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672. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Si vous causiez un instant avec lui, vous croiriez qu’elle va s’échapper et se mettre en liberté ; mais bientôt vous reconnaîtriez que les liens sont au-dessus des efforts, et qu’il faudra que cela se remue toute la vie, sans se dresser et partir.

673. (1763) Salon de 1763 « [À mon ami Monsieur Grimm. » pp. 171-182

Après la perte de la liberté, plus d’orateurs ni dans Athenes, ni dans Rome ; les déclamateurs parurent en même temps que les tyrans.

674. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Trop tôt ; car si elle eût tardé jusqu’à la Restauration, si elle eût débuté fraîchement à l’origine, elle aurait eu quinze années de pleine liberté et d’ouverte carrière à courir tout d’une haleine. […] Pour les unes, la politique, la liberté, la tribune ; pour les autres, l’administration ou la guerre. […] A des endroits un peu moins antédiluviens, et où nous nous sentirions plus à même de prendre parti, il nous semble que Nodier, érudit, ne triomphe jamais plus sûrement, ne s’ébat jamais avec une plus heureuse licence qu’en plein xvie  siècle, en cette époque de liberté, de fantaisie aussi et de vaste bigarrure, et de style français déjà excellent. […] Il aime, il caresse d’imagination les proscrits, les brigands héroïques, les grands destins avortés, les lutins invisibles, les livres anonymes qui ont besoin d’une clef, les auteurs illustres cachés sous l’anagramme, les patois persistants à l’encontre des langues souveraines, tous les recoins poudreux ou sanglants de raretés et de mystères, bien des rogatons de prix, bien des paradoxes ingénieux et qui sont des échancrures de vérités, la liberté de la presse d’avant Louis XIV, la publicité littéraire d’avant l’imprimerie, l’orthographe surtout d’avant Voltaire : il fera une guerre à mort aux a des imparfaits. […] « Sans attendre des hommes et de vous ni égards ni pitié, je vous apporte ma liberté.

675. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Le peuple croyait défendre sa liberté en défendant ses dieux, à la voix d’un de ses tribuns qui l’ameutait contre Socrate. […] Xanthippe, l’épouse de Socrate, un de ses enfants dans les bras, est auprès de lui et se lamente à la manière des femmes ; on la reconduit dans sa maison pour laisser la liberté d’esprit au philosophe. […] … » Il redouble ensuite ses preuves de l’immatérialité et de l’immortalité de l’âme, en leur démontrant qu’elle gouverne à son gré les sens, lorsqu’elle sait s’en affranchir par sa volonté et par sa liberté. […] « Qu’il espère donc bien de son âme, celui qui, pendant sa vie, a rejeté les plaisirs et les biens du corps comme lui étant étrangers et portant au mal : celui qui a aimé les plaisirs de la sagesse, qui a orné son âme, non d’une parure étrangère, mais de celle qui lui est propre, comme la tempérance, la justice, la force, la liberté, la vérité ; celui-là doit attendre avec sécurité l’heure de son départ pour le meilleur monde. […] La vérité, la liberté, la justice, la charité, la tempérance, la mortification des sens, le dévouement à ses semblables, le désir de la mort pour revivre plus saint ; le sacrifice de soi-même, jusqu’au sang, à Dieu ; la joie dans le supplice volontaire, la foi dans la résurrection, voilà les victoires de l’âme.

676. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Comment sentir la nature, comment aspirer en liberté le parfum des choses, si on ne les voit que dans les formes étroites et moulées d’un système ? […] La liberté de penser est imprescriptible : si vous barrez à l’homme les vastes horizons, il s’en vengera par la subtilité : si vous lui imposez un texte, il y échappera par le contresens. […] Mais il est diversement interprétable, et là recommence la diversité, simulacre de liberté dont on se contente à défaut d’autre. […] C’est une lutte perpétuelle de la liberté et du texte divin. […] Aussi la liberté de penser a-t-elle été jusqu’ici peu favorable aux entreprises qui exigent que des masses d’individus renoncent à leur individualité pour s’atteler au joug d’une grande pensée et la traîner majestueusement par le monde.

677. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

On peut même affirmer sans scandale qu’il y a plus de véritable poésie dans leur prose qu’il n’y en a dans nos vers, parce qu’il y a plus de liberté. […] Le titre et la forme d’entretien que nous avons donnés à ce Cours familier de littérature universelle, disent assez d’eux-mêmes que nous ne procéderons pas toujours méthodiquement dans cet inventaire des œuvres intellectuelles de l’homme ; mais que, pour éviter la monotonie, la satiété et l’ennui, ces fléaux de l’étude, nous passerons quelquefois d’un siècle à l’autre, d’un homme à l’autre, d’un livre à l’autre, avec la logique secrète des analogies, mais aussi avec la liberté de la conversation. L’ordre des matières, qui est le fil dans le labyrinthe, n’en sera toutefois brisé qu’en apparence pour l’ouvrage tout entier ; car nous aurons soin de ne point entrecroiser, dans le même entretien, des sujets appartenant à des temps, à des nations, à des auteurs différents, ce qui jetterait la confusion dans l’ouvrage, mais de consacrer chaque entretien tout entier ou plusieurs entretiens à un seul et même sujet ; nous placerons en tête ou en marge de chacun des entretiens l’époque à laquelle il se rapporte, en sorte qu’à la fin du Cours chacun des lecteurs pourra, en faisant relier ensemble les livraisons, rétablir sans peine l’ordre chronologique, interverti un moment pour la liberté et pour l’agrément de la conversation littéraire. […] Il rend la liberté à l’oiseau divin. […] XXVI Peu de temps après, la belle Damayanti, en folâtrant avec ses compagnes dans une prairie entourée de forêts auprès des jardins de son père, voit s’abattre à ses pieds la volée de cygnes auxquels Nala a rendu la liberté.

678. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

L’intelligence, la pensée, la volonté, la conscience, la moralité ou l’immoralité, le choix entre le bien et le mal, la liberté, la perversité ou la sainteté des actes, sont des phénomènes intellectuels de cet être appelé esprit ; phénomènes aussi inexplicables, mais aussi incontestables pour l’homme de bonne foi, que les phénomènes matériels le sont pour nos sens. […] Ce livre raconte en versets, dont chacun est un vers qui trouve son écho dans un autre vers, les pensées de Dieu, la création du monde en six grandes journées de l’ouvrier divin, qui sont peut-être des semaines de siècles ; la naissance du premier homme, son ennui solitaire dans l’isolement de son être, qui n’est qu’un morne ennui sans l’amour ; l’éclosion nocturne de la femme, qui sort, comme le plus beau des rêves, du cœur de l’homme ; les amours de ces deux créatures complétées l’une par l’autre dans ce premier couple dont le fils et les filles seront le genre humain ; leurs délices dans un jardin à demi céleste ; leur pastorale enchantée sous les bocages de l’Éden ; leur fraternité avec tous les animaux aimants qui parlaient alors ; leur liberté encore exempte de chute ; leur tentation allégorique de trop savoir le secret de la science divine, secret réservé seul au Créateur, inhérent à sa divinité ; leur faute, de curiosité légère chez la femme, de complaisance amoureuse chez l’époux ; leur tristesse après le péché, premier réveil de la conscience, cette révélation par sentiment du bien et du mal ; leur citation au tribunal divin ; les excuses de l’homme pour rejeter lâchement le crime sur sa complice, le silence de la femme, qui s’avoue coupable par les premières larmes versées dans le monde ; leur expulsion ; leur pèlerinage sur la terre devenue rebelle ; la naissance de leurs enfants dans la douleur ; le travail sous toutes les formes, premier supplice de l’humanité ; le premier meurtre faisant boire à la terre le sang de l’homme par la main d’un frère ; puis la multiplication de la race pervertie dans sa source ; puis le déluge couvrant les sommets des montagnes ; une arche sauvant un juste, sa famille, tous les animaux innocents ; puis la vie patriarcale, en familiarité avec des esprits intermédiaires appelés des anges, esprits tellement familiers qu’ils se confondent à chaque instant sur la terre avec les hommes, auxquels ils apportent les messages de Dieu ; puis un peuple choisi de la semence d’Abraham ; des épisodes naïfs et pathétiques, comme ceux de Joseph, de Tobie, de Ruth ; une captivité amère chez les Égyptiens ; un libérateur, un législateur, un révélateur, un prophète, un poète, un historien inspiré dans Moïse ; puis des annales pleines de guerres, de conquêtes, de politique, de liberté, de servitude, de larmes et de sang ; puis des prophètes moitié tribuns, moitié lyriques, gouvernant, agitant, subjuguant le peuple par l’autorité des inspirations, la majesté des images, la foudre de la langue, la divinité de la parole ; puis des grandeurs et des décadences qui montent et descendent de Salomon à Hérode ; puis l’assujettissement aux Romains ; puis un Calvaire, où un prophète plus surnaturel monte sur un autre arbre de science pour proclamer l’abolition de l’ancienne loi, et promulguer pour l’homme, sans acception de tribus, Juifs et païens, une loi plus douce scellée de son sang ; Puis une autre terre et un autre ciel pour l’univers romain devenu l’Europe. […] J’en excepte les nations où, comme en Espagne, en Italie, en Portugal, au Brésil, en Amérique, les secousses des révolutions et les enfantements de l’indépendance ou de la liberté ont redonné aux forces intellectuelles endormies une vitalité qui commence par l’héroïsme et qui finit par la poésie. […] Tout ce qui nous étonne, c’est que, dans de pareilles conditions de lieu, d’heure, d’auditoire, de liberté et d’autorité surhumaines, il n’y ait pas autant de Bossuets qu’il y a d’orateurs dans les chaires de Bossuet.

679. (1739) Vie de Molière

Molière, après la représentation de Nicomède, s’avança sur le bord du théâtre, et prit la liberté de faire au roi un discours, par lequel il remerciait Sa Majesté de son indulgence, et louait adroitement les comédiens de l’hôtel de Bourgogne, dont il devait craindre la jalousie : il finit en demandant la permission de donner une pièce d’un acte, qu’il avait jouée en province. […] Enfin on prendrait la liberté de dire, que Le Misanthrope est une satire plus sage et plus fine que celles d’Horace et de Boileau, et pour le moins aussi bien écrite : mais qu’il y a des comédies plus intéressantes ; et que le Tartuffe, par exemple, réunit les beautés du style du Misanthrope, avec un intérêt plus marqué. […] On prétendit alors que ce genre de versification était plus propre à la comédie que les rimes plates, en ce qu’il y a plus de liberté et plus de variété. […] Les satires de Despréaux coûtèrent aussi la vie à l’abbé Cassaigne ; triste effet d’une liberté plus dangereuse qu’utile, et qui flatte plus la malignité humaine, qu’elle n’inspire le bon goût. […] Le fou qui est représenté dans Molière, n’est point un fou ridicule, tel que le Moron de La Princesse d’Élide ; mais un homme adroit, et qui ayant la liberté de tout dire, s’en sert avec habileté et avec finesse.

680. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Mais le fait est qu’elle est assez pauvre d’œuvres, plus pauvre d’idées, non moins pauvre d’hommes ; et pendant de longues années son originalité ne consistera guère que dans la liberté, toute nouvelle alors, avec laquelle chacun va s’y montrer tel qu’il est. […] C’est au nom de Physis qu’il demande la réformation ou la suppression de tout ce qui s’oppose à la liberté de son développement. […] Et il y a du moine, ou du cordelier, pour mieux dire, dans l’indélicatesse de sa plaisanterie, dans la grossièreté de son langage, dans la liberté de ses manières. […] Personne, moins que lui, n’a cru qu’il nous fût permis de nous abandonner à la liberté de nos instincts, et de borner à la joie de les rassasier l’unique ambition de notre destinée. Personne, moins que lui, n’a cru que la liberté même nous eût été donnée pour en user, et, au contraire, il en a vu le véritable emploi dans son abdication.

681. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

leurs triomphes contre les ennemis de leur liberté les ont remplis d’un certain amour de domination, et d’une manie belliqueuse qui les pousse à faire la guerre à tous leurs voisins. […] Je ne lui reproche publiquement que cette tache à sa gloire : notre liberté nationale m’en donne le droit, et l’habile Périclès la respecte trop pour me l’ôter. […] Ou je m’abuse, ou voilà l’esprit de la saine liberté, qui toujours sait garder un juste milieu. […] Les hommes en crédit, qu’on n’avait plus le droit de nommer, se crurent indirectement signalés ; la liberté de la muse comique se restreignit de plus en plus afin de se soustraire aux coups de la puissance. […] Là, le ridicule outré n’est pas un défaut ; là, se déploie en liberté la force comique.

682. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

L’Allemagne, extérieurement moins splendide, s’illumina jusqu’aux profondeurs de la race ; si elle ne recrée pas la Beauté, elle réintègre la Liberté ; moins et plus que la Renaissance, elle est la Réforme ; voici l’exemple de la Raison délivrée. […] Elle propagea par toute la France et par tout l’univers ses rayons sûrs et précis : la vérité, l’équité, la liberté. […] Voici, après le prodigieux maelström de tout un peuple en rut de liberté et de gloire, la stagnance apparente dans la défaite et dans la royauté. […] Mais si le vers répugne aux discussions actuelles, combien il a le droit de proférer les grandeurs de la justice et de la liberté. […] Non, les libertés prises par les vers-libristes, — libertés qui, d’ailleurs, ne se bornent pas à la suppression de la césure, — ne sont pas la suite nécessaire des libertés conquises par les poètes précédents.

683. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Une foule d’honnêtes personnes se révoltent contre de telles théories, crient au fatalisme et au matérialisme, et prétendent qu’on veut attenter à leur liberté morale. […] C’est notre propre force qui réagit sur nous, notre ancienne liberté qui réagit sur notre liberté plus récente. […] n’est-il pas vrai que l’habitude est plus puissante que la liberté, et que l’enfant que nous avons été vit toujours dans l’homme que nous sommes ? […] Il servit fidèlement son roi ; mais, quand les vieilles libertés de son pays furent menacées, il prit le parti du Parlement. […] C’est encore ce qu’on peut induire de la petite chanson où Ariel célèbre sa prochaine liberté.

684. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 367-370

Il est vrai que cette liberté de prononcer sur les Ecrivains, qui, en général, ne demandent que des Panégyristes, lui attira des disgraces, & en occasionna la suppression pour quelque temps : mais l’autorité comprit bientôt qu’il n’étoit pas moins essentiel de maintenir les loix de la Littérature, que celle de la subordination dans les autres ordres de l’Etat ; qu’il sera toujours avantageux aux Littérateurs d’être instruits, redressés, & contenus dans les bornes qu’ils ne doivent pas franchir ; que le bon usage des connoissances & des talens est un objet essentiel à l’intérêt & aux agrémens de la société ; que l’abus de ces deux puissans ressorts, dignes de toute l’attention de la Politique, entraîne toujours des suites dangereuses ; qu’un esprit éclairé, courageux, inflexible, mérite de l’encouragement, & ne doit point être livré à d’injustes persécutions.

685. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Après lui avoir rendu sa liberté, il l’emmena avec lui dans ses Campagnes, & lui accorda souvent l’honneur de coucher dans sa chambre.

686. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

C'est pourquoi, sans négliger les événemens principaux, il s'est attaché, dans son Histoire de France, à suivre l'Esprit humain dans sa marche, à développer les progrès successifs des vices & des vertus, les changemens opérés dans le caractere & les usages de la Nation, les principes de nos libertés, les sources de la Jurisprudence, l'origine des grandes dignités, l'institution des divers Tribunaux, l'établissement des Ordres Religieux & Militaires, l'invention des Arts, & tout ce qui peut avoir rapport à ceux qui les ont cultivés & perfectionnés.

687. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 453-456

L’accueil qu’il recevoit dans les meilleures Sociétés de son temps, l’enhardit sans doute à répandre dans ses Ouvrages le même caractere d’agrément & de liberté qui le faisoit rechercher à la Cour & à la Ville.

688. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre I. Des Livres qui traitent de la Chronologie & de la maniere d’écrire l’Histoire. » pp. 2-4

On ne sçauroit trop en recommander la lecture, sur-tout aux partisans fanatiques de certains auteurs modernes, qui se sont permis dans le genre historique autant de liberté que s’ils avoient fait un poëme épique.

689. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Les bontés de Sa Majesté, l’honneur de sa confiance me donnent du courage ; mais permettez-moi de vous parler avec liberté : ce qui est arrivé après Kehl, lorsqu’on m’a blâmé d’avoir ramené l’armée en France, a fait une impression sur mon esprit, laquelle se détruira ; mais on est homme, et une certaine activité qui m’a fait agir jusqu’à présent sans trop consulter, une fois désapprouvée, ne se rétablit pas tout d’un coup. […] Ce sera surtout dans sa campagne d’Allemagne de 1707, où il put se répandre en toute liberté par-delà le Rhin, qu’il appliquera en grand sa méthode de contributions et son organisation de la maraude en pays ennemi : Je tirai de très grosses sommes, nous dit-il lui-même, dont je continuai à faire l’usage que j’avais fait de toutes les autres. […] Il en écrivit à Chamillart, à Mme de Maintenon ; à celle-ci il disait : Je m’offrirais, madame, et mon zèle me ferait servir sous tout le monde : mais j’aurai l’honneur de vous dire, avec la même liberté, que je ne suis pas un trop bon subalterne.

690. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Lui, il s’y refusa : il avait cinquante-cinq ans ; il était amoureux de sa liberté à laquelle un tel lien porterait une grande atteinte : « Je me fais vieux, écrivait-il à Croisilles, et je me trouve même assez défiguré83. […] mon ami, je crois qu’il faut que je continue à vivre comme j’ai vécu… Défais-moi des propositions de mariage et laisse-moi la liberté : j’appelle assurément liberté que d’être garçon.

691. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Il y faut tant de préparation en effet, que je me dis quelquefois qu’au milieu de cette vie pressée, affairée, bourrée de travaux et d’études, où chacun en a assez de sa veine à suivre et de sa pointe à pousser, ceux même qui sont du même métier et du même bord n’auront pas toujours le temps, l’espace, la liberté et l’élasticité d’impressions nécessaires pour être justes envers leurs devanciers. […] Il écrivait dès ce temps-là dans la Revue indépendante, dans la Revue des Deux Mondes, le National, la Liberté de penser… Vers, prose, littérature, philosophie, il s’essayait en tous sens, et plus d’un de ses collègues de la vieille roche s’effrayait des nouveautés d’aperçus ou de sujets qu’il introduisait dans l’enseignement normal. […] Un article inséré par lui dans la Liberté de penser compromit et perdit du coup sa situation universitaire.

692. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Art, science et métier, le sang-froid dans l’extrême péril, la liberté du jugement et la fermeté d’action au fort du combat, l’ensemble et le concert des grandes opérations, l’à-propos et le pied à pied de la tactique, il avait rêvé d’unir toutes ces qualités et toutes ces parties ; — tout un idéal complet du savant capitaine et du brave. […] En toute rencontre, il s’est montré l’adversaire déclaré et convaincu du despotisme maritime qu’exerçait alors l’Angleterre, et si ses vœux qui percent à travers ses récits sont en général pour une liberté raisonnable et pour la stabilité de l’Europe, ils ne sont pas moins vifs et constants pour ce qu’il appelle « l’équilibre maritime et le libre parcours des mers. » En ce sens, la politique de Jomini a pu être qualifiée antianglaise. […] Un simple conseil, non plus seulement de patriote, mais d’ami, c’est qu’elle prenne bien garde de conserver à travers tout ses diversités précieuses, image et produit du sol même et des trois races qui en habitent les vallées, les pentes et les replis ; c’est qu’elle conserve comme son plus cher trésor et comme sa marque, à elle, toutes ses libertés.

693. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Après avoir chanté, j’écoute et je contemple, À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple, Aimant la Liberté pour ses fruits, pour ses fleurs, Le Trône pour son droit, le Roi pour ses malheurs ; Fidèle enfin au sang qu’ont versé dans ma veine Mon père vieux soldat, ma mère Vendéenne ! […] Sa fièvre de royalisme passée, il est revenu à la liberté, mais à la liberté vraie, plénière et pratique, à celle que bien des libéraux n’ont jamais comprise, et que nous réclamons vainement encore.

694. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

On fait partie d’ailleurs du gros de la caravane, on s’y intéresse forcément, on en cause autour de soi en toute liberté : il est bon quelquefois d’écrire comme on cause et comme on pense. […] Ce serait une liberté de plus que nous aurions conquise, et semblable à beaucoup d’autres en ce siècle de liberté : Boileau le satirique et le portraitiste La Bruyère auraient eu meilleure condition en leur temps.

695. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Auprès d’elle, dans ses apanages et ses États, Marot, Despériers, Farel, Sainte-Marthe, Le Fèvre d’Étaples, Roussel, Calvin, on pourrait dire toute la Renaissance et toute la Réforme, trouvent sécurité et liberté : les offices de sa maison, les charges de ses domaines abritent ceux à qui Réda ou Lizet rendent la France intenable. […] Quelques vers au début d’une de ses meilleures pièces expriment très bien le vœu de son esprit et le vœu de son cœur167 : 1re Fille. — Tout le plaisir et le contentement Que peut avoir un gentil cœur honnête, C’est liberté de corps, d’entendement, Qui rend heureux tout homme, oiseau, ou bête ! […] On peut ne pas tenir compte de la rude guerre d’épigrammes qu’il fit aux « sorbonistes », aux moines, aux abus de l’Eglise : c’était la tradition du moyen âge, et ce pourrait être aussi liberté philosophique.

696. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Ce n’est guère que sur les mœurs qu’ils pourraient s’accorder quelque liberté, et jadis ils laissaient volontiers leur corps prendre la revanche des esclavages de leur esprit ; mais beaucoup d’entre eux se refusent aujourd’hui cette consolation  Ils vivent enfin dans un monde très restreint ; ils ne se trouvent de plain-pied qu’avec un très petit nombre d’hommes : ils ne peuvent donc connaître les hommes qu’imparfaitement. […] Il n’a ni la liberté ni les moyens d’écrire des romans naturalistes, impressionnistes, pessimistes, analytiques ou autres. […] Encore leurs figures pourraient-elles être intéressantes malgré l’insignifiance du rôle qu’ils ont joué, si l’auteur pouvait marquer leurs traits avec une liberté entière.

697. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

L’art vient à notre secours, & nous découvre la nature qui se cache elle-même ; nous aimons l’art & nous l’aimons mieux que la nature, c’est-à-dire la nature dérobée à nos yeux : mais quand nous trouvons de belles situations, quand notre vûe en liberté peut voir au loin des prés, des ruisseaux, des collines, & ces dispositions qui sont, pour ainsi dire créées exprès, elle est bien autrement enchantée que lorsqu’elle voit les jardins de le Nôtre, parce que la nature ne se copie pas, au lieu que l’art se ressemble toûjours. […] Comme elles ont tout à défendre, elles ont tout à cacher ; la moindre parole, le moindre geste, tout ce qui sans choquer le premier devoir se montre en elles, tout ce qui se met en liberté, devient une grace, & telle est la sagesse de la nature, que ce qui ne seroit rien sans la loi de la pudeur, devient d’un prix infini depuis cette heureuse loi, qui fait le bonheur de l’Univers. Comme la gêne & l’affectation ne sauroient nous surprendre, les graces ne se trouvent ni dans les manieres gênées, ni dans les manieres affectées, mais dans une certaine liberté ou facilité qui est entre les deux extrémités, & l’ame est agréablement surprise de voir que l’on a évité les deux écueils.

698. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Sans doute cette classification comporte assez d’arbitraire pour laisser à la liberté ou au caprice de l’homme une large part. […] Quelque habile que soit l’ouvrier, sa liberté est toujours limitée par les propriétés de la matière première sur laquelle il opère. […] Le choix entre les deux attitudes reste libre, et se fait par des considérations de commodité, quoique ces considérations soient le plus souvent tellement puissantes qu’il reste pratiquement peu de chose de cette liberté.

699. (1890) L’avenir de la science « II »

L’individu est circonvenu de règlements qui ne lui laissent la liberté d’aucun membre ; de sorte qu’une statue de bois en ferait tout autant si on pouvait la styler à la manivelle. […] J’ai développé ce point dans un Essai sur l’Origine du langage, inséré dans la Liberté de penser, revue philosophique (15 septembre et 15 décembre 1848). […] Qu’il me suffise de dire que je crois à une raison vivante de toute chose et que j’admets la liberté et la personnalité humaine comme des faits évidents ; que par conséquent toute doctrine qui serait amenée logiquement à les nier serait fausse à mes yeux.

700. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il en faisait une petite pièce, une parade en action, s’agitant, se démenant, dialoguant chaque scène avec la gentillesse la plus naïve, faisant accepter les libertés et les indécences, même de Mme Necker, même de Mme Geoffrin. […] Ainsi, au moral, nos illusions intérieures sur la liberté, sur la cause première, ont engendré la religion, la morale, le droit, toutes choses utiles, naturelles à l’homme, et même vraies si l’on veut, mais d’une vérité purement relative et toute subordonnée à la configuration, à l’illusion première. […] Cela ne l’empêche pas un autre jour de parler bien sévèrement de la liberté de la presse que M. 

701. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

 » Le souffle poétique, ce qui est rare chez Mirabeau, semble avoir passé en cet endroit, et en cet autre encore : « Si vous me redonnez la liberté, même restreinte, que je vous demande, la prison m’aura rendu sage ; car le Temps, qui court sur ma tête d’un pied bien moins léger que sur celle des autres hommes, m’a éveillé de mes rêves. » Ailleurs, parlant non plus à son père, mais de son père, il dira par un genre d’image qui rappelle les précédentes : « Il a commencé par vouloir m’asservir, et, ne pouvant y réussir, il a mieux aimé me briser que de me laisser croître auprès de lui, de peur que je n’élevasse ma tête tandis que les années baissent la sienne. » On a refusé l’imagination proprement dite à Mirabeau ; il a certainement l’imagination oratoire, celle qui consiste à évoquer les grands noms historiques, les figures et les groupes célèbres, et à les mettre en scène dans la perspective du moment : mais, dans les passages que je viens de citer, il montre qu’il n’était pas dénué de cette autre imagination plus légère, et qui se sent de la poésie. […] Dans une courte et fort digne lettre adressée au comte de Maurepas, ami de son père, et qui, à cette date, était de fait Premier ministre, Mirabeau réclame énergiquement sa délivrance et sa liberté. […] L’amant était encore tout vivant et tout délirant en lui ; le père était tout occupé de l’enfant qui venait de naître et qui vécut peu ; le prisonnier multipliait ses réclamations, ses apologies, ses mémoires, dans la vue de ressaisir sa liberté, et, en attendant, l’homme d’étude se livrait à toutes les lectures qui lui étaient possibles, à la traduction et à la composition de divers ouvrages, dont on voudrait à jamais anéantir deux ou trois, pour l’honneur de l’amour, pour la dignité du malheur et celle du génie.

702. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Carrel dit quelque chose d’approchant de la seconde réalité, essentielle encore, selon lui, à toute constitution politique qui dérive de la Révolution bien comprise : ce second pouvoir, c’est une certaine aristocratie, qui tient de l’ancienne noblesse et qui se rapporte assez exactement à la classe des grands propriétaires : « Nous la transformerons en pairie, dit-il, et nous vivrons bien désormais avec elle. » Cet article, un peu enveloppé à cause du but, est d’ailleurs plein de sens et fait bon marché des doctrines abstraites ou mystiques en sens inverse, tant de celle du droit divin que de celle des disciples de Rousseau : Que si, croyant nous pousser à bout, vous nous demandez où réside enfin suivant nous la souveraineté, nous vous répondrons que ce mot n’a plus de sens ; que l’idée qu’il exprime a disparu par la Révolution comme tant de choses ; que nous ne voyons nulle utilité à la vouloir ressusciter ; que le peuple n’a plus besoin d’être souverain et se moque d’être ou non la source des pouvoirs politiques, pourvu qu’il soit représenté, qu’il vote l’impôt, qu’il ait la liberté individuelle, la presse, etc. ; enfin le pouvoir d’arrêter une administration dangereuse en lui refusant les subsides, c’est-à-dire l’existence même. […] Encore une fois, tout cela serait charmant et d’une singularité pleine de grâce dans un jeune et brillant militaire qui veut qu’on soit avant tout avec lui de la religion des braves ; mais, transposé dans l’ordre de la discussion politique et dans un système qui professait une entière liberté de presse, cela criait et jurait à chaque pas. […] Quelques mots pourtant avertissent qu’il commence à songer au chef : Ce ne fut point une Chambre de Charles II ni de Jacques II, dit-il (26 septembre), qu’on appela à fonder la liberté sous Guillaume III… Guillaume III aussi était un homme politique, et il tint avant tout à ce qu’on ne pût mettre en question la légalité d’une assemblée qui devait parler au nom du droit de l’Angleterre, et faire une besogne à tout jamais respectée.

703. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Même Beaumarchais, Marivaux lui-même et jusqu’à l’abbé Prévost, tout sensibles qu’ils se disent, ont, pour être des poëtes, trop de cet esprit qui n’est pas lyrique, et la liberté leur manque. […] Ils prirent à Shakespeare ses libertés, y trouvant un prétexte de plus à se révolter contre la Règle et l’Ordre. […] Il démomifia le vers classique et le vivifia par plus d’exactitude à la fois et de liberté, par le respect de la rime et l’enjambement. […] À la fois, Baudelaire a trouvé le vers moderne et retrempé le génie français dans ses sources vives, sans plus lui tolérer les libertés illogiques où il se dépravait. […] — Mais aussitôt cette besogne faite, voyez les Parnassiens se séparer pour écrire à l’écart une œuvre personnelle où chacun prenait avec la forme elle-même des libertés jadis systématiquement interdites.

704. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — [Note.] » pp. 444-445

Nous le voyons même arriver à Venise assez tranquillement, du moins dans une assez grande liberté d’esprit, puisque immédiatement arrivé, il peut s’occuper activement des préparatifs de son tableau.

705. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XX » pp. 84-86

de l’élément même qui la fit la première fois, du cœur et du sang de l’homme, des libres mouvements de l’âme qui ont remué ces pierres, et sous ces masses où l’autorité pèse impérieusement sur nous, je montrai quelque chose de plus ancien, de plus vivant, qui nia l’autorité même, je veux dire la liberté… » J'ai suivi la même marche, porté la même préoccupation des causes morales, du libre génie humain dans la littérature, dans le droit, dans toutes les formes de l’activité.

706. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

A mon premier article du National sur Boerne, s’il m’en souvient), on me fit dire que l’Angleterre et l’Amérique étaient des reliques, de saintes reliques de liberté : j’avais écrit des contrées.

707. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Et quand il fut possible de recommencer la bataille de la liberté, il se retrouva sur la brèche parmi les rédacteurs du Rappel, à côté de son ami Vacquerie.

708. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

Après avoir fait des Vers à la louange du Gouverneur des Isles de Sainte Marguerite, où il étoit prisonnier, & en avoir obtenu, par reconnoissance, un peu plus de liberté, il fit bientôt après une Epigramme violente contre le même homme ; ce qui le replongea dans une plus étroite prison.

709. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Pour votre st Bruno , c’est un très-joli morceau, bien dessiné, bien posé, tout à fait intéressant d’expression, largement drapé, peint avec vigueur et liberté, bien éclairé, bien colorié ; on le prendrait pour un petit Chardin, quand celui-ci fesait des figures.

710. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Au plus fort de la bouffonnerie comme au plus fort de la licence, il reste homme de bonne compagnie, né et élevé dans ce cercle aristocratique où la liberté est complète, mais où le savoir-vivre est suprême, où toute pensée est permise, mais où toute parole est pesée, où l’on a le droit de tout dire, mais à condition de ne jamais s’oublier. […] Êtes-vous familier avec lui, et du petit cercle intime dans lequel il s’épanche en toute liberté, portes closes, le rire ne vous quittera plus. […] En 1763, dans la tragédie de Manco-Capac 490, « le principal rôle, écrit un contemporain, est celui d’un sauvage qui débite en vers tout ce que nous avons lu épars dans l’Émile et le Contrat social sur les rois, sur la liberté, sur les droits de l’homme, sur l’inégalité des conditions ». […] Le fruit mûrissant, savoureux, suspendu à la branche, n’y tombe pas, mais semble toujours sur le point de tomber ; toutes les mains se tendent pour le cueillir, et la volupté un peu voilée, mais d’autant plus provocante, pointe, de scène en scène, dans la galanterie du comte, dans le trouble de la comtesse, dans la naïveté de Fanchette, dans les gaillardises de Figaro, dans les libertés de Suzanne, pour s’achever dans la précocité de Chérubin.

711. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Sa liberté et son amante étaient deux mobiles plus que suffisants pour le décider à l’évasion : ses fers, limés dans la nuit, tombèrent sans bruit sur la paille ; il scia un barreau de la loge où il était seul encore depuis la mort de son compagnon. […] CLXXXV Je me sentais le cœur presque fendu en écoutant le récit de la fille du vieux galérien, séduite par sa reconnaissance, et du jeune forçat séduit par la liberté et par l’amour. […] J’y pris une fiasque, et la montrant, ainsi que la zampogne, au piccinino, je lui dis que n’ayant plus rien à faire dans la cour, après mon service fini, j’allais pour passer le temps, à l’ombre des arcades du cloître, jouer quelques airs de mon métier aux malheureux enfermés sans amusement dans leurs loges ; le piccinino, qui avait bon cœur, qui aimait, comme tous les enfants, le son de la zampogne, n’y entendit aucune malice et trouva que c’était une pensée du bon Dieu que de rappeler la liberté aux captifs et le plaisir aux malheureux. […] et que Dieu et ses anges te bénissent, murmura tout bas Hyeronimo ; mais souviens-toi qu’entre la liberté sans toi et la mort avec toi, je n’hésiterai pas une heure, fût-elle ma dernière heure !

712. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Que de fois j’ai désiré que l’homme naquît ou tout à fait libre ou dénué de liberté. […] Avec ce lambeau de liberté, il est assez fort pour résister, pas assez pour agir… Ô mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? […] En vérité, monsieur, quand j’envisage cet inextricable filet où Dieu m’a enlacé durant le sommeil de ma raison et de ma liberté, alors que je suivais docilement la ligne que lui-même traçait devant moi, de désolantes pensées s’élèvent dans mon âme. […] En vérité, j’en viens à regretter la misérable part de liberté que Dieu nous a donnée, nous en avons assez pour lutter, pas assez pour dominer la destinée, tout juste ce qu’il faut pour souffrir.

713. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

La philosophie contemple la raison, d’où vient la science du vrai ; la philologie étudie les actes de la liberté humaine, elle en suit l’autorité ; et c’est de là que vient la conscience du certain. — Ainsi nous comprenons sous le nom de philologues tous les grammairiens, historiens, critiques, lesquels s’occupent de la connaissance des langues et des faits (tant des faits intérieurs de l’histoire des peuples, comme lois et usages, que des faits extérieurs, comme guerres, traités de paix et d’alliance, commerce, voyages.) […] L’étude des actes de la liberté humaine, si incertaine de sa nature, tire sa certitude et sa détermination du sens commun appliqué par les hommes aux nécessités ou utilités humaines, double source du droit naturel des gens 25. […] Au milieu de cette prétendue liberté populaire que l’imagination des historiens nous montre dans Rome, ils pressaient 30 les plébéiens, et les forçaient de les servir à la guerre à leurs propres dépens ; ils les enfonçaient, pour ainsi dire, dans un abîme d’usures ; et lorsque ces malheureux n’y pouvaient satisfaire, ils les tenaient enfermés toute leur vie dans leurs prisons particulières, afin de se payer eux-mêmes par leurs travaux et leurs sueurs ; là, ces tyrans les déchiraient à coups de verges comme les plus vils esclaves. […] Plus les biens sont attachés à la personne, au corps du possesseur, plus la liberté naturelle conserve sa fierté ; c’est avec le superflu que la servitude enchaîne les hommes.

714. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Cousin, en effet, était tout à la française, et le fond de sa philosophie, tel qu’il était dès lors et qu’il se dégagea de plus en plus avec les années, consistait dans des doctrines de déisme, de spiritualité de l’âme, de liberté morale, etc., qui se tiennent à plus grande distance encore du panthéisme proprement dit que du christianisme. […] Elle est morte pleine de jours, avec son entière liberté d’esprit, universellement vénérée et regrettée.

715. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

L’Église, par une fausse manœuvre qui lui a coûté cher, s’était laissé lier aux partis politiques : elle apparaissait comme la grande ennemie de la liberté et de l’égalité. […] Mais voici la vraie cause de sa faiblesse : au lieu qu’en 1830, la victoire du peuple sur la royauté violatrice de la Charte avait opéré la séparation du libéralisme et de la démocratie, en 1851 la restauration du pouvoir personnel réunit toutes les formes du libéralisme avec la démocratie dans une opposition irréconciliable : derrière les défenseurs de la légalité parlementaire se rangèrent les masses populaires des grandes villes, qui avaient foi encore à la République, au droit, à la liberté.

716. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Plus y chardonne l’anarchie que la liberté n’y verdoie : car tous ont le droit de parler, quoiqu’ils disent — et ceux qui disent quelque chose n’ont pas le droit de se faire entendre — car en même temps qu’eux parlent ceux qui ne disent rien. […] rétablir l’harmonieux règne des concordantes libertés !

717. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

On n’est point fâché que la liberté d’esprit, que la spontanéité, que le jaillissement intellectuel se marque à ceci que le penseur n’a pas toujours pensé la même chose et n’a pas tiré toutes ses idées les unes des autres comme des formules algébriques. […] Je crois pourtant que c’est à distance égale ou à peu près de ces deux heureux qu’il faut être et tâcher de se maintenir, pour garder cette liberté d’esprit qui est le bonheur intellectuel véritable.

718. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

… L’Église libre dans l’État libre, c’est-à-dire l’Église morte dans un État délivré d’elle ; car on espère bien qu’elle mourra de cette liberté à outrance, fatale, du reste, à tous les genres de pouvoirs, qui doivent, un jour, irrémissiblement en mourir ! […] Dans ce livre sur Léon XIII, Teste a fait de l’Europe, en proie à cette fièvre de liberté qui est la furie du siècle et qui pourrait bien en être la calamité, un tableau lamentable et tout à la fois effrayant d’exactitude, et, quand on le lit, on se dit que ce suicide des gouvernements, qui mettent plus de temps à se tuer que les hommes, est déjà commencé.

719. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

L’esprit religieux qui était en lui, et qui a absorbé l’esprit politique qui y fut autrefois, fait, à nos yeux, du comte de Gasparin, une individualité intéressante au milieu des insupportables libres penseurs de ce siècle de liberté et de tolérance, — intolérant seulement contre Dieu, à qui il ne permet plus d’exister. […] Non pas celui de Luther ou de Calvin ou de personne, ni même l’apostolique du comte de Gasparin, — cette pointillerie, comme aurait dit Bossuet, dans le dédain de son bon sens, cette pointillerie à examiner, travail de Pénélope toujours repris par qui a la fantaisie de le reprendre, — mais le protestantisme primitif, éternel, qui date du paradis terrestre, disait Lacordaire, et qui naquit le jour où Satan dressa contre Dieu le pourquoi de toutes les révoltes… Le chez soi du comte de Gasparin, c’est l’individualisme sans limites, c’est le plein vent de la liberté, c’est le radicalisme absolu !

720. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

quand la liberté est la moins dangereuse, irais-je choisir ce temps-là pour me déshonorer par des mensonges ?  […] Dans le même temps Procope se révolta ; bientôt maître de Constantinople et de presque tout l’Orient, il offrit au philosophe dans les fers, sa liberté, ses biens et des honneurs, s’il voulait se déclarer pour lui : le philosophe refusa ; Thémiste ne manque pas de faire valoir à l’empereur ces refus généreux ; il le compare à Socrate : « Condamné, dépouillé de ses biens, accablé sous les chaînes, on ne l’a pas même entendu se plaindre ; que dis-je !

721. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Les hommes commencèrent, dès ce moment, à exercer leur liberté en réprimant les impulsions passionnées du corps, de manière à les étouffer ou à les mieux diriger, effort qui caractérise les agents libres. […] Introduisant la certitude dans le domaine de la liberté humaine, dont l’étude est si incertaine de sa nature, elle éclaire les ténèbres de l’antiquité, et donne forme de science à la philologie.

722. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

La liberté consiste pour Hélène à être l’esclave de ses plus déraisonnables caprices. […] Benda — prend avec elle, parfois, quelques libertés. […] Il n’y a pas de liberté contre la liberté. […] Est-ce que l’antiquité ne respectait pas la liberté de conscience ? […] La Révolution a voulu l’honneur et la liberté pour tous.

723. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Ne vaut-il donc pas mieux, dans votre liberté, Dans cette oisiveté, vivre comme vous faites ?

724. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

On les blame de n’avoir pas senti qu’il étoit contre la raison, pour ne rien dire de plus fort, de se permettre en parlant de notre religion, la même liberté que Virgile pouvoit prendre en parlant de la sienne.

725. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Le monde avait les exigences d’un roi absolu et ne souffrait pas de partage. « Si les mœurs y perdaient, dit un contemporain, M. de Besenval, la société y gagnait infiniment ; débarrassée de la gêne et du froid qu’y jette toujours la présence des maris, la liberté y était extrême ; la coquetterie des hommes et des femmes en soutenait la vivacité et fournissait journellement des aventures piquantes. » Point de jalousie, même dans l’amour. « On se plaît, on se prend ; s’ennuie-t-on l’un avec l’autre, on se quitte avec aussi peu de peine qu’on s’est pris. […] La liberté d’esprit est parfaite ; nul tracas, nul souci ; le whist et le trictrac l’après-midi, le pharaon le soir. « On fait aujourd’hui ce qu’on a fait hier, et ce qu’on fera demain ; on s’occupe du dîner-souper comme de l’affaire la plus importante de la vie, et l’on ne se plaint de rien au monde que de son estomac. […] La gaieté au dix-huitième siècle. — Ses causes et ses effets. — Tolérance et licence. — Bals, fêtes, chasses, festins, plaisirs. — Libertés des magistrats et des prélats. […] Quant à la soutane, elle a les mêmes libertés que la robe. […] Jusqu’en 1789, le ciel est trop beau, l’air est trop tiède, pour qu’on se résigne à se boutonner jusqu’au cou. « Liberté, facilité, monsieur l’abbé, disait le cardinal de Rohan à son secrétaire ; sans cela nous ferions de ceci un désert282. » C’est de quoi le bon cardinal s’était bien gardé ; tout au contraire il avait fait de Saverne un monde enchanté d’après Watteau, presque « un embarquement pour Cythère ».

726. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Pétrarque affectait à Parme et bientôt à Rome l’esprit et les formes de l’antique liberté romaine. […] Le tribun paraissait alors, et, donnant du geste et de la voix l’éloquente explication de ces peintures énigmatiques, il incendiait le peuple d’indignation contre les oppresseurs de la patrie ; il prophétisait à une multitude, incapable de distinguer la différence des siècles, le prochain rétablissement de la liberté, de la puissance et de la gloire du sénat et du peuple romain. […] Qu’on en juge par ce fragment de sa lettre : « S’il faut perdre, dit-il au peuple romain, la liberté ou la vie, qui est-ce parmi vous (s’il lui reste une goutte de sang romain dans les veines) qui n’aimât mieux mourir libre que de vivre esclave ? […] Faut-il s’étonner qu’ils aient en horreur la gloire et la liberté de Rome, qu’ils aiment à voir couler le sang romain, quand ils se rappellent leur patrie, leur servitude et leur sang, si souvent répandu par vos mains ? […] Quiconque est ennemi de la liberté de Rome doit être le vôtre. » XXV L’enthousiasme pour la renaissance de l’Italie romaine l’emportait, comme on le voit ici, dans l’âme de Pétrarque sur son attachement à ses illustres patrons, les papes et les Colonne.

727. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

X L’opinion publique y jouit de la plénitude de son jugement, par suite de ce gouvernement par la raison, et de la liberté de la presse à qui on n’interdit que le scandale, l’injure ou la calomnie. […] Le lettré, organe d’un parti caché dans le palais, fut sévèrement jugé et puni pour cet outrage à la majesté et à la liberté du Père de l’empire. […] Le nombre ne prouve rien, dit-on ; on se trompe : trois ou quatre cents millions d’hommes vivant, multipliant, pensant, travaillant au moins depuis vingt-cinq siècles sur le même point du globe, attestent, dans la pensée et dans les lois qui les maintiennent en société, un ordre que nous ne connaissons pas en Europe, et que l’Amérique seule pourra peut-être présenter un jour à nos descendants, si le principe de la liberté républicaine est aussi civilisateur et aussi conservateur dans l’avenir que le principe de l’autorité paternelle. Ce principe moderne de la liberté républicaine, où chacun est le gardien de son droit par le respect spontané du droit d’autrui, paraît le chef-d’œuvre de la civilisation future au-delà de l’Atlantique. L’Amérique alors serait destinée à faire le contrepoids de la Chine ; les deux hémisphères auraient deux principes en contraste, et non en hostilité, dans l’univers : la paternité en Chine, la liberté en Amérique ; ici le fils, là le citoyen ; principes tous deux féconds en moralité, en devoirs et en prospérité pour les différentes races humaines.

728. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La peinture, dans chacune de ces villes ou de ces nations, prit non seulement le caractère du chef d’école, mais elle prit le caractère de l’école et du peuple où elle fut cultivée par ces grands hommes du pinceau : Titanesque avec Michel-Ange, plus païen que chrétien dans ses œuvres, et qui semble avoir fait poser des Titans devant lui ; Tantôt mythologique, tantôt biblique, tantôt évangélique, toujours divine avec Raphaël, selon qu’il fait poser devant sa palette des Psychés, des saintes familles, des philosophes de l’école d’Athènes, le Dieu-homme se transfigurant dans les rayons de sa divinité devant ses disciples, des Vierges-mères adorant d’un double amour le Dieu de l’avenir dans l’enfant allaité par leur chaste sein ; Païenne avec les Carrache, décorateurs indifférents de l’Olympe ou du Paradis ; Pastorale et simple avec le Corrége, qui peint, dans les anges, l’enfance divinisée, et dont le pinceau a la mollesse et la grâce des bucoliques virgiliennes ; Souveraine et orientale avec Titien, qui règne à Venise pendant une vie de quatre-vingt-quinze ans sur la peinture comme sur son empire, roi de la couleur qu’il fond et nuance sur sa toile comme le soleil la fond et la nuance sur toute la nature ; Pensive et philosophique à Milan avec Léonard de Vinci, qui fait de la Cène de Jésus-Christ et de ses disciples un festin de Socrate discourant avec Platon des choses éternelles ; quelquefois voluptueux, mais avec le déboire et l’amertume de la coupe d’ivresse, comme dans Joconde, cette figure tant de fois répétée par lui du plaisir cuisant ; Monacale et mystique avec Vélasquez et Murillo en Espagne, faisant leurs tableaux, à l’image de leur pays, avec des chevaliers et des moines sur la terre et des houris célestes dans leur paradis chrétien ; Éblouissante avec Rubens, moins peintre que décorateur sublime, Michel-Ange flamand, romancier historique qui fait de l’histoire avec de la fable, et qui descend de l’Empyrée des dieux à la cour des princes et de la cour des princes au Calvaire de la descente de croix, avec la souplesse et l’indifférence d’un génie exubérant, mais universel ; Profonde et sobre avec Van-Dyck, qui peint la pensée à travers les traits ; Familière avec les mille peintres d’intérieur, ou de paysage, ou de marine, hollandais ; artistes bourgeois qui, pour une bourgeoisie riche et sédentaire, font de l’art un mobilier de la méditation ; Enfin mobile et capricieuse en France, comme le génie divers et fantastique de cette nation du mouvement : Pieuse avec Lesueur ; Grave et réfléchie avec Philippe de Champagne ; Rêveuse avec Poussin ; Lumineuse avec Claude Lorrain ; Fastueuse et vide avec Lebrun, ce décorateur de l’orgueil de Louis XIV ; Légère et licencieuse avec les Vanloo, les Wateau, les Boucher, sous Louis XV ; Correcte, romaine et guindée comme un squelette en attitude avec David, sous la République ; Militaire, triomphale, éclatante et monotone, alignée comme les uniformes d’une armée en revue, sous l’Empire ; Renaissante, luxuriante, variée comme la liberté, sous la Restauration ; tentant tous les genres, inventant des genres nouveaux, se pliant à tous les caprices de l’individualité, et non plus aux ordres d’un monarque ou d’un pontife ; Corrégienne avec Prud’hon ; Michelangelesque avec Géricault dans sa Méduse ; Raphaëlesque avec Ingres ; Flamande avec éclectisme et avec idéal dans Meyssonnier ; Sévère et poussinesque dans le paysage réfléchi avec Paul Huet ; Hollandaise avec le soleil d’Italie sous le pinceau trempé de rayons de Gudin ; Bolonaise avec Giroux, qui semble un fils des Carrache ; Idéale et expressive avec Ary Scheffer ; Italienne, espagnole, hollandaise, vénitienne, française de toutes les dates avec vingt autres maîtres d’écoles indépendantes, mais transcendantes ; Vaste manufacture de chefs-d’œuvre d’où le génie de la peinture moderne, émancipée de l’imitation, inonde la France et déborde sur l’Europe et sur l’Amérique ; magnifique époque où la liberté, conquise au moins par l’art, fait ce que n’a pu faire l’autorité ; république du génie qui se gouverne par son libre arbitre, qui se donne des lois par son propre goût, et qui se rémunère par son immense et glorieux travail. […] Parce que Léopold Robert est mort, d’abord, et que la mort laisse la liberté du jugement tout entier ; parce que Léopold Robert est à lui seul, selon nous, toute une peinture : la peinture poétique, le point de jonction entre la poésie écrite et la poésie coloriée ; enfin parce que Léopold Robert est un inventeur, un découvreur de terres inconnues, le premier qui soit franchement sorti des routines de la mythologie, des lieux communs de la peinture historique, pour entrer hardiment, seul avec son génie, dans la peinture de la pensée, du sentiment et de la nature. […] C’était la plus belle et la plus pittoresque population de tout âge et de tout sexe qu’il fût possible d’imaginer pour un poète et de reproduire pour un peintre : la taille élevée, les membres dispos, les fières attitudes, les costumes sauvages des hommes ; les profils purs, les yeux d’un bleu noir, les cheveux dorés, les épingles d’argent semblables à des poignards, les corsets pourpres, les tuniques lourdes, les sandales nouées sur les jambes nues des femmes ; les groupes formés naturellement, çà et là, le long des murs, par les captifs, les épouses ou les fiancées demi libres, s’entretenant, les joues rouges de passion ou pâles de pitié, avec leurs maris ou leurs amants, à travers les gros grillages de fer des lucarnes des cachots, ouvrant sur les cours ; les hommes assis et pensifs sur la poussière, le coude sur leurs genoux, la tête dans leur main ; les jeunes filles se tressant mutuellement leurs cheveux de bronze avec quelques tiges de fleurs de leurs montagnes, apportées par leurs aïeules la veille du dimanche, les regards chargés des images de la patrie, des arrière-pensées de la vengeance, des invocations ardentes à la liberté de la montagne ; les enfants à la mamelle allaités en plein soleil de lait amer mêlé de larmes ; toute cette scène, que nous avons contemplée souvent nous-même alors, laissait dans le souvenir, dans l’œil et dans l’imagination un pittoresque de nature humaine qui ne s’efface plus. […] Le poète glissa, sans s’en apercevoir, de l’admiration et de la reconnaissance dans la passion ; il n’y perdit pas la vie comme Léopold Robert, mais il y perdit sa fortune, sa liberté et sa raison.

729. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Mais l’esprit de nation, l’esprit de corps, l’esprit d’Église et l’esprit d’aristocratie, héréditaires et obligés dans leur caste, leur défendent la liberté de penser autrement qu’on ne pense à la cour de Turin, dans le palais de l’évêque ou dans le château du gouverneur de Savoie. […] VI Le hasard me les a fait connaître familièrement l’un et l’autre ; mais, avant de parler de l’un et de l’autre, on ne peut s’empêcher de remarquer que, par un phénomène littéraire qui doit avoir sa raison cachée dans les choses, c’est la même petite vallée de Savoie qui a donné au dix-huitième et au dix-neuvième siècle les deux plus magnifiques écrivains de paradoxes du monde moderne : Jean-Jacques Rousseau et le comte de Maistre ; l’un, le paradoxe de la nature et de la liberté poussé jusqu’à l’abrutissement de l’esprit et à la malédiction de la société et de la civilisation ; l’autre, le paradoxe de l’autorité et de la foi sur parole, poussé jusqu’à l’anéantissement de la liberté personnelle, jusqu’à la glorification du bourreau, et jusqu’à l’invocation du glaive du souverain et des foudres de Dieu contre la faculté de penser. […] Je lui répondais avec une affectueuse liberté : il l’autorisait par son indulgence. […] Le sophisme de de Maistre devait aboutir à la servitude, mensonge à la dignité morale de l’homme, comme le sophisme de liberté de Jean-Jacques Rousseau devait aboutir à l’anarchie, mensonge de la société politique.

730. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

« Charles R. »   « La comtesse d’Albany (car elle continua de porter ce nom) profita bientôt de sa liberté pour quitter Rome ; mais, n’osant pas encore braver l’opinion publique au point de se retrouver avec Alfieri dans quelque ville d’Italie, elle lui donna rendez-vous en Alsace. […] Pendant ce seul hiver, dans le repos et la liberté des champs, je fis plus de besogne qu’il me fût jamais arrivé d’en faire en un aussi court espace de temps. […] La liberté est classique. — C’est vrai, mais n’en parlez pas : personne, excepté votre imprimeur, n’en parle ; imprimez, si vous voulez, pour les lecteurs à venir, et taisez-vous sur les ingratitudes du présent !  […] Pendant ce dernier séjour à Paris, non plus que dans le précédent, je ne voulus jamais fréquenter ni connaître, même de vue, un seul de ces innombrables faiseurs de prétendue liberté, pour qui je me sentais la répugnance la plus invincible, pour qui j’avais le plus profond mépris. […] Cependant on proclamait dans Florence cette même liberté qui régnait en France, et les plus lâches coquins triomphaient.

731. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

« Entre Abailard et les théologiens de son temps, nous disent-ils, se débattaient la cause de la liberté et celle de la règle. […] La liberté ne se produit alors que par des désordres qui contribuent sans doute aux progrès du développement social, mais que peuvent à bon droit redouter les générations aux dépens de qui se fait le travail dont elles ne sont pas destinées à recueillir les fruits. […] Celui-là demande s’il ne serait pas possible de cimenter enfin une alliance entre l’autorité et la liberté : idéologue ! […] Sa destinée eut cela de remarquable qu’à quinze années de distance il aima et servit, avec une égaie franchise, la liberté naissante et le glorieux héritier de cette liberté noyée dans le sang ; qu’il essaya tour à tour de les préserver contre leurs propres excès, fut leur conseiller prévoyant et inutile, leur déplut presque également en s’efforçant de les avertir, et finit par être victime ici de l’anarchie succédant à la liberté, là du vertige des conquêtes succédant au génie de l’organisation et de la victoire. […] Il sera prêt à saluer le despotisme, à coopérer à ses œuvres, à abdiquer sous ses pieds ses rêves de liberté.

732. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

J’en ai reçu un accueil aimable et cordial, des compliments, une liberté sans limites. […] C’est en faisant cette étude préliminaire, opportune, féconde, que vous vous montrerez tout à fait digne de la liberté qui vous est donnée. » « Que faire ? […] Il commença cette vie de studieux loisir : « la liberté presque complète sous le plus beau ciel du monde, quelques livres que ce ciel explique », et, pour les yeux comme pour la pensée, l’accomplissement du vœu le plus cher à tout pèlerin classique digne de ce nom. […] Le plan de mes leçons est plus simple, mes analyses sont plus rapides et plus vivantes, j’ai eu le courage de jeter toutes mes notes, afin de monter en chaire avec une entière liberté d’esprit et de regarder les gens en face, et il se trouve naturellement que je dis mieux ce que je veux dire et suis mieux compris. […] Je trouve dans cette pensée le prix de mes efforts, et le jour n’est pas très éloigné peut-être où je souffrirai moins du sentiment de mon insuffisance et ressaisirai toute ma liberté d’esprit. » Le discours d’ouverture dont Fénelon était le sujet, et qui eut lieu le 12 décembre 1863, nous montre Gandar ayant rétrogradé sur ses habitudes d’improvisation à Caen ; il s’était décidé encore une fois à lire, pour cette leçon d’apparat.

733. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

On ne pourrait prendre ces libertés qu’une fois en passant et dans des vers vraiment expressifs qui justifient la licence. […] Nous ne refusons donc pas au poète la liberté de modifier les rythmes en vue de l’idée, de l’image ou du sentiment274. Mais pourquoi lui refuser aussi la liberté des rimes tantôt riches, tantôt simplement suffisantes, selon qu’il veut attirer l’attention sur la forme ou sur l’idée ? […] Il faut que le poète ait l’entière liberté, après avoir fait éclater son vers, de l’assourdir et de l’adoucir, après avoir frappé les yeux ou les oreilles, de parler au cœur ou même à la pensée. […] Les romantiques venaient à leur heure, ils conquéraient la liberté de la forme, ils forgeaient l’outil dont le siècle devait se servir.

734. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

L’ode ou l’élégie, qui offrent au poète plus d’espace et de liberté, nous semblent devoir être préférées dans la plupart des cas. […] Il ne se prononçait ni pour l’autorité ni pour la liberté ; il n’essayait pas de les concilier : il attendait. […] N’y a-t-il pas dans l’Évangile un principe d’activité, de liberté, qui accepte sans murmure toutes les luttes de la vie politique ? […] Bien que Henri VIII fût à coup sûr un interprète très infidèle de Luther, il était impossible que la liberté de conscience, proclamée même par un roi, ne se traduisît pas, tôt ou tard, en liberté politique. […] Sans l’assistance de la liberté religieuse, proclamée à Wittenberg en 1517 et citée à la barré de la diète de Worms en 1520 par la puissance impériale, la liberté politique ne pouvait manquer d’amoindrir, d’énerver et de terrasser l’autorité royale en Angleterre.

735. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bonnières, Robert de (1850-1905) »

En prosodie, elle et lui sont demeurés La Fontaine, à La Fontaine, moins la liberté du vers, moins quelque aisance aussi, et, plus naturellement, le léger ridicule de toute respectable imitation. « Ridicule » et « imitation » sont d’ailleurs injustes.

736. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

C’est l’Amoureux des « libres devenirs », c’est l’Amant de la Liberté, c’est le compagnon qui, dans le geste et l’ampleur de sa voix, de son chant, clame son dédain des vaines rhétoriques, des vaines formules de Vie.

737. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Elle apprendra ainsi à gouverner, dans la mesure du possible, les forces obscures auxquelles jusqu’à présent elle a obéi sans le savoir et elle fera un pas vers cette liberté qui est seule à sa portée et qui consiste à connaître le jeu des lois naturelles pour commander aux puissances de la vie et pour les employer à la satisfaction de ses besoins matériels comme de ses plaisirs esthétiques.

738. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Nous prendrons seulement la liberté d’avertir M.

739. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Trouvez-vous inconvenant de mettre en scène les ridicules d’un patriote qui après tout parle en faveur d’une sage liberté, et cherche les moyens d’inoculer un peu de courage civil à des électeurs si braves l’épée à la main ? […] Tout ceci n’empêche pas la justice, la liberté, l’absence des espions, d’être des biens adorables. […] Mais comme l’huître malade produit la perle, ces hommes sans liberté et sans sépulture chrétienne après leur mort produisent le Tartuffe et le Retour imprévu. […] « En 1787 personne ne songeait à applaudir la liberté ; aujourd’hui il serait à craindre que ce mot ne devînt un drapeau. […] D’un autre côté, si jamais nous avons la liberté complète, qui songera à faire des chefs-d’œuvre ?

740. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

L’homme étant donc bien dûment révélé et se révélant de plus en plus (tableau allégorique de la Grèce, le Sardanapale, la Liberté, etc.), la contagion du nouvel évangile empirant de jour en jour, le dédain académique se vit contraint lui-même de s’inquiéter de ce nouveau génie. […] Dans le siècle présent comme dans les anciens, aujourd’hui comme autrefois, les hommes forts et bien portants se partagent, chacun suivant son goût et son tempérament, les divers territoires de l’art, et s’y exercent en pleine liberté suivant la loi fatale du travail attrayant. […] Les singes sont les républicains de l’art, et l’état actuel de la peinture est le résultat d’une liberté anarchique qui glorifie l’individu, quelque faible qu’il soit, au détriment des associations, c’est-à-dire des écoles. […] La liberté absolue et divergente de chacun, la division des efforts et le fractionnement de la volonté humaine ont amené cette faiblesse, ce doute et cette pauvreté d’invention ; quelques excentriques, sublimes et souffrants, compensent mal ce désordre fourmillant de médiocrités. […] Celui-ci se tue parce que les brûlures de sa robe deviennent intolérables ; celui-là parce qu’il ne peut plus rien faire pour la liberté, et cette reine voluptueuse parce qu’elle perd son trône et son amant ; mais aucun ne se détruit pour changer de peau en vue de la métempsycose.

741. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Entendez un Anglois qui parle de l’amour de la liberté, c’est un ton mâle qui annonce qu’il l’acheteroit aux dépens de sa vie. […] Ce seroit détruire la liberté des Membres de la Littérature, que de leur ôter le droit de prononcer sur ses chefs. […] La Législation perfectionnée rend à l’homme sa liberté primitive, & le fait jouir de mille avantages nouveaux. […] En conséquence le Poète fut remis en liberté & renvoyé bien absous au cercle de ses admirateurs. […] Je laisse aux autres la même liberté dont j’use en Franc Républicain : les hommes jugent ; mais c’est au tems à prononcer.

742. (1927) Des romantiques à nous

Ce fut seulement vers la fin de ce siècle, grâce à la liberté de la librairie, que le protestantisme avait fait naître en Hollande et en Angleterre, qu’elle leva franchement la tête, acquit une puissance extraordinaire de propagande, entraîna une grande partie de l’élite intellectuelle, devint un grand fait social. […] Mais ses partisans eux-mêmes doivent reconnaître que, en pratique, dans l’Etat moderne, cette entière indépendance du pouvoir civil est notamment la garantie la plus nécessaire de la liberté de conscience et de la paix religieuse entre citoyens. […] Nous vivons, dans l’ordre primaire, sous un régime de liberté relative d’enseignement, dont je n’examinerai pas s’il ne pourrait être avantageusement élargi. […] Elle pratiquait avec une liberté singulière le prêt d’honneur. […] Les libertés de sa pensée trouvaient un contrepoids dans la sévère discipline de ses habitudes.

743. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Il parle avec d'autant plus de liberté & de force, que les défauts sont aujourd'hui plus communs & l'audace plus révoltante.

744. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

La propriété des biens et celle de la personne, ou la liberté civile, supposent de bonnes lois et avec le temps amènent la culture des terres, la population, les industries de toute espèce, des arts, des sciences, le beau siècle d’une nation.

745. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Quesnel, remis en liberté, s’enfuit en Hollande en 1704. […] Il ne convient pas qu’ils aient la liberté de prêcher leur loi. […] On eut la liberté d’écrire & de disputer sur ce remède ; liberté qu’on s’étoit donnée par anticipation & avec un acharnement incroyable. […] En recouvrant sa liberté, son premier soin fut d’abandonner Ferrare, séjour pour lui si doux & si cruel. […] On y rapporte tout ce qui est à l’avantage & au désavantage de la médecine ; la variation dans les méthodes, la liberté que chacun a sur l’article de sa santé.

746. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Et de même pour la liberté politique, la liberté individuelle, enfin tous ces principes sacrés qui ne pourraient maintenant sombrer sans que chacun de nous fût atteint aux points les plus sensibles de son cœur et de sa vie. […] Défenseur de la liberté et de l’égalité républicaines, il représente aussi la fraternité. […] Cette clef vient de faire son office pour permettre au grand poète de nous apporter son Théâtre en liberté. […] Où se serait-il cru en liberté, si ce n’est sur ce qu’il appelle lui-même le Théâtre en liberté. […] Qu’elles émigrent chez les Mormons, et là, avec la portion qui leur suffit, elles trouveront la liberté que donne le mariage.

747. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

La plupart des fameux créateurs d’épopées eurent trop de fierté d’âme pour engager leur liberté individuelle aux spoliateurs des libertés publiques. […] Quel enthousiasme ne prête-t-il pas à ses ennemis même pour la cause de leur liberté poursuivie jusque dans leurs rochers ! […] Là c’est une main divine qui trace au fond d’un vestibule l’arrêt du coupable Balthazar ; là c’est Nabuchodonosor, abruti par l’ivresse du pouvoir, qui se transforme en bête immonde : ici ce sont les Machabées qui se sacrifient à la défense des lois divines et de la liberté de leurs frères. […] De trop grands exemples appuient les deux opinions, pour qu’on ait la liberté de choisir entre elles dans un art où les bons exemples de réussite ont produit les règles. […] S’abandonneront-ils à la négligence des vers libres, ou ne se permettront-ils que la liberté des rimes ?

748. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

III. — Le symbolisme est d’abord l’éclosion d’un grand souffle de liberté. Fort et la liberté. — Le symbolisme est ensuite un mode de vision spécial qui colore chaque objet à la lumière de nos états d’âme. […] Constatons simplement que, sans aboutir aux mêmes conclusions, peintres et poètes sont partis d’un seul tournant : le sens de la liberté. […] Penser cela serait confondre la liberté avec son contraire, l’anarchie. […] Liberté, c’est-à-dire poésie pure, poésie complète, poésie dégagée, de tout ce qui n’est pas elle, poésie libre parce qu’elle ne veut vivre que de son essence, liberté de s’affirmer poète total.

749. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) I Pour bien élucider mon sujet, et pour faire constater le livre par ses pairs, comme on dit quelquefois, je résolus d’opposer forçat à forçat ; je prêtai mon exemplaire à un forçat condamné à mort, et, quand il l’eut bien lu, bien ruminé, bien absorbé dans le solitaire confinement où il est encore, j’allai le trouver un jour de loisir, et je lui demandai de m’analyser en liberté ce qu’il avait éprouvé en lisant les Misérables. […] Rousseau, presque de nos jours, écrivit de verve trois livres d’un style entraînant qui vous empêche de réfléchir : un livre chimérique sur l’éducation, appelé Émile ; un livre immoral et raisonneur sur l’amour, appelé Héloïse ; enfin un livre de fanatique, sur la législation des empires, appelé le Contrat social, livre où toutes les lois sont faites à l’inverse de l’homme, un livre qui exalte la liberté et finit par la plus atroce des tyrannies. […] Mais voilà un homme qui a commis une faute plutôt qu’un crime, à bonne intention, et qui devrait être fier de son innocence foncière et des cinq ans de peine infligés à sa bonne action ; le voilà qui, après s’être nourri dix-neuf ans de son venin, s’échappe de ses fers et rentre dans le monde de la liberté. […] « Il semblait mourir parce qu’il le voulait ; il y avait de la liberté dans son agonie ; les jambes étaient immobiles, les ténèbres le tenaient par là, les pieds étaient morts et froids, la tête vivait de toute la puissance de la vie, et paraissait en pleine lumière.

750. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

IX Le Tasse, revenu à son bon sens, écrivit à Alphonse pour le prier de lui rendre la liberté. […] » Le reste de la lettre est un désordre si inextricable de mots et de pensées, qu’elle devient complètement inintelligible ; elle se termine par une invocation à Scipion de veiller à la sûreté du Tasse, et de faire intervenir le cardinal de Médicis pour obtenir qu’on lui rende la liberté. […] C’est vers Sorrente qu’il s’avançait comme à tâtons dans sa lente marche ; c’est là qu’il retrouvait d’avance, en imagination, sa liberté, sa raison, sa santé, ses tendresses de famille. […] J’en ferai profession le reste de ma vie, et je vous prie de me traiter comme tel ; je vous donne tout droit et toute souveraineté sans réserve sur ma liberté ; je baise votre main, et je vous jure que chacune des paroles que je viens d’écrire de ma main étaient auparavant écrites dans mon cœur ! 

751. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Dargaud à ce roi mourant nous paraît donc une erreur d’homme d’État, expliqué par une préoccupation qui est aussi la nôtre pour la liberté religieuse. Mais la liberté religieuse alors en Écosse n’était ni dans un camp ni dans l’autre. […] Ces larmes l’attendrirent, mais ne le fléchirent pas, il continua à prêcher avec une sauvage liberté contre le gouvernement des femmes, et contre les pompes du palais. […] Tremblant pour son trône, pour sa liberté, pour sa vie et pour celle de l’enfant qu’elle portait dans son sein, elle entreprit de séduire à son tour l’époux outragé dont la colère semblait s’être tout à coup éteinte dans le sang de son rival.

752. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

On lit, en tête du recueil des Plus Belles Lettres françaises par Richelet, un jugement fort exact et fort net sur Gui Patin et sur sa personne ; ses lettres y sont louées pour leurs bonnes parties, pour leur liberté et leur enjouement, pour les bons contes et les faits curieux qu’elles renferment : « Ces choses, dit-on, doivent obliger à n’en point regarder de si près le langage : car il n’est pas toujours selon Vaugelas ni Patru. » Ainsi, du temps de la jeunesse de Gui Patin, il y avait une séparation bien marquée dans le genre épistolaire : d’un côté, l’art, et rien que l’art et la rhétorique, comme chez Balzac et ceux de cette école ; de l’autre côté, le naturel, et rien que le naturel, avec tous ses hasards et ses crudités comme chez Gui Patin. […] Il est très lié avec M. de Blancmesnil, l’un des principaux du Parlement, un des deux prisonniers pour la liberté desquels se firent les premières barricades d’août 1648. […] Toutefois ses animosités contre l’antimoine et ceux qu’il appelait les chimistes ou les charlatans persistèrent, et il ne contint jamais la liberté de ses propos : il en faisait une affaire d’honneur et de vertu.

753. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

On voit là tout ce que la liberté d’esprit, la franchise et la vérité des faits peuvent produire d’excellent. […] Il ne marchande pas ce qu’il veut dire… Le public lui doit beaucoup d’avoir pris soin de ces Mémoires… Notre langue n’a plus cette naïveté et cette simplicité nécessaires pour un tel Journal, et nous n’avons point de Henri IV, à qui il échappe à tous moments des mots vifs et plaisants que l’on puisse recueillir. » Marais a exprimé en maint endroit son regret de la vieille langue et des libertés qu’elle autorisait. […] Je sais certainement qu’il a été tracassé pour les Lettres persanes ; que le cardinal a dit qu’il y avait dans ce livre des satires contre le Gouvernement passé et la Régence ; que cela marquait un cœur et un esprit de révolte ; qu’il y avait aussi de certaines libertés contre la religion et les mœurs, et qu’il fallait désavouer ce livre.

754. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

La Bruyère est un bourgeois de Paris : un libre esprit, sans préjugé de caste ni respect traditionnel, très peu révolutionnaire, mais satirique et frondeur, peu porté à l’indulgence envers les puissants et les puissances : un esprit indépendant, ayant horreur de tous les engagements, qui, pour ne pas diminuer sa liberté, a renoncé à tous les biens, à la fortune, aux emplois, même à la famille ; car une femme, des enfants, rendent le renoncement difficile : a-t-on le droit de se passer de tout pour eux, comme pour soi ? […] Hors de là, par l’active et hardie curiosité de son esprit, par l’indépendance essentielle et par les directions spontanées de sa pensée, par tout son tempérament enfin, il est tout près de Voltaire et surtout de Rousseau : chez lui le christianisme masque plutôt qu’il n’entrave la superbe liberté de la raison ; mais, de plus, chez lui la raison se dirige à son insu par les suggestions du tempérament. […] Suivant toujours son sens individuel, il représente la liberté.

755. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Pour des raisons politiques, dogmatiques ou d’intérêt personnel le directeur de la publication où essaierait d’écrire Sainte-Beuve, attenterait plus d’une fois à la liberté de sa pensée. […] Au surplus, sur cette question, je me range à l’avis ancien de Charles Maurras, dont la remarque me paraît plus que jamais actuelle : « Ce mot de liberté, qui n’a, en effet, que des significations assez absurdes en morale, sinistres ou stupides en politique, me semble revêtir en art un sens particulier qui se peut recevoir. » Max Daireaux — Il ne peut y avoir, à proprement parler, renouveau ni décadence de la critique, car la critique est fonction du mouvement littéraire ; les bons livres font naître les bons critiques, les mauvais livres les tuent. […] La critique reprendra alors toute la liberté de ses choix.

756. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

L’un, épicurien, exagérant trop souvent les excès du dernier du troupeau, au visage enjoué et fleuri, chargé sur la fin de sa vie de tout l’embonpoint qu’il reprochait aux moines, un Démocrite riant de son propre rire ; l’autre, une sorte de stoïcien chrétien, petit et maigre de corps, au visage pâle, exténué, où la vie ne se révélait que dans le regard, représentant l’esprit de discipline jusqu’au point où il devient tyrannie, de même que Rabelais représente l’esprit de liberté jusqu’au point où il devient licence. […] N’y a-t-il pas là comme une double personnification et une double tradition des deux grands caractères de l’esprit français, la rigueur logique, et cette liberté aimable que la logique a réglée sans la gêner ? […] Calvin traite en grand écrivain toutes les questions de la philosophie chrétienne, la conscience, la liberté chrétienne, la Providence divine, les traditions humaines, le renoncement à soi.

757. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Le partisan de la liberté dit : d’abord, j’ai pour moi le sentiment intime de mon libre arbitre ; ensuite mes projets, mes plans, les actes même les plus vulgaires de ma vie montrent que je ne suis pas esclave de la nécessité, que je n’agis pas comme un automate, mais que je participe à mes actions. […] « La réalité des distinctions morales et la liberté de nos volitions sont des questions indépendantes l’une de l’autre. Et je soutiens qu’un être humain qui aime d’une manière désintéressée et constante ses semblables et tout ce qui tient à leur bien ; qui hait d’une haine vigoureuse ce qui tend à leur mal et agit en conséquence, est naturellement, nécessairement et raisonnablement un objet d’amour, d’admiration, de sympathie, qu’il est chéri et encouragé par le genre humain » ; que celui qui a des tendances contraires, est un objet naturel et légitime d’aversion ; et cela soit qu’ils jouissent l’un et l’autre de leur liberté ou non.

758. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

À ses yeux, ce n’est ni la force du nombre, ni la puissance populaire, ni la liberté même qui doit prévaloir : c’est une équité souveraine, analogue à la Providence divine elle-même. […] 19 » La gloire même des temps où il vécut, cette gloire si réelle et si célébrée de Platée, de Mycale, de Salamine, cet amour d’une liberté si bien défendue contre les barbares d’Asie, et dont le triomphe, enlevé surtout par le courage des matelots d’Athènes, accroissait si puissamment l’orgueil démocratique, le laissa fidèle à sa préférence pour des Institutions plus paisibles. […] Cet esprit dorien va même dans Pindare jusqu’à consacrer par ses éloges des princes, que la liberté grecque nommait des tyrans.

759. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

même quand il composait les oraisons funèbres « où il entre beaucoup de narratifs à quoi il n’y a rien à changer », ou des discours de doctrine dans lesquels l’exposition du dogme doit être nette et précise, il écrivait tout, nous dit Le Dieu, sur un papier à deux colonnes, avec plusieurs expressions différentes des grands mouvements, mises l’une à côté de l’autre, dont il se réservait le choix dans la chaleur de la prononciation, pour se conserver, disait-il, la liberté de l’action en s’abandonnant à son mouvement sur ses auditeurs et tournant à leur profit les applaudissements mêmes qu’il en recevait. […] C’est en vertu du même principe de modestie, et de juste et rigoureuse distinction entre l’homme et le talent qu’au lit de mort et dans sa dernière maladie, comme le curé de Vareddes lui exprimait son étonnement qu’il voulût bien le consulter, lui à qui Dieu avait donné de si grandes et si vives lumières, il répondait : « Détrompez-vous, il ne les donne à l’homme que pour les autres le laissant souvent dans les ténèbres pour sa propre conduite. » Nous savons de nos jours, et par toutes sortes d’expériences, ce que c’est que l’homme de lettres livré à lui-même, dans toute la liberté et la verve de son caprice et de son développement ; nous savons ce qu’il est, même dans le cas où il se combine avec l’écrivain religieux et où il le complique par des susceptibilités sans nom.

760. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Soustrait à toute inspection, à tout contrôle officiel, le régime intellectuel des grands séminaires est celui de la liberté la plus complète : rien ou presque rien n’étant demandé à l’élève comme devoir rigoureux, il reste en pleine possession de lui-même ; qu’on joigne à cela une solitude absolue, de longues heures de méditation et de silence, la constante préoccupation d’un but supérieur à toutes les considérations personnelles, et on comprendra quel admirable milieu de pareilles maisons doivent former pour développer les facultés réfléchies. […] Après avoir donné à la revue qui paraissait sous le titre de La liberté de penser un morceau très-remarqué entre autres, De l’Origine du langage (1848), il signala bien tôt son entrée à la Revue des Deux Mondes (1851), et presque en même temps au Journal des Débats (1852), par une suite d’essais ou d’articles, parfaits, excellents, où se produisait sur maint sujet d’histoire, de littérature ou d’art, et sous une forme également grave et piquante, cet esprit savant, profond, délicat, fin, fier et un peu dédaigneux.

761. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

… D’un cri de liberté Jamais, comme mon cœur, mon vers n’a palpité ; Jamais le rhythme heureux, la cadence constante, N’ont traduit ma pensée au gré de mon attente ; Jamais les pleurs réels à mes yeux arrachés N’ont pu mouiller ces chants de ma veine épanchés ! […] Entre tant de poëmes de circonstance, où le faste des mots et des ornements cachait mal la disette de l’inspiration, les Oiseaux du Sacre se distinguaient par leur originalité naïve, touchante, convenable à une délicatesse de femme, d’une femme qui savait aussi faire entendre des accents de liberté.

762. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

On a beaucoup dit que les beaux-arts, que la poésie prospéraient, surtout dans les siècles corrompus ; cela signifie seulement que la plupart des peuples libres ne se sont occupés que de conserver leur morale et leur liberté, tandis que les rois et les chefs despotiques ont encouragé volontiers les distractions et les amusements. […] Il aimait la liberté, comme assurant à tous les genres de plaisirs la plus grande indépendance ; mais il n’avait pas cette haine profonde de la tyrannie, qu’une certaine dignité de caractère gravait dans l’âme des Romains.

763. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Dès que l’Ève éternelle ou l’éternelle Phryné est citée devant nous, nous sommes en cause, sciemment ou non ; et qui répondra de notre entière liberté de jugement ? […] Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même.

764. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le royaume de Dieu n’est alors que le bien 814, un ordre de choses meilleur que celui qui existe, le règne de la justice, que le fidèle, selon sa mesure, doit contribuer a fonder, ou encore la liberté de l’âme, quelque chose d’analogue à la « délivrance » bouddhique, fruit du détachement. […] Mais c’était encore, et probablement c’était surtout le royaume de l’âme, créé par la liberté et par le sentiment filial que l’homme vertueux ressent sur le sein de son Père.

765. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Je vis tranquille ; me convient-il de sacrifier mon repos et ma liberté ? […] Elle en avait besoin dans l’exercice de son office de gouvernante, pour conserver la liberté de se retirer et en trouver un prétexte dans ses devoirs religieux, si la mère des enfants qu’elle allait élever lui rendait la vie désagréable, et que le roi ne la dédommageât point de ses disgrâces.

766. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

En vain Mme de Sévigné essayait quelquefois de le modérer dans son zèle de bons offices et de correspondance : Vous jugez bien, écrivait-elle à sa fille, que puisque le régime que je lui avais ordonné ne lui plaît pas, je lâche la bride à toutes ses bontés et lui laisse la liberté de son écritoire. […] On y trouve la plus grande liberté du monde ; on y vit avec une égale discrétion.

767. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Il ne voit pas que cette liberté de penser n’est qu’une des formes de la responsabilité personnelle, l’une des preuves les plus évidentes de notre libre individualité. […] Aujourd’hui une jeunesse passionnée et ardente croit trouver la liberté par la voie du matérialisme, comme si l’essence même du despotisme n’était pas de se servir de la matière pour opprimer l’esprit !

768. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Si l’âme d’un homme ou la nature a donné à son visage l’expression de la bienveillance, de la justice et de la liberté, vous le sentirez, parce que vous portez en vous-même des images de ces vertus, et vous accueillerez celui qui vous les annonce. […] Les hommes seront descendus de cheval, et laissant paître en liberté leurs animaux, étendus sur la terre, ils continueront l’entretien, ou ils s’amuseront à lire l’inscription de la tombe.

769. (1915) La philosophie française « I »

Ce n’est pas sans raison qu’on a vu dans le cartésianisme une « philosophie de la liberté ». […] Parti du criticisme kantien, qu’il avait d’ailleurs profondément modifié dès le début, Renouvier 35 s’en est dégagé peu à peu pour arriver à des conclusions qui ne sont pas très éloignées, quant à la lettre, de celles du dogmatisme métaphysique : il affirme, en particulier, l’indépendance de la personne humaine ; il réintègre la liberté dans le monde.

770. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Le second en comprend également trois : le désir, la préférence, la liberté. […] Le raisonnement et la liberté semblent d’abord ne pas offrir la même analogie.

771. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Servius Tullius, institue le cens, dans lequel on a vu jusqu’ici le fondement de la liberté démocratique, et qui ne fut dans le principe que celui de la liberté aristocratique.

772. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Vaincu dans une descente à Lesbos et fait prisonnier, le poëte reçut sa liberté et renonça désormais à troubler sa patrie. […] Mais, avant ce changement du monde, lorsque le paganisme régnait dans la paix de l’empire romain, lorsqu’il n’y avait plus ni liberté, ni gloire patriotique, ni grande éloquence, et que la culture de l’esprit n’était plus qu’un amusement de la servitude, un savant critique, Denys d’Halicarnasse, celui qui a tant raisonné sur Thucydide et sur Démosthène, sans comprendre leurs âmes, sauvait au moins pour l’avenir, dans un traité de rhétorique, une ode entière de Sapho à sa déesse favorite.

773. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Il faut conserver la liberté de ses mouvements, ne point gêner la naturelle allure de l’esprit, en lui imposant une direction trop rigoureuse, en l’emprisonnant dans des divisions trop absolues : il resterait stérile et ne trouverait rien.

774. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guerne, André de (1853-1912) »

Et c’était dans les faubourgs des villes L’égorgement hideux des révoltes civiles ; Et sur le noir amas des cadavres, parmi Les fanfares, les champs, les salves, à demi Divinisé, sacré, béni, splendide, un homme, — Qu’importe, ô liberté !

775. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

C’étoit user un peu tard de la liberté de l’Histoire ; mais tel est le caractere de la plus grande partie des Gens de Lettres : ils ne montrent la vérité, que quand ils n’ont pas d’intérêt à la cacher.

776. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Les héros contractent mariage avec des étrangères ; les bâtards succèdent au trône ; observation importante qui prouverait qu’Homère a paru à l’époque où le droit héroïque tombait en désuétude dans la Grèce, pour faire place à la liberté populaire.

777. (1898) Essai sur Goethe

liberté d’allures complète, comme il convient à un successeur de Shakespeare ! […] Liberté !  […] Si j’ai chanté imprudemment le courage et la liberté, la loyauté et la liberté sans peine, l’orgueil de soi-même et le contentement du cœur, j’ai mérité la belle faveur des hommes. […] Jusqu’alors, il les avait accomplis avec un bonheur exceptionnel, sans laisser aucune amertume dans les cœurs féminins qu’il rendait à la liberté. […] Quelques-unes sont à peu près spirituelles, comme le distique qui reprochait aux deux amis les libertés de leur métrique.

778. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il y a aujourd’hui chez lui un jeune étudiant en médecine (Pouchet) s’occupant de tatouage, et qui nous signale de singuliers tatouages, relevés par lui : la devise : Liberté, Égalité, Fraternité, sur le ventre d’une prostituée, et sur le front d’un forçat, la légende pessimiste : Pas de chance. […] En dépit de sa liberté d’esprit de lettré, il a toujours sacrifié, et servilement souvent, à la considération du nom de l’écrivain, de l’historien, de l’orateur, du causeur même. […] Il trouve que l’on doit se contenter de la liberté civile. Mais, ça m’est bien égal d’avoir la liberté de faire mon testament. Canning l’a très bien dit : “La liberté civile c’est la liberté civique…” C’est la vie politique qu’il faudrait donner à la France… Mais voilà qu’on se retire, qu’on capitule dans la vie privée ! 

779. (1898) La cité antique

On s’est fait illusion sur la liberté chez les anciens et pour cela seul la liberté chez les modernes a été mise en péril. […] Qu’entendait-on par cette liberté dont on parlait sans cesse ? […] La cité aurait plutôt dit au père : « La vie de ta femme et de ton enfant ne t’appartient pas plus que leur liberté, je les protégerai, même contre toi ; ce n’est pas toi qui les jugeras, qui les tueras, s’ils ont failli : je serai leur seul juge ». […] La nouvelle religion, au contraire, reconnaissait à l’individu une vie propre, une liberté complète, une indépendance toute personnelle, et ne répugnait nullement à l’isoler de la famille : aussi le nom de baptême fut-il le premier et longtemps le seul nom. […] Mais, par cela même que le serviteur acquérait le culte et le droit de prier, il perdait sa liberté.

780. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

où est notre confiance, notre mutuel épanchement, notre liberté d’allée et de venue, notre causerie intarissable sans arrière-pensée ? […] Elle en partageait la tendance, et, en tout cas, elle pensait que dans cet ordre de pensées intimes, exprimées avec mesure, chacun doit donner ce qui est en lui avec une entière liberté. […] En lisant l’histoire de sa vie, on se demande s’il aimait vraiment la liberté, celui qui tint si peu à en jouir pour lui-même. […] N’a-t-il pas dit à Michelet, qui le félicitait un jour de se trouver par hasard en liberté (je trouve cette anecdote dans le livre de M.  […] On devine l’étonnement de Michelet entendant l’homme qu’il croyait ivre de sa liberté reconquise lui avouer qu’il lui manquait quelque chose, qu’il se sentait plus rassuré, plus maître de lui en prison.

781. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

La brochure de Montalembert intitulée : Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d’enseignement est datée de Madère, où l’auteur est allé depuis un an pour soigner la santé de sa jeune femme.

782. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Bref, le chemin semblait tracé, il était clairement indiqué du moins, et il ne s’agissait plus pour les poëtes, surtout après juillet 1830, et la pleine liberté de la scène étant conquise, que d’y marcher et d’y faire leurs preuves.

783. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

J’ai pu craindre quelquefois d’affliger ; j’ai pu, d’autres fois, prendre occasion de ressaisir ma liberté et de marquer mon dissentiment.

784. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Dans le midi, on vit au jour le jour ; la présence du soleil, des travaux peu pénible et jamais interrompus, des sensations toujours en éveil, ne permettent pas les longues espérances ni les longues inquiétudes : on y jouit précisément de cette liberté d’esprit si propice à l’essor de l’imagination ; c’est là que devaient et que seulement pouvaient naître ces poètes aimables, qui chantaient les douceurs du rien faire, la jouissance du présent et l’oubli du lendemain.

785. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Leur existence est la garantie de la liberté, qui serait perdue si le monde n’avait qu’une loi et qu’un maître.

786. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Le chrétien se soumet aux conditions les plus dures de la vie : mais on sent qu’il ne cède que par un principe de vertu ; qu’il ne s’abaisse que sous la main de Dieu, et non sous celle des hommes ; il conserve sa dignité dans les fers : fidèle à son maître sans lâcheté, il méprise des chaînes qu’il ne doit porter qu’un moment, et dont la mort viendra bientôt le délivrer ; il n’estime les choses de la vie que comme des songes, et supporte sa condition sans se plaindre, parce que la liberté et la servitude, la prospérité et le malheur, le diadème et le bonnet de l’esclave, sont peu différents à ses yeux.

787. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

qui renferme — ou nous nous trompons beaucoup — une simplification entr’aperçue de la question de la liberté.

788. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

La tragédie dut commencer par un chœur de satyres ; et la satire conserva pour caractère originaire la licence des injures et des insultes, villanie, parce que les villageois grossièrement déguisés se tenaient sur les tombereaux qui portaient la vendange, et avaient la liberté de dire de là toute sorte d’injures aux honnêtes gens, comme le font encore aujourd’hui les vendangeurs de la Campanie appelée proverbialement le séjour de Bacchus.

789. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Les trois formes de gouvernement se succédèrent chez eux conformément à l’ordre naturel ; l’aristocratie dura jusqu’aux lois Publilia et Petilia, la liberté populaire jusqu’à Auguste, la monarchie tant qu’il fut humainement possible de résister aux causes intérieures et extérieures qui détruisent un tel état politique.

790. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Thiers de confondre toujours le missionnaire armé du despotisme avec le missionnaire de la liberté. […] Aussi ce livre sera-t-il à jamais le manuel des administrateurs et des militaires ; les philosophes, les politiques, les hommes de pensée, les hommes de liberté, les hommes de religion, les hommes d’humanité, les hommes de bien écriront à leur tour cette histoire en se plaçant à un autre point de vue que le champ de bataille, au point de vue du bien ou du mal fait au genre humain par ce héros de l’armée et par ce héros du despotisme. […] Goûtez-vous plus la liberté compatible avec l’ordre des sociétés humaines ? […] N’était-ce donc pas sous le gouvernement de la république modérée et concentrée du Directoire que les échafauds avaient disparu, que les proscriptions avaient cessé, que la liberté des consciences avait été rendue au peuple avec le libre exercice des cultes, que les confiscations avaient été abolies, que les émigrés désarmés rentraient en masse sous des amnisties tacites dans la patrie ? […] C’était la Révolution revenant sur ses pas, relevant ses débris et cherchant à se fixer au point précis où la liberté régulière peut se constituer en gouvernement, entre la raison et l’abus, entre la licence et la tyrannie ; le Directoire était la résipiscence de la nation par elle-même.

791. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Comme celui-ci était du nombre de ceux qui me plaignaient, il me disait que le pape était souvent sollicité par M. de Montluc, de la part du roi de France, de me donner la liberté, et que le cardinal Farnèse, autrefois mon patron et mon ami, avait dit que je ne l’aurais point de longtemps encore. […] Le cardinal, le voyant en bonne disposition, lui demanda ma liberté avec instance, en lui disant que le roi avait la plus grande envie de m’avoir. […] « Cependant le cardinal me recommanda de veiller sur moi, et d’être bien sur mes gardes, si je voulais jouir de ma liberté, car le pape se repentait déjà de me l’avoir donnée. […] Le roi crut que je ne voulais lui adresser qu’un compliment, et recommanda au cardinal de Lorraine de me répéter ce qu’il m’avait dit ; mais je lui donnai de si bonnes raisons, qui furent rapportées, qu’on me laissa toute liberté. […] Ils peignent avec exactitude l’enthousiasme pour tous les arts de la main qui renaissaient sous Léon X, le culte du génie, la liberté des passions individuelles, à qui les crimes même étaient pardonnés en faveur d’un chef-d’œuvre de peinture et de sculpture, et enfin ce mélange bizarre de dévotion sincère et d’attentats atroces que l’absolution du pontife effaçait de la main même de l’assassin.

792. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

XIII Mais, s’apercevant de l’impression pénible que ses craintes sur les suites de la révolution de 1830 imprimaient à ses auditeurs, son fils, sa belle-fille, Mlle Ulrique et Eckermann : « Croyez-vous, dit-il après un long silence, que je sois indifférent aux grandes idées que réveillent en moi les mots de Liberté, de Peuple, de Patrie ? […] Vous parlez du réveil du peuple allemand et vous croyez que ce peuple ne se laissera plus arracher ce qu’il a conquis et ce qu’il a payé de son sang : la liberté. […] Vous dites : la liberté ; il serait plus juste peut-être de dire : la délivrance, et non la délivrance des étrangers, mais d’un étranger. […] Elle a continué dans la chambre à nourrir sa famille, et, rendue à la liberté, elle est revenue d’elle-même avec ses petits. […] Son prince et son ami paraît favoriser ces instincts d’une liberté régénératrice.

793. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Elle proclame la liberté, réclame l’égalité, et réconcilie ces deux sœurs ennemies en leur rappelant qu’elles sont meurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité. […] Comment demander une définition précise de la liberté et de l’égalité, alors que l’avenir doit rester ouvert à tous les progrès, notamment à la création de conditions nouvelles où deviendront possibles des formes de liberté et d’égalité aujourd’hui irréalisables, peut-être inconcevables ? […] Résumant les doléances présentées dans les cahiers des États généraux, Émile Faguet a écrit quelque part que la Révolution ne s’était pas faite pour la liberté et l’égalité, mais simplement « parce qu’on crevait de faim ». […] N’abusons pas du mot « loi » dans un domaine qui est celui de la liberté, mais usons de ce terme commode quand nous nous trouvons devant de grands faits qui présentent une régularité suffisante : nous appellerons loi de dichotomie celle qui paraît provoquer la réalisation, par leur seule dissociation, de tendances qui n’étaient d’abord que des vues différentes prises sur une tendance simple.

794. (1900) Molière pp. -283

Eh bien, la Comédie elle-même, quelques libertés qu’elle eût de ce temps, — elle en avait d’immenses qu’elle a perdues depuis, — la Comédie n’a pas suffi à recevoir tout l’emportement de sa fièvre bouffonne. […] Molière a voulu mettre et il a mis dans les relations de la vie domestique une liberté honnête qui de son temps n’y était pas de droit. […] Il voulut la liberté dans toutes les directions de l’esprit des femmes ; il les voulut instruites et éclairées bien plus qu’on ne le voulait de son temps, dans la bourgeoisie hostile et défiante quelque peu sur ce point. […] Sa liberté nous est un gage qu’elle saura tout peindre, mais non pas qu’elle s’interdira de rien défigurer. […] Cet amant ivre d’amour qui se coupa la gorge le lendemain de son mariage, et cet ouvrier, enthousiaste de liberté populaire, qui se jeta du haut des tours Notre-Dame le 26 février 1848, étaient deux hommes également sages.

795. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Les envieux et ceux qui lui voulaient nuire trouvaient leur compte en le louant : on le faisait passer, par sa liberté de parole et sa hauteur, pour un homme d’esprit plus à craindre qu’à employer, et dangereux. […] Il s’indigne donc de voir que cette noblesse française si célèbre, si illustre, est devenue un peuple presque de la même sorte que le peuple même, et seulement distingué de lui en ce que le peuple a la liberté de tout travail, de tout négoce, des armes même, au lieu que la noblesse est devenue un autre peuple qui n’a d’autre choix que de croupir dans une mortelle et ruineuse oisiveté qui la rend à charge et méprisée, ou d’aller à la guerre se faire tuer à travers les insultes des commis des secrétaires d’État et des secrétaires des intendants. […] Après sa retraite de la Cour, il venait quelquefois à Paris, et allait en visite chez la duchesse de La Vallière ou la duchesse de Mancini (toutes deux Noailles) : là, on raconte que, par une liberté de vieillard et de grand seigneur devenu campagnard, et pour se mettre plus à l’aise, il posait sa perruque sur un fauteuil, et sa tête fumait. — On se figure bien en effet cette tête à vue d’œil fumante, que tant de passions échauffaient. […] D’autres relèveront dans cette première édition des noms historiques estropiés, des généalogies mal comprises et rendues inintelligibles, des pages du manuscrit sautées, des transpositions et des déplacements qui ôtent tout leur sens à d’autres passages où Saint-Simon s’en réfère à ce qu’il a déjà dit ; pour moi, je suis surtout choqué et inquiet des libertés qu’on a prises avec la langue et le style d’un maître.

796. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Ils vont endurer, réclamer, lutter, résister ensemble et avec accord, faire effort aujourd’hui, demain, tous les jours, pour n’être pas tués ou volés, pour ramener leurs anciennes lois, pour obtenir ou extorquer des garanties, et par degrés ils vont acquérir la patience, le jugement, toutes les facultés et toutes les inclinations par lesquelles se maintiennent les libertés et se fondent les États. […] L’Espagnol catholique et exalté se représente la vie à la façon des croisés, des amoureux et des chevaliers, et, abandonnant le travail, la liberté et la science, se jette, à la suite de son inquisition et de son roi, dans la guerre fanatique, dans l’oisiveté romanesque, dans l’obéissance superstitieuse et passionnée, dans l’ignorance volontaire et irrémédiable1325. L’Allemand théologien et féodal se cantonne docilement, fidèlement sous ses petits princes, par patience naturelle et par loyauté héréditaire, occupé de sa femme et de son ménage, content d’avoir conquis la liberté religieuse, attardé par la lourdeur de son tempérament dans la grosse vie corporelle, et dans le respect inerte de l’ordre établi. […] C’est un homme du siècle, souvent un homme du monde, souvent de bonne famille, ayant les intérêts, les habitudes, les libertés des autres, parfois une voiture, des gens, des mœurs élégantes, ordinairement instruit, qui a lu et qui lit encore.

797. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Tel est, en effet, le prix que le christianisme a donné aux vérités de la morale, qu’il n’y a pas d’intérêt purement humain, fût-ce la liberté ou l’indépendance d’un peuple, qui pût inspirer à un politique une éloquence plus durable qu’à un chrétien, qui a la foi et le génie, la défense de ces vérités. Vérités, ou plutôt principes de conservation devenus si nécessaires aux peuples chrétiens, qu’il leur serait aussi impossible de s’en passer que de liberté ou d’indépendance. […] La sévérité n’en gêne pas la liberté, et la liberté n’y produit pas le relâchement.

798. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Dans cette pièce admirable, ils déterminent leurs fonctions par l’idée même qu’ils se font de la langue française, « laquelle, disent-ils, plus parfaite déjà que pas une des langues vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusqu’ici de l’élocution, qui n’était pas, à la vérité, toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie. » Il ne s’agit donc pour eux que de l’empêcher de manquer à cette grande destinée, de l’épurer et non de la créer, et, comme ils le disent avec une naïveté énergique, de « la nettoyer des ordures qu’elle avait contractées, ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du palais et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans ignorants, ou par l’abus de ceux qui la corrompent en écrivant, ou par les mauvais prédicateurs53. » Ils se tiennent dans les bornes d’une institution réelle et pratique, n’outrant rien, ne s’exagérant pas leur autorité, n’entreprenant ni sur la liberté ni sur l’originalité des esprits. […] La règle en France a donc précédé les chefs-d’œuvre ; la discipline a prévenu la liberté. […] Son ardeur pour la persécution et la disgrâce, cette vie de cachettes et de fuites, l’exil où il emportait la liberté d’écrire, préféré au silence dans la patrie ; ce mépris du repos, cette vieillesse toujours prête à combattre, cette soif de tout ce qui pouvait, dans ce temps-là, lui tenir lieu du martyre de la primitive Église, voilà des traits qui auraient dû laisser quelques marques dans ses ouvrages. […] Elle met l’homme en liberté et en franchise à l’égard de l’individu et de toutes les circonstances extérieures dont il dépend, le temps, les pays, le tempérament particulier.

799. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous y trouvâmes toutes les libertés et presque toutes les intelligences, des artistes et des hommes de lettres comme nous, des philosophes, des savants, des poètes : M.  […] Il nous reste à faire un appel à nos ennemis mêmes, à ceux qui aiment la liberté et qui doivent avoir quelques regrets devant leur victoire, devant l’interdiction de notre pièce par mesure administrative. […] « Signé : PIPE DE BOIS. » « 11 décembre 1865. » En vous signalant cet étrange mot d’ordre, nous n’avons pas besoin, Monsieur, de vous dire que nous désapprouvons complètement, avec l’immense majorité des étudiants, une prétention aussi contraire à la liberté théâtrale qu’aux égards dus aux auteurs et à des acteurs de talent. […] Maintenant, si cela intéresse quelques personnes, de savoir les raisons, pour lesquelles je renonce à épuiser toutes les chances d’une représentation théâtrale sur un théâtre quelconque, pour une œuvre dans laquelle mon frère avait mis et les derniers efforts et les dernières espérances de sa vie, ces raisons, les voici : Sous l’Empire, on nous avait dit : « Allez, c’est bien inutile de chercher à vous faire jouer, jamais la censure ne laissera passer votre pièce. » L’Empire est tombé, la République lui a succédé ; mais sous le nouveau régime de liberté, je retrouve la censure replâtrée dans sa perpétuité et rafistolée dans sa toute-puissance.

800. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Il est écrit avec liberté, avec gaieté, mais avec trop de prolixité & de négligence. […] Son caractère étoit d’une trempe romaine ; c’étoit Brutus ressuscité pour réveiller dans le cœur des François l’amour de la liberté & de la patrie. […] Sa Muse a du naturel, de l’enjouement, de l’énergie ; mais elle se permet des libertés dignes d’un cynique. […] Il joint à toute la liberté de la nature tous les agrémens de l’esprit.

801. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Je donnerai ici l’une de ces versions, qui montre à quel point ces grands mots tout chargés de foudre cachent souvent de timides pensées ; plus l’auteur tremble, et plus il grossit sa voix : Citoyens représentants, écrivait Vicq d’Azyr, vous avez dit un mot, et le sol de la liberté, labouré d’une manière nouvelle, produit une abondante moisson de salpêtre. […] Semblable à ce météore terrible qui, formé de mille courants divers, menace du haut de la nue les sommets escarpés et semble être destiné par la nature à maintenir l’égalité physique sur le globe, la foudre révolutionnaire qui est en vos mains, et que dirige habilement votre génie, continuera de renverser les trônes, fera tomber les têtes superbes qui voudraient s’élever au-dessus du niveau que vous avez tracé ; elle établira l’égalité politique et (l’égalité) morale, qui sont les bases de notre liberté sainte… Voilà jusqu’où l’exaltation de la peur et l’espoir de se faire pardonner de Couthon, Saint-Just et consorts, pouvaient conduire le ci-devant médecin de la reine, un écrivain académique élégant.

802. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

On me donne des passions et je n’ai que des opinions ; ou plutôt je n’ai qu’une passion, l’amour de la liberté et de la dignité humaine. […] J’admirais autant que personne, tout en m’étonnant un peu de cette éloquence disproportionnée au sujet ; et, comme j’aime aussi la liberté à ma manière, je fus tenté de demander s’il y avait désormais une orthodoxie académique établie sur M. 

803. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

On trouvera, dans le mouvement habituel du langage, dans le courant et la suite de l’entretien, des libertés, des grâces, des familiarités et des effusions plus vives encore que par le passé ; Mme de Sévigné osera tout, et avec plus d’abandon, avec plus d’abondance encore qu’on ne lui en connaissait : c’est ce qu’on aura surtout gagné. […] On savait qu’elle se passait bien des choses en causant ; il se voit maintenant qu’elle se les passait en écrivant aussi : les preuves de ces libertés et de ces salaisons de langage sont des plus significatives, et telles qu’on n’en saurait désirer de plus fortes.

804. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Le comte de Clermont s’avisa alors de dresser toute une liste de questions sur les ruses du braconnage et les secrets du métier qui font partie de l’art du chasseur ; il donna ordre à Louvigny de ménager au prisonnier toutes les facilités pour y répondre à son aise, lui promettant sa liberté et mieux encore s’il consentait à tout dire. La Bruyerre, se piquant d’honneur, répondit sur tous les points avec tant de franchise et de promptitude, que le prince non seulement le fit remettre en liberté, mais lui donna une place de garde de ses chasses, comme pour vérifier en sa personne le dicton : « Il n’est si bon garde qu’un vieux braconnier. » Il en résulta un volume intitulé : les Ruses du Braconnage, mises à découvert par L.

805. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Je ne l’aimai jamais, et je me reproche d’autant plus de n’avoir pas assez résisté à cette séduction ; je me blâme comme particulier, et encore plus comme législateur, qui croit que les vertus de la liberté sont aussi sévères que ses principes, qu’un peuple régénéré doit reconquérir toute la sévérité de la morale, et que la surveillance de l’Assemblée Nationale doit se porter sur ces excès nuisibles à la société en ce qu’ils contribuent à cette inégalité de fortune que les lois doivent tâcher de prévenir par tous les moyens qui ne blessent pas l’éternel fondement de la justice sociale, le respect de la propriété. […] Il écrivit à cette date à lord Grenville une lettre justificative, où il protestait de l’innocence de ses intentions et de ses démarches : « Je suis venu en Angleterre, disait-il, jouir de la paix et de la sûreté personnelle à l’abri d’une Constitution protectrice de la liberté et de la propriété.

806. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit. […] Nous sommes revenus à l’absolue liberté, comme avant la Renaissance  Le réalisme, si en faveur à présent, est chose du moyen âge  Le roman est aujourd’hui une bonne moitié de la littérature, comme au moyen âge  Les épopées du moyen âge défrayent notre poésie et notre musique  La poésie personnelle et lyrique, ressuscitée de nos jours, est chose du moyen âge plus que de la Renaissance et a été presque inconnue des deux derniers siècles ; Musset est plus proche de Villon que Boileau  Le mysticisme, la préoccupation du surnaturel, l’espèce de sensualité triste dont sont pénétrés si curieusement, en plein âge scientifique, les livres de beaucoup de jeunes gens, ce sont encore choses du moyen âge ; Baudelaire est moins loin que Boileau de l’auteur du Mystère de Théophile.

807. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Mis en liberté sous caution, ayant, à l’aide de ses amis, payé ses dettes, il se résolut de quitter Paris avec ses associés, laissant le champ libre aux troupes qui accaparaient la faveur publique. […] La comparaison est peu respectueuse, et je ne prendrais pas la liberté de la faire, si elle était de mon invention : ce fut Madame elle-même à qui elle vint à l’esprit, aussitôt que Monsieur fut sorti du cabinet, et elle la fit moitié en riant, moitié en pleurant.

808. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

On lui dit que, pour avoir sa liberté, il faut l’épouser. […] La liberté la plus grande continuait de régner sur cette scène.

809. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

« Il est certain que l’ami (le roi) et Quanto (madame de Montespan) sont véritablement séparés ; mais la douleur de la demoiselle (madame de Montespan) est fréquente et même jusqu’aux larmes, de voir à quel point l’ami s’en passe bien, Il ne pleurait que sa liberté et ce lieu de sûreté contre la dame du château. » Il ne pleurait, pendant la séparation, que la liberté qu’il trouvait dans la maison de la maîtresse, et un lieu où il pouvait échappera l’ennui que lui causait la société de la reine.)

810. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Mais, au fond du désert le plus solitaire, s’accomplit la seconde métamorphose : ici, l’esprit devient lion, il veut conquérir la liberté et être maître de son propre désert ». […] Il constate, implacable : « Les fantaisies de Lycurgue coûtèrent à Sparte son intelligence ; les hommes y furent beaux comme des chevaux de course et les femmes y marchaient nues drapées de leur seule stupidité ; l’Athènes des courtisanes et de la liberté de l’amour a donné au monde moderne sa conscience intellectuelle. » Ce redoutable destructeur des apparences, seules divinités adorées par la tourbe, cet amoureux de l’unique réalité, l’individu, a bien conscience d’être un monstre fort haïssable non seulement pour la foule, mais aussi pour les « âniers innocents qui accompagnent mais ne guident pas la caravane ».

811. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

. — Je reviens au Raphaël d’aujourd’hui, à celui de M. de Lamartine : S’il eût tenu un pinceau, dit notre auteur, il aurait peint la Vierge de Foligno ; s’il eût manié le ciseau, il aurait sculpté la Psyché de Canova ; s’il eût connu la langue dans laquelle on écrit les sons, il aurait noté les plaintes aériennes du vent de mer dans les fibres des pins d’Italie… S’il eût été poète, il aurait écrit les apostrophes de Job à Jéhovah, les stances d’Herminie du Tasse, la conversation de Roméo et Juliette au clair de lune, de Shakespeare, le portrait d’Haydé de lord Byron… S’il eût vécu dans ces républiques antiques où l’homme se développait tout entier dans la liberté, comme le corps se développe sans ligature dans l’air libre et en plein soleil, il aurait aspiré à tous les sommets comme César, il aurait parlé comme Démosthène, il serait mort comme Caton. […] La jeune femme a puisé dans son éducation et dans la société de son mari les pures doctrines du xviiie  siècle ; elle est incrédule, matérialiste, athée même ; cela ne l’empêche pas d’être très liée avec M. de Bonald, et c’est un jour, pour lui complaire, que le poète des Méditations aurait commis innocemment, sans trop savoir ce qu’il faisait, cette ode au Génie, dédiée au grand adversaire de la liberté.

812. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Anselme, qui a de beaux mots et des paroles heureuses pour exprimer sa pensée, disait en écrivant à Baudouin, roi de Jérusalem : « Il n’est rien qui soit plus cher à Dieu en ce monde que la liberté de son Église. » Ç’a été comme la devise et la maxime des seize dernières années de sa vie, et l’opinion catholique universelle lui en a su gré avec une solennelle reconnaissance. […] Le poète Callimaque a fait une épigramme où il dit à peu près : « Ce lièvre que le chasseur poursuit par monts et par vaux avec toutes sortes de fatigues et par toutes les intempéries de l’air, donnez-le-lui tout tué, il n’en voudra pas. » Anselme, pour le résumer dans sa double carrière, reste mémorable à deux titres : historiquement, il a été l’un des patrons, des défenseurs, des militants et des patients pour la liberté de l’Église en face de l’État, scientifiquement, il est l’inventeur d’un argument métaphysique pour l’existence de Dieu, ce qui, joint à ses autres écrits, fait de lui l’un des rares successeurs de saint Augustin et de Platon, l’un des prédécesseurs de Descartes et de Malebranche.

813. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Voir la Liberté et le Déterminisme, 2° partie. […] Voir la Liberté et le Déterminisme, 2e partie.

814. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

La poésie, sans cesser de se consacrer à célébrer les attributs de Dieu, doit entrer davantage dans les affections de l’homme, et surtout dans la liberté morale ; car, comme nous le dirons tout à l’heure, le règne du fatalisme va finir aussi dans les royaumes de l’imagination, et cela seul change beaucoup toutes les données poétiques. […] La soumission au joug classique fut longtemps une soumission volontaire et qui par conséquent ne gênait point la liberté.

815. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Par l’extension illimitée du droit de suffrage et la substitution des tribus aux centuries, il avait, sur la trace de Marius et de César, noyé la liberté sous le nombre, abaissé le patriciat après l’avoir proscrit, et substitué au vœu libre des citoyens les clameurs serviles de la foule. […] La vraie beauté de cette ode, c’est même, dans la bouche du chantre épicurien de l’empire, le retour aux grands souvenirs de la liberté romaine, à cette vaillante jeunesse née de soldats laboureurs ; c’est, avec une admirable concision, l’abrégé des victoires de la république ; puis la dernière strophe semble aujourd’hui pour nous une prédiction trop vraie arrachée au poëte, comme à ce prophète de l’ancienne loi qui maudit en voulant bénir.

816. (1940) Quatre études pp. -154

Il est vrai qu’il était monté sur les barricades, en 1848 ; et qu’il avait publié un journal démocratique, pour dire à la foule qu’il n’y avait rien de plus beau que la république et la liberté. […] Républicain, démocrate, et révolutionnaire, il espérait qu’un jour se lèverait, et ce jour était proche, où le soleil de la liberté réchaufferait le monde, et chasserait du ciel l’aristocratie des étoiles. […] Or chez ces mêmes Anglais, dont quelques-uns, nous l’avons vu, s’appliquent à reproduire le moindre détail concret qu’ils observent dans la plus simple nature, quelques poètes, et les plus grands, inventent en toute liberté, dans une joie voisine de l’extase. […] Toute l’Arcadie italienne, qui avait commencé par une révolte contre la préciosité, contre l’emphase, contre la boursouflure, et qui avait entonné l’hymne à la liberté, a fini par un bêlement, parce qu’elle a cru de son devoir d’imiter Théocrite, et ses bergers et ses bergères, et même ses moutons. […] * * * Tenons compte, en premier lieu, d’une certaine préparation aux libertés inconditionnées que le moi réclame.

817. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Je le dis à son éloge, il m’avait tout à fait pardonné mes libertés de plume.

818. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Remarquons seulement un singulier progrès : en voyant les inversions nombreuses, autrefois si chères à l’auteur, un journal qui a trop de sens pour ne pas en supposer aux autres, la Revue d’Édimbourg pensa que M. d’Arlincourt pouvait bien être le Cervantes du siècle, que ses romans n’étaient après tout que des critiques ingénieuses et voilées, et qu’en forçant la bizarrerie, il avait voulu faire honte au goût de ses contemporains : ainsi dans un autre genre, Machiavel, en professant le despotisme aux princes, n’avait fait, selon quelques-uns, que prêcher la liberté aux peuples.

819. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

Quant à Charles, il ne s’aperçoit pas d’abord de Léonide : son père, qui est un Grec et un vrai Grec du siècle de Miltiade, a fait de lui un Romain, comme dit Morzande ; notre Romain est fou de gloire, de liberté, de littérature même, et la pauvre Léonide a besoin de lui découvrir son amour avant qu’il songe à l’aimer.

820. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

Le vers employé là est très simple, très souple, inégal d’étendue et merveilleusement rythmé : c’est le vers libre dans toute sa liberté familière et lyrique… [Mercure de France (mars 1898).]

821. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Boisrobert la présenta de sa part aux neuf amis, qui la reçurent avec déplaisir, voyant dans l’érection légale de l’Académie la perte de la liberté et de l’intimité qui faisaient le charme de leur réunion.

822. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

L’exemple de François Ier, celui des quatre successeurs de ce prince, celui de Henri IV, lui avaient persuadé que la France voyait sans scandale des maîtresses attitrées à ses rois, et regardait l’usage qui les avait introduites comme un dédommagement destiné à racheter ce qui manque à la liberté de leur choix quand ils se marient ; mais il n’oubliera pas ce qu’il doit à sa couronne dans le choix des personnes qui seront chargées d’élever son héritier.

823. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

La Fontaine fut reçu dans sa société, Ce fut le genre de conversation à laquelle elle se plaisait qui inspira au jeune poète ces contes auxquels on reproche une liberté plus que gaie.

824. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Affranchis des servitudes matérielles et morales, des espérances, des craintes et des dogmes, seuls nous avons la vraie liberté.

825. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

N’est-ce pas se jouer en quelque manière de la sensibilité de notre ame, que de vouloir lui faire éprouver les contrariétés les plus choquantes, que de la tourmenter par des mouvemens forcés & pénibles, auxquels elle ne cede que malgré elle, & toujours pour un moment, parce qu’elle tend d’elle-même à l’ordre & à la liberté ?

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