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1128. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 271-272

Sédaine ne dureront que tant qu'on jouera ses Pieces, parmi lesquelles le Public a distingué Rose & Colas, On ne s'avise jamais de tout, le Roi & le Fermier, le Déserteur, plus amusantes par quelques Ariettes, heureusement mises en musique, que par le fond de l'intrigue & l'intérêt des caracteres.

1129. (1818) Essai sur les institutions sociales « Avertissement de la première édition imprimée en 1818 » pp. 15-16

Au reste, ce qui aurait dû être changé ou modifié dans cet écrit, pour qu’il se trouvât au niveau du moment où il paraît, n’en est ni le fond, ni même une partie essentielle.

1130. (1908) Après le naturalisme

L’égoïsme forme le fond de l’homme comme l’essence de la vie organique. […] Il faut aller au fond des choses, à la source du fleuve empoisonné. […] Il y a plus de volupté profonde dans le fond que dans la forme. […] Au fond, ils ne forment ensemble qu’un seul cycle. […] Et vraiment le fond en est-il à lui sacrifier, même d’une idée ?

1131. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Tout au plus ils déduisent, c’est-à-dire qu’ayant deviné, sur deux ou trois traits, le fond de l’homme qui est en eux et des hommes qui sont autour d’eux, ils en tirent, par un raisonnement subit dont ils n’ont point conscience, l’écheveau nuancé des actions et des sentiments. […] La froide main — d’un démon impitoyable m’a retenu — par un seul cheveu, qui n’a pas voulu se briser. —  Dans la fantaisie, dans l’imagination, dans toutes — les opulences de mon âme, j’ai plongé jusqu’au fond ; —  mais, comme une vague refluante, elle m’a rejeté — dans le gouffre de ma pensée sans fond. —  J’habite dans mon désespoir, —  et j’y vis, j’y vis pour toujours1292. » Qu’il la voie encore une fois, c’est vers cet unique et tout-puissant désir qu’affluent toutes les puissances de son âme. […] Tout y était nouveau, forme et fond ; c’est qu’il était entré dans un nouveau monde ; l’Anglais, homme du Nord transplanté parmi les mœurs du Midi et dans la vie italienne, s’était imbibé d’une nouvelle séve qui lui faisait porter de nouveaux fruits. […] La civilisation, l’éducation, le raisonnement, la santé, nous recouvrent de leurs enveloppes unies et vernies ; arrachons-les une à une ou toutes ensemble, et nous rirons de voir la brute qui gît au fond. […] How very odd that I should have been so utterly, devotedly fond of that girl, at an age when I could neither feel passion, nor know the meaning of the word !

1132. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Privas, Xavier (1863-1927) »

Il excite, quand il se met au piano et que de sa belle voix, forte et bien timbrée il accompagne les notes, tout ce qu’il y a de meilleur au fond de nous-mêmes.

1133. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Raymond, Louis (1869-1928) »

C’est une âme tendre et sentimentale qui se promène sur les chemins au crépuscule, à l’heure ou le jour se fond dans la nuit, où les lointains s’imprécisent, où la mélancolie du silence courbe la pensée.

1134. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Bug-Jargal » (1826-1832) — Préface de 1826 »

L’épisode qu’on va lire, et dont le fond est emprunté à la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791, a un air de circonstance qui eût suffi pour empêcher l’auteur de le publier.

1135. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218

Vis-à-vis et à droite, le pape et ses assistants forment, en s’étendant vers le fond et sur le devant, toute l’assemblée, dont le personnage le plus voisin du spectateur est un prélat, la tête appuyée sur sa main, qui écoute, et qui écoute bien ; qui a un beau caractère de tête, qui est drapé largement, qui est bien peint, mais qui nuit à tout.

1136. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Vien » p. 173

J’aime mieux que l’oiseau ce petit massif de fleurs, de verdure et d’arbustes, placé sur le fond, quoique ce ne soit pas merveille.

1137. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Au fond toutes les sciences raisonnent de même et visent au même but. […] D’où il suit que l’on peut dire : l’expérience n’est au fond qu’une observation provoquée dans un but quelconque. […] Toutefois, la manière de procéder de l’esprit humain n’est pas changée au fond pour cela. […] En effet, les plus grandes vérités ne sont au fond qu’un sentiment de notre esprit ; c’est ce qu’a voulu dire Descartes dans son fameux aphorisme. […] Pour le physicien, le chimiste et le physiologiste, c’est au fond de même.

1138. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

On dirait que l’excès de littérature paralyse les plus robustes talents, tarit au fond des âmes les mieux douées toutes les sources de la sympathie humaine. […] Il y a un fond de bonne humeur hellène dans les mignardises de cette coquette ville de Lecce, où l’âme légère de l’antiquité semble flotter encore. […] Fonder un couvent est une idée dont nous portons tous le germe au fond de nous. […] Les inspirations d’Anatole Le Braz viennent du fond de Bretagne, du lointain passé, riche de légendes et de symboles. […] Ses yeux ne sont pas des yeux, mais deux petites chandelles blanches qui brûlent au fond de deux grands trous noirs.

1139. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Au fond, peu importe. […] Car, pour le fond, quelle misère et quelle monotonie ! […] Jean-Jacques, étourdi de cet accueil, veut me remercier et fond en larmes. Francueil veut nous remettre l’esprit et fond en larmes. […] J’ai reçu à cette époque, au fond de ma petite ville, quelques lettres de M. 

1140. (1925) Proses datées

Au fond, ces soirées, dont il pestait parfois, distrayaient Leconte de Lisle. […] Whistler avait loué, Rue du Bac, au fond d’un long passage, un pavillon donnant sur un jardin. […] Il me dit comment il les a poursuivies et recherchées, à travers la vie, en leurs similitudes vivantes, et, au fond des siècles, en leurs images mortes. […] Il faut reconnaître, d’ailleurs, que, malgré ces améliorations, le récit du capitaine rochefortois vaut davantage par le fond que par la forme. […] Nous pénétrons au fond de son cœur tout aussi bien qu’au fond de sa bourse.

1141. (1900) Molière pp. -283

Au bout, on apercevait une petite scène, avec une petite rampe éclairée ; — dans le fond de la scène se dressait un orgue qui laissait supposer qu’on y faisait de la musique ; plus près, au premier plan, une petite table, avec son petit verre d’eau classique, attendait un conférencier. […] Ce dénouement, il est le même au fond pour L’Étourdi, pour Le Dépit amoureux, pour L’Avare, pour L’École des femmes, pour Les Fourberies de Scapin. […] Même sûreté, même puissance de Molière à recueillir, à rassembler, par le jeu du dialogue, autour d’une de ces figures qu’il crée toutes vives, beaucoup de traits accessoires, de circonstances, dont l’effet est de la mettre pour nous, au mieux, dans son cadre, ou de lui donner un fond, un fond d’une teinte appropriée, et dont le détail la complète. […] Sa sœur est très malheureuse, son désespoir s’exprime dans la pièce de la façon la plus touchante et la plus noble ; elle se retire dans un couvent pour y mourir ; elle est blessée jusqu’au fond du cœur de l’affront que lui a fait Dom Juan. […] « En 1857, écrivait Weiss vers la fin de sa vie, dans ce coin reculé et isolé du pays de France, palpitait encore au fond des esprits un peu de pure France classique.

1142. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIV » pp. 95-96

— … Sue a vu de bonne heure le fond de cale, il nous en fait jouir aujourd’hui.

1143. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ajalbert, Jean (1863-1947) »

Un terrain vague de banlieue sali par une herbe galeuse et rare ; des arbres poitrinaires au premier plan, et, dans le fond des maisons à six étages, avec des coins de puisards noirs entrevus : tout l’envahissement de la maladive civilisation dans la malade campagne suburbaine.

1144. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Girardin, Delphine de (1804-1855) »

Certes, je ne voudrais pas exclure de la poésie l’élégance, mais, quand je vois celle-ci mise en première ligne, j’ai toujours peur que la façon, la fashion, ne prime la nature, et que l’enveloppe n’emporte le fond.

1145. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 63-64

Cette Histoire, quant au fond, n'est, pour ainsi dire, qu'un extrait de Gazettes courantes.

1146. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Au fond de la gorge, entre quelques bouquets de sapins et de châtaigniers, repose, comme dans un nid coquet de verdure, la petite ville que viennent rafraîchir le Gave et le torrent du Cambasque. […] Si l’on tourne le dos à Cauterets, on aperçoit dans le fond du paysage un immense rideau de sapins et la cascade de Pisse-Aros. […] En même temps que la poésie, la langue s’est gangrenée d’éléments étrangers : chez Garcia, la Castille domine comme fond et comme forme. […] Cette évocation était-elle juste au fond autant qu’en apparence ? […] Enfin la passion s’élance rugissante et fauve, du fond de son cœur soudain terrible, comme d’un antre ignoré et qu’il ignorait lui-même ! 

1147. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Combien n’en est-il pas qui sont restés au fond de l’abîme ! […] Mais l’excentricité de Sylvie n’est que jouée ; c’est au fond une femme très raisonnable, — à ce que dit M.  […] Plus loin, il ajoutera avec non moins de netteté quant au fond, et avec plus d’élégance quant à la forme. […] C’est du fond même que je veux parler. […] Le froid sans fond le paralyse.

1148. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

J’accorde encore que demain, peut-être, elle soit dépossédée de sa popularité d’un moment par une autre doctrine ou une autre hypothèse ; — quoique dans le fond je n’en croie rien. […] Si l’on le contredit ou qu’on le chicane sur des détails, on est d’accord avec lui sur le fond ; et le fond, c’est l’établissement de la souveraineté des règles. […] Pour les, précieux, c’est une autre affaire, quoique ce soit au fond la même chose, mais ce ne sont pas les livres, c’est le monde, eux, qui les empêche de voir la nature. […] Qu’est-ce en effet que cela veut dire, si nous allons au fond de sa pensée ? […] Tandis qu’en effet, dans les pages monotones de l’historiographe du jansénisme, tout s’enveloppe et se fond dans une teinte grise et uniforme ; que M. 

1149. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange. […] C’est la femme à la fois tendre et légère, qui vous trompe, avec votre nom dans le coeur, parce qu’elle aime à plaire, parce qu’on lui parle un langage troublant, parce qu’elle est femme, et que faire fond sur elle, c’est faire fond sur de l’eau. […] J’ai su des femmes qui ne pouvaient pas supporter sa présence, tant elles éprouvaient de gêne devant ces claires et dures prunelles de sorcier qui semblaient devoir percer jusqu’au fond du fond de toutes les âmes. […] A creuser très avant, peut-être trouverait-on que cette philosophie est une en son fond. […] Mais toujours, même dans le fond de ces êtres charmants, le romancier montre quelque chose d’inexprimable et d’inaccessible.

1150. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Voltaire blâme, au moins avec sévérité, Shakespeare d’avoir présenté sous une forme comique la scène des Lupercales, dont le fond, dit-il, « est si noble et intéressant ». […] Nulle part le contraste n’est plus frappant entre le fond des sentiments que peint le poëte et la forme sous laquelle il les exprime. […] Passez maintenant du fond à la forme et du sentiment même au langage que lui prête le poëte ; quel contraste ! […] Tout ce que Shakspeare a ajouté à ce fond, déjà si intéressant, n’est pas également heureux et probable. […] Plusieurs pièces sur le même sujet avaient déjà été mises au théâtre ; il avait été aussi le fond de plusieurs ballades.

1151. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Comme le plaisir et la peine ne sont que des signes que certaines de nos tendances sont satisfaites ou contrariées et comme nos tendances sont ce qu’il y a en nous de plus intime, comme elles expriment le fond de notre personnalité, de notre caractère, il s’ensuit que l’attention spontanée a ses racines au fond même de notre être. […] Malgré son intermittence, l’idée reste vivace, jaillissant brusquement du fond de l’inconscient ; elle a plus de stabilité qu’aucune autre ; ses éclipses momentanées ne l’empêchent pas de jouer le rôle principal. […] L’affaiblissement de l’attention et cette des mouvements vont donc de pair : ce sont deux aspects d’un événement unique au fond. […] D’abord il faut se défaire d’un préjugé très accrédité qui consiste à croire que le fond de la vie affective consiste dans le plaisir et la douleur. […] Ils constituent le fond véritable de la vie affective.

1152. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Au fond, toute nouveauté le tentait. […] Un Bataille ne se distingue pas par le fond des dramaturges du boulevard. […] Le drame se fond dans une vapeur. […] Mais il y a encore beaucoup de catholiques en France, — et un fond catholique permanent. […] Communion sur le fond et non pas sur la forme.

1153. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Trop étranger que je suis habituellement à l’étude approfondie des littératures étrangères, persuadé d’ailleurs que la critique littéraire n’a toute sa valeur et son originalité que lorsqu’elle s’applique à des sujets dont on possède de près et de longue main le fond, les alentours et toutes les circonstances, il semble que je n’aie aucun titre spécial pour venir parler ici de Leopardi, et je m’en abstiendrais en effet si le hasard ou plutôt la bienveillance ne m’avait fait arriver entre les mains des pièces manuscrites, tout à fait intéressantes et décisives, sur l’homme éminent dont il s’agit, et ne m’avait encouragé à une excursion inaccoutumée, pour laquelle je vais redoubler d’attention en même temps que je réclame toute indulgence. […] Jusqu’ici donc nous n’avons affaire qu’à un jeune homme précoce, qui, confiné dans sa ville natale et du fond du nid paternel, dévore, jour et nuit, les livres anciens, ne s’effraye d’aucune étude épineuse, s’attache, par choix, à défricher les portions les plus ingrates, ce semble, du champ de l’érudition et de la critique, recueille les fragments des Pères grecs du second siècle ou des historiens ecclésiastiques antérieurs à Eusèbe, rassemble, commente en six mois (1815) les débris, les œuvres authentiques ou supposées de Jules Africain, et semble préluder en ses sillons pénibles avec la vocation opiniâtre d’un Villoison ou d’un Tillemont. […] Au milieu même de ses plaintes les plus tendres et de ses mélancoliques élégies, la sobriété mettra le cachet ; pas une parole n’excédera le sentiment, et le stoïcien invincible se retrouvera au fond, jusque dans les amertumes les plus épanchées. […] Quant au fond, il ne relève que de lui-même et se classe, par la profonde et amère ironie, à côté de Lucien, de Swift et de Voltaire. […] Lorsque nouvellement au sein d’un cœur profond Naît un germe d’amour, du même instant, au fond, Chargé d’une fatigue insinuante et tendre Un désir de mourir tout bas se fait entendre.

1154. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Au fond, il n’a point écrit parce qu’il pensait, mais il a pensé afin d’écrire ; le papier noirci et le bruit qu’on fait ainsi dans le monde, voilà son idole ; s’il a fait des vers, c’est tout bonnement pour faire des vers. […] Il semble qu’il ait été tout exprès muni de défauts et de qualités, enrichi d’un côté, appauvri d’un autre, à la fois écourté et développé, pour mettre en relief la forme classique par l’amoindrissement du fond classique, pour présenter au public le modèle d’un art usé et accompli, pour réduire en cristal brillant et rigide la séve coulante d’une littérature qui finissait. […] Il en a toujours été ainsi dans ce pays : quand ils représentent la vie du monde, c’est avec une complaisance extérieure et officielle ; au fond de leur admiration, il y a du mépris. […] La conception n’est pas bien haute : ce Dieu écourté, qui fait son apparition au commencement du dix-huitième siècle, n’est qu’un résidu ; la religion éteinte, il est resté au fond du creuset, et les raisonneurs du temps, n’ayant point d’invention métaphysique, l’ont gardé dans leur système pour boucher un trou. […] En vain le fond est changé, la forme subsiste.

1155. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Indifférent au fond, comme sa vie entière l’a prouvé, à la royauté, à la république, à la cause des rois, à la forme des institutions des peuples, au droit ou au fait des gouvernements, les gouvernements n’étaient, à ses yeux, que des formes mobiles que prend tour à tour l’esprit du temps ou le génie national des sociétés, pour accomplir telle ou telle phase de leur existence. […] Ce n’est au fond que le sophisme de la véritable grandeur d’esprit. […] Presque aussi orateur et plus homme d’action que son maître, Danton, sans aucune utopie sociale et sans aucun fanatisme républicain, n’avait au fond que le geste frénétique et la voix tonnante du démagogue enchérisseur de popularité sur ses rivaux de clubs et de tribunes ; mais il avait autant que Mirabeau ce qu’on peut appeler le coup d’œil de l’Europe. […] Ces traditions de 1789 formaient alors le fond de la diplomatie de M. de Talleyrand : c’était celle du Directoire. […] Sa mémoire négociait encore, du fond de ce cercueil, avec tous les partis, compensant les offenses par des services, les injures par des éloges, les vengeances par des honneurs, et reconnaissant tous, au moins, ainsi par leur présence, que quelque chose de grand venait de s’évanouir des conseils de l’Europe, et que la sagesse de ce monde venait de baisser d’un grand poids !

1156. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

La base de toute certitude est dans le fond et non dans la forme. […] Le caractère ou les mœurs, c’est ce qui distingue les gens qui agissent et permet de les qualifier ; et l’esprit, c’est l’ensemble des discours par lesquels on exprime quelque chose, ou même on découvre le fond de sa pensée. […] « Mais bornons-nous à ce que nous venons de dire sur l’épopée et la tragédie, sur la nature de toutes deux, sur leurs formes et sur leurs parties, dont nous avons fixé le nombre et les différences, sur les causes de leurs beautés et de leurs défauts, et enfin sur les critiques dirigées contre la poésie et sur les réponses qu’on peut faire à ces critiques. » Cette comparaison de la tragédie avec l’épopée manque de justesse dans le fond comme dans la forme, car l’épopée, c’est la nature entière, et la tragédie n’en est qu’une partie : prenez les quatre-vingt-dix-sept tragédies d’Eschyle d’un côté et l’Iliade de l’autre, vous verrez Eschyle sombrer et Homère grandir. […] Ces croyances, qui sont le fond du Platonisme, ont sans doute une immense importance. […] V Ainsi, conduit par une exacte analyse des faits, Platon a posé d’abord la distinction de l’âme et du corps et la substantialité de l’âme ; il a posé son immortalité véritable avec le cortège obligé des récompenses et des peines ; il a découvert la loi morale et l’a montrée, dans toute sa puissance et sa pureté, au fond de la conscience humaine.

1157. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Mais ce qui est différent, c’est — tout simplement — le fond même du drame. […] Il en résulte, pour le style, des rapprochements fort bizarres, car la langue de la Walküre et du Rheingold est essentiellement différente de celle de la Mort de Siegfried, et plus différent encore est le fond même de la pensée ; en outre, ce n’est pas seulement la langue, c’est toute la façon de concevoir le crame sur la scène qui jure, en maints endroits, avec le reste du Ring. […] Wagner, au contraire, est devenu musicien par une nécessité poétique, parce que la musique seule pouvait exprimer avec une « certitude absolue » les phénomènes psychologiques, les « états d’âme », qui étaient le fond de ses drames, et que la symphonie musicale devenait ainsi pour lui une partie intégrante et inséparable de la conception poétique. […] Au fond, il n’y a qu’une chose ici : la musique. […] Dans les drames de Shakespeare cet état de l’art trouva son expression la plus complète : nulle analyse, nul souci d’une explication psychologique sérieuse ; jamais on n’a plus négligé l’étude des motifs mentaux ; mais c’est un superbe déploiement de gestes et défaits, un choc de paroles aisément poignantes ; la vie colorée, chaude, bruyante, — au fond creuse — une race très sanguine.

1158. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Ce n’est pas que ses sentiments sur le fond des choses eussent le moins du monde changé. […] M. de Talleyrand avait eu beau se mêler à la Révolution, il était resté, lui, un homme de race, gardant au fond beaucoup des idées ou des instincts aristocratiques. […] Royer-Collard réservait pourtant le fond de sa pensée ; il avait sur la mort de M. de Talleyrand un jugement qu’il gardait par-devers lui, mais il ne le gardait qu’à demi, puisque parlant un jour de l’évêque de Blois, M. de Sausin, dont il respectait les vertus, il disait : « Le mot de vénérable a été fait pour lui : il est peut-être le seul auquel je dirais tout ce que je pense de la mort de M. de Talleyrand. » Je fais grâce des plaisanteries de Montrond qui ne tarissait pas sur cette signature in extremis, et qui, de son ton d’ironie amère et sèche, ne parlait pas moins que d’un miracle opéré « entre deux saintes ». […] C’est un portrait de société, charmant et adouci, mais très peu flatteur au fond.

1159. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Il faut avouer que Béranger lui-même n’en a que le premier abord et le semblant ; elle ne fournit bien souvent chez lui que le prétexte et le cadre, tandis qu’elle reste le fond chez Désaugiers. […] Publiant en 1808 son premier recueil de chansons, il toucha, dans sa préface, quelque chose de ces horribles scènes dont il avait été témoin et victime ; mais, chez les êtres vivement doués et qui ont été désignés en naissant d’une marque singulière, la nature au fond est si impérieuse, et elle donne tellement le sens qui lui plaît à tout ce qui vient du dehors, qu’il y voyait plutôt un motif de s’égayer désormais et de chanter : « Permettez-moi, disait-il au lecteur de cette préface, de payer à la Gaieté, ma généreuse libératrice, un hommage que l’ingratitude la plus noire pourrait seule lui refuser ; daignez m’entendre, et vous en allez juger. […] Béranger a de la sensibilité, de la malice, de l’élévation, je ne veux certes pas prétendre qu’il n’ait pas aussi de la gaieté ; mais cette gaieté, il songe vite à s’en servir, à s’en couvrir, à s’en faire un cadre, un véhicule et un auxiliaire pour aller à mieux et viser plus haut, tandis qu’elle était à la fois la forme et le fond, la source et le fleuve même chez Désaugiers. […] Les instants où il parvenait à s’arracher au monde et où il s’asseyait parmi les siens, à sa table bourgeoise, étaient peut-être ses plus vrais jours de fête, à lui. — On a dit qu’il avait un certain fond mélancolique sous sa gaieté.

1160. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

La doctrine du xviiie  siècle était, au fond, le matérialisme, ou le panthéisme, ou encore le naturalisme, comme on voudra l’appeler ; elle a eu ses philosophes, et même ses poëtes en prose, Boulanger, Buffon ; elle devait provoquer son Lucrèce. […] Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques. […] A tout moment, chez lui, on rencontre ainsi de ces réminiscences à triple fond, de ces imitations à triple suture. […] Dans ce fragment d’élégie : Mais si Plutus revient, de sa source dorée, Conduire dans mes mains quelque veine égarée, A mes signes, du fond de son appartement, Si ma blanche voisine a souri mollement…, je croyais n’avoir affaire qu’à Horace : Nunc et latentis proditor intimo Gratus puellae risus ab angulo ; et c’est à Perse qu’on est plus directement redevable : … Visa est si forte pecunia, sive Candida vicini subrisit molle puella, Cor tibi rite salit. . . . . . . . . . .

1161. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Le ton commandant du roi, l’air soumis du clergé ne changent rien au fond des choses ; entre eux, c’est un marché103 : donnant, donnant ; telle loi contre les protestants, en échange d’un ou deux millions ajoutés au don gratuit. […] Mais il vit parmi les misérables auxquels il doit l’aumône, et il garde au fond du cœur une amertume secrète contre le richard oisif qui, les poches pleines, l’envoie faire, avec des poches vides, un ministère de charité. […] Sous la direction du Conseil du roi, trois fonctionnaires superposés, au centre le contrôleur général, dans chaque généralité l’intendant, dans chaque élection le subdélégué, mènent toutes les affaires, fixent, répartissent et lèvent l’impôt et la milice, tracent et font exécuter les routes, emploient la maréchaussée, distribuent les secours, réglementent la culture, imposent aux paroisses leur tutelle, et traitent comme des valets les magistrats municipaux. « Un village, dit Turgot127, n’est qu’un assemblage de maisons, de cabanes et d’habitants aussi passifs qu’elles… Votre Majesté est obligée de décider tout par elle-même ou par ses mandataires… Chacun attend vos ordres spéciaux, pour contribuer au bien public, pour respecter les droits d’autrui, quelquefois même pour user des siens propres. » Par suite, ajoute Necker, « c’est du fond des bureaux que la France est gouvernée… Les commis, ravis de leur influence, ne manquent jamais de persuader au ministre qu’il ne peut se détacher de commander un seul détail ». — Bureaucratie au centre, arbitraire, exceptions et faveurs partout, tel est le résumé du système […] Sans doute le mal qu’ils font ou qu’on fait en leur nom leur déplaît et les chagrine ; mais au fond leur conscience n’est pas inquiète.

1162. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

» Je vais mettre en scène ce dialogue du mort avec les vivants, et faire parler cet oracle du fond de son sépulcre, autant du moins que ma faible intelligence et ma sagesse bornée peuvent interpréter les pensées présumées de cette forte tête et de cette grande vue sur les affaires humaines. […] Cette situation est telle que le moindre faux coup de gouvernail imprimé par le télégraphe du fond du cabinet des Tuileries peut jeter l’Europe dans une nouvelle guerre de Trente ans ou la faire rentrer dans un puissant équilibre. […] Il faut être très hardi pour oser le dire ; mais, du fond du sépulcre ou du fond de la retraite, hors des choses humaines, on est très hardi.

1163. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

C’est la rosée du matin que le soleil du jour n’a pas encore pompée, et qui même après qu’elle a été bue par les rayons, laisse au fond du calice quelques gouttes mal séchées qui gardent encore un arrière-goût de rose mouillée. […] Ainz nous layra quand les fils d’Orythie Avelleront l’hyver aux cheveulx blancs Ez fond glacé des antres de Scythie. […] Or dès pour nouz qu’est l’altomne advenue, Nos vains actraicts se fasnent sans retour ; Fond sur nos chiefs la vieillesse chesnue ; Et, francs linotz, soubz l’impiteulx altour, Nos cris foibletz se spargent dans la nue. […] » Entour du feu, mesme au soir, que parlons De voyagiers esgarez loing des routes, Au fond des bois, dans le creulx des vallons, Ou s’abritant soubz les obscures voultes De vieulx chastels ouvertz aux aquilons, S’oyons un cry tout-à-coup dans la plaine, Ung bruict confus, tant soict au loing cela, Soudain le sang tout se fige en ma veyne ; Retiens mon souffle, et ne reprends haleine Que pour me dire : « Ô ciel !

1164. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Les sonnets étaient arrivés en France à la suite et dans le cortège de Catherine de Médicis, femme de Henri II, laquelle avait mis en honneur le tour d’esprit subtil et la galanterie de tête qui fait le fond de ce genre. […] La Renaissance avait donné un certain poli aux poëtes les plus instruits, à peu près comme une civilisation exotique polit un étranger qui garde au fond sa barbarie. […] Ses vers si fort admirés, et ses préceptes si obéis, attirèrent les esprits à ces études fécondes où nous devions prendre le goût d’ouvrages plus parfaits que les siens ; cet enthousiasme, même mal exprimé, pour ce qui a fait depuis lors le fond de notre éducation intellectuelle, a de la vie. […] Le distique suivant, à l’occasion du siégé de Metz, que Charles-Quint fut forcé de lever, n’est pas seulement d’une excellente latinité ; le jeu de mots qui en fait le fond en est très-spirituel : Hie igitur stulti meta est statuenda laboris Nomen et hoc Metas omen habore puta, 82.

1165. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Mais, après tout, il n’en dit pas plus, pour le fond, que n’en pense tout honnête homme. […] Le fond de son talent est la raison. […] Le sentiment de la nature, l’amour de l’humanité idéale, la méditation chrétienne, l’adoration de l’art, tel est le fond de ses premiers ouvrages. […] Pour le fond comme pour la méthode, cette critique est celle qui s’éloigne le plus de l’enseignement et qui a l’allure la plus libre.

1166. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Il arrive que sous l’impérieux flux de paroles l’on découvre le cours mince et lent de la pensée, le pauvre motif de certains passages de bravoure, la psychologie rudimentaire des personnages, l’impuissance des descriptions à montrer les choses ; l’humanité et le monde réels presque exclus de cent mille vers et de cent mille lignes, tout ce dénûment du fond sous la luxuriance de la forme font de l’œuvre du poète un ensemble hérissé et creux, analogue au faisceau massif de tours qu’une cathédrale érige sur une nef vide. […] Cette nullité, cette simplification et ce grossissement du fond, sont unis aux propriétés caractéristiques de la forme non par des relations de causes à effets ou d’effets à cause, mais par un rapport indissoluble qui permet de considérer ces deux ordres de faits comme résultant à la fois d’une cause unique. […] En cette antithèse fondamentale et inaperçue du poète : la nudité du fond et la richesse de la forme, l’œuvre de M.  […] Seul un esprit réaliste sentira qu’il n’y a au fond aucune démarcation entre les graminées des petites aux grandes, les ronces, les arbustes, les scions, les petits arbres et les gros.

1167. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

De l’air plus transparent le cristal est limpide, Des monts vaporisés l’azur vague et liquide     S’y fond avec l’azur des cieux. […] À la droite, on compte neuf ou dix châtaigniers aussi vieux et aussi vénérés que ceux de Sicile ; ils rampent, plutôt qu’ils ne se dressent, sur une pente de mousse et de gazon tellement rapide, que leurs feuilles et leurs fruits, en tombant, roulent loin de leurs racines au moindre vent jusqu’au fond d’un torrent. […] À la gauche, on descend du regard, de chalets en chalets et de bocage en chaume, jusqu’au fond d’une vallée un peu sinueuse, au milieu de laquelle on aperçoit sur un mamelon entouré de prés, voilées d’ombres, adossées à des bois, isolées des villages, baignées d’un ruisseau, deux tours jaunâtres, dorées du soleil : c’est mon toit. […] » — « Ils sont morts de tristesse et de vieillesse, loin de leur soleil et loin de moi. » — « Mais est-il bien vrai que vous allez vendre ces prés, ces vignes, ces bois, cette bonne maison que le soleil faisait reluire comme les murs d’une église au fond du pays ? 

1168. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Le fond de la scène est le tombeau d’Agamemnon. […] Le poète doit choisir, autant qu’il est possible, des sujets dont le fond lui fournisse les incidents et les obstacles qui doivent concourir à l’action principale ; mais lorsque le sujet n’en suggère point, ou que les incidents ne sont point par eux-mêmes assez importants pour produire les effets qu’on se propose, alors le poète doit employer toutes les ressources de son art à lier tellement l’épisode à son sujet, qu’il y devienne comme absolument nécessaire. […] J’avoue qu’il est quelquefois bien agréable sur le théâtre de voir un homme seul ouvrir le fond de son âme, de l’entendre parler hardiment de toutes ses plus secrètes pensées, expliquer tous ses sentiments, et dire tout ce que la violence de sa passion lui suggère ; mais il n’est pas toujours bien facile de le lui faire faire avec vraisemblance. […] Quant aux prologues, ils sont récités ordinairement par des personnages seuls, mais non pas en forme de monologues : c’est une scène hors d’œuvre, qui, à la vérité, fait bien partie du poème ancien, mais non pas de l’action théâtrale ; c’est un discours qui s’adresse aux spectateurs et en leur faveur, pour les instruire du fond de l’histoire, en attendant l’entrée du chœur, où commence précisément l’action, selon Aristote.

1169. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Le Pape, ce livre retors d’intention, n’est nouveau ni par le fond, ni par la forme. […] Jamais rien de plus doux, de plus miséricordieux, de plus généreux, et, diront peut-être beaucoup de pauvres chrétiens, — imbéciles quoique chrétiens (cela se voit), — de plus chrétien ne fut écrit… On se fond, vraiment, en lisant cela ! […] Au fond, c’est la même haine contre l’Église, c’est le même désir scélérat de la voir détruite, et c’est surtout la même théologie. […] … Victor Hugo a tiré du fond de sa cervelle cette création qui n’avait pas besoin de la force de quarante chevaux pour en sortir et dont il est aisé de rendre compte en quatre mots, et les voici : Le Pape dort : La pensée a grandi ; car le rêve est venu !

1170. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — III. Un dernier mot sur M. de Talleyrand »

Quant au fond, il était peut-être pire, certainement vénal et, de plus, malgré sa douceur apparente de mœurs et de ton, ayant si peu de scrupule pour les actes, qu’il y a trois points de sa vie qui font trois doutes presque terribles : la mort de Mirabeau, — l’affaire du duc d’Enghien, — l’affaire de Maubreuil.

1171. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

Il m’a semblé que pour le fond des choses, je n’avais rien à regretter ni à changer.

1172. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 322-324

Cette Piece n'est, dans le fond, qu'un amas de pensées boursoufflées, d'allusions froides & puériles, telles que celle-ci, où, en parlant du poignard de Pyrame, il dit : Le voilà, ce poignard, qui du sang de son Maître S'est souillé lâchement ; il en rougit, le traître.

1173. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il est d’ailleurs très fin et sagace quand il observe que l’ennui chez les Français, au lieu de chercher à se consoler et à s’enchanter par les beaux-arts, aime mieux se distraire et se dissiper par la conversation : mais je le retrouve systématique lorsqu’il en donne pour raison que, dans la conversation, la vanité, qui est leur passion dominante, trouve à chaque instant l’occasion de briller, soit par le fond de ce qu’on dit, soit par la manière de le dire. […] Au fond, quand il s’abandonne à les goûts et à ses instincts dans les arts, Beyle me paraît ressembler fort au président de Brosses : il aime le tendre, le léger, le gracieux, le facile dans le divin, le Cimarosa, le Rossini, ce par quoi Mozart est à ses yeux le La Fontaine de la musique. […] Le fond de son goût et de sa sensibilité est tel qu’on le peut attendre d’un épicurien délicat : Quelle folie, écrit-il à un ami de Paris en 1814, à la fin de ses Lettres sur Mozart, quelle folie de s’indigner, de blâmer, de se rendre haïssant, de s’occuper de ces grands intérêts de politique qui ne nous intéressent point !

1174. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Il a fort puisé, pour ce travail, dans un volume précédemment publié à Genève (1857), et dans lequel on a recueilli, avec des fragments du Journal intime de Sismondi, une série de lettres confidentielles et cordiales adressées par lui à deux dames de ses amies, l’une italienne, l’autre française, et au célèbre réformateur américain Channing : on y voit le cours de ses sentiments en politique, en religion, en toute chose, le fond même de son âme. […] Sismondi, qui peut bien être au fond du même avis, répond en l’excusant (25 juin 1807) : « Sans doute, Madame, moi aussi j’aurais ardemment désiré que Mme de Staël eût assez de fermeté dans le caractère pour renoncer complètement à Paris et ne faire plus aucune démarche pour s’en approcher ; mais elle était attirée vers cette ville, qui est sa patrie, par des liens bien plus forts que ceux de la société. […] Bonstetten, l’aimable, le léger, l’étourdi, l’éternellement jeune, sur lequel glissent les années et les chagrins, que la douleur n’atteint pas, « car l’imagination est le fond de son être, c’est par elle qu’il est sensible et par elle qu’il est consolé » ; Bonstetten, qui, dans un temps loge avec Sismondi sons le même toit, et qui le taquine souvent ou le désole par ses malices, par ses pétulances, par ses frasques ; à qui ridée prend subitement un jour de demander la mère de son ami en mariage ; Bonstetten qui a au moins vingt-cinq ans de plus que lui, et que Sismondi ne peut s’empêcher cependant de regarder, comme un jeune homme qui lui serait recommandé et confié ; le même « qui oublie, il est vrai, ses amis à tous les moments du jour, mais qui, aussi, ne les abandonne jamais » ; cet espiègle qui communique quelque chose de sa vivacité et de son genre d’esprit à tous ceux qui veulent le définir, Bonstetten n’est qu’un contraste : Schlegel était une antipathie.

1175. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Elle a à s’expliquer avec sa mère, elle a à se défendre de certains bruits qui courent, et son besoin d’apologie la mène à dire sur ces deux personnages le fond de sa pensée et de ses sentiments. […] Aussi, malgré toutes les explications et les excuses de l’aimable reine pour atténuer des torts où il y avait souvent plus d’apparence que de fond, Marie-Thérèse insiste ; elle sait les conséquences : la malignité tire parti de tout ; l’opinion est chose qui compte. […] Allez au fond : dans ces règnes longs et glorieux que la reconnaissance ou l’admiration des contemporains ont consacrés, vous verrez que c’est le bon sens, « ce maître de la vie », qui y a présidé, au moins autant que la grandeur d’âme.

1176. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Si l’on cherche la raison de cet oubli bizarre, de cette inadvertance ironique de la renommée, on la trouvera en partie dans le caractère des débuts de M. de Sénancour, dans cette pensée trop continue à celle du xviiie siècle, quand tout poussait à une brusque réaction, dans ce style trop franc, trop réel, d’un pittoresque simple et prématuré, à une époque encore académique de descriptions et de périphrases ; de sorte que, pour le fond comme pour la forme, la mode et lui ne se rencontrèrent jamais ; — on la trouvera dans la censure impériale qui étouffa dès lors sa parole indépendante et suspecte d’idéologie, dans l’absence d’un public jeune, viril, enthousiaste ; ce public était occupé sur les champs de bataille, et, en fait de jeunesse, il n’y avait que les valétudinaires réformés, ou les fils de famille à quatre remplaçants, qui vécussent de régime littéraire. […] Aux heures propices de liberté, il s’essayait dès lors à ce roman de son cœur. « Plusieurs fois j’étais dans les bois avant que le soleil parût ; je gravissais les sommets encore dans l’ombre, je me mouillais dans la bruyère pleine de rosée ; et, quand le soleil paraissait, je regrettais la clarté incertaine qui précède l’aurore ; j’aimais les fondrières, les vallons obscurs, les bois épais ; j’aimais les collines couvertes de bruyère ; j’aimais beaucoup les grès renversés, les rocs ruineux ; j’aimais bien plus ces sables vastes et mobiles dont nul pas d’homme ne marquait l’aride surface sillonnée çà et là par la trace inquiète de la biche ou du lièvre en fuite. » Si l’on a le droit de conclure d’Oberman à M. de Sénancour, genre de conjecture que je crois fort légitime pour les livres de cette sorte, en ne s’attachant qu’au fond du personnage et à certains détails caractéristiques, il paraît que, dans une de ses courses à travers la forêt, le jeune rêveur fut conduit, à la suite d’un chien, vers une carrière abandonnée, où un ouvrier, qui avait pendant plus de trente ans taillé des pavés près de là, n’ayant ni bien ni famille, s’était retiré, pour y vivre d’eau, de pain et de liberté, loin de l’aumône et des hôpitaux. […] Les idées de suicide lui reviennent en ce moment et l’obsèdent sous un aspect plus froid mais non moins sinistre, non plus avec la frénésie d’un désespoir aigu, mais sous le déguisement de l’indifférence : il en triomphe pourtant ; il devient plus calme, plus capable de cette régulière stabilité qui n’est pas le bonheur au fond, mais qui le simule à la longue, même à nos propres yeux.

1177. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Le plus court et le plus sûr est de le renvoyer, car les Nouvelles ecclésiastiques 30 triompheront sur un homme de ce caractère… » J’ai cité cette lettre parce qu’elle me paraît caractériser à merveille, dans le ton paterne du bon octogénaire, le genre de libertinage, comme il disait, dont la muse de Gresset s’était rendue coupable ; c’est un petit libertinage léger et sans trop de fond, une gaieté de jeunesse très-émoustillée, et qui ne tire pas tellement à conséquence qu’elle ne fasse encore sourire le digne cardinal au moment où il la condamne : on sent que, s’il ne faut plus garder Gresset chez les jésuites, il n’est pas perdu sans ressources pour cela, et qu’il pourra revenir à résipiscence, comme y revint ce Vert-Vert lui-même qu’il a si gentiment chanté. […] En combien d’endroits de ses lettres Cicéron se montre préoccupé de ce je ne sais quoi si réel et si indéfinissable, soit que, du fond de la Cilicie, il écrive à un de ses amis plus heureux, qui vit, comme il dit, à la lumière : « Urbem, urbem, mi Rufe, cole et in ista luce vive 39, » soit qu’il écrive à cet autre qui se plaignait de lui, et qui tout d’un coup, en arrivant à Rome, change de ton : « Il a suffi du seul aspect de la ville pour te rendre ta première urbanité, adspectus videlicet urbis tibi tuam pristinam urbanitatem reddidit 40 !  […] C’est assez insister sur ces problèmes, un peu humiliants au fond pour l’esprit humain et pour le talent.

1178. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

L’Essai sur les Révolutions est, au fond, plus remarquable que le Génie du Christianisme. […] Dans la première position, vous devez mépriser ce que vous êtes ; dans la seconde, vous enorgueillir de ce que vous avez été ; non qu’au fond vous ne sachiez à quoi vous en tenir sur ce frivole avantage, mais pour vous en servir comme d’un bouclier contre le mépris attaché à l’infortune. […] Il fallait un fond solide à l’invention de Chateaubriand, autrement il s’évanouissait avec les nuages : Combien j’ai douce souvenance Du joli lieu de ma naissance !

1179. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Né du peuple et dans le plus large courant de l’esprit de la Révolution française — en sorte qu’il n’eut ni à changer ni à se contraindre pour être « avec son temps », — la vie de Victor Duruy, exemplaire, tout unie dans son fond, mais avec un air de merveilleux, et, au milieu de son cours, un coup de baguette des fées, ressemble à quelque beau récit de la « morale en action », à mettre entre les mains des écoliers, de ces écoliers de France pour qui il a tant travaillé. […] Devenu professeur, je me mis à l’œuvre ; mais, en sondant notre vieux sol gaulois, j’y rencontrai le fond romain, et pour le bien connaître je m’en allai à Rome. […] Car (pour ramener la complexité des choses à des expressions toutes simples) on aurait presque tout dit en disant que si la Grèce s’éleva par sa générosité charmante, elle périt par quelque chose d’assez approchant de ce que nous nommons le dilettantisme ; et de même, si c’est en somme par la vertu que grandit la république romaine, dire que, avant de mourir par les barbares, l’Empire mourut du mensonge initial d’Auguste et de n’avoir pas eu les institutions qui en eussent fait une patrie au lieu d’un assemblage de provinces, et à la fois de la corruption païenne et de l’indifférence chrétienne à l’égard de la cité terrestre, et encore de l’abus de la fiscalité qui amena la disparition de la classe moyenne, c’est dire, au fond, qu’il périt faute de franchise ou de bon jugement chez ses fondateurs, faute de liberté et d’égalité, faute de communion morale entre ses parties et, finalement, faute de bonté. — Et toutefois le sévère historien sait gré à Rome d’avoir eu quelque chose de ce qu’il lui reproche de n’avoir pas eu assez.

1180. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

D’ailleurs, chacun d’eux avait bel et bien sa philosophie de l’art, sa théorie du beau ; pour être enveloppée, dissimulée, sous-entendue dans leurs jugements, elle n’en existait pas moins au fond de leur intelligence et un bon analyste est de force à l’y surprendre. […] Telle œuvre est supérieure, parce qu’elle exprime et éveille beaucoup de sentiments tempérés (Gil Blas)  ; telle autre, parce qu’elle peint une passion déchaînée dans toute sa violence (Manon Lescaut, le Père Goriot)  ; celle-ci, parce qu’elle suscite des émotions nobles, comme la pitié pour les faibles, l’amour de la justice, la sympathie pour la vie universelle (les Misérables)  ; celle-là, parce qu’elle va toucher au fond du cœur des fibres secrètes, rarement ou jamais atteintes jusque-là, parce qu’elle donne, comme on l’a dit, un nouveau frisson (les Fleurs du mal). […] Si nous voulons condenser dans une dernière et brève formule les principes auxquels nous a conduits une patiente analyse, nous dirons : Sensations, sentiments, idées, tendances, aspirations idéales sont le fond vivant de toute œuvre littéraire.

1181. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Mais il suffit d’un peu de réflexion pour voir que dans les deux cas, les mêmes facultés sont en jeu, et que leur mode d’opération est le même dans son fond. […] Il est de l’essence du raisonnement de percevoir une ressemblance entre les cas, et l’idée qui est au fond de tous nos procédés de raisonnement, est l’idée de ressemblance. […] Lui seul sait qu’au fond de toute chose il y a un impénétrable mystère136. » 129.

1182. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

» Je crois sentir, en un mot, dans ce style si régulier, si ferme, si admirable aux pages heureuses, un fond de prononciation âcre et forte, qui prend au gosier, un reste d’accent de province. […] Quant au fond des idées, tout est douteux chez lui, tout peut paraître à bon droit équivoque et suspect ; les idées saines se combinent à tout instant avec les fausses et s’y altèrent. […] Un jour, en une heure d’abandon, causant de ses ouvrages avec Hume, et convenant qu’il en était assez content pour le style et l’éloquence, il lui arriva d’ajouter : « Mais je crains toujours de pécher par le fond, et que toutes mes théories ne soient pleines d’extravagances. » Celui de ses écrits dont il faisait le plus de cas était le Contrat social, le plus sophistique de tous en effet, et qui devait le plus bouleverser l’avenir.

1183. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Ce qui reste, c’est l’ensemble des mœurs, c’est le fond du tableau, et rien ne paraît plus vrai ni plus vivant. […] La corruption de tous les temps se ressemble fort, à la voir au fond, mais elle diffère de forme, de ton et de costume. […] Et la scène continue sur ce ton, Mme d’Épinay se promettant de n’avoir jamais d’amant, flattée cependant qu’on lui en parle, et au fond en ayant un déjà, et Mlle d’Ette, pour la faire parler et se rendre maîtresse, s’attachant adroitement à piquer, à effaroucher, à rassurer et à enhardir cette jeune âme, à l’incliner vers les fins qu’elle se propose.

1184. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Si j’osais pourtant hasarder un jugement d’ensemble, je dirais que son ambition n’y eut jamais satisfaction entière, et que les distinctions brillantes dont son existence publique fut remplie couvraient, au fond, bien des vœux trompés et le déchet de bien des espérances. […] Ce qui soutient et presque ce qui touche le lecteur, dans cette lutte où tant d’art est dépensé et où l’éternel conseil revient toujours le même au fond sous tant de métamorphoses, c’est l’affection vraie, paternelle, qui anime et qui inspire le délicat et l’excellent maître, patient cette fois autant que vif, prodigieux de ressources et d’adresse, jamais découragé, inépuisable à semer sur ce sol ingrat les élégances et les grâces. […] Il demande perpétuellement à l’esprit quelque chose de ferme et de délié, la douceur dans la manière, l’énergie au fond.

1185. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Après le premier sentiment d’intérêt et d’admiration pour cette jeune, simple et généreuse victime, on sent le besoin, afin même de mieux l’admirer, de se l’expliquer tout entière, de se rendre parfaitement compte et de sa sincérité et des mobiles qui la faisaient agir, du genre de foi qu’elle y attachait ; et la pensée va encore au-delà, elle va jusqu’à s’enquérir de ce qu’il pouvait y avoir de réel dans le fond de son inspiration même. […] La pitié, ce fut là l’inspiration de Jeanne, non pas la pitié d’une femme qui pleure et se fond dans les gémissements, mais la pitié magnanime d’une héroïne qui se sent une mission et qui prend le glaive pour secourir. […] Mais ces juges, comme tous les pharisiens du monde, comme ceux qui condamnèrent Socrate, comme ceux qui condamnèrent Jésus, ne savaient pas bien au fond ce qu’ils faisaient, et leur procès-verbal authentique et paraphé devient la page immortelle et vengeresse, l’Évangile de la victime.

1186. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Louis XIV a lui-même exposé la première idée qu’il se fit des choses, et cette première éducation intérieure qui s’opéra graduellement dans son esprit, ses premiers doutes en vue des difficultés, ses raisons d’attendre et de différer ; car « préférant, comme il faisait, à toutes choses et à la vie même une haute réputation, s’il pouvait l’acquérir », il comprenait en même temps « que ses premières démarches ou en jetteraient les fondements, ou lui en feraient perdre pour jamais jusqu’à l’espérance » ; de sorte que le seul et même désir de la gloire, qui le poussait, le retenait presque également : Je ne laissais pas cependant de m’exercer et de m’éprouver en secret et sans confident, dit-il, raisonnant seul et en moi-même sur tous les événements qui se présentaient ; plein d’espérance et de joie quand je découvrais quelquefois que mes premières pensées étaient les mêmes où s’arrêtaient à la fin les gens habiles et consommés, persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyensm. […] [1re éd.] qui en sont le fond m. [1re éd.] les gens habiles et consommés, et persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyens.

1187. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Le fond des idées diffère encore moins. […] Ce qui donne bien aux Lettres persanes leur date et le cachet de la Régence, c’est la pointe d’irrévérence et de libertinage qui vient là pour relever le fond et l’assaisonner selon le goût du jour. […] Nous touchons ici au fond de la pensée de Montesquieu et à tout son procédé habituel intérieur ; ne soyons pas faible ni indécis, et n’hésitons pas à l’exposer avec nudité.

1188. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Quand il fut question, plus tard, de conduire le char de l’État sur une pente rapide, et que pas un instant n’était à perdre, on conçoit que ce fond d’indécision dut être fatal : dans l’habitude de la vie, ce n’était qu’une singularité piquante. […] Il y avait dans son tempérament un fond de méditation inactive, de calme supérieur et de paresse, dont il ne triomphait qu’à l’aide des mobiles les plus élevés, et par l’amour passionné qu’il nourrissait pour la noble louange. […] Après l’avoir lu, il reste toujours une difficulté pour moi : comment concilier chez l’auteur une si fine et, au fond, une si méprisante description de la sottise réputée par lui presque universelle depuis Adam, avec ce grand respect pour l’humanité en masse et avec ce culte si continuel de l’opinion présente ?

1189. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Sous tous les phénomènes nous cherchons des phénomènes plus durables ; sous ceux-là d’autres encore, comme, sous la surface agitée de la mer les couches plus tranquilles, et sous celles-là le fond immobile et obscur, l’insondable abîme. […] Au fond, toutes ces notions de figures parfaites sont des notions incomplètes, tenant à l’imperfection même de notre vue, qui n’aperçoit pas les réelles sinuosités d’une ligne droite ou d’un cercle, ni les vagues montantes et descendantes de la mer lointaine. […] Le principe de causalité et celui d’identité se retrouvent au fond de ce que Spencer appelle tantôt le « postulat » a priori, tantôt l’axiome a priori.

1190. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Le fond des récits et la façon dont ils sont traités les maintiennent au niveau des contes populaires indo-européens ou sémites, avec lesquels ces récits offrent d’ailleurs de manifestes ressemblances. […] J’insiste sur ce point que ni le fond ni les détails n’ont eu à souffrir de ce souci d’amélioration de la forme. […] Comparaison, au double point de vue du fond et de la forme, avec les conteurs indo-européens et sémites.

1191. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan, au fond, est un philosophe. […] Renan a moins écrit son livre pour résoudre des difficultés qu’au fond il regarde lui-même comme insolubles, que pour proclamer les droits de la Critique indépendante et désintéressée, de la Critique en dehors de tout dogmatisme et de toute polémique, comme il dit. […] Renan, qui l’a continuée avec acharnement dans ses Études d’histoire religieuse, dans son Histoire comparée des langues sémitiques, dans ses Essais de critique et de morale ; et quoique dans ce premier livre, plus peut-être que dans les suivants, ce jeune serpent de la sagesse ait eu les précautions d’un vieux et les préoccupations de sa spécialité, cependant il est aisé de voir que la chimère philologique, le passage de la pensée au langage ou du langage à la pensée, les épluchettes des premières syllabes que l’homme-enfant ait jetées dans ses premiers cris, ne sont, en définitive, que des prétextes ou des manières particulières d’arriver à la question vraiment importante, la question du fond et du tout, qui est de biffer insolemment Moïse et de se passer désormais parfaitement de Dieu !

1192. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air. […] Si vous étiez disposé à la longue à trouver ce dilettantisme un peu voulu, hâtez-vous de reconnaître dans cette volonté, qui de toute manière serait méritoire, un fond bien touchant de tendresse. […] Et je veux vous le dire aussi, le Dieu infiniment puissant et miséricordieux, dans lequel nous croyons tous, quoique différents de religion, dans lequel votre fils croyait (il me l’a dit), a pris auprès de lui, je l’espère, l’âme droite et loyale, qui s’est sacrifiée pour le devoir, et il l’a prise pour l’immortalité… J’ai prié du fond de mon cœur hier, aujourd’hui, ce Dieu de miséricorde, de recevoir votre fils auprès de lui, et de vous réunir à lui, quand le temps sera venu pour une réunion éternelle et heureuse… Puisse cette parole d’un ministre de Dieu, non pas calmer votre douleur, mais vous apporter l’espérance, soutenir votre courage, vous aider à supporter le sacrifice.

1193. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Il est certain que si l’on veut creuser cette situation, on trouvera au fond de la pensée du rieur un certain orgueil inconscient. […] Molière fut dans ce genre la meilleure expression française ; mais comme le fond de notre caractère est un éloignement de toute chose extrême, comme un des diagnostics particuliers de toute passion française, de toute science, de tout art français est de fuir l’excessif, l’absolu et le profond, il y a conséquemment ici peu de comique féroce ; de même notre grotesque s’élève rarement à l’absolu. […] Quant au moral, le fond était le même que celui du Pierrot que tout le monde connaît : insouciance et neutralité, et partant accomplissement de toutes les fantaisies gourmandes et rapaces au détriment, tantôt de Harlequin, tantôt de Cassandre ou de Léandre.

1194. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Il n’y a pas un mot dans sa lettre qui ne semble dire au lecteur, quand, on fait ce rapprochement : Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. Il y a en effet, dans le fond de ce cœur, une sorte de bonté et de pureté qui ne permettra jamais à ce pauvre garçon, j’en ai bien peur, de connaître et de condamner les sottises qu’il aura faites, parce qu’à la conscience de sa conduite, qui exigerait des réflexions, il opposera toujours machinalement le sentiment de son essence ; qui est fort bonne.

1195. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Hase, mourait surchargé de titres, de places et d’honneurs bien mérités, Dubner, à l’âge de plus de soixante ans comme au premier jour, n’était rien qu’un travailleur isolé, tout entier voué à l’exécution des grandes entreprises philologiques qui roulaient sur lui, dont il était la cheville ouvrière et l’âme, se dérobant, ne s’affichant pas, étranger au monde, n’ayant au dehors que les relations strictement nécessaires, enseveli, comme il le disait, dans sa vie souterraine au fond de sa mine philologique, et tout semblable à l’un de ces mineurs du Erzgebirge auquel lui-même il se comparait ingénieusement. […] Mais, au fond, il avait sur le cœur certain article sévère que Dübner avait publié à l’occasion de son livre des Journaux chez les Romains 136.

1196. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Ô Père, donnez le conseil à notre esprit et la force à nos bras. » « Quand vous aurez ainsi prié du fond de votre âme, combattez et ne craignez rien. […] C’est cette alternative d’ardeur et de douceur, de violence et de tendresse, qui fait le fond du caractère de l’abbé de La Mennais, et qui compose une des variétés les plus attachantes du caractère chrétien lui-même.

1197. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Mais ici ce défaut réel disparaît et se fond presque dans l’ironie fine, légère, insensible et comme perpétuelle, qui s’insinue et qui pénètre. […] Le sévère Lemontey aurait triomphé s’il avait eu entre les mains ce volume poli où un fond de violence et de tyrannie ressort si à nu.

1198. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Ce qui lui en était resté de chagrin au fond, dans une âme assez légère, était inimaginable, et je l’ai entendu à près de quatre-vingt-dix ans revenant à satiété en vieil écolier sur ces injustices prétendues ou réelles dont il avait été victime. […] Paris se faisait encore appeler la capitale du monde civilisé ; mais qu’y trouvait-on au fond ?

1199. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

C’est ce qui était arrivé pour la séance de réception de M. de Vigny ; le public y avait supposé et mis, à l’instant même, beaucoup plus de malice qu’il n’y eu avait eu au fond. […] Au-dessus de ces sept ou huit volumes qui tenaient sur un seul rayon, on voyait, en manière de trophée, une plume d’aigle donnée par Émile Deschamps, et avec laquelle Soumet était censé avoir écrit son poëme ; il vous la montrait sans sourire ; mais bientôt toutes ces solennités d’apparat ne tenaient pas, et quelque plaisanterie soudaine, quelque frivolité spirituelle venait plutôt trahir le trop peu de sérieux du fond.

1200. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Cousin, c’est bien moins encore le fond des doctrines sur lesquelles un esprit naturellement sceptique comme le mien se sent peu en mesure de prononcer, que le talent même dont chacun peut se convaincre, et dont l’empreinte brille à mes yeux tout d’abord. […] J’ai paru regretter précédemment que ce nom ait prévalu au point d’éclipser celui de spiritualisme qui s’appliquait mieux au fond et à la nature des idées.

1201. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Le moi qui profiterait de cette facilité trop fréquemment et avec trop d’amour, le moi qui se livrerait à la vie du dehors autrement que pour comprendre et regarder, le moi qui s’adonnerait à une pratique assidue de la nature et à de trop longues communications avec le monde matériel ; qui, franchissant le pont-levis dès le matin, s’égarerait dans ses pâturages et ses terres pour les amender, visiterait ses mines et ses canaux, dessécherait ses marais, transplanterait des troupeaux lointains pour s’enrichir de leurs toisons, croiserait des races, apprivoiserait une végétation agreste, assainirait un climat fangeux, et qui ne rentrerait au logis qu’à la nuit close, ce moi-là, selon les psychologistes, courrait grand risque d’oublier qu’il n’est pas dans les conditions essentielles de sa nature ; qu’il n’y a au fond et dans la réalité rien de commun entre cette matière et lui ; qu’il n’arrive à elle que moyennant un pont tremblant et fragile, sur la foi d’un laisser-passer arbitraire ; et qu’il ne doit pas s’attarder dans la plaine ni sur les monts, de peur des distractions trompeuses et des pièges sans nombre. […] On la traite avec de bons égards et des apparences convenables, mais avec peu d’estime au fond.

1202. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

La fondation de toute ville doit être consommée par un fratricide ; au fond de toutes les substructions solides, il y a le sang de deux frères. » Et à la même heure un prophète d’Israël, captif, qui a tout vu de Babylone, prononce ces paroles : Ainsi les nations s’exténuent pour le vide ; Et les peuples se fatiguent au profit du feu. […] Et pourtant les deux sentiments sont au fond identiques.

1203. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Supposez que je considère l’Esprit divin simplement comme la série des pensées divines prolongée pendant l’éternité, ce serait assurément considérer l’existence de Dieu comme aussi réelle que la mienne ; ce serait faire ce qu’au fond on fait toujours, c’est-à-dire se fonder sur la nature humaine pour en inférer la nature divine. […] « Au fond le plus sage de beaucoup c’est d’accepter le fait inexplicable, sans théorie sur le comment ; et quand nous sommes obligés d’en parler en termes qui impliquent quelque théorie, il faut le faire avec plus de réserve. » III Cette théorie de l’esprit et de la matière, qui dépasse à quelques égards la psychologie purement expérimentale, paraît avoir soulevé de vives discussions en Angleterre, si l’on en juge par le grand nombre de livres, brochures, articles de journaux et de revues que M. 

1204. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ».

1205. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Ces deux littératures roulent sur le même fond de sable : l’homme et ses vieux malheurs ; très souvent, ils s’en vont, parallèles, l’un à fleur de terre, l’autre dedans, — portant au même but, le définitif oubli, d’identiques barques. […] « Ô pêcheur, dit-elle, pêcheur, pêcheur de mon père, pêche donc une fois pour moi, tu en seras récompensé. — Il jeta ses filets dans l’eau, les plombs touchaient le fond.

1206. (1902) L’humanisme. Figaro

Les humanistes peuvent ajouter à cette farce tous les béquets possibles, ils ne la rendront pas meilleure, parce que c’est le fond qui en est mauvais. […] Au contraire, il est touché jusqu’au fond du cœur par les contradictions d’idées et de sentiments qui tourmentent l’humanité.

1207. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

L’œuvre, on ne la considère alors que comme le produit plus ou moins passif de ces deux forces également inconscientes au fond : le tempérament de l’écrivain et le milieu où il se développe. […] Aussi dans les esprits trop critiques y a-t-il souvent un certain fond d’insociabilité, qui fait que nous devons nous défier de leurs jugements comme ils devraient s’en défier eux-mêmes.

1208. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Mais arriver à un spectacle avec l’intention formelle de lancer à l’idole, sa petite couronne ; tenir cette couronne honteusement cachée au fond de son chapeau, et puis, quand la reine en question a fait sa dernière pirouette ou déclamé son dernier vers, lui jeter obscurément la servile guirlande, c’est là tout à fait le métier d’un laquais, d’une maman, ou d’un amoureux de bas étage. […] Du fond de son cercueil le mort doit défendre sa couronne funèbre, s’il ne veut pas que cette couronne devienne un outrage à quelque célébrité vivante.

1209. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Je ne vous parlerai point de l’éclat du soleil et de la lune, qu’il est impossible de rendre ; ni de ce fluide interposé entre nos yeux et ces astres qui empêche leurs limites de trancher durement sur l’espace ou le fond où nous les rapportons, fluide qu’il n’est pas plus possible de rendre que l’éclat de ces corps lumineux. […] Si placé au fond d’un puits, vous n’en voyiez qu’une petite portion circulaire, vous ne tarderiez pas à vous réconcilier avec mon idée.

1210. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

À présent toute terre est cultivée ; et la science, sortie du sein des cloîtres, du fond des sanctuaires, s’est répandue parmi les peuples. […] Mais y aurait-il quelque inconvénient à garder dans le fond de sa pensée la certitude intime où nous devons être, que sans les libertés qui ont précédé 1789, jamais la France n’aurait pu parvenir à l’émancipation, car le propre de l’esclavage est de ne donner que des sentiments d’esclaves ?

1211. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Fait principalement avec des lettres de Mme de Staël, ce livre nous montre mieux la femme dans la négligence de tous les jours, que les œuvres de son génie, quoique dans les œuvres de son génie, on la voie cependant toujours, — Sirène au fond de sa fontaine ! […] Pour la première fois, on soupçonne la femme faible qu’elle fut en tout, cette femme éblouissante de génie, qui fut, au fond, aussi faible que Valmore, et qu’on y voit, en pleine maturité, de sa faiblesse divine, mourir !

1212. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

que cette histoire dépasserait en renseignements et en aperçus les autres histoires insuffisantes, et que nous apprendrions quelque chose de nouveau sur ce peuple étrange, qui, du fond de sa gravité imperturbable, a l’air de se moquer de nous. […]  » Nous aurions voulu, enfin, que les historiens apologistes de ce pavs ainsi incriminé, ainsi accusé, et dans son histoire, et dans ses mœurs, et dans son esprit, et dans tout son être, eussent pénétré partout où l’accusation a enfoncé son atteinte, et qu’ils nous l’eussent montré non seulement dans son histoire politique, mais qu’ils fussent descendus au fond des mœurs pour les laver et qu’ils eussent tâté de leurs savantes mains ce crâne arrondi de la race jaune, rasé par les conquérants tartares, pour nous dire au juste ce que, dans cette boîte osseuse, si déformée par la corruption et par l’esclavage.

1213. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Avant de légiférer pour son propre compte et en son privé nom, il nous a donné, en abrégé, l’histoire du duel en France, et cette histoire démontre, à toute page, l’inanité des législations quand il s’agit de changer et de modifier des mœurs toujours victorieuses d’elles… L’esprit moderne, dont la manie est de croire aux constitutions, qui sont les créations de son orgueil et que le vent de cette girouette a bientôt emporté, l’esprit moderne, qui méprise si outrageusement et si sottement le passé, apprend ici, une fois de plus, que tout dans l’histoire ne se fait pas de main d’homme, et que les coutumes ne s’arrachent pas du fond des peuples comme une touffe de gazon du sol… Saint-Thomas, dont le bon sens (heureusement pour lui) ne me fait point l’effet d’être dévoré par l’esprit moderne, semble l’avoir compris. […] … L’auteur du Nouveau Code du Duel a-t-il bien agité ces questions au fond de lui-même avant de le rédiger ?

1214. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Comment se forment la nacre et la perle au fond de leurs mystérieux coquillages ? […] Comment le talent de Joubert ou plutôt son âme, cette opale humaine, s’est-elle formée dans le fond de ce bourgeois du xviiie  siècle ?

1215. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Nous n’avons pas ce fond d’entrailles, cette substance du cœur qui est la meilleure part du génie ; car le génie, c’est l’opposé de cette affreuse petite bourgeoise du xviiie  siècle, cette Geoffrin qui montrait son cœur et qui disait : « il n’y a là que de la cervelle ». […] Si l’on pouvait supprimer l’homme tout à fait, à raide de cette ingénieuse machine, l’humanité, Emerson le supprimerait, et il réduirait le génie à une production mystérieuse à laquelle beaucoup de choses ont obscurément, contribué, comme la perle dans le fond des mers.

1216. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Prenez les plus anciennes législations de la Grèce et les plus honorées par elle, la législation Crétoise, par exemple, et la législation de Sparte ; voyez si le brigandage n’est pas au fond avec le vol et, ce qui est encore plus essentiel que le vol au brigandage, l’absence de la famille ; la communauté ! […] Si nous nous préoccupions beaucoup de la chimère de ce siècle, de cette liberté dont il est si follement épris, nous citerions encore Lerminier : « La liberté antique — dit-il — était le triomphe de la forme sur le fond des choses humaines.

1217. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

En ce temps-là, par le fait de cette passion qui emportait tout, passion hors de sens pour la Grèce, plus concevable pour Rome (nous dirons tout à l’heure pourquoi), dès qu’il fallait aller au fond des choses la science historique glissait dans l’erreur. […] Que si, pour revenir au sujet de notre examen, Champagny l’avait compris, des clartés nouvelles auraient jailli du fond de son livre, et nous en auraient illuminé les détails.

1218. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

sans une philosophie de l’histoire ; l’histoire sans esprit de parti ou sans parti pris, sans prêchaillerie, sans thèse au fond, comme celle de Macaulay, par exemple, dont nous venons de parler, voilà ce qui doit venger une époque troublée comme la nôtre des impuissances de sa métaphysique et des démences de son orgueil ! […] Dans tous les temps, les hommes qui l’ont le mieux servie sont les chroniqueurs, les hommes voués au fait, à la recherche laborieuse, tous ceux qui, comme Pierre Clément, plongent dans une époque et ne rapportent dans leurs mains sincères rien de plus ni rien de moins que ce qu’au fond ils ont trouvé.

1219. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

À ce cœur qui palpite au fond se rattache tout un long fragment du règne de Richelieu, qui acheva de tourner vers Dieu ce cœur déchiré, en lui arrachant son idole et en la jetant à l’échafaud. […] , je vous conjure, par le repos de mon âme… de modérer vos ressentiments et de recevoir de la main de notre doux Sauveur cette affliction. » Deux fois soumise, et à Dieu et à son époux, son autre Dieu, elle obéit à cette consigne donnée presque du fond de la mort.

1220. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Philippe II, Charles-Quint, resteront toujours, par un côté, plus ou moins obscurs et inintelligibles, si on n’étudie pas l’Espagne elle-même qui les a produits et si on ne la comprend pas, elle, dans le fond intime de sa propre personnalité. […] Prudent comme les saints, et comme les gens seulement convaincus ne le sont jamais, froid et fin sous la grandesse d’une majestueuse dignité, cet esprit de milieu, également éloigné de tous les fanatismes, nous laisserait l’imagination bien tranquille, s’il ne portait pas jusque dans le fond de son être les brûlantes réverbérations de cette Foi espagnole qui avait chauffé son berceau.

1221. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Ainsi, encrassement d’influences, fond de pot de toutes les idées, le xviiie  siècle est en nous à des profondeurs effrayantes, et ce n’est pas tout, nous tenons à lui par la préférence, par le choix de l’âme abaissée, par l’admiration et par l’amour. […] Dans cet essai de son début, il avait replacé la misère humaine, trop souvent oubliée, dans le fond éblouissant de plus d’une grandeur, et justement risqué sur Voltaire une de ces anecdotes cruelles qui firent peut-être sur son propre esprit, altéré de vérité, l’effet des premières gouttes de sang sur la soif du tigre, qu’elles rendent bientôt inextinguible.

1222. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

car, excepté La Chartreuse de Parme, qui éclata tout à coup, un jour, du fond du silence dans lequel elle était enveloppée, parce que, de sa plume qui pouvait tout allumer, Balzac avait mis le feu à la mèche, les livres de Stendhal étaient trop raffinés et trop profonds pour avoir un succès bruyamment immédiat. […] Ce sont des historiens non plus de derrière les faits, mais du fond des faits ; des historiens qui osent faire penser et écrire l’Histoire par ceux mêmes qui l’ont faite ; qui, par une merveilleuse intuition rétrospective, la prennent à la source humaine dont elle est sortie, — dans la conscience révélée de ceux qui l’ont créée ; qui se mettent enfin, sans façon, sur les épaules, la tête de Sylla ou de Richard III, et parlent par leur bouche comme ils auraient parlé eux-mêmes, s’ils avaient voulu se faire comprendre et expliquer leurs actes à la Postérité… Ah !

1223. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Or, ils le sont, MM. de Goncourt, malgré le fond d’un talent à cent mille lieues de la popularité par la distinction dont il brille… Mais aussi ce n’est point à ce talent, que personne ne goûte plus que moi, qu’ils doivent la faveur dont ils jouissent dans la littérature contemporaine. […] Sans amitié, sans préférence, sans chaleur, sans passion, indifférent à tout, et ne faisant acte de pouvoir, et d’un pouvoir jaloux, que dans la liste des invités de ses soupers, Louis XV apparaissait, dans le fond des petits appartements de Versailles, comme un grand et maussade et triste enfant, avec quelque chose dans l’esprit de sec, de méchant, de sarcastique, qui était comme la vengeance des malaises de son humeur… Un sentiment de vide, de solitude, un grand embarras de la volonté et de la liberté, joint à des besoins physiques impérieux et dont l’emportementrappelait les premiers Bourbons, c’est là Louis XV à vingt ans, c’est là le souverain en lequel existait une vague aspiration au plaisir et le désir et l’attente inquiète de la domination d’une femme passionnée, ou intelligente, ou amusante… Il appelait, sans se l’avouer à lui-même une liaison qui l’enlevât à la persistance de ses tristesses, à la paresse de ses caprices, qui réveillât ou étourdît sa vie en lui apportant les violences de la passion ou le tapage de la gaieté.

1224. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Au fond, la haine de Michelet n’est guères qu’une haine de tourterelle en colère. […] Et cependant, lui, l’inconséquent, qui fait l’histoire des héros qui furent des chefs, Michelet, que j’aime quand il est inconséquent, ne peut pas s’y tromper, au fond de son cœur.

1225. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Ceci nous semble vrai de fond et presque beau de forme. […] Toujours poète, c’est là son défaut, comme Μ. des Mazures : « Je me penche sur ses yeux profonds, — dit-il (les yeux de la chatte), — et il me semble voir là-bas, — tout au fond, — je ne sais quoi qui se débat, comme un malheureux tombé dans un puits et qui s’efforce de remonter, et qui appelle à l’aide, et qui se raccroche aux parois, et qui retombe toujours, — une âme, je le crois.

1226. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

C’est le sentiment qui les anime et surtout, surtout, le fond d’âme auquel il correspond… Et que m’importent, à moi, l’impuissante royauté de Poniatowski et les orages de la Pologne, de cette nation qui ne fut jamais qu’un sublime régiment contre les Turcs, mais qui ne fut jamais non plus un peuple dans l’unité de ce magnifique sentiment qui fait les peuples dignes et forts, et qui est plus haut que l’amour, très souvent anarchique, de la patrie ! […] Je crois, d’honneur, qu’il y avait plus que de l’amitié dans le fond de son cœur, à Madame Geoffrin !

1227. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Et l’a-t-il peinte ainsi parce qu’il l’a vue ainsi, — car les peintres ont parfois des organes dont ils sont les victimes, — ou parce qu’elle est véritablement ainsi cette Russie, au fond, si peu connue, cette steppe en toutes choses, cette platitude indigente, immense, infinie, décourageante, qu’il nous présente dans les mœurs russes, dans les esprits, dans les caractères ? […] Mais ce Spartacus littéraire était-il autre chose, au fond, qu’un poète russe qui avait lu Byron et qui s’était inoculé l’ironie byronienne à larges palettes, alors que le poète anglais joue, dans Don Juan et dans ses poésies politiques, au jacobin et au carbonaro ?

1228. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Prêtre égaré par un bon motif, je le veux bien, mais égaré pourtant, il a spéculé sur le fond de la tendresse humaine pour faire aimer son Dieu, en montrant l’homme aux âmes déjà si pleines de l’homme, qu’elles s’en vont faiblissant dans leur ancien amour de Dieu ! […] mais le prêtre, qui s’est oublié, a été vengé par l’artiste qui n’a pas paru, car au : fond rien du talent d’autrefois du R. 

1229. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Sous ce pêle-mêle d’idées et d’images, de sentiments et d’abstractions, il y a une unité qui tient au fond du livre et de l’âme de l’auteur, et qui nous venge bien du manque d’unité de cette forme que j’ai signalée ; et cette unité du sujet, retrouvée, à toute place, dans cette dispersion de qualités qui rayonnent de toutes parts, en ce livre formidable, comme les balles écartées d’une espingole, c’est justement ce qui est en cause dans cette misérable heure : c’est la grandeur et le droit de la paternité ! […] Blessée même par la main de Napoléon, qui dut en frémir jusque dans le fin fond de son génie, mais qui eut la révolutionnaire faiblesse d’en circonscrire l’action et d’en diminuer la puissance, la Paternité, menacée davantage chaque jour, de toutes parts, est le symptôme accusateur d’une société qui s’écroule, et c’est ce que vit tout d’abord et avant tout Brucker, quand il s’agit de donner le robuste appui de son épaule à cette pauvre société chrétienne, ébranlée dans son fondement même.

1230. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

II D’ailleurs, au fond et sérieusement, à part cet ennui qui est certain, qu’est-ce que ce livre de la Création, voire dans la pensée et l’intention même de Quinet ? […] Et, de fait, elle donne dans une mesure abrégée non seulement tout le livre, mais tout l’auteur même de la Création, qu’on peut très bien après cela laisser tranquillement au fond du puits de l’Éternel, dans lequel il voyage comme un seau.

1231. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Balzac au fond « était stérile. » Sans la gravité de son état qui l’empêche d’être pittoresque, M.  […] Voilà, dégagé de ses développements et de ses déclamations, le fond du travail de M. 

1232. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Seul, le fond de l’histoire, qui est assez ignoble aussi, appartient à M.  […] On les saute, et d’autant mieux qu’on ne pèse guère ; mais ce qui tombe au fond du fossé et ce qui y reste, c’est le talent, c’est l’honneur littéraire, c’est l’art enfin, qui jamais n’en sortiront plus.

1233. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Quoique la description et le sentiment y tiennent leur place, ils n’y débordent pas, comme dans la plupart des romans actuels, et l’auteur, qui a vécu, car il faut avoir vécu pour faire des romans, a mis tout au fond une pensée. […] Il guérit par l’amour d’une femme pieuse qui le sauve et qui met en relief cette pensée, le vrai fond du livre : — les femmes, malgré l’infériorité de leur sexe, peuvent plus que les hommes à cette heure, car elles ont une éducation moderne unitaire, et les hommes ne l’ont pas !

1234. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Je crois même qu’on aperçoit encore quelques toitures dans le fond. […] J’imagine devant les Caprices un homme, un curieux, un amateur, n’ayant aucune notion des faits historiques auxquels plusieurs de ces planches font allusion , un simple esprit d’artiste qui ne sache ce que c’est ni que Godoï, ni le roi Charles, ni la reine ; il éprouvera toutefois au fond de son cerveau une commotion vive, à cause de la manière originale, de la plénitude et de la certitude des moyens de l’artiste, et aussi de cette atmosphère fantastique qui baigne tous ses sujets.

1235. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Le problème qu’il y sentait obscurément formulé revient souvent dans son œuvre et se posait au fond de sa propre nature, à la fois très sensuelle et très idéaliste. […] Il ne nous paraît pas douteux qu’il ait emprunté le fond de son histoire à Matthieu Paris. […] Morpurgo, sont les plus modérées et les plus raisonnables », comme on peut en juger par celle-ci, que l’éditeur compare, non sans raison, à un « article de fond » dans quelqu’un de nos grands journaux. […] Il constate encore, à l’appui de la même idée, qu’il n’a pas vu le « rocher de sardoine » dont parle le poème, et que le fond du ravin est un « marécage » où ne pourraient évoluer des cavaliers. […] Le fond est d’ailleurs tout semblable à celui du livre hébreu, sauf que l’oiseau est appelé « étourneau », et que l’œuf d’autruche est devenu un œuf de cane.

1236. (1888) Portraits de maîtres

Au fond cette théorie des « ciseleurs » n’est autre que la vieille doctrine classique. […] Nous aimons encore ce livre pour l’évidente sincérité du fond. […] Pour le fond aussi bien que pour la forme, M. de Laprade apparut aux juges compétents comme le phénomène poétique dont on commençait à désespérer. […] On n’entendait jamais que le bruit des chaînes de fer de chevaux dans le fond des taillis. […] Voilà le fond de sa science.

1237. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Au fond, je crois que Flaubert n’était pas aussi malheureux qu’il en avait l’air. […] Sans doute, il ne pouvait, dans le fond de son cœur, les aimer tous deux également. […] Cette bonne Praxo, du fond de son tombeau, ne connaît qu’une seule vie, celle de la terre. […] Appelons du fond du passé, son ombre charmante. […] Au fond, c’est là toute la poétique nouvelle.

1238. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Breton, Jules (1827-1906) »

On ressent, à le feuilleter, une impression complexe, et il y a certaines de ses pièces formant si bien tableau, qu’on s’arrête pour laisser passer l’image ; il faut lire les Glaneuses, les Deux Croix et le poème du Pardon : un long défilé de costumes bretons, de mendiants bariolés, de bannières flottant comme des petites voiles sur cet horizon de mer qui sert de fond à toutes les fêtes bretonnes, apparaît écumant ou calme, uni ou blanchissant, entre les menhirs gigantesques, les vieilles églises romanes, comme la poésie éternelle et l’éternelle menace de la nature.

1239. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

La poésie en est grande et simple tout à la fois ; elle caractérise merveilleusement, selon nous, le génie de l’auteur, qui-appartient au romantisme par le fond et au genre classique par la forme.

1240. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Désaugiers, Marc-Antoine-Madeleine (1772-1827) »

Bernard Jullien Ce qui distingue éminemment les chansons de Désaugiers, et toutes ses productions, c’est la verve, le naturel, la bonne et franche gaîté, la peinture vraie et plaisante des mœurs et des ridicules de tous les états, souvent aussi une fécondité singulière pour tirer une multitude de pensées d’un fond qui ne semblait pas les comporter.

1241. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Ménard, Louis (1822-1901) »

Q’il éveille l’atencion ou qu’il passe inaperçu, au fond de ma retraite, je ne le saurai pas.

1242. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mockel, Albert (1866-1945) »

Jamais, je crois, on n’a vu un livre de début, un livre de jeune, conçu d’une façon aussi nette, aussi logique dans le fond comme dans la forme, poursuivant à travers les stades successifs de l’idée un but, culminant et lumineux, vers lequel toute page s’oriente.

1243. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

Tel était le but de ce petit livre, — et de suggérer peut-être que, si nous percevons directement nos mouvements et notre fondamental rythme, (ce que, par un inconscient appel du futur, nous appelons notre être), l’harmonie demeure au fond de nous cachée et comme sommeillante et n’affirme point sa présence, sinon lorsqu’en face des formes décisivement ordonnées, elle se révèle en se reconnaissant.

1244. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Préface de la première édition du quatrième volume »

Rousseau en particulier, je sens que l’apaisement qui s’est fait en moi n’a guère modifié mes sentiments, et j’ai eu fort peu à changer, quant au fond, au chapitre qui lui est consacré, le plus anciennement écrit de ce volume.

1245. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre premier. Le problème des antinomies » pp. 1-3

. — Mais à côté de la partie qui, dans l’individu, est façonnée par les influences sociales passées ou présentes, il y a un fond physiologique et psychologique qui lui est propre et qui apparaît comme un résidu irréductible aux influences sociales.

1246. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 378-380

On se trouve à la fin de l’Ouvrage, sans avoir été instruit du fond de la question, & sans que les propositions accessoires vous aient dédommagé : ce qui prouve combien la démangeaison de discuter est dangereuse.

1247. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 253-255

Quoique le caractere de Spartacus soit susceptible du même reproche, que le développement de la Piece soit brusque, la versification rude & seche ; quoique la Comédie des Mœurs du temps soit écrite d'un ton plus maniéré que piquant, qu'elle ressemble, pour le fond, l'intrigue & la morale, à l'Ecole des Bourgeois de l'Abbé d'Allainval ; ces deux Pieces sont néanmoins préférables à bien d'autres qui n'ont eu pour elles qu'un moment de séduction, & n'ont plus reparu dès que les ressorts de la cabale qui les faisoit valoir ont été usés.

1248. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

L’impression reçue, elle est au fond du cœur. […] Il dit des absurdités et il dit de jolies choses ; il en dit même de profondes, car il lui arrive en passant, et sans le faire exprès, de toucher à ce qui fait le fond même de la misère humaine. […] Voilà ce qu’il y a au fond, dans cette œuvre désespérée de Leconte de Lisle. […] Les autres font leurs cabrioles, Eux, ils restent au fond des cours. […] Voilà ce qu’il y a au fond de cette poésie symboliste.

1249. (1901) Figures et caractères

Certaines touchent au fond du dissentiment. […] Au fond, une blanche maison, assez grande, qu’une double colonnade relie aux deux bâtisses carrées des communs. […] Il y a une vérité au fond de tout cela. […] C’est cet idéalisme que nous trouvons au fond de l’œuvre de Villiers de l’Isle-Adam comme de celle de Mallarmé. […] La poésie française, au fond, fut descriptive.

1250. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

En Hollande le sol n’est qu’une boue qui fond ; à peine si la terre surnage çà et là par une croûte de limon mince et frêle, alluvion du fleuve que le fleuve semble prêt à noyer. […] L’eau regorgeante dresse les tiges mollasses ; elles foisonnent fragiles et emplies de séve, et cette séve est incessamment renouvelée ; car les nuages grisâtres rampent sur un fond de brouillard immobile, et de loin en loin, le bord du ciel est brouillé par une averse. « Il y a encore des commons, comme aux temps de la conquête, abandonnés14, sauvages, pleins d’ajoncs et d’herbes épineuses, avec un cheval çà et là qui paît dans la solitude. […] Il a « ramé sur la mer, son épée nue serrée dans la main, parmi les vagues sauvages et les tempêtes glacées, pendant que la fureur de l’hiver bouillonnait sur les vagues de l’abîme ; les monstres de la mer, les ennemis bigarrés le tiraient au fond, le tenaient serré dans leur griffe hideuse. […] Ils n’ont qu’à descendre dans leur fond intime ils y trouveront une émotion assez forte pour tendre leur âme jusqu’au niveau du Tout-Puissant. […] Kemble pense que le fond de ce poëme est très-ancien, peut-être contemporain de l’invasion des Angles et des Saxons, mais que la rédaction actuelle est postérieure au septième siècle.

1251. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Tous ces portraits, entourés de cadres à grosses moulures dorées, produisaient un bel effet sur le fond brun de la haute salle. […] tu voudrais m’amener une femme, qui bouleverserait tout de fond en comble ? […] Fritz, jetant par hasard un coup d’œil dans le fond de la gorge où la Lauter serpente au milieu des prairies, vit, à la pointe d’un vieux chêne, un busard qui observait les pigeons tourbillonnant autour de la ferme. […] La rivière, au fond de la vallée, fourmillait de poussière d’or ; et les saules, avec leurs longues feuilles pendantes, les joncs avec leurs flèches aiguës, les osiers et les trembles, papillotant à la brise, se dessinaient en larges hachures noires sur ce fond lumineux. […] Il lui semblait voir Sûzel étendre ces feuilles vertes au fond de la corbeille, puis déposer les cerises dessus, ce qui lui procurait une satisfaction intérieure, et même un attendrissement qu’on ne pourrait croire.

1252. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Quoiqu’au fond je me défie De nos modernes Titus,   Rassurez-vous, ma mie :   Je n’en parlerai plus. […] Ces pages nous font l’effet de ces couronnes de roses, de ces boucles de cheveux blonds noués de faveurs déteintes que l’on trouve quelquefois au fond d’une cassette, dans l’inventaire après décès d’un vieillard, souvenirs des joies de la vie qui jurent avec la gravité du moment. […] Déjà plus d’un sombre nuage S’élève et gronde au fond du nord. […] On remarque avec peine la même aigreur, trop consonante avec l’aigreur croissante du peuple et avec les récits subversifs des rénovateurs de fond en comble de l’édifice social, dans la Chanson philosophique des Fous. […] Les pauvres infirmes s’en allaient consolés ; on entendait leurs bénédictions monter à mesure qu’ils descendaient, du fond de l’escalier : « Ah !

1253. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

La convenance est donc entière entre la forme et le fond. […] La vieille distinction, artificielle, mais commode, de la forme et du fond m’y servira. […] Mais c’est qu’au fond il n’y a qu’un seul sujet de « divine comédie ». […] Mais Spinoza lui-même a bien de la peine à en tirer une loi morale qui oblige… Et puis, au fond, on n’est pas bien sûr de comprendre. […] Du moins dans son fond.

1254. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Mais il ne faut pas oublier qu’il reste une frange d’instinct autour de l’intelligence, et que des lueurs d’intelligence subsistent au fond de l’instinct. […] Grattons la surface, effaçons ce qui nous vient d’une éducation de tous les instants : nous retrouverons au fond de nous, ou peu s’en faut, l’humanité primitive. […] Mais on tirerait aussi bien d’elles, en les appauvrissant, cette force impersonnelle que les primitifs, nous dit-on, mettent au fond des choses. […] Nous sommes restés, au fond, ce qu’ils étaient. […] Ces dieux se surajoutent d’ailleurs aux esprits, mais ne les remplacent pas, Le culte des esprits reste, comme nous le disions, le fond de la religion populaire.

1255. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

La poésie moderne a vidé ses belles coupes d’or, et c’est à peine s’il reste au fond quelques gouttes de la liqueur enivrante. […] Mais au fond, M.  […] Leconte de Lisle, au contraire, ne paraît occupé qu’à les reculer encore, à les placer hors de notre portée, à les enfermer, dans toute leur immobilité sacrée, au fond de quelque antre de Thrace ou de Thessalie. […] Non : s’il y avait dans le fond même de l’enseignement de M.  […] Tout cela, vous le comprenez, n’est que la superficie de Saint-Martin, et, s’il revenait au monde, il se fâcherait de nous voir chercher sa gloire dans quelques traits épars qui n’ont rien de commun avec le fond de sa doctrine ; mais ce fond est-il bien facile à trouver, et appartient-il à un frivole causeur de se poser en docteur de Sorbonne ?

1256. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Et le fond ? […] Décadent, au fond ne voulait rien dire du tout. […] Mais qu’est-ce, au fond, le roman ? […] Anatole France qui fréquente aux écoles d’Alexandrie, au fond un poète-analyste pénétrant et délicat. […] Ils chavirent la langue de fond en comble, sans rime ni raison, et ils prétendent que c’est évocatoire !

1257. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LII » pp. 203-205

Au fond les gens sages du clergé en passeront par ce Rapport et seront trop heureux si les conclusions en sont adoptées.

1258. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Amiel, Henri Frédéric (1821-1881) »

Edmond Scherer Je ne sais à comparer au Journal d’Amiel, comme drame de la pensée, comme méditation à la fois religieuse et inquiète sur les mystères de l’existence, que les monologues de Maine de Biran, de Maurice de Guérin et d’Obermann ; mais Amiel dépasse, à mon avis, tous ces martyrs de la pensée ; il va bien plus au fond de tout ; sa philosophie spéculative est bien autrement vaste, sa psychologie morbide bien autrement curieuse, sa perplexité morale bien autrement pathétique.

1259. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blanchecotte, Augustine-Malvina (1830-1897) »

C’est la même imagination confiante, le même élan continu vers la sympathie du lecteur… Mme Blanchecotte est encore, parmi nos modernes, un de ceux qui ont le plus gardé des traditions de poésie subjective ; mais les Militantes marquent un grand progrès, et, de cette personnalité un peu mélancolique, trop attachée, selon nous, à la lettre de sa souffrance, l’auteur commence à se dégager vers les régions supérieures où l’âme de chacun se fond et se disperse dans la vie de tous.

1260. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Manuel, Eugène (1823-1901) »

Manuel : l’un vient du fond d’une vie sincère, souvent troublée, mais plus forte que ses troubles, et d’une âme virilement attachée au devoir, défendue, par lui, contre les lâches défaillances ; l’autre vient, non plus de ces profondeurs émues de l’existence humaine, mais des hauteurs de la pensée pure, de ces sommets sacrés où l’esprit se sent plus voisin de l’infini.

1261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pichat, Laurent = Laurent-Pichat, Léon (1823-1886) »

Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place, — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de la Chanson des gueux , Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore… Quoique l’auteur des Réveils n’en ait, que je sache, jamais recommencé d’aussi beaux, il y en a pourtant d’autres qu’on lit après ceux-là et qui dénotent une puissance de variété singulière dans l’inspiration et dans l’originalité… C’est dans de tels vers et par de tels vers que Laurent Pichat, l’athée et le démocrate, reconquiert son blason de poète.

1262. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pommier, Amédée (1804-1877) »

Or, c’est cette puissance du rire qui fait, du poète lyrico-satirique qu’est au fond M. 

1263. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VI. L’antinomie religieuse » pp. 131-133

Le moderne individualiste religieux, quand il fait appel à son expérience religieuse personnelle, n’est pas sans admettre au fond que cette expérience personnelle doit être aussi valable pour les autres hommes et il croit aux résultats heureux de sa religion non seulement pour lui, mais pour les autres.

1264. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Léon Dequillebec » pp. 165-167

Un propriétaire indifférent lui laissait occuper, au fond de Vaugirard, une vieille demeure menaçant ruine et sur le point d’être démolie.

1265. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Cependant, en considérant la position de Molière, et le plaisir que le roi prenait à diriger son talent, on se persuaderait sans peine qu’en approchant l’oreille des rideaux du roi, on sur prendrait quelques paroles dites à demi-voix, pour désigner à Molière ce caractère qui, bien que respecté au fond du cœur, avait quelque chose d’importun pour les maîtresses et pour les femmes qui aspiraient à le devenir.

1266. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 2-5

Et pour cela, il faut en revenir à la nature du cœur humain : la gaieté le captive, la malignité a toujours su lui plaire, & la licence n’est pas toujours propre à le révolter, parce qu’elle flatte en quelque maniere un fond de corruption qui en est inséparable.

1267. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Préface (1859) »

Ceux qui s’y pencheront retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste, qui s’est lentement amassée là, au fond d’une âme.

1268. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Le christianisme rehausse nécessairement l’éclat des peintures historiques, en détachant, pour ainsi dire, les personnages de la toile, et faisant trancher les couleurs vives des passions sur un fond calme et doux.

1269. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

Les philosophes qui se désolent sont enfoncés et comme perdus dans un fond obscur et noir.

1270. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Aussi les objets sont-ils ici tous détachés les uns des autres ; ce sont des groupes isolés, des masses de couleurs tranchantes, sur un fond très éclairé.

1271. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Montrez-le-moi, ce mortel privilégié : son imagination a tenu toutes ses promesses ; l’amour l’a conduit par la main ; heureux époux, père plus heureux encore, il n’a acheté par aucun tourment le charme des affections du cœur ; il a connu les agréments de la société sans ignorer les plaisirs de la solitude ; il n’a rencontré sur sa route que des hommes bons et généreux, et lui-même n’a jamais vu au fond de son âme que des pensées douces et calmes qu’il s’est plu à entretenir ; il a joui de ses souvenirs comme il avait joui de ses espérances ; il a trouvé dans le passé le gage de l’avenir : montrez-le-moi ! […] Damiron, comme au fond sa pensée, nourrie d’histoire et de psychologie, exercée à de fortes études, n’en est plus à la simple foi, mais à la conception systématique, il faut, pour qu’il puisse l’accommoder aux formes de la poésie, qu’il la ramène par artifice à une inspiration qui n’est point naïve…. […] C’est encore une chose excessivement curieuse que l’illusion que vous a faite cet esprit que je nommais tout à l’heure, au point de vous faire prendre l’agonie pour une phase de la santé ; car c’est ce que signifie au fond votre théorie de l’émancipation de la pensée, etc. […] En un mot, l’Orphée n’est pas un poëme qui, avec plus de profondeur, offre l’unité et l’harmonie du ton, comme le Télémaque ou l’Antigone ; l’invraisemblance n’y est pas généralement étendue et adoucie de manière à se faire peu sentir : mais l’anachronisme entre la forme et le fond éclate et crie en maint endroit, le poëte ayant désespéré de jamais rapprocher assez à son gré cette forme du fond.

1272. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Le trait brûlait tout au fond dans le sein de la jeune fille, pareil à une flamme ; elle ne cessait de fixer sur le fils d’Éson des yeux étincelants, et son cœur à coups pressés haletait de fatigue hors de sa poitrine ; il ne lui restait plus aucun autre souvenir, et son âme se distillait dans une douce amertume. […] C’est alors que le roi, dissimulant un peu sa colère et imaginant un détour dont il se croit assuré, lui propose de lui céder la toison d’or à condition de l’épreuve suivante : Dans un champ consacré à Mars, il a deux taureaux aux pieds d’airain, et dont les naseaux vomissent la flamme ; si Jason parvient à les dompter, à les soumettre au joug, puis à labourer le champ de Mars, et, l’ayant ensemencé des dents d’un dragon, à moissonner la terrible moisson de géants armés qui en doivent naître, il aura la toison divine, mais pas autrement. — Jason, effrayé au fond, hésite ; il finit par s’engager pourtant, faute de pouvoir reculer, et sans savoir comment il sortira d’une telle lutte. […] « Comme lorsqu’une jeune mariée pleure dans la chambre nuptiale le florissant époux auquel l’ont unie ses frères et ses parents, et elle évite de se mêler en rien à la foule de ses suivantes, par pudeur et par prudence ; mais elle reste assise au fond de sa chambre, silencieuse ; car un destin cruel vient de le lui ravir avant qu’ils aient pu jouir l’un de l’autre dans leur mutuelle tendresse ; et elle, bien que brûlée de douleur au dedans, en contemplant ce lit veuf, elle étouffe les pleurs en silence, de peur que les femmes ne lui brisent le cœur par quelque raillerie. […] La parole tantôt lui montait au bout de la langue, et tantôt se renvolait au fond de sa poitrine. […] Elle en avait les yeux tout ravis113 ; elle en fondait de chaleur au dedans, comme autour des roses la rosée s’échauffe et fond aux feux de l’Aurore.

1273. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Ce peu d’illusion qu’on remarque en elle, cette raison mélancolique qui fait le fond de sa vie, a passé un peu dans l’idéal de son roman même, et aussi, ce me semble, dans tous ces autres romans en quelque sorte émanés d’elle et qui sont sa postérité, dans Eugène de Rothelin, Mademoiselle de Clermont, Édouard. […] A côté de l’âme aimante qui déjà s’abandonne, il y a aussitôt quelque chose qui avertit et qui retient : M. de La Rochefoucauld au fond est toujours là. […] Cette jalousie d’Alphonse, qui parut si invraisemblable aux contemporains, et que Segrait nous dit avoir été dépeinte sur le vrai, et en diminuant plutôt qu’en augmentant, est poursuivie avec dextérité et clarté dans les dernières nuances de son déréglement et comme au fond de son labyrinthe. […] On sent qu’on a vécu jusque-là dans l’illusion et le mensonge ; qu’on s’est nourri de viandes en peinture ; qu’on n’a pris de la vertu que l’ajustement et la parure, et qu’on en a négligé le fond, parce que ce fond est de rapporter tout à Dieu et au salut, et de se mépriser soi-même en tout sens, non par une vanité plus sage et par un orgueil plus éclairé et de meilleur goût, mais par le sentiment de son injustice et de sa misère. » Le reste de la lettre est également admirable, et de ce ton approprié et pressant. — Ainsi, vous qui avez rêvé, cessez vos rêves !

1274. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Elle avait disparu un moment dans une grande tempête de l’esprit humain ; mais, la tempête passée, le besoin de croire revenu, elle s’était retrouvée au fond des âmes, comme la croyance naturelle et indispensable de la France et de l’Europe. […] C’est en creusant qu’on trouve l’intérêt au fond de l’histoire : celui qui voit tout s’intéresse à tout. […] C’est ce qu’il faisait à Paris, en affectant l’estime pour un génie de parole dont il méprisait au fond les doctrines. […] Au fond, personne ne se trompait sur sa valeur : on savait bien que c’était un esprit médiocre, incapable de grandes combinaisons et entièrement dépourvu de génie politique ; mais on s’appuyait sur ses qualités réelles de général sage, prudent et vigoureux, pour en faire un capitaine supérieur et capable de tenir tête au vainqueur de l’Italie et de l’Égypte. […] Thiers a cent pages ; mais de ces cent pages résulte dans l’âme le mot de Tacite : le mépris délayé à grande eau se retrouve au fond du vase et la moralité n’a rien perdu.

1275. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

La philosophie est la pensée du cœur humain, dont la littérature n’est que la parole ; la pensée est le fond de l’homme, la littérature n’est que la forme. […] IX Un troisième défaut plus grave des Dialogues, défaut qui touche au fond même de l’enseignement de la vérité aux hommes, c’est le procédé d’argumentation employé par Socrate dans Platon, pour enseigner ses disciples. […] Ces ancêtres, selon nous, qui avons profondément scruté l’Orient religieux, philosophique et poétique, se retrouvent d’abord au fond de l’Inde primitive, puis au fond des dogmes, encore indiens, de l’Égypte. […] Cette théorie était, au fond, celle de tous les sages des religions antiques ; ce qu’on a appelé polythéisme n’était, dans ces religions, que symbolisme.

1276. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Par la petite grille, destinée à reconnaître les amis au temps des guerres civiles, les curieux pouvaient apercevoir, au fond d’une voûte obscure et verdâtre, quelques marches dégradées par lesquelles on montait dans un jardin que bornaient pittoresquement des murs épais, humides, pleins de suintements et de touffes d’arbustes malingres. […] La servante couchait au fond de ce couloir, dans un bouge éclairé par un jour de souffrance. […] Enfin les huit marches qui régnaient au fond de la cour et menaient à la porte du jardin étaient disjointes et ensevelies sous de hautes plantes comme le tombeau d’un chevalier enterré par sa veuve au temps des croisades. […] ” « Le bonhomme sauta sur le nécessaire comme un tigre fond sur un enfant endormi. […] Si Charles fût arrivé du fond des Indes, il eût donc retrouvé les mêmes personnages et les mêmes intérêts.

1277. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Voici comment il analyse cet instinct d’observation solitaire, ce dévouement à une innocente étude, cette abnégation de tous les soins matériels, cette force intellectuelle d’un homme qui, sans maître, fait toute son éducation d’histoire naturelle au fond des bois, et complète seul une branche de la science, branche importante que l’on désespérait de compléter jamais. […] Une tache ovale et livide se dessina sur le fond ténébreux du ciel. […] Du moment que les poissons se sentent retenus dans la partie inférieure qui pose au fond, leur frétillement avertit le pêcheur qui n’a pas alors grand mal à s’en emparer. […] Quand vient le moment du frai, cette préférence est encore plus marquée ; on la voit alors passer et repasser sur les endroits où l’eau est basse, cherchant le gravier le plus fin ; un instant elle se balance, puis se laisse aller lentement jusqu’au fond, où, à l’aide de ses nageoires, elle creuse dans le sable une sorte de nid de forme circulaire, et qui peut avoir une étendue de huit à dix pouces. […] Je m’approchai tout près de la rive sans faire de bruit, mis à mon hameçon un ver de terre dont la plus grande partie était laissée libre pour qu’il pût se tortiller tout à son aise, et jetai ma ligne dans l’eau, de façon qu’en passant par-dessus le bord, l’appât vînt se placer au fond.

1278. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Excepté dans quelques industries purement mécaniques, qui changent le mode d’une civilisation sans en changer le fond, où sont donc ces symptômes si frappants de la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine ? […] » Elle monte par la pensée au fond des firmaments qui n’ont point de fond ; et elle dit : « Il est là » ; elle descend aux bornes de l’éther inférieur qui n’a point de borne, et elle dit : « Il est là » ; elle s’étend aux extrémités de l’espace qui n’a point d’extrémité, et elle dit : « Il est encore là, il ne finit jamais, il commence toujours, et il est tout entier partout où il est. » Elle dit : « Il n’y a ni grandeur ni petitesse devant lui ; les choses ne se mesurent qu’à la gloire qu’elles ont d’émaner de lui. […] XXVI « Cette extase, disais-je, est comparable à celle que nous avons éprouvée quelquefois nous-même, en tombant par hasard sur une de ces pages mutilées des livres sacrés de l’Inde, où la pensée de l’homme s’élève si haut, parle si divinement, que cette pensée semble se confondre dans une sorte d’éther intellectuel avec le rayonnement et avec la parole même de Dieu, de ce Dieu qu’elle cherche, qu’elle atteint, qu’elle entrevoit enfin au fond de la nature et du ciel, en jetant un cri de voluptueuse joie et de délicieuse possession du souverain Être. […] Je ne pleurai pas, parce que j’ai les larmes rares à l’enthousiasme comme à la douleur, mais je remerciai Dieu à haute voix, en me relevant, d’appartenir à une race de créatures capables de concevoir de si claires notions de sa divinité, et de les exprimer dans une si divine expression. » Si le poète inconnu qui avait écrit ces lignes quelques milliers d’années avant ma naissance, assistait, comme je n’en doute pas, du fond de sa béatitude glorieuse, à cette lecture et à cette impression de sa parole écrite, prolongée de si loin et de si haut à travers les âges, que ne devait-il pas penser en voyant ce jeune homme ignorant et inconnu dans une tourelle en ruine, au milieu des forêts de la Gaule, s’éveillant, s’agenouillant, et s’enivrant, à quatre mille ans de distance, de ce Verbe éternel et répercuté qui vit autant que l’âme, et qui d’un mot soulève les autres âmes de la terre au ciel !

1279. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

VII Mais vous approchez des Alpes ; les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament, profond comme une mer ; l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’océan de l’espace infini ; les grandes ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins ; des chaumières, isolées et suspendues à des promontoires comme des nids d’aigles, fument du foyer de famille du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, les barques sont chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où la femme et les enfants du pêcheur l’attendent au seuil de sa maison ; ses filets y sèchent sur la grève ; un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés, interrompent par moments le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les feux brillent çà et là à travers les vitraux des chaumières ; on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames ; le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce bassin de montagnes ; l’âme quitte la terre, elle se sent à la hauteur et à la proportion de l’infini ; elle ose s’approcher de son Créateur, presque visible dans cette transparence du firmament nocturne ; elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas, et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle : elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit ; elle croit parce qu’elle voit ; elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther ; elle participe à la divinité du spectacle. […] Nous trouverions partout que c’est l’émotion qui est la mesure de la poésie dans l’homme ; que l’amour est plus poétique que l’indifférence ; que la douleur est plus poétique que le bonheur ; que la piété est plus poétique que l’athéisme ; que la vérité est plus poétique que le mensonge ; et qu’enfin la vertu, soit que vous la considériez dans l’homme public qui se dévoue à sa patrie, soit que vous la considériez dans l’homme privé qui se dévoue à sa famille, soit que vous la considériez dans l’humble femme qui se fait servante des hospices du pauvre et qui se dévoue à Dieu dans l’être souffrant, vous trouveriez partout, disons-nous, que la vertu est plus poétique que l’égoïsme ou le vice, parce que la vertu est au fond la plus forte comme la plus divine des émotions. […] Un poète épique n’est au fond qu’un historien qui chante, au lieu d’écrire. […] Dépouillé, proscrit par sa propre démence, réduit à un seul manteau pour tout bien, Nala s’enfuit au fond des forêts.

1280. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Le résultat le plus certain de toutes les observations qui déjà ont été faites, c’est que l’homme du Midi, tout en étant au fond le même que l’homme du Nord, est cependant plus expansif, et que l’homme du Nord, au contraire, par l’effet même des impressions que les circonstances extérieures produisent sur lui, est plus facilement reporté vers lui-même et vit d’une vie plus intime.  […] Une ville d’Italie finit par dicter les croyances, les mœurs et les moindres pratiques qui devaient s’observer au fond de la Thuringe. […] C’est là le fond même de la proposition en question. […] La philosophie de Kant a donc ruiné de fond en comble et la psychologie et la logique du sensualisme. […] Socrate aussi, deux mille ans avant Kant et Descartes, rapportait tout à sa méthode qui, au fond, était la même que celle du philosophe français et du philosophe allemand.

1281. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Sa phrase ondoyante se fond en douceurs câlines ou s’amortit en plaintes sourdes. […] Le fond de cette œuvre était un peu grêle. […] À première vue, c’est un abîme vertigineux, sans couleur et sans fond. […] Parfois, une voix venait, caverneuse, du fond du salon, et disait : « Cathédrale !!!  […] Les poètes ne sont pas méchants et, au fond, ils sont fort habiles.

1282. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Champfleury demeure à Montmartre, tout au fond d’une « cité ». […] Gautier — Au théâtre également : il empêche de voir les toiles de fond. […] Dans Salammbô, comme l’homme pourrait « empêcher de voir les toiles de fond », on l’a rejeté derrière le décor. […] Au fond, cela ne prête pas à rire. […] … Lequel, au fond, est le plus douloureux ?

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