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681. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIII. Des sympathies anarchistes de quelques littérateurs » pp. 288-290

C’est d’ailleurs la seule voie pour eux ouverte ; car certain socialisme, qui a les sympathies de la jeunesse des écoles pour ce qu’il est une plate-forme moins foulée aux électorats à venir, ce socialisme est odieux à l’artiste qu’il enregimenterait, et plus seulement pour trois ans.

682. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

A ce défaut de jeunesse près, dont il sera facile à cet Auteur de se corriger, on peut dire que son Discours annonce un talent qui n’a besoin que d’être cultivé pour égaler celui des grands modeles.

683. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Mlle Marie-Madeleine Pioche de La Vergne eut de bonne heure plus de lecture et d’étude que bien des personnes, même spirituelles, de la génération précédente n’en avaient eu dans leur jeunesse. […] Il est question à tout moment de cette joie que donne la première jeunesse jointe à la beauté, de cette sorte de trouble et d’embarras dans toutes les actions que cause l’amour dans l’innocence de la première jeunesse, enfin de tout ce qui est le plus loin d’elle et de son ami, en leur liaison tardive. […] Je n’y distingue que deux locutions qui ont vieilli : « Le roi ne survécut guère le prince son fils ; » et : « Milord Courtenay étoit aussi aimé de la reine Marie, qui l’auroit épousé du consentement de toute l’Angleterre, sans qu’elle connût que la jeunesse et la beauté de sa sœur Élisabeth le touchoient davantage que l’espérance de régner ; » pour, si ce n’est qu’elle connût, etc. ; cette dernière locution revient plusieurs fois. […] En avançant dans la composition de la Princesse de Clèves, les pensées de Mme de La Fayette, après ce premier essor vers la jeunesse et ses joies, redeviennent graves ; l’idée du devoir augmente et l’emporte.

684. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il compose un drame intitulé la Jeunesse de Charles II. […] En vertu du système ci-dessus indiqué, son drame devient alors la Jeunesse de Henri V. […] Les uns, après avoir donné leur jeunesse à l’action, consacrent le soir de leurs jours à raconter ce qu’ils ont fait et se plaisent à revivre ainsi leur vie trop tôt passée. […] Un simple coup d’œil révèle l’immense développement pris par le roman, cette réduction de l’épopée, qui est le régal des femmes, de, la jeunesse et des gens du peuple, parce que ces trois catégories de personnes, ayant une imagination plus neuve ou une sensibilité plus vive, éprouvent un insatiable besoin d’aventures et d’émotions factices. […] Veut-on une preuve du dédain que la jeunesse, grisée par le bruit des tambours, ressentait pour tout ce qui n’était pas la vie militaire ?

685. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

II De 1815 à 1818, dans la mansarde solitaire de la maison paternelle, à la campagne et dans les langueurs d’une première jeunesse inoccupée, j’avais écrit plusieurs tragédies sur le mode banal et classique de la scène française. […] III Mais je me flattais secrètement alors, au bruit des brises d’hiver dans le toit de ma mansarde et au pétillement du sarment de vigne dans l’âtre, que quelqu’une de ces tragédies, amusement de mes ennuis de jeunesse, aurait le bonheur de parvenir jusque sur la scène par la protection de quelque acteur de génie ou de quelque actrice en faveur. […] Je n’ai pour me recommander à vous que ma jeunesse, mon isolement, et ma confiance dans votre bonté, égale à mon admiration pour votre génie. […] Seulement il y a çà et là trop de jeunesse et trop de déclamation poétique, au lieu d’art dramatique. […] Une famille illustre par le génie autant que par la naissance m’avait jugé digne de contempler un tel spectacle, pour me donner l’émulation d’une gloire dont elle avait, dans sa bienveillance, le pressentiment pour ma jeunesse.

686. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il était parti plein d’espérance et de jeunesse, vêtu à la dernière mode et paré de toute l’élégance maternelle ; il revient, après vingt ans, d’un monde inconnu, il revient tout chargé de rides, tout couvert de haillons, et changé… Dieu le sait. […] Voilà une page assez naïve… oui, mais dans sa grâce enfantine elle ne manque pas d’un certain charme ; la jeunesse rachète et au-delà, l’inexpérience. […] Il semble que votre jeunesse vous revient, parée et charmante à l’unisson. […] Comment le contemplateur pouvait-il appuyer sa large tête sur le sein de cette jeunesse enamourée autre part ? […] Elle est empreinte de la première et éclatante jeunesse d’un poète dont la jeunesse est déjà un poème !

687. (1923) Nouvelles études et autres figures

Ils grandissaient dans des jeux puérils, et, quand ils arrivaient à la jeunesse, ils mouraient d’imbécillité. […] Ignace de Loyola n’avait pas encore pensé à réformer l’éducation de la jeunesse. […] Bysshe, dans sa jeunesse, avait été féru de toutes les nouveautés et très entiché du magnétisme. […] Dans sa jeunesse il s’était cru royaliste et catholique. […] On trouva dans un de ses tiroirs des bas roses de sa jeunesse et des cilices.

688. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Pendant quelque temps, on les confond, et il semble même qu’on ait plus en gré les amis des autres âges que ceux de la jeunesse. […] Les croyances perdues sont comme les années envolées ; on ne se refait pas plus une foi qu’on ne se redonne une jeunesse. […] Ajoutez-y, chez quelques-uns, le plaisir de faire une dernière espièglerie d’écolier aux maîtres de leur jeunesse. […] Mais, dans la jeunesse, aime-t-on autre chose que la jeunesse ? […] Condamné sous l’Empire pour une extravagante déclaration d’athéisme dans un journal, j’avais obtenu qu’en raison de sa jeunesse on lui fît grâce.

689. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine.

690. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 390-393

On ne peut disconvenir qu’un pareil projet, soutenu par de grands talens, ne fût très-louable, & ne pût avoir d’heureux succès pour l’éducation de la jeunesse.

691. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Sa Paraphrase du premier Livre des Instituts de Justinien, ne se ressent, en aucune maniere, de la jeunesse de l’Auteur, qui n’avoit alors que dix-neuf ans.

692. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

Je les donne ici, non comme un modèle de littérature, mais comme un témoignage de respect à madame Victor Hugo, et de souvenir affectueux de nos jeunesses à un ancien ami.

693. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

C’était trop d’avoir à pratiquer une seconde fois, pendant tant d’années, ce mot de sa jeunesse : J’attendrai ! […] Dans ma plus grande jeunesse elles m’ont ouvert une porte agréable dans le monde ; elles m’ont consolé de la longue disgrâce du cardinal de Fleury et de l’inflexible dureté de l’évêque de Mirepoix. […] C’est une dissertation continuelle et ennuyeuse : rien n’est plus plat qu’une politique superficielle. » Il redira cette même pensée avec une grâce et une vigueur nouvelles, et en résumant sous forme piquante les diverses variations de modes et d’engouements auxquelles il avait assisté dès sa jeunesse : À l’égard de Paris (juillet 1762), je ne désire d’y habiter que lorsque la conversation y sera meilleure, moins passionnée, moins politique.

694. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

S’il a, comme je l’ai dit, le sentiment de la fatigue et de l’épuisement des sociétés, de ce caractère blasé qui est le produit de l’extrême civilisation, il retrouve aussi en idée, et par saillies, cet autre sentiment de la jeunesse et de la vigueur première du monde, et il le reconnaît aux anciens dans tous les ordres de travaux et de découvertes : il sait que pour tout ce qui est de l’observation et de l’expérience, et dans les sciences qui en dépendent, les modernes l’emportent de beaucoup : Il me suffit, ajoute-t-il, d’avoir remarqué que les anciens ont été plus promptement éclairés que les modernes, qu’ils ont volé dans la carrière où les autres se sont traînés. […] On est tenté de croire que M. de Meilhan a songé à lui dans ce portrait d’Aladin qui nous représente assez bien son propre idéal et ce qu’il aurait voulu être dans la jeunesse : Aladin était éloquent, passionné pour la liberté ; il était épris de la gloire et sentait qu’on ne pouvait s’élever dans une cour qu’en rampant, et que l’assiduité tenait lieu de mérite. […] M. de Meilhan décompose, pour ainsi dire, son idéal entre ces deux personnages ; l’un est ce qu’il s’imagine avoir été dans sa jeunesse, l’autre ce qu’il se flatte d’être devenu dans son âge désabusé.

695. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

J’ai fort connu Gustave Planche dès la jeunesse et même dès l’adolescence. […] À cet âge de première jeunesse, c’était un grand jeune homme long et même assez fluet, le front assez beau et spécieux, la nuque très-mince ; toujours les mains dans ses poches ; vous accostant dès qu’il vous rencontrait et ne vous lâchant plus, fussiez-vous allé par un temps de pluie d’un bout de Paris à l’autre. […] Sa jeunesse fut, de toutes celles que j’ai connues, la plus irrévérente et la plus dénuée de la faculté du respect.

696. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Voyez sa personne ; revoyez-la telle qu’elle a dû être dans la fleur de la jeunesse. […] C’est moins encore quand il fait de la mode pure que dans tout l’ensemble de son œuvre de jeunesse, que Gavarni mérite cet éloge pour la grâce des costumes. […] C’est dans les premières années qui suivirent 1830 qu’on put reconnaître l’effet des travestissements de Gavarni dans les réunions masquées ; c’est au bal des Variétés que s’est produit d’abord, dans toute sa nouveauté et sa fureur, le débardeur svelte, alerte, découplé, déluré, en chemisette bouffante de satin blanc : tous les beaux d’alors, la jeunesse à la mode, en arboraient la livrée.

697. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Les aides de camp ne s’en plaignaient pas ; ils se trouvaient plus à leur aise en vivant ensemble, et se livraient sans contrainte à la gaieté qui caractérise la jeunesse, la jeunesse française, la jeunesse militaire.

698. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Une ravissante actrice, miss Smithson, apportait et confondait, pour nous séduire, sa jeunesse, son talent, sa grâce idéale, et le charme de toutes ces beautés dramatiques si neuves qu’elle interprétait à nos eux pour la première fois. […] Ayant peu écrit dans sa première jeunesse, nourri d’études classiques, élevé au nid de la littérature française, M. […] Le reflux de l’âme, à l’âge du retour, est en raison le plus souvent de ce qu’a été la marée montante aux heures de la jeunesse : plus l’on s’était avancé, et plus on se retire.

699. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

M. de Saint-Priest possède à un haut degré les qualités littéraires : il en faisait déjà preuve dans sa jeunesse, et, quoiqu’il l’ait sans doute oublié lui-même aujourd’hui, d’autres que l’inexorable Quérard se souviennent encore de gracieux essais par lesquels il préludait avec aisance et goût dans la mêlée, alors si vive. […] Tant que durent la jeunesse et la beauté, l’existence n’est qu’une fête, par la protection souvent coupable d’un maître. […] La jeunesse imprévoyante et frivole se rit encore de ces aberrations, mais ne les partage plus ; Astyle raille Gnathon sans songer à devenir son complice.

700. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Le fils de Claude-Ignace allait également à Paris dans sa jeunesse, y était recommandé à son compatriote Danchet, et faisait même quelque préface à je ne sais quelle tragédie de cet illustre d’un jour. […] Prosper de Barante apportait là des prédispositions toutes particulières, une jeunesse pure et sérieuse, une éducation diverse, un peu inégale, rectifiée par une réflexion précoce, surtout rien de scolaire, rien de cet enthousiasme purement littéraire qui sent sa rhétorique et qui la prolonge au delà du moment. […] Nous noterons pourtant une charmante petite nouvelle de la famille d’Ourika et du Lépreux, intitulée Sœur Marguerite ; échappée à la plume de notre ambassadeur à Turin, en 1834, elle a témoigné de cette délicate variété de goût qu’on lui connaissait, et de cette jeunesse conservée de cœur.

701. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

On y verra, en une situation simple, toute l’ardeur et toute la subtilité de ce sentiment éternel ; on y verra surtout la force de vie et d’immortalité qui convient à l’amour vrai, cette impuissance à mourir, cette faculté de renaître, et cette jeunesse de là passion recommençante avec toutes ses fleurs, comme on nous le dit des rosiers de Pœstum qui portent en un an deux moissons. […] Leur roman était là, car le roman n’est jamais le jour que l’on vit : c’est le lendemain dans la grande jeunesse ; plus tard c’est déjà la veille et le passé. […] Il l’entourait d’un soin affectueux, d’une fraîcheur de désir et de jeunesse, que son sentiment n’avait jamais connue d’abord dans cette vivacité, mais qu’une fois averti, il puisait avec vérité dans sa profondeur.

702. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

D’ailleurs, comme en ce temps les réputations étaient lentes à se faire, et qu’on n’arrivait que tard à la célébrité, ce n’était que bien plus tard encore, et dans la vieillesse du grand homme, que quelque admirateur empressé de son génie, un Brossette, un Monchesnay, s’avisait de penser à sa biographie ; ou encore cet historien était quelque parent pieux et dévoué, mais trop jeune pour avoir bien connu la jeunesse de son auteur, comme Fontenelle pour Corneille, et Louis Racine pour son père. […] Ce n’est que quinze ans après, que ce triste et doux souvenir, gardien de sa jeunesse, s’affaiblit assez chez lui pour lui permettre d’épouser une autre femme ; et alors il commence une vie bourgeoise et de ménage, dont nul écart ne le distraira au milieu des licences du monde comique auquel il se trouve forcément mêlé. […] Il a pourtant réussi à exprimer dans Chimène et dans Pauline cette vertueuse puissance de sacrifice, que lui-même avait pratiquée en sa jeunesse.

703. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Or il arriva que l’Art Parnassien, en 1885, ne répondait plus guère aux aspirations secrètes de la jeunesse littéraire d’alors, de celle qui résistait d’instinct au naturalisme et était impatiente d’y opposer quelque chose de nouveau. […] La jeunesse d’alors se groupa autour d’eux. […] Affaire de jeunesse à laquelle se joignait une idée peut-être erronée et abusive des droits de la poésie.

704. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Son enfance, d’ailleurs, et sa première jeunesse se passèrent dans les frivolités, dans une vie toute de cérémonial et de divertissement, dans les bals, les comédies, les collations, sans que personne fût là pour l’avertir qu’il y avait au monde quelque chose de plus sérieux. […] Cette beauté à laquelle elle est la première à rendre une si haute justice était réelle, en effet, à cet âge de première jeunesse. […] Restée froide et pure, et n’ayant jamais aimé jusqu’alors, elle ressentit pour la première fois l’amour avec une extrême jeunesse et, on peut dire, enfance de cœur ; elle nous le décrit avec la naïveté d’une bergère.

705. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

pourquoi faut-il qu’aveuglant la jeunesse, Comme tous les plaisirs, l’étude ait son ivresse ? […] Il nous siérait peu à nous qui parlons, de nous montrer trop sévère, l’ayant ressentie à notre jour et même décrite autrefois dans notre jeunesse. […] Qu’il suffise de rappeler qu’Hégésippe Moreau, au moment même où il venait de trouver un éditeur pour ses vers, et où Le Myosotis publié avec luxe (1838) et déjà loué dans les journaux allait lui faire une réputation, entrait sans ressource à l’hospice de la Charité et y mourait le 20 décembre 1838, renouvelant l’exemple lamentable de Gilbert et faisant un pendant trop fidèle au drame émouvant de Chatterton, dont l’impression était encore toute vive sur la jeunesse.

706. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

En effet, toutes ces grandes réprimandes qu’on leur fait dans leur première jeunesse, de n’être pas assez propres, de ne s’habiller point d’assez bon air et de n’étudier pas assez les leçons que leurs maîtres à danser et à chanter leur donnent, ne prouvent-elles pas ce que je dis ? […] Comment la jeunesse de Mme de Sévigné et de Mme de La Fayette s’en put-elle nourrir ? […] On ne saurait rien conclure des compliments que Mme de Sévigné et Mme de Maintenon adressaient à Mlle de Scudéry vieillie : ces personnes de bonne grâce et de haute convenance continuaient de respecter en elle, quand elles lui parlaient en face, une des admirations de leur jeunesse.

707. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

C’était le temps des mystifications, et on en imagina une qui parut de bonne guerre à cette vive et légère jeunesse. […] Mais quel fut l’étonnement, le regret et un peu le remords de cette folâtre jeunesse, y compris la soi-disant dame, assise à un coin de la cheminée, de voir M. de La Harpe, en entrant, ne regarder à rien et se mettre simplement à genoux pour faire sa prière, une prière qui se prolongea longtemps ! […] Il semblait, en effet, que, comme cet empereur romain qui voulait mourir debout, La Harpe se fût dit dans sa passion littéraire : « Il convient qu’un critique (même converti) meure en jugeant. » Depuis une quinzaine de jours que je vis avec La Harpe, je me suis demandé (à part les bonnes parties du Cours de littérature qui sont toujours utiles à lire dans la jeunesse) quelles pages de lui on pourrait aujourd’hui offrir à ses amis comme à ses ennemis, quel échantillon incontestable de son talent de causeur, d’écrivain, d’homme qui avait au moins, en professant, un certain secret dramatique, et qui savait attacher.

708. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Il est désormais plus humble, plus circonspect ; il se méfie de ce désir de savoir et de ce besoin de croire, lesquels, combinés dans la jeunesse avec le besoin d’aimer, peuvent se prendre à des idoles et à de faux prophètes : et Rousseau, selon lui, a été un faux prophète. […] Je le laisse parler lui-même le plus que je peux ; c’est le meilleur moyen de le faire connaître, car on le lit bien peu aujourd’hui : Lorsqu’en 1783, écrit-il, je partais de Marseille, c’était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi qu’inspire la jeunesse : je quittais gaiement un pays d’abondance et de paix pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d’employer le temps d’une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d’un genre neuf, et à embellir, par elles, le reste de ma vie d’une auréole de considération et d’estime.

709. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Une farce héroïque était née où dans un décor montmartrois la Jeunesse des Lettres et la Vétusté académique s’affrontaient. […] Cette jeunesse enseigne la destruction de la réalité en bloc, qui n’est que la cristallisation de la bêtise et de l’infériorité soushumaine, Tous les maux dont nous souffrons peuvent être dérivés de la prédominance de la matière et le réel est synonyme de vide mental. […] Mars a assassiné sa jeunesse.

710. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Aussi, ressemblant en cela à beaucoup d’autres caricaturistes, Pigal ne sait pas très-bien exprimer la jeunesse ; il arrive souvent que ses jeunes gens ont l’air grimé. […] Ces coquins-là sont si jolis que la jeunesse aura fatalement envie de les imiter. […] Paul de Kock a créé la Grisette, et Gavarni la Lorette ; et quelques-unes de ces filles se sont perfectionnées en se l’assimilant, comme la jeunesse du quartier latin avait subi l’influence de ses étudiants, comme beaucoup de gens s’efforcent de ressembler aux gravures de mode.

711. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

C’était une chaste harmonie, mélodieuse sans art, émue sans passion terrestre, presque monotone et toute charmante ; c’étaient les premiers et les délicieux vers de M. de Lamartine : l’Isolement, le Soir, le Vallon, le Lac, la Foi, le Temple, les Étoiles ; tous ces échos de douce rêverie, dont nuls sons ne pouvaient être détachés et retentir dans les vastes auditoires des cours publics, sans faire éclater les mille applaudissements d’une jeunesse idolâtre. […] Que le jour s’achève ou renaisse, Courez en bourdonnant, comme l’abeille aux champs : Ma joie et mon bonheur, et mon âme, et mes chants, Iront où vous irez, jeunesse ! […] Le poëte mexicain ramène ici sa jeunesse aux prises avec les angoisses du cœur, sa flamme éteinte et la souffrance interne qui obscurcit son front.

712. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Mais l’auteur de la Jeunesse ne s’est pas mépris sur les véritables intentions de cette rigueur sympathique. […] Augier semble préluder à sa pièce de la Jeunesse en se faisant jeune lui-même. […] Augier que son personnage de Philippe Huguet, qui a vingt-huit ans, soit la personnification bien absolue de la jeunesse ; à vingt-huit ans la jeunesse est déjà un astre voisin de son déclin. […] Cette scène seule suffirait pour justifier le titre de la Jeunesse que M.  […] La Jeunesse, comédie en cinq actes et en vers.

713. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Elles s’y dessécheraient et y perdraient avec leur jeunesse et leur fraîcheur tout ce qui fait leur beauté. […] Chateaubriand n’est plus, mais ce mélancolique épisode de sa jeunesse, René, reste vivant au milieu de son œuvre partiellement pâlie. […] Le mot Bohême ne peut être déplacé dans notre travail, puisqu’il fut anobli par ce poëte de la jeunesse tourmentée et de l’indigent plaisir. […] Du parti de la jeunesse, il en était sans doute. […] La jeunesse des écoles le savait par cœur.

714. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXX » pp. 126-128

L'Université n’est pas toujours aussi intéressante qu’elle pourrait l’être ; les chefs n’ont jamais eu, depuis longtemps, ce cœur généreux, libéral, affectueux, ami désintéressé du bien, qui conviendrait dans la direction de la jeunesse, qu’avait, par exemple, le premier grand maître Fontanes, et dont l’effet moral se ferait aussitôt sentir ; ils ont été des administrateurs plus ou moins habiles et attentifs, des ministres plus ou moins accapareurs et ambitieux.

715. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Pour moi, ces douces pentes Me peignent le retour des natures contentes, L’heureux soir de la vie, — un esprit calme et sûr Qui, pour la fin des ans, réserve un fruit plus mûr ; Dans un œil languissant je crois voir l’étincelle, Un céleste rayon d’espérance fidèle, La jeunesse du cœur et la paix du vieillard. —  Tout, pour toi, dans ce monde est ténèbres, hasard : Un grand principe aveugle, un mouvement sans cause Anime tour à tour et détruit chaque chose ; Par tous les éléments, sous les eaux, dans les airs, Chaque être en tue un autre : ainsi vit l’Univers ; Et dans ce grand chaos, bien plus chaos lui-même, L’homme, insondable sphinx, ajoute son problème, Crime et misère, en lui, qui se donnent la main ; La douleur ici-bas, et point de lendemain. —  Oh !

716. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

L’auteur suppose qu’un être de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animales, un centaure vieilli, raconte à un mortel curieux, à Mélampe, qui cherche la sagesse, et qui est venu l’interroger sur la vie des Centaures, les secrets de sa jeunesse et les impressions de vague bonheur et d’enivrement dans ses courses effrénées et vagabondes.

717. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

Il développera parmi la prime jeunesse les vocations latentes de dramaturge et de poète genre chevalerie.

718. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

Qu’on les laisse se soutenir d’eux-mêmes dans la jeunesse, ou s’en aller librement dans l’âge avancé.

719. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Fabre, La Jeunesse de Fléchier, Paris, 1882. […] Les années de jeunesse, d’apprentissage et de voyage [Cf.  […] Desnoiresterres, Les Cours galantes, et, du même : La Jeunesse de Voltaire] — avec Mme Ulrich [Cf.  […] Le Moraliste. — Origines de La Bruyère ; — ses études, — et que seul des grands écrivains de son temps il a su quatre ou cinq langues, dont l’allemand ; — sa famille et ses années de jeunesse [Cf.  […] La jeunesse de Fénelon. — Sa famille ; — ses premières études : Cahors, le collège du Plessis, et le séminaire de Saint-Sulpice. — Ses lettres de jeunesse [à Bossuet, à la marquise de Laval] ; — et qu’elles sont marquées aux signes de la préciosité. — Il est nommé directeur des Nouvelles catholiques. — S’il en faut croire Saint-Simon sur les intrigues de l’abbé de Fénelon pour se pousser ?

720. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

. — Et là-dessus on s’est mis à désirer de réentendre ces pièces immortelles, éclipsées un long moment, et dans lesquelles tant de personnes de la société recommençaient aussi à aimer les souvenirs de leur propre jeunesse. […] Mais pour rester bon juge de la valeur de cette œuvre distinguée, pour ne rien méconnaître des mérites sérieux qu’on y salua si vivement à sa naissance, pour garder tout respect enfin à une pure impression de notre jeunesse, il y a à revenir aux circonstances mêmes où la pièce s’est produite, voilà plus de vingt ans, et au point de départ qui avait précédé. […] Né à Paris en 1785, arrivant à l’adolescence avec le Consulat, il mûrit sa jeunesse sous l’Empire. […] Béranger, qu’il sied si bien de nommer à côté d’un poëte qui fut son ami de jeunesse et de tous les temps, a dit, par un sentiment assez semblable, dans le refrain touchant d’un captif : Hirondelles de la patrie, De ses malheurs ne me parlez-vous pas ?

721. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

De sorte que l’on a une espèce de passion préconçue pour La Fontaine et qu’on veuille en faire, du moins pendant cette période de sa jeunesse, un homme sans défaut, un homme impeccable, on accuse naturellement MIIe de La Fontaine. […] Il y a, évidemment, dans la jeunesse de La Fontaine, beaucoup d’irrégularités. […] Il y a eu, pendant la seconde jeunesse de La Fontaine, il y a eu à Château-Thierry, un petit mouvement littéraire qui était plus ou moins ridicule, plus ou moins sérieux, à la tête duquel était Mlle de La Fontaine elle-même. […] Pour ce qui est de ses écrits, il avait publié, en 1665, le premier recueil de ses Contes, accompagnés de quelques poésies de jeunesse.

722. (1890) L’avenir de la science « Préface »

J’ai pensé que quelques personnes liraient, non sans profit, ces pages ressuscitées, et surtout que la jeunesse, un peu incertaine de sa voie, verrait avec plaisir comment un jeune homme, très franc et très sincère, pensait seul avec lui-même il y a quarante ans. […] Une condition m’était imposée, pour qu’une telle publication ne fût pas dénuée de tout intérêt, c’était de reproduire mon essai de jeunesse dans sa forme naïve, touffue, souvent abrupte.

723. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

La marquise de Rambouillet joignait, aux avantages de la naissance et de la jeunesse, une grande fortune. […] Il était d’ailleurs naturel à une jeune femme élevée dans une famille de mœurs pures et décentes, de partager le dégoût général pour les amours du roi, qui n’avaient plus l’excuse de la jeunesse.

724. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

On juge dans l’âge de l’imagination et de la fantaisie, et les jugements qu’on porte ne sont que des caprices, charmants comme la jeunesse, mais souvent aussi peu raisonnables. […] On contente ainsi ce besoin si impérieux de la jeunesse de communiquer ses impressions et de répandre ses sentiments.

725. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

III Nous l’avons dit déjà, ce qui brille et se voit d’abord dans le style du capitaine d’Arpentigny, ce qui lui communique pour nous un charme vainqueur, — et ce mot de romance va bien ici, — c’est le reflet militaire qu’il a gardé de sa jeunesse ! […] Par le relief et par le mouvement, par la sensation du pittoresque et la flamme de l’imagination, teinte de guerre depuis la jeunesse, le capitaine d’Arpentigny serait un magnifique historien militaire, et nous le croirions dans un milieu plus vrai que celui qu’il s’est choisi s’il nous écrivait quelque grand épisode de l’histoire de cet Empire pour lequel il est si dur et si injuste.

726. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Il est vrai qu’ils sont en Amérique, — ce qui diminue le mérite d’en avoir, — dans le pays qui pare sa jeunesse avec les oripeaux tombés de la tête branlante de la vieille Europe. […] Pénétré, dès sa jeunesse, des influences fatalement mystiques d’une société qui, comme le dit excellemment M. 

727. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Voilà quelque dix ans qu’il fut salué par Jules Lemaître, du titre de Prince de la jeunesse. […] Une vague inquiétude commença de travailler la jeunesse lettrée. […] Sa jeunesse fut morose. […] Quand il eut passé l’enfance, il partit pour l’île de Tyr et y vécut toute sa jeunesse. […] Il lui dit adieu comme au dernier souvenir de sa jeunesse orientale.

728. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Jeanne la regardait avidement ; et du fond des lointains de sa petite jeunesse une foule de souvenirs accouraient. […] Cette belle fille qui sait que la jeunesse n’a qu’un temps, en use du mieux qu’elle peut. […] Les règles pratiques reçues et acceptées dans sa jeunesse et sur lesquelles était fondée toute sa vie ne répondaient pas à cette cruelle hypothèse. […] Jeunesse blanche. — 1886. […] Ma jeunesse. — 1884.

729. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IX » pp. 33-36

Mais la jeunesse a lu, mais ceux qui ont fait le succès étaient au courant de ces travaux et disposés à accueillir ce style transporté à la scène, enfin, avec pureté et sans trop d’enflure.

730. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIV » pp. 141-143

En fait de publications, cela est sensible : Masgana, le Barbin des galeries de l’Odéon, se plaint de n’avoir rien de nouveau à offrir à la jeunesse des écoles qui revient la bourse bien garnie, mais qui ne l’aura pas longtemps.

731. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Un sentiment d’honneur, et même une sorte de tendresse d’âme, sont compatibles, il faut le dire, avec cette facilité bizarre, comme cela se voit chez l’abbé Prévost dans sa jeunesse, chez l’abbé de Choisy, chez Gil Blas.

732. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

M. du Clésieux, nous dit-on, après de bonnes études, et quelques années passées à Paris dans sa première jeunesse, s’est bientôt retiré, et comme enfui dans sa Bretagne ; les plaisirs l’avaient effleuré un moment, et il s’y dérobait avec une sorte d’effroi.

733. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebrun, Pierre (1785-1873) »

Théophile Gautier Un poète qui, dès sa jeunesse avait pris un rôle élevé, un rôle de précurseur, et qui a su introduire du naturel et de la fraîcheur dans une poésie qui jusque-là semblait trop craindre ces mêmes qualités, l’auteur du Cid d’Andalousie et du Poème de la Grèce, M. 

734. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemaître, Jules (1853-1914) »

Il y avait en effet dans les Médaillons, au milieu de pièces de premier ordre, des inégalités et des hasards (qui, d’ailleurs, donnaient au livre un air de jeunesse, et n’étaient pas déplaisants), trop d’habiletés faciles, de « belles chevilles » et de bric-à-brac parnassien.

735. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Tel qu’on me l’a dépeint, et quoique enlaidi par la petite vérole, il était des mieux faits dans sa jeunesse, un homme superbe, athlétique, d’une vigueur, d’une adresse, d’une intrépidité sans égale, et avec des sentiments d’une fierté, d’une indépendance, d’une ambition généreuse, qui le mettaient tout à fait hors de pair. […] Tel qu’on me le décrit à cet âge de première jeunesse, il n’était pas du tout pareil à ce savant d’une santé ferme encore, mais réduite, que nous avons sous les yeux : il jouissait d’une force de corps et d’une organisation herculéenne, héritée par lui de son père. […] Il y a notamment inséré des traductions en vers de poésies de Schiller, essais de jeunesse datant de 1823 et 1824. […] Une affreuse catastrophe, où elle avait montré toute sa force d’âme, dominait ses souvenirs de jeunesse. […] J’avais tort de désespérer ; ces Stances désirées m’arrivent à l’instant, avec quelques autres pièces de vers, de la jeunesse de l’auteur.

736. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Les papes cependant s’efforçaient de transformer par la magnificence des édifices Avignon en une Rome des Gaules ; la vie qu’on y menait était élégante et raffinée ; les jeunes gens même à qui la tonsure donnait droit aux bénéfices ecclésiastiques sans leur imposer les devoirs du sacerdoce, fréquentaient les académies et les palais des femmes plus que les églises ; leur costume était recherché et efféminé, « Souvenez-vous », dit Pétrarque dans une lettre à son frère Gérard, où il lui retrace ces vanités de leur jeunesse, « souvenez-vous que nous portions des tuniques de laine fine et blanche où la moindre tache, un pli mal séant auraient été pour nous un grand sujet de honte ; que nos souliers, où nous évitions soigneusement la plus petite grimace, étaient si étroits que nous souffrions le martyre, à tel point qu’il m’aurait été impossible de marcher si je n’avais senti qu’il valait mieux blesser les yeux des autres que mes propres nerfs ; quand nous allions dans les rues, quel soin, quelle attention pour nous garantir des coups de vent qui auraient dérangé notre chevelure, ou pour éviter la boue qui aurait pu ternir l’éclat de nos tuniques !  […] « Moi qui étais plus sauvage que les cerfs des forêts », écrit-il ; et ailleurs : « Les traits qui m’avaient été lancés jusqu’alors n’avaient fait qu’effleurer mon cœur, quand l’amour appela à son aide une dame toute-puissante contre laquelle ni le génie, ni la force, ni les supplications ne purent jamais rien. » C’est dans ces dispositions de l’indifférence que le lundi de la semaine sainte, 6 avril 1327, à six heures du matin, dans l’église des religieuses de Sainte-Claire, où Pétrarque était allé faire ses prières, ses regards furent éblouis par une dame de la plus tendre jeunesse et d’une incomparable beauté. […] Boulay-Paty, a consacré sa jeunesse à calquer vers sur vers ces sonnets et ces odes. […] Quant à Pétrarque, il crut revoir dans son ami le restaurateur de cette Italie antique, dont l’image occupait depuis sa jeunesse la moitié de son âme. […] » Plus loin, on le voit tenté, par la séduction des lieux, de la beauté, de la jeunesse, de la nature, d’aimer encore ici-bas ; mais l’amoureuse jalousie de Laure, s’armant de sévérité divine, le rappelle tendrement au mépris de ce qui n’est pas elle.

737. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Goulden tira de l’armoire une bouteille de son vin de Metz, qu’il gardait pour les grandes circonstances, et nous soupâmes en quelque sorte comme deux camarades ; car, durant toute la soirée, il ne cessa point de me parler du bon temps de sa jeunesse, disant qu’il avait eu jadis une amoureuse, mais qu’en l’année 92 il était parti pour la levée en masse, à cause de l’invasion des Prussiens, et qu’à son retour à Fénétrange, il avait trouvé cette personne mariée, chose naturelle, puisqu’il ne s’était jamais permis de lui déclarer son amour : cela ne l’empêchait pas de rester fidèle à ce tendre souvenir : il en parlait d’un air grave. […] la jeunesse, la jeunesse, cela ne pense à rien… Quelle imprudence… quelle imprudence !  […] C’était encore une fois le bon temps de la jeunesse, le temps de l’amour, le temps du travail et de la paix. […] Si des gens raisonnables me disent que j’ai bien fait d’écrire ma campagne de 1813, que cela peut éclairer la jeunesse sur les vanités de la gloire militaire, et lui montrer qu’on n’est jamais plus heureux que par la paix, la liberté et le travail ; eh bien !

738. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Mais la jeunesse s’est toujours moquée des aînés. […] À force de se chanter à eux-mêmes, de s’exalter en tant qu’individus, de s’opposer au monde et de se disperser, en s’arrêtant au jeu des apparences, dans l’éparpillement de la sensibilité, ils ne se sont plus tenus dans la mesure, et ils ont vécu et œuvré sans parvenir à se dégager de cette forêt touffue et prodigieuse qui est l’imagination d’une jeunesse ardente. […] Il me semblait d’abord que les attaques contre le xixe  siècle dussent venir d’eux, tant on a accusé les pères et grands-pères de la jeunesse actuelle d’avoir passé leur vie en bavardages subversifs et malsains, ou, pour le mieux, stériles, à ne jamais réaliser, à ne jamais construire, sinon quelques tours d’ivoire… On pourrait poursuivre et demander : les catholiques ? […] Et il me semble qu’en ma jeunesse on en fabriquait beaucoup. […] L’appétit de la lecture a singulièrement diminué chez la jeunesse présente, de qui le septième art, autrement dit le cinéma, a développé la paresse.

739. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Dans sa jeunesse, il avait fait la cour à une jeune fille qui s’était mariée à un autre. […] Cette puissance ne la doivent-ils pas plutôt à la virginité de leur jeunesse. […] Guizot et Hugo, ont pu devenir des érotiques, leur prime jeunesse a été chaste. […] Dès ce temps, il avait une action sur la jeunesse des écoles. […] C’est pendant la période de la Jeunesse, de la Force, de l’Amour, qu’il faut faire des vers. » Mercredi 17 juillet La force prime le droit, cette formule prussienne du droit moderne, proclamée, en pleine civilisation, par le peuple qui se prétend le civilisé par excellence, cette formule me revient souvent à l’esprit.

740. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Un enseignement littéraire ainsi gradué sur l’âge, sur le goût, sur les forces, sur la température des années de notre vie auxquelles elle s’adapte rationnellement, donnerait à l’enfance, à l’adolescence, à la jeunesse, à l’âge mûr, un attrait bien plus naturel et bien plus universel pour les belles choses de l’esprit en harmonie avec l’âge et le sexe des disciples. […] Il était entré tard, et après une vie répandue, dans l’ordre ; il avait voulu recueillir la maturité de sa vie et utiliser à l’instruction littéraire de la jeunesse ses talents et ses goûts, goûts et talents d’un lettré accompli. […] Mais, tout en élaguant très prudemment du livre les parties romanesques ou passionnées trop propres à allumer ou à efféminer les passions précoces de leur jeunesse, ils le laissèrent circuler à demi-dose dans leurs collèges. […] J’ai dit, dans cette demi-confidence de première jeunesse, que, pendant notre séjour dans l’île, j’écrivais de temps en temps des vers mentalement adressés à la charmante fille du pêcheur, bien qu’elle ignorât ce que c’était que des vers et dans quelle langue ces vers étaient écrits. […] V Je retenais de peur mon haleine insensible ; Je pensais voir en toi sous ces cieux éclatants Une apparition d’Homère ou de la Bible : La Jeunesse au cœur d’or faisant l’aumône au Temps !

741. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Dans la jeunesse, les influences auxquelles obéit l’activité sont plus intimes ; l’énergie plus concentrée de ces influences produit un enthousiasme plus durable : de là la religion. […] Enfin une méditation profonde et repliée sur elle-même, l’amour chaque jour plus vif et plus exclusif de la sagesse, portent la vieillesse à chercher toutes ses satisfactions dans la science. — L’enfance et l’art furent représentés par la Grèce, la jeunesse et la religion par le monde germano-chrétien ; l’Angleterre représente aujourd’hui l’âge mûr et l’industrie, et l’Allemagne, la nation de la science, fermera le cycle de la vie du genre humain. […] On a souvent essayé de déterminer avec quelque précision les caractères que revêtent successivement les sociétés dans l’enfance et la jeunesse, dans l’âge mûr, dans la vieillesse. Bacon a cru pouvoir formuler cette loi : « dans la jeunesse d’un état, c’est le métier des armes qui fleurit ; dans l’âge mûr, c’est encore pendant quelque temps le goût de la guerre, et aussi la science, qui devient peu à peu prépondérante ; au déclin, ce sont les arts mécaniques et le commerce. » Un penseur bavarois, Ernest de Lasaulx, a repris pour son compte cette vue du lord chancelier ; il en trouve la confirmation dans l’histoire de la Grèce et de Rome, et craint de la vérifier pour son propre pays. […] L’individu ne reçoit par l’acte qui lui donne naissance qu’une force de vie limitée ; elle se dépense et s’épuise dans ce cycle dont les phases diverses sont l’enfance, la jeunesse, l’âge mûr, la vieillesse ; mats quelles sont les bornes assignables à la force vitale d’une nation ?

742. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il y a, évidemment, des influences multiples qui ont abouti à cette théorie, et surtout à l’ardeur dont une partie de la jeunesse l’a embrassée. […] Je ne sais pas écrire une lettre… » — C’est ainsi que Renan se jugeait comme « épistolier » dans les Souvenirs d’enfance et de jeunesse. […] Il en résulte que chaque union de ce genre c’est toujours une jeunesse humaine supprimée. […] Dans ces productions de jeunesse, qui ne furent point sans attirer l’attention, ce qu’on remarquait, c’était le talent de description, qui était très grand. […] La jeunesse a tout l’avenir devant elle ; elle peut faire les grands sacrifices ; elle a en elle de puissantes réserves de résurrection.

743. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Otto de Bismarck montra dès la jeunesse un esprit indomptable. […] Le crépuscule de la jeunesse est l’heure la plus mélancolique de la vie. […] Je viens de rouvrir ce livre de jeunesse. […] Elle portait jusque dans l’enjouement de la jeunesse une certaine gravité. […] Il est vrai aussi que, pour armer la jeunesse, rien ne vaut la force latine.

744. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Comme toutes les belles âmes elle aimait la jeunesse. […] La jeunesse actuelle cherche autre chose. […] On souffre que la jeunesse y soit bouillante et que la vieillesse y sommeille quelquefois. […] La jeunesse a cela de beau qu’elle peut admirer sans comprendre. […] Comment instruire la jeunesse chrétienne ?

745. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

La jeunesse à Paris a l’oreille très fine. Elle est très distincte à cet égard, et pour les nouveautés littéraires, de la jeunesse de province. […] C’était un bel antidote contre les matinées Ballande recommandées par l’Alma mater à la jeunesse studieuse. […] Au début de sa jeunesse, cette tendance lui assura comme un bonheur ; aux dernières années, il en vécut anxieux. […] La jeunesse avait à payer à Verlaine un arriéré de gloire, elle le fit ; la presse s’en exagéra l’influence exacte de Verlaine.

746. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Il est resté l’ami préféré de ma pensée ; la flamme de ses vers est tellement mêlée à ma vie, à ma jeunesse, à mes amours, à mes cris de liberté que je l’aime comme moi-même, et que je ne puis remonter le cours de mes années sans me rappeler, à chaque aurore, l’attrait divin de ses poésies. […] La jeunesse se reconnaît plus spécialement dans la fièvre d’espérance de Musset, dans son entraînement fougueux, dans ses colères et ses révoltes, dans son désir de tout entreprendre, de tout réformer et de tout braver, c’est pourquoi il est et demeure mon poète préféré. […] La Jeunesse Blanche me révéla à moi-même ; j’appris par cœur La Vocation… Mon poète, mon « grand frère aîné en Notre-Dame la Poésie », c’est Rodenbach. […] — Tous ceux qui parmi les poètes du siècle dernier le furent vraiment, nous sont chers, de Chénier qui ouvrit le cycle à Mallarmé qui le ferma, et nous nous en voudrions d’être ingrats aujourd’hui à tous nos cultes de jeunesse. […] — L’homme qui exerça sur ma jeunesse une influence prépondérante fut le Titan Victor Hugo.

747. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Littérairement, pas de jeunesse. […] Evidemment, malgré les dépressions de l’âge, l’homme de ce portrait fut beau dans sa jeunesse. […] Werther fut écrit en pleine jeunesse, quand les facultés sont le plus à feu dans des hommes vivants ; mais ce beau lymphatique de Gœthe n’a jamais vécu… Il était à Strasbourg. […] C’était Gœthe, avec son absence de passion vraie et sa présence de déclamation fausse, qui n’est pas même à lui, car elle est à Rousseau, à l’inflammatoire et putride Rousseau, dont la jeunesse du temps était infectée. […] Il y écrit sur l’Apollon du Belvédère : « Le souffle sublime de la vie, la jeunesse éternelle, la jeune liberté ne sont pas dans le plâtre : il faut le marbre, dont la transparence fait chair… » Observation juste, qu’on peut lui appliquer, à lui, Gœthe, chez qui le talent n’a jamais la transparence qui fait chair.

748. (1881) Le roman expérimental

C’est à la jeunesse de décider. […] Conduisez donc notre jeunesse en classe chez les savants, et non chez les poètes, si vous voulez avoir une jeunesse virile. […] Toute la jeunesse s’y abandonnait comme elle s’abandonne aux plaisirs faciles. […] Que la jeunesse française m’entende, le patriotisme est là. […] Examinons donc les vœux de la jeunesse.

749. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

La jeunesse appartenant aux écoles philosophiques les plus opposées accourut avec ses préventions, ses préjugés, peut-être avec des intentions hostiles. […] Puis, en 1813, pour la seconde fois, M. de Lamartine a visité l’Italie ; et sa jeunesse, toujours chrétienne par la foi, mais égarée dans ses voies par les passions de son âge, en a rapporté d’harmonieux regrets, de tristes et doux souvenirs. Le sentiment dominant de la jeunesse de M. de Lamartine a été celui d’une révolte intérieure contre le joug de plomb de l’empire, plus pesant encore à la liberté de la pensée qu’à celle des actions. […] Quelques détails biographiques de la jeunesse de M.  […] Guizot était dans cette période de la jeunesse où l’on ne s’effraye pas d’une union un peu disproportionnée par l’âge, et où la première affection du jeune homme se plaît à retrouver quelque chose de maternel dans la tendresse de la femme.

750. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alphonse Karr. Ce qu’il y a dans une bouteille d’encre, Geneviève. »

Les deux enfants de madame Lauter, après la disparition de son mari, grandissent et deviennent, Léon un artiste charmant, Geneviève une personne adorable et sensible : Albert et Rose, leur cousin et cousine germaine, avec qui ils ont grandi, ont aussi une vive fleur d’âme et de jeunesse.

751. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Donnay, Maurice (1859-1945) »

Lavisse et de Vogüé, ces deux guides autorisés de la jeunesse contemporaine.

752. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

Leurs souhaits d’air fleuri tendus vers les dimanches… Leurs fronts lourds et pâles se penchent, Et leurs regards, résignés, poursuivent Leur jeunesse qui s’effiloque Avec les Orients découpés par leurs doigts.

753. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Tel en est le début : Echappé des périls d’une ardente jeunesse, Et parvenu dans l’âge où regne la sagesse, Je m’étois résolu d’écouter la Raison, Et d’être sage au moins dans l’arriere saison.

754. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Ouvrage du malheur, et non des années, elles ressemblent aux cheveux blancs sur la tête de la jeunesse.

755. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

J’avais eu le bonheur d’être élevé à l’Oratoire par un des amis de ce philosophe, et je l’ai beaucoup vu dans ma première jeunesse. […] Et qui ne voyait-il pas, qui n’a-t-il pas connu au temps de cette jeunesse liante, de d’Alembert à Linguet, de Berquin à Mercier, de Florian à Rétif ; tous les étages de la littérature et de la vie ? […] Mais, du moins, il en est quelques-unes pour qui l’heure ne compte pas, simples grâces que l’haleine divine a touchées en naissant, et qui ont la jeunesse immortelle. […] La jeunesse ne peut bien juger les faits que d’après la manière dont ils lui seront présentés. […] Il avait vu Le Kain dans sa première jeunesse, et en avait gardé une impression incomparable.

756. (1925) Portraits et souvenirs

De tous ses compagnons de jeunesse, Nerval fut le seul qui finit romantiquement. […] Leur jeunesse même les rend particulièrement sympathiques. […] Il n’avait ni la mélancolie fiévreuse, ni l’ardeur passionnée, ni la langueur inquiète des jeunesses condamnées. […] En effet, c’est aux années de jeunesse de M.  […] Barrès est arrivé à substituer, peu à peu, à son idéal de jeunesse, une doctrine de maturité assez différente.

757. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

758. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

il chante les nostalgies de la petite éponge qui s’étiole parmi les objets de toilette et songe à sa jeunesse vécue sur un libre rocher couvert d’algues vertes, en pleine mer, dans la familiarité sauvage des crabes, des homards et des crevettes… Les fables de Franc-Nohain, ingénues, falotes et charmantes, sont certes d’une puissante gaîté.

759. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

. — Souvenirs de jeunesse (1839). — La Neuvaine de la Chandeleur ; Lydie (1839). — Trésor des fèves et fleur des pois ; le Génie bonhomme ; Histoire du chien de Brisquet (1844).

760. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

On voit croître l’homme et sa pensée : d’abord enfant, ensuite attaqué par les passions dans la jeunesse, fort et sage dans son âge mûr, faible et corrompu dans sa vieillesse.

761. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Lorsque Clotaire couronna son fils Dagobert roi d’une partie de ses États, il choisit Pépin comme le plus digne de guider sa jeunesse et son inexpérience. […] J’ai passé là-bas, dans ma jeunesse, des mois charmants. […] Luchon est un peu comme Naples : un décor pour la jeunesse. […] Goethe s’était passionné, dans sa jeunesse, pour les marionnettes. […] Ses anciens amis le blâmaient de donner le mauvais exemple, tandis que la jeunesse romantique se moquait de lui, et ne lui savait aucun gré de se compromettre.

762. (1913) Poètes et critiques

Il a assisté au bal d’étudiants d’Upsal, et il nous a représenté ce qu’il y admira : la jeunesse de la Suède, dans les costumes anciens, dansant les vieilles danses. […] Il a été écrit, évidemment, sous l’impression, très vive encore, du regret qu’une perte aussi grande devait avoir laissé aux amis de jeunesse de Taine, aux familiers de la dernière heure, à quelques disciples fervents, à la foule des admirateurs, convaincus ou dociles. […] René Doumic, chroniqueur dramatique sans complaisance, habile conférencier, polémiste mordant, reste fidèle à l’idéal politique et religieux de sa première jeunesse. […] Mais ce n’est pas impunément qu’on a passé plusieurs années de sa jeunesse à s’entraîner en vue de l’enseignement : un peu plus tôt, un peu plus tard, quoi que l’on ait pu faire pour éviter ce pas, il faudra bien qu’on monte en chaire. […] L’amoureuse amitié de ce sage, de ce chrétien, sa discrète adoration, si dévouée et si profonde, s’effacera mélancoliquement et, sinon sans souffrance, du moins sans un accent de reproche ou un pli d’amertume, devant la jeunesse et l’ardeur de René de Chateaubriand.

763. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Pourquoi ne pas reconnaître plutôt que toute une portion de la jeunesse contemporaine traverse une crise ? […] On remarquera que ce sont là des influences qui continuent à peser sur la jeunesse actuelle. […] Ils ont cru en Dieu dans leur jeunesse, mais à fleur d’esprit. […] Tous les trois nous avons mené une jeunesse sage, car nous avions une œuvre à faire. […] Il s’y trouve une première version de jeunesse de tous les poèmes plus complets de l’âge mûr.

764. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Dès sa jeunesse, et même dès son enfance, il subit l’épreuve des souffrances du corps, il connut la maladie et ses langueurs, plus tristes encore à cet âge où l’être humain aspire à la vie avec plus d’intensité. […] Dès sa jeunesse, et tandis qu’il était encore à la tête de son établissement d’imprimerie, il avait fait des travaux de mécanique. […] Dans cet amour pour la jeunesse, il n’y avait ni calcul de vanité, ni étalage de protection, mais un attrait sincère et profond pour ce qu’il y a de vie et d’espérance dans l’humanité. […] La Grèce, c’est-à-dire la beauté, la jeunesse éternelle, l’héroïsme et la poésie, la Grèce ne pouvait accepter qu’un maître beau, jeune, héroïque, et né comme elle de la poésie. […] En résumé, l’art moderne, et j’entends par là celui du moyen âge et le nôtre, n’a pas fait autre chose que d’ajouter quelques rides à la beauté sereine et calme, à l’adorable jeunesse des types grecs.

765. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Les deux ou trois occasions de sa jeunesse où il a presque manqué de pain n’ont pas été bien cruelles. […] Dans cette jeunesse, pas un amour ! […] Les poètes avaient toujours associé l’amour à la jeunesse, à la force et à la beauté. […] Mais sentons aussi ce qui jette tant de chaleur et de magnificence sur l’essence infecte de telles phrases : la jeunesse et l’art. […] Ruy Blas, dont la grande pensée de jeunesse a été celle de Ralla : « à quoi bon travailler !

766. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 218-221

Après ce qu’il a fait, M. de Musset est resté modeste, à le juger du moins sur ses paroles ; il ne s’exagère point la grandeur de son œuvre, il s’en dissimule trop peut-être le côté délicieux et captivant ; peu soucieux de l’avenir, il dit pour toute préface au lecteur : Ce livre est toute ma jeunesse ; Je l’ai fait sans presque y songer.

767. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

Dans la jeunesse on regarde volontiers les idées comme erreurs ou vérités absolues, les personnes comme des êtres simples, sans alliage, bons ou mauvais absolument.

768. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gregh, Fernand (1873-1960) »

Mais le charme printanier, le parfum de jeunesse que ces poèmes de rêve et d’amour vous fourrent brusquement sous le nez, comme une de ces bottes de giroflées que la Parisienne achète dans la charrette à bras, au bord du trottoir, cela, c’est bien de Fernand Gregh, à lui tout seul, et c’est enivrant.

769. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Parodi, D.-Alexandre (1842-1902) »

. — La Jeunesse de François Ier , drame en cinq actes et en vers (1884). — L’Inflexible, drame en cinq actes, en prose (1884). — Le Théâtre en France : la tragédie, la comédie, le drame, les lacunes (1885)

770. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Ce n’est pas sans avoir eu à vaincre quelque pudeur que je me suis décidé à dévoiler ainsi mes pensées de jeunesse, pour lesquelles peut-être à un autre âge je me ferai critique, et qui auront sans doute bien peu de valeur aux yeux des personnes avancées dans la carrière scientifique.

771. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

qui marquent mieux les profanations dans le poète et le deuil des regrets dans ceux qui l’aimèrent, ne sauveront pas d’un oubli certain ce recueil, où se réfléchit toute une existence, depuis la jeunesse jusqu’après la maturité. […] Le volume d’Autrefois, dont les dates tiennent entre 1830 et 1843, est de ton et de fait un livre de jeunesse. Pour être publiés avec convenance et noblesse par des hommes sur le tard de la vie, les livres de jeunesse doivent promettre un bien grand génie ou attester une belle candeur. […] Hugo a recommencé de vivre d’une vie plus intense peut-être que ne l’a été sa jeunesse.

772. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

En même temps qu’il enhardissait les uns, il modérait les autres ; il signalait, il applaudissait, non sans l’avertir, et aurait bien voulu discipliner cette jeunesse muscadine, redevenue sitôt frivole, qui faisait la battue aux Jacobins, et qu’il appelle « la troupe légère de l’opinion publique ». […] Elle fut composée typographiquement par le fils même de Roederer, lequel, malgré sa jeunesse, était du secret, et que Regnault de Saint-Jean-d’Angély plaça, six jours avant le 18 Brumaire, dans une imprimerie dont le chef était à sa dévotion. […] C’est dans cette discussion que le Conseil d’État se sentit partagé entre le respect dû à ce savant octogénaire, à ce sage esprit en qui ne s’est affaiblie aucune faculté et d’où ne s’est échappée aucune portion de savoir, et l’admiration due à ce jeune législateur qui, malgré sa jeunesse, affronte les points les plus ardus de la législation.

773. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Le métaphysicien Malebranche, dans sa jeunesse et avant d’avoir trouvé sa vocation, avait voulu s’appliquer à l’histoire ecclésiastique ; il commença par lire Eusèbe et d’autres chroniqueurs : « Mais les faits, dit Fontenelle, ne se liaient point dans sa tête les uns aux autres ; ils ne faisaient que s’effacer mutuellement. » Au contraire, prenez un pur historien, Tillemont : tout enfant, dès l’âge de douze ans, il ne peut se détacher de Tite-Live ; dès qu’il l’a ouvert, il ne peut se résoudre à le fermer qu’il n’en ait lu tout un livre. De même Gibbon aspire dès sa première jeunesse à la qualité d’historien. […] Cette idée de transfuge n’entraînait pas toujours déshonneur dans les idées du temps, et le chevalier de Morbecque, de Saint-Omer, racontant son histoire au roi Jean et comme quoi il a dû quitter le royaume de France par suite d’un homicide qu’il a eu le malheur de commettre dans sa jeunesse, ressemble à ces héros d’Homère qui racontent sans embarras comment ils ont été obligés de quitter leur pays pour avoir tué un homme par imprudence.

774. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Tant qu’il eut un reste de jeunesse pourtant, il était mélancolique ; il se plaint de vapeurs ; il a des rêves de roman et des soupirs d’ambition. […] Un discernement juste, une humeur douce et aisée, un bon esprit éclairé par un grand usage du monde, et cultivé par beaucoup de lecture ; un cœur qui ne respire que l’amour et qui est rempli de courage ; cette sagesse que l’expérience donne et qui est le partage de la vieillesse, accompagnée de la vivacité et de la gaieté de la jeunesse ; tout cela forme un caractère unique, et tout cela se trouve en M. le marquis de Lassay, que je vous prie d’embrasser tendrement pour moi. […] À d’autres jours il voyait plutôt les avantages de la vieillesse, et il se consolait en regrettant : « La délicatesse dans les plaisirs, le badinage dans la conversation, le goût et la connaissance des hommes, se trouvent rarement dans l’âge où l’on a une figure aimable : cependant cet assortiment serait bien souhaitable. » C’était aussi le vœu de Pétrarque : « le fruit de l’âge dans une fleur de jeunesse », Frutto senile in sul giovenil flore.

775. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Mathieu Marais, dans les jugements qu’il porte de lui-même ou qu’il répète sur les ouvrages de la jeunesse de Voltaire, nous représente très bien la moyenne de l’opinion d’alors sur ce brillant et téméraire esprit, dont le souverain bon sens échappait et se dérobait trop souvent à travers de bruyants écarts de conduite. […] Il n’apporte d’ailleurs, dans cette agréable recherche, aucun engouement aveugle ; « Vous trouvez avec raison, écrit-il au président Bouhier (à l’occasion d’une édition nouvelle et plus complète du bonhomme), que notre ami La Fontaine a fait bien de mauvaises choses dans sa jeunesse. […] On en est quitte envers la plus haute naissance pour les respects qui lui sont dus ; mais la beauté et les grâces qui se joignent à cette naissance ont des droits encore plus puissants, et principalement les grâces d’une si grande jeunesse qu’on ne peut guère les accuser d’aucun dessein de plaire, quoique ce dessein même fût une faveur. » Puis, comme il ne faut pas seulement persévérer dans les agréables défauts que vos ennemis vous reprochent, il fit peu après, et dès que l’occasion s’en offrit, son Éloge de Newton qu’il lut à l’Académie des Sciences, et se vengea ainsi noblement et avec sérénité, en mettant dans le plus beau jour le côté supérieur de son esprit.

776. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

On ne s’y livre pas d’abord de propos délibéré ; on se dit qu’il faut tout connaître et qu’il sera toujours temps de choisir : mais, l’âge venant, cette vertu du choix, cette énergie de volonté qui, se confondant intimement avec la sensibilité, compose l’amour, et avec l’intelligence n’est autre chose que la foi, dépérit, s’épuise, et un matin, après la trop longue suite d’essais et de libertinage de jeunesse, elle a disparu de l’esprit comme du cœur. […] Les uns le prenaient pour un converti effervescent qui voulait faire du bruit ; les plus ingénieux et les plus subtils interprétaient son livre comme un retour fougueux après une jeunesse orageuse. […] Par sa naissance, par son éducation et sa première vie dans une province la plus fidèle de toutes à la tradition et à l’ordre ancien, par le genre de ses relations ecclésiastiques et royalistes dans le monde lorsqu’il s’y lança, par la nature de son scepticisme lorsqu’il fut atteint de ce mal, par la forme soumise et régulière de son retour à la foi, par tout ce qui constitue enfin les mœurs, l’habitude pratique, l’union de la personne et de la pensée, l’allure intérieure ou apparente, la qualité saine du langage et l’accent même de la voix, M. de La Mennais, à aucune époque, n’a trempé dans le siècle récent, ne s’y est fondu en aucun point ; il a demeuré jusqu’en ses écarts sur des portions plus éloignées du centre et moins entamées ; dans toute sa période de formation et de jeunesse pieuse ou rebelle, il a fait le grand tour, pour ainsi dire, de notre Babylone éphémère, et si plus tard il est entré dans l’enceinte, ç’a été avec un cri d’assaut, muni d’armes sacrées, se hâtant aux régions d’avenir et perçant ce qui s’offrait à l’encontre au fil de son inflexible esprit.

777. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

En ce cas, l’enfance et la première jeunesse de M. de Balzac au collége se rapportent bien à ce qu’on pourrait conjecturer : une imagination active, spirituelle ; de l’ébullition, du désordre et de la paresse ; des lectures avides, incohérentes, à contre-temps ; l’amour du merveilleux ; les études mal suivies ; un mauvais écolier sans discipline, semper aliud agens, que ses maîtres chargent de pensums et que ses camarades appellent du sobriquet de poëte. […] Par nécessité et en suivant ça pente, il se livra, de moitié avec de joyeux compagnons, à cette facilité d’imaginer et d’écrire que la littérature inférieure d’alors réclamait à si peu de frais, et il dépensa de la sorte une portion de l’effervescence fiévreuse dont sa jeunesse dut être plus secouée qu’une autre. […] Nous citerons le début : « Le Ciel m’ayant permis de réussir à faire la pierre philosophale, après avoir passé trente-sept ans à sa recherche, veillé au moins quinze cents nuits, éprouvé des malheurs sans nombre et des pertes irréparables, j’ai cru devoir offrir à la jeunesse, l’espérance de son pays, le tableau déchirant de ma vie, afin de lui servir de leçon, et en même temps de la détourner d’un art, etc. » En effet, l’honnête alchimiste, bien qu’il ait trouvé le secret de la transmutation, conserve jusque dans son triomphe un sentiment si profond de son infortune passée, qu’il voudrait détourner les jeunes gens des périls de cette science hermétique, au moment même où il la leur dévoile obscurément.

778. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Arthur, doué de toutes les qualités de la naissance, de la fortune, de l’esprit et de la jeunesse, Arthur, doué d’une puissance rare d’attraction et du don inappréciable d’être aimé, a reçu de bonne heure, d’un père misanthrope, un ver rongeur, la défiance ; la défiance de soi et des autres. […] Que Louis XIV vieillissant se donnât des indigestions de petits pois ; qu’au temps de sa jeunesse il se montrât un sultan jaloux et sans partage ; qu’il fût dur avec ses maîtresses et avec les princesses de sa famille ; qu’il fît courir en carrosse à sa suite avec toutes sortes de cahotements madame de Montespan ou la duchesse de Bourgogne enceintes, au risque de les blesser : ce sont là des inhumanités de roi ou des infirmités d’homme. […] Dans le jardin des Récollets de Nîmes où le jeune chef se rendit (mai 1704), le peuple admira, au passage, sa jeunesse, son air de douceur, sa belle mine ; et en sortant du jardin, est-il dit, on lui présenta plusieurs dames qui s’estimaient bienheureuses de pouvoir toucher le bout de son justaucorps.

779. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Cette fixité dans les points de départ et dans les buts assignés, cette détermination prompte et précise dès les premiers pas dans la carrière, caractérisent, ce semble, une nature d’esprit et contrastent fortement avec la mobilité de la jeunesse. […] La prononciation quelque peu puritaine et ce débit empreint d’autorité redoublaient encore leur effet en sortant du sein d’une jeunesse si pleine d’éclat et presque souriante de grâce. […] M.Mignet a plus fait pour Louis XIV que tous les panégyristes : il nous a ouvert l’intérieur de son cabinet et l’a montré au travail comme roi, judicieux, prudent dès la jeunesse, invariablement appliqué à ses desseins et ne s’en laissant pas distraire un seul instant, au cœur même des années les plus brillantes et du sein des pompes et des plaisirs.

780. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

« Tu n’es qu’un faible adolescent », lui dit le roi avec incrédulité, « et ce Philistin est un guerrier consommé dès sa jeunesse !  […] XXVI Le seul caractère de ce lyrisme dans toutes les nations, et surtout dans les nations jeunes, que leur jeunesse même enivre de poésie, est précisément ce délire, ce balbutiement confus des lèvres de cette femme et des hymnes du berger de Judée. […] Certes, si ce grand poète, au lieu de naître dans une nation vaniteuse de rhétoriciens et d’artistes, comme les Grecs, était né dans une nation de pasteurs, de prêtres, de prophètes, comme les Hébreux ; s’il avait vécu la vie du berger de Bethléem, d’abord gardien de brebis dans les lieux déserts, joueur de flûte aux échos des rochers de son pays, barde d’un roi qu’il assoupissait aux sons de sa harpe, sauveur d’un peuple par sa fronde, proscrit de caverne en caverne avec une bande d’aventuriers, puis le héros populaire de sa nation, puis roi, tantôt triomphant, tantôt détrôné de l’inconstant Israël, puis couvert de cendre sur sa couche de douleur, noyé dans les larmes de sa pénitence, et n’ayant de refuge, comme les colombes dans les creux des rochers d’Engaddi, que dans la miséricorde de Jéhova qui avait exalté sa jeunesse ; si Pindare, disons-nous, avait eu toutes ces conditions inouïes du génie lyrique du fils d’Isaï, il aurait peut-être donné à la Grèce des psaumes comparables à ceux de la Judée.

781. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Sans doute, il effleure le scrupule religieux quand il parle des « baisers au goût de terre », mais il y a, dans les préventions dont la jeunesse fait preuve à l’égard de la passion, peut-être autre chose qu’un relent superstitieux. […] » et pourtant sa jeunesse fumeuse l’importune. […] Ces messieurs sont incapables de se livrer à d’autres excès qu’à ceux de la rime-calembour et, sous leur masque insolent de fier-à-bras, d’hercules infatigables et d’ogres rabelaisiens, sont aussi peu voraces que le frugal Auguste Dorchain, l’auteur applaudi de la Jeunesse pensive qui s’épouvante des mots que la tentation lui murmure à l’oreille et qui tremble à la seule idée de la chute possible.

782. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

On s’accorde à dire qu’elle eut dans sa jeunesse tous les talents et toutes les grâces. […] Louis XV, doué d’une si noble figure et de tant de grâces apparentes, se montrait, dès sa jeunesse, le plus faible et le plus timide des rois. […] La figure est jeune encore, les tempes ont gardé leur jeunesse et leur fraîcheur ; la lèvre est fraîche également et n’a pas encore été flétrie, comme on dit qu’elle le devint pour s’être trop souvent froncée et mordue en dévorant la colère ou les affronts.

783. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Bussy, tout léger qu’il est, a connu la vraie passion en effet, mais il ne l’a connue que tard ; il convient que, dans toutes ces premières et folles épreuves, il n’avait rien de sérieux d’engagé : « Pour revenir à mes amours, dit-il plaisamment en tout endroit, il est à remarquer que je ne pouvais plus souffrir ma maîtresse, tant elle m’aimait. » — « Mon heure d’aimer fortement et longtemps n’était pas encore venue » dit-il encore ; et, parlant d’une séparation qui eut lieu alors, et qui lui fut moins pénible qu’elle n’aurait dû l’être : « C’est que la grande jeunesse, ajoute-t-il, est incapable de réflexions ; elle est vive, pleine de feu, emportée et point tendre tout attachement lui est contrainte ; et l’union des cœurs, que les gens raisonnables trouvent le seul plaisir qu’il y ait dans la vie, lui paraît un joug insupportable. » Le véritable attachement de Bussy ne fut que tout à la fin pour la comtesse de Montglat, qui l’en paya si mal, et qui lui laissa au cœur, par sa perfidie, une plaie ulcérée et envenimée dont on voit qu’il eut bien de la peine à guérir. […] Bussy, dans l’exil, en se souvenant des femmes qu’il avait connues, disait : « Elles aimaient, de mon temps déjà, l’argent et les pierreries plus que l’esprit, la jeunesse et la beauté. » On doit plaindre Bussy de n’avoir su rencontrer que de pareilles femmes à l’époque où vivaient les Sévigné, les La Fayette et bien d’autres. […] L’esprit de Bussy n’était point de ceux que la fée a touchés en naissant, et qui se renouvellent jusqu’à la fin par une immortelle jeunesse.

784. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Il venait assez souvent à Paris, y voyait Camille Desmoulins et quelques autres de cette jeunesse révolutionnaire. […] C’est que les révolutions, à tant d’égards fatales, le sont particulièrement en ce qu’elles soumettent à la plus redoutable épreuve des âmes qui, dans un ordre plus régulier, parviendraient à franchir d’une manière moins funeste pour le monde et pour elles-mêmes les détroits orageux de la jeunesse. […] Mon appréciation du caractère de Saint-Just ne dépend point, d’ailleurs, de ces premiers actes de jeunesse, même quand ils se seraient passés comme M. 

785. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Je vous dirai que nous sommes là sur un terrain très sûr et que nous savons presque la date des lectures que La Fontaine a faites de ces trois poètes, car dans son premier poème  non, ce n’est pas tout à fait le premier  mais enfin dans un poème qu’il a fait dans sa jeunesse, à savoir dans Clymène, il nous parle à plusieurs reprises et avec éloge de Malherbe, de Marot et de Voiture. […] De la même époque — nous sommes encore à l’époque de sa jeunesse — il faut encore nommer l’Astrée d’Honoré d’Urfé. […] Voilà pour sa jeunesse : Voiture, Marot, Malherbe, Horace et l’inévitable Astrée, car elle passait pour inévitable à cette époque-là, et je dois déclarer  certains d’entre vous sont certainement du même avis pour l’avoir lue  je dois déclarer que l’Astrée n’est nullement méprisable et, par endroits, n’est rien de moins que délicieuse.

786. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Seulement qu’en lisant ces pages, en entendant ces paroles qui brusquent parfois le papier, on n’oublie pas d’y mettre l’animation de la gloire, le sourire brillant de l’esprit et la grâce irrésistible de la jeunesse. […] Bernis le gronda, et pour s’excuser, l’artiste se hasarda à lui dire : « Mais, vous-même, monseigneur, dans votre jeunesse… » — « Oui, repartit Bernis ; mais j’ai fait comme Sixte-Quint, j’ai jeté ma béquille. »   100.

787. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Dans ces années de jeunesse et tandis qu’il occupait dans le faubourg Saint-Jacques cette petite maison de 200 livres, il allait voir les hommes célèbres par leurs écrits, il courait après eux (c’est son mot). […] C’était déjà, dès sa jeunesse, la bonhomie impertubable et sereine d’un Dupont de Nemours.

788. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Né le dernier de la famille, douze ans après les autres, après une sœur qui l’assista dans sa jeunesse, qui lui fut comme une seconde mère, qui ne voulut jamais le quitter, et qu’il a eu tout récemment le malheur de perdre pendant ce pèlerinage scientifique en Orient où elle l’accompagnait encore, il reçut et il a nourri en lui, sans les dissiper, les affections et les vertus domestiques. […] Dupanloup, homme d’éloquence et de zèle, mais d’un zèle qui n’est pas toujours sûr, il lui sembla tomber dans un monde tout nouveau : au sortir d’une nourriture chrétienne classique, sévère et sobre, il était mis à un régime bien différent ; il avait affaire pour la première fois à ce catholicisme parisien et mondain, d’une espèce assez singulière, que nous avons vu, dans ses diverses variétés, naître, croître chaque jour et embellir ; catholicisme agité et agitant, superficiel et matériel, fiévreux, ardent à profiter de tous les bruits, de toutes les vogues et de toutes les modes du siècle, de tous les trains de plaisir ou de guerre qui passent, qui vous met à tout propos le feu sous le ventre et vous allume des charbons dans la tête : il en est sorti la belle jeunesse qu’on sait et qu’on voit à l’œuvre.

789. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Beugnot que d’être un excellent administrateur et un haut fonctionnaire capable ; c’était, d’ailleurs, un tout autre caractère et d’une nature différente : esprit droit, sensé, mais sans trait et sans brillant, ayant eu les passions généreuses et les enthousiasmes de la jeunesse, cœur dévoué et qui s’était dès l’abord donné à Mirabeau ; qui conserva toujours quelques illusions sur cette grande mémoire trop mélangée ; homme public apte et laborieux, tout à la chose, assez peu observateur des personnes, de plus en plus tourné à la bienveillance en vieillissant, et que le soudain malheur qui brisa sa carrière jeta dans un complet abattement suivi de résignation, sans qu’il y entrât jamais un grain d’ironie ni une goutte d’amertume. […] Mais dans le bourg d’Aignay, comme ailleurs, les luttes commencèrent : l’étendue et la hauteur du théâtre n’y font rien ; c’étaient sous d’autres noms les mêmes hommes, les mêmes passions et les mêmes mobiles, les mêmes défections d’amitié, les mêmes arriérés de haine, les mêmes envies d’humilier, les mêmes besoins d’arriver à son tour, que sur la scène principale et centrale ; et Frochot eut à déployer les mêmes qualités de modération et de fermeté dont il aurait eu à faire preuve, s’il avait été de la Législative ou de la Convention. — Louis XIV demandait un jour au cardinal de Janson, aussi bon négociateur qu’habile courtisan, où il en avait tant appris : « Sire, répondit le cardinal, c’est en courant la nuit avec une lanterne sourde, tandis que j’étais évêque de Digne, pour faire les consuls d’Aix. » Et Lisola, le célèbre diplomate franc-comtois, disait qu’il s’était très bien trouvé, dans les grandes affaires, des subtilités qu’il avait apprises « dans le ménage municipal de Besançon. » Une seule maison quelquefois suffit à qui veut observer les variétés des passions humaines : un seul bourg peut suffire, en un temps d’agitation populaire, pour soulever et faire sortir toutes les variétés d’ambitions et de haines, et pour exercer d’autre part toutes les vertus civiques ; Frochot eut de quoi en faire de plus en plus l’apprentissage : il s’honora par toute sa conduite durant ces temps calamiteux ; il y montra une fermeté qui tenait encore chez lui au premier mouvement et à l’impulsion du sang dans la jeunesse.

790. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

On sait qu’Aristarque a quelquefois changé, qu’il a sans doute plutôt adouci ; qu’en cet endroit, par exemple, où Phœnix s’adressant à Achille dans l’espoir de le fléchir se reporte vers sa propre jeunesse et raconte comment lui-même il a failli un jour devenir parricide, le critique avait cru devoir retrancher cette parole terrible, pour ne pas faire tache à ce caractère vénérable qu’il craignait de voir profaner. […] Les héros, sans en rien perdre, ont conservé toute leur fleur de jeunesse, de beauté à demi sauvage, et leur immortelle attitude.

791. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Le professeur de thème latin, le professeur de gymnastique, le maître d’équitation, le maître d’armes, sont des tortionnaires au même titre que le professeur qui inflige à la jeunesse l’effort de l’explication, avec les dislocations et les courbatures d’esprit qu’en peuvent éprouver les débutants. […] Ce jour est venu quand les textes français sont devenus objets d’étude, quand ils ont, en vieillissant, perdu pour les nouvelles générations cette clarté apparente d’expression et d’idée dont le premier public se contentait ; enfin quand les écoles et les collèges s’en sont emparés pour en faire les instruments de l’éducation de la jeunesse.

792. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Guizot, séduite apparemment par sa jeunesse  Reposons-nous avec les romans de Mme de Souza, histoires simples, morales, non point fades, abondantes en détails insignifiants et agréables, et qui sont ce que nous avons, je crois, de plus approchant des romans des authoress anglaises. […] Vous étiez franchement romanesque, par une immarcescible jeunesse d’esprit, et parce que l’extraordinaire des événements vous permettait d’imaginer des cas de bonté plus rares.

793. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Edmond Pilon La bonne Vierge-Vénus et la Vénus-Marie Se penchent, se désolent, sanglotent et prient Sur ton tombeau plus blanc que celui des colombes, De l’Olympe, du Pélion, du Paradis, Des anges, des satyres et des séraphins prient Pour le pauvre homme bon et le poète parti Vers les églises d’encens et les riches prairies Où la harpe entremêle à la flûte fleurie Des rythmes de prière à des chansons d’orgie ; Ta vie toute pareille à celle du pèlerin, Dont la violente jeunesse grisée d’amour et de vin Avance peu à peu vers la prière des anges, Aboutit — ô Verlaine — à ce tombeau étrange Bâti des impuretés de ta jeunesse ardente Et des strophes liliales de tes poèmes chrétiens ; Te voici, à présent, couché dans la prairie ; Mais la rouge passiflore à la fleur de Marie Enlace, malgré tout, sa passion orgueilleuse Aux tiges de la pensée et des fleurs religieuses Que placeront des amis, que sèmeront des fidèles Et que planteront de beaux anges avec leurs ailes… La couronne d’épines et la couronne de roses, Le bâton de Tannhauser et la houlette des fêtes Que Watteau dessina, pour toi, voici deux siècles, S’emmêlent sur ton ombre tourmentée et posent Leur symbolique trophée au bord de ton silence… Verlaine, ton tombeau est un tombeau étrange Que veillent à la fois les amours et les anges… [La Vogue (15 juin 1900).]

794. (1890) L’avenir de la science « XXI »

La forte génération qui a pris la robe virile en 1815 a eu le bonheur d’être bercée au milieu des grandes choses et des grands périls et d’avoir eu pour exercer sa jeunesse une lutte généreuse. […] Réfléchissez donc un instant à ce que vous voulez faire et songez que c’est la chose impossible par excellence, celle que depuis le commencement du monde tous les conservateurs intelligents ont tentée sans y réussir : arrêter l’esprit humain, assoupir l’activité intellectuelle, persuader à la jeunesse que toute pensée est dangereuse et tourne à mal.

795. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Les premières impressions que le roi avait faites sur madame Scarron, à son entrée dans Paris, étaient peut-être de celles que la beauté et la jeunesse font sur les sens d’une femme jeune et sympathique ; mais l’auréole de gloire qui environnait cette belle tête de Louis XIV, la douce et noble fierté de son attitude soumirent aussitôt les sympathies physiques aux sympathies morales. […] Madame Scarron voyait dans l’estime et la confiance, du roi la pleine satisfaction de sa passion native et de celle que l’instinct de la jeunesse y avait associée.

796. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

L’ovale du visage, arrondi dans la femme, dans l’enfant : caractère de jeunesse, principe de la grâce. […] C’est le souris des Grâces, c’est la jeunesse d’Hébé ; ce sont les doigts de l’Aurore ; c’est la gorge, c’est le bras, c’est l’épaule, ce sont les cuisses, ce sont les yeux de Vénus.

797. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVII » pp. 70-73

Insistez, vous, croyant et historien d’un pays moral, sur cet épicuréisme pratique d’ici qui n’a produit qu’un bon moment de jeunesse, mais passé lequel, tous plus ou moins, nous sommes sur les dents, sur le flanc : chacun a été bourreau de son esprit.

798. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc, qui dans sa jeunesse s’est essayé contre l’école alors régnante de Delille par un petit Art poétique qui parut une satire hardie, a depuis pris place parmi les érudits en vieille littérature par une très-bonne édition de Mathurin Regnier (1822) ; il y mit en tête, comme Introduction, une histoire de la Satire en France.

799. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

Il y a là une éruption de jeunesse pleine parfois d’énergie et d’éclat, bien que de trop fréquentes défaillances en rompent le jet vigoureux.

800. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Courteline, Georges (1858-1929) »

Jeunesse !

801. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Henri de Régnier Sur un vers d’Éphraïm Mikhaël Vers le marbre funèbre où ta cendre repose, Ton ombre transparente et divine revient Voir le sombre laurier survivre aux rouges roses Dont la jeunesse ardente embauma ses deux mains.

802. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

Le funeste effet qu’ils produisent sur les Lecteurs, est d’en faire, dans la jeunesse, de mauvais citoyens, des criminels scandaleux, & des malheureux dans l’âge avancé ; car il y en a peu qui aient alors le triste avantage d’être assez pervertis pour être tranquilles.

803. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Ce qui touche jusqu'aux larmes, ce sont les périls auxquels notre jeunesse est exposée.

804. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Supposez que Nestor cherche à modérer les passions d’Antiloque, il citera d’abord des exemples de jeunes gens qui se sont perdus pour n’avoir pas voulu écouter leurs pères ; puis, joignant à ces exemples quelques maximes connues sur l’indocilité de la jeunesse et sur l’expérience des vieillards, il couronnera ses remontrances par son propre éloge et par un regret sur les jours du vieux temps.

805. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

La sainte est dans la première jeunesse.

806. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Votre beauté pâlira, vos yeux perdront leur éclat, vos lèvres leur fraîcheur ; mais la jeunesse en fuyant n’emportera pas mon amour. […] S’il lui parle de leur jeunesse tour à tour studieuse et gaie, ce n’est pas pour se plaindre de la fuite des années. […] À proprement parler, il n’a pas eu de jeunesse. […] C’est une présomption singulière dans l’esprit d’un homme qui a franchi la jeunesse. […] Il y a en effet dans la conduite de Stéphane une contradiction, une inconséquence que sa jeunesse ne justifie pas.

807. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

La jeunesse d’Étienne fut cause que chacun se prêta pour lui ménager une place sur la première banquette, en sorte qu’il put voir et entendre parfaitement ce qui préoccupait l’assemblée en ce moment. […] » On aurait tort de croire cependant que dans le sentiment généreux que fit éclater cette jeunesse, il entrât des idées de piété. […] Relativement à sa jeunesse, il était déjà habile à manier le pinceau, lorsque David se chargea du soin de l’enseigner. […] Quand on a assisté à ces joies de la jeunesse, quand on a vu l’espérance briller également sur tant de fronts dont la plupart ont été prématurément jetés dans la poussière et privés de la couronne qu’ils attendaient, on admire les effets de cette ardeur permanente qui travaille régulièrement toutes les générations successives et donne au monde une jeunesse éternelle, une espérance toujours renaissante. […] Peu vous importe, à vous qui voyez lever et coucher le soleil, qui entendez l’allouette et qui vous ébattez avec l’aimable jeunesse.

808. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il est encore dans le feu de la jeunesse. […] Elle était alors dans tout l’éclat de sa blonde jeunesse. […] Les démons qui tentent les jeunes paysans sont empreints eux-mêmes de jeunesse rustique. […] Sa jeunesse était loin d’être éteinte, et les démons en prenaient avantage sur lui. […] Le premier est un livre de jeunesse ; le second un livre posthume.

809. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Vous insultez la jeunesse. […] Elle éclate de jeunesse et de santé. […] voyez-vous, il ne faut jamais rire d’un jeune, la jeunesse, c’est sacré. […] Renan, qui vous aime mystiquement, enseigne vos litanies à la jeunesse nouvelle. […] Il était venu riche de jeunesse, de gaieté et d’espérance, sans un sou vaillant.

810. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Je sais la part qu’il faut faire au feu de la jeunesse, et lui-même, quand il revient, pour la raconter, sur cette époque, il semble parler de quelque excès que l’âge aurait tempéré et guéri. Mais c’est à la fois bon goût et une autre sorte d’illusion que de faire par endroits bon marché de soi-même dans le passé ; quand on a un trait vivement prononcé dans la jeunesse, il est rare qu’il ne dure pas, qu’il ne revienne pas en se creusant, bien qu’on veuille le croire effacé72. […] Cette conciliation en soi est assez difficile, et La Fayette l’a assez bien atteinte pour qu’on ne puisse s’étonner que, la première jeunesse passée, il s’y soit mêlé chez lui un peu d’art, un art toujours noble. […] Boileau mourant croit tout perdu et manqué ; il en est à regretter les Pradons du temps de sa jeunesse, qu’il appelle des soleils en comparaison des rimeurs nouveaux. […] Le duc de Laval, parlant de M. de La Fayette et de ses bonnes fortunes dans sa jeunesse, disait en bégayant et de l’air le plus sérieux : « M. de La Fayette a eu madame de Simiane ; et madame de Simiane !

811. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Rappelez-vous la première lecture de votre jeunesse. […] Notre jeunesse contemporaine a le tort de dédaigner nos classiques. […] On sait que Charles Nodier passa sa jeunesse à pasticher. […] Prenons encore ces lignes comme exemple : « La jeunesse est si belle, que si on avait à revivre, on voudrait revivre sa jeunesse. La jeunesse se passe à désirer et la vieillesse à regretter.

812. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

— Le carême produit cette année son courant ordinaire ; il y a foule de retraites, de conférences ; l’abbé de Ravignan à Notre-Dame, ailleurs l’abbé Bautain et d’autres attirent la jeunesse et les fidèles.

813. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

L'orgueil de la vie, l’enivrement de la jeunesse et des sens, c’est là trop souvent l’inspiration unique de la poésie moderne, et il vient un moment où, poussée trop loin, prolongée au delà des termes, cette inspiration sans partage devient imprudence fatale, tourbillon et ruine.

814. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Il a beaucoup voyage dans sa jeunesse.

815. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aubanel, Théodore (1829-1886) »

Enfermé dans son Avignon, devant l’horizon de sa Provence, il écrivait ses vers à l’ombre reprochant aux meilleurs compagnons de son art et de sa jeunesse les témoignages mêmes de leur enthousiasme.

816. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

La jeunesse et l’émotion font les minutes les plus exquises de l’artiste.

817. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Paul Meurice rappelle ces grandes crises littéraires de leur jeunesse ; d’un œil plus froid aujourd’hui, le grand défenseur du romantisme considère les jours de lutte pour les Burgraves et l’arrivée de Ponsard, posé imprudemment par « l’école du bon sens » en adversaire de Victor Hugo ; Ponsard, dit M. 

818. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Considérable, car la liste est longue de ceux qui entre dix-huit et trente-six ans on écrit des pages intéressantes, ont participé au mouvement littéraire de ce temps, si fécond en cénacles, si fertile en personnalités curieuses ; dangereux enfin, parce que, malgré deux ans de recherches, nous avons commis des oublis inévitables et surtout parce qu’ayant combattu, nous aussi, dans les rangs de cette jeunesse, nous n’avons pourtant pas hésité à mettre de côté toute camaraderie, toute confraternité, pour présenter un tableau sincère et précis de cette « jeune littérature » dont on parle tant et qu’on connaît si peu.

819. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Au reste, si la Jérusalem a une fleur de poésie exquise, si l’on y respire l’âge tendre, l’amour et les déplaisirs du grand homme infortuné qui composa ce chef-d’œuvre dans sa jeunesse, on y sent aussi les défauts d’un âge qui n’était pas assez mûr pour la haute entreprise d’une Épopée.

820. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Lundi 21 janvier Oh, la jeunesse des lettres ! […] Ce soir, rue de Berri, j’ai la surprise de me rencontrer avec des orateurs de mon banquet, avec Hérédia qui doit parler à la place de Coppée, bronchité, de Régnier qui parlera au nom de la jeunesse. […] Je sais, que les frères Daudet doivent souper avec Barrès, et le jeune ménage Hugo, mais j’ai la crainte d’apporter du froid avec ma vieille tête, au milieu de ces turbulentes jeunesses. […] Lorsqu’il nous remet en voiture, un moment, arrêté à la portière, il s’ouvre sur le chagrin que lui cause la brouille avec son fils : « Quant à moi, fait-il, il ne me parle plus, ne me salue plus… Dans ma jeunesse, j’étais violent, prêt à frapper, et cependant lui — il lève le doigt en l’air, et le laisse retomber — je ne lui ai jamais même fait cela… je ne l’ai jamais puni !  […] Lundi 9 septembre Je trouve, que la jeunesse littéraire actuelle, avec son mépris des grondantes colères de la chair, et son culte de la psychiatrie, de cette beauté, lui défendant de chanter la brutale nature et le sensuel amour, a quelque chose de l’hypocrisie protestante.

821. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Alors que Leconte de Lisle et Barbey d’Aurevilly retrouveront, à mesure que les siècles vieilliront et disparaîtront, plus de gloire, plus de jeunesse et plus de vie. […] Jeunesse morte aux belles choses de la vie, qui a communiqué une partie de sa mort à notre jeunesse, prise aussi des folies énervantes du million et qui se tourne vers la Bourse, comme vers le seul temple où repose la seule divinité qu’on puisse désormais adorer. […] Quelle jeunesse surtout, quelle merveilleuse jeunesse ! […] On lui doit, dans la jeunesse, des heures d’illusion charmante, des croyances vite déçues, et des douleurs aussi, rarement fécondes. […] Ô généreux et divins emballements de la jeunesse !

822. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

» — « Je remorque avec peine mon ennui avec mes jours. » C’est de sa jeunesse crue sont ses livres de plus sombre mélancolie, et il passe son âge mûr à regretter douloureusement sa jeunesse, en sorte qu’on ne voit guère l’époque de sa vie où il a pu en être content. […] Les premières atteintes des curiosités de l’adolescence et des passions de la jeunesse l’ont brisé comme des fièvres. […] L’auteur nous dit dans son Avant-propos que c’est un livre de jeunesse, et beaucoup prennent cette précaution pour une invitation à ne pas le lire. […] Sauf dans sa première jeunesse, il n’était pas bon. […] A travers quelques écarts de jeunesse égarés dans son âge mûr, il a bien travaillé, tous les jours, constamment, sans relâche, comme un bon ouvrier de l’art.

823. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Taine, dans ma jeunesse. […] L’analogie paraîtra plus complète encore, si l’on se rappelle que ces deux esprits eurent dans leur jeunesse le même amour passionné des sciences. […] Leur souvenir m’inspire la joie du renoncement et l’amour de la paix. » Rappelez-vous maintenant ses romans et voyez comme ils se raccordent à cette jeunesse et à cette éducation. […] Jamais il n’a tiré un bénéfice matériel d’une attitude qui l’a séparé de quelques-uns des meilleurs amis de sa jeunesse. […] Il l’est par réflexion, ayant justement appris, dans l’enquête si étendue à laquelle il a voué sa jeunesse, à juger ses émotions, à les coordonner, à les raisonner.

824. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Mignet de cette inaltérable et indissoluble amitié qui les honore tous les deux, d’une de ces amitiés que si peu d’hommes de talent savent continuer inviolable entre eux après la jeunesse. […] Il serait piquant d’écrire, en regard de cette page de jeunesse, le résumé de son budget de ces années (1832-1834) concernant les embellissements de Paris. […] Il y a dans la première touche de la jeunesse, quand elle réussit, une grâce, une fraîcheur, une félicité, qui pourra se conserver ensuite plus ou moins légère, se ménager jusque sous des qualités plus fortes, mais que rien désormais n’égalera. […] Au milieu des hommages de sympathie et d’admiration dont la jeunesse est prodigue et qui ne pouvaient être mieux placés qu’en cette rencontre, je me permettais quelques observations et restrictions sur le passage trop facile que l’historien se ménageait de la Gironde à la Montagne : « Ici, avait-il dit en concluant éloquemment son quatrième volume et la journée du 2 juin, ici commencent des scènes plus grandes et plus horribles cent fois que toutes celles qui ont indigné les girondins. […] heureuse fortune de la jeunesse !

825. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Aujourd’hui, pour nous intéresser aux œuvres du chevalier, nous n’avons qu’à les remettre à leur vraie date, et à y étudier le goût et les prétentions des gens du monde qui étaient sur le pied de beaux-esprits aux environs de la Fronde, au temps de la jeunesse de Mme de Maintenon ou de Pascal. […] Ce que j’entends par là, ce n’est pas être dégoûté comme un malade, mais juger bien de tout ce qui se présente, par je ne sais quel sentiment qui va plus vite, et quelquefois plus droit que les réflexions. » « Il faut, si l’on m’en croit, aller partout où mène le génie, sans autre division ni distinction que celle du bon sens. » « Celui qui croit que le personnage qu’il joue lui sied mal ne le saurait bien jouer, et qui se défie d’avoir de la grâce ne l’a jamais bonne. » « Pour bien faire une chose, il ne suffit pas de la savoir, il faut s’y plaire, et ne s’en pas ennuyer. » « Ce qui languit ne réjouit pas, et quand on n’est touché de rien, quoiqu’on ne soit pas mort, on fait toujours semblant de l’être. » « La plupart des gens avancés en âge aiment bien à dire qu’ils ne sont plus bons à rien, pour insinuer que leur jeunesse étoit quelque chose de rare. » Cet honnête homme que le chevalier veut former, et qui est comme un idéal qui le fuit (car l’ordre de société que ce soin suppose se dérobait dès lors à chaque instant), lui fournit pourtant une inépuisable matière à des observations nobles, délices, neuves, parfois singulières et philosophiques aussi. […] Qu’aurait-il pensé de N., qui a tant d’esprit et qui se croit si moral, mais qui dès sa jeunesse, et jusque dans ses frais d’esprit, n’a jamais rien fait d’inutile ? […] Cette dernière qualité plaît surtout dans la jeunesse ; prenez garde qu’elle ne passe avec elle aussi, comme une fleur ou comme un songe. […] On entrevoit dans ses Lettres tout un groupe plus naturel que lui, plus hardi et plus libre, toute une délicieuse bande qui précède en date et qui présage le groupe des Du Deffand, des Hénault et des Desalleurs, de ces contemporains de la jeunesse de Voltaire.

826. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Les grâces de la jeunesse étaient sur son visage : son bras était la mort des héros. […] « Fingal, chanta Carril, toi, héros des combats, tes actions guerrières signalèrent ta première jeunesse. […] Redoutable était Fingal dans la force de sa jeunesse, redoutable est encore son bras dans sa vieillesse. […] Il se rappelle les combats de sa jeunesse ; et, dans sa course, il dévaste le champ de bataille. […] Ils signalèrent leur jeunesse dans les combats ; ils sont chantés par les bardes.

827. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Le moment était mal choisi pour lier connaissance avec lui, et d’ailleurs mon extrême jeunesse eût été un obstacle à une familiarité un peu intime. […] La jeunesse même misérable s’obstine à l’amour, à la joie, à l’idéal. […] Et toute la franche jeunesse qui était là battit des mains avec fureur. […] Elle est flétrie aussi ta riche floraison, L’orgueil de ta jeunesse ! […] Ma jeunesse, au départ, marchait d’un pied robuste.

828. (1887) George Sand

Les années d’enfance et de jeunesse de George Sand. […] Notre dessein était de noter les épreuves diverses et les phases intellectuelles qui avaient marqué la jeunesse de Mme Sand. […] Tout ce qui reste de l’art pur, de l’art désintéressé, dans les récits de cette période, conserve à travers les années la sérénité d’une incorruptible et radieuse jeunesse. […] Quand, avec la jeunesse de mon temps, je secouais la voûte de plomb des mystères, Lamennais vint à propos étayer les parties sacrées du temple. […] Non, non, ma vieillesse proteste contre la tolérance où ma jeunesse a flotté.

829. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Assez quiète pour être l’asile du repos ; et trop quiète pour que s’y plût beaucoup une jeunesse ardente. […] Où triompha, dans la douleur presque amusante, notre jeunesse, ce fut dans la classe dite de philosophie. […] À la jeunesse désœuvrée, en peine d’héroïsme, il a donné ce beau divertissement, la guerre d’Espagne. […] Il est resté fidèle, et de plus en plus fidèle, à un usage ancien dont il prouve l’éternelle jeunesse. […] Et voilà bien de la jeunesse !

830. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Manque d’expérience de coulisses, jeunesse trop littéraire des organisateurs, maladresses bien naturelles de personnes trop délicates, pour être habiles, etc. ! […] Sa jeunesse fut studieuse, quoique je me doute qu’à son arrivée à Paris, vers l’an de fièvre 1848, il aura bien ébauché quelque barricade ou tout au moins plusieurs constitutions. […] Quelqu’un même (il se railla lui-même plus tard de sa boutade de jeunesse), M.  […] On réunira sans doute quelque jour ces fleurs de jeunesse, et ce sera, je ne crains pas de l’affirmer, un des plus beaux, sinon le plus beau bouquet de la poésie fugitive de la période finale du second Empire. […] Dans le recueil que nous donne aujourd’hui le nouveau poète que j’ai le plaisir de vous présenter, vous trouverez l’émotion, la belle candeur, tour à tour forte et charmante de la jeunesse — la jeunesse !

831. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Jean Savaron et les États de 1614 ne laissaient pas que d’avoir un instant occupé leur jeunesse. […] Tout ce qui a pu allumer dans la foule des passions dangereuses, tout ce qui a pu gâter l’imagination de la jeunesse ou égarer l’inexpérience de quelques femmes trop liseuses, se trouve relevé avec soin. […] J’ai quelque peu passé ma première jeunesse dans les théâtres du boulevard. […] Sa jeunesse fut sage ; elle nous montre un homme qui sait à l’occasion se posséder et imposer à la seigneurie des transactions assez fortes. […] Toute la jeunesse de Gresset se passa à Arras, à Amiens ou dans les riantes villes du pays de la Loire.

832. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Jouissant, dès ma première jeunesse, des conseils et de la bienveillance d’hommes supérieurs, je m’étais pénétré de bonne heure de la persuasion intime que, sans le désir d’acquérir une instruction solide dans les parties spéciales des sciences naturelles, toute contemplation de la nature en grand, tout essai de comprendre les lois qui composent la physique du monde, ne seraient qu’une vaine et chimérique entreprise. […] S’il a eu quelque utilité, c’est moins par ce qu’il a pu offrir de son propre fonds, que par l’action qu’il a exercée sur l’esprit et l’imagination d’une jeunesse avide de savoir et prompte à se lancer dans des entreprises lointaines. […] « En énumérant les causes qui peuvent nous porter vers l’étude scientifique de la nature, nous devons rappeler aussi que des impressions fortuites et en apparence passagères ont souvent, dans la jeunesse, décidé de toute l’existence. […] S’il m’était permis d’interroger ici mes plus anciens souvenirs de jeunesse, de signaler l’attrait qui m’inspira de bonne heure l’invincible désir de visiter les régions tropicales, je citerais : les descriptions pittoresques des îles de la mer du Sud, par George Forster ; les tableaux de Hodges représentant les rives du Gange, dans la maison de Warren Hastings, à Londres ; un dragonnier colossal dans une vieille tour du jardin botanique à Berlin.

833. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Mais comme à ces défauts Sénéque joignit un esprit vigoureux & élevé, une imagination fleurie, des connoissances étendues, il se fit une réputation éclatante, & devint le modèle sur lequel la jeunesse romaine se plut à se former ou à se corrompre. […] Prenez-vous en aux Collèges qui élevoient la jeunesse, & à l’esprit de pédanterie universelle qui mettoit la derniere main à notre barbarie que les Collèges avoient ébauchée. […] Ce Jésuite ayant consacré toute sa jeunesse aux Belles-Lettres, sur-tout aux Latines, ne put pas étudier assez long-tems la Religion pour se faire le fond de connoissance qu’exige la chaire. […] Je ne vous ai point parlé des Sermons de l’illustre Fénélon, ouvrage de sa jeunesse & les premieres fleurs des fruits mûrs qu’il donna ensuite.

834. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Il est difficile pourtant d’admettre que Ramond n’ait pas été lui-même fasciné dans les premiers temps, qu’il n’ait pas payé tribut par une courte fièvre de jeunesse à la maladie épidémique du siècle et du lieu. […] Tableau doux et champêtre dont la simple nature a fait les frais, il doit réunir comme elle la vénérable empreinte de l’antiquité aux charmes d’une immortelle jeunesse, et se renouveler au retour de chaque année comme la feuille des arbres et comme l’herbe des prés… Cette rencontre était un heureux hasard pour la troupe dont je faisais partie, et de pareils objets lui présentaient un bien nouveau spectacle ; mais nul ne leur pouvait trouver comme moi ce charme dû à la comparaison et au souvenir, et depuis longtemps ami des troupeaux, seul je les abordais en ami, jouissant de leur curiosité, de leurs craintes et de leur farouche étonnement.

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