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1059. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

J’étais en retard depuis quelque temps avec Mme Sand ; je ne sais pourquoi j’avais mis de la négligence à lire ses derniers romans ; non pas que je n’en eusse entendu dire beaucoup de bien, mais il y a si longtemps que je sais que Mme Sand est un auteur du plus grand talent, que tous ses romans ont des parties supérieures de description, de situation et d’analyse, qu’il y a dans tous, même dans ceux qui tournent le moins agréablement, des caractères neufs, des peintures ravissantes, des entrées en matière pleines d’attrait ; il y a si longtemps que je sais tout cela, que je me disais : Il en est toujours de même, et, dans ce qu’elle fait aujourd’hui, elle poursuit sa voie d’invention, de hardiesse et d’aventure. […] Mme Sand faisait mieux l’an dernier, en son Berry, que de lire les Géorgiques de Virgile ; elle nous rendait sous sa plume les géorgiques de cette France du centre, dans une série de tableaux d’une richesse et d’une délicatesse incomparables. […] Elle aura tenu durant une huitaine de jours Amyot entrouvert, elle l’aura lu à bâtons rompus, et elle se l’est infusé plus abondamment et plus au naturel que le docte et l’exquis Courier durant des années de dégustation et d’étude de cabinet. […] J’aurai peu à dire du Champi, que tout le monde a vu et a lu.

1060. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Les royalistes ont continué d’y voir de futures promesses d’avenir, de magnifiques restes d’espérance, je ne sais quelles fleurs de lis d’or, salies, il est vrai, par places, de beaucoup d’insultes et d’éclaboussures, et à travers lesquelles il se mêle, sous cette plume vengeresse, bien autant de frelons que d’abeilles ; mais l’esprit de parti est ainsi fait, qu’il ne voit dans les choses que ce qui le sert. […] Je le lis écrit de sa main dans une lettre intime, du 29 octobre 1832. […] Elle s’y était rendue de son côté, et l’on assure que les noms des deux pèlerins se lisaient encore, il y a quelques années, sur les murailles moresques où ils les avaient tracés. […] Je sais bien que vous l’avez dit d’une autre manière, en le voilant de romanesque et de poésie, dans Le Dernier des Abencérages ; mais, du moment que vous faisiez des mémoires, il y avait lieu et il y avait moyen de nous laisser mieux lire dans ce cœur, s’il fut vrai et sincèrement entraîné un jour.

1061. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

J’aime surtout à relire ceux que j’ai déjà lus nombre de fois, et par là j’acquiers une érudition moins étendue, mais plus solide. […] C’est un plaisant historien, et bien peu connu de ceux qui ne le lisent pas en sa langue. […] Je les prends comme je les trouve, car, si on était difficile, on ne lirait jamais, et on ne verrait personne. […] … Contentons-nous, monsieur, de lire et d’admirer les anciens du bon temps.

1062. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

De retour au pays natal, plein de doctrine, et d’une imagination riante où brillait la pudeur, d’une figure attrayante et d’un regard où se lisait la tendresse et la beauté de son âme, il faisait la joie de ses parents et « contraignait même ceux qui ne lui appartenaient en rien de l’aimer ». […] Tout ce chapitre plein de vigueur peut se lire à côté d’un chapitre pareil de l’Imitation (23e du livre premier). […] Les autres, ingénieuses, mais recherchées, sont empruntées aux auteurs qu’il a lus ; il veut égayer et éclairer, à l’aide d’une histoire naturelle le plus souvent fabuleuse, les vérités morales et chrétiennes qui d’elles seules se passeraient d’ornements. […] Ceux qui ont pu se permettre quelque vaine et froide raillerie sur la liaison du saint évêque et de cette forte et vertueuse femme, n’avaient pas lu, j’aime à le croire, cette pièce qui est la 121e des Lettres de Mme de Chantal35.

1063. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Mardi 27 mai J’ai eu un succès au dîner de Brébant, avec ce mot : « La France finira par des pronunciamento d’académiciens. » 2 juin Je ne puis surmonter mon dégoût, quand je lis à la quatrième page d’un journal, dans les réclames payées : Il vient de paraître la seconde édition : De la situation des ouvriers en Angleterre… « travail où M. le comte de Paris a fait œuvre de penseur et de citoyen… » Les prétendants qui se font écrivains socialistes… Pouah ! […] Je l’ouvre et je lis que, sur la proposition de mon cher confrère Charles Blanc, le ministre de l’Instruction Publique vient d’acquérir, au compte de la direction des beaux-arts, 125 exemplaires, au prix de 8 francs l’un, de Gavarni, l’homme et l’œuvre. […] Au milieu de son speach, une allusion à l’église de Montmartre lui fait dire : « Moi, vous savez depuis longtemps mon idée, je voudrais un liseur par village, pour faire contrepoids au curé, je voudrais un homme qui lirait, le matin, les actes officiels, les journaux ; qui lirait, le soir, des livres. » Il s’interrompt : « Donnez-moi à boire, non pas du vin supérieur que boivent ces messieurs — il fait allusion à une bouteille de Saint-Estèphe — mais du vin ordinaire, quand il est sincère, c’est celui que je préfère, non pas du Bourgogne, par exemple : ça donne la goutte à ceux qui ne l’ont pas, ça la triple à ceux qui l’ont… Les vins des environs de Paris, on est injuste pour eux, ils étaient estimés autrefois, on les a laissé dégénérer… ce vin de Suresnes sans eau, ce n’est vraiment pas mauvais… Tenez, monsieur de Goncourt, il y a longtemps de cela, mon frère Abel, en sa qualité de lorrain et de Hugo, était très hospitalier.

1064. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Il se refuse à lire de son roman. […] » Ce matin, Pouchet m’entraîne dans une allée écartée, et me dit : « Il n’est pas mort d’un coup de sang, il est mort d’une attaque d’épilepsie… Dans sa jeunesse, oui, vous le savez, il avait eu des attaques… Le voyage d’Orient l’avait, pour ainsi dire, guéri… Il a été seize ans, sans plus en avoir… mais les ennuis des affaires de sa nièce, lui en ont redonné… et samedi, il est mort d’une attaque d’épilepsie congestive… oui avec tous les symptômes, avec de l’écume à la bouche… Tenez, sa nièce désirait qu’on moulât sa main… on ne l’a pas pu… elle avait gardé une si terrible contracture… Peut-être, si j’avais été là, en le faisant respirer une demi-heure, j’aurais pu le sauver… » Ça été tout de même une sacrée impression d’entrer dans le cabinet du mort… son mouchoir sur la table, à côté de ses papiers, sa pipette avec sa cendre sur la cheminée, le volume de Corneille, dont il avait lu des passages la veille, mal repoussé sur les rayons de la bibliothèque. […] Il y a là, Gille, nous racontant ses fréquentations à la Pissole, avec Grassot, frénétique admirateur de Chateaubriand, qui, avant de prendre connaissance de son premier vaudeville, lui dit : « Mon petit, as-tu seulement lu Le Génie du christianisme ?  […] Aujourd’hui il est entré chez moi, en disant : « C’est curieux maintenant, quand une affaire est faite avec un banquier, ce n’est pas fait avec son argent, mais avec l’argent d’un autre, qu’il se met à chercher… » Et le voilà, sauf le temps d’un rapide dîner, jusqu’à onze heures, toujours en marche, parlant de la puissance intelligentielle des gens qui ne savent ni lire ni écrire ; parlant de la virtualité des révolutionnaires espagnols, complètement détruite par les cabinets des restaurants de Paris, et qu’il compare aux sauvages, ne prenant des civilisés que l’eau-de-vie ; parlant du travail idéologiste des socialistes, complètement arrêté en 1848, par la bêtise des radicaux, dont toute la politique est rapetissée à manger du prêtre, etc., etc.

1065. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Folle de l’Allemagne, il aurait bercé sa folie dans ce chef-d’œuvre sur Weber que nous conseillons de lire, et dans cet autre chef-d’œuvre sur Mozart, que nous conseillons de lire encore ; car on n’en saurait rien citer sans citer tout, comme ces roses qui, pour une seule feuille qu’on leur ôte, croulent sur vos mains, ruines parfumées ! […] Et l’auteur en convient, du reste, en sa leste et spirituelle préface : « Madame d’Ivrée (y dit-il) comme madame Étienne, mademoiselle Rosa La Rose comme mademoiselle de Keldren (ce sont ses héroïnes), représentent les gardiennes de l’idéal, tout en ayant l’ambition d’être de leur siècle… » Or, cette réserve n’est qu’un mot d’auteur qui veut être lu ; car si elles en sont, de leur siècle, c’est comme les personnes qui tranchent sur le leur, et qui, par cela même, n’en sont pas. […] Et jamais il n’a mieux fait l’un et l’autre que dans ce livre, où, par le plaisir qu’il donne, quand on le lit, on oublie ce qu’il souffre, et où, quand on l’a lu, on se le rappelle avec admiration et tristesse !

1066. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Il n’est presque pas de ministre ou de politicien parvenu, fût-il de l’esprit le plus médiocre et le plus vulgaire, qui ne puisse lire, dans l’entrefilet consacré aux « hommes du jour », aux « instantanés », aux « célébrités et actualités », qu’il n’est pas seulement doué de toutes les qualités qui fondent les réputations durables, pas seulement génial, populaire, nécessaire au pays, mais, ce qui flatte bien autrement le héros de l’heure présente, qu’il est « une personnalité éminemment parisienne ». On écrit cela, et, en vérité, il vaut mieux, le plus souvent, ne pas voir le modèle dont on a lu le portrait. […] Il semblerait que non, à lire les romans. […] Voilà donc des Français, de province et de Paris, qui suivent les mêmes modes, qui lisent les mêmes dépêches, et, à quelques heures d’intervalle, se nourrissent des mêmes proses.

1067. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

laissez-moi vous dire… Je voudrais aussi, dans ces bizarres Caprices de boudoir, faire lire à tous la Reine de la nuit, un souvenir de bal costumé, une adorable vision. […] Quand je lis des vers nouveaux, que je parcours un de ces frais recueils qui viennent de paraître, ou même un choix de poésies dans un journal, je me dis presque aussitôt : « Ah ! […] Achille Millien est, ce me semble, un des plus sincères, des plus franchement agrestes, et ses recueils estimés de quiconque les a lus mériteraient d’être plus connus ici.

1068. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Ceux des littérateurs qui parlent des Grecs et des Romains en parlent avec une connaissance bien superficielle, ou même avec une inintelligence grossière : lisez les jugements de Voltaire et de La Harpe. […] Il propose au public de lire cela : et le public lit, le public est charmé. […] Lisons un petit fragment, le n°29 de l’édition de M. de Chénier : rien dans le ton ni la couleur ne le distingue des imitations de Théocrite ou de Moschus ; on reconnaîtrait dans ces huit gracieux vers une inspiration antique, sans cette note autographe du manuscrit : « Vu et fait à Catillon près Forges le 4 août 1792, et écrit à Gournay le lendemain ».

1069. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Pourtant je ne le lis plus, et il me dégoûte d’en parler. […] J’écrivais à un ami : « Je vous en supplie, lisez les Barbares. » Deux jours après, il me répondait : « C’est le plus cher de mes livres. » Oui, l’audace intelligente et neuve de ces courts traités nous transportait d’aise, formulant les dédains et les réserves de nos vingt ans, et nos ardeurs. […] Sans doute, l’association se fait du style au ton, et l’on se méprend à lire la même ironie, chez ceux qui simplement aiment les mêmes tours discrets. — Seulement, cela ne pardonne pas.

1070. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Le vieux janséniste s’apercevait bien de mes hérésies ; quand je lui lisais mes articles, je le voyais sourire à chaque phrase câline ou respectueuse. […] J’ai pensé que quelques personnes liraient, non sans profit, ces pages ressuscitées, et surtout que la jeunesse, un peu incertaine de sa voie, verrait avec plaisir comment un jeune homme, très franc et très sincère, pensait seul avec lui-même il y a quarante ans. […] Les personnes qui me font l’honneur de lire mes écrits avec suite me pardonneront, je l’espère, ces répétitions, si la publication nouvelle leur montre ma pensée dans des agencements et des combinaisons qui ont pour elles quelque chose d’intéressant.

1071. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Ce n’est pas seulement à l’égard du ton que les melopées peuvent être divisées en differens genres ; car si par rapport à ce ton elles se partagent en basses, en moïennes et en hautes, elles se divisent aussi par rapport aux intervalles qu’elles observent en diatoniques, en chromatiques et en enarmoniques, et par rapport aux modes en melopées phrigiennes, en doriennes et en lydiennes. " notre auteur après avoir ajoûté à ce qu’on vient de lire, quelques avis sur la composition, passe, comme aïant dit tout ce qu’il avoit à dire sur la melopée, à ce qu’il avoit à dire sur le rithme. […] " Boéce louë donc ici les musiciens des temps antérieurs, d’avoir trouvé deux inventions ; la premiere d’écrire les paroles et ce chant qui s’appelloit carmen et qui n’étoit, comme on le verra, qu’une simple déclamation ; la seconde étoit d’écrire toute sorte de chant, c’est-à-dire le chant musical même, dont Boéce va donner les notes quand il dit ce qu’on vient de lire. […] Il n’y a gueres de déclamation qu’on ne puisse écrire en notes avec dix caracteres differens dont chacun marqueroit une inflexion de voix particuliere ; et comme on apprenoit l’intonation de ces accens, en même-temps qu’on apprenoit à lire, il n’y avoit presque personne qui n’entendît cette espece de notes.

1072. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

C’est par les exemples de corrections manuscrites des grands écrivains que nous avons prouvé la nécessité du travail littéraire, En vain contestera-t-on cette nécessité, les ratures sont là, chacun peut les lire, abondantes, variées, décisives, et il n’est pas une objection qui n’y trouve son démenti. […] Pour Pascal, entre autres, j’ai donné toutes les ratures que je connaissais ; pour Hugo et Flaubert, je n’avais que l’embarras du choix ; de même pour Buffon, et quant à Bossuet, qui me vaut le plus de reproches, j’ai pris au hasard, de préférence là où j’ai pu lire, ce qui n’est pas toujours facile. […] Vous en avez des exemples dans le morceau que je viens de vous lire ; ou plutôt tout ce morceau en est composé.

1073. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Or, si avec ces quelques mots toujours cités, quand on parlait d’elle, elle exerçait je ne sais quel irrésistible empire sur les imaginations les plus ennemies, que sera-ce quand on pourra lire et goûter tant d’écrits marqués à l’empreinte d’une âme infinie, de cette âme qui, sans en excepter personne dans l’histoire de l’esprit humain, — quand elle fut obligée d’écrire, soit pour se soulager d’elle-même, soit pour remplir un grand devoir, fit tenir, dans les limites étouffantes d’une langue finie, le plus de son infinité ? […] Légère comme la robe qu’elle portait, et dont elle aimait l’éclat ou la grâce, vaine comme les romans qu’elle lisait, heureuse de plaire, inclinant, comme la fleur au vent, aux conversations frivoles, elle avait les défauts de son sexe, ces défauts presque impersonnels, mais dont elle s’accuse dans sa Vie comme s’ils n’appartenaient qu’à elle seule ! […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la Prière, et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour.

1074. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Lisez-les, ces lettres, et vous verrez si un froid étrange, le froid qui tombe des marbres, ne vous prendra pas en les lisant ! […] C’est pour moi, en effet, — ici seulement, — quelque chose comme un visionnaire que Paul de Saint-Victor, le visionnaire de l’admiration, qui a réalisé, avec quelle puissance, — lisez-le ! — le mot de Montesquieu : « Les gens d’esprit font les livres qu’ils lisent ! 

1075. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Mais quant à des livres, ils en font trop pour que le Prends et lis du figuier d’Augustin se renouvelle. […] Nous avons lu avec l’attention qu’il mérite le livre de M.  […] Il tient autant à ceux qui les lisent qu’à ceux qui les composent.

1076. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Il faut lire dans l’original cet admirable sonnet que je ne veux pas traduire. […] Il est impossible de lire sans émotion cette pièce dont chaque vers respire la sincérité la plus parfaite. […] Si après l’avoir lue, ils persistent dans leur accusation, c’est qu’ils prendront plaisir à nier l’évidence. […] Ceux qui lisaient Giusti, d’un œil avide, savouraient sa pensée comme on savoure le fruit défendu. […] Le roman que nous venons de lire s’adresse donc aux penseurs et aux critiques, et si M. 

1077. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

le dernier livre que l’empereur lut en France. […] Tout son temps se passait à lire en cachette. […] Adieu lu bottine grise, la robe de toile et le chapeau de paille parfumé d’une fleur naturelle. […] « Nous n’avons jamais lu les Fleurs du mal de Ch. […] Nul succès ne fut plus sympathique, nul livre plus avidement lu et plus baigné de pleurs.

1078. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

La pièce lue soutient son mérite ; ç'a été une preuve de goût de n’y pas mettre une seule ligne de Préface. […] C'est la poésie des recueils sur le théâtre ; » voulant faire entendre que le succès de Lucrèce est d’avoir fait connaître à tous sur la scène, en fait de beautés de style, ce qui auparavant s’imprimait un peu à la sourdine et n’était lu que des gens du métier.

1079. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Un vieux vaudevilliste royaliste, qui n’a pas le sol, va à Londres tout exprès pour lire au prince je ne sais quelle pièce de poésie à son éloge et en tirer une gratification comme dans le bon temps. […] Vous aurez lu les lettres du cardinal de Bonald et de l’évêque de Châlons29.

1080. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Sainte-Beuve à ces mots. « Ce dernier point nous mène assez droit à la récente publication de M. de Balzac… » Il se relie donc naturellement à l’article qu’on va lire. — Nous avons éprouvé néanmoins quelque hésitation à le reproduire, ainsi que les trois autres, qui viennent en ces mêmes mois (novembre 1838 et février 1839), car la Table de la Revue des Deux Mondes, publiée en 1857, met les divers Mouvements littéraires de ce temps-là sous le nom de Charles Labitte. Mais une note de la même Table, à propos de l’article sur l’École du monde (1er février 1840), qu’on lira plus loin, nous apprend que ces chroniques étaient rédigées de concert entre MM. 

1081. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

Chamfort nous avait lu ses contes impies et libertins, et les grandes dames avaient écouté sans avoir même recours à l’éventail. De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre »  On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison  Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés.

1082. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Jeunes gens et jeunes filles ne peuvent expliquer les mots les plus usuels : la lecture d’une page de français leur laisse une vague et indécise idée dans l’esprit, et s’ils n’en gardent pas un souvenir précis, s’ils ne peuvent à l’instant même la résumer en substance, c’est moins faiblesse de réflexion, légèreté d’attention, gaucherie d’intelligence, l’ignorance du sens des mots qu’ils ont lus. […] Mais il ne suffit plus ici de lire des yeux, ni même de repasser des mots aux choses, des signes aux objets, il faut étudier les mots dans leurs rapports entre eux, dans leurs sens, voir ce qu’ils pourraient exprimer autant que ce qu’ils expriment, rechercher leurs origines et leurs variations, sonder leur profondeur, mesurer leur étendue, profiter en un mot de la rencontre qu’on en fait une fois, pour les connaître intimement, à fond, pour jamais.

1083. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Et ses vers parurent meilleurs, même à ceux qui ne les avaient pas lus, quand on sut de quelle blessure ils avaient coulé en pleurs de sang. […] Car on sait que la beauté de certains vers dépend beaucoup de la disposition d’âme de ceux qui les lisent.

1084. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dierx, Léon (1838-1912) »

… Et telle est l’impression à lire les Lèvres closes, que le tempérament de ce tendre matérialiste semble mentir aux rigueurs de sa philosophie. […] Et, se promenant dans cette allée de hauts arbres qui se rouillent, le poète évoque le grand accord des choses, non leurs larmes, il sait qu’elles n’en ont point, mais leur grand et unanime consentement à la langueur, leur appétit de nirvâna, leur désir de fusion dans la nuit, qu’y lisent ou que leur prêtent les grandes âmes teintées de tristesse contemplative.

1085. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Lamartine disait qu’il mettait des lunettes bleues pour lire la prose de Saint-Victor. Qu’eût-il mis pour lire les vers de M. de Heredia ?

1086. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Il n’est pas resté, digne d’être lu, un seul écrit saint-simonien ; voici un écrit anarchiste auquel je souhaite d’être durablement représentatif, car, après toutes mes critiques, je l’avoue, sa lecture m’enchanta. […] Adolphe Retté nous a livré, dans des pages que je ne me lasserai jamais de lire, le simple secret de la composition de ses derniers livres.

1087. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Et, d’avoir lu ces pages de clarté, j’ai gardé l’âme éblouie comme au passage d’une gloire lumineuse d’archange, telle qu’on peut la songer d’après l’or, le rouge et le bleu des images naïves, peintes pieusement autrefois. […] Saint-Pol-Roux dans sa préface… Je dirai seulement à ceux qu’étonna déjà la verve estomirante de l’auteur des Reposoirs de la Procession  : lisez la Dame à la Faulx, c’est de beaucoup ce qu’il a fait de plus fort.

1088. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Sully Prudhomme, son ami : « Vous avez mérité la sympathie et la reconnaissance de tous ceux qui lurent vos vers dans leur jeunesse : vous les avez aidés à aimer. » M.  […] Car qui contraint de lire les vers de M. 

1089. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

L’immortel Fénélon n’a pas eu besoin de s’assujettir aux regles de la mesure & de la rime pour être Poëte, & ce n’est que parce qu’il est Poëte, qu’il se fait lire avec intérêt, & que tout ce qu’il dit s’insinue profondément dans le cœur. […] Quant à ses Eloges lus dans les Séances publiques de l’Académie Françoise, la maniere dont ils sont écrits est si mesquine, si incohérente, si remplie d’afféterie, si forcée, que les partisans les plus intrépides de M.

1090. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Palissot avoit lu & relu l’Article qui lui étoit destiné, & qu’il nous en remercia, en nous faisant toutefois observer que nous avions tort de ne pas trouver de la gaieté dans son Poëme de la Dunciade ; nous ne citerons pas non plus d’autres faits qui prouvent que ce n’est point malgré lui que nous avons loué ses Productions, parce que le témoin de ces faits est un Homme de Lettres d’Italie qui n’habite plus en France ; mais nous citerons la lettre que nous écrivit M. […] J’en ai déjà parcouru plusieurs Articles, & le peu que j’en ai lu m’a donné le plus grand empressement de voir la suite.

1091. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Voyons de belles choses ; lisons de bons ouvrages ; vivons avec des hommes ; rendons-nous toujours compte de notre admiration ; et le moment viendra où nous prononcerons aussi sûrement, aussi promptement de la beauté des objets que de leurs dimensions. […] Voilà, madame, ce que je vous écrivais avant que de vous avoir lue : ensuite je me suis aperçu qu’entre plusieurs idées qui nous étaient communes, il n’y en avait aucune qui se contrariât.

1092. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Les sujets qui sont encore intacts nous échappent, et nous lisons plusieurs fois l’histoire qui les raconte sans les remarquer, parce que le genie n’ouvre pas nos yeux ; mais ces sujets frapperoient d’abord le poëte qui auroit un genie propre à les traiter. […] C’est donc parce que les faiseurs de comedie n’ont pas les yeux assez bons pour bien lire dans la nature, pour y demêler distinctement les differens principes des mêmes actions, et pour y voir comment les mêmes principes font agir differemment chaque individu, qu’ils ne sçauroient plus mettre au théatre de nouveaux caracteres.

1093. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

je vais encore rapporter un endroit de Macrobe qui pourroit paroître inutile, parce qu’il ne dit que la même chose que les passages de Quintilien et de Longin qu’on vient de lire, mais il m’a semblé propre à fermer la bouche à ceux qui voudroient douter que les anciens songeassent à tirer de la musique toutes les expressions que nous voulons en tirer, et qu’ils eussent communément de cet art la même idée qu’en avoit Lulli. […] On peut donc lire à ce sujet le recueil de plusieurs auteurs anciens qui ont écrit sur la musique, publié et commenté par le premier, et le livre de tibiisveterum, écrit par le Gaspard Bartholin.

1094. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Francisque, priez le sergent de ville qui est toujours à lire les affiches sous le portique — d’interrompre sa lecture et de monter ici, tout de suite. […] Qu’est-ce que vous lui avez donc lu, monsieur ?

1095. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Nous avons bien lu quelque part qu’autrefois on avait soupé ou dîné à Auteuil, entre gens de lettres et de génie, et qu’au dessert chacun disait des vers, qui se sont trouvés des chefs-d’œuvre retentissants et immortels ! […] Nos enfants liront dans nos annales que cette littérature périssait, qu’elle se sentait périr avec angoisse, mais qu’un homme décidé en organisa le sauvetage par des dîners qui n’étaient pas chers.

1096. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

L’idée du Blessé est l’étude plus ou moins dramatique de cette maladie sociale que Chateaubriand a peinte dans René, avec une largeur de touche et une idéalité d’expression qui font des quelques pages de ce petit livre un chef-d’œuvre qu’on lira toujours. […] Avant de mourir, il donne son manuscrit à lire à sa sœur, et ce manuscrit, c’est sa vie, ses amours, son séjour aux Indes, c’est le roman enfin.

1097. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Il n’y a qu’un mot enthousiaste qui puisse caractériser le genre d’impression qu’elles produisent, et ce mot-là, c’est le conseil de lire un volume qu’on est presque heureux de n’avoir pas lu encore, parce que le souvenir d’un bonheur vaut bien moins que son espérance !

1098. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Sa mère meurt en le mettant au monde. — Son père lui fait lire des romans à sept ans. […] Quand on a lu tout cela, on s’y embrouille un peu. […] Depuis l’âge de dix ans, il n’avait lu que ce qui lui plaisait. […] Pour moi, je lis ces choses-là avec un peu d’inquiétude. […] On lui a donné à lire le roman de Fénelon, et elle aime Télémaque !

1099. (1933) De mon temps…

J’ai lu les charmants vers de l’auteur des Roses d’antan. […] Dès le lendemain, je me procurai le volume et je le lus. Je le lus avec une admiration passionnée. […] On s’installe devant la grande table chargée de manuscrits à lire ou déjà lus. […] Celui-là, il l’a lu et en donne son avis.

1100. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Car je sais lire et je ne suis pas sauvé.  […] Je sais trop bien ce que Marcel doit lire de préférence. […] Parce qu’il sait lire. […] Il a tout lu, — et il continue. […] Tu aimeras ton mari comme lu pourras.

1101. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Lisez d’abord l’Avertissement. […] Qu’aurait dit Tacite, le plus réellement intelligent des historiens, parce qu’il est le plus ému, le plus passionné et le plus vertueux des hommes, s’il avait lu cette théorie froide de M.  […] Ces observations préliminaires jetées en courant, lisons et admirons. […] Qu’on lise les belles pages suivantes : « Cette nouvelle causa dans l’armée une surprise douloureuse. […] Il lisait sans cesse, et exclusivement, Plutarque et Quinte-Curce ; il y cherchait l’aliment des grandes âmes, l’histoire des héros de l’antiquité.

1102. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Balzac dit, dans une simple parenthèse : — « Car on hait de plus en plus, comme on aime tous les jours davantage, quand on aime. » Veut-on des exemples de la phrase inorganisée, amorphe, qu’on lise Auguste Comte. […] Qu’on essaie de lire sans s’arrêter vingt pages de Leconte de Lisle : on ne résistera pas à cette musique dont la perfection uniforme constitue précisément, au point de vue de l’esthétique scientifique, une imperfection. […] S’il était vrai que l’on entend seulement le mot à la rime, on pourrait ne lire des poètes que les derniers mots de chaque vers. […] Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu. […] Bientôt, cherchant à lire dans mes yeux, comme pour pénétrer mes secrets : 2. « Oh !

1103. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Sa vraie mère, Élisa Forster, devenue duchesse douairière de Devonshire, jouissait d’un douaire immense ; sa beauté, dont on voyait les vestiges, se lisait encore dans la délicatesse transparente de ses traits ; son esprit était tourné aux grandes choses, politique, arts, littérature ; sa fortune, toute consacrée aux artistes, lui donnait le rôle d’un Mécène européen à Londres, à Paris, à Rome. […] C’était l’époque où madame Récamier, cherchant à amuser l’inamusable M. de Chateaubriand avec les hochets de sa propre gloire, faisait lire chez elle devant lui, et devant un auditoire trié avec soin, la tragédie de Moïse, essai dramatique du grand écrivain ; c’était l’époque aussi où M. de Chateaubriand faisait confidence de quelques pages de ses Mémoires secrets à quelques-uns de ses contemporains d’élite dans le salon ouvert à un seul battant de son amie ; on invitait à ces solennités un aussi grand nombre de privilégiés que l’exiguïté de l’appartement en pouvait contenir. […] Il lut bien les premiers actes, mais il lut avec tâtonnement du regard et avec hésitation de la voix. […] XXV M. de Chateaubriand, impatienté et humilié d’entendre ânonner ses vers par un lecteur qui avait peine à les lire, arracha, à la fin, le manuscrit des mains du grand acteur et voulut lire lui-même. […] On peut la lire aujourd’hui dans les œuvres complètes ; c’est une page qui ne déshonorerait certes pas Racine lui-même.

1104. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Port-Royal fulminait contre les auteurs dramatiques qui, par la plume de Nicole, furent qualifiés d’empoisonneurs d’âmes ; et en même temps il faisait lire aux écoliers les tragédies de Sophocle et d’Euripide qui allaient éveiller le génie de Racine et le pousser du côté du théâtre. […] Quant au grec, on ne le sait guère. « Dans trente ans, écrit en 1753 un Père Jésuite152, personne ne saura lire le grec. » Exagération évidente ! Mais Rousseau, Marmontel, Diderot ne lisent Démosthènes ou Platon que dans une traduction. […] L’Oratoire commence par l’admettre dans les classes inférieures ; Port-Royal renonce à l’étrange coutume de faire apprendre à lire en latin et introduit des compositions françaises. […] Mémoire lu en 1760.

1105. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il faut n’avoir lu sérieusement ni une page des annales des siècles, ni une page de son propre cœur, pour se complaire à ce songe doré de vieux enfants. […] Je n’ai jamais pu voir une page écrite sans éprouver la passion de la lire. […] XXIX « Je lus, je relus, je relirais encore… Je jetai des cris, je fermai les yeux, je m’anéantis d’admiration dans mon silence. […] J’en descendis en sursaut, les pieds nus, le livre à la main, les genoux tremblants ; je sentis le besoin irréfléchi de lire cette page dans l’attitude de l’adoration et de la prière, comme si le livre eût été trop saint et trop beau pour être lu debout, assis ou couché ; je m’agenouillai devant la fenêtre au soleil levant, d’où jaillissait moins de splendeur que de la page ; je relus lentement et religieusement les lignes. […] On croit lire Fénelon dans ses plus pieuses extases de l’amour de Dieu pour Dieu seul.

1106. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Que le maître lise, mais que l’élève ignore jusqu’au nom de l’Analyse des jeux de hasard, par Montmaur. […] Les Institutions astronomiques de Gregory37, que les maîtres liront. […] Adulateurs des grands, ils altéreront, par leurs éloges mal placés, toute idée de vertu : plus ils seront séduisants, plus on les lira, plus ils feront de mal. […] Plusieurs années de suite j’ai été aussi religieux à lire un chant d’Homère avant de me coucher que l’est un bon prêtre à réciter son bréviaire. […] Cependant on ne possède pas la langue grecque sans l’avoir lu et relu.

1107. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Pour cet effet, il fallait lire son voyage d’Italie  ; je l’ai lu sans pouvoir y glaner une misérable ligne qui me servît. […] Je n’ajouterai rien de plus, car il faudrait revenir sur les mêmes éloges qui vous fatigueraient autant à lire que moi à les écrire. […] Il faut apprendre à lire et à voir. […] Si vous envoyez ces feuilles à des femmes qui n’aient pas les oreilles faites, avertissez-les d’arrêter là, ou de ne lire ce qui suit que quand elles seront seules. […] Je m’entretiendrais de la vanité des choses de ce monde, si je lisais au-dessus de la tête d’une marchande d’herbes, au divin Auguste, au divin Néron , et de la bassesse des hommes qui ont pu diviniser un lâche proscripteur, un tigre couronné.

1108. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

La Patrie en danger est lue par Hennique et Antoine, et saluée d’applaudissements à chaque fin d’acte. […] Jeudi 31 janvier Aujourd’hui, je lisais dans le compte rendu d’un livre, je crois du docteur Richet, qu’il définissait le génie par l’originalité. […] Dimanche 24 mars Je ne sais dans quel journal, je lisais que ma vie se passait au milieu d’une société d’admiration. […] Non, jamais je ne fus aussi absent de la vie réelle, pour appartenir si complètement à la fiction, — sauf cependant une autre fois, la fois, où plus petit encore, j’avais lu, échoué dans une vieille bergère de la chambre à four de Breuvannes, j’avais lu Robinson Crusoé, que mon père avait acheté pour moi, à un colporteur de la campagne. […] Et donc, il avait prié Hugo d’inviter Roqueplan à déjeuner, pour lui lire sa pièce, mais Hugo n’ayant point de réponse au bout de huit jours, dans son désir passionné d’être joué, Vacquerie avait fait inviter à déjeuner Frédérick-Lemaître qui avait accepté le rôle.

1109. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Elle ne se laisse pas moins lire, et même sans fatigue. […] On lira dans l’Étude de M.  […] L’aviez-vous lu, monsieur ? […] ou n’a-t-il jamais lu Baudelaire ? […] Il faut lire les cinq ou six chapitres où M. 

1110. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

. — Sur les études « littéraires », il s’étend copieusement : d’abord « avoir lu attentivement les grands modèles ». […] Comment l’utiliser, si l’on ne sait pas le lire ? […] Erreurs accidentelles s’ils ont lu de travers en copiant, ou mal entendu en écrivant sous la dictée, ou fait involontairement des lapsus calami. […] On lisait : « Philosophia unde dicta sit, apparet ; ipso enim nomine fatetur. […] On le fait par nécessité, quand les documents sont trop nombreux pour être tous lus ; mais on ne le dit pas, par crainte du scandale.

1111. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Vous en avez eu le courage tranquille, et je vous écoutais vraiment comme je ferais au jugement dernier… Je vous écoutais, monsieur, car on a lu devant moi votre analyse de ces livres imparfaits, inutiles même, si quelque chose l’est sur la terre, et que vous avez lus patiemment en y appuyant votre pensée et votre âme pour en extraire quelque chose à aimer, à louer et à plaindre ! […] Si jamais ce volume nouveau trouve une place, — sa place d’une goutte d’eau dans la mer, — vous le lirez tout entier inédit ; n’est-ce pas, monsieur ? […] En adressant ses Essais à M. de Latour, avec une demande de souscription, Mme Valmore débutait par cet apologue à la manière du poète persan Saadi, dont elle avait lu quelque chose et que, disait-elle, elle adorait : « Monsieur, « Il est dit dans un livre qu’un pauvre oiseau jeté à terre et roulé dans le vent de l’orage fut relevé par une créature charitable et puissante, qui lui remit son aile malade comme eût fait Dieu lui-même ; après quoi l’oiseau retourna où vont les oiseaux, au ciel et aux orages. […] Sainte-Beuve, contre la lettre sincère qu’on vient de lire, et il en arrive à faire une querelle à M. 

1112. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

mon ami, ce n’est point du trop lire que me vient mon mal, mais bien de voir chaque jour le train des affaires et l’intrigue qui se joue : c’est là le livre où j’étudie et qui me rend malade. […] Si, dans l’Élégie intitulée Patriæ desiderium, il sut chanter en un latin agréable les souvenirs de l’Anjou, de son cher Liré et des rives de Loire, il fit mieux d’y revenir en français, et je ne sais pas de meilleure leçon de goût pour un jeune poète que de lui donner à lire la pièce latine, si élégante, de Du Bellay, en mettant à côté et en regard le même tableau qu’il a rendu en français dans ce petit chef-d’œuvre qu’on peut appeler le roi des sonnets. […] qui en avoit lu la plus grand’part m’avoit commandé de sa propre bouche d’en faire un recueil et les faire bien et correctement imprimer113, je les baillai à un imprimeur sans autrement les revoir, ne pensant qu’il y eût chose qui dût offenser personne, et aussi que les affaires où de ce temps-là j’étois ordinairement empêché pour votre service ne me donnoient beaucoup de loisir de songer en telles rêveries, lesquelles toutefois je n’ai encore entendu avoir été ici prises en mauvaise part, ains y avoir été bien reçues des plus notables et signalés personnages de ce royaume, dont me suffira pour cette heure alléguer le témoignage de M. le chancelier Olivier, personnage tel que vous-même connoissez : car ayant reçu par les mains de M. de Morel un semblable livre que celui qu’on vous a envoyé, ne se contenta de le louer de bouche, mais encore me fit cette faveur de l’honorer par écrit en une Épître latine qu’il en écrivit audit de Morel. […] Revillout, dans le Mémoire qu’il a lu sur Du Bellay à la réunion des sociétés savantes en Sorbonne au mois d’avril dernier, en même temps qu’il mérite tous nos remerciements pour les communications précieuses qu’on lui a dues, m’a paru un peu sévère dans ses conclusions sur l’aimable poète. […] On m’assure pourtant qu’il ne sera ni tout à fait inutile, ni désagréable pour ceux mêmes qui le savent déjà, de citer le sonnet célèbre, qu’on s’attend à lire chaque fois qu’il est question de Du Bellay ; j’obéis donc à cette observation qui m’est faite au dernier moment, d’autant plus que c’est la meilleure preuve que je n’ai pas surfait le poète : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestui-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !

1113. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Dans ce salon, qu’il faudrait peindre, où tout dispose à ce qu’on y attend, dont la porte reste entr’ouverte sur le monde qui y pénètre encore, dont les fenêtres donnent sur le jardin clos et sur les espaliers en fleur d’une abbaye, on a donc lu les Mémoires du vivant le plus illustre, lui présent. […] Le grand poëte ne lisait pas lui-même ; il eût craint peut-être en certains moments les éclats de son cœur et l’émotion de sa voix. […] Il y a du Sophocle et du Bossuet dans son innovation, en même temps que le génie vierge du Meschacebé : Chactas a lu Job et a visité le grand Roi. […] Le deuxième volume renferme un chapitre aux Infortunés, dans lequel, à travers les conseils et les règles de conduite que l’auteur essaye de déduire, on lit toute l’histoire de sa vie d’émigration et de sa noble pauvreté : « Je m’imagine, s’écrie-t-il, que les malheureux qui lisent ce chapitre le parcourent avec cette avidité inquiète que j’ai souvent portée moi-même dans la lecture des moralistes, à l’article des misères humaines, croyant y trouver quelque soulagement. […] Quand j’entendais lire ces obscurs et murmurants passages, il me semblait sentir un parfum profond comme d’un oranger voilé. 

1114. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

dit l’historien, il est difficile de les lire sans être ému. […] Lucas-Montigny, a été déjà lu de tout le monde. […] Lucas-Montigny qu’il faut lire les preuves de ces tempéraments indomptables et de ces vertes intelligences. […] On ne saurait, avant d’avoir lu cette notice, se faire une idée d’une race telle et si bien conservée que la postérité de ces proscrits de Florence, devenus Provençaux et Français. […] Je sais que c’est une défense peu avantageuse à prendre que celle du Système de la Nature et de cette faction holbachienne ; mais je ne veux soutenir d’Holbach ici que comme un homme d’esprit, éclairé quoique amateur, sachant beaucoup de faits de la science physique d’alors, n’ayant pas si mal lu Hobbes et Spinosa, maltraité de Voltaire qui le trouvait un fort lourd écrivain et un fort ennuyeux métaphysicien, mais estimé de d’Alembert, de Diderot, et dont l’influence fut grande sur Condorcet et M. de Tracy.

1115. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Plusieurs médecins ont cité l’histoire d’une fille de vingt-cinq ans, très ignorante et ne sachant pas même lire, qui, devenue malade, récitait d’assez longs morceaux de latin, de grec et d’hébreu rabbinique, mais qui, une fois guérie, parlait tout au plus sa propre langue. […] Si nous lisons avec application ou si nous causons avec vivacité, pendant que, dans la chambre voisine, on chante un air, nous ne le retenons pas ; nous savons vaguement qu’on a chanté, rien de plus. […] Mais nous sommes occupés ailleurs, nous pensons, nous rêvons, nous causons, nous lisons, et pendant tout ce temps nous négligeons le reste ; à l’égard des autres sensations, nous sommes comme endormis et en rêve ; l’ascendant de quelque image ou sensation dominatrice les retient à l’état naissant ; si, au bout d’une minute, nous essayons de les rappeler par le souvenir, elles ne renaissent pas ; elles sont comme des graines jetées à poignées, mais qui n’ont pas germé ; une seule, plus heureuse, a accaparé pour soi la place et les sucs de la terre. — Il n’est pas même nécessaire que ces sensations destinées à l’effacement soient faibles ; elles peuvent être fortes ; il suffit qu’elles soient moins fortes que la privilégiée ; un coup de fusil, l’éclair d’un canon, une douloureuse blessure échappent maintes fois à l’attention dans l’emportement de la bataille, et, n’ayant point été remarqués, ne peuvent renaître ; tel soldat s’aperçoit tout d’un coup qu’il saigne, sans pouvoir rappeler le coup qu’il a reçu. — Neuf fois sur dix, et peut-être quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la sensation perd ainsi son aptitude à renaître, parce qu’il n’y a pas d’attention sans distraction, et que la prédominance portée sur une impression est la prédominance retirée à toutes les autres. […] Tout le monde sait qu’on oublie beaucoup de mots d’une langue lorsqu’on cesse pendant plusieurs années de la lire ou de la parler. […] Elle fut obligée d’apprendre de nouveau à épeler, à lire, à écrire, à calculer, à connaître les objets et les personnes qui l’entouraient.

1116. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Il lut donc Saint Thomas et les Pères : mais le monde le garda ; les beaux esprits du lieu, les dames avaient bien reçu ce jeune poète qui avait l’air de Paris et connaissait Chapelain ; ses amis parisiens l’entretenaient aussi de pensées profanes. […] Il lisait, annotait Virgile, Homère, Pindare. […] Ce Pyrrhus que nous trouvons coquet, galant, les choquait comme un malappris, et Racine était obligé d’écrire cet avertissement : « Le fils d’Achille n’avait pas lu nos romans : certes ces héros ne sont pas des Céladons ». […] On l’a accusé de se répéter ; il ne faut l’avoir guère lu, ou grossièrement. […] Ni lui, ni Lagrange-Chancel ne valent d’être lus : ils font valoir je ne dis pas Rotrou ou Tristan, mais Scudéry et La Calprenède, et le bonhomme Hardy.

1117. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Ailleurs, parlant du plaisir pieux que trouvait saint Louis à lire les Écritures, et comparant son respect pour les livres sacrés au respect d’Alexandre pour les poèmes d’Homère, il dit : Il les tenoit enclos comme un riche trésor Dans un coffre odorant de cèdre et de fin or : Il les vouloit nommer la fleur de ses délices L’aiguillon des vertus et la bride des vices. […] Il mérite d’être lu, non-seulement pour sa date, mais pour la justice de l’éloge toujours conforme à la vérité historique ; pour l’onction chrétienne de certains passages, et parce que la langue en est forte et saine. Il n’est pas lu pourtant, et peut-être le titre même en est-il ignoré. […] Une ode qu’il lut au cardinal Duperron fit parler de lui devant Henri IV. […] C’était l’ode, de toutes les formes poétiques la plus propre à rendre sensibles ses réformes ; rien n’étant lu de plus près, ni avec plus d’attention aux détails.

1118. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Pasquier, le plus agréable à lire peut-être, est ingénieux et sensé dans ses Recherches, piquant dans ses lettres, imitées de cet art de Pline le Jeune, qui fait valoir des riens par le soin de l’expression ; mais il ne s’y élève jamais à cet ordre d’idées où la langue est faite de génie. […] Ce ne sont, toutefois que des écrivains à consulter un seul ouvrage, dans cet ordre, est à lire, parce qu’il a défendu la bonne politique du temps par des moyens et avec un art qui sont de tous les temps : c’est la Satire Ménippée. […] D’Aubray a lu les modèles de l’éloquence latine ; il s’en est assimilé la méthode et le tour. […] Pour mieux apprécier la vérité de cette sorte d’impatience dont on est saisi après avoir lu les grands écrivains du xvie  siècle, il faut rassembler les traits qui leur sont communs, et en former une image de l’esprit français à cette époque, pour la comparer avec le type que nous en avons en nous. […] Telles sont les qualités qui feront toujours lire avec charme, même par les plus mondains le plus célèbre des ouvrages de François de Sales, l’Introduction à la vie dévote.

1119. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Parmi les recueils de lettres, un seul est marqué de ces qualités qui font lire pour eux-mêmes les ouvrages d’esprit : ce sont les Lettres de Mme de Sévigné. […] C’est ce qui fit que les lettres de Mme de Sévigné furent lues tout d’abord de tant de gens. […] Nous voyons les occupations graves auxquelles on se porte par mode : les sermons fort courus, surtout ceux de Bourdaloue, « qui frappe toujours comme un sourd184 » ; les discussions sur les ouvrages d’esprit ; les partisans de Corneille aux prises avec ceux de Racine ; les lectures : c’est le Port-Royal qui est le plus lu, après les poètes et avec les romans. […] Il est plus d’une lettre qu’on croit lire pour la première fois et qu’on relit. […] Aussi, pour le rang à donner aux deux recueils, je m’en rapporte plus volontiers à un autre juge excellent des ouvrages de l’esprit, Royer-Collard, lequel, sur la fin de sa belle vie, lisait chaque soir, après une page de Tacite, quelque lettre de Mme de Sévigné.

1120. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Après les succès d’Ourika et d’Édouard, la duchesse de Duras avait lu, à quelques personnes de sa société, une nouvelle intitulée Olivier, dont on parlait assez mystérieusement. […] Je l’ai remplacé par une demi-colonne du Constitutionnel que vous pourrez lire ce matin. […] Un mot d’innocence, de candeur première, faisait relater en lui le lire franc d’une joie retrouvée. […] [NdA] Je lis dans un article du Journal de l’Indre du 21 mars 1851, où Μ.  […] [NdA] L’épigramme de Millevoye est adressée À un lecteur de société ; la voici : Vos vers tant lus, tant relus, Ont fait émeute au Parnasse ; Publiez-les donc, de grâce, Afin qu’on n’en parle plus.

1121. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Les Dominicains le lisent dans leur cellule. […] Il y a une idée dans ce livre ; seulement, cette idée, qui pipe jusqu’aux Dominicains, n’y est pas réalisée de manière à payer un prêtre et un religieux de la peine frivole d’avoir lu un roman plein d’inconséquence et de superficialité. […] IV Le roman commence bien : par un suicide lestement et froidement exécuté, en rentrant chez soi, de la promenade, par un beau soir, manière très émouvante de se jeter en plein intérêt dramatique, et que je dirais d’une originalité très inattendue s’il n’y avait dans la littérature du temps un livre beaucoup moins lu que ne le sera certainement le livre de Feuillet, et qui commence aussi par un suicide. […] Les imaginations qui lisent Octave Feuillet et qui sont plus fortes que la sienne — et elles ne sont pas rares, ces imaginations, — peuvent rêver sur ses livres et leur donner une valeur qu’ils n’ont pas, en appuyant sur ce qui est inappuyé dans ces compositions, à moitié ou au quart venues, où l’auteur semble avoir eu pour visée, quoiqu’il n’ait probablement jamais pensé à cette précaution inutile, d’éviter cette chose qui dérange tant en France : l’abominable inconvénient d’une forte individualité ! […] Beaucoup de ceux qui lisent Feuillet ont nié la vérité, en nature féminine, de ce changement, mais, moi, je le crois d’une vérité absolue.

1122. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Je veux lire, dimanche, l’article Socialisme dans Larousse. » Et ce cri, bien curieux : « Je n’en veux pas à la vie ; je sais qu’elle est faite pour quelques-uns. » Voulez-vous des âmes tendres, des mots qu’un écrivain ne désavouerait pas ? Écoutez ces trois pensées écrites sur le même petit cahier par une Parisienne : « J’aime lire un livre qui vient d’être lu par une personne aimée, et celui dont j’ai à couper les pages me donne toujours une première impression sèche. Je vais donc lire d’abord le roman que mon amie a lu. » Un peu plus loin : « Seule, je n’ai aucune force.

1123. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ainsi, malgré l’exemple de Plaute, où nous lisons : da tertiam ! […] — Madame est malade… lisez : « madame est au bal !  […] que de frissons, que de cheveux blancs, mignonne au teint de lis ! […] C’est pourtant un philosophe qui sait lire et écrire ! […] Encore une fois, lisez les modèles, et tenez-vous aux modèles.

1124. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Cette clef est perdue, & l’ouvrage se fait encore lire. […] Elle intéresse, elle se fait lire. […] Guétrie, lisez Grétry. […] Rapin, on a osé comparer vos Jardins aux Géorgiques de Virgile ; mais les Laboureurs d’Italie pouvaient lire le Poëte de Mantoue ; & Antoine, mon Jardinier, qui lisait mes Epîtres, n’a jamais pû lire votre Poëme. […] On ne peut vous lire sans vous admirer ; mais vous savez qu’un opéra est moins fait pour être lu que pour être chanté.

1125. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Quant au contraire nous lisons une page poétique, nous lui accordons sans réserve notre admiration. […] Des vers que nous lisons nous donneront une impression de poésie par le seul éclat des images. […] J’articule en moi-même les mots que je lis. […] Les beaux vers ne peuvent se lire que lentement. […] Qu’est-ce que cela quand nous lisons des vers ?

1126. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

J’ai lu autrefois avec plaisir les propres Nouvelles de cet auteur. […] Elle lisait surtout Virgile et Horace, et elle en faisait son profit. […] Le poète était venu exprès de Mâcon pour lui lire son ouvrage. […] Ils les lisent sans doute avec plaisir, au café, en sirotant leur verre, puis ils passent. […] Et il nous fait lire dans le cœur humain couramment.

1127. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

J’ai évité de le répandre sous cette forme, me défiant d’une traduction incomplète et imparfaite, et craignant de demander aux personnes qui veulent bien s’occuper de mes écrits un jugement prématurée Mais, peu de temps après, j’ai lu cet essai, sous sa première forme, à l’Académie des sciences morales et politiques ; il, y fut écouté avec une attention bienveillante qui m’encourage et dont je m’honore. […] On ne peut lire sans émotion ce court Essai sur la destinée des gens d’église37, où il montre, avec tant d’esprit et tant d’amertume, le succès assuré de la médiocrité servile et universellement bienveillante de Corusodes et l’abaissement d’Eugenio, opprimé par son talent. […] Je vous supplie donc comme hommes, comme chrétiens, comme pères, comme amis de votre pays, de lire cette feuille, avec la plus grande attention, ou de vous la faire lire par d’autres : et afin que vous le puissiez faire à moins de frais, j’ai ordonné à l’imprimeur de le vendre au plus bas prix. » Après ce début admirable, il transforme audacieusement Wood en un aventurier, et déclare que la valeur intrinsèque de sa monnaie ne vaut pas un huitième de sa valeur nominale. […] S’il en est ainsi, je crois que ce que j’en ai dit suffit pour vous donner l’envie de le lire et que vous me prierez de vous l’envoyer… » « … Gulliver ira aussi loin que John Bunyan », lui écrivait Arbuthnot. […] Les mêmes vices et les mêmes folies règnent partout ; du moins dans tous les pays civilisés d’Europe ; et l’auteur qui n’écrit que pour une ville, une province, un royaume ou même un siècle, mérite si peu d’être traduit qu’il ne mérite pas d’être lu.

1128. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Il était près, assure-t-il, de lui répondre ; il s’est ressouvenu aussitôt de son Histoire, de cette Histoire élégante et froide, où il est tracé « un tableau si odieusement faux de la félicité du monde », à cette écrasante époque de l’établissement romain : Je n’ai jamais pu lire son livre, ajoute-t-il, sans m’étonner qu’il fût écrit en anglais ; à chaque instant j’étais tenté de m’adresser à M.  […] Ce ne serait pas être juste, avant de quitter l’Histoire de ce dernier, que de n’y pas signaler encore quelques endroits tout littéraires et d’une heureuse richesse, où l’auteur est bien dans l’application de sa nature et dans l’emploi de son talent : par exemple, un passage soigné sur les écoles de philosophie grecque au moment où l’édit de Justinien les supprime ; et, tout à la fin de l’ouvrage, les considérations sur la Renaissance en Italie, sur l’arrivée des lettrés de Constantinople, sur les regrets de Pétrarque en recevant un Homère qu’il ne sait pas lire dans l’original, et sur le bonheur de Boccace, plus docte en ceci et plus favorisé. […] À défaut de ce honneur impossible, Mme Necker essayait quelquefois de lui indiquer d’autres sources de consolation et le souverain remède contre l’isolement du cœur ; elle lui avait fait promettre de lire l’ouvrage de son mari sur L’Importance des opinions religieuses, et elle avait, à l’occasion, sur ce sujet de christianisme et de monde invisible, des paroles amies et délicates, que Gibbon du moins ne repoussait pas. […] [NdA] On peut lire les considérations qui terminent la première partie publiée de la belle Histoire d’Angleterre de M. 

1129. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Elle continua de lire la Bible en allemand. Elle remarque qu’alors en France presque personne, même parmi les fidèles, ne lisait la sainte Écriture. […] Elle s’était choisi trois jours par semaine pour ce salutaire usage : « Après une visite à mon fils, dit-elle (27 novembre 1717), j’ai été me mettre à table, et après dîner j’ai pris ma Bible et j’ai lu quatre chapitres du livre de Job, quatre psaumes et deux chapitres de saint Jean. […] Depping qui est à lire.

1130. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Les poètes italiens étaient lus dans la famille, et il aimait même à croire que cette famille de son grand-père était originaire d’Italie. […] Dans ses brochures, il combat les deux unités de lieu et de temps, qui étaient encore rigoureusement recommandées ; il s’attache à montrer que pour des spectateurs qui viennent après la Révolution, après les guerres de l’Empire ; qui n’ont pas lu Quintilien, et qui ont fait la campagne de Moscou, il faut des cadres différents, et plus larges que ceux qui convenaient à la noble société de 1670. […] Quand il ne fait que se prendre corps à corps aux adversaires du moment, à ceux qui parlent de Shakespeare sans le connaître, de Sophocle et d’Euripide sans les avoir étudiés, d’Homère pour l’avoir lu en français, et dont toute l’indignation classique aboutit surtout à défendre leurs propres œuvres et les pièces qu’ils font jouer, il a raison, dix fois raison. […] Comme critique, il n’a pas fait de livre proprement dit ; tous ses écrits en ce genre ne sont guère qu’un seul et même ouvrage qu’on peut lire presque indifféremment à n’importe quel chapitre, et où il disperse tout ce qui lui vient d’idées neuves et d’aperçus.

1131. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Il y avait dans le même moment deux de ces places de secrétaires vacantes, dont l’une obligeait plus que l’autre à paraître et à lire en public. […] Sa femme a une intelligence des plus distinguées ; elle a beaucoup lu et à bonne fin, et est plus polie qu’une duchesse. […] De midi à trois heures, chacun allait de son côté et vaquait à ses goûts et à sa récréation ; il employait cet intervalle soit à lire dans sa chambre, soit à se promener, même à monter à cheval, ou à travailler dans le jardin. […] [NdA] Cowper a en France depuis assez longtemps des admirateurs et des amis qui le lisent et le cultivent en silence : la traduction que je viens de donner est due à un poète bien connu, M. 

1132. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il y a des livres plus agréables que ce Journal de d’Argenson, il n’en est guère de plus instructif pour qui sait bien lire. […] Les contemporains appelaient le marquis d’Argenson (pour le distinguer de son frère plus fin et plus poli) d’Argenson la bête : on conçoit, quand on a lu et vu le marquis en déshabillé avec toutes ses rudesses et ses grossièretés de nature, que des gens du monde, surtout sensibles à la forme, lui aient donné ce surnom-là ; mais il faut convenir que la bête avait de terribles instincts, et qu’elle devinait plus juste bien souvent que les soi-disant spirituels. […] Les vieux commissaires des guerres disaient que c’était parce que je sortais du collège, et que j’avais lu que les Romains donnaient ainsi le blé à leurs légions. […] D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas.

1133. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

L’auteur même est assez peu lu aujourd’hui. […] Sismondi commençait, en ce temps, à connaître Mme de Staël, et, s’ouvrant à elle de son amour, il lui dit, en réponse aux offres de service qu’elle lui faisait, que déjà elle lui en rendait un très-grand auquel elle n’avait pas songé, par son roman de Delphine ; qu’il le ferait lire à sa mère, et que le livre plaiderait en sa faveur. […] Elle aura beau l’entendre, le savoir, lire le Dante mieux que les trois quarts et demi des nationaux, elle ne trouvera jamais dans toute la langue de quoi faire aller une conversation comme il la lui faut… » Sismondi profita des conseils. […] La remarque dont il est question, et qu’on peut lire au tome II du Cours de Littérature dramatique de Schlegel, a bien l’air pourtant d’une épigramme.

1134. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

A qui savait lire, Collé était parfaitement connu auparavant. […] Bonhomme ne s’est jamais demandé une seule fois en écrivant : « Qu’aurait pensé de moi mon auteur s’il m’avait lu ?  […] Mais la fumée littéraire si subtile lui a évidemment monté au cerveau et l’a légèrement enivré ; bien traité et plus que poliment par des critiques en renom, il s’est dit qu’il était un critique littéraire lui-même, et voici en quels termes il parle ou fait parler de lui dans un Prospectus, destiné, dit-il, à la province, mais que les gens de Paris ont pu lire au passage : « M.  […] Je conseille à tous ceux qui veulent connaître Collé de chercher les feuilletons où Mlle de Meulan a parlé de lui, et de lire les anecdotes qu’elle cite.

1135. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

mais il a ses opiniâtretés, et dans le moment qu’il parle de remarcher aux ennemis, il songe à repasser l’Adda et dit qu’il n’y a que cela à faire… Au bout du compte, le roi doit être informé qu’il n’y a en vérité plus, comme l’on dit, personne au logis, et que sa pauvre tête s’échauffe, s’embarrasse et puis qu’il n’en sort rien. » En rabattant de ces vivacités d’esprit et de plume tout ce qu’on voudra, il reste bien démontré, quand on a lu les pièces, que Louis XIV avait raison d’être peu satisfait ; son armée d’Italie avait perdu confiance en son général et n’était plus conduite : « Je vous avais mandé, écrivait-il à cette même date à Catinat, que vous aviez affaire à un jeune prince entreprenant : il s’est engagé contre les règles de la guerre ; vous voulez les suivre et vous le laissez faire tout ce qu’il veut. » Ce n’est pas d’avoir remplacé Catinat, c’est de l’avoir remplacé par Villeroy qu’on peut blâmer Louis XIV. […] C’est à n’y pas croire si l’on n’a lu les pièces et preuves mêmes. […] Les deux lettres de lui qu’on a lues précédemment, adressées à son frère, ne restèrent pas secrètes ; des copies circulèrent ; elles furent imprimées. […] Bayle, dans sa Réponse aux questions d’un Provincial (1703), a tout un chapitre là-dessus ; son doute n’existait qu’avant d’avoir lu les lettres ; dès qu’il les a vues, il n’hésite pas à exprimer son sentiment ; les faussaires n’ont pas de ces accents-là : « J’y trouvai, dit-il, tant de caractères d’ingénuité et la nature si parlante, qu’il me sembla qu’un imposteur n’aurait jamais pu déguiser si heureusement son artifice.

1136. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Comme le livre n’est destiné qu’à ceux de sa nationalité qui lisent le français et qu’il s’adresse, en revanche, à tous les lecteurs français dont la majorité est loin de posséder l’allemand, il eût été de meilleure grâce à M. d’Arneth d’en faire une publication toute française. […] La Correspondance, peu agréable à première vue, est d’un intérêt sérieux à qui la sait bien lire. Je dis à dessein : A qui la sait bien lire. […] Mais nous n’avons garde d’empiéter sur la chirurgie. — Je ne laisse subsister la note qu’on vient de lire qu’à la condition d’en rétracter une partie.

1137. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Je le dis tout d’abord, ils sont peu agréables à lire, quoique très essentiels pour la connaissance intime et profonde de La Mennais, ils n’offrent à première vue rien qui flatte, rien qui réponde aux désirs de l’imagination. […] Il lisait les Lettres spirituelles de M.  […] Son étude elle-même, dans sa direction habituelle, est presque toute tournée à la théologie, aux citations des Pères : à peine Virgile et Horace se laissent-ils quelquefois deviner à travers cette sombre culture ; M. de La Mennais lisait le latin, mais il était peu capable de l’écrire ; il l’avait appris solitairement et ne s’était formé à aucun des exercices qui, ne fussent-ils bons à autre chose, disposent du moins à apprécier, à goûter avec justesse la belle fleur de l’antiquité109. […] Peyrat, alors précepteur dans une famille dont La Mennais était l’hôte, je lis : « M. de La Mennais s’intéressait à nos études ; il fit traduire à mon élève dix vers du sixième livre de l’Énéide.

1138. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Ce contemporain, dont le nom n’étonnera que ceux qui n’ont lu aucun de ses trois ouvrages caractéristiques, et qu’un instinct heureux de fureteur ou quelque indication bienveillante n’a pas mis sur la voie des Rêveries, d’Oberman et des Libres Méditations ; l’éloquent et haut moraliste qui débuta en 1799 par un livre d’athéisme mélancolique, que Rousseau aurait pu écrire comme talent, que Boulanger et Condorcet auraient ratifié comme penseurs ; qui bientôt, sous le titre d’Oberman, individualisa davantage ses doutes, son aversion sauvage de la société, sa contemplation fixe, opiniâtre, passionnément sinistre de la nature, et prodigua, dans les espaces lucides de ses rêves, mille paysages naturels et domestiques, d’où s’exhale une inexprimable émotion, et que cerne alentour une philosophie glacée ; qui, après cet effort, longtemps silencieux et comme stérilisé, mûrissant à l’ombre, perdant en éclat, n’aspirant plus qu’à cette chaleur modérée qui émane sans rayons de la vérité lointaine et de l’immuable justice, s’est élevé, dans les Libres Méditations, à une sorte de théosophie morale, toute purgée de cette âcreté chagrine qu’il avait sucée avec son siècle contre le christianisme, et toute pleine, au contraire, de confiance, de prière et de douce conciliation ; fruit bon, fruit aimable d’un automne qui n’en promettait pas de si savoureux ; cet homme éminent que le chevalier de Bouflers a loué, à qui Nodier empruntait des épigraphes vers 1804 ; que M. Jay estime, que les anciens rédacteurs du Constitutionnel et du Mercure ont connu ; que plusieurs littérateurs de cinquante ans regardent comme aussi ingénieux que modeste ; dont les femmes ont lu le livre de l’Amour, un peu sur la foi du titre, et que les jeunes gens de notre âge se rappellent peut-être avoir vu figurer dans quelque réquisitoire sous la Restauration ; — M. de Sénancour a eu, à tous égards, une de ces destinées fatigantes, malencontreuses, entravées, qui, pour être venues ingratement et s’être heurtées en chemin, se tiennent pourtant debout à force de vertu, et se construisent à elles-mêmes leur inflexible harmonie, leur convenance majestueuse. […] Nous avons indiqué la Dent du Midi : qu’on lise, par comparaison, Charrières. […] La forme littéraire et toute classique du développement, la lenteur égale de chaque paragraphe, se rapprochent beaucoup de la manière du moraliste Du Guet dans le traité si bien écrit et si peu lu de la Prière.

1139. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Mais c’est ici le lieu de dire que Mlle de Liron était belle, et comment elle l’était ; car sa beauté va s’altérer avec sa santé jusque-là si parfaite, et quand Ernest la reverra après le terme prescrit, malgré l’amour d’Ernest et ses soins de plus en plus tendres, elle lira involontairement dans ses yeux qu’elle n’est plus tout à fait la même. […] … Ce livre que tu vois (et elle montrait l’Imitation de Jésus-Christ), j’en ai fait mes délices : je l’ai lu et relu nuit et jour. […] Le changement qui nous est sensible chez Mlle de Liron, à mesure que nous lisons mieux dans son cœur et que sa bonne santé s’altère, n’est pas plus difficile à concevoir que tant de changements à nous connus, développés dans des natures de femmes par une rapide invasion de l’amour. […] Je suis revenu plus tard et avec plus de détail sur madame de Charrière, dans un article à part qu’on peut lire ci-après (dans le présent volume), ainsi que sur mademoiselle Aïssé (voir Derniers Portraits, ou au tome III des Portraits littéraires, édit. de 1864).

1140. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Les vers non plus n’y manquaient pas ; je lis, à la date du 10 juillet, la Chanson du Pèlerin qui heurte, pendant la nuit sombre et pluvieuse, à l’huis d’un châtel  ; elle était adressée au gentil et gracieux trouvère de Lutéce, Victor Hugo, et pouvait sembler une allusion ou requête poétique ingénieuse :  — Comte, en qui j’espère, Soient, au nom du Père Et du Fils, Par tes vaillants reîtres Les félons et traîtres    Déconfits ! […] Eugène Renduel avait lu le manuscrit des Fantaisies de Gaspard, y avait pris goût, et il ne s’agissait plus que de l’imprimer. […] si le roi nous lisait dans son Louvre,  — ô ma Muse inabritée contre les orages de la vie,  — le seigneur suzerain de tant de fiefs qu’il ignore le nombre de ses châteaux, ne nous marchanderait pas une pauvre chaumine ! […] Son épisode de Jenny introduit et personnifie la chasteté de l’émotion ; la Bible, lue tout haut, renvoie sur toute la scène une lueur religieuse.

1141. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Il faut lire chez M.  […] À propos de ce mot qu’on vient de lire sur Tacite, je crois vrai de remarquer que l’éloquent historien que Racine appelait le plus grand peintre de l’Antiquité, l’historien philosophe, qui a été si en honneur durant, tout le xviiie  siècle, est moins en faveur depuis quelque temps. […] Tout le monde aborde et lit cette histoire, mais il n’y a qu’une manière de la lire comme il faut, en détail, les cartes sous les yeux, sans rien passer, sans rien brusquer ; ce n’est pas là un de ces livres dont on prenne idée en le parcourant. […] Dans le style, l’écrivain n’a nulle part flatté le goût du temps pour les effets et pour la couleur, et on pourrait même trouver qu’il en a tenu trop peu de compte quelquefois ; mais c’est une satisfaction bien rare pour les esprits sérieux et judicieux que celle de lire une suite de volumes si aisés et si pleins, sortis tout entiers du sein du sujet et nous le livrant avec abondance, d’une simplicité de ton presque familière, ou jamais ne se rencontre une difficulté dans la pensée, un choc dans l’expression, et où l’on assiste si commodément au spectacle des plus grandes choses.

1142. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Si ma petite-fille est une bête, le savoir la rendrait confiante et insupportable ; si elle a de l’esprit et de la sensibilité, elle fera comme moi, elle suppléera par adresse et avec du sentiment à ce qu’elle ne saura pas ; et quand elle sera plus raisonnable, elle apprendra ce à quoi elle aura plus d’aptitude, et elle l’apprendra bien vite. » Elle ne m’a donc fait apprendre, dans mon enfance, simplement qu’à lire ; mais elle me faisait beaucoup lire ; elle m’apprenait à penser en me faisant raisonner ; elle m’apprenait à connaître les hommes en me faisant dire ce que j’en pensais, et en me disant aussi le jugement qu’elle en portait. […] On essayait, raconte-t-on, de lui faire lire quelque ouvrage d’histoire ou de voyages, et, comme on lui donnait toujours un premier tome sans qu’il s’en aperçût, il se contentait de trouver « que l’ouvrage était intéressant, mais que l’auteur se répétait un peu ». […] c’est un sot frotté d’esprit. » Elle disait du duc de Nivernais : « Il est manqué de partout, guerrier manqué, ambassadeur manqué, auteur manqué, etc. » Rulhière lisait dans les salons ses Anecdotes manuscrites sur la Russie ; elle aurait voulu qu’il les jetât au feu, et elle lui offrait de l’en dédommager par une somme d’argent.

1143. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Malgré ces défauts que je ne cherche pas à dissimuler, et quoiqu’elle reste assez difficile à lire dans toute sa continuité pour les esprits qui ne sont pas très sérieux et attentifs, l’Histoire de M.  […] Cependant, après avoir lu ce morceau d’une exactitude inexorable, et l’avoir goûté en ce qu’il a de sobriété piquante, je n’ai pu m’empêcher d’écrire en marge cette impression plutôt morale que littéraire : « C’est très bien, mais pourquoi cette âcreté mal dissimulée pour des choses si simples ? […] Il avait le goût et un peu la prétention de ne lire et de ne pratiquer que les gens de ce temps-là. […] J’ai pensé que la meilleure manière d’introduire ce rayon à demi obscur qui m’avait échappé, c’était d’en faire remarquer l’absence et de consigner le regret si bien senti et si délicatement touché qu’on vient de lire.

1144. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Jasmin, en s’élevant à ce genre de compositions nouvelles, suivait encore son naturel sans doute, mais il s’était mis à le diriger, à le perfectionner ; cet homme, qui avait lu peu de livres, avait médité en lisant à celui du cœur et de la nature, et il entrait dans la voie de l’art véritable, où un travail secret et persévérant préside à ce qui paraîtra le plus éloquemment facile et le plus heureusement trouvé. […] Annette, effrayée de l’inquiétude où elle voit son amie, dit à Marthe qui l’interroge et qui croyait déjà lire à son front une nouvelle : « Je n’en sais rien encore ; amie, prends courage ; voici midi, nous le saurons bientôt. […] Jasmin commence et récite la pièce qu’on peut lire dans son troisième volume : Le Prêtre sans église. […]  » On en peut compter les ceps aisément : Neuf cerisiers, voilà mon bois, s’écrie Jasmin, qui n’a lu ni Pline le Jeune, ni le Hoc erat in votis d’Horace, ni Le Vieillard de Vérone de Claudien ; dix rangs de vigne font ma promenade ; des pêchers, ils sont miens ; des noisettes, elles sont miennes ; des ormeaux, j’en ai deux ; des fontaines, j’en ai deux.

1145. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l’Académie des inscriptions, a ramené l’attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d’accent et de ton, qui a eu, au début de l’Empire, le plus grand succès tragique d’alors (Les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l’étude du provençal classique et de ce qui en dépend), l’a établie et organisée d’une manière féconde, et s’est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. […] On en peut lire deux critiques très judicieuses, l’une dans les feuilletons de Geoffroy, l’autre dans les conversations de Napoléon (Mémoires de M. de Bausset)2 : Cette pièce, en général, m’a paru très froide, disait Napoléon, parce que rien ne vient du cœur et n’y va. […] Un autre jour encore, un écrivain distingué venait de lui lire une tragédie […] Supposant un concours solennel entre les poètes de toutes les nations, chaque nation n’ayant droit qu’à nommer un seul représentant : Les Grecs, s’écrie Raynouard, nommeraient Homère ; les Latins, Virgile ; les Italiens, le Tasse ou l’Arioste (il serait, je crois, plus juste de mettre Dante) ; les Anglais, Milton (lisez plutôt Shakespeare) ; et nous tous, — oui, vous-mêmes qui savez admirer Racine… ah !

1146. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Cette Correspondance bien lue fait pénétrer aussi avant qu’on peut le désirer dans l’âme et dans la pensée d’un roi qui fut véritablement grand, et qui, comme tous les grands hommes, inspire à ceux qui l’approchent de plus près une admiration plus réfléchie. […] Plus j’ai lu Frédéric, et mieux j’ai compris ce mot. […] Même depuis sa rentrée en grâce auprès de son père, il paraît peu à Berlin ; marié par pure obéissance, il vit comme s’il ne l’était pas ; il habite le plus ordinairement à Ruppin dont il est gouverneur ; il y exerce son régiment et passe de longues heures à lire, à écrire, à faire de la musique, à disserter avec des amis. […] On ne peut supposer que Frédéric, en parlant ainsi, dissimule, ni qu’il veuille donner le change à son ami, et il en faut conclure qu’à cette date M. de Suhm lisait plus nettement en lui que lui-même.

1147. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Entreprendre la guérison des plaies sociales, amender les codes, dénoncer la loi au droit, prononcer ces hideux mots, bagne, argousin, galérien, fille publique, contrôler les registres d’inscription de la police, rétrécir les dispensaires, sonder le salaire et le chômage, goûter le pain noir du pauvre, chercher du travail à l’ouvrière, confronter aux oisifs du lorgnon les paresseux du haillon, jeter bas la cloison de l’ignorance, faire ouvrir des écoles, montrer à lire aux petits enfants, attaquer la honte, l’infamie, la faute, le vice, le crime, l’inconscience, prêcher la multiplication des abécédaires, proclamer l’égalité du soleil, améliorer la nutrition des intelligences et des cœurs, donner à boire et à manger, réclamer des solutions pour les problèmes et des souliers pour les pieds nus, ce n’est pas l’affaire de l’azur. […] On peut lire, de la première à la dernière ligne, tout ce que nous avons publié, on n’y trouvera point ce mot. […] Entre deux vers, l’un de Pindare, déifiant un cocher ou glorifiant les clous d’airain de la roue d’un char, l’autre d’Archiloque, si redoutable qu’après l’avoir lu Jeffreys interromprait ses crimes et s’irait pendre au gibet dressé par lui pour les honnêtes gens, entre ces deux vers, à beauté égale, je préfère le vers d’Archiloque. […] Lisez Homère.

1148. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Après l’avoir lu on se sent plus apte à vivre et plus disposé à accepter le calice d’amertume que nous tendent les Anges invisibles ! […] Dans tous les cas, lisez son livre. […] Lisez, enfin, ce livre exquis, mais qui n’est pas exquis à la manière des livres littéraires, car le charme en vient de la femme et de la nature. […] Dans ces premiers Horizons il avait trop lu Michelet.

1149. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Il faut des livres qu’on lise au coin du feu, à la campagne, en famille ; c’est vers ce genre que se tournent l’invention et le génie. […] Il faut lire ces longues conversations où nulle parole n’est lâchée sans calcul, véritables duels renouvelés tous les jours avec la mort, bien plus avec le déshonneur en face. […] Toutes ses petites phrases coupées sont des soubresauts ; on halète à les lire. […] Aussi, pour lire Sterne, faut-il attendre les jours de caprice, de spleen et de pluie, où, à force d’agacement nerveux, on est dégoûté de la raison. […] Sa femme, qui a toute l’éducation du temps, est parfaite cuisinière, sait presque lire, excelle dans les conserves, et conte à table l’histoire et les mérites de chaque plat.

1150. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Des petites difficultés, de celles qui tiennent au goût et que la bonne grâce suffit à délier, il s’en lire à merveille ; mais, en présence des réelles, il faiblit. […] Guizot, au début, l’avait aussi peu que possible, eu égard à sa distinction ; il a écrit peut-être quelques-unes des plus mauvaises pages qu’on ait lues en français (dans sa notice en tête de la traduction de Shakspeare) ; il s’est formé depuis au style écrit par l’habitude de la parole, et l’usage, le maniement si continuel et si décisif qu’il a eu de celle-ci, l’a conduit à porter dans tout ce qu’il écrit la netteté inséparable de sa pensée. — Cousin est peut-être celui des trois qui, sans effort, atteindrait le mieux au grand style d’autrefois et qui jouerait le plus spécieusement, plume ou parole en main, la majestueuse simplicité du siècle de Louis XIV. — Pour Villemain, par l’éclat même et les élégantes sinuosités de sa recherche, il trahit un âge un peu postérieur ; il enchérit à quelques égards sur le xviiie  siècle, en même temps qu’il le rafraîchit, qu’il l’embellit avec charme et qu’il l’épure.

1151. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Pour Joseph, il n’avait pas ainsi toutes ses aises pour rêver, ni toutes ses ressources pour peindre ; il avait fait pour tout voyage celui d’Amiens à Paris, et peut-être encore quelque excursion à Rouen pendant les vacances de l’École de médecine ; il vivait dans un faubourg, ne connaissait d’arbres que ceux de son boulevard, de fleurs que celles qui poussaient dans les fentes des pavés de sa cour, de femmes que les fantômes de ses rêves ou les héroïnes des romans qu’il avait lus. […] En politique, bien que passionné pour la liberté et pour la France, il était tombé dans une sorte d’apathie ; on avait tant répété autour de lui et dans les deux ou trois journaux qu’il lisait sous les arcades de l’Odéon tous les matins, que l’abîme des révolutions était fermé, qu’à la fin il l’avait cru et en avait pris son parti, bien qu’un peu à contre-cœur.

1152. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Les Nouvelles de Prosper Mérimée sont toujours bonnes à lire, puisqu’elles sont parfaites, mais, à vingt ans, elles paraissent un peu sèches. […] Il nous suffisait d’être avertis, et « tout ça, c’est de la littérature. » Or, lisez les courts récits de Mérimée.

1153. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Zola, lourdement, nous montre, dans Pot-Bouille, une petite bourgeoise qui tombe pour avoir lu André. […] celles qui ont pu tomber après avoir lu André ou Indiana étaient mûres pour la chute ; et peut-être que, sans Indiana, elles seraient tombées plus brutalement et plus bas.

1154. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

. — Faire semblant d’avoir tout lu. — Savoir tous les potins. — Couper les livres des auteurs qui dînent chez vous. — Dîner beaucoup en ville et aller à la messe. — Retenir d’une exposition les tableaux des gens qu’on rencontre dans le monde. — Éviter le solennel et prendre la vie à la blague. » * *   * Étrange société où connaître les gens qui font « la fête » suffit pour conférer un titre d’excellence. […] Lire les Revues des jeunes.

1155. (1890) L’avenir de la science « VII »

D’où vient que l’on regarde comme une occupation sérieuse de lire Corneille, Goethe, Byron, et que l’on ne se permet de lire tel roman, tel drame moderne qu’à titre de passe-temps ?

1156. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

portera-t-il des cornes, sauvera-t-il son liront de la maligne influence ? […] On conçoit difficilement aujourd’hui que l’interrogatoire qu’on vient de lire ait passé à la représentation.

1157. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

J’ai lu de lui de beaux poèmes. […] Maurice Le Blond lut la Montagne.

1158. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

La mort avoit empêché Guillaume de Lorris d’achever ce poëme, le seul ouvrage qu’on lût & qu’on goûtât avant François premier. […] Lorsque ce poëme, annoncé d’abord, lu ensuite dans plusieurs sociétés, & dont on avoit tiré des copies, eut vu le jour, le scandale fut général en France : on y jetta des cris affreux contre cette plaisanterie.

1159. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Tel avocat, qui n’avoit jamais lu Tertulien ni saint Augustin, les citoit continuellement, & les appelloit au secours de sa cause. […] Non de vi, neque cæde, nec veneno, Sed lis est mihi de tribus capellis.

1160. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Notre siecle est trop éclairé, et, si l’on veut, trop philosophe pour lui faire croire qu’il lui faille apprendre des critiques ce qu’il doit penser d’un ouvrage composé pour toucher, quand on peut lire cet ouvrage, et quand le monde est rempli de gens qui l’ont lû. La philosophie qui enseigne à juger des choses par les principes qui leur sont propres, enseigne en même-temps que pour connoître le mérite et l’excellence d’un poëme, il faut examiner s’il plaît, et à quel point il plaît et il attache ceux qui le lisent.

1161. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

La meilleure preuve qu’on puisse avoir de l’excellence d’un poëme quand il commence à paroître, c’est donc qu’il se fasse lire, et que tous ceux qui l’ont lu en parlent avec affection, quand bien même ce seroit pour lui reprocher des fautes.

1162. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Le plomb dispersé de quelques articles cinglants est, en se ramassant, devenu la balle mortelle d’un livre, — une balle d’argent ou d’or, qui n’en tue pas moins comme la balle de Robin-des-Bois, et même plus sûrement, car elle est mâchée… L’auteur de ce livre, qui aurait dû en fierté délicate se nommer, puisque son livre était une attaque, — (il s’est nommé dans la revue où son travail parut pour la première fois, mais ceux qui maintenant liront le livre n’auront peut-être pas lu la revue), — pourquoi tairions-nous son nom, nous ?

1163. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

et j’ai lu tous les livres. […] et j’ai lu tous les livres. […] … J’ai lu ( ?!) […] Les musiciens, eux (lisez l’enquête de M.  […] Lisez un sonnet de Heredia, au hasard.

1164. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Pour les aimables « oisifs » que décrit Voltaire502, pour « les cent mille personnes qui n’ont rien à faire qu’à jouer et à se divertir », elle est le pédagogue le plus déplaisant, toujours grondeur, hostile au plaisir sensible, hostile au raisonnement libre, brûlant les livres qu’on voudrait lire, imposant des dogmes qu’on n’entend plus. […] On s’aborde aux promenades en se disant : Avez-vous lu les Mœurs ?  […] J’ai lu les vingt volumes de leurs procès-verbaux : on ne peut voir de meilleurs citoyens, des administrateurs plus intègres, plus appliqués, et qui se donnent gratuitement plus de peine, sans autre objet que le bien public. […] Par exemple, le père de Marmont, gentilhomme, militaire, qui, ayant gagné à 28 ans la croix de Saint-Louis, quitte le service, parce que tout l’avancement est pour les gens de cour. — Retiré dans sa terre, il est libéral et enseigne à lire à son fils dans le Compte rendu de Necker. […] Tout le passage est à lire.) — Souvenirs manuscrits par le chancelier Pasquier.

1165. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Au lieu de lire : l’homme naît libre, et partout il est dans les fers, lisez : l’homme naît esclave, et il ne devient relativement libre qu’à mesure que la société l’affranchit de la tyrannie des éléments et de l’oppression de ses semblables par la moralité de ses lois et par la collection de ses forces sociales contre les violences individuelles. […] Lisez le Contrat social, et demandez-vous, en finissant la lecture, si vous vous sentez une vertu de plus dans l’âme après avoir lu. Lisez les législations de Confutzée, de l’Inde antique, du christianisme sur la montagne, de l’islamisme même dans le Coran, et demandez-vous si vous ne vous sentez pas soulevé d’autant de vertus de plus au-dessus de la législation du Contrat social et de la civilisation matérialiste de nos temps, qu’il y a de distance entre l’égoïsme et le sacrifice, entre la machine et l’âme, entre la terre et le ciel. […] Lisez les décalogues antiques des législations primitives profanes et sacrées.

1166. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

I Toute la substance et toute la beauté de la philosophie de Platon, ou plutôt de Socrate, sont contenues dans le sublime dialogue du Phédon, que nous venons de lire ensemble. […] Quand on a lu cette mort dans le Phédon, on se sent comme un air de joie et de fête dans l’âme ; on croit sortir d’un banquet au lieu de sortir d’un supplice. […] Lisez : « Et puis, la chicane et les procès ne sortiront-ils pas d’un État où personne n’aura rien à soi que son corps et où tout le reste sera commun ? […] L’homme est un être propriétaire ; celui qui le nie n’a pas lu les premières lettres du code de la nature. […] Les Dialogues seront éternellement et justement lus et exaltés pour ce qui est de Socrate, éternellement et justement réprouvés comme sophistiques pour ce qui est de Platon.

1167. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Mais écrire une histoire approfondie des Guise, de ces héros d’un monde fini et condamné, c’est du recul, de l’archaïsme, du déluge, et malgré tout le mérite qu’on peut avoir, on n’est ni lu, ni discuté… Les Ducs de Guise et leur époque ! […] Eh bien, quand on a lu le livre de Forneron, on le sait ! […] Quand je commençai de la lire dans le livre de Forneron, je me trouvai attiré par la calme élévation de l’auteur, par son dédain de toute idée d’en bas, par son mépris de la canaille, cette Reine d’un monde renversé, par sa notion vraie des grandes choses catholiques. […] Il faut lire le livre de Forneron pour le savoir. […] Quand on vient de le lire, c’est alors que l’on comprend la nécessité de livres comme ceux de MM. 

1168. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais je viens de lire Renée Mauperin pour la première fois, au moment où je finissais cette caricature historique de l’Empire (La Curée) par Zola, décidément le Ponson du Terrail du réalisme et du matérialisme. […] Sa vie est simple, en définitive, comme la tâche à l’aiguille d’une femme chaste… Elle veut empêcher son frère d’épouser une jeune fille qui, s’il l’épousait, le condamnerait à l’inceste puisqu’il est l’amant de la mère ; et des circonstances que je ne dirai pas, pour vous forcer à lire ce livre, un hasard comme il y en a tant dans la vie et qui se retourne contre elle, amènent un duel terrible dans lequel on tue son frère, ce qui la tue aussi, en un an, d’une maladie de cœur, développée par l’impression de cette catastrophe. […] Ce livre, que je n’avais pas lu, m’a donné une volupté d’esprit mêlée de surprise. […] Lisez la divertissante et ingénieuse préface que M. de Goncourt a attachée à La Faustin, vous verrez que cette demande d’aumône, qu’il ne veut pas rendre importune aux dames, il l’appelle, avec une petite rouerie engageante pour la vanité de celles qu’il implore, « une collaboration avec un rien de l’aide et de la confiance de celles qui lui font l’honneur de le lire ». […] Ainsi l’absurde visite de la Faustin à ce maniaque de professeur de grec, pour entendre lire Phèdre dans une langue qu’elle ne comprend pas !

1169. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Nous lisions avec étonnement cette phrase étonnante : « Il n’y eut personne dans le chapitre qui ne le louât extrêmement, mais sans louanges. […] Quand on a lu Saint-Simon, toute histoire paraît décolorée et froide. […] Lisez encore celui-ci ; je ne sais rien d’égal. […] Il écrivait seul, en secret, avec la ferme résolution de n’être point lu tant qu’il vivrait, n’étant guidé ni par le respect de l’opinion, ni par le désir de la gloire viagère. […] Il violenta le français à faire frémir ses contemporains, s’ils l’eussent lu ; et aujourd’hui encore il effarouche la moitié des lecteurs.

1170. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Elles ont été passionnément lues et passionnément discutées. […] … — Je ne sais pas lire.‌ […] — Mais oui, car je sais lire.‌ […] Puis est Venu un temps, il dure encore, où ils ont été lus. […] Il avait lu et très bien lu Hegel et Kant dans le texte même, pour ne citer que ces deux noms.

1171. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il y a là beaucoup d’appelés, peu d’élus, et tous n’y sont pas propres… » Lisez entre les lignes. […] Une de ses fantaisies habituelles, à l’époque dont je parle, était de lire les caractères dans les mains. […] La preuve en est que ce passant qui court à ses affaires s’arrête à lire ce morceau de journal, à discuter avec son compagnon sur un point de politique. […] Je l’ai lu à Olympie, au cours d’un voyage en Grèce. […] alors, vous n’êtes plus compris du tout… » Ainsi parle dans le bureau du Monde des arts, — lisez sans doute l’Artiste, — Masson, — lisez Théophile Gautier, — s’adressant à Charles Demailly, au cours d’une discussion.

1172. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Un jour que Catherine était dans sa chambre à coucher, attenante à celle où se faisait ce vacarme, et qu’elle lisait peut-être du Bayle ou du Platon, elle entendit de tels cris qu’elle ouvrit la porte : « Je vis qu’il tenait un de ses chiens en l’air par le collier, et qu’un garçon, Kalmouck de naissance, qu’il avait, tenait le même chien par la queue (c’était un pauvre petit Charlot de la race anglaise), et avec le gros manche d’un fouet, le grand-duc battait ce chien de toute sa force. […] Catherine a lu dans l’avenir, et elle a pris son parti de bonne heure ; on l’entrevoit d’après son récit. […] Il est constant néanmoins, à lire ce que nous avons sous les yeux que, dans, sa fermeté de pensée, Catherine avait prévu le cas extrême où elle aurait été prise au mot pour sa demande de renvoi, et elle exprime en cette circonstance les dispositions de son âme en des pages admirables et qui font le plus grand honneur en elle au philosophe et au moraliste : c’est là un autre portrait d’elle et qui, pour être tout intérieur, ne paraîtra pas moins digne d’être mis à côté et en regard de tous ceux que l’on possède déjà, soit du portrait de la grande-duchesse que nous avons découpé précédemment, soit de ceux de l’Impératrice que l’on doit à la plume des Rulhière, des prince de Ligne et des Ségur.

1173. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Mais lisons d’abord, nous raisonnerons après : « Mon Révérend Père, « Je ferai demain ce que je devrois avoir fait il y a plusieurs années, ou plutôt ce que je devrois ne m’être jamais mis dans la nécessité de faire ; je quitterai la Congrégation pour passer dans le grand Ordre. […] Dans une autre lettre qu’on va lire, on verra qu’il a pratiqué l’une de leurs maximes, et que s’il a prononcé à haute voix la formule de ses vœux comme bénédictin, il se vante d’y avoir ajouté tout bas les restrictions intérieures qui devaient un jour l’autoriser à les rompre. […] L’anecdote de l’abbé Prevost, parricide sans le vouloir, peut se lire dans les Mémoires d’un Voyageur qui se repose, de Dutens (tome II, page 282) ; elle est mise dans la bouche de l’abbé Barthélémy causant à Chanteloup.

1174. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

La douleur profonde qu’il laisse à ses amis de Genève sera ressentie ici de tous ceux qui l’ont connu, et elle trouvera accès et sympathie auprès de ces lecteurs nombreux en qui il a éveillé si souvent un sourire à la fois et une larme. » Mais c’est trop peu dire, et ceux qui l’ont lu, qui l’ont suivi tant de fois dans ces excursions alpestres dont il savait si bien rendre la saine allégresse et l’âpre fraîcheur, ceux qui le suivront encore avec un intérêt ému dans les productions dernières où se jouait jusqu’au sein de la mort son talent de plus en plus mûr et fécond, ont droit à quelques particularités intimes sur l’écrivain ami et sur l’homme excellent. […] « Figurez-vous, monsieur, combien je suis malheureux : depuis près d’un an condamné à ne presque pas lire par mes yeux, à ne presque pas écrire aussi. […] Bernier le ton exact d’un ministre évangélique, l’auteur a, en quelques endroits, multiplié les termes familiers aux réformés, et qui ne les choquent pas comme étant tirés des vieilles traductions de la Bible qu’ils lisent journellement.

1175. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

La reine Blanche comme un lis, Qui chantait à voix de Sirène, …. […]  » Dans la déduction, on lire des conséquences d’un principe évident ou connu en s’appuyant sur d’autres principes évidents ou connus. […] Il faut lire et méditer là-dessus les règles que donne Pascal dans son fragment de L’Art de persuader : nul n’a mieux connu que lui l’art de raisonner, nul n’a mieux raisonné.

1176. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

que rien n’est plus beau, plus noble ni plus agréable que d’être imprimé et lu tous les jours. […] Qui en a lu un, a lu les autres.

1177. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Jules Claretie Un jour, dans un sonnet magique de splendeur, Il peignit les contours de la fleur de Hollande, La tulipe superbe, altière, droite et grande, Plus hautaine qu’un lis, — belle mais sans odeur. […] Être accusé de manquer de cœur est le sort commun de tous les artistes non effrontés, qui ne font pas de leur cœur métier et marchandise, et qui ne l’accommodent pas en mélodie pour piano ; peut-être faut-il qu’on soit resté simple et instinctif pour deviner l’être aimant et divinement tendre, en lisant le Triomphe de Pétrarque et l’héroïque Thermodon ; mais il me semble difficile que le premier venu puisse lire sans pleurer les strophes émues et déchirantes inspirées à Théophile Gautier par la mort de sa mère. […] Il ne les a pas lues.

1178. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Si vous n’étiez pas à la représentation, lisez. Si vous y étiez, lisez encore. […] Lisez ce troisième acte, et dites-nous, en toute probité, si l’impression qui en résulte n’est pas profondément chaste, vertueuse et honnête ?

1179. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Ils lisaient, les poètes surtout. […] Il ne leur a manqué que de nous dire plus souvent où l’on voyait ce dieu ou cette déesse dont ils caressaient l’original vivant ; mais les peuples qui lisaient leurs poésies, ne l’ignoraient pas. […] Les hommes seront descendus de cheval, et laissant paître en liberté leurs animaux, étendus sur la terre, ils continueront l’entretien, ou ils s’amuseront à lire l’inscription de la tombe.

1180. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Pour ceux donc qui lurent la traduction que M. l’abbé Cazalès en donna, il y a quelques années, et qui en furent émus, cette émotion de la première lecture sera certainement ravivée dans toute sa profondeur à la seconde ; mais les récits nouveaux qu’on nous donné, quoique très curieux souvent, très beaux toujours et partout marqués du caractère particulier et distinctif de ce que j’ai osé appeler le talent de la sainte Mystique, n’ajouteront rien à cette émotion ravivée et à la connaissance qu’on avait déjà de ce talent, qui, ne le fût-il pas d’une autre manière, par l’intensité seule de sa touche, serait encore surnaturel ! […] Lisez en effet tous ces récits de la sœur Emmerich, et entre tous, ce splendide et angoissant récit de la Passion, suivie d’heure en heure, de minute en minute, sans rien oublier ; et voyez si la sublimité de l’Évangile a éteint les couleurs de ce récit et diminué son effet déchirant et profond ! […] Qu’on en pense ce qu’on voudra lorsqu’on l’aura lue !

1181. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Ce qu’ils voient, c’est le fait, c’est le livre, c’est le personnage que, sans l’imagination nécessaire à l’historien comme au poète, on n’eut pas certainement lire du tombeau ! […] Dargaud ne lui avait offert aujourd’hui qu’un de ces volumes comme certains historiens en pondent régulièrement un par année, avec une exactitude qui fait honneur à leur tempérament littéraire, elle l’aurait lu, au moins du pouce, entre la préface et la table, et elle en aurait rendu compte à peu près avec la même conscience et avec la même peine qu’il aurait été composé. […] Mais ni la fatuité nonchalante, ni la superficialité sans gêne d’une Critique qui n’aime que les livres bientôt lus ou aisés à pénétrer, ne suffisent aujourd’hui pour expliquer l’étrange silence, très injuste selon moi, qui, relativement à son importance, enveloppe, pour le moment, un livre fait, de sujet seul, pour retentir, et dont le titre pour les partis ressemble à une provocation d’amour ou de haine.

1182. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Barre n’a-t-il pas lu, à défaut des Kamtchatka de M.  […] Barre a lu attentivement les écrits théoriques des poètes qu’il étudie, les cahiers de leurs aspirations, et bien moins leur œuvre poétique, c’est-à-dire le résultat net. […] De Souza, dans son livre Du rythme en français, que devrait bien lire M. 

1183. (1902) Le critique mort jeune

Que ceux qui voudront bien les lire leur soient indulgents autant que l’ont été les éditeurs. […] Faguet, le porte à écrire des exposés aussi clairs que complets des ouvrages qu’il a lus. […] Jules de Gaultier, par exemple, s’il ne connaît ce passage, le lira avec curiosité.) […] Je crois qu’après les avoir lus, on pourrait être porté à penser que M.  […] Je le lis avec curiosité comme psychologue.

1184. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Jusqu’à cet instant du jour, force m’est, presque, pour prendre mon chocolat, lire mes journaux et risquer la pipe du matin — fumer dans l’obscurité, non, n’est-ce pas ? […] dans un prétoire d’une ville ou vingt ans auparavant… lues et applaudies ! […] Lisez bien vite ou relisez l’ingénieuse légende créée de toutes pièces par l’imagination très, et très admirablement aimable du poète ! […] Ma mère lisait la messe du jour dans son paroissien catholique romain, et sa piété sincère faisait l’édification du clergyman tolérant. […] Son nom, son œuvre sont connus et admirés de tous ceux qui lisent.

1185. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Quant aux abus du confessionnal, lisez dans les originaux335 les intimités auxquelles ils donnent lieu. […] L’Angleterre avait son livre. « Quiconque pouvait acheter le livre, dit Strype, ou le lisait assidûment, ou se le faisait lire par d’autres, et plusieurs personnes d’âge apprirent à lire pour cet objet. » Des pauvres, le dimanche, se rassemblaient au bas de l’église pour le lire. […] Ils lisent avec étonnement et tremblement l’histoire de ses œuvres, les tables de ses ordonnances, les archives de ses vengeances, la proclamation de ses promesses et de ses menaces ; ils s’en remplissent. […] Ils lisent et pèsent chacune de ces paroles. —  « Abomination. […] Voyez, passim, les estampes dans Fox. —  Tous les détails qu’on va lire sont tirés des biographies.

1186. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Pendant ce temps, Boris lisait les journaux étrangers. […] Je lis beaucoup, et lorsque je suis fatiguée de lire, je rêve, je m’amuse à faire des conjectures sur l’avenir. […] Puis il lui demanda si elle lisait ; à quoi elle répondit qu’elle n’en avait pas le temps. […] Un jour il lui apporta un roman de Sagoskin : Jouri Miroslawski, et lui en lut quelques chapitres. […] Le voyageur n’écrivait pas souvent, mais ses lettres étaient lues et relues avec avidité.

1187. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

L’éducation, si celle qu’on donnoit alors mérite d’être honorée de ce nom, consistoit à apprendre à lire, encore n’étoient-ce que ceux qu’on destinoit à l’Etat Ecclésiastique, qui la recevoient. […] Ne croiroit-on pas qu’ils lisent déja leurs noms, à la place de ceux des mauvais Auteurs qui figurent si bien dans ses Satires ? […] Ce n’est plus Homère, Pindare, Virgile, Horace qu’il vient de lire, c’est l’esprit de tous qui l’inspire à la fois ; c’est une Divinité qui s’empare de lui : il chante, les vents se taisent, & la terre est attentive à ses accens. […] Pourquoi donc Horace recommandoit-il avec tant de force aux Ecrivains de son temps & aux Ecrivains à venir, de les lire & relire jour & nuit ? […] Et le soir nous lisions en Grec ou en Latin ».

1188. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Je servais les Bourbons ; il était Bonaparte : il y avait cette incompatibilité entre nous ; mais il était avant tout philosophe et poète ; il me lisait ses compositions ; j’oubliais qu’il était roi d’une dynastie que je ne reconnaissais pas : les lettres nivellent tout pendant qu’on en parle. […] On aime à ouvrir ce qui est fermé ; le prince et la princesse lisaient seuls dans l’âme de Robert ; cette âme était un abîme de mystères du beau qui ne sortaient qu’un à un, non de ses lèvres, mais de ses pinceaux. C’était une faveur que d’y lire avant le public : voir éclore les œuvres de génie, c’est presque participer à la jouissance de les enfanter. […] Votre âme se transfigure en rayons et se répand, comme cette pluie de feu, dans toute l’étendue ; vous n’êtes plus ici ou là ; vous êtes partout, vous contractez l’ubiquité de cette lumière : elle est si transparente que vous croyez lire jusqu’au fond du firmament, comme on voit dans une eau claire, à l’ombre d’un cap, jusqu’aux grains de sable de la plage. […] On n’a pas lu la dernière lettre, on n’a pas su avec quel indiscret étranger Léopold s’était entretenu, ce jour-là, sur le quai de Venise.

1189. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il va cependant en ce temps-là lire ses Confessions chez la comtesse d’Egmont ; mais ses bons jours, clairs et riants comme ceux de sa jeunesse, ce sont ses longues promenades, ses herborisations dans la banlieue, au bois de Boulogne. […] L’Emile, en particulier ; ce livre tant lu, si peu entendu et si mal apprécié, n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors, et l’altèrent insensiblement. […] Ne faisons lire notre élève qu’à l’âge où sa raison saura rejeter le vice et saisir la beauté. […] Ces réflexions saisissantes « sur la manière dont le laps de temps compense le peu de vraisemblance des événements, sur la puissance surprenante de causes très légères, lorsqu’elles agissent sans relâche564 », il faut en rendre l’honneur à Buffon, lu intelligemment. […] Il a la phrase oratoire, ample, résonante qu’il faut lire ou entendre lire à haute voix ; et voilà la première fois que nous avons à faire cette remarque sur un écrivain du xviiie  siècle.

1190. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Sur cent personnes qui liront votre Venise, à peine deux se douteront de ce que vous avez voulu faire. » Ici, Edouard Houssaye et Aubryet sont enragés contre l’article… Et cela tient à une chose, c’est que le sens artiste manque à une infinité de gens, même à des gens d’esprit. […] 22 mai J’ai lu un livre de 1830, les Contes de Samuel Bach. […] Mercredi 21 octobre Lu notre pièce : Les Hommes de lettres, à Paul de Saint-Victor, Mario Uchard, Xavier Aubryet. […] C’est M. de Nesselrode lui demandant à lui indiquer l’endroit de l’entrevue d’Oliva, et lui envoyant Georgel à lire, et que le diplomate sait par cœur. […] Ludovic Halévy : « Monsieur, Prévost-Paradol écrivain, vous appartient ; mais je n’ai pu lire, sans étonnement et sans tristesse, ces lignes signées de vous sur la longueur de son torse et sur son nez de comique.

1191. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Trochu, qui était avec moi, demande à lui lire la proclamation qui le nomme gouverneur de Paris. […] Le curieux, c’est que la proclamation avait été rédigée au crayon, à la lueur d’un bout de bougie, et qu’avec la maladresse qu’a Trochu à écrire, il avait débuté par : “Je suis nommé gouverneur de Paris” et que c’était moi qui avais substitué la phrase qu’il lisait à l’Impératrice. […] Il nous dessine la silhouette bizarre de son éditeur de Moscou, un débitant de littérature qui sait à peine lire, et qui, en fait d’écriture, est tout au plus capable de signer son nom. […] » Pauvre malheureux grand homme, qui, devant la menace d’une visite de X…, dit tristement à ses intimes : « Si X… vient, nous ne lirons pas de vers ! » — des vers qu’il s’était fait, quelques instants avant, une fête de lire.

1192. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Si nous voulions le lire en vers, nous n’aurions que le choix entre les traductions de M.  […] Si nous voulions le lire en prose, nous ouvririons la traduction à peine éditée de M.  […] « “Nous lisions un jour par entraînement comment l’amour étreignit le cœur de Lancelot. […] Ce jour-là nous n’en lûmes pas davantage.” […] » On croit lire l’Imitation de Jésus-Christ, qui allait paraître bientôt après, poème moral plus chrétien et plus pathétique que celui de Dante.

1193. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Nous apprenons à lire dans ses ouvrages ; nous en sommes imbus ; Boileau est dans nos veines. On n’est pas libre en France de ne pas lire Boileau. […] On lisait à l’envi, on se passait de mains en mains les lettres et les billets galants d’Antonio Perez. […] Il faut lire les éloges qu’il met au-devant des livres de ses amis. […] Il y avait une punition pour les fautes de table : c’était de lire quelques vers de la Pucelle.

1194. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Cette distinction ne pouvait se présenter que courtement à l’esprit de Rousseau, et encore parce qu’il avait lu Montesquieu. […] Voltaire proteste : « J’ai lu une grande partie de l’Ordre essentiel des Sociétés. […] Le curé, signalé par Voltaire, qui voulait baigner ses mains dans le sang des Jansénistes, je gagerais qu’il lût la Bible plus que l’Évangile. […] Les protestants lisent la Bible, ils s’en nourrissent, ils s’en enflamment. Par leurs discussions, leurs objections, leurs commentaires qu’il faut réfuter, ils forcent à la lire les catholiques, qui depuis longtemps ne la lisaient guère.

1195. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Il voulut que son fils en sortît : « Il me faisait lire, encore tout petit, les Vies de Plutarque tout haut et m’apprenait à bien prononcer. » Ce père, qui avait été reçu avocat lui-même, voulait faire de Gui Patin un avocat. […] Cependant la faculté de Paris ne voulut pas être en reste, et, dans une affiche portant décision du 27 mars 1639, mais qui ne fut placardée que bien des mois après, on lut : Les doyen et docteurs de la faculté de médecine font savoir à tous malades et affligés, de quelque maladie que ce soit, qu’ils se pourront trouver à leur collège, rue de la Bûcherie, tous les samedis de chaque semaine, pour être visités charitablement par les médecins députés à ce faire, lesquels se trouveront audit collège ; et ce depuis les dix heures du matin jusques à midi, pour leur donner avis et conseil sur leurs maladies et ordonner remèdes convenables pour leur soulagement. — Une autre annonce plus complète de bienfaisance commençant par ces mots : Jésus Maria, fut promulguée et lue dans les prônes le jour de Pâques 1641, en des termes tout conformes à la dévotion chrétienne. […] Il nous apprend qu’il avait pour collaborateur le roi lui-même : « Chacun sait que le roi défunt ne lisait pas seulement mes Gazettes, et n’y souffrait pas le moindre défaut, mais qu’il m’envoyait presque ordinairement des mémoires pour y employer. » Quand le roi était éloigné de Paris, il envoyait des courriers d’un bout du royaume à l’autre, à lui Renaudot, pour lui faire savoir ce qu’il devait insérer ; et plus d’une fois, lorsque le courrier de Paris qui était porteur de la Gazette éprouvait quelque retard, il arriva que le roi témoigna son impatience.

1196. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Tout en décrivant mieux que personne la Cour et la partie du monde qui s’en rapprochait alors, et en y prenant presque exclusivement ses sujets d’observation, M. de Meilhan n’était pas homme à s’y renfermer : il avait lu et comparé, il sentait les anciens. […] Cette brochure de M. de Meilhan est aujourd’hui pour nous plus intéressante à lire qu’elle ne le parut de son temps, où elle se perdit au milieu du bruit et de l’inflammation des passions publiques. […] Voici cette lettre, qui est faite pour donner des regrets : J’ai lu, monsieur, la préface des Mémoires de mon père que vous avez bien voulu me communiquer, et je vous en fais mes remerciements. […] Les événements qui se précipitèrent firent évanouir ce projet comme tant d’autres. — J’ai lu, depuis, le roman de L’Émigré, et j’en ai fait usage en revenant sur Sénac de Meilhan à l’occasion de ses relations avec Mme de Créqui (Causeries du lundi, t. 

1197. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Mais il y a un écrit de lui, le dernier imprimé de son vivant, et sa dernière production peut-être, que je regrettais de n’avoir pu me procurer, et qui me semblait devoir contenir le dernier mot de son esprit et de son expérience : L’Émigré, roman en quatre volumes, imprimé en 1797 à Brunswick, ne se trouve à Paris dans aucune bibliothèque publique ; je ne connaissais personne qui l’eût jamais lu ni vu, lorsqu’un ami a eu la bonne fortune de le rencontrer à Berlin et l’obligeance de me l’envoyer. […] Si Mme de Créqui avait pu lire L’Émigré et si l’on avait osé en introduire en France un exemplaire à son adresse, elle eût reconnu son ami à chaque page et se fût écriée : « C’est bien lui. » L’action du roman est censée se passer en 1793. […] Il poursuit ses raisonnements au sujet de la perte de sa bibliothèque, et démontre par des applications sa pensée : « À mesure que l’esprit humain avance, une multitude d’ouvrages disparaît. » Le président estime que nous n’avions pas en France, à sa date, de bons historiens : Un historien ne peut avoir de gloire durable que lorsqu’il approfondit la moralité de l’homme, et développe avec sagacité et impartialité les modifications que lui ont fait subir les institutions civiles et religieuses : alors il devient intéressant pour toutes les nations et pour tous les siècles… Ce n’est pas dans nos histoires qu’on apprend à connaître les Français, mais dans un petit nombre de mémoires particuliers, et je maintiens que l’homme qui a lu attentivement Mme de Sévigné est plus instruit des mœurs du siècle de Louis XIV et de la Cour de ce monarque, que celui qui a lu cent volumes d’histoire de ce temps, et même le célèbre ouvrage de Voltaire.

1198. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Bazire, a jugé convenable, pour me mettre en opposition avec moi-même, de vous lire un assez long passage extrait d’un livre que j’ai publié il y a longtemps. […] Je le vois encore, sur les derniers temps de la Restauration, avec son visage fin, amaigri, de jeune vieillard, ses longs cheveux négligés et pendants, sa taille de peuplier, avec son pas traînant et son attitude délabrée, exhalant de toute sa personne je ne sais quelle senteur de musc qui rappelait l’ancien muscadin ; cherchant dans les salons du général La Fayette (moins remplis alors qu’un ou deux ans plus tard) quelqu’un avec qui causer, et ne le trouvant pas toujours, ou faisant le soir à l’Athénée une lecture déjà cent fois redite et qu’il essayait d’animer ; écrivant pour le Courrier français des séries d’articles qu’on ne lisait plus. […] Essayez de vous faire lire à haute voix quelques-unes de ces brochures les plus vantées du Benjamin Constant de la Restauration : c’est effacé ; cela ne marque pas, ne mord pas. […] Byron, qui habitait les bords du lac de Genève, dans l’été de 1816, écrivait au poète Rogers : J’ai lu l’Adolphe de Benjamin Constant, et sa préface, niant les gens positifs.

1199. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Il est colère autant qu’un jeune homme peut l’être, et obstiné dans ses opinions… Son précepteur s’attache uniquement à lui expliquer les Offices de Cicéron afin de modérer l’impétuosité de son caractère ; mais don Carlos ne veut presque toujours parler que des choses de la guerre et lire que des ouvrages qui s’y rapportent. […] Passe encore quand ce sont des femmes comme Marie Stuart que vous mettez en scène, il y a place jusqu’à un certain point au roman ; mais les hommes d’État, mais les caractères connus, définis, ceux dont on a pu lire dans la matinée quelque parole ou acte mémorable, quelque dépêche mâle et simple, peut-on raisonnablement les entendre déclamer, rêver, rimer, métaphoriser, même en beaux vers, le soir ? […] Villemain, lu à la séance du 23 juillet 1863 : « Une étude d’histoire bien faite et dictée par un grand scrupule de vérité, une réhabilitation — partielle, il est vrai, — de Philippe II, obtient la même distinction (il venait d’être question d’un livre sur Turgot). […] Lisez dix-huit ans ; la dépêche est de 1563.

1200. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire. […] M. de Saint-Joseph, qui avait lu le Gonzalve de Florian, compare les rêves de ses jeunes années à la réalité qui, même en en rabattant, lui paraît encore belle. […] Tous ceux qui ont lu M. de Fezensac, tous ceux qui aiment Xavier de Maistre le liront.

1201. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Un bruit affreux d’enthousiasme, d’admiration, au nom de l’abbé Raynal, ne permettait d’entendre autre chose que : Lisez ! lisez vite ! […] Malouet ne cesse de nous le répéter sous toutes les formes : « Ce récit, dit-il, m’oppresse encore en l’écrivant, et il fera le même effet sur ceux qui me liront. […] Lorsque Raynal mourut, il faisait partie de l’Institut national nouvellement créé, et dans la première séance générale qui se tint au Louvre en toute solennité le 15 germinal de l’an iv (4 avril 1796), Le Breton, secrétaire de la Classe des Sciences morales et politiques, lut sur lui une Notice dont Ginguené a parlé ainsi dans la Décade : « Ceux qui ont une connaissance exacte des secours qu’il avait eus pour la composition de son Histoire philosophique et politique ont trouvé que l’auteur de cette Notice traitait un peu trop problématiquement cette question assez importante, qu’il fallait peut-être résoudre avec une équité sévère.

1202. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Lamartine, vers 1808, devait beaucoup lire les Études de Bernardin ; il devait dès lors s’initier par lui au secret de ces voluptueuses couleurs dont plus tard il a peint dans le Lac son souvenir le plus chéri : Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface  De ses molles clartés ! […] Lamartine, vers le même temps, aima et lut sans doute beaucoup le Génie du Christianisme, René : si sa simplicité, ses instincts de goût sans labeur ne s’accommodaient qu’imparfaitement de quelques traits de ces ouvrages, son éducation religieuse, non moins que son anxiété intérieure, le disposait à en saisir les beautés sans nombre. […] Demandez à Celui qui voulut vêtir le lis du vallon et qui fait fleurir le désert ! […] Elle a foi dans son vœu ; Elle ose la première à l’avenir en feu, Quand, chassant le vieux Siècle, un nouveau s’initie, Lire ce que l’éclair lance de prophétie. 

1203. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Ce négligent et tendre poëte d’élégies, jeté dans la retraite des champs, lut l’Évangile, les Pères du désert, le théosophe Saint-Martin, le Paroissien, et, de cette semence bien distribuée de lectures, sortit chez lui une dernière et meilleure moisson. […] Guttinguer, et dispense de lire l’autre. […] L’histoire de Julie, de la femme de chambre, en rappelant à ceux qui l’ont lu le joli et pathétique roman d’Adèle, de Nodier, s’en distingue par cette réalité, cette clairvoyance constante d’observation et de récit, que la passion traverse, mais ne rompt pas. […] Elle se retira quelque temps sous une allée pour les lire, et reparut bientôt confuse et glorieuse, avec un attendrissement marqué.

1204. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Ou bien c’est le roman qui nous séduit et nous appelle ; on veut se loger dans les plus tendres cœurs et être lu des plus beaux yeux. […] » Et Racine, à qui tout son courage est revenu et qui va lire demain à la Comédie Britannicus, salue, en finissant, la Champmêlé du nom de Junie. […] Magnin, sans se révolter ou s’engouer, sans parti pris, mais avec curiosité, ouvrait le livre, le lisait plume en main, l’analysait, citait ce qu’il trouvait de neuf et d’acceptable sans taire ce qui lui semblait un peu fort et outré. […] Un jeune homme soumettait à La Harpe le manuscrit d’une tragédie de Marie Stuart ; La Harpe lut la pièce et répondit : « Votre pièce est assez bien écrite, mais le sujet n’est nullement propre au théâtre ; s’il l’était, Voltaire ou moi nous nous en serions emparés. » Voltaire ou moi !

1205. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Apprenez leur langue, elle est aisée ; je m’offre de vous montrer ce que j’en sais, et, jusqu’à ce que vous soyez en état de lire par vous-même, de vous traduire quelques endroits de Guillen de Castro. » Ce fut une bonne fortune pour Corneille que cette rencontre ; et dès qu’il eut mis le pied sur cette noble poésie d’Espagne, il s’y sentit à l’aise comme en une patrie. […] Auguste, Pompée et autres ont dû étudier la dialectique à Salamanque, et lire Aristote d’après les Arabes. […] Voltaire met en note : « Des têtes au-dessus des bras, il n’était plus permis d’écrire ainsi en 1657. » Il serait certes piquant de lire quelques pages de Saint-Simon qu’aurait commentées Voltaire. […] Il ne savait pas causer, tenait mal son rang dans le monde, et ne voyait guère MM. de La Rochefoucauld et de Retz, et madame de Sévigné que pour leur lire ses pièces.

1206. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Un jeune homme nous lisait les plus beaux morceaux du Génie du Christianisme ; nous écoutions, ravis comme par un langage inconnu, ce merveilleux style. […] Nous brûlions de lire Atala ou René, qu’on ne nous avait pas laissés dans les mains. […] On y lisait les premières pages d’Atala et de René et le beau chapitre de l’Essai sur les Révolutions, intitulé : Aux Infortunés. « Je m’imagine que les malheureux qui lisent ce chapitre le parcourent avec cette avidité inquiète que j’ai souvent portée moi-même dans la lecture des moralistes, à l’article des misères humaines, croyant y trouver quelque soulagement.

1207. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

On croit lire une traduction d’Homère ou une continuation de l’Odyssée par un disciple égal au maître. […] Il fit ce qu’il avait promis de faire ; il lut et censura les livres de madame Guyon. […] Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, lut cette lettre à madame Guyon et la somma d’avouer les désordres confessés par le religieux. […] Il mourut en saint et en poëte, en se faisant lire, dans les cantiques sacrés, les hymnes les plus sublimes et les plus douces qui emportaient à la fois son âme et son imagination.

1208. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Et les chansons de geste furent reléguées peu à peu à l’usage des classes inférieures, qui continuèrent d’y prendre plaisir, parce qu’elles continuaient d’y avoir foi, et ne lisaient pas les histoires. […] Il apparaît, à lire Villehardouin, qu’un des puissants motifs qui lui font appuyer la politique de Boniface et du doge, c’est qu’il a engagé sa foi aux Vénitiens : ceux-ci, qui s’accommodaient fort pour leur commerce de la présence des Musulmans en Egypte, ne tenaient pas à y conduire des chrétiens. […] Même après les diplomatiques confidences du maréchal de Champagne et de Romanie, on peut lire avec intérêt les souvenirs d’un soldat obscur de la quatrième croisade : Robert de Clari, petit gentilhomme de Picardie, nous représente l’état de l’opinion publique dans l’armée, approuvant la direction générale, la déviation de la croisade, critiquant et maugréant sur les détails des opérations, tout émerveillé de ce qu’il voit, et nous mettant au fait de toutes ses remarques avec une vivacité d’enfant. […] Quoique le latin lut la langue des clercs, la nécessité cependant d’instruire le peuple les obligea souvent d’écrire en français, et la nécessité de captiver l’attention de ces esprits dévots, mais enfantins, leur fit parfois choisir pour édifier les sujets les plus amusants et qui parlaient le plus à l’imagination.

1209. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Depuis, nous avons lu le texte original de ces lettres, qui a été publié dans la Deutsche Runschau de février et mars 1887. […] Je lisais, lisais encore et me sentais comme enivré. […] Il faut lire ces textes pour se faire une idée.

1210. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

L’amour, plus fort que lu mort, est aussi plus fort que le mépris. […] Pour qu’il se repente, pour qu’il demande grâce, il faut que Léa noblement affligée du mal qu’elle a fait, vienne promettre à Camille un éloignement éternel ; il faut encore qu’il lise une lettre où la pauvre enfant, se sentant de trop, lui annonçait qu’elle allait mourir, puisque sa mort le rendrait heureux. […] Où ai-je lu qu’un homme vint un jour proposer une mnémonique au grand Thémistocle ? […] Dans Maître Guérin, c’était l’invention d’un pédagogue à projets, qui avait trouvé le moyen d’apprendre à lire aux petits enfants en huit jours.

1211. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Je dis rachète, car, du moment que nous ne chantons plus et que nous lisons, le faible, le commun, le recherché et l’obscur nous apparaissent même dans ces petites trames si bien ourdies. […] Lisez Horace dans ses Épîtres, La Fontaine dans ses Fables : ils n’ont cajolé aucune passion, ni dorloté aucune sottise humaine. […] Mais cette observation se marque-t-elle assez dans ses œuvres, et ne semble-t-il pas souvent, à le lire, que toute la sagesse, toute la raison soit d’un côté, le tort et la déraison de l’autre ? […] À chacun son tour : Je viens de lire les Nouvelles causeries de M. de Pontmartin.

1212. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Pour lui, il valait autant lire ce livre-là qu’un autre, d’autant plus que son nom s’y trouvait encadré dans l’auréole à chaque page. […] Il rompit enfin le silence : « Vous aurez lu dans le journal, dit-il, que nous avons fait, il y a quelques jours, une grande perte en la personne de la duchesse Amélie (la duchesse douairière de Saxe-Weimar). — Ah ! lui répondis-je, je ne lis pas le journal. — Vraiment ! […] Mais, le lendemain du jour où l’on a lu ce livre, pour rentrer en plein dans le vrai de la nature et de la passion humaine, pour purger son cerveau de toutes velléités chimériques et de tous brouillards, je conseille fort de relire la Didon de l’Énéide, quelques scènes de Roméo et Juliette, ou encore l’épisode de Françoise de Rimini chez Dante, ou tout simplement Manon Lescaut.

1213. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Ne nous plaignons jamais des mœurs de notre temps, quand nous lisons le récit de celles qu’on n’interdisait pas absolument à l’abbé de Choisy. […] Il sent bien son faible, qui est de ne pas réfléchir beaucoup, de ne pas assez mûrir ses connaissances : Je veux toujours écrire et ne jamais lire ; j’avoue que ce n’est pas le moyen d’être savant. […] Ses in-quarto historiques sur saint Louis, Philippe de Valois, Charles V, etc., etc., réussissaient fort bien à leur moment ; on les voyait sur les toilettes des dames, auxquelles ils étaient plus particulièrement destinés : c’étaient de ces livres qui se laissent fort bien lire, comme disait Mme de Sévigné. […] Nulle passion depuis qu’il avait quitté le vin ; fidèle dans la surintendance, où avant lui on prenait sans compter et sans rendre compte ; riche par les seuls bienfaits du roi, qu’il ne dissipait pas, prévoyant assez, et le disant à ses amis particuliers, la prodigalité de son fils aîné… Esprit solide, mais pesant, né principalement pour les calculs, il débrouilla tous les embarras que les surintendants et les trésoriers de l’épargne avaient mis exprès dans les affaires pour y pêcher en eau trouble… Il faut lire le reste dans l’original.

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