Dans l’immense forêt des astres, dit l’astronome Janssen, on rencontre le gland qui se lève, l’arbre adulte, ou la trace noire que laisse le vieux chêne. Les étoiles ont leur âge ; les blanches et les bleues, comme Sirius, sont jeunes, en plein éclat et en pleine fusion ; les rougeâtres, Arcturus ou Antarès, sont vieilles, en train de s’éteindre, comme une forge qui du blanc passe au rouge. […] L’homme, en qui Dieu travaille, Change éternellement de formes et de taille : Géant de l’avenir à grandir destiné, Il use en vieillissant ses vieux vêtements, comme Des membres élargis font éclater sur l’homme Les langes où l’enfant est né. […] L’oubli, ce vieux remède à l’humaine misère, Semble avec la rosée être tombé des cieux.
Renan, on a pu se demander s’il en avait assez de son métier d’iconoclaste et s’il était enfin lassé de gratter les Saints dans les vieux tableaux ? […] Et vous venez de voir ce qu’elles sont sous cette plume d’un homme qui ne raisonne pas et qui n’enchaîne rien ; qui, pour autoriser ou défendre un athéisme vieux comme le monde, n’apporte pas une seule idée qui lui appartienne, un seul aperçu nouveau à la masse, et dont toute la puissance ou l’impuissance consiste à remplacer les mots par les mots, les mots anciens par les mots modernes, les mots de Diderot, par exemple, par les mots de Darwin, croyant que tout cela fait une idée, cette opération… Tête verbale, pour qui les mots scientifiques sont bien plus que la science elle-même, M. […] Comme tous les esprits énervés par de vieilles civilisations, et qui, au lieu d’agir, aiment à se regarder passionnément l’ombilic, Marc-Aurèle, chez qui le philosophe étouffait l’empereur, facile du reste à étouffer, avait son petit livre bleu comme les jeunes filles de ce temps-ci, qui y écrivent ce qui leur passe par la tête, et c’est là ce qui a ravi M. […] que ce n’est point dans un pareil moment que je voudrais me rembarquer dans l’examen de ce vieux principe de critique, déjà jugé, qui consistait hier, sous la plume de M.
Dès que nos intérêts économiques, politiques ou autres sont enjeu, il nous est difficile de céder à un raisonnement qui porte précisément sur ce cas particulier de nos intérêts ; la vision d’une loi très générale, aussi vieille que l’humanité et inhérente à la nature humaine, serait d’une éloquence bien plus persuasive pour les bons esprits, et donnerait à la masse elle-même cette foi en ses destinées qui lui manque depuis longtemps, et qui seule est créatrice des grandes œuvres. […] Les savants qui dédaignent le « pourquoi » me paraissent s’enfermer dans une bibliothèque, dans un musée, en renonçant au jardin lumineux et fleuri de roses ; auraient-ils peur d’y rencontrer ce vieux jardinier dont ils nient l’existence ? […] On regrette parfois la bonne vieille psychologie qui croyait aux « tempéraments », qui expliquait l’homme par ses actes et par sa volonté plus que par ses ancêtres plus ou moins authentiques et que par des influences plus ou moins problématiques. […] Elle me fut suggérée, il y a une vingtaine d’années, par une chère vieille parente, qui, par trop confiante en ma philosophie, me demanda un jour : « Comment expliques-tu l’infidélité des hommes ?
Comme il était arrivé jadis aux Romains, dans leurs premiers combats de mer contre Carthage, les galères des deux partis se heurtant et s’accrochant avec des crampons de fer, le combat était devenu souvent un duel de pied ferme et corps à corps, où les vieilles bandes d’Espagne, les Italiens et les Grecs vainquirent, après cinq heures de mêlée. […] Il écrivit avec éloquence des Méditations pieuses ; et ses poésies, imitées des anciens ou originales, furent admirées, sans être aussi populaires que les vieilles romances du pays et les chants irréguliers du théâtre. […] quelques strophes semblent surchargées ou faibles, malgré de grandes beautés ; la rouille du siècle se mêle encore au rayon naissant de la poésie ; et comme si, par une rencontre bien rare, le mouvement commun de la langue et des esprits, l’élan donné, à partir de Henri IV, au génie français, apportait plus à l’âme du poëte que le froid des années ne pouvait lui ôter, c’est vingt ans plus tard, et déjà tout vieux et tout chenu, que Malherbe enfantera, pour l’honneur de Louis XIII et de Richelieu, la belle ode. […] Pour exprimer, en effet, l’orgueil et l’art du poëte antique, pour trouver dans nos langues modernes un écho de l’harmonie des Hellènes, je ne sais si notre poésie peut donner rien de préférable à ces vers du vieux Malherbe : Apollon, à portes ouvertes, Laisse indifféremment cueillir Ces belles feuilles toujours vertes Qui gardent les noms de vieillir : Mais l’art d’en faire des couronnes N’est pas su de toutes personnes ; Et trois ou quatre seulement, Au nombre desquels on me range, Peuvent donner une louange Qui demeure éternellement.
Il faut laisser la notion traditionnelle de l’instinct dans les vieux répertoires de théologie et de spiritualisme. […] Il faut laisser mourir les vieilles religions et redouter qu’il en naisse de nouvelles. […] Cette dame, à vrai dire, vieille, fatiguée, mais toujours coquette, changea bien des fois de mode et de parures. […] À nous autres vieux enfants gâtés par l’art, il nous faut encore autre chose : nous avons le goût de la perfection. […] Il eût voulu que l’on reprît Tristan ou Lancelot pour essayer de donner une beauté neuve à ces vieilles légendes.
On a lieu de penser que s’il eût commencé plutôt, il auroit pu donner à son style plus de correction, plus de noblesse, plus de chaleur, & se guérir sur-tout d’une diffusion assommante, défaut ordinaire aux vieux Ecrivains, & sur-tout à ceux qui n’ont pas travaillé de bonne heure à s’en garantir.
Il y a de ces organisations élancées et gracieuses qui ressemblent à un peuplier : on a dit de cet arbre qu’il a toujours l’air jeune, même quand il est vieux. Dans des vers charmants que les lecteurs de cette Revue n’ont certes pas oubliés, Alfred de Musset, répondant à des vers non moins aimables du vieux maître190, lui disait, à propos de cette fraîcheur et presque de cette renaissance du talent : Si jamais ta tête qui penche Devient blanche, Ce sera comme l’amandier, Cher Nodier.
Il n’est plus permis de dire, en réponse aux exemples empruntés des États-Unis, que ces exemples ne prouvent rien, appliqués à de vieux peuples civilisés, et venant d’un peuple véritablement enfant et encore à l’état élémentaire. […] Faut-il donc, pensais-je en lisant, quitter la patrie, pour que de tels résultats s’accomplissent, et n’y aura-t-il jamais, au sein du vieux monde, un moment où tous les vaincus, les blessés, les puritains des diverses opinions donneront l’exemple d’une union sur un terrain commun incontesté, et offriront un concours de bon sens vers une liberté pacifique et solide ?
Voltaire476, en conséquence, reprenait les sujets où l’amour se montre en son plus brutal excès ; il traitait le vieux sujet traditionnel de Mariamne ; il empruntait aux Anglais leur Othello qu’il habillait en Orosmane. […] Il est vrai que plus tard, lorsqu’il vit le public s’intéresser à ce Shakespeare que lui-même avait révélé, le vieux classique qui était en lui se révolta.
Or, quand la vieille bonne lui présente sa petite fille en lui disant : « Embrassez-la, Monsieur ! […] Il se dit : « Vivre pour les autres, oui, c’est là le but de la vie. » Il nous raconte alors l’histoire d’une vieille demoiselle qu’il a connue dans son enfance, qui a passé ses jours à se dévouer, et qui, seule, paralytique, presque pauvre, sans une joie extérieure, a vécu sereine à force de résignation, de douceur et de charité.
L’auteur a exhumé du tiroir où elles moisissaient toutes ces fleurs fanées de la vieille poétique des bohèmes de 1840. […] C’est la mélancolique aventure d’un vieux garçon, qui croit son cœur usé et flétri, lorsqu’il rencontre, une fillette qui lui donne des émotions sur lesquelles il ne comptait plus guère.
Ce personnage était le beau-père de Kaïapha, Hanan ou Annas 1021 fils de Seth, vieux grand-prêtre déposé, qui, au milieu de cette instabilité du pontificat, conserva au fond toute l’autorité. […] On comprend, en effet, que sous ce régime de pontificat annuel et transmis à tour de rôle selon le caprice des procurateurs, un vieux pontife, ayant gardé le secret des traditions, vu se succéder beaucoup de fortunes plus jeunes que la sienne, et conservé assez de crédit pour faire déléguer le pouvoir à des personnes qui, selon la famille, lui étaient subordonnées, devait être un très important personnage.
Argos, déchue de sa vieille gloire homérique, végétait sur le tombeau d’Agamemnon, comme un laurier mort. […] La « dame » — Dam, comme l’appelait la vieille langue aryenne, — maîtresse de la maison, reine du foyer, s’était révélée et montrée à lui.
Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante. […] Cette identification de « l’analyse » et de la mise à mort du réel, topos au moins aussi vieux que le Faust de Goethe, trouve une nouvelle expression à l’époque de la « décadence », décrite par exemple selon Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine comme un abus de « l’esprit d’analyse », inséparable de toutes ces « maladies de la volonté » (Ribot) caractérisées par le primat de « l’intelligence » sur « l’instinct ».
Ce fameux journal des rhéteurs reconnut immédiatement en Prévost-Paradol un soliste capable d’exécuter beaucoup de morceaux qui, depuis longtemps, ne pouvaient plus sortir des vieux gosiers fatigués de ses instrumentistes ordinaires… Saint-Marc Girardin ressemblait à un cachalot qui expire. […] Mais Prévost-Paradol, ce professeur trop parfumé des souvenirs de l’Antiquité (comme ils disent entre eux) pour n’en pas exhaler à chaque instant de rudes bouffées, Prévost-Paradol, qui, dans un autre endroit de ces Essais de littérature et de politique, compare Lamennais, le vieux Lamennais que nous avons tous connu, à Psyché, fait donner à certains moments à la rhétorique tout ce que la malheureuse peut donner.
Il se fût demandé ce qu’était l’Europe au moment où Louis XIV risqua ce coup d’État qui l’a frappé lui-même devant une trop sévère et trop légère postérité, et si cet esprit, qui avait la vue et qui avait la position pour bien voir, ne discernait pas très bien ce qui allait éclater entre la vieille France catholique et l’Europe protestante soulevée par la Hollande et par l’Angleterre, et soulevée à propos de toutes les questions ! […] Enfin, il aurait peut-être prouvé ce que nous disions tout à l’heure sur les formes diverses qu’a revêtues souvent en France une politique unitaire : c’est que, bon pour pacifier le pays, l’Édit de Nantes, qui avait rapproché deux partis sans les fondre, présentait des inconvénients et des dangers alors que, défatigués des événements qui avaient longtemps pesé sur eux, ils se retrouvaient avec leurs vieilles haines augmentées de prétentions nouvelles… Si, après un tel examen, l’écrivain qui l’aurait tenté eût condamné comme une faute radicale, une faute politique et à tout point de vue, la révocation de l’Édit de Nantes, personne, du moins parmi ceux qui ont le sentiment de la dignité de l’Histoire, ne l’eût accusé de superficialité ou de mauvaise foi.
Ce livre est moins, malgré son titre, le comte de Fersen et la Cour de France 27, que l’Europe et la vieille société européenne, mourant de ce xviiie siècle qui l’avait corrompue. […] Il était, comme le portrait de ce livre l’atteste, jeune et beau, — d’une beauté presque féminine, et quoiqu’il soit mort vieux, avec des cheveux blancs, souillés et ensanglantés comme ceux de Priam, l’Imagination s’obstine à ne voir sa tête que jeune et charmante, telle qu’elle était du temps de cette Reine à laquelle il s’était dévoué, et comme si un dévouement pareil au sien ne pouvait appartenir qu’à l’enthousiasme de la jeunesse !
Madame de Maintenon, « cette vieille fée », comme dit Saint-Simon, « cette intrigante », comme l’ont écrit tant de plumes d’oie avec une insultante superficialité, madame de Maintenon est, en réalité, l’une des femmes les plus incontestablement supérieures de son temps et de tous les temps. […] Si, pour les hommes véritablement ambitieux, le père Joseph du Tremblay est plus beau dans sa bure de capucin que le cardinal de Richelieu dans ses flots de pourpre, si la puissance sans titre, l’influence sans nom, mais effectives, sont plus que le costume, l’éclat et l’attitude du commandement, de quel sentiment ne devons-nous pas être pénétrés pour cette admirable vieille femme que Louis XIV appelait Sa Solidité et consultait en plein conseil de ministres, et qui, majestueuse et discrète, « toujours vêtue d’étamine noire ou feuille-morte », resta toute sa vie une humble chrétienne, avec des manières de femme du monde à tout relever !
La vieille drôlesse est bien forte encore, malgré les dix-neuf cents ans de Christianisme qu’elle a sur la gorge et dont elle aurait dû mourir. […] Dorat et le marquis de Bièvre sont les contemporains de Jean-Jacques. » (Mais où est le Molière qui a suivi les Voiture de la décadence de l’antiquité, quel est le Jean-Jacques, qui d’ailleurs n’était qu’un rhéteur aussi, qui ait été le contemporain des Dorat et des de Bièvre de cette vieille société païenne ?)
L’imitation n’est point et ne saurait être le premier des livres humains, car il n’est pas humain de confondre la cité domestique et la cité monastique, comme le faisait le vieux Tyrcis, qui ne comprenait pas plus l’une que l’autre, et comme le feraient tous ceux, qui ne verraient pas que l’Imitation est une œuvre exclusivement monacale. […] Pour les âmes circoncises qui habitent la thébaïde des monastères, ce qui est dit dans l’Imitation de l’amour et des autres passions humaines peut sembler des découvertes terribles et le cœur humain montré jusque dans ses fondements, mais qui a passé par les vieilles civilisations, qui a lu les moralistes modernes n’est ni révolté ni surpris de cette balbutie.
C’est toujours la même toile de fond, le Moyen Âge usé de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas, la même vieille tapisserie historique, les mêmes bonshommes de cartes à jouer ! Ce qui serait nouveau, par exemple, si on n’avait pas publié déjà des chansons de Charles de Rémusat, c’est le chansonnier de ce drame, qui, tout à coup, y pousse, au milieu de tout ce bavardage pédantesque qui devrait l’empêcher d’y pousser ; c’est le vaudeville inattendu dans ce livre grave, le vaudeville même grivois et vieux mauvais sujet !
Cette rage, vieille comme le monde et éternelle comme lui, et qui n’est, en fin de compte, que la révolte délirante de l’orgueil, sait se masquer avec la figure de chaque époque ; mais une pareille mascarade ne change pas le fond des choses, et le fond des choses, c’est le travail destructeur, latent ou visible, mais implacable, de la philosophie. […] Elle se sait de ce vieux xixe siècle, profondément et presque exclusivement historique, comme tous les vieillards, qui n’ont plus d’autre fonction dans le monde que de raconter le passé, et c’est la science historique, la science même du siècle, qu’elle vient dresser, dans la plus monstrueuse de ses négations, contre la divinité de Notre-Seigneur.
Ses colères de porcher, s’il en eut, lui, il les boucla et les ardillonna sous son froc de capucin, et il sut jouer cette comédie de la vieillesse, que Capdepont n’aurait pas jouée, qui faisait dire au cardinal San Severino, plus jeune que lui de quelques années, car il ne faut que quelques années de moins sur la tête pour qu’un sot se fasse méprisant : « Ne nous opposons pas à ce pauvre vieux, parce que nous serons les maîtres ! » Or, on sait comme il fut vieux et comme ils furent les maîtres !
Il a, dans un temps où il n’y en a plus, du vieux sang romantique (sangre azul)> dans les veines, et il le fait souvent couler largement dans ses œuvres. […] Il a bénéficié des quarante ans passés sur ces vieilles œuvres mortes de la jeunesse de Victor Hugo, qu’il a ressuscitée dans une œuvre du même genre, mais à laquelle il a communiqué la vie du moment (notre vie !)
Je ne discuterai pas la question, pour ne pas être impertinent envers mon époque et ses lumières… On vivait alors sur les vieux reliefs de la société féodale, et il ne faut pas trop prendre au sérieux les valets de la comédie. La comédie, qui repose bien plus sur des conventions qu’on ne le croit, ne dit pas un mot de vrai avec ses valets et ses soubrettes, vieux types usés et recrépis par le génie de Molière, que les faiseurs de pièces de cette époque se sont passés de la main à la main.
« La Réforme, étouffée encore une fois, eût laissé le vieux système pourrir sa pourriture paisiblement. […] Ces fils aînés de la nature, confidents des vieux âges de transformation, parurent aux premiers qui les virent d’étranges hiéroglyphes. […] Le vieux père Océan, sournois, colère, souvent, sous sa face pâle, semble rouler bien des pensées. […] Dans le vieux poète grec, les héros développent de longs récits sur le champ de bataille avant de se donner des coups de lance. […] On connaissait une vieille, ridée, habitante des bibliothèques, les yeux attachés sur des in-folio jaunis.
Les courtisans firent aussitôt volte-face, et le vieux disciple de l’école marotique se vit abandonné à sa honte. […] En dehors du dépit de se voir éclipser par un nouveau venu, le vieux Mellin avait assez de goût, de politesse et d’esprit pour être réellement choqué de toutes ces innovations, encore rustiques. […] Les vieux palais, les monuments superbes ne luttent plus qu’avec peine contre le Temps qui consume tout et, finalement, jette à terre œuvres et noms. […] Enfin, depuis le Romantisme, ces vieux poètes Louis XIII, fournissent encore des quiproquos, pour ainsi dire. […] En compagnie du maréchal de Belle-Isle, il montait sur une vieille crédence.
Pourquoi ne continuerions-nous pas à céder aux vieux rythmes de la nature ? […] Mais il y a longtemps, il est vieux, et on songe à le faire redescendre sur terre. […] Ainsi, selon la vieille plaisanterie moliéresque, l’opium fait dormir parce qu’il y a en lui une vertu dormitive. […] En dehors de quelques commandements naturels, d’essence biologique, et nécessaires à la substruction de toute société, la vieille morale est désuète comme le vieux catéchisme dont elle est la sœur cadette. […] Deltour, de vieux professeurs ratatinés se frapper le cœur, lever les yeux au ciel et dire : « Oh !
De là ce qu’elle appela plus tard ses instincts égalitaires et démocratiques, qui ne furent que l’explosion de vieilles rancunes et de souffrances intimes, qui dataient de loin. […] Antoine, gentilhomme déchu ; Jean, le paysan philosophe ; Janille, la servante ; Émile, Cardonnet, le jeune sage ; M. de Boisguilbault, le vieux fou. […] C’était une bien vieille histoire que celle qui s’était passée vers 1833 et 1834 à Paris et à Venise. […] » s’écrie-t-elle sans cesse, et elle ajoute : « Je parle comme si je devais vivre longtemps, et j’oublie que je suis très vieille. […] Le vent joue de ma vieille harpe comme il lui plaît.
Votre Abraham est un vieux paillard qui a le souris indécent, le nez recourbé, la physionomie grimacière et rechignée d’un faune ; il ne lui manque que les oreilles pointues et les petites cornes.
Ulric, nul œil des mers n’a mesuré l’abîme, Ni les héros plongeurs, ni les vieux matelots ; Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un soldat vaincu brise ses javelots.
Je voudrais citer quelques-unes des pièces de cet artiste étrange : Paysage lorrain, Automne, Vieux coin, Novembre, la Grosse Femme ; faute de place, je me borne à transcrire ce très rajeunissant et très bizarre triolet qui ferme le livre : Salamalec de gai sonneur Onc ne sera sonnet d’alarme !
Au pied de ces vieux arbres, petits objets, fleurettes de parterre qui papillotent.
C’est qu’il est déjà fort ancien, vieux d’une quarantaine d’années. […] Mais quand Descaves écrit son Philémon vieux de la vieille, si émouvant de conviction et de simplicité, quand il consacre son talent si probe et si net à l’honnête petit peuple de Paris, à l’idéalisme des vieux insurgés de la Commune, à tout ce qu’il y a dans ce petit peuple de vertu véritable, d’honnêteté, de courage, d’espérance aussi enracinée que celle qu’inspire la foi religieuse, il n’a pas besoin de changer de formule. […] C’est à travers cette sensibilité sentimentale et ces images gravées, et les vieux Keepsakes de sa mère, qu’il aperçoit les êtres et les paysages. […] On croirait les sons affaiblis, mais si doucement purs, cristallins, d’une vieille boîte à musique aux accords demeurés parfaitement justes. […] Cette introspection ne sera pas pour eux celle de la vieille psychologie spiritualiste.
La politique seule allait essayer de le soutenir encore quelques années, jusqu’à ce qu’il n’eût plus pour lui que les abonnés du Constitutionnel ; quelques vieux académiciens ; et ce qu’il y avait, dans la bourgeoisie soi-disant « libérale », de plus étroit et de plus arriéré. […] La Bonne vieille, Le Vieux Célibataire, Les Cinq Étages, Le Vieux Caporal, etc. ]. — Il y en a dans le choix des « refrains » ; — qui presque toujours expriment en un vers l’intention de la chanson tout entière ; — et dont le retour est toujours amené avec infiniment d’aisance et de naturel [Cf. […] La Bonne Vieille, Le Vieux Célibataire] ; — et, à ce propos, de la poésie de la « vieillesse » dans l’œuvre de Béranger. — Il a aussi trouvé quelques accents patriotiques [Cf. Le Vieux Drapeau, Le Cinq mai, Les Souvenirs du peuple]. — Mais, d’une manière générale, il a manqué de force [Cf. […] II, p. 190]. — Les haines de Flaubert ; — et, par contraste, son estime singulière pour « ce vieux croûton de Boileau ». — Hésitations et premiers essais : La Tentation de saint Antoine. — Sa préoccupation du style ; — et, à cette occasion, s’il ne l’a pas poussée jusqu’à la manie ?
Aujourd’hui donc, tragédie et drame romantique sont également vieux et usés. […] D’ailleurs, pendant tout le dix-septième siècle, des hommes tinrent encore les rôles de vieilles femmes et de soubrettes. […] C’est ma gloire de les défendre, ces vieilles idées. […] Ajoutez que les deux formules sont à peu près aussi vieilles et démodées l’une que l’autre. […] Opimia a pour aïeule une vieille femme aveugle, Postumia, qui vient la disputer à ses juges avec un emportement superbe.
Il est le seul des poètes contemporains et peut-être est-il le premier des poètes français qui ait osé s’attaquer aux difficultés de la Sextine… Cette poésie feuillue, plantureuse, a le parfum généreux de l’air des forêts, tout imprégné de saveurs âcres et salutaires ; et dans sa couleur sombre et grave on peut retrouver aussi l’aspect sévère et grandiose des vieux chênes versant leur ombre grise sur les bruyères mélancoliques.
Là, sur de vieux cyprès dépouillés de verdure.
Celui-ci est Compositeur d’un Dictionnaire du vieux langage François, qui peut être utile à ceux qui aiment la lecture de nos anciens Auteurs, aux Généalogistes, aux Chartriers, aux Notaires, sur-tout aux derniers, lorsqu’ils sont embarrassés pour l’intelligence de quelques expressions hors d’usage.
Le vieux connétable de Montmorency, les Guise, l’amiral de Coligny, le chancelier de L’Hôpital, se dessinent chez lui par leur conduite et leur procédé encore plus que par les jugements qu’il leur applique. […] Au commencement du règne de Charles IX (1560), lors de la tenue des États à Pontoise, puis à Saint-Germain, Mézeray fait un tableau des plus animés et des mieux définis de l’air de la Cour à ce moment et des dispositions diverses qui partageaient les esprits par tout le royaume : Or, comme l’exemple du prince transforme toute la Cour, et que le reste de l’État se règle sur elle, la reine mère penchant du côté des huguenots pour récompense de la faveur qu’elle avait reçue de l’Amiral, le calvinisme était la religion à la mode, et il semblait que celle de l’Église romaine eût une vieille robe qui ne fût plus en usage que pour les bonnes gens. […] On y apprend cette vieille France racontée dans son propre langage, avec ses propres images, ses plaisanteries de circonstance ou ses énergies naïves, et toutes ses couleurs familières, et non traduite dans un style modernisé.
Daru succédait à Collin d’Harleville, à ce talent bienveillant et aimable qu’on citera toujours pour avoir fait L’Optimiste, Les Châteaux en Espagne et Le Vieux Célibataire ; auteur comique d’un genre tout particulier, qui avait ses comédies dans le cœur encore plus que dans la tête. […] À merveille, mon cher confrère, lui écrivait le vieux Cailhava, partisan déclaré de Molière et de l’ancienne comédie, et qui ne parlait qu’avec sourire de ce qu’il nommait la nouvelle école, devenue bien vieille pour nous aujourd’hui ; — à merveille !
La paix faite, il obtint de M. de Choiseul, qui, sans compter qu’il était ministre de la guerre, avait la charge de colonel général des Suisses d’en être nommé inspecteur, et, en cette qualité, il s’appliqua à y réformer la discipline, honteusement relâchée, et à remettre ce service sur un bon pied qui répondît à la vieille renommée du corps helvétique. […] Ce n’était pas assez : une parente et une amie qu’il avait à Soleure, et qui avait toujours souffert de l’injustice dont il avait été l’objet, travailla si bien en sa faveur que, sur un léger prétexte, et pour avoir obtenu du roi qu’on augmentât la quantité de sel qu’on donnait annuellement au canton, Besenval apprit tout d’un coup qu’il était populaire parmi les siens ; les esprits s’émurent en sens inverse de la vieille querelle qu’on lui avait faite quatorze ans auparavant. […] Vieux, il y revenait en souvenir et avec regret comme aux meilleurs instants de sa vie, « instants heureux, s’écrie-t-il, où, loin de s’occuper d’événements sinistres tels que ceux qui ont empoisonné la fin de notre carrière, on ne s’occupait que d’amours et de plaisirs !
Dans ce Commentaire sur Corneille, il fut fort sincère ; là même où sa critique nous paraît excessive et trop peu intelligente de l’ancienne langue, il obéit à son goût personnel, à ses habitudes d’élégance, à l’ennui que lui causaient à la longue les mauvaises pièces du vieux tragique. […] Comptez toujours sur l’estime, sur l’amitié d’un vieux philosophe qui a la manie, à la vérité, de se croire un très bon cultivateur, mais qui n’a pas celle de croire qu’on ait tous les talents. » Quand Voltaire a raison, il n’y a que lui pour avoir la raison si facile et si légère. […] Thomassin de Juilly, un autre des réfutateurs de Rousseau : Ce malheureux singe de Diogène, dit-il, qui croit s’être réfugié dans quelque vieux ais de son tonneau, mais qui n’a pas sa lanterne, n’a jamais écrit ni avec bon sens ni avec bonne foi.
Elle a beaucoup de peine à nettoyer ma montre avec un vieux gant ; elle me fait voir que le fond en est toujours noir. […] Mme du Deffand, au reste, était tout à fait de cet avis ; depuis surtout que Mlle de Lespinasse avait fait défection et s’était retirée d’auprès d’elle, emmenant à sa suite quelques-uns des coryphées de l’école encyclopédiste, elle était très opposée à tout ce qui ressemblait à des intérêts de parti philosophique ou littéraire : et comme Voltaire, dont c’était le malin plaisir, essayait de provoquer Walpole, de l’amener, par pique et par agacerie, à une discussion en règle sur le mérite de Racine et de Shakespeare, comme de plus il paraissait d’humeur à chicaner les deux dames au sujet de La Bletterie qu’elles protégeaient et qu’il n’aimait pas, Mme de Choiseul écrivait encore à sa vieille amie : Je crois que nous ferons bien de le laisser tranquille ; car, pour moi, je ne veux pas entrer dans une dispute littéraire : je ne me sens pas en état de tenir tête à Voltaire. […] Fiez-vous à lui, mes très chers frères ; il vous guidera mieux, quand il s’agira de sentiment, que les grands raisonnements des philosophes, que la trompeuse expérience du monde, et que les sophismes dangereux de votre raison. » Ce bon frère continua, et je m’en allai parce qu’il commençait à m’ennuyer, et que mon instinct ne peut supporter l’ennui ; cependant j’ai entrevu dans son discours quelques vérités applicables à la petite fille… Ainsi traitait-on cette vieille enfant malade et qui avait tant abusé et mésusé dans sa jeunesse de la faculté d’aimer, qu’elle n’en avait plus la force ni la foi dans ses derniers jours : c’était du moins quelque chose, et mieux que rien, d’en avoir gardé, à ce point, l’inquiétude et le tourment.
au milieu d’un paysage d’automne, agreste, hérissé et dépouillé par les premiers froids, un misérable, quelque mendiant irlandais, vêtu en lambeaux, pieds nus, qui considère de derrière une haie, dans quelque verger, un mannequin oublié, un bâton surmonté d’un chapeau et de vieux habits, planté là pour effrayer les oiseaux. Ces vieux vêtements de l’épouvantail lui paraissent, au prix des siens, toute une garde-robe de prince, et il les regarde, bouche béante, d’un air inexprimable d’envie et de convoitise. […] Tout en n’étant pas insensible au progrès de la grandeur publique, il m’est bien souvent arrivé, je l’avoue, à l’aspect de ces abatis de maisons qui prenaient en écharpe de vieux quartiers de Paris et des faubourgs tout entiers, de regretter et de recomposer une dernière fois en idée ce que démasquait tout d’un coup le prodigieux ravage, ces petites maisons cachées, blotties dans la verdure et toutes revêtues de lierre, qui avaient été longtemps l’asile du bonheur ; mais jamais je ne me suis mieux rendu compte de ce genre de regret qu’en voyant menacé d’une coupe prochaine le jardin de Gavarni.
M. de Noirmont est un personnage bien vrai, et qui nous rappelle plus d’un profil connu : « Né avant 89, d’une ancienne maison, mais abandonné à lui-même dès l’enfance, libre par conséquent de préjugés traditionnels, il a assisté avec indifférence, presque avec joie, à la chute de la vieille société. […] Herman, en présence du baron Fritz, ce beau-frère entiché de sa noblesse et des vieux préjugés germaniques, maintient lui-même le rôle du noble moderne converti aux idées du siècle : il répond à l’accusation banale d’être un déserteur de sa caste et de n’avoir ni foi ni principes : « Croyez plutôt, dit-il en parlant des Biron, des Custine, des La Fayette, qu’il a fallu une foi bien ferme à ces déserteurs qui, dans la solitude de leur conscience, se sont voués à la haine de ceux qu’ils abandonnaient, à la méfiance de ceux qu’ils voulaient servir, sans autre espoir que la justice tardive de la postérité. » Mais ce commencement de discussion entre Herman et Fritz est arrêté à temps par un-geste d’Emma qui n’entend pas que ses deux adorateurs, comme elle dit, combattent sur ce terrain, et qui les rappelle à l’ordre. […] Mlle Pompéa a par hasard appris du tapissier chargé de meubler l’hôtel du comte, et qui se trouve être le sien, qu’il est de retour en France, qu’il habite à Maran aux environs de Fontainebleau, et elle s’est mise en route sur l’heure pour le revoir : elle arrive, accompagnée d’une vieille cantatrice, la signora Barini, ancien contralto qui a eu ses beaux jours, une manière de duègne très-peu duègne, une utilité, un embarras, le meilleur cœur et la meilleure langue de femme, baragouinant un français italianisé et jargonnant à tue-tête.
Le maréchal de Noailles avait surnommé Du Verney, cet habile munitionnaire des armées, « le général des farines76 » ; et un jour qu’on citait ce mot chez Mme de Pompadour, le comte de Saxe présent ne put s’empêcher de dire que ce général des farines s’entendait mieux aux choses de la guerre et en savait plus long sur le métier que le vieux maréchal. […] Coigny, vieux lui-même, plus vieux que Noailles, était de ces militaires dont on pouvait dire, en appliquant un mot de Villars, que « s’ils n’ont pas inventé la poudre, du moins ils ne la craignent pas ».
Vieux, il donnait ce conseil à l’un de ses protégés : « Ne jouez pas ; j’ai toujours joué sur des nouvelles certaines, et cela m’a coûté tant de millions » ; et il disait un chiffre de perte. […] Thiers disait un jour à quelqu’un qui l’engageait à répondre à une calomnie : « Je suis un vieux parapluie sur lequel il pleut depuis quarante ans : qu’est-ce que me, font quelques gouttes de plus ou de moins ? […] À son âge, pensai-je, on tient un peu de la vieille femme ; il doit être bavard au réveil : voilà le moment qu’il faut saisir.
remy dans ces préambules assez tortueux ; il ne manque pas de décocher au passage bon nombre d’épigrammes sourdes contre les inventeurs de rhythmes nouveaux, qui, en ce temps-là, se prévalurent de l’autorité d’André Chénier ; ce sont déjà de bien vieilles querelles, dans lesquelles les épigrammes elles-mêmes ont le tort d’être devenues fort surannées. […] André Chénier a imité dans les idylles attribuées à Théocrite celle qui a pour titre et pour sujet l’Oaristys, c’est-à-dire la conversation familière d’un pasteur et d’une bergère au fond des bois ; c’est une des pièces dont on trouverait le plus d’imitations chez nos vieux poëtes, qui d’ordinaire l’ont plutôt paraphrasée et légèrement parodiée en y substituant quelque chasseur moderne qui rencontre une villageoise. […] Souvent des vieux auteurs j’envahis les richesses ; Plus souvent leurs écrits, aiguillons généreux, M’embrasent de leur flamme, et je crée avec eux.
Au reste le vieux Malherbe ni Corneille ne faisaient pas tant de façon, ni Pascal, ni Bossuet ; et ils ont plus d’une fois scandalisé la délicatesse grimacière de La Harpe et de ses pareils. […] Alors elles seront fraîches, sincères, originales, bien que vieilles comme le monde. […] On le voit par ces vieilles et ridicules locutions : l’aigle de Meaux, le Térence français.
Le parti pris politique s’y fait peu sentir, par la vertu du sujet ; l’état d’esprit orléaniste s’élargit en pitié des vaincus, en sentiment douloureux des misères individuelles ou collectives ; l’historien est tout à la joie de faire sortir des vieilles chroniques, dans toute la barbarie de leurs noms germaniques hérissés de consonnes et d’aspirations, les Franks et leurs chefs, les Chlodowig, les Chlother, les Hilderik, les Gonthramm, de montrer par de petits faits significatifs ce qu’était un roi franc, comment étaient traités les Gaulois, de substituer dans l’imagination de son lecteur, à la place des dates insipides et des faits secs qu’on apprend au collège, une réalité précise, dramatique, vivante. […] Il ne fallait pas non plus s’arrêter aux surfaces, au décor de l’histoire : un imagier, comme M. de Barante, qui ne s’attache qu’à reproduire l’éclat extérieur de la narration des vieux chroniqueurs et qui étale aux yeux comme une suite magnifique de tapisseries à sujets historiques, manque au devoir essentiel de l’historien. […] Michelet eut une grande joie en 1831 : il fut nommé chef de la section historique aux Archives nationales ; c’était, pour ainsi dire, tout le dépôt de notre histoire nationale qu’on lui confiait : il avait désormais sous la main, à sa discrétion, dans cette masse de documents, le dossier authentique, inconnu, de la vieille France.
Vous bafouez la science officielle, pauvre vieille toute courbée vers la terre et dont les doigts sales, tremblants et ridicules s’appliquent aux minutieux procédés qui font triompher les « industries manuelles ». […] Les mots sont extraits de partout, du vieux français, des dialectes occitans, du latin surtout. […] Sa phrase puissante va jusqu’à rajeunir la terre, à condition que cette vieille vieillisse encore un peu.
Car pour le talent, au milieu des veines de mauvais goût et des abus de toute sorte, comme il s’en trouve d’ailleurs dans presque tous les écrits de M. de Chateaubriand, on y sent à bien des pages le trait du maître, la griffe du vieux lion, des élévations soudaines à côté de bizarres puérilités, et des passages d’une grâce, d’une suavité magique, où se reconnaissent la touche et l’accent de l’enchanteur. […] Il y avait toujours en lui des reflets et des parfums retrouvés de la Grèce, mais le vieux Celte aussi reparaissait plus souvent ; et, pour appliquer ici le nom d’un écrivain qu’il cite quelquefois et qui exprime l’extrême recherche dans l’extrême décadence, on dirait que, dans les parties dernières de sa composition, il soit entré du Sidoine Apollinaire, tant l’œuvre semble subtile et martelée ! […] On serait tenté un moment de le croire, et même M. de Chateaubriand va, selon moi, trop loin quand il dit : « Nous étions bien stupides sans doute, mais du moins nous avions notre rapière au vent… » Cependant je tourne la page, et je vois qu’il semble prendre fait et cause pour l’émigration : « On crie maintenant contre les émigrés, dit-il ; à l’époque dont je parle, on s’en tenait aux vieux exemples, et l’honneur comptait autant que la patrie. » Encore un coup, avons-nous affaire à l’émigré convaincu et resté croyant à son droit, ou à l’émigré qui s’appelle lui-même stupide, et qui a l’air de se moquer de tout ce qu’il a enduré alors pour la plus grande gloire de la monarchie ?
Puis le soir (n’allant jamais dans le monde), il rentrait au logis en puissance de Mme de Chateaubriand, laquelle alors avait son tour, et qui le faisait dîner avec de vieux royalistes, avec des prédicateurs, des évêques et des archevêques : il redevenait l’auteur du Génie du christianisme jusqu’à nouvel ordre, c’est-à-dire jusqu’au lendemain matin. […] Je souffre cruellement, et je voudrais arriver vite au bout de ma carrière. » À chaque ligne de cette correspondance naïve, je vois l’ennui, le mépris du présent, la haine des générations vivantes, de « ces myrmidons d’aujourd’hui qui se fagotent en grands hommes », le culte surtout, l’idolâtrie de la jeunesse, de celle qu’il n’a plus : « Je suis toujours triste, parce que je suis vieux… Restez jeune, il n’y a que cela de bon. » L’Élégiaque grec ne dit pas autrement, mais il est Grec et païen. […] cet homme-là que nous avons vu à la fin, assis, muet, maussade, disant non à toute chose, cet homme cloué dans tous ses membres, et qui se ronge de rage comme un vieux lion, il a sous main des retours charmants, des éclairs.
Il était temps que je finisse le mien ; ma vue se trouble le soir, je vois les objets doubles, surtout ceux qui sont élevés ou à l’horizon ; mais ma confiance est en Celui qui a fait la lumière et l’œil. » Il est dans le coup de feu de ses tableaux ; l’enthousiasme le prend lui-même en se relisant, et il jouit le premier des beautés qu’il va introduire : « Il y a eu des moments, s’écrie-t-il, où j’ai entrevu les cieux, éprouvant, à la vérité, dans ce monde, des maux inénarrables. » Il sent qu’il a le charme ; le vieux censeur théologien qu’on lui a donné est séduit lui-même, et n’a pu s’empêcher de dire que c’était divin, délicieux : « Je sais combien il faut rabattre de ces éloges, mais ils me font plaisir. […] Vieux, quand on lui parlait de Chateaubriand, il répondait : « Je l’ai peu lu, mais il a l’imagination trop forte. » Si l’on avait parlé à Buffon de Bernardin de Saint-Pierre, Buffon aurait eu droit de répondre : « Il a l’imagination trop tendre. » Bernardin a fait ainsi au moral ; il n’est pas seulement pieux et touchant, il est sermonneur ; il pèche par le trop de sensibilité de son temps, et il y a un certain goût sévère qu’il n’observe pas. […] Les lettres qu’on a de lui jusqu’à la fin attestent son imagination riante : « Je suis un vieux arbre, disait-il, qui porte de jeunes rameaux. » il avait échangé son ermitage d’Essonne pour une autre retraite à Éragny, sur les bords de l’Oise : il s’y livrait aux douces spéculations dont il a rempli ses Harmonies.
Il rejoignit en Avignon les deux inséparables frères, Lacurne et Sainte-Palaye, ce dernier grand amateur de sonnets, de vieux manuscrits gaulois, et s’enflammant pour le gothique autant que de Brosses s’en souciait peu. […] Son goût n’a rien d’exclusif et se prend à quoi que ce soit qui en vaille la peine, tableaux, statues, jolies boiseries, vieux livres, raretés bibliographiques : « Car je suis comme les enfants, les chiffonneries me délectent. » En toute rencontre, et principalement dans le cabinet du grand-duc à Florence, devant « cet abîme de véritables curiosités », il s’arrête à tous les chefs-d’œuvre d’art, de sciences, de curiosités, et de douces chiffonneries, qui en font véritablement la chose la plus surprenante du monde ». Et c’est le même qui, à Rome, en se trouvant pour la première fois au milieu de ces augustes solitudes du Colisée et des Terme Antoniane, ne pourra s’empêcher « de ressentir dans l’âme quelque petit saisissement, à la vue de la vieille majesté de leurs antiques masses révérées et abandonnées » ; c’est le même qui aura sur les marbres antiques et sur leur magnificence grandiose une page pleine de majesté et presque d’amour : « On peut dire qu’en France nous ne savons presque ce que c’est que des marbres, et qu’on n’en a point vu si l’on n’est venu dans ce pays-ci… » (T.
Quoi qu’il en soit, ils puisèrent leurs faits dans le chaos des anciennes chroniques ou dans le fatras des vieilles légendes ; ils demandèrent leur merveilleux à la féerie, à la sorcellerie, à la magie noire ; ils ne dédaignèrent pas même l’absurdité des contes les plus populaires, et ils offrirent à l’admiration des hommes ce qu’en tout autre pays on n’exposerait pas impunément à la moquerie des enfants. […] Qu’ils y arrivent, et il sera temps alors pour nous de les combattre, de leur démontrer que ces règles contre lesquelles on se mutine, sont pourtant les seules bases sur lesquelles puisse être assis le système dramatique d’un peuple éclairé, et qu’elles sont elles-mêmes fondées sur les résultats de l’expérience, lentement convertis en axiomes ; qu’elles ne sont pas, comme on a l’air de le croire, des lois imposées à l’imagination par le caprice d’un vieux philosophe grec du temps d’Alexandre, et que l’auteur de la Poétique n’a pas plus inventé les unités, que l’auteur de la Logique n’a créé les syllogismes ; que ces lois, établies pour les intérêts de tous, font seules du théâtre un art, et de cet art une source d’illusions ravissantes pour le spectateur et de succès glorieux pour le poète ; qu’elles ont le double avantage d’élever un obstacle contre lequel le génie lutte avec effort pour en triompher avec honneur, et une barrière qui arrête l’invasion toujours menaçante de la médiocrité aventureuse ; qu’on peut quelquefois essayer de reculer les limites de l’art, et quelquefois même, comme a dit Boileau, tenter de les franchir, mais qu’il ne faut jamais les renverser ; et qu’enfin, il en peut être de la littérature comme de la politique, où quelques concessions habilement faites à la nécessité des temps, préservent l’édifice de sa ruine, et le rajeunissent, tandis qu’une révolution complète, renversant tout ce qu’elle rencontre, bouleversant tout ce qu’elle ne détruit pas, plaçant le crime au-dessus de la vertu, et la sottise au-dessus du génie, engloutit dans un même gouffre la gloire du passé, le bonheur, du présent, et les espérances de l’avenir. […] Abjurez, il vous est permis, les dieux de l’antique Olympe ; nous convenons avec vous que l’Aurore est bien vieille, et Flore bien fanée ; qu’il y a bien longtemps que Vénus est la déesse de la beauté, et que son fils est un enfant : mais songez que le merveilleux, du Christianisme est d’un emploi difficile et périlleux ; qu’il est toujours tout près d’offenser la sévérité du dogme ou celle du goût ; tout près, en un mot, d’être hétérodoxe ou ridicule.
Donc, comme le vieux Gœthe qui se transforma en marchand de pastilles turc dans son Divan, et nous donna aussi un livre de poésie, — plus dramatique que lyrique aussi et qui est peut-être son chef-d’œuvre, — l’auteur des Fleurs du mal s’est fait scélérat, blasphémateur, impie par la pensée, absolument comme Gœthe s’est fait Turc. […] » Et après ce coup de baguette magique, il ajoute, quelques pages plus loin, avec un accent ineffable, que « vous êtes à peine debout qu’un vieux reste d’ivresse (l’ivresse d’hier) vous suit et vous retarde, comme le boulet de votre récente servitude ». […] Je n’ai guères parlé jusqu’ici que de celui qui appartient plus particulièrement à Baudelaire : le livre qui traite du haschisch ; l’autre, qui traite de l’opium et dont le paradis est bien inférieur au paradis du premier, a été traduit ou du moins très inspiré de Quincey, un vieux mangeur d’opium qui fut poète dans le temps en Angleterre, et qui n’avait pas assez de sa poésie, sans doute, pour s’enivrer et se sentir vivre.
Pointillé à nous impatienter les yeux, l’auteur du Vieux Pauvre du Cumberland, de Lucy Gray, de l’Enfant aveugle, ose des recherches d’originalité, souvent heureuses, et au milieu des infiniment petits du détail, il sait ouvrir de l’horizon. […] Partout il pleure la vieille Bretagne et ses coutumes originales et fortes, et, tout en pleurant, ce singulier affligé, dont l’affliction la plus grande est encore l’inconséquence, abolit en lui, librement et volontairement, ces originalités savoureuses qui auraient donné à son talent la trempe vibrante et l’énergie que naturellement il n’avait pas. […] Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux !
Un vieux peuple comme le nôtre s’y fût abîmé à jamais. […] Un des plus aigus parmi eux, Henry James, a construit ses plus beaux romans sur cette rencontre des gens de Boston et de New-York avec la vieille Europe. […] « On ne doit faire que des guerres offensives », disait déjà en 1805 le vieux Bülow, devançant et Treitschke et Bernhardi. […] Je viens de feuilleter les vieux volumes, aux pages jaunies. […] Le vieux Bacon les appelait idola tribûs .
Ce que Jean Moréas (de l’école romane) aura cru trouver en peinant terriblement sur les vieux bouquins de Ronsard et quelques dictionnaires ignorés, Marie Krysinska ne peut-elle l’avoir découvert aussi en jouant avec les frous-frous de sa jupe, les perles d’un collier, le souvenir d’un rêve ?
Sainte-Beuve Jean Polonius n’est pas un précurseur de Lamartine ; il l’a suivi et peut servir très distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents… La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit, a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé ; ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a succédé.
souviens-toi que la Fortune est femmes, Et que, de quelque ardeur que Siphas la réclame, Elle est pour Messanisse, & qu’elle aimera mieux Suivre un jeune Empereur, qu’un autre déjà vieux.
Avant-propos Aujourd’hui que l’Œuvre des deux frères est terminé — l’un étant mort depuis des années, l’autre se trouvant trop vieux pour entreprendre à nouveau un travail d’imagination ou même un travail d’histoire de longue haleine, — il a paru intéressant au survivant de réunir, dans un volume, les préfaces et les manifestes littéraires, jetés en tête des diverses éditions de leurs livres.
Il se demanda, il chercha à deviner quelle pouvait être l’âme en peine qui n’avait pas voulu quitter ce monde sans laisser ce stigmate de crime ou de malheur au front de la vieille église.
Jean Bertheroy connaît exactement le vieux monde latin.
L’écriture en est d’une originalité exquise, ne se rattachant à aucune vieille ou récente « école », la phrase est quelquefois hachée, pittoresque, imprévue, les assonances bien en relief, le rythme déconcertant ; souvent, la noble envolée lyrique s’impose en sa débordante poésie.
Charles Morice Louis Dumur, d’origine suisse et italienne, versifie selon une poétique nouvelle, du moins renouvelée de poétiques étrangères — aussi — et classiques… Sans accorder ni refuser au système de Louis Dumur plus ni moins de confiance qu’aux autres poétiques nouvelles dont la nouveauté consiste à démembrer le vieux vers français, je constate son effort et je l’inscris comme un des signes les plus nets qui marquent le désir d’une nouveauté, en effet, dont l’avènement plane autour de nous.
Je citerai particulièrement : La Maison, Vieux livres, le Jardin, Septembre, le Soir, etc.
À la vérité il est plus instruit que Commines, et néanmoins le vieux seigneur gaulois, avec l’Évangile, et sa foi dans les ermites, a laissé, tout ignorant qu’il était, des mémoires pleins d’enseignement.
On arrêta donc sur l’heure Ruhl, Romme, Bourbotte, Goujon, Duroy, Duquesnoy, Soubrany, et huit jours après, par un redoublement de sévérité, on les déféra à une Commission militaire ; il n’y eut d’excepté que le vieux Ruhl, dont plusieurs membres attestèrent la sagesse et les vertus. […] Le vieux Ruhl, qu’on avait seul excepté du décret d’accusation, ne voulait pas de ce pardon ; il croyait la liberté perdue, et il se donna la mort d’un coup de poignard.
Une fois cette digue emportée, il n’y a plus de digue, et l’inondation roule sur toute la France comme sur une plaine unie En pareil cas, chez les autres peuples, des obstacles se sont rencontrés : il y avait des lieux élevés, des centres de refuges, quelques vieilles enceintes où, dans l’effarement universel, une partie de la population trouvait des abris Ici le premier choc achève d’en emporter les derniers restes, et, dans ces vingt-six millions d’hommes dispersés, chacun est seul. […] Maréchal de Rochambeau, Mémoires, I, 427. — Marquis d’Argenson, 24 décembre 1752. « On compte plus de 30 000 hommes suppliciés pour désertion depuis la paix de 1748 ; l’on attribue cette grande désertion au nouvel exercice, qui fatigue et désespère les soldats, surtout les vieux soldats. » — Voltaire, Dictionnaire philosophique, article Supplices . « Je fus effrayé un jour en voyant la liste des déserteurs depuis huit années seulement : on en comptait 60 000. » 786.
A travers toutes les oppositions et tous les quolibets, en dépit de Mlle de Gournay et de Scipion Dupleix, défenseurs du vieux langage, en dépit de Saint-Evremond et de Ménage, critiques d’humeur plutôt que de conviction, l’Académie poursuivit son Dictionnaire. […] Les artistes, tels que La Bruyère, regretteront de vieux mots savoureux.
» Un vieux monsieur la traite tout à fait familièrement et vient passer chez elle deux ou trois heures par jour. Beyle écrit : « Ce vieux monsieur serait-il son entreteneur ?
On m’a sur une vague et vieille promesse forcé la main. […] Le drame en un acte annoncé par l’affiche pose la question vieille mais éternelle de la femme fatale, de la Sapho de Daudet, la question des relations intellectuelles et des confidences possibles de frère à frère ; l’autre tragi-comédie incitait à parler du divorce, ou de la fidélité, ou de la jalousie, mais ces fantaisies physio-psychologiques, de trop fortes lectures récentes m’en avaient ôté le goût.
Ce sont, presque sans ordre, les images qui me sont apparues et les réflexions qui me sont venues à l’esprit, pendant que j’évoquais ainsi un passé vieux de cinquante ans. […] Duportal du Goasmeur des détails nouveaux, qui ne confirment pas certaines suppositions que taisait ma mère sur ce qu’il y avait de mystérieux dans les allures du vieux solitaire.
Ce vieux pharisien noir, à droite, a été peint avec du charbon pilé ; j’en dis autant de ces autres prêtres enfumés sur le fond. […] Dans le combat où le fils d’Anchise est renversé de son char, et Vénus sa mère blessée par le terrible Diomède, le vieux poëte, où l’on trouve des modèles de tous les genres de beauté, dit qu’au-dessus du voile que la déesse tenait interposé entre le héros grec et son fils, on voyait sa tête divine et ses beaux bras, et je peins le reste de la figure.
Ce n’était pas assez pour elle d’être devenue un bas-bleu comme Mme Zénaïde Fleuriot, il fallait encore qu’elle fût une rosière d’académie, comme le fut Collet Attendrie au Récit d’une sœur comme une personne naturelle et comme si elle comprenait quelque chose à ce qu’il y a de plus beau en ce récit, c’est-à-dire à l’ardeur du catholicisme qu’on y respire, l’Académie, ce Sanhédrin de vieux voltairiens, de sceptiques, d’éclectiques, et dont les évêques se sauvent épouvantés depuis qu’il y entre des athées, Pavait flétrie de sa couronne, — de cette couronne dont les feuilles de laurier sont des pièces de cent sous. […] Mais la Poésie et les Romans — comme dit la vieille phrase de tout le monde, — ne souffrent pas de médiocrité.
Ce sont les anciens bas-bleus qui croyaient, avec modération, que les femmes étaient égales aux hommes ; c’étaient les vieux casques, parmi ces amazones à casques que veulent être aussi les bas-bleus qui ne demandaient que cette égalité. […] Vieille et blasphématoire bêtise contre le mystère de l’Incarnation, sous une forme nouvelle qui a l’avantage d’en faire une saleté !
Michelet l’a pensé comme nous ; Michelet n’a pas toujours feuilleté l’Histoire pour y porter le trouble ou pour l’y trouver… Celle du passé a dû lui apprendre que la France, selon l’heureuse expression d’un moraliste anglais, n’a jamais eu de salique que sa monarchie, et l’histoire du présent a dû ajouter à cette notion vraie que, sur cette vieille terre du Vaudeville et de la Galanterie, la femme continue d’être pour les hommes, malgré l’épaisseur de leurs manières et la gravité de leurs cravates, la première et la plus chère de toutes les préoccupations. […] Ainsi Théroigne de Méricourt, Théroigne, à propos de laquelle Michelet ne craint pas de dire, page 113 : « Entourée d’amants en Angleterre, elle leur préférait un chanteur de chapelle italienne, laid et vieux, qui la pillait et vendait ses diamants, et en France… » Nous ne pouvons achever la citation sur cette touchante Théroigne, la meurtrière de Suleau, et qu’on pourrait appeler aussi l’ange de l’assassinat, puisque le mot est consacré !
l’affreuse octogénaire existe encore et ne paraît pas devoir mourir de sitôt… Tuer la fille n’a pas tué la mère, capable, comme la vieille Sarah du Patriarche, de refaire un autre enfant, pire peut-être que le premier. […] Les partis, qui lui ont fait un pavois de leurs dos courbés, oseront-ils continuer de porter cette vieille relique éventrée et déshonorée ?
… Voilà ce que nous nous demandions en lisant ces deux gros volumes d’Alexis de Tocqueville (qui, nous annonçait-on, devaient être suivis, dans un temps donné, de plusieurs autres), publiés sous le vieux nom éternel d’Œuvres et Correspondances inédites. […] Historien d’analyse et de microscope, Alexis de Tocqueville est dans l’ordre politique ce qu’est Sainte-Beuve dans l’ordre littéraire, et on n’a point d’idée combien ces esprits-là sont communs dans les vieilles civilisations !
l’abbé Monnin me paraît doué d’assez de goût, de possession de soi, d’amour de la simplicité et de la couleur par-dessus le marché, pour avoir, s’il l’avait voulu, imité les vieux maîtres, et pour nous entretenir de son saint à la manière des anciens hagiographes. […] Dieu lui avait donné le génie de la conduite des âmes, à ce pâtre qui n’avait chez son père à conduire qu’un vieux âne et trois maigres brebis.
Elle lui apprend que la poésie se fait avec de la douleur comme la vie, et que les plus grands poètes furent les plus vieux, depuis Homère jusqu’à Milton, — et même Byron, qui mourut à trente-neuf ans, date menteuse ! […] Cette vieille Niobé, du reste, a eu beau souffrir, elle a eu beau se tordre comme le Laocoon dans l’angoisse, la fureur et le désespoir farouche, elle n’en a pas moins gardé l’irréprochabilité de son airain et de son marbre, tandis que le poète du Poème humain, de ce jeune Bacchant ivre de l’Espérance, est bien loin de briller par la pureté du sien.
À la tête de ce recueil aussi passionné dans sa correction et sa beauté typographique que le serait le manuscrit d’un vieux moine (et M. […] Le poète qui a écrit L’Influenza, La Note éternelle, Un soir d’été, La Colombe, L’Ancolie, A Éva, Sur la Montagne, Dans les Bois, Dans la Grotte, Dans les Ruines, Stella, La Canne du Vieux, Abîme sur Abîme, Hermès, ou, pour mieux parler, car il faudrait tout citer, les Cent soixante-douze Sonnets du recueil, qui sont, à bien peu d’exceptions près, presque tous, à leur façon, des chefs-d’œuvre, est certainement plus qu’un artiste de langue et de rythme, introduisant, à force d’art et de concentration, je ne sais quelle téméraire plastique dans le langage.
Or, ce n’est pas du tout un érudit de vocation naturelle et d’absence d’idées comme le vieux Walckenaer, que M. […] Il était, lui, le pauvre, le luxe de ces gens riches ; car, dans ce temps-là, les gens riches faisaient cas du génie, et personne ne fut plus peut-être agréé et aimé des femmes que cet homme qui mettait ses bas à l’envers… Les témoignages sur ce point abondent, et le pudibond Walckenaer en a des rougeurs qui surprennent de traverser ainsi son vieux maroquin.
Amédée Pommier, moins âgé que Hugo, aimait à se dire un des grenadiers de sa vieille garde. […] Je l’ai dit, il s’appelait : « la vieille garde », et il ne mentait pas.
Mais, sans s’arrêter à cette ligne extrême du dandysme, de Vigny avait pourtant le sentiment de la forme, — de la beauté voulue dans tous les détails de la vie, qui répugne à tout ce qui est inférieur, et qui faisait admirer au vieux Mirabeau le rouge que se mettait Mazarin mourant ! […] Il n’a pas chanté la jeunesse perdue que chantent tant de poètes au déclin, vieux Titons amoureux d’Aurores ; cette jeunesse que Chateaubriand voulut inutilement retenir avec les bras du désespoir.
Walter Scott, le greffier aux mains gourdes de la vieille Enfumée d’Edimbourg, apporte dans la conception de son Dominus l’éther rectifié du génie, et celui-là qui écrivit d’une plume si légère Rose et Blanche, avec une conception semblable, a la pesanteur d’un pataud ! […] Sandeau, qui a été en prose un Alfred de Musset, bourgeois et rangé, la passera-t-il, et deviendra-t-il un vieux conteur dont la vieillesse est un avantage, une gloire et un charme de plus pour le conteur ?
Mais si, au lieu d’être une étude, une tentative consciencieuse d’art, le livre n’est plus qu’un parti pris, une mystification, une hypocrisie dans la redite de cette vieille histoire du Vampire, qu’on déguise en femme pour qu’on ne le reconnaisse pas et parce qu’on sait l’empire des femmes ! […] je te reconnais, vieux masque !
Antoine Quérard commence par se croire amoureux d’une belle fille nommée Clémentine Picot, fille d’un vieux retraité, qui s’est fait cafetier et vend du tabac. […] Le fait est commun, et les fabliaux et les comédies parlent gaiement de cette destinée des maris imprudents : mais un Antoine Quérard n’est pas un mari, c’est un amant, et un amant intelligent, coupable, plus vieux que sa maîtresse, et il répugne à sa passion même qu’il établisse gratuitement chez lui M.
La cour des Adieux qui pue l’odeur des vieilles bottes de Bonaparte à son déclin. […] Je me le figure comme un vieux petit Chinois exilé chez nous. […] Alors la vieille maman appelle à son aide ses premiers-nés chéris : les métaphysiciens. […] Au lieu de donner trois vieilles croûtes de pain à vos enfants, ne leur en donnez que deux. » On leur dit aussi : « Vous avez le droit de grève. […] « Banalités, dit-on, vieilles histoires auxquelles personne ne pense plus. » C’est bien là le malheur.
L’Académie des inscriptions admet et honore dans son sein le savant qui a restitué un texte dans un vieux livre ou qui a déchiffré, sur des monuments inconnus, des caractères problématiques ; que fera-t-elle de l’homme qui a signalé au monde les caractères du beau suprême dans les débris de Phidias, cet Homère du marbre, et recomposé sur les murs du Parthénon tous ces Olympes de pierre, la plus merveilleuse légende du paganisme ? […] Là, la vieille servante, honorée comme du temps d’Homère du nom de nourrice, t’attend avec la patience de la maternité inquiète, en soufflant dès l’aurore sur le foyer qu’elle a bâti dans la cheminée de cuisine. […] Il te fallut entendre combien les vaches avaient vêlé, et combien de fromages dorés étaient sortis des chaudières de la haute montagne où ils attendaient l’acheteur ambulant ; combien de meules de foin ou de seigle avaient embarrassé la cour et les granges ; combien de pigeons avaient doublé de nids dans le colombier ; combien de poires saines et savoureuses des vieux arbres étaient tombées au vent du midi et s’étalaient sur les rayons du fruitier pour l’hiver. […] Sur votre tête vous voyez s’élever irrégulièrement de vieilles murailles noirâtres, marquées de taches blanches. […] Gropius un second Fauvel, qui s’est fait Athénien depuis trente-deux ans, et qui bâtit, comme son maître, la maison de ses vieux jours parmi ces débris d’une ville où il a passé sa jeunesse, et qu’il aide autant qu’il le peut à sortir une centième fois de sa poussière poétique.
À dix-sept ans on l’envoya à la Cour, c’est-à-dire auprès de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qu’il ne connut jamais que vieux et malade, et dont il a gardé le plus tendre souvenir. […] Ces poètes savants lui donnèrent le goût des anciens, des Italiens et des vieux poètes français, et voilà trois ressemblances, précises encore, avec La Fontaine. […] Ainsi pour vrai l’ai-je trouvé aux vieilles impressions et pis encore aux nouvelles. […] C’était plein de vieux livres auxquels personne ne touchait. […] C’est son frère Antoine qui le compromet par ses mœurs relâchées, c’est son vieux maître et ami Farel, qui, à Neufchâtel, s’avise de se marier à quatre-vingts ans et qu’il faut essayer de dissuader, puis excuser ; c’est son armée même, sa vieille garde de réfugiés français, qui est compromettante aussi, quelquefois, et quémandeuse et indisciplinée.
. — Vieux airs et jeunes chansons (1884). — Poésies (1900).
La vieille âme religieuse des Flandres se perpétue en lui. […] Les pauvres eux-mêmes trouvent quelques vieux liards couverts de vert de gris pour goûter à la pulpe fumante des châtaignes craquantes. […] C’était dans le vieux manoir de Torre del Gallo, sur la colline d’Arcetri qui domine tout Florence. […] Ce livre a l’allure simple et enfantine des vieilles chansons populaires. […] Dom Balthazar, un moine de vieille famille noble, auquel le prieur songe à confier sa succession, quitta le monde, voilà dix ans, après avoir assassiné son père ; un innocent expia à sa place.
Aurier, Georges-Albert (1865-1892) [Bibliographie] Le Vieux, roman (1891). — Œuvres posthumes, avec une notice de Remy de Gourmont et un portrait à l’eau-forte (1898).
. — Vieilles histoires (1897).
Ceci est bien : les jeunes cœurs tendres et ouverts aux sympathies ont dû passer par cette phase mélancolique à leur entrée dans un monde égoïste et oisif ; livrés à des occupations sans rapport avec leur vocation secrète, ils ont dû placer leur idéal dans cette vie opulente et facile dont ils sont les témoins un peu jaloux : ils rêvent un véritable paradis à deux, dans le parc de quelque vieux château, à l’ombre des hautes futaies ou des charmilles.
. — Le Vieux neuf (1859). — Énigmes des rues de Paris (1860). — Histoire du Pont-Neuf (1862). — Corneille à la butte Saint-Roch, comédie en un acte et en vers (1862). — La Fille de Molière, comédie en un acte et en vers (1863). — L’Espagne et ses comédiens (1864). — L’Art de la reliure (1864). — Racine à Uzès, comédie en un acte et en vers (1865). — La Valise de Molière, comédie en un acte et en prose (1868). — Gutenberg, drame en cinq actes et en vers (1869). — Le Théâtre et les pauvres (1869). — Les Prussiens chez nous (1871). — Le Théâtre français au xvie et au xviie siècle (1871). — La Farce de Maître Pathelin, avec traduction en vers modernes (1872). — Histoire de la butte des Moulins (1877). — Le Mystère de Robert-le-Diable, transcrit en vers modernes (1879)
. — Contes d’une vieille fille à ses neveux (1832). — Le Marquis de Pontanges (1835). — La Canne de M. de Balzac (1836). — Judith, tragédie (1843). — Cléopâtre, tragédie (1847). — C’est la faute du mari, proverbe en vers (1850). — Lady Tartufe (1853). — La Joie fait peur, comédie (1853). — Le Chapeau de l’horloger (1854).
Villon sut le premier, en ces siecles grossiers, Débrouiller l’art confus de nos vieux Romanciers.
Pour mieux séduire le vulgaire, il a pris un déguisement à la mode ; le vieux serpent a fait peau neuve. […] Comment donc s’est-elle, dès le premier pas, fourvoyée dans cette vieille ornière ? […] Qu’est-ce que cette vieille et puérile hypothèse d’un contrat social ? […] C’est le vieux sophisme, mille fois réfuté, et répété sans relâche. […] « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux.
Est-il vraiment si vieux qu’on le dit et mérite-t-il tant de dédain ? […] Parfois il répétait sur un air antique quelques vers d’un vieux poète nommé Job. […] Paul Bourget surtout a complètement rajeuni les vieux procédés en y adaptant la méthode d’analyse qui fait de lui en critique un penseur si profondément original. […] Le vieux fond d’idéalisme qui persistait chez l’auteur des Consolations le rendait indulgent aux excès d’un procédé qui devait aboutir à M. […] Son talent d’écouteur d’âme est parvenu à vivifier un aussi vieux sujet que l’adultère.
Nous l’appelions Petit Vieux, parce qu’il était fort maigre, et que sa raison paraissait au-dessus de son âge, de treize ans ; mais en peu de mois il se rétablit si bien, et devint d’un si bel embonpoint, qu’il passait pour le plus beau garçon qu’il y eut à Rome. […] L’aubergiste chez lequel nous avions dîné appela un vieux caporal pour mettre l’ordre, en lui disant que j’étais un jeune homme très courageux ; que si l’on me tuait, j’en aurais auparavant tué bien d’autres. […] « Ces paroles firent approcher un vieux gentilhomme qui venait de faire ses dévotions, et qui, approuvant mes raisons, lui fit des reproches sur sa conduite vis-à-vis d’un étranger et sur ses blasphèmes. […] Il fit venir sur-le-champ son trésorier, M. d’Orbec, et lui ordonna de me les donner vieux et de bon poids. […] C’est alors que la duchesse me dit de m’en rapporter à elle ; ce que je refusai pour mon malheur. » Cette série de vicissitudes était couronnée par le bonheur de famille que la Providence avait réservé pour les jours avancés de Benvenuto, en récompense des soins si tendres qu’il avait lui-même témoignés à son vieux père, et de la vive affection qu’il avait nourrie pour ses sœurs.
Sauf ces quelques nuances, le fond est resté ce qu’il était ; les péripéties, les combinaisons, les types d’un usage éprouvé s’y retrouvent pour nous à l’état de vieilles connaissances ; et le but unique, le but suprême ; battre monnaie avec l’encrier, n’a fait que se préciser davantage. […] On prend à droite, on pille à gauche ; on découpe dans le tas des livraisons anciennes, ici une rubrique à effet, là quelque bout de scène ayant sa place marquée d’avance ; ou bien c’est un vieux cliché qu’on aurait tort de laisser se perdre ; ou c’est une situation maîtresse, qui n’appartient plus à personne, tant elle a passé de main en main… Et les phrases toutes faites, on n’a qu’à les cueillir. […] Ce sont de vieux romans au complet qu’ils rebaptisent d’une étiquette toute fraîche et dont ils ne traînent pas à toucher les revenus, en lieu et place des auteurs défunts. […] Combien de fois eux-mêmes ne se sentiraient-ils pas écœurés, s’ils devaient lire dans le calme les vieilles histoires abêtissantes et stupéfiantes, qui sont la base et le fond de leur littérature ! […] Vieux jeu, direz-vous ; mais on y revient à ce vieux jeu et la preuve c’est que le livre comme le théâtre se meurent du nouveau jeu.
Croce identifie l’intuition avec l’expression, je suis heureux de le voir si pleinement d’accord avec un vieux critique qu’ailleurs il ne ménage guère ; c’est Boileau, qui a dit : Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. […] Ces « sources », que nos érudits retrouvent sous la poussière des vieux bouquins, elles étaient alors plus ou moins connues de tous ; le lecteur de Poliziano, de Bembo, de Du Bellay, saluait au passage tel auteur ancien et se réjouissait de le voir heureusement « translaté » en langue moderne. […] Mais, dussé-je paraître vieux jeu aux esthètes les plus récents, j’ajoute : le Beau est la splendeur du Vrai49, et le Vrai c’est aussi le Bien. […] Mais D’Annunzio est plus moderne ; il pond ses œuvres dans un court accès de fièvre, avec une assurance émancipée de toutes les règles ; quelles que soient ces œuvres, et quoi qu’en pensent les vieilles barbes de la rhétorique, elles sont de l’art tout court, puisque leur auteur est un artiste. […] On m’objectera que Dumas est vieux jeu, et que, membre de l’Académie… L’insinuation serait gratuite ; on pourrait la réfuter avec d’autres exemples ; mais quittons la France, facilement suspecte d’hellénisme, et prenons, dans le Nord, un auteur qui certes n’a pas craint de rompre avec toutes les traditions : Ibsen.
Elle y dénonce la plaie qui n’est pas seulement celle du grand monde, mais du monde entier, celte vieille plaie de Pilate, que Dante punissait par l’enfer des tièdes, et que, de nos jours, tant de novateurs généreux, à commencer par elle, se sont fatigués à insulter. […] Qui a osé douter qu’il n’y ait là de hautes inspirations, et qui n’a dit avec l’Apôtre : « Les choses vieilles sont passées, voici que toutes choses sont faites nouvelles ? […] Dans ce château où elle fut, près du camp de Vertus, tout l’entourage de Mme de Krüdner, plus ou moins, prêchait à son exemple ; sa fille, son gendre prêchaient la famille du vieux gentilhomme qui les logeait ; la jeune femme de chambre elle-même prêchait le vieux domestique du château.
Un règlement imposé au maréchal de Ségur105 vient de relever la vieille barrière qui excluait les roturiers des grades militaires, et désormais, pour être capitaine, il faudra prouver quatre degrés de noblesse. […] Mais depuis il a représenté qu’il dépenserait par-delà son revenu, et le roi lui a rendu ses 50 000 écus. » — Vingt ans plus tard, en 1780, quand Louis XVI, voulant soulager le Trésor, signe « la grande réforme de la bouche », « on donne à Mesdames 600 000 livres pour leur table » ; rien qu’en dîners, voilà ce que trois vieilles dames, en se retranchant, coûtent au public. […] De plus, autour de lui, nombre de gens experts, vieux conseillers de famille, rompus aux affaires et dévoués au domaine, bonnes têtes et barbes grises, lui font respectueusement des remontrances quand il dépense trop ; souvent ils l’engagent dans des œuvres utiles, routes, canaux, hôtels d’invalides, écoles militaires, instituts de science, ateliers de charité, limitation de la mainmorte, tolérance des hérétiques, recul des vœux monastiques jusqu’à vingt et un ans, assemblées provinciales, et autres établissements ou réformes par lesquels un domaine féodal se transforme en un domaine moderne. […] Lord, en vieux saxon, signifie « celui qui nourrit ».
Sa vieille église, remarquée des voyageurs par son caractère oriental et par ses découpures de pierre, porte l’hiver son linceul de neige, comme une morte attendant le fossoyeur sur la grille du cimetière ; des maisons de paysans isolées ou groupées, une auberge peinte s’ouvrent sur la principale rue ; sa porte est obstruée par une file de ces chariots comtois, attelés d’un seul cheval au collier garni de sonnettes, caravane de montagnes tout à fait semblable aux interminables caravanes de chameaux de Mésopotamie qu’on rencontre dans les défilés de Damas ; de petits champs pierreux ou quelques grasses chènevières, de noir humus tombé des rochers et retenu par des murs de pierres sèches autour de l’étable, voilà Saint-Lupicin. […] Cette maison, moitié seigneuriale, moitié bourgeoise, ressemble au donjon d’un vieux manoir féodal dont le temps a emporté les deux ailes, et qui est resté debout comme un vestige et comme un asile de l’antique famille dont elle abrite encore les débris. […] Des chambres dont le plancher est couvert de livres et de gravures, la vaste cheminée où pétillent les copeaux de sapin, reste de la hache des bûcherons, une vieille nourrice devenue servante et reine des cuisines, des laboureurs et des bergers gardiens de ces belles vaches du Jura, quelques fermiers des hautes métairies qui lui payent leurs redevances sur la fin de l’automne, en fromages et en rayons de miel de leurs ruches, voilà tout le luxe, tout le mouvement, toute l’opulence du gentilhomme du Jura. […] Fauvel, un creux habitable dans une ruine d’Athènes, une chambre basse sous un oranger et un figuier dans un jardin de Smyrne, ou, comme M. de Ronchaud, un vieux donjon de leurs pères sur un plateau pierreux au bord d’un torrent, en face de l’horizon præceps et dentelé du sauvage Jura, sont-ils au fond les plus heureux des hommes : leur caractère se ressent du calme des tombeaux qu’ils visitent, de la sérénité du désert qu’ils parcourent, de la splendeur limpide des cieux ; car l’antiquité grecque, romaine, asiatique, a laissé dans les pyramides, dans les Thèbes, dans les Panthéons, dans les Palmyres, dans les Balbeck, dans les Colisées, les vestiges de ses grandeurs, les cadavres de ses monuments mutilés.
En somme, psychologie nulle, drame insignifiant, tableaux curieux, art original et puissant, vision presque hallucinatoire du vieux Paris et de son immense cathédrale, voilà ce que V. […] Voyez l’envieuse : c’est la cousine Bette, une vieille fille de la campagne, sèche, brune, aux yeux noirs et durs. […] On peut dire que sa plus profonde psychologie est dans ses descriptions d’intérieur, lorsqu’il nous décrit l’imprimerie du père Séchard, la maison du bonhomme Grandet, la maison du Chat qui pelote, un appartement de curé ou de vieille fille, les tentures somptueuses ou fanées d’un salon ; c’est sa méthode, à lui, d’analyser les habitudes morales des gens qui ont façonné l’aspect des lieux. […] Le curé de Tours, César Birotteau, des parties d’Ursule Mirouet, de la Vieille Fille, certains morceaux des Paysans, de Un grand homme de province à Paris, etc., sont de curieuses scènes de mœurs locales ou professionnelles : même dans cette extravagante Femme de Trente Ans, ou dans ces fastidieux Employés, il y a quelques tableaux d’une réalité intense.
Nous avons vu, ces dernières années, d’honorables opéras, tout d’à peu près et de prudence où le vieux était masqué et le neuf dissimulé, tomber les uns après les autres. […] Wagner a suivi la première partie de la légende ; mais il devait omettre l’originale façon dont Iseult se déroba au roi, et les nombreuses mésaventures du vieux Marc’h. […] Nous en citerons quelques extraits : « Dans la forêt de Morais, il y avait une belle fontaine bordée de mousse épaisse et ombragée par un vieux chêne. […] Le roi se laissa conduire et se cacha dans le vieux chêne qui ombrageait la fontaine.
L’apparition de Roland parmi les oncles ennemis du roi de Galice, Philippe II songeant en son palais au-dessus du jardin où l’infante effeuille une rose, l’aigle héraldique d’Autriche contredit par l’aigle helvétique, dans le Romancero du Cid, le vieux héros fidèle au roi qu’il censure, entrechoquent deux spectacles ou deux humeurs. […] D’autres ainsi : Jules votre château, tour vieille et maison neuve. […] Toute la science humaine (l’Ane) se résume en des livres vieux, poudreux et baroques. […] Les sourdes ténèbres du lieu, les vieilles et puériles lois latines psalmodiées par le greffier, les paroles surhumainement graves, adressées par le juge, une touffe de fleurs à la main, à la misérable guenille d’homme devant lui, écartelé nu entre quatre piliers et oppressé de masses de fer, la bouche râlante, la barbe suante, la peau terreuse, muet et les yeux clos, cela est énorme et admirable.
Il a, ce rhétoricien d’autrefois, toujours défendu son droit de faire des phrases… et c’est même la seule nouveauté et la seule portée du vieux livre composé avec des centons de dix ans, qu’il ne craignit pas de republier. […] Il ne relève plus que des linguistes et des archéologues, et n’a de saveur appréciable que pour quelques dégustateurs littéraires qui démêlent, comme certains chimistes, la présence d’un arôme que le temps n’a pas encore entièrement rongé dans une liqueur vieille de plusieurs siècles. […] Depuis quarante ans, il est une de ses plus vieilles et de ses plus tranquilles compotes, et c’est un spectacle curieux offert par le temps, un spectacle triste ou gai, comme vous voudrez le prendre, mais curieux, que cette gloire facile, indiscutée, faite tout de suite et conservée à un homme qui n’a en lui pourtant, pour tout talent, que les feuilles du dictionnaire et une espèce d’art dans la manière de les tourner ! […] Fox, c’est, dans la question de la régence lors de la démence du roi d’Angleterre, l’homme des soupers du prince de Galles et l’orateur des Communes qui fit le plus d’efforts pour mettre la vieille royauté anglaise sous les pieds de son Parlement.
Il sort avec éclat du juste milieu des théories, de la vieille danse des équilibres, de la prudence des ménagements, de l’hypocrisie des respects, et voilà pourquoi nous signalons très haut le livre qu’il ose publier. […] Tout le monde l’a exaltée, jusqu’au vieux Corneille, qui la tenait probablement du cardinal de Richelieu, lequel la tenait, lui, on ne sait nommément de qui, car ç’avait été un savant de Sorbonne que le cardinal de Richelieu, dans sa jeunesse, et M. […] Ferrari et qui aime le plus les idées extrêmes, parce qu’elles balaient toujours très bien les entre-deux, peut-elle laisser passer, comme une vérité sans conteste, cette abstraction d’une inflexible mathématique dans l’histoire, — fût-ce pour le bon motif d’étouffer la raison d’État des politiques et d’en finir avec ce vieux sophisme retiré qui règne toujours, quoique aplati, au fond du système des habiles et du doctrinarisme des constitutions ? […] Il compose les séries et les décompose, et on reconnaît dans l’agilité de ce beau joueur d’échecs historiques, je ne sais quoi du phalanstérien des vieux jours.
Le recueil des Mémoires de l’Académie de Caen en particulier est rempli de recherches sur nos vieux poètes dont un si grand nombre sont normands. […] Il suit aucune fois un cerf par les foulées, Dans ces vieilles forêts du peuple reculées… Laissons le chasseur disparaître dans la profondeur de ces grandes allées sombres, qui nous sont traduites par cette harmonie même. […] Son ode intitulée La Belle Vieille est célèbre ; elle s’adresse à une de ces beautés comme nous en avons connu, qui défient les années et dont les retours de saison ont des triomphes comme les printemps : Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête : Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris, Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.
Le pédantisme déjà suranné de ces recherches et de ces gentillesses d’impression fait bien pendant à ce qu’on raconte du costume de Sully lorsqu’il reparut un jour, avec ses habits à la vieille mode, en pleine cour de Louis XIII. […] Quand on ouvre, au Cabinet des estampes, le cahier où sont les portraits de Sully et de sa femme, on y voit le Sully tel qu’il nous a été transmis par la gravure et qu’il est fixé dans la mémoire, c’est-à-dire vieux, le front haut et chauve, la figure sillonnée et rude, l’air fâché, avec barbe longue et moustache grise, le tout encadré dans cette fraise bien roide que nous savons, et son écharpe sur l’armure. […] Pendant une peste ou maladie contagieuse qui avait régné dans le pays de Rosny en 1586, il était venu la visiter, la tranquilliser ; il l’avait trouvée enfuie du château, réfugiée dans celui d’une tante, avec trois ou quatre de ses gens ; et là, s’étant enfermé avec elle, et n’ayant lui-même pour tout monde avec lui qu’un de ses gentilshommes, un secrétaire, un page et un valet de chambre, il demeura tout un mois en compagnie de sa douce moitié, sans être visité de créature vivante, tant chacun fuyait la maison comme pestiférée : Et néanmoins, écrivent les secrétaires, à ce que nous vous avons souvent ouï dire depuis, vous n’avez jamais fait une vie si douce ni moins ennuyeuse que cette solitude, où vous passiez le temps à tracer des plans des maisons et cartes du pays ; à faire des extraits de livres ; à labourer, planter et greffer en un jardin qu’il y avait léans ; à faire la pipée dans le parc, à tirer de l’arquebuse à quantité d’oiseaux, lièvres et lapins qu’il y avait en icelui, à cueillir vos salades, les herbes de vos potages, et des champignons, columelles et diablettes que vous accommodiez vous-même, mettant d’ordinaire la main à la cuisine, faute de cuisiniers ; à jouer aux cartes, aux dames, aux échecs et aux quilles… Et n’allons pas oublier le dernier trait que notre fausse délicatesse supprimerait et qui sent son vieux temps : « à caresser madame votre femme, qui était très belle et avait un des plus gentils esprits qu’il était possible de voir ».
Elle s’y adonna avec un dévouement à la cause commune qui ne saurait se contester : ni le maréchal de Bouillon qui finissait et qui dès longtemps n’était plus qu’un politique consultant, ni le vieux Lesdiguières qui pensait à se convertir et à se retourner contre ses anciens frères, ni les La Trémouille, ni les La Force, ni les Châtillon, dont les résolutions n’étaient pas de longue haleine, aucun n’essaya, dans ces nouvelles levées de boucliers, de le disputer aux Rohan. Sans parler de sa mère, femme forte, de vieille roche, l’inspiratrice et l’âme des résistances, et sur laquelle nous aurons tout à l’heure à revenir ; sans parler de sa femme, de cette fille de Sully, beauté toute jolie et mignonne, épouse des plus légères, mais fidèle politiquement et auxiliaire active et dévouée, Rohan avait pour second son frère : ce cadet, Benjamin de Rohan, connu sous le nom de Soubise, était l’homme de mer, l’amiral des Églises, de même que Rohan en était le généralissime sur terre et dans les montagnes. […] [NdA] Anne de Rohan, non mariée, fille de piété et d’esprit, savante comme on l’était au xvie siècle, faisant des vers français à la vieille mode et sachant l’hébreu tellement qu’au prêche, pendant qu’on chantait les psaumes en français dans la version de Marot, elle se les récitait mentalement dans la langue de David.
Causant donc un jour avec Marolles et dans son cabinet, il le mit sur son sujet favori, et, lui parlant de sa collection que l’heureux possesseur prétendait aussi complète que possible, il éleva un doute, et, ayant excité l’étonnement du bonhomme, il en vint par degrés à lui conter l’histoire : « Je suis bien sûr, concluait-il, que vous n’avez pas cette estampe des Scieux de long 32. » — « Je suis bien vieux, lui répondit Marolles après un court moment de réflexion, et je ne puis guère bouger de mon fauteuil ; mais soyez assez bon pour monter sur ce petit gradin et pour prendre là-haut sur cette tablette (la première ou la seconde) ce grand in-folio que voilà. » Jean Rou fit ce qu’il lui disait, et Marolles n’eut pas plutôt le volume entre les mains qu’il lui montra, à la troisième ou quatrième ouverture de feuillet, la petite estampe si mystérieuse et si désirée dont lui, le petit-fils de Toutin, avait toujours ouï parler sans la voir· — Si vous concevez chez un homme de quatre-vingts ans une plus vive et plus délicieuse satisfaction que celle que Marolles dut éprouver à ce moment, dites-le-moi. […] Je me lève le plus matin qu’il m’est possible, et me couche le plus tard que je puis ; cependant la journée me semble trop courte, et plus je m’occupe, plus le temps semble fuir comme un trait d’arbalète ou un vol d’oiseau. » N’est-ce pas ainsi que le vieux Venceslas disait de ses insomnies volontaires : Ce que j’ôte à mes nuits, je l’ajoute à mes jours. […] [NdA] On prononçait scieux à la vieille mode.
En un mot, les vieux académiciens voisins de la fondation et contre lesquels, à ses débuts, Boileau avait eu à guerroyer vécurent assez pour donner la main à des académiciens plus jeunes et qui, dès le début, se retrouvaient opposés à leur tour à Boileau déjà mûr ou déjà vieux. […] … non pas les amis du Régent, à qui cela était bien égal et qui en pensaient tout autant, mais les partisans de la vieille Cour, les hommes des regrets, les Villeroy, les Fleury, les Polignac, qui en font leur affaire, et qui piquent d’honneur l’Académie où ils se sentent maîtres (ils ne l’étaient plus que là), l’Académie de tout temps vouée à diviniser le grand roi et qui mettait chaque année au concours une de ses vertus.
Cette belle Euménide, au front calme, au dédaigneux sourire, était, on le sait, par le sang, de la race du vieux Corneille, une arrière-petite-fille du grand tragique. […] Chaque chartreux avait devant lui un pot d’étain, d’une pinte, rempli de bière, un autre de même dimension, rempli de vin de Champagne ordinaire, et une bouteille cachetée de vin vieux ; et ce qu’il ne buvait pas était porté par les frères lais dans le tour placé à côté de la porte de la cellule ; on servait à chacun une tranche d’esturgeon d’une livre, du poisson de rivière en pareille quantité, une omelette de six œufs, du pain frais à volonté, du fromage et les plus beaux fruits. […] Pour moi, j’allais des uns aux autres ; sachant que j’avais la permission de leur parler, les uns me questionnaient sur ce qui se passait hors du cloître, les autres sur la théologie ; les vieux m’exhortaient à partager leur sort, tandis que les jeunes, croyant que je devais entrer au noviciat, me regardaient ou avec pitié ou avec des yeux surpris et hébétés. » Il est inutile de dire la fin de l’aventure ; on la devine de reste, et tout se rejoint aisément.
Son accoutrement consistait en un habit brun du matin tout rapé, une paire de vieux souliers en guise de pantoufles, une petite perruque ratatinée au sommet de la tête, avec ses manches de chemise flottantes et ses cordons de culotte mal attachés. […] La Vieille du Deffand ne lui accorde rien de vrai et de sincère. […] Caillot d’un extrait du procès-verbal de la séance du 3 octobre 1793 (vieux style), constatant que notre Comité ne connaissait aucuns suspects ; — au bas duquel on a certifié « que les deux citoyennes Boufflers, en particulier, n’avaient donné aucune preuve d’incivisme ; qu’au contraire elles avaient manifesté la plus parfaite soumission aux lois. » Une autre pièce, également à décharge, présentait d’une manière avantageuse leur conduite depuis leur rentrée, et nous prouve toute la bienveillance qu’elles inspiraient : « An II, 5 germinal (25 mars 1794). — Extrait d’un tableau d’observations (en conciance) envoyé ledit jour par le Comité de surveillance d’Auteuil au Directoire du district de Franciade (Saint-Denis).
s’écrient à bon droit les vieux amateurs de notre scène […] Dans la pièce espagnole, c’est don Arias qui suggère l’idée de tenter cette épreuve sur le cœur de Chimène et de faire annoncer par un domestique la mort de Rodrigue ; et il y a cela de bien et de naturel que le vieux don Diègue, en entendant ce faux rapport, se dit à part soi dans son cœur de père : « Ces nouvelles, quoique je les sache fausses, m’arrachent des larmes. » A la brusque nouvelle de la mort de Rodrigue, Chimène s’est trahie ; elle a changé de couleur et va se pâmer : le roi se hâte de la détromper pour la faire revenir ; mais il s’est trop pressé, le bon roi, et Chimène se dédit par ce vers : « Sire, on pâme de joie ainsi que de tristesse. » Ceci est pris dans l’espagnol. […] Le vieux don Diègue est, au contraire, pour qu’on accorde le duel, comme on l’a fait tant de fois en pareille rencontre, et pour que Rodrigue soit traité sans aucun égard personnel, sans rien qui sente l’exception : « Sire, ôtez ces faveurs qui terniraient sa gloire… Le comte eut de l’audace, il l’en a su punir : Il l’a fait en brave homme et le doit soutenir. » Ce don Diègue parle, à chaque coup, la plus simple et la plus belle langue de Corneille.
À Sainte-Barbe, il se trouvait, non de la même année, mais en même temps que Scribe, plus âgé que lui et déjà en rhétorique, « Eugène Scribe, ce piquant dramaturge qui, en renversant les bases de la vieille comédie, et en en faisant l’ingénieuse contrepartie, a fait pendant vingt-cinq ans les délices de la société européenne » ; j’emprunte la phrase de M. […] Mme Dufrenoy, dévouée à un mari vieux et aveugle, puis à une mère, à un fils distingué, avait de plus, en ces années, une amie du nom de Jenny, qui paraît avoir éprouvé pour M. […] On entre chez Mathieu de Montmorency, qu’on trouve priant au bord de son lit. « M. de Constant s’est empoisonné », lui cria-t-on. — « Il faut chercher un médecin », reprit-il, et il continua ses patenôtres. » Et, se rabattant sur Benjamin Constant, il continuait lui-même sur le ton de médisance : « Constant est tellement usé, il a tellement besoin que quelqu’un l’anime et le travaille, que je lui disais que vieux et ne pouvant plus quitter le coin de son feu, il donnerait de la tête contre le marbre de la cheminée pour se secouer.
Quels que puissent être les féconds résultats de cette vertu d’âne et de cette maladie de débauché, je ne vois guère l’une ni l’autre chez Corneille, chez Rembrandt, chez Hugo, qui travaillaient vite et vivaient vieux… Mais allons-nous discuter sérieusement les aphorismes prétentieux de trop matériels ironistes ? — Par contre, si, évoquant le vieux sens mythologique et liturgique, on veut désigner par ce vocable une faculté mystérieuse, une force semi-divine, un don accordé à quelques élus qu’on peut nommer et compter, je demanderai, de bonne foi, sur qui est descendue cette grâce et à quelle auréole on la reconnaît. […] La récitation ne vaut que si elle est en même temps audition… Mais, de nouveau, ne va-t-elle pas grincer, la vieille guitare : « faire rire les honnêtes… » ?
Quels que puissent être les féconds résultats de cette vertu d’âne et de cette maladie de débauché, je ne vois guère l’une ni l’autre chez Corneille, chez Rembrandt, chez Hugo, qui travaillaient vite et vivaient vieux… Mais allons-nous discuter sérieusement les aphorismes prétentieux de trop matériels ironistes ? — Par contre, si, évoquant le vieux sens mythologique et liturgique, on veut désigner par ce vocable une faculté mystérieuse, une force semi-divine, un don accordé à quelques élus qu’on peut nommer et compter, je demanderai, de bonne foi, sur qui est descendue cette grâce et à quelle auréole on la reconnaît. […] La récitation ne vaut que si elle est en même temps audition… Mais, de nouveau, ne va-t-elle pas grincer, la vieille guitare : « faire rire les honnêtes…. » ?
Après Villehardouin, qui demeure comme le premier monument à l’horizon, on a, même dans ces vieux siècles, une succession d’admirables tableaux d’histoire tracés par des témoins et des contemporains, Froissart, Commynes, et d’autres après eux. […] Saint-Simon, né en janvier 1675, d’un père déjà vieux, ancien favori de Louis XIII, et qui devait à ce prince toute sa fortune ; élevé par une mère vertueuse et distinguée, manifesta de bonne heure un goût inné pour la lecture, et pour celle de l’histoire en particulier. […] Il a la franchise des Gaulois, ou, si l’on veut, des vieux Francse.
Ce livre fait beaucoup d’honneur à M. de Blignières, qui est professeur de rhétorique dans l’un de nos collèges de Paris (Stanislas) ; la science dont il fait preuve n’est pas la seule chose qui plaise en lui ; son affection pour Amyot décèle ses mœurs, une âme qui aime les lettres, et qui les aime avec cette humanité d’autrefois, avec cette chaleur communicative qui est propre à gagner la jeunesse, et que possédaient les vieux maîtres. […] Amyot est un des noms les plus célèbres de notre vieille littérature ; on dit le bon Amyot, sans trop savoir, comme le bon Henri IV, comme le bon La Fontaine. […] Fénelon, dans sa Lettre à l’Académie, citait Amyot comme exemple de ce qu’il y a de plus regrettable dans le vieux langage.
L’héroïne, en effet, est captive ; elle est comtesse ; elle est enfermée dans une tour avec son vieux père, prisonnier d’État. […] Le vieux prisonnier d’État a été trompé, trahi, donc il hait les hommes, donc son idée unique, durant vingt-deux ans de réclusion, est la misanthropie, jusqu’au dénoûment où en un clin d’œil il se corrige.
Les membres les plus illustres du vieux congrès, les auteurs de la déclaration d’indépendance, promus successivement au pouvoir, y ont éprouvé à loisir leurs idées et les ont léguées à une génération mûrie de près à leurs exemples. […] Pour nous, enfants du vieux monde, trop habitués à ramasser les testaments sacrés des grands républicains, nos pères, par lambeaux, au pied des guillotines, dans les recoins des geôles où l’appel se faisait chaque matin, dans les fentes des cavernes où on les traquait, c’est un nouveau et rafraîchissant spectacle d’entrer, par-delà l’Atlantique, dans ces spacieuses résidences rurales, Mount-Vernon, Monticello, ces fermes d’immense culture, peuplées de fabriques, retraites animées d’un Washington, d’un Jefferson, d’un John Adams, d’un de ces vieillards qui ont travaillé et veillé, cinquante ans durant, à la même œuvre.
Les trois grandes questions qui travaillaient, il y a quinze jours, l’Orient, l’Amérique du Nord et la vieille Angleterre, sont encore pendantes. […] Va donc, et laisse au loin les ronces dispersées, La paille du vieux nid, les chansons du loisir ; Qu’il ne te reste rien des anciennes pensées, Rien qu’un germe fécond de vie et de désir.
Parcourez aujourd’hui la France ; si la Révolution a diminué les différences de fortune, la centralisation a augmenté les différences de culture : une seule cité maîtresse où fourmillent et pullulent les idées engorgées qui s’étouffent et se fécondent infatigablement par le travail et le mélange de toutes les sciences et de toutes les inventions humaines, alentour, des villes de provinces inertes où des employés confinés dans leur bureau et des bourgeois relégués dans leur négoce vont le soir au café pour regarder une partie de billard et remuer des cartes grasses, bâillent sur un vieux journal, songent à dîner et digèrent sur des cancans ; plus bas encore, des paysans qui ont pour bibliothèque un almanach, lequel est de trop bien souvent, puisque la moitié d’entre eux ne sait pas lire, qui votent en moutons, et trouvent que ce vote est une corvée, ignorants, apathiques, incapables d’entendre un mot aux intérêts de l’Etat et de l’Eglise, habitués à laisser leur conscience et leurs affaires aux mains des gens qui ont un habit de drap. […] Il s’arrête devant un taudis, s’occupe des vieilles poutres enfumées, du bahut luisant, des enfants rougeauds qui se traînent par terre en grignotant des tartines, de la ménagère qui caquette, le poing sur les hanches, et gourmande son homme penaud.
Lui seul entendra, chaque fois que le mot sera prononcé, certain sifflement de balle, certain amortissement de ce bruit dans la chair vivante, lui seul verra certaine grimace, certaine contorsion de l’homme qui meurt, certain geste indifférent du vieux soldat, certaine colère du vaincu, lui seul évoquera certain regard d’un ennemi rencontré dans une charge, certaine parole, certaine lumière, certain paysage : un monde d’impressions ressenties une seule fois par un seul homme surgira au son de deux syllabes banales. […] Mais il faut exercer un contrôle sévère, et ne point sacrifier la légitime exigence d’une idée personnelle à la vieille camaraderie des mots.
J’offre ce livre « à qui lit », comme disaient les honnêtes préfaces du vieux temps, à quiconque lit nos écrivains français. […] Je suis porté à croire que si l’on donnait des éditions, je ne dis pas scolaires, mais simplement communes et populaires des chefs-d’œuvre de la vieille langue, si quelques spécialistes mettaient leurs soins à établir pour ces éditions une orthographe moyenne et partiellement conventionnelle, qui fixât les mots dans une forme unique d’un bout à l’autre de chaque œuvre et pour certains groupes assez larges d’écrivains, et qui facilitât la lecture des textes originaux, on ferait aisément entrer le meilleur de notre moyen âge dans le domaine commun de la littérature.
Armand Silvestre On dit qu’il n’y a plus d’hommes de génie dans ce dernier tiers du siècle, et en effet ceux qui passent pour en avoir se font vieux, et il se peut bien que le temps des génies soit passé. […] Elle n’a pas trop l’air de s’entendre, la vieille Lélia ; mais enfin elle admire son filleul.
Il lui a dit finalement : Ma chère fille, je laisse dans votre âme virginale l’expérience d’un vieux roué. […] C’est le chef-d’œuvre de la Volonté (je mets, comme Baudelaire, une majuscule), le dernier mot de l’invention en fait de sentiments, le plus grand plaisir d’orgueil spirituel… Et l’on comprend qu’en ce temps d’industrie, de science positive et de démocratie, le baudelairisme ait dû naître, chez certaines âmes, du regret du passé et de l’exaspération nerveuse, fréquente chez les vieilles races… Maintenant il va sans dire que le baudelairisme est antérieur à Baudelaire.
J’en dirai autant des bergers, sauf Lamotte, dont l’amour pour la dame de Sceaux, « pareil, dit Fontenelle, à celui de Voiture pour Mlle de Rambouillet, était plus parfaitement privé d’espérance et sans doute infiniment plus disproportionné18. » Il en est des vieux ridicules comme des vieilles modes ; en recommençant, ils empirent.
Gandillot brillait d’un vif éclat et Francisque Sarcey, au nom du bon sens et de la vieille gaieté française, imposait un idéal médiocre. […] Armand Silvestre s’imaginait qu’il suffisait de verser dans l’ordure pour égaler nos vieux conteurs gaulois.
Mais quand tu fais un repas, invite les pauvres, les infirmes, les boiteux, les aveugles ; et tant mieux pour toi s’ils n’ont rien à te rendre, car le tout te sera rendu dans la résurrection des justes 507. » C’est peut-être dans un sens analogue qu’il répétait souvent : « Soyez de bons banquiers 508 », c’est-à-dire : Faites de bons placements pour le royaume de Dieu, en donnant vos biens aux pauvres, conformément au vieux proverbe : « Donner au pauvre, c’est prêter à Dieu 509. » Ce n’était pas là, du reste, un fait nouveau. […] Un vieux mot, « paradis », que l’hébreu, comme toutes les langues de l’Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d’abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous : un jardin délicieux où l’on continuerait à jamais la vie charmante que l’on menait ici-bas 549.
Jésus, qui tenait fort aux bonnes vieilles mœurs, engageait les disciples à ne se faire aucun scrupule de profiter de cet ancien droit public, probablement déjà aboli dans les grandes villes où il y avait des hôtelleries 830. « L’ouvrier, disait-il, est digne de son salaire. » Une fois installés chez quelqu’un, ils devaient y rester, mangeant et buvant ce qu’on leur offrait, tant que durait leur mission. […] Comparez les plus vieilles représentations de la Cène rapportées ou rectifiées par M. de Rossi dans sa dissertation sur l’[Greek : ICHTHUS] (Spicilegium Solesmense de dom Pitra, t.
Décidément ces Italiens, depuis le vieux Nævius, sont des pillards et des imitateurs. […] Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire ». — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme.
Ce vilain problème a été posé : faire avancer le bien-être par le recul du droit ; sacrifier le côté supérieur de l’homme au côté inférieur ; donner le principe pour l’appétit ; César se charge du ventre, je lui concède le cerveau ; c’est la vieille vente du droit d’aînesse pour le plat de lentilles. […] Aucun génie actuel ou possible ne vous dépassera, vieux génies, vous égaler est toute l’ambition permise ; mais, pour vous égaler, il faut pourvoir aux besoins de son temps comme vous avez pourvu aux nécessités du vôtre.
Elle était alors veuve du chef auguste de la religion, ainsi qu’elle avait été veuve du peuple-roi qui lui-même avait succédé aux peuples agrestes du vieux Latium. […] Ils devraient cependant être bien rassurés à présent ; car il ne peut plus être question de rétablir notre vieille religion sociale, mais d’affaiblir la haine qu’on lui porte, et d’établir que ses dogmes nous furent utiles.
Les autres, moins persuadés que le Céleste Empire soit céleste, ont fait du peuple-phénomène qui l’habite une nation de la date de beaucoup d’autres dans la chronologie asiatique, malgré ses prétentions exorbitantes à l’antiquité ; ni plus grand, ni plus fier, ni plus sage que tous les idolâtres de la terre, que toutes les races tombées et dispersées aux quatre vents de la colère de Dieu, abominablement corrompu, — ce qui lui donne ce petit air vieux qui nous fait croire à sa vieillesse, car la corruption vieillit le multiple visage des peuples comme la chétive figure de l’homme, — laid jusqu’à la plus bouffonne laideur, et, si l’on s’en rapporte aux œuvres qui sortent des mains patientes et industrieuses de ce peuple stationnaire, encagé dans son immuable empire du Milieu, ces œuvres de prisonnier qui s’ennuie et qui apparaissent comme des prodiges à notre fougue occidentale, ayant l’intérieur de la tête aussi étrangement dessiné que le dehors, le cerveau conformé comme l’angle facial ! […] ce que nous avons cherché, avant tout, dans ces deux volumes, aussi typographiquement qu’intellectuellement illisibles, c’est de nouvelles et meilleures raisons d’admirer la Chine, puisque Pauthier et Bazin l’admirent, que les vieilles raisons, devenues sournoises, du xviiie siècle !
Certainement, à elle seule elle n’a pas créé cet amour fiévreux du théâtre, naturel à l’homme, et qui devient la plus malsaine manie des peuples vieux, civilisés et corrompus ; mais elle l’a exaltée outre mesure, et elle en a fait à cette heure quelque chose d’inouï, — sans exemple et sans nom. […] Le vieux mot qu’on a tant répété : « la littérature est l’expression de la société », n’est plus juste.
Il y a, j’aime à le répéter, en Barot une virtualité littéraire ; mais la démocratie, la démocratie radicale, matérialiste, positiviste, la vraie démocratie « de nos abominables jours », comme dirait le vieux Malherbe, l’a saisi et a rapetissé, en l’étreignant, son intelligence, comme lui, en l’étreignant, a rapetissé l’histoire… La démocratie lui a imposé ses besognes. […] Or, à part la démocratie qui y coule à pleins bords, — comme dit la vieille phrase consacrée, — le livre de Barot n’est que cela.
Eh bien, c’est cet esprit-là, — l’esprit historique, — si rare dans ce siècle, où le passé est traité insolemment de vieille barbe et de vieille guitare par des polissons qui auraient méprisé le sénat romain dans sa majesté, comme les Gaulois leurs ancêtres !
Mais c’est, tout à la fois vulgaire et précieux, sentant d’une lieue sa vieille mythologie grecque, à laquelle, moins que personne, M. […] Pour les attardés qui parlent encore de Dieu, et qui bourrent leurs livres de ce vieux fagot avec lequel les hommes ne veulent plus se chauffer, il n’y a désormais, par ce temps sans Dieu, que l’enterrement vivant du silence, et le sacrifice des œuvres les plus belles et les plus pleines de lui, à brûler comme un dernier encens sur l’autel secret des Catacombes !
piquant et intéressant sur ce vieux et archivieux thème du xviie siècle, après Cousin, Sainte-Beuve, Bordas-Dumoulin, Pierre Clément, Lanfrey, Thomas, Fournier, qu’il cite, le traître comme s’il les estimait, et derrière lesquels il se met, l’hypocrite ! […] Je le comprends, c’est à en dégoûter… Il a fait du Vieux neuf mieux que Fournier.
l’Érudition et l’Opinion, ces deux vieilles valseuses, pourront bien, en tournant, revenir, les anciennes histoires avaient été un jour déshonorées avec trop d’éclat par le terrible jeune critique qui fut depuis M. […] C’est un druide « qui soutient le libre arbitre de la vieille doctrine gauloise et bretonne, tout au moins de l’école de Lérins, qui sape l’ascétisme par la réhabilitation de la nature et tend à transformer Jésus-Christ en initiateur… Mais — continue M.
… Il y a dans le Musée d’armes de la Critique embarrassée une vieille machine de précaution qui s’appelait autrefois : la conspiration du silence. […] Dans toutes les relations de sa vie, soit dans ses rapports hypocrites, intéressés ou vantards, avec sa famille, soit avec ses libraires, soit avec cette nièce de Corneille qui ne fut qu’une réclame pour lui (comme nous dirions maintenant), et qu’il ne rougit pas d’élever, elle, la nièce du vieux tragique chrétien !
Zola, ou les Mémoires d’une jeune femme, par une autre, de talent déjà vieille, et qui s’appelle M. […] La Saint-Barthélemy, évocation moins impuissante, où un peu d’esprit, emprunté aux mémoires ou aux pamphlets protestants, pétille, tisonné par les pincettes d’un vieux bonhomme qui, comme Guizot, montre à ses petits-enfants la lanterne magique historique — comme on leur montrerait les vaches noires dans le feu — pour les amuser, mais aussi pour nous montrer, à nous, que, pour écrire des scènes historiques, un peu d’esprit ne suffit pas.
Si Michelet revenait au monde, on l’appellerait « une vieille barbe », comme on l’a dit même de Victor Hugo ! […] Mais le vieux chrétien caché sous l’impie ne s’en indigne pas.
Le vieux monde s’est rassis sur ses vieux fondements, et ç’a été tout.