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835. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

On ne sait pas pourquoi l’assassin burlesque don Desiderio déclame ces vers shakespeariens et fantastiques sur le corps de son rival. […] Une lampe où brûlait l’ardente volonté, Et que rien, après moi, ne reste sur le sable, Où l’ombre de mon corps se promène ici-bas ? […] Quel contre-sens qu’un corps qui jouit pendant que l’esprit agonise ? […] tout mon corps frissonne. […] Ce ne fut que cinq ou six ans après que, rouvrant par hasard à Saint-Point un tiroir longtemps fermé, je relus ce commencement de réponse, et que, me repentant de mon impolitesse involontaire, je résolus de la compléter ; mais il y avait apparemment ce qu’on appelle un guignon entre Musset et moi, car un nouvel incident m’arracha encore la plume de la main, et dans mon impatience d’être ainsi interrompu, je me hâtai de coudre à ce commencement un mauvais lambeau de fin, sans qu’il y eût ni milieu, ni corps, ni âme à ces vers : aussi restèrent-ils ce qu’ils sont dans mes œuvres, aussi médiocres et aussi indignes de lui que de moi-même.

836. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

D’une foule il fait une société, d’une cohue un corps harmonique. […] Toute plaie est une ouverture par où la vérité pénètre l’âme et le corps. […] « Heureux cheval, qui portes le corps d’Antoine !  […] Des formes des corps aux formes des poteries, les grâces de jadis sortent harmonieuses, jalonnent des rimes reviviscentes. […] Toute haute formule, animée par un corps ou fixée par l’écriture, est homicide, et son éclair devient couteau.

837. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Ce professeur, très occupé d’esthétique, sortait nuitamment de son corps visible pour aller, en corps astral, comparer les jambes des belles dormeuses à celles de la Vénus de Praxitèle. […] Je ne mérite pas de voir le corps du Christ Jésus. […] Il y retournait souvent, y passait des semaines entières, conversant avec Jésus-Christ et combattant corps à corps avec le diable. […] Péladan lui-même, c’est le grand harmoniste, le maître souverain des corps, des âmes et des esprits. […] On commande à la nature et l’on flotte librement dans l’espace en corps astral.

838. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Paul Adam est un romancier-né : il a son métier dans les nerfs, dans le sang, dans le corps. […] Il lui déplaisait que fût raillé ce rythme d’accession, d’ascension qui entretenait en France la santé du corps social. […] Voltaire adorait le théâtre, pleurait aux pièces des autres, à ses propres pièces, s’y donnait plus, corps et âme, qu’à sa correspondance. […] Nous sommes habitués depuis longtemps à voir le génie de Hugo conduit docilement et splendidement par ces êtres vivants que sont les mots ; nous plaçant à l’intérieur et dans la chair de sa poésie, nous en suivons la circulation, l’ondulation physiques, nous la connaissons surtout comme corps, et nous lui donnons comme âme la seule beauté sensuelle de ce corps. […] L’âme littéraire, liée à un corps, à des corps, ne saurait demeurer longtemps en contact avec ces essences.

839. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

» Le supplice de prendre le corps dans ses bras, et de le poser, pour le faire reconnaître, aux pieds de tous les passants, ne serait point plus lugubre que l’idée fixe à laquelle sa conscience l’a condamné. » Jonas est sur le bord de la folie. […] Le seau remonte un corps qui n’a presque plus de forme, et l’on voit la figure pâle, épuisée, patiente, tournée vers le ciel, tandis que la main droite, brisée et pendante, semble demander qu’une autre main vienne la soutenir. […] Dickens fait l’hypocrisie si difforme et si énorme, que son hypocrite cesse de ressembler à un homme ; on dirait une de ces figures fantastiques dont le nez est plus gros que le corps. […] Il y préfère l’instinct au raisonnement, l’intuition du cœur à la science positive ; il attaque l’éducation fondée sur la statistique, sur les chiffres et sur les faits ; il comble de malheurs et de ridicules l’esprit positif et mercantile ; il combat l’orgueil, la dureté, l’égoïsme du négociant et du noble ; il maudit les villes de manufactures, de fumée et de boue, qui emprisonnent le corps dans une atmosphère artificielle et l’esprit dans une vie factice. […] Lisez ce passage de Hard Times, et voyez si, corps et âme, M. 

840. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Ces faits se passent nécessairement en nous, ou dans nos organes, ou entre nos organes et les corps qui nous sont révélés. […] Vous touchez un corps dur, vous éprouvez la sensation du contact, vous avez à l’occasion de cette sensation la perception de la solidité et de l’étendue existant en dehors de vous : vous jugez qu’il y a un extérieur. […] Malebranche chercha à franchir, à l’aide de la révélation, l’abîme creusé par Descartes, et il déclara qu’il n’y avait qu’une raison de croire à l’existence des corps : c’est qu’elle avait été révélée. […] Locke va le pousser aussi loin, à l’égard des esprits, que Malebranche l’a poussé à l’égard des corps. […] C’est le mot de la vierge chrétienne livrée aux insultes du gladiateur : alors même qu’elle ne possède plus son corps, son âme est à elle, et elle la donne à Dieu.

841. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Il en auroit obtenu une à l’Académie Françoise, sans sa Requête des Dictionnaires, Production satirique & ingénieuse, qui l’éloigna pour toujours de ce Corps ; ce qui fit dire à un des Membres*, qu’on auroit dû, d’après cette Piece, le condamner à en être, comme on condamne un homme à épouser une fille qu’il a déshonorée.

842. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Daudet commence à parler, presque amoureusement, d’un article du Temps d’hier, où la mort serait, au dire des médecins anglais, une chose douce, une chose voluptueuse parfois, assez semblable à la prise de possession, à l’envahissement d’un corps par les anesthésiques, la morphine, le chloral. […] Il lui revient du sang aux joues, de l’esprit dans les yeux ; son corps se pacifie, et il ne semble plus le souffreteux de l’arrivée. […] Trôler dans l’immense bâtiment, s’asseoir sur la chaise au pied du lit des fillettes de son âge et causer avec elles, aller jeter de l’eau bénite sur le corps d’une morte : c’est devenu une vie presque distrayante pour elle. […] Soudain elle rejetait le drap qui me recouvrait, montrant à son frère mon petit corps maigre ! […] Hading, cette actrice, que je venais voir avec la prévention d’une actrice d’Ohnet, joue très intelligemment le rôle de Sapho, et même tous les dessous psychiques du rôle, avec le flottement mou et las de son corps, la volupté de ses regards longs, l’impudeur de sa bouche, la fermentation des mauvaises pensées qu’on sent habiter son front, les chatteries sensuelles de ses gestes.

843. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

C’est un petit corps de logis, dont la pièce principale est un grand atelier. […] Le blanc de l’œil brillant, fiévreux, avec quelque chose de fou dans toute l’allure du corps, mais dans cette tête de toqué, une immense mémoire musicale des musiques de tous les pays et de tous les temps, avec une prédilection pour les chants populaires, pour les chants des provinces françaises, qu’il a récoltés en grande partie, dit-il, chez les bonnes, qu’il a eues à son service. […] Ces Corses ont une vitalité fiévreuse du corps, un incendie de l’œil qui dit des énergiques, des déterminés. […] À la représentation d’Esther Brandès, au Théâtre-Libre, il se rencontrait dans un corridor avec Raffaëlli, et en dépit de tout l’effacement possible de son corps, ayant peine à lui laisser le passage, s’échappait à dire : « C’est embêtant d’avoir un bedon, comme ça ! […] Il a varié son éternel et gauche frappement de cuisse, par des saluts militaires faits, la main à la tempe, avec des dandinements de corps triomphants de tambour-major, etc., etc.

844. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

C’est un combat corps à corps, où tout mot porte coup, prolongé, obstiné, sans élan, sans faiblesse, d’une inimitié âpre et fixe, où l’on ne songe qu’à blesser fort et à tuer sûrement. […] Alors le prêtre fut obligé d’étudier ses gestes, ses postures, ses liturgies, ses simagrées, jusqu’à ce que l’âme, s’ensevelissant ainsi dans le corps et se livrant aux délices sensuelles, eût bientôt abaissé son aile vers la terre. […] L’homme a son travail journalier de corps et de pensée, institué d’en haut, qui déclare sa dignité et le souci du ciel sur toutes ses voies, pendant que les autres êtres vaguent inoccupés sans que Dieu leur demande aucun compte de leurs actions507. » Très-utile et très-excellente exhortation puritaine ! […] Il y a de quoi dégoûter du paradis ; autant vaudrait entrer dans le corps des laquais de Charles Ier ou dans le corps des cuirassiers de Cromwell. […] Il est né avec l’instinct des choses nobles, et cet instinct fortifié en lui par la méditation solitaire, par l’accumulation du savoir, par la rigidité de la logique, s’est changé en un corps de maximes et de croyances que nulle tentation ne pourra dissoudre et que nul revers ne pourra ébranler.

845. (1842) Discours sur l’esprit positif

La plus immédiate et la plus prononcée constitue le fétichisme proprement dit, consistant surtout à attribuer à tous les corps extérieurs une vie essentiellement analogue à la nôtre, mais presque toujours plus énergique, d’après leur action ordinairement plus puissante. […] L’efficacité historique de ces entités résulte directement de leur caractère équivoque : car, en chacun de ces êtres métaphysiques, inhérent au corps correspondant sans se confondre avec lui, l’esprit peut, à volonté, selon qu’il est plus près de l’état théologique ou de l’état positif, voir ou une véritable émanation de la puissance surnaturelle, ou une simple domination abstraite du phénomène considéré. […] Si la raison publique ne l’avait dès longtemps écartée pour certaines notions fondamentales, on ne doit pas craindre d’assurer que les doutes insensés qu’elle suscita, il y a vingt siècles, sur l’existence des corps extérieurs subsisteraient encore essentiellement, car elle ne les a certainement jamais dissipés par aucune argumentation décisive. […] Il ne saurait exister aucune astronomie chez une espèce aveugle, quelque intelligente qu’on la supposât, ni envers des astres obscurs, qui sont peut-être les plus nombreux, ni même si seulement l’atmosphère à travers laquelle nous observons les corps célestes restait toujours et partout nébuleuse. […] En un sujet quelconque, l’esprit positif conduit toujours à établir une exacte harmonie élémentaire entre les idées d’existence et les idées de mouvement, d’où résulte, plus spécialement, envers les corps vivants la corrélation permanente des idées d’organisation aux idées de vie, et ensuite, par une dernière spécialisation propre à l’organisme social, la solidarité continue des idées d’ordre avec les idées de progrès.

846. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

L’ERMITE, prenant maître Phantasm au corps. […] Leurs corps sont couverts de plaies saignantes, leurs jambes fléchissent, leurs yeux égarés vacillent. […] Ils nous promenèrent des fers rouges sur le corps. […] Nous avons demandé qu’on nous donnât de quoi restaurer nos misérables corps brûlés et sanglants. […] Traitez, enfin, l’abomination et l’immondice de votre corps comme elles le méritent.

847. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

Ce vœu de négliger les muettes dans le corps du vers répugne à notre tempérament analytique, et c’est Ronsard qui a raison quand il écrit : Mari-e, vous avez la joue aussi vermeille Qu’une rose de mai… Encore ne faut-il pas considérer comme étrangers les écrivains de race gréco-latine (Pélasges).

848. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Supposons une planète dont l’atmosphère fût laiteuse, si bien que les habitants de cette planète ne pussent constater l’existence d’aucun corps déterminé dans l’espace.

849. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

Il puisa dans une gloire céleste son corps aérien.

850. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XI. Des Livres sur la Politique & le Droit Public. » pp. 315-319

C’est le corps de droit & de politique le plus compler & le plus méthodique que nous ayions.

851. (1932) Les idées politiques de la France

Mais cette matière et cet esprit ne s’équilibrent pas toujours, et, comme dans les individus, l’esprit peut transcender le corps ou la matérialité commander l’esprit. […] Je dis presque, car il en resta une, impossible à trancher, vu qu’elle fait corps avec le Saint-Siège, et qui a suffi depuis à régénérer les autres. […] Mais en ce qui concerne le second, la question du libéralisme est posée au minimum, puisque le libéralisme envers les personnes ne représente qu’une forme pâle, une ombre timide de la charité chrétienne, et que, le corps de la charité paraissant à la lumière de Dieu, l’ombre ne peut que suivre le corps. […] Le corps enseignant représentait un spirituel de gouvernement, qui eut ses évêques, son haut clergé (protestant !) […] Surtout, en un pays comme la France, il fait corps avec les valeurs qui donnent leur prix à la vie, avec la religion, le monde, la littérature.

852. (1911) Nos directions

Si hautes que semblent ses idées, si purs ses sentiments, si jeune sa vision et si nouveaux ses rêves, ils ne compteront pour rien s’il n’en a fait de la beauté : c’est-à-dire quelque chose qu’il appelle poème et qui est un monde en ce monde, un corps entre les corps et parmi les êtres un être. […] Ils donneront à leurs personnages fictifs, un corps, des gestes, un visage : ils les mêleront ainsi que se mêlent les habitants d’une même cité. […] Certes, nous avons désappris d’admirer le corps masculin. — Mais, n’est-ce pas un signe de barbarie ? […] Il n’a pas moins souci du jeu des traits de son visage que du jeu de son corps. De son corps même, il n’admet pas un geste gratuit, du bout des doigts ; pas un geste de virtuosité pure, ni même de virtuosité belle, qui ne soit un geste expressif.

853. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

De nos jours, au contraire, la force et la beauté du corps ne sont plus notre idéal. […] Les femmes, qui devraient plus que d’autres tenir à conserver des formes pures et correctes, entravent de mille manières le développement de leur corps et la circulation de leur sang. […] Le corps fût-il moins fort et moins beau que celui des athlètes de Polyclète ou des géants charnus de Rubens, la tête aurait acquis une beauté supérieure. […] Même dans le corps entier, l’intelligence peut finir par imprimer sa marque ; moins bien équilibré peut-être pour la lutte ou la course, un corps fait en quelque sorte pour penser posséderait encore une beauté à lui. […] Les vibrations sonores peuvent être perçues par le corps tout entier, et indépendamment de l’ouïe doivent offrir déjà quelque chose de plus ou moins esthétique.

854. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

de la communion par laquelle je participe au corps de Dieu ! […] Ajoutez une demi-douzaine de têtes amusantes et de corps imprécis, que M.  […] Hervieu est moins attiré par l’extérieur des corps que par l’intérieur des âmes. […] C’est un corps de faune et une âme d’ogre. […] On jette le corps par la portière et tout est dit.

855. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Autour de cette observation curieuse que vous rapporte Monsieur le psychologue, vous mettez un corps, vous jetez un épiderme, vous enroulez un vêtement, et le personnage s’en va devant vous par le vaste monde. […] Quand tu seras délivré de ton corps, espères-tu que ces chaînes si lourdes seront brisées ? […] Ce doit être âme et corps, conçus ensemble et inconcevables séparément. […] Elle est une âme de poète dans un corps de jolie femme pas prétentieuse ( ?). […] d’un père ou d’une mère, une de ces douleurs profondes, incurables, qui bouleversent l’existence, brisent jusqu’aux forces du corps et font descendre au sépulcre avant le temps ?

856. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

L’unité de composition des corps célestes est certaine. […] Quoi que disent les théologiens, les âmes ont un sexe aussi bien que les corps. […] C’était un petit corps tout rond, fait à souhait pour ouater et capitonner une âme canonicale. […] Beaucoup de ces corps furent brûlés. […] Son analyse subtile a si bien pénétré les corps qu’ils se sont tous évaporés.

857. (1887) Essais sur l’école romantique

Il voit la nature avec les yeux de la pensée, et il la voit plus grande, plus majestueuse qu’elle ne paraît aux yeux du corps. […] Vous avez beau mettre votre corps en travers, ô Quintilien ! […] Il a étalé, comme le roman et le conte, des amours effrontés, ou c’est bien le corps qui parle au corps, et non pas l’âme à l’âme ; où l’homme a des appétits d’animal, et non l’animal des délicatesses d’homme. […] Il méritait le prix, disent ses biographes, mais il ne l’obtint pas à cause de deux vers où il parlait de ses quinze ans, et où l’illustre corps pensa voir une supercherie. […] Il y a la manière commune, qui est lorsque l’esprit et le corps finissent ensemble, et que l’écrivain subit le sort de tous ; il y a ensuite la manière morale, qui est lorsque l’esprit finit avant le corps, soit par une stérilité soudaine, soit par une fécondité sans progrès, où l’auteur perd de sa gloire en proportion de ce qu’il ajoute à son bagage.

858. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

L’ouvrage qu’il publie aujourd’hui et où il a résumé en un corps de récit toute son Étude ecclésiastique et politique depuis saint Pierre jusqu’à Innocent III, depuis la barque du pêcheur jusqu’aux gloires du Vatican, n’eût peut-être jamais paru, si l’auteur n’avait en quelque sorte été provoqué et piqué personnellement.

859. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

L’expression, en donnant un corps à la pensée, en fait apercevoir le faible ; on la corrige, on l’étend, on l’approfondit ; parfois on l’abandonne, mais pour en prendre une autre dont la vérité s’est révélée à nous en parlant.

860. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 17, de l’étenduë des climats plus propres aux arts et aux sciences que les autres. Des changemens qui surviennent dans ces climats » pp. 290-294

Or de tous les organes du corps humain, les plus délicats sont ceux qui servent à l’ame spirituelle à faire ses fonctions.

861. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Tout homme que je rencontre, et encore plus toute femme, croirait manquer au plus indispensable des devoirs, si elle ne m’adressait un long et ingénieux discours à ma gloire. » Présenté à Versailles, le futur Louis XVI âgé de dix ans, le futur Louis XVIII âgé de huit ans et le futur Charles X âgé de quatre ans, lui récitent chacun un compliment sur son livre  Je n’ai pas besoin de conter le retour de Voltaire, son triomphe, l’Académie en corps venant le recevoir, sa voiture arrêtée par la foule, les rues comblées, les fenêtres, les escaliers et les balcons chargés d’admirateurs, au théâtre une salle enivrée qui ne cesse de l’applaudir, au dehors un peuple entier qui le reconduit avec des vivats, dans ses salons une affluence aussi continue que chez le roi, de grands seigneurs pressés contre la porte et tendant l’oreille pour saisir un de ses mots, de grandes dames debout sur la pointe du pied épiant son moindre geste501. « Pour concevoir ce que j’éprouvais, dit un des assistants, il faudrait être dans l’atmosphère où je vivais : c’était celle de l’enthousiasme. » — « Je lui ai parlé », ce seul mot faisait alors du premier venu un personnage. […] Sans doute il y a beaucoup de déistes, surtout depuis Rousseau ; mais je ne crois pas que, sur cent personnes du monde, on trouve encore à Paris dix chrétiens ou chrétiennes. « Depuis dix ans514, dit Mercier en 1783, le beau monde ne va plus à la messe ; on n’y va que le dimanche pour ne pas scandaliser les laquais, et les laquais savent qu’on n’y va que pour eux. » Le duc de Coigny515 dans ses terres auprès d’Amiens, refuse de laisser prier pour lui, et menace son curé, s’il prend cette licence, de le faire jeter en bas de sa chaire ; son fils tombe malade, il empêche qu’on apporte les sacrements ; ce fils meurt, il interdit les obsèques et fait enterrer le corps dans son jardin ; malade lui-même, il ferme sa porte à l’évêque d’Amiens qui se présente douze fois pour le voir, et meurt comme il a vécu. — Sans doute un tel scandale est noté, c’est-à-dire rare ; presque tous et presque toutes « allient à l’indépendance des idées la convenance des formes516 ». […] Rivarol521, sceptique lui-même, déclare qu’aux approches de la Révolution « les lumières du clergé égalaient celles des philosophes ». — « Le corps qui a le moins de préjugés, dit Mercier522, qui le croirait ? […] Au mois de mars 1789, dès l’ouverture des assemblées de bailliage, le clergé tout entier, la noblesse presque tout entière, bref le corps des privilégiés, renonce spontanément à ses privilèges en fait d’impôt.

862. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Un seul mot explique cette inexplicable union de l’âme et du corps, et ce mot est : mystère. […] » On voit que tout repose, dans cette philosophie, sur les doctrines du Phédon, qui supposent l’âme créée par Dieu, avec des idées innées et fatales qui forment sa conscience, sa nature comme sa morale, doctrines que nous croyons aussi vraies que celles qui attribuent à la matière ou au corps des instincts ou des lois absolues qui font sa nature, et au-dessus de toute discussion. […] Lisez : « Et puis, la chicane et les procès ne sortiront-ils pas d’un État où personne n’aura rien à soi que son corps et où tout le reste sera commun ? […] « Il n’y aura non plus aucun procès pour sévices et violences : car nous dirons qu’il est juste et honnête que les personnes du même âge se défendent les unes les autres, déclarant inviolable la sûreté individuelle. » Nous sommes étonnés, en lisant de pareilles naïvetés, soi-disant philosophiques, que quelqu’un ne propose pas aussi de supprimer le corps pour supprimer l’ombre !

863. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Son âme ardente ne pouvait pas exister davantage dans un corps qu’elle minait continuellement. […] La légèreté qui avait quitté son corps n’avait point quitté sa physionomie. […] Ses traits correspondant à cette majesté du corps, un front haut et droit, un œil vaste, encaissé profondément dans une arcade creuse et sévère ; un nez droit bien dessiné, surmontant une bouche dédaigneuse ; un tour de visage maigre et dur ; des cheveux touffus et longs, couleur de feu, comme ceux d’un Apollon des Alpes, qu’il rejetait en arrière, tantôt enfermés dans un ruban, tantôt flottant et épars sur le collet de son habit : cheveux rouges qu’on ne rencontre jamais en Italie, mais qui sont le signe des races étrangères et la marque naturelle de l’homme du Nord, l’Anglais, l’Allobroge, le Piémontais teint de Savoyard. […] Mais Alfieri n’avait ni charme, ni grâce, ni douceur : on l’aimait par surprise, on continuait de l’aimer par crainte ; on se figurait que la force de ses traits était une marque de la force de son génie, et que ce génie était démesuré comme son corps… Ce génie n’était qu’imaginaire ; on n’osait pas en douter tout haut, on se résignait tout bas à son erreur.

864. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

« Elle parut, dit la Chronique d’Édimbourg, à sa fenêtre qui donne sur Hightgat, s’adressant au peuple d’une voix forte et disant comment elle avait été jetée en prison par ses propres sujets qui l’avaient trahie ; elle se présenta plusieurs fois à la même fenêtre, dans un misérable état, ses cheveux épars sur ses épaules et sur son sein ; le corps nu et découvert presque jusqu’à la ceinture. « Par cette main royale », dit-elle à lord Ruthven et à Lindsay, qui avaient aidé au meurtre jamais pardonné de son premier favori, Rizzio, « j’aurai vos têtes, tôt ou tard !  […] Souvenez-vous que je vous ai envoyé mon cœur sur une bague, et maintenant je vous apporte le vrai cœur et le corps avec, pour plus sûrement nouer ce nœud d’amitié entre nous ! […] Jésus crucifié pour nous et tous les saints martyrs nous rendent, par leur intercession, dignes de la volontaire offerte de nos corps à sa gloire ! […] » « Les filles d’honneur de la reine et ses serviteurs l’ensevelirent et réclamèrent son corps pour le transporter en France.

865. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

C’est un état où le cœur ne peut être ému en son fond, et, quoique le monde lui montre ses beautés, ses honneurs, ses richesses, c’est tout de même comme s’il les offrait à un mort, qui demeure sans mouvement et sans désirs, insensible à tout ce qui se présente… Le mort peut bien être agité au dehors et recevoir quelque mouvement dans son corps ; mais cette agitation est extérieure ; elle ne procède pas du dedans, qui est sans vie, sans vigueur et sans force. […] Sa jolie petite figure, maigre et fine, son corps fluet, remplissant mal les plis de sa soutane, sa propreté raffinée, fruit d’une éducation datant de l’enfance, le creux de ses tempes se dessinant agréablement sous la petite calotte de soie flottante qu’il portait toujours, formaient un ensemble très distingué. […] Criblé de rhumatismes, il semblait cumuler en sa personne toutes les façons dont un corps peut être contrefait. […] J’aperçus l’insuffisance de ce qu’on appelle le spiritualisme ; les preuves cartésiennes de l’existence d’une âme distincte du corps me parurent toujours très faibles ; dès lors, j’étais idéaliste, et non spiritualiste, dans le sens qu’on donne à ce mot.

866. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Leur ignorance des anatomies réelles était constante, extrême leur souci de l’expression : ils ont peint le corps humain et la nature tels que, dans la disposition précieuse de leurs âmes, ils les voyaient. Puis ce fut avec Raphaël et les Vénitiens un ressaut du réalisme ; le corps humain, naguère ignoré, avait apparu, et ces peintres témoignèrent la vision éblouie qu’ils en avaient reçue. […] Kroyer, mais j’ai vu l’effort d’une sincérité précieuse et originale, dans la sobre peinture de la robe et l’attitude simple et vraie du corps. […] Et, au milieu, c’est le corps d’une femme, où les deux thèmes s’allient en des accords élégamment variés ; le visage d’une pâleur jaune, allongé, accentue le caractère féminin de l’émotion ; au-dessous, une éblouissante robe, et la symphonie des deux couleurs s’y épand, dans un jaillissement prestigieux de nuances.

867. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Des femmes folles de leurs corps, en faille bardocuculées. […] — Impression qui demeure à un corps froissé. Le corps offre seulement de grandes lignes au fusain, des plaques de blanc qui indiquent les froissures et le drapement de la robe. […] — Nom des membranes qui tapissent les cavités du corps humain, ouvertes au dehors.

868. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

J’aime autant cette race des clowns que M. de Goncourt lui-même, et je comprends peut-être aussi passionnément que lui la poésie de ces hommes, dans lesquels le corps est souvent plus spirituel, dans ses évolutions, que bien des intelligences dans les leurs… Je me permettrai de le dire ici, puisque l’occasion s’en présente, j’ai toujours été un grand hanteur de Cirques, un amateur de ces spectacles physiques qui ne me donnent pas qu’un plaisir des sens, quoiqu’il y soit aussi, mais un plaisir intellectuel bien autrement profond et raffiné. […] Étincelant comme l’un, avec son corps, terrible et grotesque comme l’autre. Je ne reprocherai donc pas à l’auteur des Frères Zemganno d’avoir abaissé son sujet en choisissant deux clowns pour incarner dans ces deux hommes, qui semblent n’avoir qu’un corps et qui passent leur vie à le retourner comme une paire de gants, un superbe sentiment, un de ces sentiments qui impliquent une âme élevée et charmante. […] Une âme délicieuse et même héroïque peut très bien exister dans un clown, et, dramatiquement, elle ferait plus d’effet si elle y était que si on la rencontrait dans un homme qui, par l’éducation, la pensée, la méditation, les habitudes, le milieu social, a développé les forces de son âme comme le clown n’a développé que celles de son corps… Seulement, il faut qu’une pareille âme soit dans le clown du roman qu’on veut faire, et dans celui de M. de Goncourt, elle n’y est pas !

869. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Ayant été nommé rapporteur au Sénat pour la loi votée par le Corps législatif sur la Propriété littéraire, qu’on évita toutefois d’appeler de ce nom, je lus mon Rapport dans la séance du vendredi, 6 juillet 1866 ; le voici : Messieurs les Sénateurs, la loi sur les droits des héritiers et des ayants cause des auteurs, votée le 27 juin dernier par le Corps législatif, est assurément une loi qui vous arrive dans les conditions les meilleures selon lesquelles une loi puisse vous êtes soumise : mûrie, prudente, libérale, pesée à diverses reprises, discutée en tous sens, avec science, talent, éclat et conviction. […] Il est d’autres cas encore où, même sans disposition formelle de sa part, le mari auteur sera présumé avoir enlevé à la femme cette survivance de ses droits : Par exemple, si la femme, lors du décès, a vu prononcer contre elle la séparation de corps, et si cette séparation n’a pas été éteinte par réconciliation.

870. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Il se trouvait là une femme âgée de cent dix ans ; je n’ai jamais vu plus effrayante figure : elle était nue, à l’exception d’une couverture qui laissait voir, en mille endroits, le corps le plus décharné dont on puisse se faire idée ; elle était escortée de deux ou trois générations de petits enfants. […] Je puis dire qu’alors j’ai combattu avec le doute corps à corps, et qu’il est rare de le faire avec plus de désespoir.

871. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Dans la seconde partie, je compte examiner les gouvernements anciens et modernes sous le rapport de l’influence qu’ils ont laissée, aux passions naturelles aux hommes réunis en corps politique, et trouver la cause de la naissance, de la durée, et de la destruction des gouvernements, dans la part plus ou moins grande qu’ils ont faite au besoin d’action qui existe dans toute société. […] L’avantage de l’aristocratie de naissance, c’est la réunion des circonstances qui rendent plus probables dans une telle classe les sentiments généreux : l’aristocratie de l’élection doit, alors que sa marche est sagement graduée, appeler avec certitude les hommes distingués par la nature aux places éminentes de la société. — Ne serait-il pas possible que la division des pouvoirs donnât tous les avantages et aucun des inconvénients de l’opposition des intérêts, que deux chambres, un directoire exécutif, quoique temporaire, fussent parfaitement distinctes dans leurs fonctions ; que chacun prit un parti différent par sa place, mais non par esprit de corps, ce qui est d’une toute autre nature ? […] Il y a de l’avantage à se proposer pour but de son travail sur soi, la plus parfaite indépendance philosophique ; les essais même inutiles, laissent encore après eux des traces salutaires ; agissant à la fois sur son être tout entier, on ne craint pas, comme dans les expériences sur les nations, de disjoindre, de séparer, d’opposer l’un à l’autre toutes les parties diverses du corps politique.

872. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ces rares perfections me captivèrent au point, que bientôt il n’y eut pas une puissance ou une faculté de mon corps ou de mon âme qui ne fût asservie sans retour ; et je ne pouvais m’empêcher de considérer la dame dont la mort avait causé tant de douleurs et de regrets comme l’étoile de Vénus, dont l’éclat du soleil éclipse et fait disparaître entièrement les rayons. » Telle est la description que Laurent nous a laissée de l’objet de sa passion, dans le commentaire qu’il a fait sur le premier sonnet qu’il écrivit à sa louange16 ; et à moins que l’on n’en mette une grande partie sur le compte de l’amour, toujours partial dans ses jugements, il faut avouer qu’il y a eu bien peu de poëtes assez heureux pour trouver un objet aussi propre à exciter leur enthousiasme, et à justifier les transports de leur admiration. […] Politien, génie vraiment antique et digne d’Horace ne s’enivra pas de cette faveur ; il était né d’une bonne famille à Montepulciano, petite ville de la Toscane, comme Flaccus, en Calabre ; c’est de là qu’il prit son nom. « Je ne me sens pas plus enorgueilli des flatteries de mes amis, ou humilié des satires de mes ennemis, disait-il, que je ne le suis par l’ombre de mon corps ; car, quoique mon ombre soit plus grande le matin ou le soir qu’elle ne l’est au milieu du jour, je ne me persuaderai point que je sois plus grand moi-même dans l’un ou l’autre de ces moments que je ne le suis à midi. » XI Le pape étant mort en ce temps-là, Laurent de Médicis fit un voyage à Rome, pour recommander Julien, son jeune frère, à Sa Sainteté, dans le but de le faire élire au cardinalat. […] Cependant les amis les plus rapprochés des Médicis se groupèrent en foule autour de lui, et, lui faisant un rempart de leurs corps, le poussèrent dans la sacristie, dont Politien ferma les portes de bronze sur lui.

873. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Un réalisme naïf ou grossier évoque les âmes à côté des corps, et de même sorte est le symbolisme qui revêt Jésus et le bon larron de chemises blanches, tandis qu’une chemise noire exprime l’irrémissible impénitence du mauvais larron. […] Lue bouffonnerie féroce se joue du pauvre corps humain. […] La grande basoche de Paris, dès le début du xvie  siècle, était un corps considérable, ayant ses armes, son roi, son chancelier, jugeant ses membres, frappant monnaie, tenant ses réunions générales deux ou trois fois l’an, et surtout vers le mois de juin ou juillet, faisant sa montre solennelle où elle défilait devant son roi, donnait aubades et sérénades aux présidents et conseillers du parlement, à grand fracas de tambours, hautbois et timbales.

874. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ce grand corps qui parmi ses traditions avait celle du secret, et qui reste impénétrable même pour les historiens de Rome, c’est un Français du dix-huitième siècle qui le dévoile. […] Chez Montesquieu, la pensée est ce que sont dans la science les corps composés de plusieurs substances : il faut pour les démêler toutes les subtilités et toute la patience de l’analyse. […] Entre l’idéal de l’autorité, tel qu’il apparut à Bossuet sous la forme de la monarchie absolue, tempérée par des lois fondamentales, et les dangereuses rêveries du Contrat social, il manque un corps de doctrines tirées de la science des besoins de l’homme et de l’expérience comparée des sociétés humaines, supérieur à toutes les formes de gouvernement et pouvant les perfectionner toutes.

875. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

La ligne que depuis on a tirée entre l’Église orthodoxe et les sectes gnostiques était alors bien indécise ; tout cela faisait corps, et il y avait solidarité des uns aux autres. […] Que dire de ceux qui attendent tous les jours la fin du monde et la venue d’un corps humain qui descendra du ciel pour régner ? […] Quand Archimède était appliqué à son tableau de démonstration, il fallait que ses esclaves l’en arrachassent pour le frotter d’huile ; mais lui, il traçait des figures géométriques sur son corps ainsi frotté.

876. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Des furoncles en éruption ; du pus qui sort d’un corps malade. […] De certaines prises corps à corps exigent de la ressemblance entre les deux combattants ; à la sauvagerie il faut quelquefois la barbarie.

877. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Quel corps politique a jamais été plus capable de gouverner l’État que l’oligarchie vénitienne ? […] « Le grand péril des âges démocratiques, soyez-en sûr, écrit Tocqueville, c’est la destruction ou l’affaiblissement excessif des parties du corps social en présence du tout. […] « Une pareille doctrine, dit-il, est particulièrement dangereuse à l’époque où nous sommes : nos contemporains ne sont que trop enclins à douter du libre arbitre, parce que chacun d’eux se sent borné de tous côtés par sa faiblesse ; mais ils accordent encore volontiers de la force et de l’indépendance aux hommes réunis en corps social.

878. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Les forces du corps ont leurs limites ; le temps, à coup sûr, a les siennes. […] Il résulte même un bien de ce contact des lettres et des affaires : le corps entier des auteurs reçoit de proche en proche, comme dans une chaîne électrique, un mouvement salutaire. […] Pas un événement qui ne lui donne sa secousse : il semble qu’un fil électrique, vaste ceinture du globe, joint non seulement les lieux, mais les âmes ; et que, comme un corps organisé, le genre humain se sent tout entier dans chacune de ses parties.

879. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

La sociologie biologique n’avait de regards que pour ces « corps » sociaux qui seuls paraissent naître et se développer à la manière des organismes. […] La variété des corps dont les hommes deviennent, les éléments diminue en eux l’étroitesse de l’esprit de corps.

880. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Ainsi, dans la tragédie des Phrygiens, une belle conception d’Homère, l’isolement de Priam au milieu du camp des Grecs, son tête-à-tête avec Achille, pour racheter des mains du vainqueur le corps même d’Hector, était remplacé par la présence d’un chœur de Troyens suivants du vieux roi, ou déjà captifs de ses ennemis : la conjecture des savants a varié sur ce point. […] On ne peut comparer cette œuvre posthume du poëte qu’à sa sépulture même, aux funérailles païennes que lui firent quelques amis, recueillant après une tempête son corps jeté au rivage, et le brûlant avec le bitume et l’encens sur un coin de bruyère déserte, au milieu de lugubres adieux, sans prières et sans espérance. […] Laissé près de la veuve et du jeune enfant d’Ajax, le Chœur les protège de sa plainte, tandis que l’enfant lui-même garde le corps de son père.

881. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Quand M. de Rancé se convertit à Dieu, il vendit ses chevaux, ses voitures, quitta les habits magnifiques qu’il avait coutume de porter, et il enveloppa de deuil un corps qu’il avait longtemps consacré au péché. […] La vieillesse, qui flétrit le corps, rajeunit l’âme, quand elle n’est pas corrompue et oublieuse d’elle-même, et le moment de la mort est celui de la floraison de notre esprit.

882. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Dans ces premières années de tâtonnements, le corps de doctrines critiques n’était pas encore formé ni dégagé ; la Revue avait plutôt le caractère d’un magazine. […] La Harpe, qui avait grand cœur dans un petit corps, et qui soutenait si rude guerre contre Dorat et les petits poëtes de son temps (cela nous fait maintenant l’effet de l’histoire des pygmées, tant nous sommes devenus des géants), La Harpe, dis-je, n’avait point cette modération de laquelle la vivacité même du critique ne devrait jamais se séparer.

883. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

J’aimois un corps auquel j’étois attaché par mes promesses ; je souhaitois d’y être aimé ; et, fait comme je suis, j’aurois perdu la vie plutôt que de commettre quelque chose d’opposé à ces deux sentiments. […] Mais il la supprima lui-même, avant que les supérieurs en fussent instruits, par un quiproquo heureux et pour son auteur et pour le corps dont il étoit membre.

884. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Une composition où une idée s’étend aux dépens des autres et au-delà de ce que comporte sa valeur, est laide à voir et disgracieuse, comme un corps où quelque membre est hypertrophié, comme une statue qui a la tête trop grosse ou les bras trop longs. […] L’ouvrage est homogène, puisque tout fait corps, tout y est organe vital et essentiel : il est court, puisqu’il devient incomplet, quoi qu’on en retire.

885. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

L’âme, le corps et la mort, tout simplement. L’âme et le corps se chamaillent en style familier et bourgeois, comme pourraient faire M. et Mme Denis sur l’oreiller conjugal.

886. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Quelles solitudes que ces corps humains !  […] Ce n’est pas, comme le comédien, la pensée d’un autre qu’il interprète avec sa personne et son corps.

887. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Sully Prudhomme Maître, qui, du grand art levant le pur flambeau, Pour consoler la chair besoigneuse et fragile, Rendis sa gloire antique à cette exquise argile, Ton corps va donc subir l’outrage du tombeau ! […] les dieux (si les dieux y peuvent quelque chose) Devraient ravir ce corps dans une apothéose, D’incorruptible éther l’embaumer pour toujours ; Et l’âme, l’envoyer dans la Nature entière Savourer librement, éparse en la matière, L’ivresse des couleurs et la paix des contours !

888. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Les actions réflexes, les actes habituels sont de cette nature, « Les actes volontaires se distinguent des actions réflexes par l’intervention d’une conscience, et le phénomène est très remarquable, en ce qu’il nous introduit, pour ainsi dire, dans un nouveau monde Nous sommes même libres, si cela nous plaît, de dire que l’esprit est une source de puissance ; mais nous devons alors entendre par esprit la conscience jointe à tout le corps, et nous devons aussi être prêts à admettre que l’énergie physique est la condition indispensable ; la conscience, la condition accidentelle187. » V « Tout ce qui a été exposé jusqu’ici188 relativement aux actions volontaires des êtres vivants, implique la prédominance d’une uniformité ou d’une loi dans cette classe de phénomènes, en supposant toutefois une complication de nombreux antécédents qui ne sont pas toujours parfaitement connus. » La pratique de la vie s’accorde en général avec cette théorie : nous prédisons la conduite future de chacun d’après son passé ; nous appelons Aristide un juste, Socrate un héros moral, Néron un monstre de cruauté. Pourquoi, sinon parce que nous prenons pour accordée une certaine persistance et régularité dans l’influence des motifs, à peu près comme quand nous affirmons que le pain nourrit, que la fumée s’élève, ou tel autre attribut des corps matériels.

889. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Une existence patriarcale, la vie domestique la plus noble, des amis fidèles, un corps merveilleusement sain qui semble ne rien connaître des infirmités humaines, surtout l’étude, le travail, une ardeur inépuisable pour les grandes choses, ont fait à cet homme illustre une vieillesse respectée et presque enviée de ceux qui l’ont vaincu. […] Le problème c’est la complexité, la dualité de l’être humain, physique et moral, âme et corps.

890. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

En effet, puisque le poème épique fait un corps accompli avec ses justes dimensions, et que par là il est conforme à la nature, il a fallu faire couler cet ordre et cet heureux arrangement dans le spectacle tragique, pour le rendre agréable. […] Les parties principales de toute tragédie sont l’exposition, le nœud ou intrigue, et le dénouement ou catastrophe : mais ces mêmes parties, qu’Aristote appelle les parties d’extension ou de quantité, en supposent plusieurs autres qui font corps avec elles, et que le même poète nomme parties intégrantes.

891. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Loin donc de triompher, comme Lucrèce, de la faiblesse de l’homme, de ses souffrances physiques, de son déclin moral, de sa mort successive et complète, elle se plaît à montrer quelque chose au-delà de ces ruines qu’elle décrit : Des mains, dit-il, propres à l’action, sont adaptées au reste du corps ; mais surviennent de rudes accidents qui hébètent l’intelligence. […] Lorsque, séparé du corps, tu viendras dans le milieu libre de l’air, tu seras dieu impérissable, incorruptible, non plus soumis à la mort. » Quelle que soit l’élévation de cette morale, on sent cependant ce qui peut y manquer.

892. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVII » pp. 70-73

Les médecins n’ont songé qu’à sauver le corps ; ils ont saigné, débilité, mis à la diète : — bref, ils ont guéri.

893. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

C’est alors qu’on sent le prix d’une existence simple et dégagée de sensualités ; c’est alors qu’on trouve, dans le calme d’un cœur pur et dans l’énergie d’un corps sain, la récompense de la modération et des sacrifices de la jeunesse ; c’est alors enfin qu’on reconnaît combien la morale serait bonne encore quand même elle n’aurait pas de sanction dans une autre vie. » — « Jeunesse sensuelle, dit-il aussi, vieillesse douloureuse. » — « Un vieillard sans dignité est comme une femme sans pudeur. » Lorsqu’il en est particulièrement aux qualités et aux passions sociales, M. de Latena a de bonnes analyses et des définitions judicieuses.

894. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

N’est-il pas nécessaire qu’il vienne un architecte pour coordonner les efforts et les travaux discordants, pour assigner leur place aux fondations, aux murs, aux piliers, pour ramener à des proportions justes ce qui est trop grand ou trop petit, pour construire enfin un édifice dont les différentes parties, comme les membres d’un corps, se fondent en un tout organique d’une harmonieuse complexité ?

895. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 115-120

En butte aux maux du corps, en butte aux noirs chagrins, L’homme jouit-il donc de trop de jours sereins ?

896. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

la tête de Psyche devrait être penchée vers l’Amour ; le reste de son corps porté en arrière, comme il l’est lorsqu’on s’avance vers un lieu où l’on craint d’entrer et dont on est prêt à s’enfuir, un pied posé et l’autre effleurant la terre ; et cette lampe, en doit-elle laisser tomber la lumière sur les yeux de l’Amour ?

897. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre premier »

Leur corps matériel n’existe guère.

898. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Une nation n’est pas un tas de sable dont on ôte une brouettée sans rien changer à ce qui reste ; elle est un corps et toute cellule subit les péripéties de ce corps. […] Mais, pour un Villon, l’âme et le corps sont deux êtres. […] C’est alors que le jeune officier quitte la garde royale pour entrer dans un corps plus actif. […] À sa place, paraît le corps astral de Velléda, tenant une branche de gui. […] Quelles solitudes que tous ces corps humains !

899. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Il fut le premier Français qui rassembla en corps tous les préceptes de cet art destructeur, mais qu’il serait aussi difficile de proscrire que de justifier. […] Laurent trouvait le moyen de restituer aux corps mutilés les membres qu’ils avaient perdus. […] Divers Physiciens, des deux parts, cherchaient à développer le méchanisme du corps humain, à rétablir ses ressorts, à prévenir, ou plutôt à retarder sa dissolution. […] Je reconnus Bouchardon, que cette Capitale a chargé du soin d’acquitter son zele & sa reconnoissance dans un monument qui est le fruit de l’une & de l’autre(a) ; le Moine justement célebre par ses travaux & ses succès dans le même genre(b) ; Pigal, qui dans un seul ouvrage éternise la vie & la mort d’un héros(a) ; Falconnet qui semble avoir fourni de nouveaux traits & de nouvelles expressions à l’amour(b) ; Slodtz qui enrichit de nouveaux attributs le zele & la piété(c) ; les Adam, les Vassé, les Sally, les Caffieri, les Challes, quelques autres, achevaient de fortifier ce corps déja si redoutable par lui-même. […] Quelles ressources ne trouve-t-il pas dans son génie pour donner du corps & de l’étendue à un sujet qui par lui-même avait si peu de consistance ?

900. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Va, tu seras sans âge… Cependant n’oublie pas le recensement dernier. » Coxcomb sent un corps rose et gras s’attacher à son âme. […] La Conquête de l’Aube chante la résurrection des corps. […] Jadis l’esprit pouvait voguer à son gré, mais seul, vers de beaux horizons ; le corps avait toute la peine. […]                         Voici l’assomption des corps. […] Tout repose sur le sol : notre corps, ainsi que les contreforts de nos cathédrales.

901. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Il parle sans façon des ellipses décrites par les étoiles, comme si la figure elliptique s’appliquait indifféremment au mouvement de tous les corps célestes. […] Jusqu’à présent, nous avions cru que, pour apercevoir l’ombre projetée sur un corps céleste par un corps de même nature qui venait à passer devant lui, il fallait de toute nécessité être placé sur un troisième corps différent et distant des deux premiers. […] Mais qu’il écrive sous sa dictée le corps d’un billet, c’est ce que le bon sens ne peut admettre. […] Les ligaments finissent par se prêter aux mouvements les plus contraires ; le corps, en s’assouplissant, perd sa forme et sa beauté. […] Or, la résistance n’est pas moins nécessaire au développement de la pensée que le choc des corps au développement de la force musculaire.

902. (1925) Dissociations

Cependant, l’homme sera toujours pareil à lui-même, pourvu du même corps, de la même âme, des mêmes passions, des mêmes désirs, du même ennui. […] C’est tout le corps qui parle et il parle un langage délicat sensible seulement à l’intelligence. […] Un physiologiste, un homme qui sait ce que c’est qu’un tissu vivant, croire qu’une jonglerie peut faire naître des corps organisés, des corps qui respirent ! […] Tout dans cette femme lui appartient ; corps et pensée sont à lui. […] Il est vrai qu’étant donné la pose de son génie, le sculpteur ne pouvait s’en tirer qu’on lui donnant un corps de femme.

903. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

« Œil creux, noir, vif, et barbe rare, « Large sein, col gros, poil crépu, « Taille petite, et corps trapu, « Tel est le portrait du barbare. […] Le corps de Dardinel reste abandonné sur le champ de bataille, que gardent encore les troupes de Charlemagne. […] De son côté, Cléridan est déjà hors d’atteinte ; mais se retournant et n’apercevant plus son compagnon, il revient précipitamment sur la route où Médor lutte contre de nombreux assaillants jaloux de lui arracher le corps de son roi, et la lumière. […] Est-ce avec les yeux du corps, touchés des seuls attributs physiques qu’il saisira, qu’il verra l’idéal des objets incréés ? […] Je n’accorderai pas que ses harangues soient diffuses et déplacées ; la manière dont les combattants se provoquaient avant de lutter corps à corps, leur permettait jadis les interpellations et les menaces réciproques, par lesquelles ils irritaient leur courage.

904. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Dans ce corps de soudard, sous cette épaisse cuirasse de tapageur, il y a un vrai cœur de femme qui se fond, qu’un rien trouble lorsqu’il s’agit de ce qu’il aime, timide dans sa tendresse, inépuisable en dévouement, en confiance, en abnégation, en effusions. […] D’autres fois, dans l’embrasure d’une fenêtre, il remuait la tête, agitait son corps d’avant en arrière, avançait, puis retirait convulsivement la jambe. […] Y a-t-il rien de plus agréable à peindre qu’une ivresse de nuit, de bonnes trognes insouciantes, et la riche lumière noyée d’ombres qui vient jouer sur des habits chiffonnés et des corps appesantis ? […] Voyez cet assassin arrêté sur le corps de sa maîtresse égorgée, les yeux tors, la bouche contractée, grinçant à l’idée du sang qui l’éclabousse et le dénonce, ou ce joueur ruiné qui vient d’arracher sa perruque et sa cravate, et crie à genoux, les dents serrées et le poing levé contre le ciel. […] Oubliez donc les contours, ils ne sont que des lignes ; le corps n’est ici que pour traduire l’esprit1099.

905. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

C’est un singulier personnage que ce revenant, dont tous les mots sont mystérieux et dont, à vrai dire, les marins du pays reconnaissent bien le corps mais point du tout l’âme. […] Ou bien, 2º l’âme survivant au corps, nous nous réveillons ailleurs pour continuer notre activité. […] Qu’est-ce en effet que le corps de l’homme quand la pensée n’y est plus, sinon une valise vide ? […] De quelque façon que le tombeau les traite, le corps des morts est terrible. […] Les hommes, qui sont tous venus ici volontairement, sont des malins de régiment qui entendent bien leur affaire ; les officiers ne peuvent pas rester dans le corps, à moins d’être très braves.

906. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J'aime, et parfois un ange avec un corps de femme Le soir descend du ciel pour dormir sur mon cœur.

907. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

En même temps que le corps se contracte par les frimas, la pensée se replie aussi sur elle-même ; la sensation du froid porte au repos, et le repos à la réflexion.

908. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Nul ne peut consentir, qui aime la langue française, à écrire fam, ten, cor, om, pour femme, temps, corps, homme.

909. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

La véritable religion nous enseigne que ce n’est pas par la force du corps que l’homme se doit mesurer, mais par la grandeur de l’âme.

910. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

En se dépouillant de leur corps, ils ne font que se dégager d’un obstacle qui s’opposait à leur union intime, et leurs âmes vont se confondre dans le sein de l’Éternel.

911. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Mon ami, je suis trop heureuse, le bonheur m’ennuie… ……………………………………………………………………………………………… Ne trouvant donc rien ici-bas qui lui suffise, mon âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir ; en s’élevant à la source du sentiment et de l’être, elle y perd sa sécheresse et sa langueur : elle y renaît, elle s’y ranime, elle y trouve un nouveau ressort, elle y puise une nouvelle vie ; elle y prend une autre existence, qui ne tient point aux passions du corps, ou plutôt elle n’est plus en moi-même, elle est toute dans l’être immense qu’elle contemple ; et, dégagée un moment de ses entraves, elle se console d’y rentrer, par cet essai d’un état plus sublime qu’elle espère être un jour le sien… ……………………………………………………………………………………………… En songeant à tous les bienfaits de la Providence, j’ai honte d’être sensible à de si faibles chagrins, et d’oublier de si grandes grâces… ……………………………………………………………………………………………… Quand la tristesse m’y suit malgré moi (dans son oratoire), quelques pleurs versés devant celui qui console, soulagent mon cœur à l’instant.

912. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

Le public a vu avec plaisir les préceptes de nos plus grands maîtres réunis dans un seul corps d’ouvrage ; & comme on n’a pas touché au style des morceaux qu’on a rassemblés, il y a de la variété dans chaque chapitre.

913. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

Et puis c’est une élégance dans les attitudes, dans les corps, dans les physionomies, dans les vêtements ; une tranquillité dans la composition ; une finesse ; tant de charmes partout, qu’il est impossible de les décrire.

914. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël » pp. 387-392

Les chevaux de Montécavallo font pitié par la proportion vitieuse de differentes parties de leurs corps, et principalement par leur encolure énorme, à tous ceux qui connoissent les chevaux d’Angleterre et d’Andalouzie.

915. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre X. De la chronologie poétique » pp. 235-238

Bientôt Saturne monte dans la septième sphère, Uranie contemple les planètes et les étoiles fixes, et les Chaldéens favorisés par l’immensité de leurs plaines deviennent astronomes et astrologues, en mesurant le cercle que ces astres décrivent, en leur supposant diverses influences sur les corps sublunaires, et même sur les libres volontés de l’homme ; sous les noms d’astronomie, d’astrologie ou de théologie cette science ne fut autre que la divination.

916. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

La tête de ce corps est l’Empereur, et dans ce qui concerne les intérêts communs de l’Empire il se gouverne aristocratiquement.

917. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Et sur la passion de la peinture de Bracquemond fils, d’après des vitraux, il me confesse avoir ce goût, et avoir travaillé à Chartres, à Reims, et à Notre-Dame, à Notre-Dame, qu’il a habitée la matinée, presque deux années, visitant tous les coins et les recoins des tours, au milieu de ces anges suspendus dans le ciel, ayant comme des mouvements de corps, pour se retenir et ne pas tomber en bas. […] « Votre œuvre, c’est d’après le cher modèle, qui prête la vie élégante de son corps à toutes vos compositions, une sorte de monographie de la femme, dans toutes les attitudes intimes de son chez-soi — dans le renversement las de sa tête, sur un fauteuil ; dans son agenouillement devant le feu d’une cheminée, avec le retournement de son visage contre le chambranle, et la fuite contournée du bas de son corps ; dans une rêverie, qui lui fait prendre dans la main la cheville d’une jambe croisée sur l’autre ; dans une lecture, avec le défrisement d’une boucle de cheveux le long de sa joue, quelque chose d’interrogateur au bout du nez, une bouche un rien entrouverte, où il y a comme l’épellement heureux de ce qu’elle lit ; dans le sommeil, où de l’enfoncement dans l’oreiller, émerge la vague ligne de deux épaules, et un profil perdu, au petit nez retroussé, à l’œil fermé par de noirs cils courbes. […] Je laisse au temps à faire justice, de ce qu’il y a de vrai ou de faux, de juste ou d’injuste, dans les attaques dirigées contre ma littérature et ma personne. » Dimanche 3 février Ce soir, on disait que la gauche poignée de main, qui se donne en tierce, avec le coude retourné contre le corps, vient des poignées de main, données par le prince de Galles, pendant un rhumatisme qu’il avait à l’épaule. […] Enfin il se décidait à se rendre chez son frère, un alcoolique prédicant, auquel il demandait la place par terre pour son corps. […] Ce soir Gyp, qui vient de passer deux mois au lit, Gyp, à l’élégance ondulante du corps, dans un fourreau de satin blanc, cause avec moi de sa maladie, sur une note comique, disant qu’elle entendait le médecin dire, derrière un paravent, à sa garde : « Voilà une petite dame qui est en train de se laisser couler ! 

918. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Vous, mon ami, qui connaissez si bien l’enthousiasme et son ivresse, dites-moi quelle est la main qui s’était placée sur mon cœur, qui le serrait, qui le rendait alternativement à son ressort, et suscitait dans tout mon corps ce frémissement qui se fait sentir particulièrement à la racine des cheveux qui semblent alors s’animer et se mouvoir ? […] C’est l’affaire du moment, de l’état du corps, de l’état de l’âme ; une petite querelle domestique, une caresse faite le matin à sa femme, avant que d’aller à l’attelier : deux gouttes de fluide perdues et qui renfermaient tout le feu, toute la chaleur, tout le génie ; un enfant qui a dit ou fait une sottise, un ami qui a manqué de délicatesse, une maîtresse qui aura accueilli trop familièrement un indifférent ; que sais-je ? […] J’ai vu un autre matelot entraîner après lui sa femme qu’il avait ceinte d’un câble par le milieu du corps, ce même câble fesait plusieurs tours sur un de ses bras, il nageait, ses forces commençaient à défaillir ; sa femme le conjurait de se sauver et de la laisser périr. […] C’est le corps d’une araignée dont tous les filets nerveux sont les pattes ou la toile. […] Je vous montrerais tantôt les pattes de l’araignée agissant sur le corps de l’animal, tantôt le corps de l’animal mettant les pattes en mouvement.

919. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Pendant le sommeil et alors que le corps est inerte, il y a une partie de l’homme qui se meut, qui voyage, qui combat, qui mange, jouit ou souffre, exerce tous les phénomènes de la vie ; cette partie de l’homme, ce double de l’homme, ce corps astral, survit à la décomposition du corps matériel dont il conserve les usages et les besoins. […] Les corps tombent en vertu de la loi de la pesanteur ; cela équivaut, dans le sérieux, à la bouffonne virtus dormitiva. […] Le premier étalon de la beauté a donc été la femme et, en général, le corps humain. […] C’est beau, puisque c’est un beau corps humain, tel que celui avec qui tout homme ou toute femme voudrait se joindre pour se perpétuer selon sa race. […] Qu’elles se fassent tailler ; elles sont maîtresses de leurs corps.

920. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Ô mon Dieu, donnez-moi la force nécessaire Pour contempler mon cœur et mon corps sans dégoût. […] Et c’est le sens aussi que je donne à sa passion de la yole, sur l’eau, le seul déplacement du corps qui lui plût. […] Éprouvant que la fonction de l’art est de donner aux idées un corps, Mallarmé se désespérait de ne point trouver dans son art raréfié les éléments de ce corps. […] Et tout Sully Prudhomme fait corps avec le Parnasse. […] S’il s’est enchanté d’une belle espérance elle fait corps avec son œuvre toute orientée vers elle.

921. (1813) Réflexions sur le suicide

La douleur physique et la douleur morale sont une et même chose dans leur action sur l’âme ; car la maladie est une peine aussi bien qu’une souffrance ; mais la douleur physique fait d’ordinaire périr le corps, tandis que les douleurs morales servent à régénérer l’âme. […] Les motifs qui déterminent à se donner la mort, changent tout à fait la nature de cette action ; car lorsqu’on abdique la vie pour faire du bien à ses semblables, on immole, pour ainsi dire, son corps à son âme, tandis que, quand on se tue par l’impatience de la douleur, on sacrifie presque toujours sa conscience à ses passions. […] Ne voit-on pas souvent le spectacle du supplice de Mezence renouvelé par l’union d’une âme encore vivante et d’un corps détruit, ennemis inséparables ? […] Ils diversifient alors par les exercices du corps le genre de vie qui nous paraît uniforme. […]   (une heure après) On a porté les restes de Guilford sous les fenêtres de la tour, un linceul couvrait son corps mutilé, à travers ce linceul une image horrible s’est offerte… Si le même coup ne m’était pas réservé, quelle est la terre qui pourrait porter le poids de ma douleur !

922. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« On ne peut douter que l’État ne soit naturellement au-dessus de la famille et de chaque individu ; car le tout l’emporte nécessairement sur la partie, puisque, le tout une fois détruit, il n’y a plus de partie, plus de pieds, plus de mains, si ce n’est par une pure analogie de mots, comme on dit une main de pierre ; car la main, séparée du corps, est tout aussi peu une main réelle. […] L’intérêt de la partie est celui du tout ; l’intérêt du corps est celui de l’âme ; l’esclave est une partie du maître ; c’est comme une partie de son corps, vivante, bien que séparée. […] Si quelques hommes l’emportaient sur les autres hommes autant que, selon la croyance commune, les dieux et les héros peuvent différer des mortels, à l’égard du corps qu’un seul coup d’œil suffit pour juger, et même à l’égard de l’âme, de telle sorte que la supériorité des chefs fût aussi incontestable et aussi évidente pour les sujets, nul doute qu’il ne fallût préférer la perpétuité de l’obéissance pour les uns, et du pouvoir pour les autres. […] Toutes trois admettent d’ailleurs la suprématie de la majorité, puisque, dans les unes comme dans les autres, la décision prononcée par le plus grand nombre des membres du corps politique a toujours force de loi.

923. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

C’est l’Andromaque d’Hector agenouillée sur une tombe vide, gardant un amour unique et la fidélité du coeur dans l’involontaire infidélité d’un corps d’esclave ; l’amoureuse amitié de Nisus et d’Euryale ; Pallas, ou la grâce de la jeunesse fauchée ; la blonde amazone Camille, la jeune aïeule des « travestis » héroïques, de Clorinde à Jeanne d’Arc… Et c’est, partout, l’ombre de la grande Louve, la majesté du peuple romain, régulateur et pacificateur du monde, le sentiment de sa mission, de sa « vocation » terrestre, crue et révérée comme un dogme religieux : Excudent alii… Tout cela ramassé, condensé en expressions choisies, d’une brièveté profondément significative, et qui se prolongent et qui retentissent dans le coeur et dans l’imagination. […] Cette blonde réjouie, expansive, drue, d’un sang passionné (vous vous rappelez la sombre ardeur de son aïeule Chantal, enjambant le corps d’un fils pour entrer au cloître), cette femme trop bien portante, veuve à vingt-six ans et qui demeura évidemment honnête, eut pour exutoires ses lettres — et Mme de Grignan. […] Mais le bruit et le spectacle, quoique lointains, de la Terreur, achevèrent de détacher Joubert de ce brutal monde des corps. […] Il remarque que l’homme n’habite que sa tête et son cœur ; que la langue est une corde et la parole une flèche ; que l’âme est une vapeur allumée dont le corps est le falot ; que certaines âmes n’ont pas d’ailes, ni même de pieds pour la consistance, ni de mains pour les œuvres ; que l’esprit est l’atmosphère de l’âme, qu’il est un feu, dont la pensée est la flamme ; que l’imagination est l’œil de l’âme. […] Le héros du livre, ayant mâché la cendre amère que la faute laisse après soi, n’a plus de repos qu’il n’ait trouvé une grande cause humaine et chrétienne à qui dévouer son corps et son âme, et se précipite de l’amour dans la charité … On sait que jamais tant de soutanes n’ont traversé les romans, ou même les comédies, que depuis une dizaine d’années, soit réveil d’un vague et équivoque mysticisme, soit recherche de ce que peuvent mêler de piment aux choses de l’amour les choses de la religion.

924. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Tout de même elles ne sont pas entièrement adventices, ni postiches ; elles finissent par former corps avec le moi. […] Il le montre d’abord immanent pour ainsi dire au corps de l’enfant et ne cherchant, ni ne soupçonnant même aucune satisfaction extérieure. […] C’est sans doute l’existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose, qui nous induit à supposer que tous nos biens intérieurs, nos joies passées, toutes nos douleurs sont perpétuellement en notre possession. […] Et tandis qu’elle passait, légère, apaisante et murmurée comme un parfum, lui disant ce qu’elle avait à lui dire et dont il scrutait tous les mots, regrettant de les voir s’envoler si vite, il faisait involontairement avec ses lèvres le mouvement de baiser au passage le corps harmonieux et fuyant. […] Il la présente même sous un aspect encore bien plus général, puisqu’il affirme que nous sommes composés « de séries différentes et parallèles » et puisqu’il insinue que l’unité seule de notre corps peut nous donner l’illusion d’une unité de notre personnalité.

925. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Une flèche dans un corps aussi tendre serait comme la flamme dans une touffe de coton. […] ne faut-il pas que le vénérable ermite ait perdu, par l’âge, l’intelligence, pour souffrir que de si grossiers vêtements enveloppent un si beau corps ? […] « Je vais », dit-il, « faire camper ma suite à quelque distance dans la forêt, afin d’avoir la liberté de la revoir ainsi encore, car seule elle occupe mon âme tout entière ; en vain je voudrais m’éloigner, mon corps peut bien tenter de le faire, mais mon âme toute troublée rétrograde vers elle : telle la flamme de l’étendard que l’on porte contre le vent !  […] Avec quelle volupté tout mon corps, consumé par la fièvre ardente, est caressé par ce doux zéphyr chargé des émanations parfumées du lotus, et des gouttes légères d’une rosée rafraîchissante qu’il vient de dérober en se jouant sur les vagues à peine sensibles du Malini ! 

926. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Elles feront toujours partie de ce corps de réserve qu’il se ménage pour les besoins. […] L’amour voluptueux énerve les esprits ainsi que les corps. […] Depuis Boileau, nous n’avons point eu de Poëte, du moins célébre, qui ait donné un corps de Satyres. […] Pesselier, auteur d’un corps de fables écrites d’un style net, & de quelques piéces de théatre aussi mêlées d’apologues ; M. de Fresnai, dont nous avons un recueil de Fables grecques, ésopiques & sibaritiques, distribuées en deux volumes in-12., & imprimées à Orléans en 1750. ; M.

927. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Nous n’avons plus à nous émerveiller de voir l’aiguillon de l’Abeille causer sa propre mort ; de ce que de faux Bourdons soient produits en si grand nombre pour accomplir un seul acte générateur et pour que la plupart d’entre eux soient tués par leurs sœurs stériles ; de la haine instinctive de la reine pour ses propres filles fécondes ; de l’énorme quantité de pollen perdue par nos Pins ; de ce que l’Ichneumon se nourrisse du corps vivant de la Chenille, et de tant d’autres cas semblables. […] Même si l’on considère les deux divisions principales du monde organique, c’est-à-dire le règne animal et le règne végétal, nous voyons que certaines formes inférieures sont si parfaitement intermédiaires en caractères, que des naturalistes ont disputé dans quel royaume elles devaient être rangées ; et, comme le professeur Asa Gray l’a remarqué, « les spores et autres corps reproducteurs de beaucoup d’entre les algues les moins élevées de la série peuvent se targuer d’avoir d’abord les caractères de l’animalité et plus tard une existence végétale équivoque. » Ainsi, en partant du principe de sélection naturelle, avec divergence de caractères, il ne semble pas incroyable que les animaux et les plantes se soient formés de quelque forme inférieure intermédiaire. […] Cependant un certain nombre d’espèces, se maintenant en corps, pourraient se perpétuer sans changements pendant de longues périodes, tandis que, pendant le même temps, plusieurs de ces espèces, venant à émigrer en d’autres contrées et à entrer en concurrence avec des associés étrangers, se seraient modifiées ; de sorte qu’il ne nous faut pas surfaire la valeur du mouvement de transformation organique considéré comme exacte mesure du temps. […] On dirait qu’une fois le corps parvenu à ses derniers perfectionnements, c’est-à-dire à la spécialisation la plus complète possible des organes purement vitaux, un seul organe, le cerveau, garde encore la faculté de se perfectionner en spécialisant de plus en plus.

928. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Elle fait du corps aristocratique un gouvernement très intelligent qui arrive vite à n’appliquer son intelligence qu’à son intérêt. […] Une noblesse héréditaire est un bon corps intermédiaire54. […] Elle est un excellent corps de veto ; c’est la « faculté d’empêcher » qui est son office propre55. — Le clergé est un corps intermédiaire assez utile. […] Le Corps législatif y étant composé de deux parties, l’une enchaînera l’autre par sa faculté mutuelle d’empêcher. […] Cela se tient, cela fait corps ; Victor Hugo en fera de beaux poèmes toute sa vie ; cela enfin peut se soutenir. — Eh bien !

929. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

C’est avec elle, c’est du revers des Alpes à l’Apennin et de l’Apennin aux Alpes qu’il fit ses débuts et toutes ses campagnes, qu’il gagna tous ses grades, jusqu’à celui de général de division et au commandement en chef d’un corps d’armée. […] Langlois, mon intime ami, blessé en tête de sa colonne, et la balle dans le corps, élevait encore son épée en avançant et en excitant le soldat, jusqu’au moment où il est tombé de faiblesse.

930. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Ce fut lui que Bonaparte, avant de quitter Milan pour Rastadt (16 novembre 1797), chargea, avec le général Andréossy, de porter le drapeau de l’armée au Directoire, et il confirma cette mission d’honneur par un magnifique éloge qui est devenu la récompense historique suprême : Je vous envoie le drapeau dont la Convention fit présent à l’armée d’Italie, par un des généraux qui ont le plus contribué aux différents succès des différentes campagnes, et par un des officiers d’artillerie les plus instruits de deux corps savants qui jouissent d’une réputation distinguée dans l’Europe. […] Ce furent les dernières paroles qu’il prononça, car il fut aussitôt atteint d’une balle qui le renversa mort. » On reporta son corps à Saint-Cyr, qui cacha cette mort aux troupes jusqu’à la fin de la journée.

931. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Parmi les sept démons dont on dit qu’elle fut possédée et que Jésus eut à faire sortir d’elle, il en est un, du moins, auquel elle ne s’est pas livrée tout entière, corps et âme. […] » — « A la dernière mode. » — « Et le corps ? 

932. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

. — On enlève le corps ; on se met en marche. […] C’est à ce moment que cette sœur éplorée s’étant approchée imprudemment trop près de la flamme, Pamphile éperdu, hors de lui, s’élance, déclarant en cet instant tout cet amour si longtemps caché ; il accourt, il saisit la femme par le milieu du corps : « Ma chère Glycère, s’écrie-t-il, que fais-tu ?

933. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Vainement, fatigué de rapports vagues sur l’existence de tel ou tel corps de troupes, je voulais parvenir à en connaître la composition ; vainement j’exigeais des indications de localités, de régiments, de bataillons ou de compagnies : en me répondait par des masses, et on dédaignait les modestes détails qui m’étaient précisément nécessaires. […] Il n’épargne ni le roi Jérôme qui, durant son passage à Varsovie, s’était renfermé dans son rôle de général en chef d’un des corps de la grande armée, et s’était abstenu soigneusement, avec une intention marquée, de tout ce qui aurait pu blesser le roi de Saxe, souverain du pays, ou gêner l’ambassadeur extraordinaire de l’Empereur, — il n’épargne ni le maréchal Davout, ce grand militaire et qui eut en face de l’ennemi, dans les moments les plus difficiles, de si belles inspirations couronnées par la victoire, ni Vandamme, alors persécuté, ni le duc de Bassano, dépouillé de tous ses pouvoirs et honneurs, ni personne…, ni M. 

934. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Ce sentiment ne prit point corps ni figure : Maurice, pauvre et n’ayant rien à offrir, alla à Paris suivre ses études, s’attacha à M. de Lamennais, le quitta, donna des leçons, essaya de la vie littéraire ; distrait et guéri, une jeune fille riche, une de ses élèves créole, se rencontra qui se prit de goût pour lui ; il se maria pour mourir presque aussitôt. […] Mais pour être plus à l’aise dans notre comparaison avec la protestante zélée moins classique, moins pure de lignes, plus imprévue, plus saine aussi d’âme et de corps et plus vivace, nous avons à examiner avec quelque détail les récents écrits de Mme de Gasparin, et c’est ce que nous ferons.

935. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Je sais toutes les exceptions qu’on peut faire, elles me reviennent et se lèvent devant moi en ce moment : je salue tous ces grands beaux hommes spirituels ; mais en fait il n’en est pas moins vrai que cela semble une singularité de trouver l’esprit d’un abbé Galiani dans le corps d’un grenadier. […] Ceux qui ne l’aimaient pas, ceux qui prétendaient qu’il avait tourné trop tôt casaque au régime qu’il avait servi, et qu’il faisait trop aisément bon marché de cette sorte de pusillanimité plus en vue chez lui que chez d’autres, allaient jusqu’à dire que « c’était l’âme d’Arlequin dans le corps d’Alcide (ou d’Achille). » Je remarquerai simplement que M. 

936. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Mais c’est sur eux, la plupart, que nous vivons dans cette série dès longtemps entreprise ; ce sont eux qui formeront en définitive le corps de réserve et d’élite de la poésie du dix-neuvième siècle contre le choc du formidable avenir, et qui montreront que les gloires de quelques-uns n’ont pas été des exceptions ni des accidents. […] A la manière dont le corps de bataille m’apparaît rangé et comme en si bel ordre après la lutte, il est évident que je ne considère point la bataille elle-même comme perdue.

937. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

C’est ne plus voir qu’une idée, lui rapporter tout, et n’apercevoir que ce qui peut s’y réunir : il y a une sorte de fatigue à l’action de comparer, de balancer, de modifier, d’excepter, dont l’esprit de parti délivre entièrement ; les violents exercices du corps, l’attaque impétueuse qui n’exige aucune retenue, donne une sensation physique très vive et très enivrante : il en est de même au moral de cet emportement de la pensée qui, délivrée de tous ses liens, voulant seulement aller en avant, s’élance sans réflexion aux opinions les plus extrêmes. […] Les géomètres rappellent à eux la certitude par des moyens assurés ; mais dans cette sphère d’idées où les sensations, les réflexions, les paroles mêmes, s’aident mutuellement à former le corps des vraisemblances, quand les mots les plus nobles ont été déshonorés, les raisonnements les plus justes faussement enchaînés, les sentiments les plus vrais opposés les uns aux autres, on se croit dans ce chaos que Milton aurait rendu mille fois plus horrible, s’il l’avait pu représenter, dans le monde intellectuel, confondant aux yeux de l’homme le juste et l’injuste, le crime et la vertu.

938. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Cependant elle est si bien ancrée dans leur pensée, qu’ils ont un syndicat et un cercle, et sont formés en société professionnelle comme d’autres corps de métier. […] Ils n’ont plus d’esthétique toute faite, ils ne se réfèrent plus à un corps d’idées, ils tiraillent isolément.

939. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

La solidité, l’étendue et l’espace, qui sont les propriétés fondamentales du monde matériel, répondent à certains mouvements et énergies de notre propre corps, et existent dans notre esprit, sous forme de sentiments de force, d’impressions visuelles et tactiles. […] Nous tournons la tête à droite et à gauche ; nous remuons notre corps et notre perception varie ; nous arrivons ainsi à distinguer les choses que nos mouvements font changer de place, des idées ou rêves qui varient d’eux-mêmes, quand nous sommes au repos.

940. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Meckel prétend que, relativement aux nerfs et au corps entier, c’est chez la femme que l’on trouve le cerveau le plus volumineux. […] Parchappe, au contraire, affirme « que l’encéphale de la femme est plus petit que celui de l’homme, sans être sensiblement plus grand par rapport à la masse du corps : il ne compense donc pas son infériorité absolue par une supériorité relative. » Enfin Gratiolet n’a pas d’opinion particulière sur ce sujet ; seulement il hésite à se prononcer sur la question d’inégalité intellectuelle, et pour lui la diversité des fonctions n’entraîne pas nécessairement l’idée d’une infériorité absolue.

941. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Cependant cette France qu’André Chénier célébrait en vers larges et mélodieux, ce n’était encore que la France extérieure en quelque sorte, vue et décrite à la surface, le corps de la France qu’il appartient au poète d’admirer et de faire admirer, mais qui n’est pas la France tout entière. Après André Chénier — et je suis surpris que ce sujet n’ait tenté aucun des grands poètes contemporains — il restait à glorifier la même patrie, mais sous un tout autre aspect, dans l’éclat de ses actes héroïques, dans le rayonnement de ses idées, dans l’illumination de ses chefs-d’œuvre ; il restait à chanter l’hymne filial, non plus seulement à ce corps toujours renouvelé de la France, mais à son âme transmise d’âge en âge et non moins opulente et non moins féconde, l’hymne à la France pensante et créatrice, nourricière des intelligences et fertile pour le genre humain.

942. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Je devrais enseigner ici comment se forment les traditions, comment les systèmes allégoriques prennent un corps, comment des êtres moraux s’individualisent, en quelque sorte, et sont revêtus d’un nom de personnage. […] L’idéal, pour la peinture, doit se concentrer sur la noble figure de l’homme, et abandonner le reste du corps.

943. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Le capitaine d’Arpentigny, l’auteur d’un livre charmant sur la physionomie de la Main, et dans son temps, la plus élégante cravache des Gardes du Corps, oublia qu’il en avait une, ce jour-là, et couvrit du mépris le plus miséricordieux et le plus gai cette Furie… C’est à travers ces attitudes — légendaires déjà — qu’on verra toujours Mme Colet, quand on s’avisera de la regarder. […] Alfred de Vigny, lui-même, ce cygne, s’abattit un instant, sur cette mare… Avec une vanité littéraire qui ressemblait à de l’hystérie, Mme Louise Colet, ce bas-bleu putipharéen, aux Joseph récalcitrants parmi les faiseurs d’articles — comme Sainte-Beuve, par exemple, qui n’entendit jamais à rien et qui lui jeta, à cette lamproie, son secrétaire, Octave Lacroix, pour s’en débarrasser, Mme Colet avait trop d’impétuosité dans l’amour-propre pour être habile ; mais elle n’en était pas moins intrigante au profit du talent qu’elle croyait avoir ; dévouée, corps et âme, à sa fortune littéraire et à des besoins de publicité dont aucune femme n’eut la rage au même degré qu’elle… Son ambition était d’être poëte, encore plus qu’écrivain…, mais cette femme du pays de la poésie facile, cette Phocéenne plus de Marseille que de Phocée, était, en poésie, à ses compatriotes Barthélémy et Méry, ce qu’un sureau vidé est à des flûtes.

944. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Imaginez la nature sans mouvement : tout est mort ; plus de communication ; l’univers n’est qu’un assemblage de masses isolées et de corps sans action, éternellement immobiles. […] Le sentiment est ce qui les agite et les remue ; il circule comme le mouvement ; il a ses lois comme le choc des corps.

945. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

On se demande de loin comment il se fait qu’un corps éminent comme l’Académie ait le don d’attirer, de susciter des noms si secondaires, en même temps que de plus hautement désignés s’en éloignent et s’en abstiennent.

946. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Sur mon front de cinq ans, j’avais toujours des fleurs ; Le temps, comme une plume, emportait les douleurs     Et de mon corps et de mon âme ; Une rose en avril me jetait en transports ; De la vie en mes sens abondaient les trésors ;     Je voltigeais comme une flamme.

947. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

pour cela , répondit du Perron, je crois que le lieutenant n’ordonnera pas qu’on la prenne au corps.

948. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

Il proposa son portrait à peindre à son rival qui s’y refusa par modestie ; c’est celui où il a le devant du chapeau rabattu, la moitié du visage dans la demi-teinte et le reste du corps éclairé.

949. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

À l’heure qu’il est, sa méthode étonne : « C’est lui qui chercha la pierre philosophale par la voie humide, — dit Dumas, très opposé à l’alchimie, en professeur qu’il est, — mais, en employant la distillation comme moyen, il a fixé l’attention sur les produits volatils de la décomposition des corps. » On en conviendra, quelle haute et quelle intéressante étude que celle de l’illuminisme, se produisant dans de tels cerveaux !

950. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

De même la métaphysique poétique des premiers humains les frappa d’abord par la crainte de Jupiter, dans lequel ils reconnurent le pouvoir de lancer la foudre, et terrassa leurs âmes aussi bien que leurs corps, par cette fiction effrayante.

951. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Tous les corps offrent des contours. […] Mais le lévitisme organisé en corps sacerdotal, c’est de l’époque de la reconstruction du temple. […] Nana est une belle bête au corps magnifique et malfaisant, stupide, sans grâce et sans cœur, ni méchante ni bonne, irrésistible par la seule puissance de son sexe. […] Et puis, soyons sincères, n’est-ce pas la souffrance du corps qui est la plus terrible ? […] Remarquez que l’héroïne de La Fontaine est une bachelette « au corps gent » : celle de M. de Maupassant est une grande fille brune.

952. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Passons au chapitre « de la cure du corps en la pucelle ». Il n’y est question que de corps à « débiliter », que d’« ardeur de jeunesse » à réfréner et à éteindre. […] Dès lors, les misères de leur corps pouvaient se tourner pour eux en drôleries : ils n’étaient point humiliés par elles. […] Alors la reine se redresse et, devant tous : « On m’a accusée de folie, dit-elle, pour avoir exhumé le corps de mon mari. C’est que, je vais vous dire, ce corps est un témoin ! 

953. (1923) Au service de la déesse

Il n’avait presque plus de corps. […] Suzanne, qui rentre chez nous, s’écrie ou chante : « Voilà que je t’arrive sans valise, ô France, mais avec un corps préparé pour toi, avec la soif et la faim, un corps à jeun pour ton vin et ton omelette ; et voici le soleil qui se lève ! […] Il partit cependant pour Verdun, avec le vingtième corps : une troisième blessure le mit hors de combat. […] Comment s’est maintenue, au cours de la guerre, l’entente, pour ainsi dire, du corps et de l’esprit : voilà l’histoire intime de la guerre. […] Le corps est restauré dans la puissance et la majesté.

954. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

A voir s’avancer sous nos yeux un couple d’amants, nous discernons par la seule inclinaison des corps, qui des deux est le plus touché. […] Elle vérifie, en l’intervertissant dans la forme, mais se livrant avec délice dans le fait, la parole saisissante : « Ce que la femme entend par amour est assez clair : complet abandon de corps et d’âme. […] Un corps de rythme et d’harmonie, où chaque organe contribuait à la perfection de l’ensemble, et donnait ainsi l’impression, pris à part, d’une chose parfaite ! […] Les femmes de Mme de Noailles cèdent avec délice au joug du mal sacré, « tendres corps qui se penchent et avancent, tendus vers les mains des hommes ». […] Il y a, dans ces strophes, tels visages aux contours suaves, telles lignes pliantes du corps, qui ne laissent aucun doute sur la vraie complaisance de l’artiste.

955. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

MM. les officiers de tous les corps se tiendront prêts à faire à M. Horace Vernet une visite de corps. […] La scène se passe sur une guillotine et sur le corps d’un guillotiné ; le squelette de la Mort qui domine tient en main et lit le journal le Peuple ; un peu au-dessous, un jeune Asiatique joue de la flûte sur un os perforé : dans le fond, ce ne sont qu’incendies et ruines.

956. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Et remarquez que, le Tiers-état étant le seul corps qui gagne et épargne, presque tous ces créanciers sont du Tiers-état. […] » — Mettons fin « à ce crime social, à ce long parricide qu’une classe s’honore de commettre journellement contre les autres… Ne demandez plus quelle place enfin les privilégiés doivent occuper dans l’ordre social ; c’est demander quelle place on veut assigner dans le corps d’un malade à l’humeur maligne qui le mine et le tourmente, … à la maladie affreuse qui dévore sa chair vive ». — La conséquence sort d’elle-même : extirpons l’ulcère, ou tout au moins balayons la vermine. […] Désormais, avec ou sans les privilégiés, il sera, sous la même dénomination, appelé le peuple ou la nation. » — N’objectez pas qu’un peuple ainsi mutilé devient une foule, que des chefs ne s’improvisent pas, qu’on se passe difficilement de ses conducteurs naturels, qu’à tout prendre ce clergé et cette noblesse sont encore une élite, que les deux cinquièmes du sol sont dans leurs mains, que la moitié des hommes intelligents et instruits sont dans leurs rangs, que leur bonne volonté est grande, et que ces vieux corps historiques ont toujours fourni aux constitutions libres leurs meilleurs soutiens.

957. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Et dans ce moi, composé d’un être double, d’une âme qui pense et don corps qui a des besoins certains, mais si difficiles à démêler d’avec ses passions, pour qui sera la préférence, ou de l’âme qui ne pense que des choses douteuses et ne remue que des obscurités ? ou du corps dont les instincts sont si clairs et si impérieux ? […] Cette tentative, souvent heureuse, de recueillir en un corps tous les préceptes de la sagesse humaine, de les ranger dans un ordre naturel, de les traiter successivement, donna le goût des ouvrages méthodiques.

958. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

De même que dans les arts du dessin et de la scène, voire dans l’art un peu frivole de la danse, le travail seul nous donne une main sûre, un geste aisé, la grâce et la souplesse des mouvements, de même dans les ouvrages de l’esprit c’est par le travail que nous nous débarrassons des fausses impressions, de l’humeur, de la tyrannie du corps, de l’imitation, du désir de briller, de la vanité, de tout ce qui nous empêche d’être naturels. […] Chassez les soupirants, belles   ; souffrez mon livre   : Je réponds de vous corps pour corps.

959. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Ce costume ne les gêne pas pour causer des choses supérieures ; mais l’idée ne leur viendrait pas, en un tel habillement, de fumer un cigare ensemble, ou de tenir d’humbles propos, ou de reconnaître les plus légitimes exigences du corps. […] Or nous savons bien que l’ordre temporel est vide, vain, creux et frivole, que nous craignons de donner du corps même à l’amitié. […] Une bonne humeur, difficilement altérable, résultat d’une bonne santé morale, résultat elle-même d’une âme bien équilibrée et d’un corps supportable, malgré ses défauts, m’a jusqu’ici maintenu dans une philosophie tranquille, soit qu’elle se traduise en optimisme reconnaissant, soit qu’elle aboutisse à une ironie gaie.

960. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Au milieu, étendu sur un bouclier, gît le corps de Siegfried. […]   — « Que de fortes bûches soient empilées, là, au bord du Rhin, en amas : haut et clair, flambe le brasier, par qui le noble corps du plus auguste Héros soit consumé ! Menez ici son cheval, à fin qu’avec moi, il suive le Grand : car partager du Héros le très sacré honneur, est le désir de mon corps.

961. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Et d’abord une grande pièce éclairée par le jour morne d’une cour, et, tout autour, dans des poses affaissées et pleurantes, les hardes de la morte, hardes de femmes, hardes de reines ; les sorties de bal de satin blanc et les robes d’Athalie, tous les chiffons-reliques de ce corps, tous les costumes de cette gloire, accrochés en grappes, comme aux murs d’une Morgue, avec un aspect d’enveloppes fantomatiques et de vêtements ondoyants et radieux de rêves, immobilisés et morts au premier rayon du jour. […] Ce ne sont que les peuples usés, les peuples auxquels ne suffisent plus les sièges de fer et les bains de marbre, les peuples au corps douillet et lassé, les peuples mélancolieux et anémiés, les peuples attaqués de ces maladies de vieillesse qui viennent aux arbres fruitiers qui ont trop porté. […] * * * — Tous ces temps-ci, détente complète de l’activité physique et morale ; une somnolence qui irait à des nuits de dix-huit heures ; — dans l’éveil les yeux paresseux à voir, à observer ; — notre regard, sans notre pensée, feuilletant les livres et se traînant de l’un à l’autre ; — un grand effroi de faire moins que rien ; — la tête vide et pourtant lourde ; — le sang comme envahi par la lymphe ; — un lâche ennui ; — le remuement de la cervelle et du corps aussi durs pour nous que pour l’aï, qui passe une journée à se dérouler de son arbre ; — un état de l’âme sur lequel tout passe sans la secouer : les distractions, l’orgie, les grattements de vanité. — C’est la maladie qui vient aux activités retraitées, aux têtes qui restent trop longtemps à se reposer, à nous qui, depuis cinq mois, ne vivons pas dans une œuvre et pour une idée.

962. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan, qui est un mandarin actuel, nous annonce un moment où la planète la Terre n’appartiendra plus qu’à un corps constitué de Mandarins ou à un Mandarin unique, qui pourra tout, parce qu’il saura tout, et qu’avec sa science il pourra faire sauter la mappemonde, si elle s’avise de lui résister. […] Renan, pour obéir à ses devoirs d’empereur et d’homme d’État, charge d’âmes qu’il devait préférer aux corps et lutte de vertus !!! […] Son scepticisme est le scepticisme le plus corsé qu’on ait encore vu dans l’Histoire, si l’on peut dire « corsé du scepticisme qui n’a pas de corps.

963. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

bien que la parole soit impuissante contre les mortelles blessures que je vois si pressées sur ton beau corps, je veux exhaler des soupirs tels que les attend le Tibre, l’Arno et le Pô, dont j’habite les rives, douloureux et pensif. […] Comme il était arrivé jadis aux Romains, dans leurs premiers combats de mer contre Carthage, les galères des deux partis se heurtant et s’accrochant avec des crampons de fer, le combat était devenu souvent un duel de pied ferme et corps à corps, où les vieilles bandes d’Espagne, les Italiens et les Grecs vainquirent, après cinq heures de mêlée.

964. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

si doucement, contre son cœur le tendre enfant de ses rêves, ne nous disent rien à la manière d’une anecdote, mais elles suggèrent l’émotion chez le spectateur par la perspective lointaine où se réfugie cet attouchement frêle du corps à corps. […] Le sculpteur doit s’attacher au corps matériel et à ses formes : Rodin parle directement aux sens. […] En sanctifiant notre corps, ils assujettissent les passions de la chair à notre volonté. […] de la communion par laquelle je participe au corps de Dieu ! Quiconque croit que ma foi n’est pas sincère ne connaît pas l’extase de recueillir dans son corps la chair même du Seigneur.

965. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Ce prêtre-soldat déserte son corps, naturellement ; et, sur une grande route, il rencontre une femme. […] Jamais de repos, sinon lorsqu’on avait un biscaïen dans le corps ou la fièvre jaune dans le sang. […] Le corps n’est pas lourd. […] Ils le bordent comme s’il était dans un lit, et, en le maniant, ils s’étonnent que la maladie ait fait une chose si légère d’un corps robuste. […] Son fils s’étant couché en travers de la porte pour l’empêcher de partir, elle lui passa sur le corps.

966. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

On ne voit point de joye plus vive dans l’iliade que celle des vainqueurs acharnés sur le corps des vaincus : et à la maniere dont tout s’y passe, on diroit que la vengeance étoit alors le souverain bien des dieux et des hommes. […] La grande différence des exploits n’est fondée le plus souvent que sur la force du corps qu’Homere confond presque toujours avec la valeur ; sur la vitesse des chevaux, la bonté des chars, et, ce qu’il y a de pis, sur les prodiges. […] Homere descend jusqu’à dire, en beaux termes, si l’on veut, mais toujours bien clairement, qu’elle se décrassa tout le corps avant que de le parfumer ; idée qui ternit mal à propos une image d’ailleurs toute gracieuse. […] Priam ne se seroit point avisé de redemander le corps de son fils, si Jupiter ne lui en eût donné l’ordre par Iris. […] Hector reprend courage à la vûe d’un second, et résolut enfin de combatre Achille, il lui fait seulement des propositions d’humanité pour le corps de celui qui sera vaincu.

967. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

La faculté générale de marcher, de courir, de mouvoir son corps, n’est que la somme de ces habitudes élémentaires, dont chacune trouve son explication propre dans les mouvements spéciaux qu’elle enveloppe. […] Il fait corps avec la société ; lui et elle sont absorbés ensemble dans une même tâche de conservation individuelle et sociale. […] C’est elle surtout qui vivifie, ou plutôt qui vitalise, les éléments intellectuels avec lesquels elle fera corps, ramasse à tout moment ce qui pourra s’organiser avec eux, et obtient finalement de l’énoncé du problème qu’il s’épanouisse en solution. […] Il est insensible au froid et à la faim, nullement ascète, mais libéré du besoin et affranchi de son corps. […] A l’âme socratique ils ont fourni un corps de doctrine comparable à celui qu’anima l’esprit évangélique.

968. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Il mangeait son pain, (le pain du corps), d’un meilleur appétit, et sa cuisse de bœuf, il buvait son vin d’un meilleur cœur qu’un compagnon d’Achille, (à plus forte raison qu’un compagnon d’Ulysse). […] L’ordre règne dans le corps même. […] Il va, il descend de la vie vers l’œuvre, de l’œuvre vers tout le détail, du corps de l’œuvre vers tout le détail de l’œuvre. […] C’étaient des chaînons qui manqueraient à une chaîne, non point, nullement une tête qui manquerait à un corps, mie couronne à une tête. […] C’est un corps d’annelé, plus annelé même qu’un corps d’annelé, c’est un corps sans chef et sans couronne.

969. (1901) Figures et caractères

Les mélancolies de l’esprit se mêlèrent aux souffrances du corps. […] Les esprits y sont dans les corps, les corps dans l’attitude de leurs passions, les passions dans leur origine terrestre et spirituelle. […] Sa langue est classique, fortement constituée, bien en corps, solide au vieux sol latin. […] Les maux du corps se joignirent à ceux de l’esprit. […] Le corps, rejeté par les flots, fut recueilli par Leigh Hunt et par Byron.

970. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

L’auteur de ces Souvenirs, que déjà de grands dons de nature et d’art recommandent à l’admiration, aurait peine à éluder, en s’offrant sous une autre forme au jugement du monde, cette disposition un peu maligne qu’il a de ne louer qu’à son corps défendant, si l’absence de toute prétention d’abord, et puis une cordialité noble, sociable, une nature manifestement bienveillante et généreuse, n’engageaient le lecteur qui a tant de fois applaudi.

971. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

Ensemble heureusement accompagné par la cravate de soie blanche qui entoure son cou, et par la veste de velours noir qui habille son corps d’athlète.

972. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Il est probable que, dans une anthologie des poètes depuis 1885, des morceaux comme la Complainte des nostalgies préhistoriques, la Complainte de la Lune en province, celle du Pauvre Corps humain, celle de l’Oubli des morts, tels lieds de l’Imitation de Notre-Dame la Lune, ou la pièce ix des Derniers vers, apparaîtraient comme de passionnés et poignants chefs-d’œuvre pour porter avec un parfait honneur le nom de Jules Laforgue.

973. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Pour montrer combien il respecte la Magistrature, il dit du Parlement de Paris, que c’est un Corps d’assassins, & cite en toutes lettres deux de ses Membres les plus respectables & les plus vénérés du Public, comme les auteurs d’un jugement, qu’il appelle atroce.

974. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Ses Instructions pour les Magistrats, son Essai sur le Droit public, ses Ecrits sur les Belles-Lettres, ses Instructions pour l’éducation de son fils, sont autant de monumens qui renferment, chacun en particulier, une raison supérieure, des traits brillans dont se forment un grand corps de lumiere qui éclaire l’esprit autant qu’il échauffe le cœur.

975. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Duverdier parle en ces termes de cette femme cavalière, poëte, musicienne & débauchée : « C’étoit chez elle lecture de bons livres Latins & vulgaires, Italiens & Espagnols, dont son cabinet étoit copieusement garni ; collation d’exquises confitures… enfin leur communiquoit privement les pièces les plus secrettes qu’elle eut, &, pour dire en un mot, faisoit part de son corps à ceux qui fonçoient ; non toutefois à tous, & nullement à gens méchaniques & de vile condition, quelque argent que ceux-là eussent voulu lui donner.

976. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Cette découverte fit changer de face à la création : par sa partie intellectuelle, c’est-à-dire par cette pensée de Dieu que la nature montre de toutes parts, l’âme reçut abondance de nourriture ; et par la partie matérielle du monde, le corps s’aperçut que tout avait été formé pour lui.

977. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Une mère pleure sur son enfant noyé ; cependant le vent applique ses vêtements contre son corps, et vous en fait discerner les formes ; des marchandises se balancent sur les eaux, et des passagers sont entraînés au fond des gouffres.

978. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Dans le berceau voisin, le jeune Hercule assis tient par le cou un serpent de chaque main, et s’efforce des bras, du corps et du visage, de les étouffer.

979. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Un general qui donne une bataille fait-il reflexion si le terrain qu’il fait occuper par son corps de reserve seroit propre pour y asseoir une maison de campagne ?

980. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Il ne faut pas que les figures s’estropient l’une l’autre en se cachant reciproquement la moitié de la tête ni d’autres parties du corps, lesquelles il convient au sujet que le peintre fasse voir.

981. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Mais comme elles ne se sont polies que long-temps après s’être formées en un corps politique ; comme les usages nationaux étoient déja établis et même fortifiez par le long-temps qu’ils avoient duré, quand ces nations se sont cultivées par une étude judicieuse de la langue grecque et de la langue latine ; on a bien poli et rectifié ces usages, mais il n’a pas été possible de les changer entierement.

982. (1908) Après le naturalisme

Avec le roman et le théâtre, elle constitue la Littérature une et entière et la grande révolution qui transformera les deux autres genres, la renouvellera de la même manière comme le sang circule dans toutes les parties du corps. […] Mais si la vie sociale ne ressemble point à la vie organique, elle ne doit point se cristalliser selon les forces de la nature incluses dans tout corps, car son mode propre lui manque alors complètement et elle se fait faillite à elle-même, accablant du poids de sa banqueroute chacun de ses participants. […] En nous, par le corps, cet univers gravite. […] Avec le pain du corps, que nul ne conteste, le pain de l’esprit. […] Où elle ne se réalisera plus, plus rien que l’existence matérielle des corps sans conscience.

983. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

En Angleterre, il y a cinq ans, j’ai eu la même sorte d’hypocondrie, mais accompagnée d’une soif si violente, que j’ai bu jusqu’à quinze bouteilles d’eau de seltz en une nuit après m’être mis au lit, sans cesser d’avoir soif, faisant sauter le cou des bouteilles par pure impatience de soif… » Esprit et corps, on se ruinerait à moins tout entier. […] D’esprit, de corps, il lutte ou se prépare à la lutte1249. […] Ils parlent dans ce cœur ; bien mieux ils chantent, et les autres êtres font de même ; chacun avec sa mélodie distincte, courte ou longue, étrange ou simple, seule appropriée à sa nature, capable de la manifester tout entière, comme un son, par son timbre, sa hauteur et sa force, manifeste la structure intérieure du corps qui l’a produit. […] S’il a été l’amant de Catherine II, c’est à l’exemple du corps diplomatique et de toute l’armée russe. […] La beauté est venue, la beauté méridionale, éclatante et harmonieuse, épanchée sur toutes choses, sur le ciel lumineux, sur les paysages calmes, sur la nudité des corps, sur la naïveté des cœurs.

984. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Et voici qui achève de faire de François Villon un drôle de corps. […] Quant à son corps, il gît sous la pierre. […] Mes cuisses et mon corps en font un autre, et, ma tête se penchant sur mon estomac, je ne ressemble pas mal à un Z. […] ) Favart, resté seul, n’est plus qu’un corps sans âme. […] » Elle s’empoisonne, sans dire un mot, sur le corps de son mari.

985. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Il n’est pas seulement, selon Hugo, une « âme du monde », un principe de vie animant un grand corps ; il est le cœur du monde : Oh ! […] à qui n’aura aimé que des corps, des formes, des apparences ! […] Le monde entier est le lieu de la sanction, le monde-châtiment, domaine de la chute des âmes, où chaque être occupe la place que lui assigne son propre poids, plus haut ou plus bas, comme un corps plongé dans un fluide monte ou descend selon qu’il renferme plus de matière. […] De toi, de ta chair, du limon Dont l’esprit se revêt en devenant démon ; De ce corps qui, créé par la faute première, Ayant rejeté Dieu, résiste à la lumière ; De ta matière, hélas ! […] 191. » On pourrait ainsi parodier et ramener à de pures banalités bien des pages célèbres non seulement de Bossuet, qui a en effet la sublime éloquence du lieu commun, mais de Pascal et de maint philosophe. — L’infiniment petit n’est pas moins insondable que l’infiniment grand (le Double Infini) ; L’homme est faible par le corps, mais puissant par la pensée (le Roseau pensant) ; Si la pensée est plus grande que la matière, l’amour est plus grand encore que la pensée (les Trois Ordres), etc.

986. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Comme les soldats d’Afrique, ces soldats du corps à corps, y auraient l’avantage sur les autres, et comme on jugerait vite la différence ! […] Saint-Arnaud, en entrant dans les zouaves, « cette garde impériale de l’Afrique », avait à faire sa réputation au corps. […] Le colonel des zouaves, Cavaignac, étant parti, Saint-Arnaud reste sous le général Lamoricière avec son bataillon et comme chef de corps, ayant une responsabilité d’autant plus grande qu’on le sait aimé du gouverneur et que, là où il est, on aime peu le gouverneur.

987. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

La force du cœur et du corps donne l’ascendant qu’elle justifie, et la surabondance de sève, qui commence par des violences, finit par des bienfaits. […] D’ailleurs la familiarité engendre la sympathie ; on ne peut guère rester froid devant l’angoisse d’un pauvre homme, à qui, depuis vingt ans, l’on dit bonjour en passant, dont on sait la vie, qui n’est pas pour l’imagination une unité abstraite, un chiffre de statistique, mais une âme en peine et un corps souffrant. — D’autant plus que, depuis les écrits de Rousseau et des économistes, un souffle d’humanité chaque jour plus fort, plus pénétrant, plus universel, est venu attendrir les cœurs. […] Il faut qu’il chasse et soit seul à chasser ; c’est pour lui un besoin du corps et en même temps un signe de race. […] Près de Fontainebleau et de Melun, à Bois-le-Roi, les trois quarts du territoire restent en friche ; presque toutes les maisons de Brolle sont en ruines, on n’y voit plus que des pignons demi-écroulés ; aux Coutilles et à Chapelle-Rablay, cinq fermes sont abandonnées ; à Arbonne, quantité de champs sont délaissés ; à Villiers et à Dame-Marie, où il y avait quatre corps de ferme et nombre de cultures particulières, huit cents arpents demeurent incultes  Chose étrange, à mesure que le siècle va s’adoucissant, le régime de la chasse empire ; les officiers de la capitainerie font du zèle, parce qu’ils travaillent sous les yeux et pour les « plaisirs » du maître.

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