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676. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Que le naturel chez certains d’entre eux ait quelquefois percé sous la livrée de l’imitation ; que le grain de justesse dont parle Gracian s’y mêle à de froides extravagances : au fond, ce ne sont que des jeux d’esprit d’imitation étrangère sur des inventions communes ; des pointes espagnoles ou italiennes parmi des platitudes gauloises. Je n’ai, pour mon compte, aucun chagrin à reconnaître que, poètes ou prosateurs, nous perdons tout à imiter l’étranger, et que nous avons toujours payé du plus pur de notre naturel le tort de copier le tour d’esprit de nos voisins. […] C’était en effet la poésie bourgeoise dont le règne commençait ; c’était la poésie de cette classe éclairée et indépendante qui s’était formée au seizième siècle, entre les grands seigneurs et le peuple, et qui prend si hautement parti, dans la Ménippée, pour la royauté contre la féodalité, pour la nation contre l’étranger. […] Par tout ce qu’il défend au nom de la raison, on reconnaît qu’il s’agit toujours de ce sens de l’humain, par lequel non seulement rien de ce qui est de l’homme ne nous est étranger, mais tout ce qui n’est pas de l’homme nous choque. […] En peut-on citer un, même chez les nations étrangères, pour peu que tous les esprits cultivés soient d’accord de sa beauté, dont les doctrines de Boileau eussent empêché les belles parties, ou n’aient pas par avance signalé les défauts ?

677. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Certes, je ne suis pas partisan de l’introduction dans un art de moyens qui lui sont étrangers ; cependant, pour citer un exemple, je ne puis pas m’empêcher d’éprouver de la sympathie pour un artiste tel que Chenavard, toujours aimable, aimable comme les livres, et gracieux jusque dans ses lourdeurs. […] Chercher à étonner par des moyens d’étonnement étrangers à l’art en question est la grande ressource des gens qui ne sont pas naturellement peintres. […] L’observateur de bonne foi affirmera-t-il que l’invasion de la photographie et la grande folie industrielle sont tout à fait étrangères à ce résultat déplorable ? […] Voyez, mon cher, jusqu’à quelle folie une passion exclusive et étrangère aux arts peut entraîner un écrivain patriote : je feuilletais un jour un recueil célèbre représentant les victoires françaises accompagnées d’un texte. […] Quand le but naturel d’un art est méconnu, il est naturel d’appeler à son secours tous les moyens étrangers à cet art.

678. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Sitôt que votre souffle a rempli le berger, Les hommes se sont dit : Il nous est étranger ; Et leurs yeux se baissaient devant mes yeux de flamme, Car ils venaient, hélas ! […] Quelqu’un a dit : « Il faut écrire comme on parle, et ne pas trop parler comme on écrit. » M. de Vigny ne suivait pas le précepte : il conversait comme il écrivait ; il pointillait chaque mot ; il laissait peu pénétrer d’idées étrangères dans le tissu serré et le fin réseau de sa métaphore ou de son raisonnement. […] Samson se plaît à bercer la belle esclave et lui chante en hébreu une chanson funèbre dont elle ne saisit pas le sens : Elle ne comprend pas la parole étrangère, Mais le chant verse un somme en sa tête légère. […] J’ai caché à ma famille et à mes amis en France ma détention, j’ai crudevoir le faire… Étranger dans ces lieux, personne ne me tend une main secourable ; victime d’un cruel préjugé contre ma nation, qui confond tous les Français, je suis obligé de le combattre par les preuves de mon éducation ; j’ai beau faire, je suissouvent vaincu.

679. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Le Brun, d’ailleurs, n’était pas étranger à la critique de Clément, son ami, à qui il avait confié sa traduction, encore inédite, de l’épisode d’Aristée, pour être opposée à celle qu’en avait donnée Delille. […] » Ce caractère inoffensif et bienveillant de l’abbé Delille le rendit, jusque bien avant dans la Révolution, étranger à toutes les querelles. […] Emile Deschamps, dans sa spirituelle préface des Études françaises et étrangères, et nous tous, railleurs posthumes de Delille, nous sommes venus tard, et n’avons, même là-dessus, rien inventé. […] … Aurait-il ensuite replacé dans sa traduction cette imitation libre, sans songer à en retirer ce qu’il y avait mis d’étranger ?

680. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Villon, Marot, à plus forte raison Ronsard, étaient, de fait, plus éloignés que nous du moyen âge, dans ce sens qu’ils y étaient plus étrangers. […] Nodier, par exemple, cet homme de tant de grâce et d’esprit, mais étranger aux vraies méthodes, et qui, « dans tout ce qui tient à l’étude des langues, s’est fait remarquer par de bonnes intentions plutôt que par de bons ouvrages » (la définition est de Génin), s’était écrié dans un accès d’enthousiasme pour le simple, comme en ont les littérateurs des époques blasées : « Les patois ont donc une grammaire aussi régulière, une terminologie aussi homogène, une syntaxe aussi arrêtée que le pur grec d’Isocrate et le pur latin de Cicéron. […] En d’autres termes, ce n’est point le mélange et l’influence des Barbares qui ont causé des altérations ; ce n’est pas la décadence politique et intellectuelle de l’Empire qui a réagi sur le parler et y a introduit toutes sortes de fautes contre l’analogie ; il n’y a eu dans ce grand phénomène ni vicieuse intervention de l’étranger, ni appauvrissement graduel des sources du savoir et de la grammaire : mais les germes analytiques qu’on peut voir poindre sous la forme synthétique de l’idiome latin se sont développés. […] Edélestand Du Méril, qui a publié lui-même des ouvrages approfondis sur le moyen âge français et bas-latin, et qui a regardé de très-près à toutes ces questions d’origines, a exprimé des doutes, et soutenu que tenter d’appliquer à notre vieux français cette rigueur grammaticale, cette précision philologique, vouloir en traiter les textes manuscrits comme l’on a fait les livres venus de l’antiquité, c’était rapprocher des choses profondément dissemblables, c’était faire une création rétroactive, supposer aux monuments du vieux français une pureté systématique qui lui est le plus étrangère, et chercher, dans ce qui est de soi informe et variable à l’infini, un ordre et une règle qu’on peut y mettre à toute force, mais qui ne s’y trouvent point35.

681. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

« J’étais descendu de la voiture de poste à quelque distance de la maison paternelle, afin de ne pas éveiller l’attention et de ne pas laisser soupçonner l’arrivée d’un étranger dans la ville par le bruit des roues et le pas des chevaux. […] Cette porte tapissée conduit à un petit corridor d’où l’on entre dans la loge nº 23 : c’est la loge des étrangers. […] la loge des étrangers ? […] « Tandis qu’elle parlait de Don Juan et de son rôle à elle dans le drame, il semblait que tous les trésors secrets de ce chef-d’œuvre s’ouvraient à moi, et que je pénétrais pour la première fois dans un monde étranger.

682. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Les bruits qui ont été répandus sur l’abandon de mes biens à mes créanciers, sur ma retraite en pays étranger et sur la cessation de ce travail périodique en France, me forcent à publier dès aujourd’hui cette explication, qui ne devait paraître que le mois prochain. […] Ces amis espéraient libérer ainsi, pour l’âge où l’on doit liquider sa vie comme sa fortune, mon patrimoine obéré par des causes tout à fait étrangères à celles que la malveillance ou l’ignorance supposent. […] La qualité de chef de la littérature, fût-elle une addition étrangère à la souveraineté, en devient l’appui et l’ornement : l’appui, parce qu’elle oblige les empereurs à donner à leurs enfants une éducation qui les force à l’application, leur inspire l’estime et l’amour des sciences, les accoutume à réfléchir, étend leur pénétration et remplit leur esprit d’une infinité de principes et de vues, de maximes et de faits qui leur sauvent bien des méprises. […] S’il s’agit de quelque nouvelle loi, de quelque nouveau système, de quelque arrangement dans les finances, de quelque nation étrangère, de quelque réforme de police, Sa Majesté envoie demander à celui qui est chargé de répondre ce qu’on trouve là-dessus dans l’histoire ; et le lendemain ou surlendemain ce savant lui présente un Mémoire raisonné, où elle voit ce qui a réussi ou échoué autrefois, pourquoi ce qui a été tenté a été rejeté, et pour quelles raisons, etc.

683. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Je ne connaissais que les noms classiques de notre littérature, et encore très peu, excepté Hugo, Sainte-Beuve, Chateaubriand, Lamennais, Nodier, et en grands orateurs, Lainé, Royer-Collard ; toutes les péripéties des demi-fortunes qui s’agitaient dans la région militante, théâtrale ou romanesque de Paris, m’étaient étrangères : je n’avais pas approché une coulisse, je n’avais pas lu un roman excepté Notre-Dame de Paris. […] Il y avait là Balzac, étranger à ces sortes d’entretiens, Girardin, Hugo. […] Il redoutait son père comme un implacable censeur étranger à ses impressions. […] Une jeune et aimable étrangère, une de ces femmes dont l’imagination est une puissance, conçut pour lui une ardente passion.

684. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il se sentait compris, deviné par des Français pour la première fois : il se demandait d’où venait cette race nouvelle qui importait chez soi les idées étrangères, et qui les maniait avec une vivacité, une aisance, une prestesse inconnues ailleurs. […] Les poètes étrangers furent pervertis par cette doctrine plus grande que nature. […] Je vis aussi de brillants et jeunes étrangers avec lesquels Goethe causait en français. […] Tous les essais pour introduire des nouveautés étrangères sont des folies, si les besoins de changement n’ont pas leurs racines dans les profondeurs mêmes de la nation, et toutes les révolutions de ce genre resteront sans résultats, parce qu’elles se font sans Dieu ; il n’a aucune part à une aussi mauvaise besogne.

685. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Quand le jeune étranger s’arrêta sur le seuil. […] — Portia, dit l’étranger, un vent plus doux commence À se faire sentir. — Chante-moi ta romance. […] Murmura l’étranger, vois cette créature ; Sous les cieux les plus doux qui la pouvaient nourrir, Cette fleur avait mis dix-huit ans à s’ouvrir. […] Je l’ai regardé, il m’a regardé, et nous ne nous sommes rien dit, comme si nous étions deux étrangers parlant des langues diverses et n’ayant de commun que l’air qu’ils respirent.

686. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Cependant l’idée de progrès n’est pas étrangère, ainsi qu’on l’a souvent répété, aux époques même les plus anciennes du monde classique. […] quel génie fut plus étranger que le sien à de pareilles spéculations ? […] Si l’on excepte les animaux de la Grèce et de l’Ionie ou ceux d’origine étrangère qui avaient été acclimatés déjà dans ces contrées, tels que la pintade, le faisan et le paon, Aristote paraît s’en être tenu le plus souvent à des renseignemens de seconde main, lectures d’ouvrages antérieurs, communications orales ou épistolaires. […] Aussi ce serait une vraie puérilité que de reculer devant l’observation des êtres les plus infimes, car dans toutes les œuvres de la nature il y a toujours place pour l’admiration, et l’on peut toujours leur appliquer le mot qu’on prête à Héraclite, répondant à des étrangers qui venaient le voir et s’entretenir avec lui.

687. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

. — Mon cœur, ma vie est aux Feuillantines ; je me trouve partout ailleurs étranger. » Qu’il y a loin de là au Lamennais qu’on a vu siéger, silencieux et le front plissé, à la Montagne ! […] J’ai besoin d’air, de mouvement, defoi, d’amour, de tout ce qu’on cherche vainement au milieude ces vieilles ruines… Le Pape est pieux et voudrait lebien ; mais, étranger au monde, il ignore complètement etl’état de l’Église et l’état de la société. » Ses lettres de cette date sont tout entières à lire dans le volume ; elles exhalent des cris d’aigle et de prophète.

688. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Il n’en est pas de plus propre à faire respecter l’esprit français à l’étranger (ce qui n’est pas également vrai de tous nos chefs-d’œuvre domestiques), et en même temps il y a profit pour chacun de l’avoir, soir et matin, sur sa table de nuit. […] En jugeant de si près les hommes et les choses de son pays, il paraît désintéressé comme le serait un étranger, et déjà un homme de l’avenir.

689. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Désaugiers chante on ne peut mieux, joue très bien dans ses chansons, et toutes paraissent bonnes dans sa bouche ; je n’ai point cet avantage, et, dans une maison étrangère où je ne serais pas bien soutenu, j’aurais tout à craindre d’une pareille rencontre. […] Ne regardant point le théâtre comme étranger à la politique, pensant même qu’une route immense serait ouverte à l’auteur qui oserait tenter de donner, par le spectacle, une direction à l’esprit public, il me serait impossible d’accorder mon utopie théâtrale avec les maximes précédemment débitées dans la chaire où l’on me ferait monter.

690. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

La camarera-mayor, la duchesse de Terranova, en allant au-devant de la reine, et en la recevant à la frontière, s’appliqua à l’instant même à établir son empire, à assiéger ce jeune esprit d’inquiétudes, à le remplir de préventions, et à multiplier autour de la personne royale les barrières de l’étiquette, pour que rien d’étranger ni de contraire à ses desseins n’y pénétrât. […] Sous l’empire de cette fantaisie lugubre, l’arrière-petit-fils de Charles-Quint, comme s’il eût voulu remonter tout le cours de sa race, se fit ouvrir les cercueils : celui de la reine sa mère qui fut ouvert le premier ne fit pas sur lui grande impression ; mais quand ce fut le tour de sa première femme, de cette jeune reine qu’il avait tant aimée, quand il revit ce visage altéré à peine et sa beauté encore reconnaissable à travers la mort, le coeur lui faillit, il recula en disant : « J’irai la rejoindre bientôt dans le Ciel. » — Et cette image suprême ne dut pas être étrangère à sa pensée, quand, peu après, lui le haïsseur des Français, il fit son testament en faveur de la France.

691. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Lacaussade aime à s’inspirer des poètes étrangers (Burns, Cowper, Shelley) ; il ne les traduit pas, il les imite ; il greffe son propre sentiment sur une de leurs pensées. […] Lerambert, homme distingué, des plus instruits, formé dès l’enfance aux meilleures études, initié à la littérature anglaise (il a, pendant quelques années, habité l’Angleterre), a exprimé dans un volume de Poésies 36 des sentiments personnels vrais et délicats, entremêlés d’imitations bien choisies de poëtes étrangers.

692. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Il se sentait compris, deviné par des Français pour la première fois : il se demandait d’où venait cette race nouvelle qui importait chez soi les idées étrangères, et qui les maniait avec une vivacité, une aisance, une prestesse inconnues ailleurs. […] Je ne fus pas moins émerveillé, lorsqu’un jour j’entendis mes vers dans une langue étrangère. » La traduction de Gérard ne dut pourtant lui donner cette agréable sensation qu’à demi, car elle était en grande partie en prose.

693. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

« Cher Deleyre, lui disait-il, sans être votre ami, j’ai de l’amitié pour vous. » Et moyennant cette distinction à demi bourrue, à demi obligeante, il lui donnait parfois de bons conseils ; un jour, par exemple, que Deleyre s’était refait journaliste et polémiste à l’étranger : « Cher Deleyre, lui écrivait Rousseau, défiez-vous de votre esprit satirique ; surtout apprenez à respecter la religion : l’humanité seule exige ce respect. […] Dans son mélange de rêverie et d’épreuve, de réalité et de chimère, il songeait par moments à la Corse dont Rousseau était censé faire la Constitution et qui semblait sur le point de se régénérer : « En un mot, cher ami, je cherche un pays où je n’entende point le peuple se plaindre du gouvernement, où l’on puisse parler avec plaisir et des lois et de leur exécution, où l’étranger n’ait rien à craindre des citoyens, ni ceux-ci de leurs régisseurs.

694. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

» C’est ici que Chrémès fait cette heureuse réponse qui a eu son écho à travers les siècles : « Je suis homme, et je considère que rien d’humain ne m’est étranger. » Et il s’attache de son mieux à désarmer la misanthropie du farouche voisin, à lui, rendre en un sens quelconque la réponse facile : « Prenez que c’est ou un avertissement, ou bien une simple question à mon usage ; si vous avez raison, pour que je vous imite ; sinon, pour que je vous ramène » Ménédème, malgré tout, regimbe encore : « C’est mon habitude à moi ; à vous de faire comme vous l’entendez !  […] « Puissant Pollux, s’écrie le poète, quoique vainqueur tu n’abusas point contre lui de la victoire ; mais tu lui fis jurer le grand serment, par le nom de Neptune son père, de ne. plus être désormais inhumain et nuisible aux étrangers. » Ce fut toute la vengeance du héros86, et c’est ainsi que les victoires des Grecs, quels qu’en fussent les motifs ou les prétextes, étaient en définitive des conquêtes pour la civilisation elle-même.

695. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Un étranger qui nous aime peu, dit-on, mais homme d’infiniment d’esprit et qui nous connaît bien, sir Henry Bulwer, écrivait de Madrid, le lendemain de la Révolution de Février et en lisant les belles improvisations qui coulaient des lèvres de M. de Lamartine : « Vous avez eu une invasion de barbares dirigée par Orphée. » Eh bien ! […] Le même étranger que je viens de citer pour son mot heureux d’une invasion de barbares dirigée par Orphée ajoutait avec cet esprit positif qui est bien celui d’un Anglais : « Mais les chœurs se payent bien cher ; trente sous par jour pour chaque choriste !

696. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Michel Nicolas sur Jean-Bon Saint-André, d’abord pasteur protestant, puis conventionnel montagnard, membre du Comité de salut public, en mission auprès des armées navales ; puis dénoncé, mis en arrestation ; puis consul de France à l’étranger, captif en Orient, éprouvé par la persécution et le malheur ; puis enfin, à sa rentrée en France et pendant douze années, excellent préfet de Mayence sous le Consulat et sous l’Empire, un administrateur modèle, mort à son poste, au champ d’honneur, en décembre 1813, sous le coup de nos désastres, cerné par la guerre, les maladies, par tous les fléaux qu’amènent avec elles les défaites, et lui-même atteint et frappé du typhus qui sévissait dans ces contrées des bords du Rhin. […] Homme obscur, ignoré dans la république des lettres ; jeté, par cette force invisible qui maîtrise nos destinées, dans les agitations d’une vie errante et toujours malheureuse ; appelé, par un concours de circonstances extraordinaires, à des emplois redoutables, où le moment de la réflexion était sans cesse absorbé par la nécessité d’agir ; remplissant encore aujourd’hui des fonctions administratives, bien plus par l’amour de la justice et l’instinct du devoir que par la connaissance approfondie des principes sur lesquels nos grands maîtres ont établi l’art si difficile de l’administration publique ; demeuré, par une captivité longue et douloureuse, presque entièrement étranger aux nouveaux progrès que des savants recommandables ont fait faire à la science, mon premier devoir, Citoyens, est de faire ici l’aveu public de mon insuffisance, et de vous déclarer que tout ce que je puis offrir à cette Société respectable est l’hommage sincère, mais sans doute impuissant, de ma bonne volonté… » Et se voyant amené, par l’ordre des idées qu’il développait dans ce discours, à parler de la Révolution française, explosion et couronnement du xviiie  siècle, de « cette Révolution à jamais étonnante qui, déplaçant tout, renversant tout, après des essais pénibles, souvent infructueux, quelquefois opposés, avait fini par tout remettre à sa véritable place », il s’écriait, cette fois avec le plein sentiment de son sujet et avec une véritable éloquence : « La Révolution !

697. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Ce duché, grossi en 1809 par la paix de Vienne, devint en effet comme un corps étranger, remuant, qui ne demandait qu’à s’étendre encore et qui, interposé entre les liens des deux empires, finit par les distendre jusqu’à les briser. […] Mais surtout il y a à étudier aujourd’hui à neuf et à fond la grande insurrection européenne de 1813 et la coalition des peuples, en se servant des nombreux documents publiés à l’étranger.

698. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Ce prince resta d’abord indifférent et même étranger à toutes ces démarches ; il regrettait profondément sa défunte épouse et ne se soumettait qu’à regret et même avec répugnance à la raison d’État qui l’obligeait à la remplacer si promptement ; il avait peine à se faire au mot d’ordre de la situation : La dauphine est morte ! […] Mais le tort des Français, trop souvent, a été de se comporter et de parler devant l’étranger comme s’ils n’étaient point patriotes : on se trompe sur eux, mais on le croit.

699. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Sir Henry Bulwer, homme d’État et étranger, moins choqué que nous de certains côtés qui ont laissé de tristes empreintes dans nos souvenirs et dans notre histoire, a jugé utile et intéressant, après étude, de dégager tout ce qu’il y avait de lumières et de bon esprit politique dans le personnage qui est resté plus généralement célèbre par ses bons mots et par ses roueries ; « L’idée que j’avais, dit-il, c’était de montrer le côté sérieux et sensé du caractère de cet homme du XVIIIe siècle, sans faire du tort à son esprit ou trop louer son honnêteté. » Il a complètement réussi à ce qu’il voulait, et son Essai, à cet égard, bien que manquant un peu de précision et ne fouillant pas assez les coins obscurs, est un service historique : il y aura profit pour tous les esprits réfléchis à le lire. […] Dans toutes les parties de l’Amérique que j’ai parcourues, je n’ai pas trouvé un seul Anglais qui ne se trouvât Américain, pas un seul Français qui ne se trouvât étranger. » Après l’inclination et l’habitude, il relève l’intérêt, cet autre mobile tout-puissant, surtout dans un pays nouveau où « la grande affaire est incontestablement d’accroître sa fortune. » Et comment ne seraient-elles point encore de Talleyrand ces réflexions morales si justement conques, exprimées si nettement, sur l’égalité et la multiplicité des cultes, dont il a été témoin, sur cet esprit de religion qui, bien que sincère, est surtout un sentiment d’habitude et qui se neutralise dans ses diversités mêmes, subordonné qu’il est chez tous (sauf de rares exceptions) à l’ardeur dominante du moment, à la poursuite des moyens d’accroître promptement son bien-être ?

700. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Des molécules organiques partout répandues ou partout naissantes, des sortes de globules en voie de déperdition et de réparation perpétuelles, qui, par un développement aveugle et spontané, se transforment, se multiplient, s’associent, et qui, sans direction étrangère, sans but préconçu, par le seul effet de leur structure et de leurs alentours, s’ordonnent pour composer ces édifices savants que nous appelons des animaux et des plantes ; à l’origine, les formes les plus simples, puis l’organisation compliquée et perfectionnée lentement et par degrés ; l’organe créé par les habitudes, par le besoin, par le milieu ; l’hérédité transmettant les modifications acquises330 : voilà d’avance, à l’état de conjectures et d’approches, la théorie cellulaire de nos derniers physiologistes331 et les conclusions de Darwin. […] Que l’on compare le Discours de Bossuet sur l’Histoire universelle, et l’Essai de Voltaire sur les mœurs, on verra tout de suite combien ces fondements sont nouveaux et profonds  Du premier coup, la critique a trouvé son principe : considérant que les lois de la nature sont universelles et immuables, elle en conclut que, dans le monde moral, comme dans le monde physique, rien n’y déroge, et que nulle intervention arbitraire et étrangère ne vient déranger le cours régulier des choses, ce qui donne un moyen sûr de discerner le mythe de la vérité339.

701. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Et c’est la nouveauté d’une région étrangère qui lui a dessillé les yeux, qui lui a permis de les ouvrir ensuite sur la nature de chez nous ; et ainsi c’est l’exotisme qui a définitivement introduit le pittoresque dans notre littérature. […] Et, du jour où cette faculté s’applique, non plus à des objets étrangers, mais à ce que nous avons tous les jours sous les yeux, la littérature nouvelle est née ; le romantisme engendre le naturalisme.

702. (1890) L’avenir de la science « V »

Il faut donc dire sans hésiter qu’aucune secte religieuse ne surgira désormais en Europe, à moins que des races neuves et naïves, étrangères à la réflexion, n’étouffent encore une fois la civilisation ; et, alors même, on peut affirmer que cette forme religieuse aurait beaucoup moins d’énergie que par le passé et n’aboutirait à rien de bien caractérisé. […] Le culte de Fo ou Bouddha est, on le sait, étranger à la Chine

703. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Physiquement, le système n’est ouvert qu’à une seule chose ; nous sommes « tout yeux ou tout oreille. » Psychologiquement, tout autre plaisir, toute peine étrangère sont suspendus ; nous sommes entièrement à l’objet que nous poursuivons, les préoccupations objectives étant anesthésiques par nature. […] Entre le bien et le beau, le rapport est si intime que quelques-uns, comme Gœthe, ont pensé que la morale n’est que l’esthétique appliquée à la vie ; idée qui n’a pas été étrangère à Platon.

704. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Des poètes, des romanciers en ont tiré des sujets ; mais ni le roman de Walter Scott, ni la chanson de Béranger, ne rendent la réalité dans toute sa justesse, et avec la parfaite mesure qu’elle nous offre sous cette plume de Commynes, curieuse, attentive, fidèle, et si étrangère à un but littéraire, à un effet dramatique. […] Il envoyait acheter, par exemple, des chevaux, des chiens de race de tous côtés, aux pays étrangers, là où il voulait qu’on le crût bien portant et capable d’aller encore à la chasse.

705. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Je n’ai point émigré et je n’ai jamais approuvé l’émigration, parce que j’ai toujours cru qu’il était absurde de quitter la France dans l’espoir de la sauver, et de se mettre dans la servitude des étrangers pour prévenir ou pour terminer une querelle nationale. […] Il naquit le 1er avril 1746, au Bausset (arrondissement de Toulon), d’une de ces familles bourgeoises qui restaient étrangères au commerce, et dont les membres, voués à des professions libérales, savaient trouver dans une honnête médiocrité de fortune la considération et l’indépendance.

706. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Les naufragés de Calais ne furent point traités en ennemis déclarés, ni en étrangers innocents : le Directoire les retint en prison ; ils ne furent mis en liberté qu’à l’avènement du gouvernement consulaire. […] Les indifférents, qui sont toujours le plus grand nombre, demeurent étrangers à tout ce qui se passe.

707. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Carrel, en effet, n’avait pas seulement à combattre le gouvernement qui était en face de lui, il avait à côté et en arrière à tenir tête aux ardents et aux brouillons dont il disait : « Leurs qualités ne servent que dans les cas tout à fait extraordinaires ; … leurs inconvénients sont de tous les jours. » Complètement étranger (est-il besoin de le dire ?) à tous les genres d’attentats, étranger même aux insurrections, ne les apprenant guère qu’en même temps que le public, il se trouvait traité comme complice, impliqué dans les suites ; et, en témoignant chaque fois son indignation de ce qu’il appelait un outrage, il ne faisait rien pour se mettre hors de cause dans l’avenir.

708. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Cette influence s’est étendue jusqu’à l’étranger, et l’on ne peut dire que Byron et Goethe ne lui aient rien dû. […] Nous avons été rendus sensibles aux beautés des littératures étrangères, nous ne pouvons plus maintenant fermer volontairement les yeux.

709. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Aux principes de cet art nouveau l’école mystique anglaise resta toujours étrangère. […] A dire vrai, non seulement ils sont demeurés totalement étrangers au mouvement de l’art moderne, mais ils représentent un art essentiellement rétrograde, un art de réaction, un art sans avenir.

710. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Son succès fut d’autant plus grand qu’à ses forces naturelles il ajouta des forces artificielles ; il profita des circonstances accidentelles comme des circonstances permanentes ; avec ses armes propres il eut des armes étrangères, et, en premier lieu, l’amour de la patrie et de la liberté. […] On se lança dans le prodigieux univers de Proclus, mosaïque de triades, où la subtilité athénienne décompose et classe les illuminations du mysticisme oriental. — Cependant tout cela était étranger, et laissait un mécontentement secret.

711. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Craignez les imprudences des chauvins, mais écoutez bien aussi ceux qui crient tant contre le chauvinisme français, et dites si vous ne leur trouvez pas le plus souvent un peu d’accent étranger. […] Depuis de longues années déjà, nous suivons avec peine, chez quelques poètes, les ravages d’une sorte de maladie de nos rythmes et de notre langage, et, là encore, nous reconnaissons une influence étrangère. […] Peut-être il était déjà passé, dans quelqu’une des voitures d’étrangers, vite disparues. […] Fourvoyé dans les chemins obscurs d’une soi-disant rénovation de notre langue, ouverts par un certain nombre de jeunes gens, parmi lesquels beaucoup d’étrangers, M. de Wyzewa a bien vite reconnu que les Français exigent avant tout la clarté des idées et de la parole. […] que les Égyptiens, faute de ressort, sont nécessairement soumis à des étrangers, la Turquie est la seule puissance musulmane qui soit, malgré sa faiblesse, en mesure de profiter des circonstances ; les relations religieuses seront alors d’un grand poids.

712. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

En opposition à cet exemple, nous aurions pu citer Ronsard, renommé favori de tant de cours européennes, et dont la gloire fut pompeusement ensevelie avec lui devant les cardinaux, les ambassadeurs, et les potentats étrangers, moins bons juges de ses vers que les modestes recteurs de nos Universités. […] Cependant, joyeuse et enorgueillie d’avoir, en concentrant ses forces dans son sein, purgé son sol des invasions étrangères, s’est-elle appuyée de quelque alliance, pour nous rendre des fléaux ? […] Souvent, sans l’intervention d’une muse ou d’une autre puissance invoquée, le poète, à qui la sévérité du genre épique interdit toute digression étrangère au fonds qu’il traite, ne pourrait suspendre, interrompre son récit, et nous parler de soi-même. […] Ce ne fut donc pas dans le puéril désir de reprendre Hélène que les rois ligués s’armèrent ; ce fut pour laver un commun affront, pour punir la séduction d’un étranger insolent, et pour venger les saintes lois de l’hospitalité violée. […] Innocents de l’attentat commis par le fils d’un roi qu’ils respectent, ils en seront les victimes plutôt que d’abaisser leur fierté naturelle à subir les fers et les châtiments de l’étranger ; l’héroïsme des deux partis doit intéresser tous les cœurs vraiment nobles et droits.

713. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Elles étaient étrangères et supérieures aux exigences de la poésie Parnassienne ; elles devaient nécessairement le conduire à une conception nouvelle de la création poétique. […] C’est lui que s’empressent d’aller voir, sitôt arrivés à Paris, les jeunes touristes étrangers, comme autrefois Victor Hugo. […] Ils se savaient une race supérieure, étrangère aux vils besoins qui embarrassent la foule. […] Renan fonde une théorie politique d’un dogmatisme si complet, que nulle phrase, en ses écrits, n’est étrangère ou opposée à cette conception totale. […] Bientôt les poètes français né me suffirent plus : mon âme en réclama d’étrangers, et je lui en offris de toutes les provenances.

714. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Le patriotisme, sans être étranger à son âme, n’était chez lui que secondaire ; et c’est provoquer maladroitement la sévérité contre sa mémoire que de faire de lui un martyr.

715. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Tantôt faible et mal nouée, tantôt tourmentée et obscure, presque toujours invraisemblable, on dirait, à la voir se dérouler péniblement, tourner et revenir sur elle-même, qu’elle a été conçue après coup, et que les accidents de sa marche ont été prévus et commandés dans un dessein étranger.

716. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Il doit être horrible, pour un chrétien même médiocre, d’être gouverné par des hommes qui nous sont si profondément étrangers.

717. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

De grandioses symboles comme Vox populi, l’Impatience de la foule, s’y dressent tout à coup à côté de profondes visions d’au-delà de Véra, de l’Intersigne, des railleries aiguës, sinistres ou gravement lyriques des Demoiselles de Bienfilâtre, de la Machine à gloire, du fantaisiste humour qui distingue le Plus Beau Dîner du monde, l’Affichage céleste, etc… Les Contes cruels signalent avec une admirable netteté les deux courants que suit la pensée de Villiers : l’un positif, affirmant les croyances mystiques, les aspirations idéales ; l’autre négatif, dissolvant, aux acides d’une raillerie puissante, la dureté du temps présent abhorré du rêveur… Par sa fidélité, jamais démentie, aux formules de l’idéal romantique, Villiers de l’Isle-Adam s’est condamné à rester étranger aux courants novateurs de la littérature.

718. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Que pouvaient sur elles ces tableaux satiriques qui représentaient des habitudes misérables auxquelles elles étaient absolument étrangères, l’affectation dont elles étaient exemptes, et que leur excellent ton rendait si clinquante par le contraste ?

719. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

Diderot dans les esprits frivoles de la Nation, & dans les esprits trop crédules des Etrangers.

720. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

Il ne venoit presque point d’Etrangers savans à Paris, qui ne lui rendissent leurs hommages.

721. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Ce fut Takisé qui apporta l’eau, mais l’étranger était tellement ravi de sa beauté qu’il ne put boire.

722. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Elles se montrent alors les unes et les autres, sans parure, sans charme, sans cortège, avec mille contradictions ; ce sont des dieux étrangers ou des rois détrônés.

723. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Il est permis de supposer que sa compréhension de tant de parties de la science auxquelles il était étranger par des recherches personnelles lui vint de la familiarité où il vécut dès ce temps avec M. 

724. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

VI Une page inédite de Taine sur l’association‌ La Ligue de la « Patrie Française » avait entrevu (comme, dans un rêve) qu’il pourrait y avoir convenance pour elle de s’associer prudemment, un jour ou l’autre, à une conférence d’un distingué avocat, Me Michel Pelletier, sur le régime auquel sont soumises les associations en France et à l’étranger.‌

725. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Et encore, faisant pressentir les effets désastreux d’une condamnation par vengeance : « Voilà, disait-il, comment naîtront la pitié, le regret, la terreur, les accusations contre la Convention nationale, et tous les éléments de trouble, de haine et de discorde, dont les aristocrates, les royalistes, les anarchistes, les intrigants et les ambitieux, et tous vos ennemis intérieurs, et tous les tyrans étrangers, vont s’emparer de toutes parts avec la plus meurtrière émulation. » On trouvera peut-être que je fais là de la rhétorique en bien grave matière, et que je relève et souligne des mots dans la situation où ils échappaient le moins littérairement ; mais Daunou pesait tous les siens aussi soigneusement à la Convention, lorsqu’il réclamait justice pour Louis XVI, que lorsque, devant l’Académie de Nîmes, il célébrait l’influence de Boileau. […] Je ne saurais abréger cette page curieuse. « Cet enseignement, dit-il, quoiqu’il ait subi quelques réformes, doit demeurer essentiellement vicieux tant que l’épellation donnera des sons élémentaires tout à fait étrangers au son total ou syllabique107. […] Fouché, dont les émissaires n’étaient pas étrangers à ces motifs de terreur, le fit pourtant rassurer sous main, lui fit dire qu’il prenait les choses trop à cœur110. […] Daunou aurait seule retenue, quand tout le monde de nos jours l’eût abandonnée : elle consiste à se borner et presque à s’asservir à l’ouvrage qu’on examine, à l’extraire, à le suivre pas à pas, en y relevant incidemment les fautes ou lés beautés, sans se permettre les excursions et les coups-d’œil plus ou moins étrangers. […] Qui leur enseignera mieux que lui à se prémunir contre toute domination étrangère par l’énergie de l’administration intérieure ?

726. (1902) Propos littéraires. Première série

Il ne faut pas croire l’étranger aussi imbécile que cela. […] Je préviens seulement les étrangers que, quoique M.  […] Attirons l’étranger. […] Pourquoi sommes-nous devenus si étrangers l’un à l’autre ? […] Ces choses lui sont parfaitement étrangères.

727. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Il y a cependant un inconvénient réel à cette culture des idiomes étrangers : c’est que, à force de parler et d’écrire en d’autres langues, on parlera et on écrira beaucoup moins bien dans la sienne. […] Les étrangers n’y comprennent rien. […] Villani nous apprend que, dans l’artifice et l’extravagance de leurs parures, il entrait plus de choses étrangères qu’il n’en restait leur appartenant en propre. […] Dante reste au Paradis ce que nous l’avons vu dans l’Enfer, mon cher Élie, catholique au plus large sens du mot, mais absolument étranger aux exclusions d’une étroite orthodoxie. […] Tout au contraire, Wolfgang Gœthe naît chez un peuple à qui la notion de l’État semble étrangère.

728. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Oublierons-nous pour cela la logique expressive des mots : Étrange… Étranger… syllabes qui se superposent exactement. […] Il faudrait ne rien connaître des vingt dernières années de notre histoire littéraire, pour ignorer que les meilleurs ouvrages signés de noms français furent sacrifiés de parti pris aux productions étrangères. Publier un livre sous le patronage des confrères de sa génération, quand on est femme et de naissance étrangère, c’est s’assurer un double titre à la bienveillance d’un accueil qui, sans ces circonstances, eût pu rencontrer plus de froideur. […] Nul doute qu’il faille attribuer à cette double cause : origine étrangère et cosmopolitisme, la plasticité de notre auteur. […] Merveilleuse élève en vérité, disciple fidèle, cette étrangère, cette cosmopolite devenue Française par adoption et par adaptation !

729. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Protogènes, de retour, ayant vu ce trait, s’écria qu’il était certainement d’Apelles ; puis, reprenant l’esquisse, il conduisit à l’entour une ligne plus déliée et plus ténue, et ordonna de la montrer à l’étranger. […] Dans chaque ville les factions s’exilent tour à tour, et les bannis, comme dans les républiques italiennes, tâchent de rentrer par violence avec le secours de l’étranger. […] Si la culture religieuse a superposé chez nous aux inclinations spontanées des sentiments disparates, la culture laïque a enchevêtré dans notre esprit un labyrinthe d’idées élaborées et étrangères. […] Presque tout notre vocabulaire philosophique et scientifique est étranger ; pour nous en bien servir, nous sommes obligés de savoir le grec et le latin ; et le plus souvent nous nous en servons mal. […] On les célèbre par occasion, à la mort d’un héros, pour honorer un étranger.

730. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

L’auteur a cherché, sous ces beaux noms étrangers et chevaleresques, à consacrer et à immortaliser une flamme rapide de passion qu’il avait lui-même ressentie et exhalée à son passage dans ce délicieux Alhambra.

731. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Le mouvement des idées, l’évolution de l’organisme social, le contact des races étrangères, et le spectacle de leurs idées, de leur organisation, de leurs arts aussi et de leur littérature, modifient sans cesse le génie national, et l’expression qu’il donne de lui-même dans les œuvres de ses écrivains.

732. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

En d’autres termes, les états de l’esprit les plus complexes ou les plus abstraits, les notions dites a priori, les idées les plus étrangères en apparence à l’expérience, les sentiments les plus raffinés ; tout, sans exception, est réductible par l’analyse aux sensations primitives, qui associées et fondues de mille manières, par suite des combinaisons qu’elles forment, des métamorphoses qu’elles subissent, deviennent méconnaissables au sens commun.

733. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Il falloit que l’usage du monde lui fut bien étranger.

734. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Voyez le tableau de la Fronde : « La monarchie ébranlée jusqu’aux fondements, la guerre civile, la guerre étrangère, le feu au dedans et au dehors… Était-ce là de ces tempêtes par où le Ciel a besoin de se décharger quelquefois ?

735. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Et puis, ce voyageur était peut-être un étranger, tombé loin de son pays, comme cet illustre inconnu sacrifié par la main des hommes, loin de sa patrie céleste !

736. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Cet historien raconte avec indignation que Rome se trouvant menacée de la famine, on avoit pris la précaution d’en faire sortir tous les étrangers, même ceux qui professoient les arts liberaux.

737. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Les protestants, de leur côté, disent que la vraie tradition de la Réforme est en France, que le salut de la France, c’est le salut du protestantisme, et le Comité protestant de propagande française, dans sa « Réponse à l’appel allemand aux chrétiens évangéliques de l’étranger », déclare : « Nous sommes résolus à marcher cœur à cœur avec nos frères d’Angleterre, et coude à coude avec nos amis d’Amérique, de la Suisse romande, de Hollande, des Pays scandinaves, ayant la certitude de représenter avec eux la tradition la plus pure de la Réforme du xvie  siècle, cette qui entend unir toujours plus étroitement à la pitié évangélique la pratique de la justice, le respect de l’indépendance d’autrui et le souci de la grande fraternité humaine ».

738. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Cette pompe étrangère disparaît, et jamais la faveur des princes n’a corrompu la postérité sur des ouvrages.

739. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Le classique est homme qui est de son pays, qui a voyagé à l’étranger sans devenir exotique, et dans le passé sans se pénétrer d’archaïsme. […] Ce n’était pas matière étrangère à son ouvrage ; c’en était partie presque essentielle et c’en était ornement autant qu’appui et soutien. […] C’est de là que vient le caractère cosmopolite ou plutôt le caractère étranger de l’Encyclopédie. […] L’histoire nous devient ainsi quelque chose d’extérieur et d’étranger. […] Il est des cas où le succès d’œuvres très étrangères à leur génie dépend des hommes de bataille et de guerre.

740. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Ce n’est pas que la critique et la philosophie lui fussent étrangères ou indifférentes ; mais ce n’est pas en elles qu’était sa force. […] Quant à la moralité, je crois cette nature d’élite et d’exception, étrangère à toute autre passion qu’à celle du vrai. […] La recherche de la popularité lui était aussi étrangère que la crainte du scandale. […] L’ironie même lui était étrangère, bien qu’il n’ait manqué ni d’enjouement ni de verve satirique. […] Jamais il ne lisait un livre, ne se préoccupait d’une chose, étrangers à son travail du moment.

741. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Mme de Staël, comme Delphine, ne put vivre sans pardonner : elle s’adressait de Vienne en 1808 à ce même personnage, comme à un ancien ami sur lequel on compte55 ; elle lui rappelait sans amertume le passé : « Vous m’écriviez, il y a treize ans, d’Amérique : Si je reste encore un an ici, j’y meurs ; j’en pourrais dire autant de l’étranger, j’y succombe. » Elle ajoutait ces paroles si pleines d’une tristesse clémente : « Adieu, — êtes-vous heureux ? […] Il y avait souvent jusqu’à trente personnes, étrangers et amis ; les plus habituels étaient Benjamin Constant, M. […] Son hostilité contre l’Empire, son absence de France, sa fréquentation des souverains alliés et des sociétés étrangères, la fatigue extrême de l’âme qui rejette la pensée aux impressions moins hardies, tout contribua chez elle à cette métamorphose. […] On lit dans la Correspondance imprimée de Napoléon, au commencement d’une lettre de l’Empereur à Cambacérès, écrite d’Osterode, 26 mars 1807 : « J’ai écrit au ministre de la police de renvoyer Mme de Staël à Genève, en lui laissant la liberté d’aller à l’étranger tant qu’elle voudra. […] Je ne veux rien souffrir de cette clique ; je ne veux point qu’ils fassent de prosélytes et qu’ils m’exposent à frapper de bons citoyens. » Napoléon affecte de considérer en principe Mme de Staël comme étrangère, et de même il affectait alors de ne voir en Benjamin Constant qu’un étranger : cela se raccommoda dans les Cent-Jours.

742. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Un étranger qui en ce moment visiterait le pays ne verrait dans cette religion qu’une vapeur suffocante de raisonnements, de controverses et de sermons. […] Ici, « un couvreur se fait apporter sur les toits la gazette pour la lire. » Un étranger qui lirait les journaux « croirait le pays à la veille d’une révolution. » Quand le gouvernement fait une démarche, le public se sent engagé ; c’est son honneur et c’est son bien dont le ministre dispose ; que le ministre prenne garde à lui, s’il en dispose mal. […] … Vous avez beau enfler toute dépense et tout effort, accumuler et empiler tous les secours que vous pourrez acheter ou emprunter, trafiquer ou brocanter avec chaque petit misérable prince allemand qui vend et expédie ses sujets aux boucheries des princes étrangers : vos efforts sont pour toujours vains et impuissants, doublement impuissants par l’aide mercenaire qui vous sert d’appui, car elle irrite jusqu’à un ressentiment incurable l’âme de vos ennemis. […] Si j’étais Américain comme je suis Anglais, tant qu’un bataillon étranger aurait le pied sur mon pays, je ne poserais pas mes armes ! […] Ainsi préparés ils se mettent à voyager ; mais comme ils manquent de dextérité, qu’ils sont extrêmement honteux et timides et qu’ils n’ont point l’usage des langues étrangères, ils vivent entre eux et mangent ensemble dans les auberges. » (Lettres de lord Chesterfield.

743. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

C’est le parfait gentilhomme étranger, naturalisé par le génie dans la vraie patrie des lettres. […] Pendant ce temps, Boris lisait les journaux étrangers. […] Comme la première fois, il y avait chez Étienne plusieurs étrangers à qui Viéra offrait, avec sa grâce habituelle, du café et des liqueurs préparés par elle-même. […] Le bateau arrivait en vue de Stettin, la rive étrangère se déroulait aux regards des passagers sous les rayons d’un beau soleil. […] Non ; Moumou n’élevait la voix que lorsqu’un étranger s’approchait de la porte de l’hôtel, ou lorsqu’elle entendait quelque bruit inusité.

744. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Émile Zola, qui est si répandue en France, qui, dans les Universités étrangères, se trouve être la lecture favorite de la jeunesse pensante, ait mis aussi longtemps à conquérir notre élite nationale. […] Et quand je pense que, à l’étranger, on ne l’aborde pas sans ce trouble mystérieux qui caractérise l’approche du génie ; quand je pense que, à l’étranger, les natures saines, les âmes bien nées et délicates, l’envisagent, avec ce recueillement qu’on éprouve seulement en présence d’un Hésiode ou d’un Eschyle, d’un Rousseau ou d’un Goethe, je me sens affligé d’une grande tristesse et j’éprouve les pires craintes au sujet de notre état d’esprit ! […] Tous ont été admirés par des causes étrangères au meilleur de leur œuvre spirituelle, qui prolongea son rayonnement, mais en haut, dans la partie intellectuelle du Public. […] Je crois qu’il faut l’y amener par des procédés étrangers à la forme, et je vous sais trop artiste pour la sacrifier.

745. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — R. de Gourmont : La Poésie française contemporaine et l’influence étrangère (publié en français) Flegrea (Naples), 20 octobre 1900. — G.  […] en chef), Le Siècle, Mercure de France, La Grande Revue, Courrier Européen et Revues étrangères. […] Le Journal, Le Soleil, L’Intransigeant, La Presse, Gil Blas, Le Petit-Parisien, Midi-Télégraphe, Magasin Pittoresque, Revue des Revues, Courrier Français, Nouvelle Revue, Revue Universelle, Revue Illustrée, Monde Illustré, La Vogue, La Vie de Paris et aux Revues Étrangères. […] Collaboration. — Le Beffroi, Mercure de France, La Vogue et diverses revues étrangères Arte, Instituto, etc. […] Nombreux articles dans journaux étrangers : A. 

746. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut : « Les sciences et les arts étant les ornements les plus considérables des États, nous n’avons point eu de plus agréable divertissement depuis que nous avons donné la paix à nos peuples, que de les faire revivre en appelant près de nous tous ceux qui se sont acquis la réputation d’y exceller, non seulement dans l’étendue de notre royaume, mais aussi dans les pays étrangers ; et, pour les obliger davantage de s’y perfectionner, nous les avons honorés des marques de notre estime et de notre bienveillance. » Maintenant, lisez le privilège de l’Opéra, donné en 1831 à M.  […] M. le baron Taylor était une de ces natures fines et intelligentes, qui se connaissent en toutes choses, qui ne sont étrangères à rien, qui touchent par un point quelconque de leur individualité à toutes les classes sociales, un de ces hommes qui doivent se baisser s’ils veulent paraître petits, mais qui n’ont pas besoin de se hausser pour être grands. […] Apportant son pinceau d’artiste en aide à la plume du poète, il dessinait, avec un égal amour, la chlamyde de Léonidas, la cuirasse du duc de Guise, ou le pourpoint d’Hernani ; contemporain de tous les âges qu’il avait étudiés, citoyen du monde entier qu’il avait parcouru, pas un détail de mœurs, de costume, d’armure ne lui était inconnu ; pas un site historique ou pittoresque ne lui était étranger. […] Buloz que cette idée se propageât de Paris à la province, de la province à l’étranger, les deux Revues résonnaient en chœur des louanges de Mme Sand. […] Ce serait faire injure à ce corps, car ce serait supposer que ses membres ne lisent pas et qu’ils restent tout à fait étrangers au mouvement littéraire de notre époque.

747. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

. — DUCIS, ou l’initiation au théâtre étranger. […] Cousin (avril 1840), pour y remplir, provisoirement d’abord, la chaire de littérature Étrangère, dont il devint plus tard titulaire. […] Fauriel, le maître et le guide par excellence en ces domaines étrangers.

748. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Diderot le pousse à bout jusque dans l’emphase larmoyante ou furibonde, par des exclamations, des apostrophes, des attendrissements, des violences, des indignations, des enthousiasmes, des tirades à grand orchestre, où la fougue de sa cervelle trouve une issue et un emploi  En revanche, parmi tant d’écrivains supérieurs, il est le seul qui soit un véritable artiste, un créateur d’âmes, un esprit en qui les objets, les événements et les personnages naissent et s’organisent d’eux-mêmes, par leurs seules forces, en vertu de leurs affinités naturelles, involontairement, sans intervention étrangère, de façon à vivre pour eux-mêmes et par eux-mêmes, à l’abri des calculs et en dehors des combinaisons de l’auteur. […] Voilà l’avantage de ces génies qui n’ont pas l’empire d’eux-mêmes : le discernement leur manque, mais ils ont l’inspiration ; parmi vingt œuvres fangeuses, informes ou malsaines, ils en font une qui est une création, bien mieux une créature, un être animé, viable par lui-même, auprès duquel les autres, fabriqués par les simples gens d’esprit, ne sont que des mannequins bien habillés  C’est pour cela que Diderot est un si grand conteur, un maître du dialogue, en ceci l’égal de Voltaire, et, par un talent tout opposé, croyant tout ce qu’il dit au moment où il le dit, s’oubliant lui-même, emporté par son propre récit, écoutant des voix intérieures, surpris par des répliques qui lui viennent à l’improviste, conduit comme sur un fleuve inconnu par le cours de l’action, par les sinuosités de l’entretien qui se développe en lui à son insu, soulevé par l’afflux des idées et par le sursaut du moment jusqu’aux images les plus inattendues, les plus burlesques ou les plus magnifiques, tantôt lyrique jusqu’à fournir une strophe presque entière à Musset480, tantôt bouffon et saugrenu avec des éclats qu’on n’avait point vus depuis Rabelais, toujours de bonne foi, toujours à la merci de son sujet, de son invention et de son émotion, le plus naturel des écrivains dans cet âge de littérature artificielle, pareil à un arbre étranger qui, transplanté dans un parterre de l’époque, se boursoufle et pourrit par une moitié de sa tige, mais dont cinq ou six branches, élancées en pleine lumière, surpassent tous les taillis du voisinage par la fraîcheur de leur sève et par la vigueur de leur jet. […] Étranger, protestant, original de tempérament, d’éducation, de cœur, d’esprit et de mœurs, à la fois philanthrope et misanthrope, habitant d’un monde idéal qu’il a bâti à l’inverse du monde réel, il se trouve à un point de vue nouveau.

749. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

La petite, qui remontait les yeux à terre, sans défiance, ne les ayant ni vus ni entendus, rougit tout à coup jusqu’au blanc des yeux, en se voyant toute nue et toute mouillée devant des étrangers ; elle se sauva, comme un faon surpris, dans la cabane, et rien ne put l’en faire sortir, bien qu’elle se fût habillée derrière la porte. LXXIII Les étrangers se parlèrent longtemps à voix basse entre eux, et me demandèrent ceci et cela sur notre famille. […] Elle ne savait pas lire ; elle pria l’étranger de mettre le papier timbré sur la huche, en lui disant que nous le ferions lire le lendemain par le frère camaldule qui passait deux fois par semaine pour porter les vivres au couvent.

750. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Les Romains et les étrangers s’y rendaient en masse pour l’admirer. […] Il entendit un jour deux étrangers qui attribuaient, par ignorance, ce groupe au ciseau d’un autre sculpteur romain ; bien que Michel-Ange n’eût pas l’habitude de marquer ses œuvres d’un autre signe que leur immortelle perfection, il craignit cette fois que le temps ou l’erreur populaire ne lui dérobât sa gloire, et, rentrant la nuit dans la chapelle, il grava son nom en petits caractères sur l’étroite ceinture qui retient la robe de la Vierge au-dessous du sein. […] Par les conseils de Vasari, Cosme de Médicis écrivit au pape de veiller à ce que les dessins, les modèles, les ébauches, les reliques sans prix de la main de ce grand artiste fussent conservés à sa famille et au monde, dans le cas où des étrangers, à cause de son grand âge, tenteraient de dilapider ces trésors dans ses derniers jours ou après sa mort.

751. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

C’est un grand signe pour lui d’avoir été hautement préféré par celui de nos siècles littéraires où nos qualités et nos défauts se sont le plus librement développés, ont le moins profondément subi l’influence des littératures anciennes ou étrangères. […] Le problème posé devant Racine était donc celui-ci : d’une part, chercher à faire les pièces les plus agréables au public contemporain ; d’autre part, ne traiter que des sujets anciens ou étrangers… Puisque la voie n’était vraiment ouverte et libre que du côté de l’antiquité, la difficulté était de rendre cette antiquité intelligible et acceptable à la société du temps de Louis XIV et à la cour, qui donnait le ton. […] Rien donc, dans ces tragédies, ne nous est étranger, pas même les choses empruntées aux époques reculées.

752. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Quelque chose d’étranger et de prestigieux s’est insinué, aux premiers paragraphes, dans l’âme du lecteur : étreint et enlacé, ployé dans la posture intellectuelle assignée, il subit d’avance le choc de l’émotion que le poète prémédite. […] Sur le pâle buste de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; Et ses yeux ont toute la semblance de ceux d’un démon qui rêve, Et la lumière de la lampe glissant sur lui, jette son ombre sur le sol ; Et mon âme hors de cette ombre qui gît flottante sur le sol, Ne sera soulevée, jamais plus, En ces artifices, les plus apparents, Poe se montre l’homme de toutes les ruses littéraires, habile à composer et à stiller d’une main sûre la délicate émotion qui transporte le lecteur hors de lui-même, et le charme en une vie étrangère plus intense et plus belle. […] L’appel à l’instinct, aux exubérances incorrectes du tempérament, le conseil de livrer des émotions secrètes en amusement à des étrangers, l’invite aux confidences et aux familiarités, sont remplacés par une doctrine savante et plus fière.

753. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

La raison humaine est maintenant assez mûre pour que nous entreprenions de laborieuses recherches scientifiques, sans avoir en vue aucun but étranger capable d’agir fortement sur l’imagination, comme celui que se proposaient les astrologues ou les alchimistes. […] La prépondérance de la philosophie positive est successivement devenue telle depuis Bacon ; elle a pris aujourd’hui, indirectement, un si grand ascendant sur les esprits même qui sont demeurés les plus étrangers à son immense développement, que les métaphysiciens livrés à l’étude de notre intelligence n’ont pu espérer de ralentir la décadence de leur prétendue science qu’en se ravisant pour présenter leurs doctrines comme étant aussi fondées sur l’observation des faits. […] Quoique je doive traiter spécialement cette question dans la prochaine leçon, je crois devoir, dès à présent, en faire la déclaration, afin de prévenir les reproches très mal fondés que pourraient m’adresser ceux qui, sur un faux aperçu, classeraient ce cours parmi ces tentatives d’explication universelle qu’on voit éclore journellement de la part d’esprits entièrement étrangers aux méthodes et aux connaissances scientifiques.

754. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Je n’ai pas besoin de faire observer que, depuis le discrédit général dans lequel sont tombés les travaux de cette nature par suite du peu de solidité des premiers projets, ces classifications ne sont conçues le plus souvent que par des esprits presque entièrement étrangers à la connaissance des objets à classer. […] On en peut citer un exemple bien remarquable dans les belles spéculations des géomètres grecs sur les sections coniques, qui, après une longue suite de générations, ont servi, en déterminant la rénovation de l’astronomie, à conduire finalement l’art de la navigation au degré de perfectionnement qu’il a atteint dans ces derniers temps, et auquel il ne serait jamais parvenu sans les travaux si purement théoriques d’Archimède et d’Apollonius ; tellement que Condorcet a pu dire avec raison à cet égard : « Le matelot, qu’une exacte observation de la longitude préserve du naufrage, doit la vie à une théorie conçue, deux mille ans auparavant, par des hommes de génie qui avaient en vue de simples spéculations géométriques. » Il est donc évident qu’après avoir conçu d’une manière générale l’étude de la nature comme servant de base rationnelle à l’action sur la nature, l’esprit humain doit procéder aux recherches théoriques, en faisant complètement abstraction de toute considération pratique ; car nos moyens pour découvrir la vérité sont tellement faibles que, si nous ne les concentrions pas exclusivement vers ce but, et si, en cherchant la vérité, nous nous imposions en même temps la condition étrangère d’y trouver une utilité pratique immédiate, il nous serait presque toujours impossible d’y parvenir. […] En même temps, par une considération auxiliaire que je crois important de noter ici, et qui converge exactement avec toutes les précédentes, les phénomènes les plus généraux ou les plus simples, se trouvant nécessairement les plus étrangers à l’homme, doivent, par cela même, être étudiés dans une disposition d’esprit plus calme, plus rationnelle, ce qui constitue un nouveau motif pour que les sciences correspondantes se développent plus rapidement.

755. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

« Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu. […] Mais tout aussitôt, dans la personne de son page et de son serviteur, il a su ramener, par contraste avec son insensibilité, les sentiments naturels et nous faire voir qu’il n’est pourtant pas tout à fait étranger aux larmes ; il nous montre l’enfant et l’homme pleurant comme de simples mortels, l’un son père et sa mère, l’autre sa femme et ses enfants.

756. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Je ne me suis point senti grandement disposé à l’accueillir avec cette prévenance d’où un étranger peut conclure qu’il est le bienvenu. […] Un jour qu’il était à la fenêtre de la rue, il vit entrer dans un magasin d’en face une femme de sa connaissance et de celle de Mme Unwin, avec une étrangère qui n’était autre qu’une sœur, à elle, nouvellement arrivée dans le pays, et celle-ci avait je ne sais quoi de si attrayant et de si ravissant à la simple vue, que Cowper, tout timide qu’il était, désira aussitôt de la connaître.

757. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Nous eûmes bientôt secoué le joug… Nous entrâmes donc au collège, mon frère et moi, comme des gens du monde, à bonne fortune si vous voulez, qu’on priverait de leur divinité et qu’on réduirait à un état aussi humiliant que celui de devenir écoliers… Lorsqu’à quelque solennité de collège, à laquelle assistaient les parents et les étrangers, M. d’Argenson revoyait quelques-uns de ses anciens amis ou des femmes de sa connaissance, lui assis sur un banc de bois avec sa robe et sa toque, il rougissait de cette déchéance, et les jours de sortie il faisait de son mieux pour sen relever ; il redevenait tant qu’il le pouvait homme du monde, mais il ne put jamais êtrè, comme son frère, un homme à la mode, et il n’y visait pas. […] Celui-ci opposait qu’il n’était point harangueur, qu’il n’avait jamais prononcé d’arrêt en public, et d’autres raisons encore ; puis il ajoutait pour lui : « Sans doute que nos deux premiers ministres (car c’est de la sorte qu’il qualifiait alors M. de Chauvelin conjointement avec le cardinal de Fleury) ne m’ayant encore connu principalement que touchant les démêlés parlementaires dont je raisonne avec application, le temps présent ne nous offrant meilleur champ, ils s’imaginent que c’est là le fort de ma capacité, et se trompent. » D’Argenson n’eut même d’abord la perspective de quelques fonctions diplomatiques et de quelque ambassade (bien avant celle de Portugal où il n’alla jamais) que dans cette vue éloignée de la première présidence du Parlement : « Si l’on vous employait en quelques négociations étrangères, et de peu d’années, lui disait M. de Chauvelin, au sortir de cela vous seriez bien enhardi. » Depuis la clôture de l’Entre-sol, d’Argenson avait toujours l’idée de renouer et de continuer ailleurs avec quelques amis, parlementaires pour la plupart, des conférences sur le droit public, sur les matières politiques : c’était son goût dominant.

758. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Traitons-la donc, sinon comme une Française à l’étranger, du moins comme une amie de la France, et qui, jusque dans le fort de la guerre de Sept Ans, écrivait à ce même Voltaire, en lui parlant des Français, alors adversaires déclarés : « J’ai un chien de tendre pour eux qui m’empêche de leur vouloir du mal. » Toutefois sachons bien une chose : la correspondance entre elle et son frère, que vient de publier M.  […] Frédéric, que sa sœur n’avait pas mis dans le secret de ses motifs particuliers, et gardien non moins jaloux que son père des intérêts de la patrie prussienne, trouva à redire à ce mariage étranger, ainsi qu’à d’autres marques que la cour de Bareith semblait donner, vers ce temps, de son penchant pour l’Autriche, et il en témoigna son mécontentement à sa sœur.

759. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Ne voulant point faire de mal à son pays, il s’abstint d’user du crédit de M. de Choiseul qu’il avait en main, et ne songea à faire intervenir aucune autorité étrangère. […] Il y fut reçu à merveille par le prince de Condé, un peu plus froidement par le duc de Bourbon : « Pour Mme la duchesse de Bourbon, dit-il, elle conserva avec moi l’air d’ironie qui ne l’avait pas quittée depuis le commencement de cette affaire ; j’y opposai un air d’aisance qu’on prétend qui ne m’est point étranger, et que cette fois je ne cherchai pas à réprimer.

760. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

La conquête de la Hollande, qui suivit le glorieux passage du Rhin et qui probablement eût été complète, si l’on avait songé plus tôt à s’assurer de Muyden, centre des écluses, eut son terme et son arrêt dans l’inondation soudaine qui noya tout le bas pays d’au-delà d’Utrecht et ferma l’abord d’Amsterdam : « La résolution de mettre tout le pays sous l’eau, dit à ce sujet Louis XIV, fut un peu violente ; mais que ne fait-on point pour se soustraire d’une domination étrangère ! […] Connaît-on beaucoup de conquérants qui aient ainsi rendu justice et hommage, en pleine guerre, aux mesures désespérées de leurs ennemis et à l’exaspération de leur patriotisme : « Mais que ne fait-on point pour se soustraire d’une domination étrangère ! 

761. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

. — M. de Montaigne disait : « Qu’il s’était toute sa vie méfié du jugement d’autrui sur le discours des commodités des pays étrangers, chacun ne sachant goûter que selon l’ordonnance de sa coutume et de l’usage de son village, et avoir fait fort peu d’état des avertissements que les voyageurs lui donnaient : mais en ce lieu, il s’émerveillait encore plus de leur bêtise, ayant, et notamment en ce voyagé, ouï dire que l’entre-deux des Alpes en cet endroit était plein de difficultés, les mœurs des hommes étranges, chemins inaccessibles, logis sauvages, l’air insupportable. […] Je ne le vis jamais moins las ni moins se plaignant de ses douleurs, ayant l’esprit, et par chemin et en logis, si tendu à ce qu’il rencontrait, et recherchant toutes occasions d’entretenir les étrangers, que je crois que cela amusait son mal.

762. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Est-ce à dire qu’on ait de la répugnance à agir par l’étranger, à se servir de ces moyens extérieurs ? […] On veut agir, mais non comme il le voudrait et selon la devise : Tout par la France et rien qu’avec la France ; non en faisant de la Révolution et de la restauration même du pouvoir royal une vaste querelle domestique, patriotique, sans intervention d’aucun voisin : au contraire, on ne cesse d’avoir son arrière-pensée, on fait toujours entrer l’étranger, sa menace du moins et sa pression, pour une part essentielle dans les projets d’avenir.

763. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La première condition du plan de Mirabeau est notre éloignement avec toute la famille hors de Paris, non pas à l’étranger, mais en France… » Si la reine avait été charmée de Mirabeau, celui-ci, comme nous l’apprend de son côté M. de La Marck, sortit de l’entrevue plein de flamme et d’enthousiasme, « La dignité de la reine, la grâce répandue sur toute sa personne, son affabilité lorsque avec un attendrissement mêlé de remords il s’était accusé lui-même d’avoir été une des principales causes de ses peines, tout en elle l’avait charmé au-delà de toute expression. » Quand on la voit plus tard produire exactement le même effet sur Barnave, il faut reconnaître qu’elle avait de près ce don des femmes, le charme, la fascination. […] Mirabeau voulait que le roi sortît de Paris en roi, en plein jour, non déguisé ni, certes, en domestique, sans rien de ce qui avilit aux yeux d’une nation ; il voulait aussi l’appui d’un général, de M. de Bouillé ; la guerre civile peut-être, non la guerre étrangère… La reine, cependant, commençait à reconnaître qu’il y aurait eu avantage et peut-être salut à suivre plus tôt cette voie de conciliation et d’intelligence avec quelques-uns des hommes influents de l’Assemblée.

764. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Noailles a le mérite de pousser le comte de Saxe contre lequel Louis XV faisait d’abord quelques objections, se méfiant de lui à cause de sa qualité d’étranger : « Les officiers, Sire, qui se portent vers le grand sont aujourd’hui si rares que, dans l’opinion que j’ai du comte de Saxe, je le regarde aujourd’hui comme un homme précieux pour votre État, qui mériterait des distinctions particulières s’il était né votre sujet ; qui, étant étranger, en mérite encore de plus grandes, afin de l’attacher plus étroitement à Votre Majesté.

765. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

CCLXVI Je marchai du lever du soleil jusqu’à son coucher, mon mezaro rabattu et refermé sur mon visage pour que les passants ne m’embarrassent pas de leurs rires et de leurs mauvais propos sur la route, pensant en eux-mêmes, en me voyant si jeune et si seule, que j’étais une de ces filles mal famées de Lucques qui vont chercher à Pise et à Livourne les bonnes fortunes de leurs charmes, auprès des matelots étrangers. […] CCLXVIII Cela dit, elle parut s’attendrir, elle m’embrassa, elle essuya mon front tout trempé de la sueur du chemin avec mon mezaro, et chargea la sœur portière de faire enchaîner les chiens, pour qu’ils ne me mordissent pas pendant cette première nuit en voyant une étrangère.

766. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Il y a la colonie étrangère du quartier de l’Arc de Triomphe. […] Il se compose d’un peu de tout : de vieille noblesse, de noblesse récente, de noblesse achetée, de haute bourgeoisie, d’étrangers riches et d’hommes de Bourse.

767. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Cela n’empêche pas qu’il ne nous semble fort singulier qu’on soit si célèbre quelque part et si inconnu chez nous, et nous serions tenté de dire à ce génie étranger, comme les Parisiens du temps de Montesquieu disaient à Usbek et à Rica dans les Lettres persanes : « Ah ! […] Mais, en passant dans le monde oriental où tout nous est étranger, il est difficile de se prêter à ces traditions merveilleuses, gigantesques, qui ne nous concernent plus à aucun degré, et l’on est embarrassé, à travers ces flots de couleur nouvelle, de faire la part de ce qui revient en propre au talent du poète.

768. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Darget, j’espère que l’édition sera faite et que tout sera dit… L’édition, à la fois protégée et clandestine, se fit donc ; mais il est curieux de voir comment M. de Choiseul s’y prit pour la falsifier, allant jusqu’à dresser de sa main le détail des corrections et modifications à y introduire : On ne peut le tolérer (ce recueil), écrivait-il encore à M. de Malesherbes, qu’en prenant les plus grandes précautions pour qu’il paraisse imprimé en pays étranger, et il ne faut pas perdre de vue cette considération, en exigeant des corrections. […] Tout étranger qu’il est, il sait choisir ses expressions en esprit juste qui mesure ou plie la langue à sa pensée.

769. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Établissant des degrés dans le mal et dans la calamité publique : La paix vaut mieux que la guerre, dit-il ; la guerre qui est faite contre l’ennemi étranger est beaucoup plus tolérable que l’autre qui se fait de citoyen à citoyen : mais, entre les guerres civiles, il n’y en a point de si aiguë, et qui apporte tant de maux, que celle qui est entreprise pour la religion… Il y a deux grands camps par la France… Il revient en maint endroit sur cette idée que, de toutes les guerres, il n’en est de pire que celle qui se fait sous voile de religion. […] En face de ceux qui veulent abuser de l’autorité étrangère en France, il maintient énergiquement tout ce qui est du vrai et naïf droit national ; de même qu’en face de ceux qui, par une autre superstition, abondent dans le sens de la coutume, il se plaît à relever les décisions de l’antique jurisprudence.

770. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Et redoublant sa pensée, selon son usage, par toutes sortes d’images et de formes familières et pittoresques, il dira encore que, s’il se laisse quelquefois pousser au maniement d’affaires qui lui sont étrangères, il promet « de les prendre en main, non pas au poumon et au foie ». […] Il écrivait ce chapitre (xiie du livre III) au milieu même des maux publics qu’il dépeignait, et avant qu’ils eussent pris fin : il le terminait encore à sa manière poétique et légère, en le montrant comme un assemblage d’exemples, un « amas de fleurs étrangères », auxquelles il n’avait fourni du sien que le « filet » pour les « lier ».

771. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Cependant aucune idée grandiose ou utile du ministère de Colbert ne lui était étrangère. […] Le fond de la question lui était plus étranger qu’à personne.

772. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Malgré son nom et son rôle à l’étranger, Mme des Ursins était toute Française, du sang de La Trémoille, fille de M. de Noirmoutier, si mêlé aux intrigues de la Fronde et si lié avec le cardinal de Retz, dont les Mémoires finissent par une plainte sur son infidélité. […] On la vit comblée de grâces et de marques de distinction « comme pas une sujette ne l’avait été », et à l’un des voyages de Marly, Louis XIV lui en fit les honneurs comme à un « diminutif de reine étrangère ».

773. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Je rougis mille fois par jour de ces infiniment petits monuments qui sont dans notre infiniment petit Cabinet des antiques ; je rougis de l’avoir montré aux étrangers : qu’auront-ils pensé de l’intérêt que je prenais à tous ces bronzes de 7 à 8 pouces de hauteur, à ces deux ou trois têtes mutilées dont je voulais leur faire admirer la grandeur et la rareté ? […] Barthélemy avait songé d’abord à faire voyager un étranger, un Français, en Italie, vers le temps de Léon X, et à peindre par ce moyen la pleine et riche Renaissance ; mais, à la réflexion, il se trouva moins propre à un tel sujet, qui le tirait de son domaine favori et le jetait dans un monde d’art, de poésie moderne et de peinture, dans tout un ordre de sujets qui lui étaient médiocrement familiers, et il transporta alors cette idée en Grèce, en supposant un Scythe qui la visiterait vers le temps de Philippe.

774. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M.  […] Les deux volumes, qui embrassent cette littérature française à l’étranger durant tout le cours du xviie  siècle, nous fourniront plus d’un secours et d’un prétexte pour revenir nous-même vers quelqu’un de ces personnages que l’auteur nous fait mieux connaître, et qu’il éclaire par ses recherches nouvelles ou par ses fins aperçus.

775. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Il est un Trissotin surveillé, correct, moderne, à linge blanc, ayant du monde, certainement moins cuistre que l’autre, mais nonobstant excessivement Trissotin, ayant, comme l’autre, son latin et son grec et de bien autres langues à sa disposition ; un Trissotin compliqué, perfectionné et polyglotte, qui se permet de cracher toutes sortes de mots étrangers et savants en ces Lettres, qui font l’effet d’un dégorgement de perroquet indigéré. […] Il n’est, lui qui fait l’historien, que l’imbécile en Histoire qui dit de ces formidables bêtises : « Les Romains avaient sur nous cet avantage de dire la messe eux-mêmes, au lieu de payer un étranger pour cela ! 

776. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

… » L’un d’eux surgit en haut du parapet : il est dans le civil Père aux Missions étrangères, Auvergnat de naissance et s’appelle Montchalin. […] L’ordre du jour, paru à l’Officiel du 9 juin suivant, résume en quelques mots cette vie :‌ De Torquat de la Coulerie (François-Marie-Joseph), capitaine au 48e d’infanterie : « Officier démissionnaire, établi à l’étranger, est accouru en France dès l’annonce des hostilités.

777. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

» M. de Bonald, comme M. de Chateaubriand, comme M. de Maistre, avait gardé un culte pour la France sur la terre étrangère. […] C’est ainsi qu’elle devint, plus que dans tous les autres temps, un cours de principes littéraires, philosophiques, moraux et religieux, appliqué à une foule d’écrits anciens, modernes, contemporains, français et étrangers. […] Plus tard, un sentiment de nationalité blessée par l’invasion étrangère a pu mêler dans nos âmes de l’amertume à ce souvenir, mais ce n’est que par réflexion que cette amertume est venue. […] Influences des littératures étrangères : Allemagne, Angleterre ; madame de Staël, lord Byron. […] La restauration ne faisait pas attendre au talent la récompense qui lui est due. « Trois jours après la publication du premier volume des Méditations, dit M. de Lamartine87, je quittais Paris pour aller occuper un poste à l’étranger.

778. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Jamais il ne s’appliqua tant qu’en ces années la devise du peintre antique, qui est devenue tout à fait, de nos jours, celle des nouvellistes et des correspondants des journaux français à l’étranger : Nulla dies sine linea.

779. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

N’allons donc pas le grever de gaieté de cœur par des systèmes ; ne retombons pas, en politique, dans notre péché, si familier en toutes choses, d’imitation étrangère : profitons des exemples sans croire aux identités ; ne concluons pas d’une Révolution spéciale et tout insulaire à une Révolution véritablement européenne et humaine : n’introduisons pas dans les pouvoirs de l’État des proportions de forces peu en harmonie avec nos futures destinées, ne recomposons pas de toutes pièces des difficultés évanouies.

780. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Écrivain, poëte, conteur avant tout, il a obéi, dans le cours de sa longue et laborieuse carrière, à une vocation facile, féconde, indépendante des questions flagrantes, étrangère aux luttes du présent, amoureuse des siècles passés, dont il fréquentait les ruines, dont il évoquait les ombres, y recherchant toute tradition pour la raviver et la rajeunir.

781. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Le style de l’ouvrage est d’une belle clarté et d’une rigueur philosophique qui rappelle en certaines pages d’exposition l’auteur de la Controverse chrétienne ; et il nous a semblé que celui-ci, ami des éditeurs, pourrait bien ne pas être étranger en effet à la rédaction d’un livre modeste, et dont pourtant toute plume s’honorerait.

782. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Nous avons fait nous-même ici, dans ces Premiers Lundis, les derniers emprunts aux Critiques et Portraits littéraires, par deux importants morceaux (à part les Préfaces que nous venons d’en extraire) : Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la révolution de 1830 ; — Des Jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger (1836) : tout le reste était déjà entré, comme on le sait, dans les autres galeries de Portraits : — Portraits littéraires, Portraits contemporains, Portraits de Femmes. — Les Critiques et Portraits littéraires relèvent donc essentiellement désormais du domaine de la bibliophilie, et la note suivante de M. 

783. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est-à-dire tout ce qui est écrit ou tout ce qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui-même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province, ou fac-similé de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. » Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs.

784. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

En recherchant les termes les plus justes qui répondent aux mots étrangers et aux idées des écrivains, on pénètre plus avant dans le sens des mots français, on en mesure mieux l’énergie et la vertu, et l’on en fait provision en même temps pour le jour où l’on devra exprimer ses propres pensées.

785. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

« — Je tenais peu au trône, reprit le respectable étranger ; et, d’ailleurs, mes sujets m’ont dépossédé avec les plus grands égards.

786. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Ainsi de bien d’autres masques, dont je n’ai pas eu à m’occuper, parce qu’ils sont restés étrangers à Molière et à notre comédie.

787. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

On discernerait enfin que des labeurs vulgarisateurs et commerciaux, étrangers à l’art et à la science, relèvent de l’Industrie : le journal, le roman populaire, le théâtre en gros, les manuels, les prospectus.

788. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

La reine-mère trouvait bon que le jeune roi fréquentât la maison de la comtesse de Soissons, sachant bien que Marie Mancini, la plus jeune des trois sœurs, attirait son attention, mais persuadée qu’il n’aurait jamais la pensée d’épouser cette étrangère, et que sa société serait pour lui un amusement sans autre conséquence possible que le déshonneur d’une bourgeoise italienne.

789. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

Libres de s’exercer dans la sphere des combinaisons, ils ne se sont point élancés dans le Monde poétique, où ils auroient paru étrangers ; ils se sont bornés aux plaisirs arides & immenses du calcul, sans songer à venir ravager les campagnes fleuries qu’arrose le Permesse.

790. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Les étrangers, sur tout ceux qui sont déterminez par leur humeur à ne se contenter que d’images et de peintures faites veritablement d’après la nature, lisent ces endroits sans en être émus.

791. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Les étrangers trouvent que nous entendons mieux que les italiens, le mouvement et la mesure, et qu’ainsi nous réussissons mieux que les italiens dans cette partie de la musique, que les anciens nommoient le rithme.

792. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Quand une langue s’arrête de vivre, quand son pouvoir d’assimilation diminue et qu’elle se laisse envahir par les broussailles étrangères du pédantisme et du cosmopolitisme, c’est que la force d’expansion de la race a baissé dans la même proportion.

793. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

si vous mettez encore que c’est le fils d’Henri IV, par-dessus le marché, lequel recule si fort devant ce qui eût fait si bravement avancer son père, et qu’enfin ce sont tous des grands seigneurs du pays et tous les ambassadeurs étrangers, à commencer par celui de Notre Très Saint Père le Pape, sa barrette de cardinal à la main, qui font la chaîne autour de ce coquebin de tous les diables, non pour l’éteindre, mais pour l’allumer, et pour le décider une bonne fois à ce que ce polisson de Beaumarchais appelait la consommation du badinage, est-ce que le comique ne prend pas alors des proportions incommensurables ?

794. (1915) La philosophie française « II »

Si on laisse de côté, dans la seconde moitié du XIXe siècle, une période de vingt ou trente ans pendant laquelle un petit nombre de penseurs, subissant une influence étrangère, se départirent parfois de la clarté traditionnelle, on peut dire que la philosophie française s’est toujours réglée sur le principe suivant : il n’y a pas d’idée philosophique, si profonde ou si subtile soit-elle, qui ne puisse et ne doive s’exprimer dans la langue de tout le monde.

795. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Quelques vers grecs, d’une date inconnue mais ancienne, consacrent par de touchants détails la fin du poëte dans les fêtes d’Argos32 : « Protomaque et Eumétis33 aux douces voix pleuraient, filles ingénieuses de Pindare, alors qu’elles revenaient d’Argos, rapportant dans une urne ses cendres retirées des flammes d’un bûcher étranger. » La gloire du poëte grandit sur sa tombe, placée dans le lieu le plus remarquable de Thèbes, près de l’amphithéâtre des jeux publics.

796. (1929) La société des grands esprits

On devrait bien appliquer ce système à tous les grands écrivains étrangers. […] Il était temps, car la concurrence étrangère devenait menaçante. […] D’autre part, il est vrai que l’Italie morcelée, soumise au joug étranger ou à des tyrans locaux, n’en a pas moins été le foyer de la Renaissance. […] Il y a eu, surtout à la Renaissance, des esprits encore plus universels (car Pascal est étranger aux arts), mais qui n’ont pas poussé aussi loin dans tous les sens. […] Ils vont répétant que l’étranger vaut mieux que la France. » Pas un mot de ce passage ne s’applique à Michelet.

797. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Jamais il n’a conduit de voyageur aussi excentrique que cet étranger qu’il prend pour un Anglais. […] Il trouve fort mauvais que des étrangers se permettent de fouler le sol sacré de son village ; il leur fait donc une guerre de franc-tireur ; caché dans les bois, il les tue à plaisir. […] Si les peuples, même nos ennemis, n’ont pas la haine du poète, les souverains étrangers ou nationaux, l’ont tout entière et acharnée. […] C’est que la reconnaissance, à ce qu’il paraît, n’est pas une vertu germanique ; nos bienfaits envers ces étrangers n’ont eu pour résultat que de les aider à nous dépouiller. […] Brachet de poursuivre l’étymologie des mots de la langue française jusqu’aux racines simples et irréductibles ; ils se sont arrêtés au mot étranger d’où le mot français tire son origine, mot le plus souvent latin, comme on sait.

798. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

« Le livre à sa pensée étranger désormais » ne l’invite plus à de nouvelles triturations. C’est sur du papier étranger et banal que maintenant il est écrit. […] Pour ce qui est des étrangers, ne vous y trompez pas. […] Son succès, plus grand à l’étranger qu’en France, ne me surprend pas le moins du monde. […] En 1802, il fut nommé, par l’Institut de France, « associé étranger ».

799. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

La philosophie est le culte des idées ; elle est la dernière victoire de la pensée sur toute forme et tout élément étranger ; elle est le plus haut degré de la liberté de l’intelligence. […] Or, étant une cause absolue, elle n’a pas besoin d’une force étrangère pour se développer. […] Rentrez un moment en vous-mêmes, et vous reconnaîtrez que le moi que vous êtes est un moi limité de toutes parts par des objets étrangers. […] L’humanité ne se soumet pas à une force étrangère, mais à celle-là seulement avec laquelle elle sympathise et qui la sert. […] C’est plus tard en Allemagne, et sous une forme étrangère, qu’elle put enfin se faire entendre dans une chaire publique.

800. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Il n’y a vraiment plus de matière masculine pour faire des groupes, et les quelques figures de jeunes gens qu’on rencontre, appartiennent à des étrangers. […] Deux étrangères seules sont assises à la porte. […] Thiers était dans l’impossibilité de commencer son attaque, il ne pouvait travailler à la reddition de Paris avec le concours de l’étranger. […] Un déjeuner de garçons (peinture de diplomates français et étrangers) où l’on ne parle que de Paris, et où il est beaucoup question de l’actrice. […] Et sa lettre finit par une phrase, dans laquelle il dit qu’il trouverait digne de l’Académie, de continuer l’Empereur, c’est-à-dire de continuer les pensions aux étrangers.

801. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

« Vouloir chercher à amoindrir la signification et le génie de Molière, parce qu’il aura mélangé des minéraux étrangers avec l’or de sa poésie, serait une entreprise bien hasardée. […] « Ses imitations de poètes étrangers et ses essais malheureux dans la tragédie ont occupé Molière jusqu’à sa quarantième année. […] Lauser applique enfin à Molière le mot admirable de Térence : « Homo sum… » — Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. […] La Comédie-Française a donc laissé, je le répète, à des poètes et à des acteurs étrangers le soin de célébrer Molière. […] On pouvait fort bien étudier les littératures étrangères sans leur sacrifier notre propre tempérament.

802. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Les gazettes françoises faites en pays étranger ont été rarement écrites avec pureté, & n’ont pas peu servi quelquefois à corrompre la langue. […] Presque tout ce qu’il raconte sur la foi des étrangers est fabuleux : mais tout ce qu’il a vû est vrai. […] On exige que l’histoire d’un pays étranger ne soit point jettée dans le même moule que celle de votre patrie. […] Cette réflexion peut s’appliquer à presque toutes les histoires des pays étrangers. […] Dans la Tauride on sacrifioit les étrangers : heureusement les prêtres de la Tauride ne devoient pas avoir beaucoup de pratiques.

803. (1881) Le roman expérimental

Tel mémoire de Letronne et d’Eugène Burnouf, en apparence étranger à tout souci de la forme, est un chef-d’œuvre à sa manière. […] Autant dire tout de suite, comme les étrangers, que nous avons deux littératures. […] Voyez La Femme de Claude, L’Étrangère, d’autres pièces encore. […] Et je ne parle pas des représentations en province, des traités à l’étranger, des reprises de la pièce. […] C’est fini, voilà deux étrangers.

804. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Tout art original est réglé par lui-même, et nul art original ne peut être réglé par un autre ; il porte en lui-même son contre-poids et ne reçoit pas de contre-poids d’autrui ; il forme un tout inviolable : c’est un être animé qui vit de son propre sang, et qui languit ou meurt, si on lui ôte une partie de son sang pour le remplacer par du sang étranger. […] Pour produire, il faut inventer une conception personnelle et conséquente ; il ne faut pas mêler deux conceptions étrangères et opposées : Dryden n’a pas fait ce qu’il fallait, et a fait ce qu’il ne fallait pas. Il avait d’ailleurs le pire des publics, débauché et frivole, dépourvu d’un goût personnel, égaré à travers les souvenirs confus de la littérature nationale et les imitations déformées des littératures étrangères ne demandant au théâtre que la volupté des sens ou l’amusement de la curiosité. […] Celle-ci, égarée hors du sien et entravée d’abord par l’imitation étrangère, ne forme que lentement sa littérature classique ; elle ne l’atteindra qu’après avoir transformé son état religieux et politique : ce sera le règne de la raison anglaise. […] Dans cette stérilité, l’art se réduit bientôt à revêtir des pensées étrangères, et l’écrivain se fait antiquaire ou traducteur.

805. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Cette impériale cité n’est pas gaie, s’il faut en croire le satirique, et les chiens errants s’y ennuient tellement, qu’on les voit s’approcher avec humilité des étrangers pour en obtenir un coup de pied. […] Janin tient la plume du critique au Journal des Débats, il a mêlé le plus possible des sujets étrangers au cadre qui lui était tracé ; il n’a pas même craint de faire intervenir lui-même et sa famille dans ses articles. […] C’est grâce à lui que Ronsard, presqu’aussi oublié des derniers temps que l’Inconnu Caloandre, était devenu, pour ainsi dire, l’Homère des Romantiques, et qu’on lui prêtait des mérites et des grâces auxquels il fut toujours bien étranger. […] Une nuance ajoutée à l’expression d’un sentiment suffit à dénaturer tout à fait ce qu’elle prétend rendre et quand traduire exactement est déjà si difficile, que devient le texte, le texte vrai si vous ajoutez encore à la peine d’en transporter le vers muet dans une langue étrangère, l’infidélité de lui faire dire ce qu’il ne dit pas ? […] Sainte-Beuve, nous oserions l’accuser d’avoir l’esprit trop moderne, d’être trop imbu d’idées étrangères au goût antique pour ne pas s’égarer et égarer avec lui ceux qui l’écoutent.

806. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Le ressouvenir de lord Byron, dont le prestige influença tant de jeunes Français d’alors, n’est pas étranger à cet amour romantique pour l’outlaw d’Espagne ou d’Orient. […] Pourtant, si j’étais obligé de choisir et d’indiquer par exemple à un étranger le roman le plus capable de lui donner l’idée la plus complète de la grande manière du maître, il me semble que je nommerais le Cousin Pons. […] Il y a en effet dans les littératures étrangères des maîtres analystes de tout premier ordre, — ainsi Dostoïevsky, dans Crime et Châtiment, — ce ne sont pas des psychologues. […] Le malade de l’asile est vraiment l’aliéné au double sens du terme : étranger à soi-même, étranger à la société. […] Le lendemain il écrit sur le livre des étrangers à Munich : « Suprema lex regis voluntas esto.

807. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

» Il faut ensuite compter les étrangers riches. […] Les instincts et les plaisirs de l’étranger qui s’initie ne sont plus tenus en bride par la suprématie d’un monde choisi. […] Il appartient à sa sève ; elle n’a pas eu besoin de remprunter à une plante étrangère : d’elle-même et par elle seule, en son épanouissement final, elle l’a répandu sur l’esprit humain. […] S’il est un paysan, un ouvrier, même un petit boutiquier de village, un artisan maître, les chances sont nombreuses pour que tous ces noms lui soient étrangère. — Admettons qu’il s’informe. […] Étranger, protestant, sans parti, sans attache et sans peur, il peut saisir la vérité, toute la vérité, et aucun document ne lui manque.

808. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Nous recevons sans cesse et à tous moments une raison supérieure à nous, comme nous respirons sans cesse l’air, qui est un corps étranger… » — Chap. […] Alors la beauté physique, la beauté morale et la beauté intellectuelle sont étrangères l’une à l’autre. […] Ces artistes et ces poètes primitifs, qu’on appelle Homère et Dédale, sont-ils étrangers à ce changement ? […] La vie de la couleur lui doit demeurer étrangère : il ne resterait plus qu’à vouloir lui communiquer le mouvement de la poésie et le vague de la musique ! […] Je respecte l’humanité seule, et, par là, j’entends toutes les natures libres, car tout ce qui n’est pas libre dans l’homme lui est étranger.

809. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Et comme son ciel le, rend « un étranger » parmi ses semblables, il débute par ne pas, consentir à la société. […] Mais sa curiosité n’est pas moins étrangère à la sphère de la métaphysique qu’à celle de la science. […] C’est une habitude profonde de stimuler le désir et de compliquer le plaisir par des imaginations étrangères à la volupté et aux fins de l’amour. […] A l’entendre, l’homme fatal est dans la société un étranger et un justicier. […] Il se flattait de peindre un esprit étranger et supérieur aux principes, aux convenances et aux sentiments de l’état social.

810. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Son nom est à ajouter à cette liste d’illustres étrangers qui ont cultivé et honoré l’esprit français, la littérature française au dix-huitième siècle, tels que le prince de Ligne, Mme de Krüdner. […] Ce gentil monsieur, qui trotte déjà dans le cerveau de la pauvre fille, est un jeune étranger, Henri Meyer, fils d’un honnête marchand de Strasbourg, neveu d’un riche négociant de Francfort, et arrivé depuis peu à Neuchâtel pour y étudier le commerce ; c’est un apprenti de comptoir, rien de plus. […] Quelquefois il me semble qu’il ne m’est rien arrivé ; que je n’ai rien à te dire ; que rien n’a changé pour moi ; que cet hiver a commencé comme l’autre ; qu’il y a, comme à l’ordinaire, quelques jeunes étrangers à Neuchâtel, que je ne connais pas, dont je sais à peine le nom, avec qui je n’ai rien de commun. […] On a parlé de nouvelles, et on a raconté, entre autres, le mariage d’une jeune personne du pays de Vaud, qui épouse un homme riche et très-maussade, tandis qu’elle est passionnément aimée d’un étranger sans fortune, mais plein de mérite et d’esprit.

811. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

« Nous voici connus ici des ambassadeurs de toutes les puissances étrangères. […] S’il avait été question d’un opéra séria, je serais parti sur-le-champ et je l’aurais offert à Sa Grandeur le prince-archevêque ; mais, comme c’est un opéra buffa, qui demande, en outre, des personnes bouffes spéciales, il a fallu sauver notre honneur, coûte que coûte, et celui du prince par-dessus le marché ; il a fallu démontrer que ce ne sont pas des imposteurs, des charlatans qu’il a à son service, qui vont, avec son autorisation, en pays étrangers pour jeter de la poudre aux yeux comme des bateleurs, mais bien de braves et honnêtes gens qui, à l’honneur de leur prince et de leur patrie, font connaître au monde un miracle que Dieu a produit à Salzbourg. […] Mais faut-il s’étonner de trouver des persécutions en pays étrangers, quand mon pauvre enfant en a subi dans son propre lieu natal !  […] « Adieu ; je suis votre très obéissant et reconnaissant serviteur, « Wolfgang-Amédée Mozart. » XVI Voilà le pauvre artiste étranger seul devant le lit vide de sa mère, dans une chambre haute et sombre d’une hôtellerie à Paris ; et, pour comble de contraste entre son cœur et son art, tout en pleurant il faut chanter.

812. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

J’ai depuis demandé une pension pour moi et pour mon fils, mais j’étais étrangère, je n’ai pu l’obtenir, et je suis venue chez la maîtresse de cette demeure, qui a bien voulu m’accueillir et me confier l’éducation de ses enfants.” […] Et en ce moment il s’avançait au Nord, laissant derrière lui la France épuisée et dégoûtée d’une gloire sanglante, les âmes pieuses blessées de sa tyrannie religieuse, les âmes indépendantes, de sa tyrannie politique ; l’Europe enfin, révoltée du joug étranger qu’il faisait peser sur elle, et menait avec lui une armée où fermentait sourdement la plupart de ces sentiments, où s’entendaient toutes les langues, et qui n’avait pour lien que son génie et sa prospérité jusque-là invariable ! […] Le héros n’écoute pas ; son historien rétrospectif chante son nouveau triomphe dans un bulletin et marche en avant, tantôt au meurtre du duc d’Enghien, surpris dans l’inviolable asile de la terre étrangère ; tantôt à l’enlèvement du pape, chez qui les gendarmes entrent nuitamment par les fenêtres ; tantôt à la trahison de Bayonne, où l’Espagne, prise au piège dans la personne de ses rois, se venge par l’extermination de quatre cent mille Français ; tantôt à l’incendie de Moscou ; tantôt au cirque de Leipsick ; tantôt au dernier soupir de l’armée à Mayence, tantôt, enfin, à la double invasion de la France par le reflux des peuples, et à l’expiation de Sainte-Hélène. […] Nul ne sait ce qu’il serait advenu de la France si le Directoire ou si les autres gouvernements nationaux que la France libre allait se donner sous d’autres formes n’avaient pas été sabrés par le général revenu du Caire à Paris ; mais, s’il est douteux que ces gouvernements eussent fait passer en triomphe la France de Rome et de Madrid à Vienne, à Berlin, à Moscou, par toutes les capitales de l’Europe, il est douteux aussi que ces gouvernements eussent anéanti sous les pieds des soldats tous les fruits si chèrement achetés de la révolution de 1789, et qu’ils eussent ramené deux fois sur leurs pas les invasions étrangères au cœur de Paris.

813. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Lisez maintenant, si vous en avez le courage, les premiers articles, ceux qui traitent des plus grands intérêts du pays, des affaires intérieures, des relations avec l’étranger. […] La discussion devient superflue, on ne discute pas avec la mauvaise foi ; l’injure suffit : bref, une politique étrangère de blouses blanches et de va-t-en-guerre, l’insulte contre de grandes nations rabaissées de parti pris, des rodomontades, des provocations, des défis, qu’on serait le plus souvent bien fâché de voir relevés. […] Le roman-feuilleton avec sa niaiserie, son simplisme, sa violence et sa platitude, est partout ; il est dans les faits divers, il est dans les articles sur la politique étrangère, sur la politique intérieure. […] Loliée sur Les industriels du roman populaire de même que l’enquête à laquelle ont bien voulu prendre part plusieurs de nos écrivains et critiques des plus éminents ont causé une émotion profonde en France et à l’étranger.

814. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Poe, qu’il n’existe pas de long poème, que ces mots “un long poème” sont tout simplement contradictoires dans les termes. » Revenant sur cette pensée, il la précise : « La dose d’émotion nécessaire à un poème pour justifier ce titre ne saurait se soutenir dans une composition de longue haleine : au bout d’une demi-heure au plus, elle baisse, tombe, une révulsion s’opère et dès lors le poème, de fait, cesse d’être un poème. » Nous pouvons nous souvenir, pour corroborer l’opinion de Poe par l’histoire, que l’Iliade et l’Odyssée datent d’une époque postérieure à celle de leur composition, quant à la forme arbitraire selon laquelle ces deux œuvres nous sont présentées : forme arbitraire, étrangère, ou peu s’en faut, à la pensée du ou des poètes primitifs. […] Vous sentirez combien elle est, celle-ci, étrangère aux dangereux cousinages qui, en risquant de la mêler avec des préoccupations précises d’histoire, de morale ou de pédagogie, ont paru imposer à la littérature des devoirs contraires à sa nature. […] Elles relient dans l’espace les portions les plus lointaines de l’humanité, mais elles ont fait que deux voisins sont devenus étrangers l’un à l’autre. […] « La vérité, disent-elles à l’homme, tu ne saurais la trouver par tes propres forces, et c’est chose d’essence étrangère à ta nature, ô passager de l’espace et de la durée : pourtant, comme le fini a sa raison d’être dans l’infini et se fonde en lui, tu ne saurais vivre sans cette vérité, sans cette proie au-dessus de tes prises.

815. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je m’aperçus bientôt qu’ils étaient l’un et l’autre parfaitement étrangers au reste de la compagnie, et n’en avaient jamais entendu parler. […] Temple avait traversé les pires années de la restauration, toujours prudent et toujours heureux, habile et intègre négociateur à l’étranger, dans son pays amateur discret du bien public, gardien vigilant de sa réputation et de sa fortune, et paraissant dédaigner un pouvoir dont il redoutait l’exercice. […] Mais en revanche, l’histoire de Martin, devenu le type de l’Église anglicane, élevé par Harry Huff, affermi par Bess, mis en danger par les gens venus du Nord, asservi un instant par Jacques, relevé par des amis secrets de Pierre, bientôt menacé par eux et appelant contre eux des étrangers, redevenu enfin le maître et ne rêvant plus que la destruction de Jacques, compensait, par sa vigueur railleuse, le plaisir que pouvait donner aux amis de l’Église anglicane la peinture satirique des égarements de leurs adversaires. […] Soit qu’il la défende contre les incrédules, affirmant son indépendance contre Tindal, parodiant amèrement le célèbre Discours sur la liberté de penser de Collins14, soit qu’il maintienne, en toute occasion, le serment du Test contre les attaques des Dissidents, combattant, jusqu’aux extrémités de sa vie et de sa raison, pour les biens de l’Église, et la vengeant par le Legion club des attaques du Parlement d’Irlande, soit que dans son Projet pour le progrès de la religion 15, il engage la cour à renfermer les faveurs et les emplois dans le cercle des personnes dévouées à l’Église établie, il est toujours dirigé dans cette conduite par des considérations étrangères à la valeur intrinsèque de la religion, et sa pensée, partout reconnaissable, est particulièrement claire dans les Sentiments d’un membre de l’Église anglicane 16, et dans son Argumentation pour prouver que l’abolition du christianisme en Angleterre aurait quelques inconvénients et moins d’avantages qu’on ne suppose 17.

816. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

D’abord, ne pas laisser le musicien, le poète, juges, maîtres de leurs sujets, les forcer à entrer dans des idées qui ne sont pas leurs, à se couler, pour ainsi dire, dans une peau étrangère, c’est couper les ailes de leur inspiration, détruire leur originalité, augmenter pour eux les chances, toujours grandes, de non-réussite. […] Nous ignorons entièrement, la vie de Wagner, et la vie de Tolstoï44 ; Et les deux artistes nous sont trop étrangers, trop lointains. […] Tolstoï résume les devoirs moraux en cinq commandements ; n’être à nul irrité ; ne commettre point l’adultère ; ne prêter, jamais, des serments ; ne point résister aux méchants ; ne point haïr ou traiter mal les hommes d’étrangères nations. […] Assimiler une œuvre étrangère au génie de ses compatriotes ; la montrer claire ; l’expliquer en même temps que la traduire ; la rendre aisément intelligible ; de spécialement allemande la faire française : cela servira pour une très grande expansion de l’œuvre. — Conserver à l’œuvre son caractère national, historique et idiomatique ; lui laisser ses qualités étranges ou répulsives : négliger le souci de tout éclaircissement, — toute amélioration ; traduire simplement le mot par le mot ; rester allemand avec des mots français, garder en les phrases françaises l’œuvre allemande : cela à quelques uns servira pour pénétrer en l’œuvre.

817. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

La conversation va au Japon, aux impressions, aux images obscènes qu’il m’affirme ne plus venir en Europe, parce que, au moment où le pays a été ouvert aux étrangers, ils ont acheté ces images avec des moqueries et des mépris publics pour la salauderie des Japonais, et que le gouvernement a été blessé, a fait rechercher ces images, et les a fait brûler. […] Puis on cause de l’insurrection probable que soulèvera en Algérie le droit de suffrage, donné par Crémieux aux israélites de là-bas, et l’Afrique amène le comte Borelli à nous entretenir de la Légion étrangère. […] La femme du vernissage par son air de toqué, par sa tenue excentrique, par le coup de pistolet de sa toilette une créature tout à fait inclassable, et si énigmatique, qu’on ne sait pas si elle est honnête ou malhonnête, si elle est Parisienne ou étrangère. […] Puis pour moi, la France commençant à Avricourt, n’est plus la France, n’est plus une nation dans des conditions ethnographiques qui lui permettent de se défendre contre une invasion étrangère, et j’ai la conviction que fatalement, et malgré tout, il y aura un dernier duel entre les deux nations : duel qui décidera si la France redeviendra la France, ou si elle sera mangée par l’Allemagne.

818. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

C’est qu’en effet, lorsque la présence de ces dernières leur manque, ils sont obligés, tout au moins, de se débarrasser eux-mêmes de leur excrétion ; mais, comme elle est extrêmement visqueuse, il leur est probablement plus commode qu’elle leur soit enlevée par un secours étranger. […] Car toute analogie nous sollicite à croire que les jeunes oiseaux ainsi couvés et nourris par des parents étrangers auront hérité plus ou moins de la déviation d’instinct qui a porté leur mère à les abandonner. […] Cependant, comme j’ai vu parfois des Fourmis, qui d’ordinaire ne font point d’esclaves, emporter des nymphes d’autres espèces, lorsqu’elles les trouvent éparses aux alentours de leur nid, il n’est pas impossible que quelques-unes de ces nymphes, mises en réserve comme nourriture, soient venues à éclore, et que ces Fourmis étrangères, en suivant leurs propres instincts, aient rempli dans leur nid d’adoption les fonctions dont elles étaient capables. Si leurs services se sont trouvés de quelque utilité à l’espèce au milieu de laquelle elles sont ainsi nées par hasard, au point qu’il fût plus avantageux à cette espèce de capturer des travailleurs que de les procréer, l’habitude acquise de recueillir ou de dérober des œufs étrangers seulement pour s’en nourrir pourrait en être devenue plus forte ou s’être transformée par sélection naturelle, de manière à avoir pour but principal d’élever des esclaves.

819. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Vous verrez que la faible intensité de ce désir consistait d’abord en ce qu’il vous semblait isolé et comme étranger à tout le reste de votre vie interne. […] Chez les enfants et chez beaucoup d’adultes, l’attention vive produit une protrusion des lèvres, une espèce de moue. » Certes, il entrera toujours dans l’attention volontaire un facteur purement psychique, quand ce ne serait que l’exclusion, par la volonté, de toutes les idées étrangères à celle dont on désire s’occuper. […] Des étrangers, conversant entre eux dans une langue que nous ne comprenons point, nous font l’effet de parler très haut, parce que leurs paroles, n’évoquant plus d’idées dans notre esprit, éclatent au milieu d’une espèce de silence intellectuel, et accaparent notre attention comme le tic-tac d’une montre pendant la nuit. […] Vous croirez perdre l’équilibre en le saisissant, comme si des muscles étrangers s’étaient intéressés par avance à l’opération et en éprouvaient un brusque désappointement.

820. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il a donné depuis, outre quelques volumes de vers que l’étranger connaît trop peu, de nombreux romans et tragédies dont on n’a que trop parlé grâce à une réclame savante et à l’engouement des snobs. […] Croce a dit lui-même comment D’Annunzio s’est lancé dans des idées absolument étrangères à son tempérament, aboutissant ainsi à une « fausse profondeur ». […] L’Étrangère (1876) a cinq actes, dont quatre se passent dans le même salon de la duchesse de Septmonts, et le troisième chez mistress Clarkson (à Paris aussi ; unité presque stricte). […] — Et les principes directeurs offrent une probabilité du même genre : le christianisme, qui fut un élément essentiel du moyen Âge, semble étranger au principe de la Renaissance et à celui de la Révolution ; en théorie, oui ; dans la pratique, il a gardé une importance considérable, non seulement en ce qu’il a d’éternellement vrai, mais aussi en ce que ses dogmes ont de suranné et d’inhumain : l’Église romaine commande encore à des millions de consciences ; la notion chrétienne du Mal trouble encore notre morale et même notre droit pénal ; bien plus : l’intolérance haineuse des « libres penseurs » est elle-même une action du christianisme qui entrave ainsi l’évolution de cette humanité qu’il avait jadis délivrée.

821. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Metz et la province des Trois-Évêchés, de même que l’Alsace et la Lorraine, malgré leur réunion politique au royaume, étaient restés assimilés à l’étranger en ce qui était du commerce ; de telle sorte que leurs communications, libres du côté de l’Allemagne, étaient aussi entravées que celles des Allemands mêmes du côté de la France. […] [NdA] J’ai peine à m’expliquer comment Étienne Dumont de Genève, en ses Souvenirs, parlant de Roederer qu’il rencontrait dans le groupe des Girondins, a pu dire de lui : « Roederer, homme d’esprit, mais fort ignorant, avait un fonds de légèreté dans le caractère qui lui donnait un rôle subalterne, quoique par sa capacité il l’emportât sur presque tous. » Quand on a eu sous les yeux les extraits en masse des lectures de Roederer dès sa première jeunesse, et quand on a vu l’ensemble de ses travaux sous la Constituante, on ne saurait admettre que cette ignorance dont parle Dumont, et dont les plus instruits eux-mêmes ne sont pas exempts sur les points étrangers à leurs études, ait porté le moins du monde sur la science politique et économique qui était l’essentiel ici.

822. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Cette conversation française, telle qu’un étranger peut l’entendre tous les jours au café de Foy et dans les lieux publics, me paraît le commerce armé de deux vanités. […] Aux sédentaires comme moi (et il y en avait beaucoup alors), il a fait connaître bien des noms, bien des particularités étrangères ; il a donné des désirs de voir et de savoir, et a piqué la curiosité par ses demi-mots.

823. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

— Mais non, ce qu’ici nous nommons la vie est chose si peu digne d’être aimée, et toi, ma mère, tu m’es si aimable que ce serait te payer bien mal que de contraindre ton esprit délivré à reprendre ses fers… La mort de sa mère livra le jeune enfant aux mains des étrangers ; son père, homme estimable, n’eut point pour ce fils délicat et timide les attentions qu’il aurait fallu. […] Ils me traitent plutôt comme un proche parent que comme un étranger, et leur maison est toujours ouverte pour moi.

824. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage ; votre secours m’est nécessaire ; c’est à vous de savoir si l’emploi d’étendre et d’enraciner les sciences dans ces climats ne vous sera pas tout aussi glorieux que celui d’apprendre au genre humain de quelle forme était le continent qu’il cultive ? […] Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage.

825. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Son mari, de vingt-cinq ans plus âgé, le général Swetchine, vivait à côté d’elle, complètement étranger à sa sphère d’activité. […] J’ai mauvaise grâce assurément de chicaner un éditeur aimable qui rachète de légères inexpériences du métier par des mots spirituels chemin faisant, surtout par la richesse du tissu étranger qu’il développe à nos yeux, par les lettres fort belles qu’il insère à tout moment dans son texte et qui en font le prix.

826. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Pour être juste envers lui, il faudrait plutôt le prendre dans ses motions contre l’étranger et contre ceux qui le favorisaient. […] Le procureur, mon parent, habitait seul les autres appartements du rez-de-chaussée, et le haut était encore destiné aux visiteurs étrangers.

827. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Parmi tant de personnes qui avec de l’esprit, de la naissance ou de la fortune, exerçaient dans cette société si richement partagée des influences diverses, et qui avaient toutes leur physionomie à part et leur rôle, la comtesse de Boufflers, pour peu qu’on la considère et qu’on l’observe d’un peu près, s’offre à nous avec une sorte de penchant prononcé et de vocation spéciale qui la désigne : elle est la plus ouverte et la plus accueillante pour le mérite des étrangers célèbres, elle est leur introductrice empressée et intelligente ; elle les pilote, elle les patronne, elle se lie étroitement avec eux, elle parle leur langue et va ensuite les visiter dans leur patrie : c’est la plus hospitalière et la plus voyageuse de nos femmes d’esprit, d’alors. […] Étant un étranger comme je suis, j’ose moins répondre pour mes plans futurs de vie qui peuvent m’emmener bien loin de ce pays ; mais, si je pouvais disposer de ma destinée, rien ne serait plus de mon choix que de vivre où je pourrais cultiver votre amitié.

828. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

« H. de Saujon de Boufflers. » Lorsque Rousseau, après la publication de l’Émile, se vit obligé de s’enfuir précipitamment de Montmorency et de sortir du royaume, Mme de Roufilers partagea toutes ses transes ; elle était présente au départ et aux derniers embrassements ; les jours suivants elle n’était occupée que de lui, et de lui ménager, par ses nombreux amis à l’étranger, un asile sûr et à son choix, soit en Allemagne, soit en Angleterre. […] J’ai de la peine à croire qu’on eût pu aller si loin sur la qualité d’étranger.

829. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Il y a quelquefois des étrangers qui passent et qui sortent du commun, mais c’est encore bien rare, et je puis vous assurer que les soirées que je passe seule avec le poète me paraissent bien plus courtes. […] La quantité de lettres à elle adressées par Mme de Staël, la duchesse de Devonshire, Sismondi, etc., nous ouvre des jours intéressants sur cette société très-variée et en partie composée d’étrangers les plus notables.

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