et les plus vivantes choses qu’il y ait dans le cœur et la tête de l’homme : Dieu, l’âme et le devoir, à n’être qu’une vile sensation, un ridicule bruit de sonnette dont on tire le cordon, en attendant qu’avec ce cordon on puisse les étrangler.
. — Richesse de ses images. — Lyrisme et sublimité de sa diction. […] La puissante logique qui étend les périodes soutient les images. […] D’elle-même la passion suit ; l’exaltation l’apporte avec les images. […] Celui qui tue un homme tue une créature raisonnable, image de Dieu ; mais celui qui détruit un bon livre tue la raison elle-même, tue l’image de Dieu dans l’œil où elle habite. […] Spenser est une glace unie qui nous remplit d’images calmes.
Et comme le marquis d’Argenson dit en terminant : « Mon imagination aime les images, et le bonheur coule de là chez moi par les sens », au lieu de cette parole expressive, l’éditeur de 1825 lui fait dire : « Mon imagination aime les images ; il me semble qu’à la lecture de nos vieux romanciers le bonheur me pénètre par tous les pores » ; transportant ainsi à la lecture des romans ce qui est dit, au sens physique, de la seule vue des images et des estampes.
Les descriptions et les images que font ses interlocuteurs sont très-convenables au caractere de la poësie pastorale, et il y a plusieurs de ces images que Virgile auroit emploïées volontiers. […] Un jeune prince qui s’égare à la chasse, et qui seul, ou bien avec un confident, parle de sa passion, et qui emprunte ses images et ses comparaisons des beautez rustiques, est un excellent personnage pour une idille.
Telle est la troisième idée qu’évoquera l’image de l’élan vital. — Allons plus loin. […] Cette image n’en existe pas moins, et il suffit d’un léger effort pour la ressaisir. C’est tout simplement l’image visuelle du corps, dégagée de l’image tactile. […] Un esprit non prévenu mettra l’image visuelle et l’image tactile au même rang, leur attribuera la même réalité, et les tiendra pour relativement indépendantes l’une de l’autre. […] Elle suscite l’image qui rassure.
M. de Régnier est le poète riche par excellence, — riche d’images ! […] Il regarde, il écoute, il flaire, il chasse l’oiseau, le vent, la fleur, l’image. […] Avant de s’endormir, il compte ses images ; « dociles elles renaissent au gré du souvenir. » M. Jules Renard s’est donné lui-même ce nom : le chasseur d’images. […] Paul Adam use d’une langue vigoureuse, serrée, pleine d’images, neuve jusqu’à inaugurer des formes syntaxiques.
Bedloe, en une procession d’éclatantes images. […] Les sombres allégories du Palais hanté, du Ver conquérant, de la Cité en la Mer voilent les images de la Folie, de la Mort, du Jugement dernier, sous la noire dentelle de leur style. […] Analysée en ses éléments, l’idée d’originalité se résout en l’accolement de deux ou plusieurs images qui ne se présentent pas d’ordinaire consécutivement, qui ne s’associent pas dans l’expérience ou la mémoire. […] Évidemment dans l’esprit de cet homme, les images ne se suivaient ni ne se coordonnaient à l’imitation de la réalité ; par un dérèglement léger qui, grossi et constant, serait celui de la manie, elles se succédaient parfois sans ordre, automatiquement ; ou bien Poe, écartant volontairement les chaînons intermédiaires, se plaisait à joindre les termes extrêmes d’une série d’images conséquentes. […] Si la faculté de voir et de retenir des images horribles n’eût été contenue par l’intelligence, Poe aurait ressenti la terreur et perçu les hallucinations qui empêchaient Hoffmann d’écrire seul la nuit.
Aveuglant leur jugement, il les met en posture de prendre le change sur eux-mêmes et de s’identifier à leur propre vue avec l’image qu’ils ont substituée à leur personne. […] Mis aux prises avec cette nouvelle réalité, son pouvoir de s’imaginer autre qu’elle n’est trahit encore son impuissance à modifier le monde extérieur ; aucune image adverse ne peut empêcher que les effets souscrits ne soient présentés à leur échéance, qu’impayés ils ne soient protestés. […] Il l’a nommée le mal de la Pensée, de « la Pensée qui précède l’expérience au lieu de s’y assujettir »1, « le mal d’avoir connu l’image de la réalité avant la réalité, l’image des sensations et des sentiments avant les sensations et les sentiments… »2 C’est, dit-il à l’occasion des personnages de Flaubert, à cette image anticipée, « à cette idée d’avant la vie que les circonstances d’abord, puis eux-mêmes font banqueroute » 3. […] Rien n’a d’action sur elle qui ne soit image, qui n’ait été préalablement déformé et transposé à son usage par un acte de son imagination. […] Ayant exilé de son âme tous les sentiments qu’elle est propre à éprouver, s’en étant attribué d’autres qui sont fictifs et que, par conséquent, les réalités n’ont pas le pouvoir de susciter en elle, on conçoit qu’elle haïsse ces réalités pour cette impuissance à s’émouvoir à leur contact, dont elle est seule responsable et dont elle les coupables ; tel est le cas lorsqu’elle est insensible à l’amour de son mari, parce qu’il ne répond pas à l’image anticipée qu’elle s’est faite de la passion.
Et pourquoi ces trois petits phénomènes et ces trois images sont-ils à nos yeux la seule poésie de ce vaste espace ? Parce que de ces trois phénomènes et de ces trois images il sort pour nous une émotion, et que de cette immense plaine d’épis il ne sort que de la richesse. […] L’épi est utile, mais l’alouette vit, le grillon rappelle, la brise représente, le cœur sympathise, la mémoire se déplie, l’image surgit, l’émotion naît, avec l’émotion naît la poésie dans l’âme. […] Si une flotte dont on attend le retour montre au coucher du soleil les étages successifs de ses voiles surgissant une à une, comme un troupeau de moutons qui monte une colline au-dessus de la courbe de l’horizon, on songe aux canons qui ont grondé dans ses bordées, aux vaisseaux qui ont sombré sous les boulets des ennemis, aux morts et aux blessés qui ont jonché ses ponts sous la mitraille, toutes les images de la guerre, de la mort pour la patrie, de la gloire et du deuil assiégent la pensée. — Émotion ! […] XVI Ces deux harpes dont les cordes rendent des sons différents selon l’âge de leurs fibres, mais aussi mélodieux à travers le réseau blanc qu’à travers le réseau blond de ces cordes vivantes ; ces deux harpes ne sont-elles pas l’image puérile, mais exacte, des deux poésies appropriées aux deux âges de l’homme ?
Et cependant ce n’était pas encore la poésie anglaise donnant l’image la plus rapprochée du génie lyrique des peuples libres. […] Cowley lui-même, celui qui, dans une vision en prose sur Cromwell, a rencontré quelques images dignes de Milton ou de Bossuet, n’a tiré du moule pindarique, chauffé à grand renfort de souffle, que de grossières scories ; et, pour trouver dans ce temps même d’obsession biblique un écho, et comme dit Horace, une image de la lyre thébaine, il faut chercher loin de la foule l’abri suspect et solitaire de l’aveugle Milton, et là, pieusement écouter quelques-uns des accents dont il fait la prière des anges en présence de Dieu, ou qu’il chante lui-même à l’entrée du bocage nuptial d’Éden. […] se démêla de ce déluge de métaphores et d’hyperboles, et en sortit, une belle ode à la main, pour célébrer sainte Cécile et le pouvoir divin de la musique : et combien encore, dans cette ode, sous le jeu brillant des images et les marches précipitées du rhythme, un art trop visible dément-t-il l’inspiration, pour laisser voir un calcul de contrastes qui descend quelquefois jusqu’à la puérilité ! […] Il n’aura pas, comme Byron, couru le monde barbare et voluptueux de l’Asie pour y ramasser des images, et, s’il est possible, des accidents nouveaux de la nature et du cœur. […] Si un sérieux jugement peut se fonder sur les échantillons trop peu nombreux que nous a laissés le ravage du temps, Pindare, pour la grandeur des images et la majesté, est surpassé par M.
Et quand il tient une image, comme il la serre, de peur qu’elle ne lui échappe ! […] Jules Laforgue Ce grain de poésie unique où fermente toujours (même quand les mots parlent d’autre chose) la nostalgie des quais froids de la Seine aux rives vicieuses et mal aux cheveux pour la jeunesse passée aux Indes… Ça lui fait trouver une gamme d’images qui n’est ni l’image renforcée de Hugo, ni l’image déliquescente d’instinct des décadents : quelque chose d’inimitable, de sentimental… Baudelaire : chat, Indou, Yankee, épiscopal, alchimiste. […] II Nous nous sommes conquis sur l’antique univers ; Nous le repétrirons, ô Maître, à notre image ; Et couronnes d’insulte aussi bien que d’hommage, C’est pourquoi nous passons, portant des rameaux verts.
Quant à ce sublime, qui résulte du choc d’une grande pensée et d’une petite image, nous allons en voir un bel exemple en parlant des comparaisons. […] Ézéchiel, prophétisant la ruine de Tyr, s’écrie : « Les vaisseaux trembleront, maintenant que vous êtes saisie de frayeur ; et les îles seront épouvantées dans la mer, en voyant que personne ne sort de vos portes114. » Y a-t-il rien de plus effrayant que cette image ? […] Venons aux exemples de narrations, où nous trouverons réunis le sentiment, la description, l’image, la simplicité et l’antiquité des mœurs. […] La reconnaissance est mieux amenée dans la Genèse : une coupe est mise, par la plus innocente vengeance, dans le sac d’un jeune frère innocent ; des frères coupables se désolent, en pensant à l’affliction de leur père ; l’image de la douleur de Jacob brise tout à coup le cœur de Joseph, et le force à se découvrir plus tôt qu’il ne l’avait résolu. […] Mes jours ont été courts et mauvais, et ils n’ont point égalé ceux de mes pères120. » Voilà deux sortes d’antiquités bien différentes : l’une est en images, l’autre en sentiments ; l’une réveille des idées riantes, l’autre des pensées tristes ; l’une, représentant le chef d’un peuple, ne montre le vieillard que relativement à une position de la vie ; l’autre le considère individuellement et tout entier : en général, Homère fait plus réfléchir sur les hommes, et la Bible sur l’homme.
Ce sont, dans Virgile, ses propres sujets, les mêmes images. […] On se transmet les inspirations, les récits, les images, les idées. […] Chateaubriand eut par excellence le style de couleur et d’images. […] Ici, tout est en relief, tout est créé : pensée, mot, image. […] C’est l’image de la mort qui a donné de la gloire à leur vie.
De ce qu’elles sont encore enfoncées dans les images, de ce que l’enfant les prend en bloc, dans leur forme concrète, sans les extraire de leurs circonstances locales et particulières. Sa mère, dont le nom fait battre tout son cœur, dont l’image emplit son cerveau, qui est présente dans tous ses souvenirs et dans toutes ses espérances, lui a recommandé, dans des termes qu’il sait par cœur, dans une lettre écrite sur certain papier, qu’il a dans sa poche, et dont son esprit aperçoit sans cesse la dimension, la forme et la couleur, de ne pas dire ni à tel et tel, qu’elle nomme, ni à personne, qu’elle lui a envoyé cinq louis d’or, qu’il a tenus entre ses doigts et qu’il a fait rouler un peu vite : tout cela forme un ensemble unique et compact d’idées et d’images. […] L’enfant ne voit pas que la crainte de chagriner légèrement sa mère ne doit pas l’amener à se laisser déshonorer : comment le verrait-il, s’il ne détache pas par l’abstraction les fragments des deux images qui peuvent se comparer et se mesurer ?
La nouvelle série s’ouvre par un manifeste : la Décadence, où on lisait ceci : « Notre époque, fleurie de crimes habilement forfaicturés, de cabarets et de tavernes aux prétentions littéraires et aux vitraux peints, de prostitution étonnamment raffinée, de perversité cruelle et de blasement général, nous est l’image fidèle de l’ère des derniers Césars… Notre fin de dix-neuvième siècle, en notre Paris fait un peu de Rome, s’écartant de l’ornière creusée par le Roi-Soleil, dans les lettres, devait être taxée de Décadence. […] Paul Verlaine est un prodigieux ouvrier qui a vidé son âme de pensées ou d’images, et ouvre des assonances d’une légèreté et d’une dolence fluides. […] Les images ont pour but de faire saillir le caractère d’une chose en les faisant reconnaître dans une autre ; la comparaison, en les détachant, les met en évidence. Les images sont particulièrement utiles à l’expression des sentiments.
Je m’explique : Longtemps cette incertitude pesa sur les consciences d’artistes : La poésie doit-elle être d’Idées ou d’images ? Déjà Horace avait dit : « Ut pictura poesis », et Rimbaud semblait convaincu que l’Image seule est poétique. […] Il est incontestable que l’Image a plus d’activité poétique que l’Idée, mais elle manque de sanction. […] Léon Bloy, pensait autrement à qui l’image de Corbière n’évoquait que l’idée d’un « calicot », celle de Mallarmé « d’un professeur de billard » et celle de Rimbaud « d’un vélocipédiste assassin ».
« Le repos salutaire circule dans les veines, et calme par la fraîcheur du sommeil le cœur dégagé de soucis ; mais l’intelligence s’échappe d’un rapide essor, et sous des images diverses elle voit les choses cachées. […] « Mais celui qui souilla son cœur de la contagion des vices, jouet de frayeurs sans nombre, voit de menaçantes images. » D’autres incidents de la vie étaient consacrés par les chants du poëte. […] que tu me rendes l’image que je te livre. […] De vaines images trompaient nos âmes avides et légères.
Porte au-delà des mers leur image chérie, Et fixe-toi près d’eux dans une autre patrie. » Il dit ; et dans ses bras emporte à mes regards La puissante Vesta qui gardoit nos remparts, Et ses bandeaux sacrés, et la flamme immortelle Qui veilloit dans son temple, et brûloit devant elle80. […] Telle est l’incohérence des pensées, des sentiments et des images d’un songe. […] Dans Racine il y a concordance, et dans Virgile contraste d’images.
Nulle image plus forte n’a peint l’excès des tourments qui déchirent l’orgueil écrasé. […] Comment concilier l’image de la beauté avec les convulsions de la colère et de la féroce rage ? […] Voilà l’image des fureurs inspirées par les sectes aveugles qui divisent les citoyens et les parents. […] Il faut que de simples et douces images remplacent les objets pompeux ou redoutables de notre méditation. […] Ni les discours, ni les situations, ni les images ne changent.
En effet les beautés les plus fréquentes des poëtes consistent en des images vives et détaillées, au lieu que les raisonemens y sont rares, et presque toujours superficiels. […] Mais ces vérités se sentent peut-être mieux dans la simple exposition que j’en fais, que dans l’iliade et l’odissée entiéres, où elles me paroissent noyées dans une variété infinie d’événemens et d’images. […] Un enthousiasme trop dominant ressemble à ces yvresses qui mettent un homme hors de lui, qui l’égarent en mille images bizarres et sans suite, dont il ne se souvient point quand la raison a repris le dessus. […] Que vous ayez réveillé quelque idée, ou quelque image ; si ce que vous ajoutez, ne produit pas un nouvel effet, l’esprit du lecteur tombe aussi-tôt dans l’inaction, et son oreille même n’est plus flatée de ce qu’il sent d’oisif dans votre ouvrage. […] On retrouve par-tout dans ses odes ces images pompeuses, ces graves sentences, ces métaphores et ces expressions audacieuses, qui caractérisent le poëte Thébain.
Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule. […] Ils créent des idées grandioses, comme les poètes de grandioses images, et il est rare que la faculté créatrice d’images et la faculté créatrice d’idées se trouvent réunies dans le même homme, rare surtout qu’elles fonctionnent ensemble. […] J’ai reçu dans mon âme des impressions, des images… Faust est un ouvrage de fou466. » On fera toujours des théories insignifiantes, comme on fera des poèmes médiocres.
J’entends bien que chaque Poète ne crée pas à nouveau l’univers, mais il le crée en partie pour ceux qui savent le lire et le compléter ; il le créerait totalement si son œuvre était l’Œuvre définitive à laquelle toute l’humanité travaille, et il peut même en donner une image complète dans le domaine restreint qu’il s’est choisi, si, en ces justes limites, son œuvre est parfaite. […] Plus tard, — bientôt sans doute — cet enthousiasme sacré ne sera plus aussi spontané en son beau tumulte, mais le Poète le rappellera par volonté et, s’il a appris à fixer les images de la vie aussi bien qu’il les sentit palpiter, s’il est artiste autant qu’il fut poète, alors sera créée l’œuvre qui dira toute sa pensée. […] Vielé-Griffin et de Régnier ont dû s’éblouir tous les deux de cette magique surprise, mais chez celui-ci la maturité paraît s’être précocément montrée ; l’artiste a très vite contenu le poète, on l’aperçoit dès les livres du début, et dans les Sites déjà le vers est nombreux, ferme de lignes, enrichi d’élégantes images savamment serties qui annoncent l’harmonie des strophes futures. […] Le monde sensible lui apporte des images d’elle-même, car elle ne saisit des choses que ce qui peut l’affecter ; le raisonnement, rapport de plusieurs souvenirs, n’est que la comparaison de divers états de son développement ; tout songe, toute idée, lui révèlent quelqu’un de ses aspects.
L’esprit se complaît dans cette grande image : Eschyle l’hôte du volcan et le voisin d’Encelade. […] Imaginez un statuaire d’Égine taillant âprement des divinités archaïques, sur la frise d’un temple dont Phidias sculpte le fronton : c’est l’image du vieil Eschyle concourant avec le jeune Sophocle, aux grandes Dionysiaques. […] Une grossière image ityphallique représentait Hermès, avant qu’il devînt le type accompli de l’éphèbe. […] A peine venue au monde de l’histoire, elle transforma et rajeunit les vieux dieux ; elle les refit à son image et les doua de son âme. […] Rien de comparable à ses chants lyriques pour l’emportement de l’allure, l’audace effrénée des tours et des rythmes, le débordement des images.
Notre esprit est plein des images du Dieu des Oraisons funèbres, de ce « grand Dieu » qui tient dans ses mains le fil des affaires humaines, et qui fait et défait les empires. […] Ses peintures sont plutôt des sentiments que des images. […] Il semble qu’il n’ait pas osé élever ses regards jusqu’à elles, et qu’il n’ait pas cru permis au chrétien de s’en faire des images trop sensibles. […] Il se tient à égale distance d’une spiritualité aride et du culte grossier des images. […] L’image de la fausse n’est pas dissipée quand il arrive à la vraie, et il continue longtemps à les confondre.
C’est une matière qu’avec plus ou moins d’efforts nous pouvons sculpter à l’image d’une bête ou d’un dieu. […] Lorsqu’il voit que le jour et la nuit s’égalisent, c’est-à-dire que les peuples qui s’agitaient dans les ténèbres se convertissent à la pure lumière, il fait retentir sa voix d’heure en heure, nuit et jour, cherchant la proie qui lui échappe. » Ainsi encore à propos du castor, dont on croyait qu’il s’arrachait lui-même les organes de la génération pour arrêter la poursuite des chasseurs : « De même tous ceux qui veulent vivre chastes en Jésus-Christ doivent arracher les vices de leur âme et de leur corps pour les jeter à la face du démon. » Et ne trouvons-nous pas comme un dernier écho de ce symbolisme dans Bossuet lui-même quand il dit : « Il semble que Dieu ait voulu nous donner, dans les animaux, une image de raisonnement, une image de finesse ; bien plus, une image de vertu et une image de vice ; une image de piété dans le soin qu’ils montrent tous pour leurs petits et quelques-uns pour leurs pères ; une image de prévoyance, une image de fidélité, une image de flatterie, une image de jalousie et d’orgueil, une image de cruauté, une image de fierté et de courage.
Un peu plus loin lui est opposée l’image de l’oiseau, métaphore de l’esprit. […] L’image des oiseaux annonce le thème de l’arrivée vers de nouveaux continents : ceux du rêve et de l’aérien se substituent aux terres de Colomb. […] Cette image semble avoir déjà surdéterminé les métaphores filées antérieures de l’oiseau et de l’envol. L’œil ici se fait oiseau, passage préparé dans le paragraphe précédent par l’image de l’œil qui « perce les nuages ». […] L’image d’Aigues Mortes ressurgit : à la différence de Barrès, les surréalistes ont su prendre le risque de lever les défenses inutiles.
Son séjour à cette abbaye des plus austères et réformée à l’image de La Trappe laissa dans l’âme de Massillon un souvenir des plus délicieux : il y avait goûté dans toute sa douceur le miel de la solitude. […] Chaque développement chez Massillon, chaque strophe oratoire se compose d’une suite de pensées et de phrases, d’ordinaire assez courtes, se reproduisant d’elles-mêmes, naissant l’une de l’autre, s’appelant, se succédant, sans traits aigus, sans images trop saillantes ni communes, et marchant avec nombre et mélodie comme les parties d’un même tout. […] Il n’est pas donné à tous les esprits de sentir et de goûter également ce genre de beautés et de mérites de Massillon : il en est, je le sais, qui le trouvent monotone, sans assez de relief et de ces traits qui s’enfoncent, sans assez de ces images ou de ces pensées qui font éclat. […] « On peut quelquefois, dit Voltaire, entasser des métaphores les unes sur les autres ; mais alors il faut qu’elles soient bien distinguées, et que l’on voie toujours votre objet représenté sous des images différentes. » Et il cite un exemple de Massillon ; il aurait pu aussi bien citer celui qu’on va lire : Souvenez-vous d’où vous êtes tombé ; … remontez à la première origine de vos désordres, vous la trouverez dans les infidélités les plus légères : un sentiment de plaisir négligemment rejeté ; une occasion de péril trop fréquentée ; une liberté douteuse trop souvent prise ; des pratiques de piété omises : la source en est presque imperceptible ; le fleuve, qui en est sorti, a inondé toute la terre de votre cœur : ce fut d’abord ce petit nuage que vit Élie, et qui depuis a couvert tout le ciel de votre âme : ce fut cette pierre légère que Daniel vit descendre de la montagne, et qui, devenue ensuite une masse énorme, a renversé et brisé l’image de Dieu en vous : c’était un petit grain de sénevé, qui depuis a crû comme un grand arbre, et poussé tant de fruits de mort : ce fut un peu de levain, etc. […] De tels développements, amenés avec art au moment propice, qui planaient en quelque sorte sur tout l’auditoire, qui promenaient sur toutes les têtes comme un vaste miroir étendu où chacun pouvait reconnaître dans une facette distincte sa propre image, et se dire que l’orateur sacré l’avait révélé ; de tels développements qui, lus aujourd’hui, nous font un peu l’effet de lieux communs, étaient alors, et sur place, des tableaux appropriés et de grands ressorts émouvants.
Pilate annonce qu’il est envoyé par l’empereur romain, pour être en Judée, — en l’évêché de Judée, comme il dit, — son prévôt et juge, son lieutenant criminel ; il fera donc de gré ou de force payer des impôts et obligera un chacun à saluer l’image auguste. […] Relisons la belle page de Guillaume Schlegel dans laquelle il compare les chefs-d’œuvre de la tragédie antique aux groupes du Laocoon et de la Niobé : voilà les images qui conviennent à cet ordre de beautés nobles, sublimes ou tendres. […] Louis Paris m’a forcé d’y revenir, j’en profiterai pour trouver de mon côte, par une sorte d’émulation et par contraste, les images et les comparaisons naturelles qui rendent pour moi l’effet produit par cette série de scènes et de journées, mises bouta bout, dont l’assemblage constitue un Mystère. […] Dans tous les cas, et pour revenir à une image plus honorable, ne comparons jamais une suite de sculptures en bois, régnant autour des murs d’un chapitre ou d’un réfectoire, au groupe du Laocoon. […] Cette image si bien trouvée est de M.
Au moment où nous allions peut-être le croire et nous attendrir, la grossièreté inévitable (qu’il prend pour franchise) des mots et des images fait évanouir l’élégie commencée et nous renfonce notre émotion dans la gorge. […] Et le cynisme, la passion de l’ordure dans les mots et dans les images ne paraît point diminuer, il s’en faut. […] Passe si ces images, encore que trop multipliées, n’étaient, chez M. […] Dans les portraits littéraires que j’esquisse, je ne cherche qu’à reproduire l’image que je me forme involontairement de chaque écrivain, en négligeant ce qui, dans son œuvre, ne se rapporte pas à cette vision. […] Il est supérieur à l’image que je vous ai, malgré moi, présentée.
C’est la plus ancienne image que nous ayons de Mallarmé. […] Il offrait déjà l’image du « poète las que la vie étiole » et « dont la faim d’aucun fruit, ici, ne se régale ». […] Des vers admirables éclatent, çà et là, des vers qui ont tout le relief des images et leur vertu suggestive. […] René Ghil en profite pour partir en guerre contre l’école symboliste de laquelle il voulait se distinguer et entend démontrer que son symbolisme à lui, d’ordre philosophique, n’a rien à voir avec ce prétendu symbole qui n’est qu’un déroulement d’images successives. […] Laissons les mystiques se débrouiller dans cette poésie fantôme et la sculpter à leur image.
L’invention est ainsi déterminée : elle consiste dans les cas particuliers à évoquer les idées et les images qui sont liées au sujet, à modifier des idées et des images étrangères de façon qu’elles puissent s’y lier. […] Mais les idées ne se présentent pas toutes seules au besoin ; les images n’accourent pas complaisamment au premier signe.
Ceux qui traitent de sujets plus religieux, et des miracles de la Vierge en particulier, redoublent d’images gracieuses et odorantes. […] Hennin : « J’irai vous voir à la première violette », on rajeunit avec lui et l’on espère. — « Enfin j’ai cherché de l’eau dans mon puits », disait-il en 1778, sous cette forme d’image orientale qui lui est si familière ; cela signifiait qu’il travaillait sérieusement à tirer de lui-même sa principale ressource et à se faire jour par ses écrits. […] Ce qui me frappe et me confond au point de vue de l’art dans Paul et Virginie, c’est comme tout est court, simple, sans un mot de trop, tournant vite au tableau enchanteur ; c’est cette succession d’aimables et douces pensées, vêtues chacune d’une seule image comme d’un morceau de lin sans suture, hasard heureux qui sied à la beauté. […] Chaque petit ensemble aboutit, non pas à un trait aiguisé, mais à quelque image, soit naturelle et végétale, soit prise aux souvenirs grecs (la coquille des fils de Léda ou une exhalaison de violettes) ; on se figure une suite de jolies collines dont chacune est terminée au regard par un arbre gracieux ou par un tombeau. […] C’est comme d’avoir devant soi, dans son travail, quelque image souriante, quelque belle page entr’ouverte, qu’on regarde de temps en temps, et sur laquelle on se repose, sans la copier.
Par là, sans doute, il mérita d’être imité de l’antiquité latine, plus que nous ne le savons ; car, si le hasard de quelques petits fragments dispersés, si quelques grains de cette poudre d’or conservés dans les scoliastes, nous offrent tantôt un vers entier, tantôt une image allégorique, tantôt un mot heureux qu’a dérobé l’abeille de Tibur, combien d’autres larcins nous aurait décelés l’œuvre grecque entière, que lisait Horace ! Ce qu’il imita le moins sans doute, et ce qui semble avoir été un des caractères originaux d’Alcée, c’était une hardiesse non plus de mouvement et d’images, mais d’invention dans les hymnes religieux. […] Enfin il avait paru au milieu de l’été, entre les chants des rossignols et la plus grande splendeur de la nature épanouie. » La timidité même de notre goût moderne découvre quel trésor d’harmonie, quel éclat d’images, quel renouvellement de la liturgie poétique cette fiction devait amener, sous les mètres nombreux et souples de la muse éolienne. […] Non seulement le reproche du vice a été repoussé loin de sa mémoire, mais une érudition candide, à l’aide de quelques mots épars dans l’antiquité, a tout épuré dans la passion qu’elle n’a pu méconnaître, et s’est fait de la belle Lesbienne une irréprochable image. […] Puis, en avant des roues, elle a placé d’autres Amours aux ailes et à la ceinture dorées, conduisant le char et agitant des torches élevées. » La louange des époux se mêlait à ces gracieuses images.
« J’ai laissé venir à moi, dit-il, toutes les sensations et toutes les images ; puis je fus guidé dans mon choix par l’instinct de mon cœur, comme je le suis dans l’obscurité par mes doigts habiles à reconnaître les objets familiers. […] Daniel Lantrac a écrit de vrais poèmes en prose, en un style qui a juste assez d’imperfection pour faire bien augurer de l’écrivain, et une richesse d’images qui, peu à peu, appartiendra mieux à l’auteur.
Des images neuves, ou mieux encore, rajeunies. […] Écartez les images orientales, et, sous cette couleur, qu’exigeait le sujet, vous reconnaîtrez le grand sentiment de tel récit de bataille des Perses. […] Il nous apparaît à demi subjugué par l’esthétique de Gustave Kahn, esprit original, j’aime à le reconnaître, et poète doué d’une aptitude singulière à évoquer, à faire affluer les images. […] Images d’un sou. — XII. […] Au sortir du collège, il poursuit sans méthode, mais sans répit, ses investigations d’impatient chasseur d’idées, d’émotions, d’images.
Un grand bas-relief qui montrerait à l’un de ses angles une vierge plaintive, à l’autre, deux guerriers s’entretuant corps à corps ; mais dont le centre serait rempli par une bataille enveloppant une Ville au front crénelé ; c’est l’image des Sept contre Thèbes. […] » Leur chant reflète, en même temps, toutes les images de la guerre qui les environne, il en répercute tous les bruits par des échos de terreur. […] Se prosterner en hurlant devant les images des Dieux, est-ce là le moyen de sauver Thèbes et d’aguerrir le peuple assiégé ? […] Elles répondent doucement : « Aussi misérables que les hommes, si la ville est prise. » — Pour s’excuser, elles allèguent encore que la piété est un secours aux heures du péril, tout salut humain descendant des Dieux. — Et elles prient toujours, quoique à voix plus basse, les mains étendues, les lèvres collées aux images saintes. […] Le bas-relief, image et analogie ordinaire des spectacles de la poésie hellénique, fait place cette fois à ces tapisseries de haute lice où s’entre-heurtent, sur leurs palefrois caparaçonnés, des paladins masqués de leurs cribles, où s’alignent, épaule contre épaule, des chevaliers aux profils barrés par les longues lances qu’ils tiennent en arrêt.
Marie, la gentille brune aux dents blanches, aux yeux bleus et clairs, l’habitante du Moustoir, qui tous les dimanches arrivait à l’église du bourg, qui passait des jours entiers au pont Kerlo, avec son amoureux de douze ans, à regarder l’eau qui coule, et les poissons variés, et dans l’air ces nombreuses phalènes dont Nodier sait les mystères ; Marie, qui sauvait la vie à l’alerte demoiselle abattue sur sa main ; qui l’hiver suivant avait les fièvres et grandissait si fort, et mûrissait si vite, qu’après ces six longs mois elle avait oublié les jeux d’enfant et les alertes demoiselles, et les poissons du pont Kerlo, et les distractions à l’office pour son amoureux de douze ans, et qu’elle se mariait avec quelque honnête métayer de l’endroit : cette Marie que le sensible poëte n’a jamais oubliée depuis ; qu’il a revue deux ou trois fois au plus peut-être ; à qui, en dernier lieu, il a acheté à la foire du bourg une bague de cuivre qu’elle porte sans mystère aux yeux de l’époux sans soupçons ; dont l’image, comme une bénédiction secrète, l’a suivi au sein de Paris et du monde ; dont le souvenir et la célébration silencieuse l’ont rafraîchi dans l’amertume ; dont il demandait naguère au conscrit Daniel, dans une élégie qui fait pleurer, une parole, un reflet, un débris, quelque chose qu’elle eût dit ou qu’elle eût touché, une feuille de sa porte, fût-elle sèche déjà : cette Marie belle encore, l’honneur modeste de la vallée inconnue qu’arrosent l’Été et le Laita, ne lira jamais ce livre qu’elle a dicté, et ne saura même jamais qu’il existe, car elle ne connaît que la langue du pays, et d’ailleurs elle ne le croirait pas. […] Ingres sectateur de l’antique beauté, des vers à la mémoire de ce Georges Farcy que sa mort a révélé à la France, et qui eût aimé ce livre s’il avait vécu, et qui, en le lisant, eût envié de le faire ; partout une nature élégante et gracieuse à laquelle le cœur se confie ; partout de bienveillantes images et un pur désir du beau : le doux Virgile en robe traînante et les cheveux négligés, s’appuyant sur le bras de Mécène au seuil du palais d’Octave ; un doute tolérant et chaste, la liberté clémente ; Jésus homme ou Dieu, dit le poëte, mais qui possède à jamais l’univers moral, et qui, s’il doit mourir, ne mourra que comme le père de famille, après que toute sa race, la race des fils d’Adam, sera pourvue ; — ce sont des vers comme ceux-ci, inspirés par le joli pays de Livry, que Mme de Sévigné chérissait déjà : ………. […] Barbier plusieurs personnes, qui pourtant les admirent, n’y cherchent guère qu’un plaisir étrange, un tour de force inouï jusqu’à présent, des exploits pour les yeux, l’intrépidité extraordinaire dans les plus périlleuses images que jamais poëte ait tentées. D’autres personnes, au contraire, d’un goût plus féminin, se sont révoltées à ces mêmes images, à ces abus de parole où se délectent les audacieux.
Les images riches et correctes sont frappantes de vérité… Voilà bien l’art de 1833, l’art d’enchâsser savamment l’image dans le vers et de tout combiner pour l’effet, et le son, et la figure, et le rythme, et la coupe, et la place, et l’enjambement.
« Lorsqu’elles ont été souvent répétées, elles laissent certaines traces ou images d’elles-mêmes que l’on peut appeler idées simples. » (Prop. 8.) Ce n’est pas tout ; la vibration, c’est-à-dire le fait purement physiologique, en se répétant laisse dans le cerveau une tendance à se reproduire sous forme de vibrations beaucoup plus faibles que Hartley appelle des vibrationcules, et qui sont à ses yeux « des miniatures de la vibration. » Ainsi, en résumé, la vibration produit d’abord la sensation, puis la vibrationcule qui, à son tour, produit les images. […] A la vibrationcule correspond l’image ou idée simple.
Souffre-t-il, il prie sa petite image, et il est soulagé. […] Mais le peuple ne nourrissait point la crainte de ces fléaux, quand il avait sous son toit le Christ d’ébène, le laurier bénit, l’image du saint, protecteur de la famille. […] Enfin, les vents, les pluies, les soleils, les saisons, les cultures, les arts, la naissance, l’enfance, l’hymen, la vieillesse, la mort, tout avait ses saints et ses images, et jamais peuple ne fut plus environné de divinités amies, que ne l’était le peuple chrétien.
Mais, dites-vous, ce labeur d’épithètes, cet effort d’originalité, de couleur, d’images, de diction, d’antithèse, altèrent votre pensée, changent ce que vous vouliez dire ? […] « Sa vie passée dans le luxe, dit Bossuet, ne lui faisait point sentir la durée, tant elle coulait doucement17. » C’est le mot ordinaire ; mais si je veux, spontanément par trouvaille, ou volontairement par effort, si je veux donne ; à ce mot plus de hardiesse, l’accoupler à des pensées imprévues, ce simple verbe peut devenir admirable, la plume de Bossuet : « Laissez couler sur le prochain cet amour que vous avez pour vous-même18. » Et ailleurs « Dieu a tant d’amour pour les hommes et sa nature est si libérale qu’on peut dire qu’il semble qu’il se fasse quelque violence quand il retient pour un temps ses bienfaits et qu’il les empêche de couler sur nous avec une entière profusion19. » Et toujours de Bossuet dans cet ordre d’idées : « Les générations des hommes s’écoulent comme des torrents. » Encore une fois, ces trouvailles, ces images, ces transpositions de sens peuvent n’avoir pas coûté d’effort à Bossuet. […] Que Saint-Simon ait réalisé facilement la vie des mots, l’observation intense, le relief des images, toutes les tressaillantes surprises du style, nous sommes d’accord.
Cette perpétuelle intervention des sentiments de l’écrivain ne se marque nulle part d’une manière plus nette qu’en ses descriptions de paysages ou d’intérieurs qui, fort peu graphiques et distinctes, consistent plutôt dans le développement d’une opinion, d’une impression morale, d’une manière de voir, que dans énumération et la recomposition d’une série d’images visuelles. […] Celui-ci doit donc intervenir lui-même, par sa propre impression, parce que son tempérament le porte à changer dans l’image, entre celle-ci et le spectateur. […] Les œuvres d’art sont l’image apaisée de la vie. […] Aussi un être affectif ne peut-il avoir du monde extérieur qu’une connaissance toute personnelle, subjective, et qui lui indique simplement si certaine partie lui en plaît ou non ; s’il est amené à décrire quelque spectacle, il pourra seulement non pas l’analyser et susciter dans d’autres esprits l’image qu’il en aura conçu, mais s’étendre sur l’agrément ou le déplaisir qu’il en aura ressenti. […] De là en général la vérité relative, caricaturale, de ses plus imparfaites silhouettes À l’encontre en effet de l’idéaliste qui dénature les images mêmes qu’il reçoit du dehors pour les subordonner à la représentation intérieure qu’il s’en fait, l’écrivain affectif déforme, exagère plutôt les propriétés de ces images qui émeuvent sa sensibilité, mais ne les altère pas ; en sorte que sa représentation caricaturale, grotesque, monstrueuse même, d’un ensemble social, peut rester vraie en somme dans son ensemble, et que Dickens ou les caricaturistes auxquels nous l’avons représenté sont une sorte particulière de réalistes qui donnent une image singulièrement outrée mais véridique, dans une certaine mesure, de l’Angleterre ou de la France de leur temps.