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746. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

La volition n’avait point disparu, mais elle était sans efficacité… L’eau de rose dont ta tendresse avait humecté mes lèvres, au moment suprême, me donnait de douces idées de fleurs, — fleurs fantastiques infiniment plus belles qu’aucune de celles de la vieille terre…. […] La pression de tes doigts, si doux sur mes paupières, à la longue, remplirent tout mon être d’un délire sensuel inappréciable… Tes sanglots impétueux flottaient dans mon oreille avec toutes leurs plaintives cadences… C’étaient de suaves notes musicales et rien de plus… pendant que la large et incessante pluie de larmes qui tombait sur ma face… pénétrait simplement d’extase chaque fibre de mon être… Toi seule avec ta robe blanche, ondoyante, dans quelque direction que ce fût, tu t’agitais toujours musicalement autour de moi… Et quand, approchant alors, chère Una, du lit sur lequel j’étais étendu, lu t’assis gracieusement à mon côté, souillant le parfum de tes lèvres exquises et les appuyant sur mon front, quelque chose s’éleva dans mon sein, quelque chose de tremblant, de confondu avec les sensations purement physiques engendrées par les circonstances, quelque chose d’analogue à la sensibilité même, un sentiment qui appréciait à moitié ton ardent amour et ta douleur. […] Nous entrons dans l’éther astral où s’échangent les douces paroles de Monos et d’Una, d’Oinos et d’Agathos, d’où descendent le démon de Silence, la fée de l’Ile, d’où vint le fantôme informe et indéfini qui, par un temps de pestilence, contrista les sept buveurs de Ptolémaïs. […] Si l’amour sain, doux et heureux manque aux écrits de Poe, on n’y trouve pas non plus, malgré leur diabolisme et leur cruauté, leurs monstres et leurs grotesques, l’élément qui accompagnent les grylles de toutes les époques, l’obscénité.

747. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Le maître, qui l’a fait construire au gré de son goût bizarre, n’a pas voulu y réunir les plantes précieuses, les fleurs qui réjouissent les sens par l’odorat et l’esprit par les yeux, les feuillages d’une douce et argentine verdure, les belles palmes, les grands éventails, les longues bannières flottantes, et les panaches inclinés de la végétation des Antilles. […] n’avez-vous pas de passe-temps plus doux ?  […] Il est, dans ses relations, tolérant, doux et obligeant. […] Cette qualité est frappante dès le second morceau, intitulé Bénédiction, où l’auteur présente l’action fécondante du malheur sur la vie du Poète : il naît, et sa mère se désole d’avoir porté ce fruit sauvage, cet enfant si peu semblable aux autres et dont la destinée lui échappe ; il grandit, et sa femme le prend en dérision et en haine ; elle l’insulte, le trompe et le ruine ; mais le Poète, à travers ces misères, continue de marcher vers son idéal, et la pièce se termine par un cantique doux et grave comme un final d’Haydn : Vers le Ciel où son œil voit un trône splendide, Le Poëte serein lève ses bras pieux, Et les vastes éclairs de son esprit lucide Lui dérobent l’aspect des peuples furieux : « — Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance Comme un divin remède à nos impuretés, Et comme la meilleure et la plus pure essence Qui prépare les forts aux saintes voluptés !

748. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Ô ma vieille Font-Georges, Vers qui les rouges-gorges Et le doux rossignol     Prenaient leur vol ! […] fraîches fontaines Qui, douces à mes peines, Frémissiez autrefois     Rien qu’à ma voix !

749. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Tout en elle conviait au divin Maître et semblait dire : Son joug est doux. […] Je ne sais pas de lettre plus propre à faire comprendre le genre de raillerie et parfois d’ironie douce et riante de la mère Agnès que celle qu’elle adressa à son neveu, le célèbre avocat Le Maître, en réponse à ce qu’il lui avait écrit sur ses intentions prochaines de mariage36.

750. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Confiné alors aux champs, il y voit une personne simple, douce, plus âgée que lui, mais belle encore, un peu dévote, assez mystérieuse, Mme Pierson ; il en vient à l’aimer, à être aimé d’elle ; ici mille détails simples, enchanteurs, des promenades dans les bois, avec chasteté, puis avec ivresse. […] Mme Pierson, durant toute cette première situation attachante, est une personne à part, à la fois campagnarde et dame, qui a été rosière et qui sait le piano, un peu sœur de charité et dévote, un peu sensible et tendre autant que Mlle de Liron ou que Caliste : « Elle était allée l’hiver à Paris ; de temps en temps elle effleurait le monde ; ce qu’elle en voyait servait de thème, et le reste était deviné. » Ou encore : « Je ne sais quoi vous disait que la douce sérénité de son front n’était pas venue de ce monde, mais qu’elle l’avait reçue de Dieu et qu’elle la lui rapporterait fidèlement, malgré les hommes, sans en rien perdre ; et il y avait des moments où l’on se rappelait la ménagère qui, lorsque le vent souffle, met la main devant son flambeau76. » Pour bien apprécier et connaître cette charmante Mme Pierson, il faudrait, après avoir lu la veille les deux premières parties de la Confession, s’arrêter là exactement, et le lendemain matin, au réveil, commencer à la troisième partie, et s’y arrêter juste sans entamer la quatrième : on aurait ainsi une image bien nuancée et distincte dans sa fraîche légèreté.

751. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Après lui avoir donc proposé les choses d’en haut comme les seules qui méritent d’être désirées, il ajoute : « C’est un sentiment dont vous devez être rempli dans tous les temps, mais particulièrement quand nous sommes plus près de ressentir le bonheur qu’il y a de les avoir aimées. » Est-il une manière plus douce et plus insinuante de dire : à mesure que nous sommes plus près de la mort ? […] »— Et quelle délicatesse encore dans cet autre mot qui décèle une tendresse d’âme subsistante sous la dure écorce : « Ce seroit une chose bien douce d’être tellement dans l’oubli, que l’on ne vécût plus que dans la mémoire de ses amis ! 

752. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Lorsque l’auteur de Simiane nous montre Juliette s’enivrant des douces paroles amoureuses dont la musique se môle à l’oscillation du bateau, quand il nous murmure un peu longuement quelques-unes de ces tendresses infinies : « A quoi servirait au ciel d’être la plus étincelante merveille qui soit sortie  des mains du créateur, s’il ignorait lui-même sa beauté ? […] La meilleure démonstration serait celle qui transpirerait dans une suite de récits fidèles et de peintures variées ; on oublierait souvent le but, on ne le discuterait jamais ; puis, à un certain moment, comme après un doux et captivant séjour chez, des amis heureux, on se sentirait devenu autre, converti à leur vertueux bonheur et le voulant mériter.

753. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

La Fontaine n’est que gracieux, galant ; il fléchit sous le poids des personnages divins ; ses passions sont trop douces. […] Il aime les jardins, mais parmi eux il voudrait encore « quelque doux et discret ami. » Il loue la paresse et le somme ; « ajoutez-y quelque petite dose d’amour honnête, et puis le voilà fort. » Ajoutez aussi les curiosités et le vagabondage de l’esprit, le discours promené au hasard sur tous les sujets, depuis la bagatelle jusqu’aux affaires d’Etat et au système du monde20, vous aurez la vie qu’il nous propose en exemple.

754. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Il a permis avec une douce indulgence la libre poursuite du plaisir sensuel, sous la seule condition de respecter les convenances sociales, du reste singulièrement élargies ; et voici que de la sensation physique toute pure, dans laquelle il avait simplifié l’amour, est sortie la satiété ; la vanité même, par où on en relevait la saveur, n’a pas suffi à dissiper l’impression de langueur accablante, d’écœurante monotonie, que dépose à la longue dans les cœurs le libertinage du siècle. […] Juliette et son Roméo sont un couple quelconque, des amis d’enfance ; Roméo élevé près de Juliette sous un faux nom : et quand nous le voyons, le doux, le tendre, le poétique enfant de Shakespeare est un « guerrier redoutable », un général vainqueur, enfin l’insipide héros cent fois revu.

755. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

La fable et la fantaisie ; toute l’irréalité magnifique, la Muse et la Bacchante, les mains unies ; une fête prolongée, travestie et nuptiale, sans l’amertume des lendemains, ni la lie des regrets, ni la cruauté des revers, — ainsi la vie ; l’Olympe et la Comédie italienne fraternisant parmi des plasticités somptueuses et les Dieux souriants, doux au bonheur des hommes, — ainsi la destinée… Ainsi se manifestait à ses yeux la splendeur des formes, une enfance du monde…. […] Edmond Pilon Ô toi dont la geôle est pareille à la source Qui coule nue et vive entre les cailloux clairs, Banville, jeune dieu des époques de lumière, Poète dont la voix tour à tour grave et douce Disperse le sourire, la joie et la lumière, Banville, sois béni entre les dieux du vers… Ta statue est bâtie au palais des oiseaux, Auprès des massifs frais de buis et d’anémones, Le socle dans la mousse et le front aux couronnes Que tressent les branchages et que mêlent les rameaux ; D’antiques marbres blancs se cachent sous les saules’ Où rêve ton sourire, où de sur ton épaule Chante le rossignol, face à face à tes eaux, Banville, dieu des strophes, du rire et des oiseaux !

756. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Tant d’éclairs m’éblouissent ; je cherche une lumière douce qui soulage mes faibles yeux. […] Je veux un sublime si familier, si doux et si simple, que chacun soit d’abord tenté de croire qu’il l’aurait trouvé sans peine, quoique peu d’hommes soient capables de le trouver.

757. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

« Nestor, cet orateur des Pyliens, cette bouche éloquente dont les paroles étaient plus douces que le miel, se leva au milieu de l’assemblée. Déjà il avait charmé par ses discours deux générations d’hommes entre lesquelles il avait vécu dans la grande Pylos, et il régnait maintenant sur la troisième119. » Cette phrase est de la plus belle antiquité, comme de la plus douce mélodie.

758. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Il est des païs où le cheval est communément un animal doux qui se laisse conduire à des enfans. […] Ceux d’Andalousie sont bien plus doux dans leur païs qu’ils ne le sont dans le nôtre.

759. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Mais c’est un chrétien et non pas un giaour, un chrétien profond, resté tel dans les abîmes de son être, — dans le cours de son sang, — par-delà et par-dessous tous les doutes, toutes les mauvaises pensées, toutes les tentations du xixe  siècle ; c’est un chrétien naïf de foi, qui écrit à son frère, avant de mourir comme il convient, disait-il, à un gentilhomme ; « Le curé de Guaymas sort d’ici : c’est un homme intelligent et doux, un homme comme il en faut pour adoucir ce qu’il y a de trop léonin et d’indompté en moi. […] Mes dernières heures ne devaient être que calmes, et, grâce à cet excellent prêtre, je vois qu’elles vont être douces.

760. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Une fois Colomb accepté comme l’Envoyé de Dieu, la logique est là, violence douce ! […] Doux comme son nom, il ne se vengea pas plus fort que cela de l’ingratitude des rois qu’il avait tant servis !

761. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Quoiqu’il procède par nuances plus douces, on l’invoquerait comme Gioberti. […] L’empire du monde appartient aux doux , disent les saints livres.

762. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

certainement, l’honorable mais doux Honoré, n’est pas homme à laver la tête à Michelet avec la potasse qui convient… Trop grosse besogne pour une modestie qui s’est fortifiée par l’étude ! […] Soury n’est pas dans les tons doux de H. 

763. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

L’apitoiement sincère sur l’injustice et la cruauté humaine à l’endroit des animaux, forme la majeure partie de ce livre très doux et très léger de lecture. […] Ma douce. — 1891. […] Et tous les deux seulement laissaient couler sur leurs visages leurs larmes ; douces larmes, sans amertume, sans rancune contre la vie. […] Il avait l’air très doux, ce géant blond. […] Et ce tendre silence, où l’on s’embrassa, fut doux au cœur des vieux et de M. de Francœur.

764. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Sur les Jeune France. (Se rapporte à l’article Théophile Gautier, page 280.) »

Cette circonstance m’a contrarié encore plus qu’à l’ordinaire, à cause du besoin que j’éprouvais de lui parler de vous et de nos douces causeries.

765. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Quoi qu’il en soit de nos critiques sincères, ce volume, qui vient de l’âme, et qui est une douce émanation, charmera les lecteurs dispersés de la même famille ; les lecteurs plus artistes et plus difficiles y verront au moins les promesses d’un poète.

766. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugues, Clovis (1851-1907) »

En dehors des actualités sociales, les sujets qu’il préfère par contraste sont les plus doux : l’amour de la femme, la tendresse pour les enfants, et aussi la passion de la nature méridionale ensoleillée sous l’azur.

767. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 5-9

Peut-être lui a-t-il paru plus doux & plus avantageux d’acquérir, par cette voie, un certain empire dans la Littérature, que ses talens ne lui auroient pas procuré.

768. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

Son dessein est régulier, ses caracteres sont vrais, ses ornemens sont dispensés à propos, sa versification est douce & facile, mais elle manque de vigueur & de coloris.

769. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

Panard ressembloit à ses Ouvrages ; il étoit doux, modeste & agréable, qualités qui le rendirent cher à tous ceux qui le connoissoient.

770. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre V. Beau côté de l’Histoire moderne. »

Inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans l’adversité, formés pour les arts, civilisés jusqu’à l’excès, durant le calme de l’État ; grossiers et sauvages dans les troubles politiques, flottants comme des vaisseaux sans lest au gré des passions ; à présent dans les cieux, l’instant d’après dans les abîmes enthousiastes et du bien et du mal, faisant le premier sans en exiger de reconnaissance, et le second sans en sentir de remords ; ne se souvenant ni de leurs crimes, ni de leurs vertus ; amants pusillanimes de la vie pendant la paix ; prodigues de leurs jours dans les batailles ; vains, railleurs, ambitieux, à la fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n’est pas eux ; individuellement les plus aimables des hommes, en corps les plus désagréables de tous ; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l’étranger ; tour à tour plus doux, plus innocents que l’agneau, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre : tels furent les Athéniens d’autrefois, et tels sont les Français d’aujourd’hui.

771. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Allegrain » p. 322

Ce sont des détails sans fin, mais si doux qu’ils n’ôtent rien au tout, qu’ils n’attachent point aux dépens de la masse, ils y sont, et ils n’y sont pas.

772. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

La douce intimité dans laquelle il vivait avec le prince et la princesse suffisait à son existence ; lui-même paraissait nécessaire à leur bonheur. […] Tout cela lui parut ou trop abstrait, ou trop conventionnel, ou trop mystique, ou trop sensuel : il conçoit, plus près de terre, une félicité rurale et domestique plus accessible à l’universalité de l’espèce humaine, félicité fondée non sur les chimères d’esprit ou de cœur, mais sur les instincts innés de l’homme et sur les réalités péniblement douces de la vie. […] Les deux larges têtes des buffles, dans lesquelles on distingue l’obéissance affectionnée dans l’indépendance naturelle, tendent vers le marais leurs naseaux relevés ; on voit qu’ils aspirent de là l’air salin et marin de leurs mares habituelles, dans le marais au-delà du champ qu’on moissonne ; leurs yeux sont doux et résignés. […] L’isolement et les malheurs de cette jeune et intéressante princesse, poursuivie par la politique et par le sort, et jetée par ses adversités mêmes dans une intimité plus fraternelle avec ce seul ami de ses meilleurs jours, avaient changé la douce amitié de Rome en une irrémédiable passion. […] Leur société m’est très agréable, parce qu’elle est douce, naturelle, simple, droite de cœur, vraie et franche.

773. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Il y avait le vénitien, mais c’était si frêle et si doux que cela ne pouvait être susurré que par des lèvres de femme, cela répugnait à la virilité des héros ; il y avait le milanais, c’était mêlé d’allemand et de français, plus jargon que langue ; il y avait le génois et le piémontais, cela n’avait ni syntaxe, ni accent, ni sens, patois de peuples qui ne s’appartiennent pas et qui s’entendent entre eux contre leurs conquérants par signes plus que par le langage. […] Ce prétexte était faux, car le despotisme italien-piémontais de la maison de Savoie à Turin était bien paternel et bien doux, en comparaison du despotisme autrichien d’un archiduc Léopold, régnant absolu à Florence, sous le nom et avec les armes d’un proconsul allemand. […] Mais j’en distinguai un entre tous, c’était le respectable Francesco Gori Gandellini : j’en ai souvent parlé dans mes divers écrits, et sa douce et chère mémoire ne sortira jamais de mon cœur. […] Il m’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très agréable ; des yeux très noirs et pleins d’une douce flamme, joints (chose rare) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de ne pas demeurer frappé, et auquel on échappait malaisément. […] Il y avait là trop de doux écueils pour que j’osasse les affronter.

774. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

« C’était un charmant enfant, dit sa sœur ; sa joyeuse humeur, sa bouche bien dessinée et souriante, ses grands yeux bruns, à la fois brillants et doux, son front élevé, sa riche chevelure noire, le faisaient remarquer dans les promenades où l’on nous conduisait tous les deux. […] … « Quand Honoré fut d’âge à comprendre et à apprécier son père, c’était un beau vieillard, fort énergique encore, aux manières courtoises, parlant peu et rarement de lui, indulgent pour la jeunesse qui lui était sympathique, laissant à tous une liberté qu’il voulait pour lui, d’un jugement sain et droit, malgré ses excentricités, d’une humeur si égale et d’un caractère si doux qu’il rendait heureux tous ceux qui l’entouraient. […] Je connus donc en tout temps les joies et les peines de mon frère, et j’eus toujours le doux privilège de le consoler ; certitude qui fait aujourd’hui ma joie. […] XI « Mon frère était fort occupé à cette époque, dit Mme de Surville, car, indépendamment de son cours de droit et des travaux dont le chargeaient ses patrons, il avait encore à se préparer pour ses examens successifs ; mais son activité, sa mémoire, sa facilité, étaient telles qu’il trouvait encore le temps d’achever ses soirées à la table de boston ou de whist de ma grand-mère, où cette douce et aimable femme lui faisait gagner, à force d’imprudences ou de distractions volontaires, l’argent qu’il consacrait à l’acquisition de ses livres. […] Mais il aime toujours sa mansarde : « Le temps que j’y passerai sera pour moi une source de doux souvenirs.

775. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Il n’y a d’un peu hardi que ce portrait de Papelardie, l’une des figures peintes sur les murailles du château de Déduyt ; encore l’ironie en est-elle si douce et si dérobée, qu’on pourrait n’y voir qu’une simple description : En sa main un psautier tenoit. […] Guillaume de Lorris était un trouvère du temps de saint Louis, d’un esprit délicat et doux, point ou médiocrement clerc mais très-versé sans doute dans la poésie des cours d’amour, et formé par les troubadours provençaux. […] L’ami, si doux et si modeste dans Lorris, est devenu, dans la tête de son second père, un philosophe de la secte de Diogène. […] Les secrétaires sont la Science et la Prudence ; le procureur général est l’Éloquence théologique, « aux discours doux et modérés », dit Jean Gerson, qui avait lui-même le secret de ces discours-là. […] La pièce suivante dérobe pour ainsi dire, sous l’enjouement de la forme, cette douce mélancolie qui s’épanche librement dans les vers qu’on vient de lire.

776. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Je l’entends, après un coup heureux qui vient de remplir d’or son chapeau, vanter l’état du joueur, sa vie où s’enchaînent les plaisirs, le cuivre devenant or dans ses heureuses mains, les belles qui le poursuivent de leurs billets doux, les vieux seigneurs qui le cajolent, les festins, les bals, la comédie, etc. […] Marquer ces progrès et cette marche insensible de l’attrait qu’on ne s’avoue pas à la passion qu’on déclare ; mettre sans inconvenance une fille de condition en face d’un valet qui lui fait une déclaration d’amour ; nous faire consentir qu’elle écoute ce valet et qu’elle réponde de façon à ne pas le désespérer et à ne pas l’encourager ; la retenir dans le naturel et la vérité, entre la raison qui lui montre le péril, et le penchant secret qui le lui dérobe, fuyant et s’avançant à demi, retirant les paroles échappées, fermant son cœur presque en même temps qu’elle l’entr’ouvre, c’est un vrai tour de force de l’art, ou tout simplement une vérité de cœur humain vue avec simplicité, en un jour de veine heureuse, non par le Marivaux bel esprit, entêté du fin 54 et ne voyant dans Voltaire que « la perfection des idées communes », mais par le Marivaux homme de bien et doux, naturel à force de candeur, et peut-être à son insu. […] Les mœurs du théâtre de Destouches, plus douces que vraies, ses caractères qui se corrigent invariablement à la fin de la pièce, son dialogue obligeant et qui sent la négociation, les bonnes manières de ses personnages qu’on dirait formés autour du tapis vert de la table d’un congrès55, tout cela veut être joué en famille. […] Voit-on arriver sur la scène le personnage impatient du Bourru, on se dit : Le personnage doux et tranquille n’est pas loin. […] Collin fait honneur aux lettres françaises par le souvenir de pureté morale et de douce bonhomie qui s’attache à son nom.

777. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Même, pour ce tableau le plus antique, le retour du printemps, que l’on prenne, dans Anna Karénine, la sortie du propriétaire Lévine, allant, par la première journée douce de renouveau, inspecter les champs aux molles noires, les enclos où meuglent les bestiaux étourdis et ivres de leur sortie au grand air, puis sa course à cheval par ses bois, dans la brise molle et crue cependant de la fonte des neiges, dont l’eau claire court, à peine salie sur le sol gelé ; les faits familiers mais précisés, les sensations vives fraîchement remémorées d’une observation plus attentive et plus charmée, plus immédiatement vraie que dans la plupart des romans réalistes, s’y pressent comme pris à même avec de grosses et bonnes mains, sans qu’il y ait cependant à vrai dire de passages descriptifs, sans qu’on puisse séparer la série de traits formant tableau de la série des pensées du personnage dont la présence dans cette scène en cause le narré. […] Dans La Guerre et la Paix, le prince André Bolkonsky, ardent, aigu, tenace avec la sentimentalité secrète des penseurs amers, est mené du tumulte des champs de bataille à l’activité verbeuse des salons politiques, séquestré dans son bien, enlacé dans un délicat amour, perdu par le dédale de croyances abandonnées et reprises, mêlé à mille événements historiques et intimes, agité de pensées et d’émotions innombrables jusqu’à ce que, blessé mortellement, il paraisse, en sa longue agonie, dans le déchirement de tous les voiles, entrevoir la solution de toutes les détresses, pour s’éteindre comme distrait de cette terre par de formidables intuitions ; le prince Pierre, lourd, énorme, charnu et charnel comme un animal, mais sourdement miné des mêmes inquiétudes, épris et déçu des hommes, jeté hors de lui-même par les systèmes théosophiques et religieux qui l’attirent tour à tour, s’abandonne à ses poussées de foi et d’appétits, s’appesantit de la grosse sensualité de ses compagnons de club, jusqu’à ce que, dans le trouble de Moscou pris, s’affolant confondu dans la foule et frôlant la mort, il rencontre, parmi les prisonniers auxquels il s’appareille, un pauvre hère de doux soldat paysan qui le console et le met pour toujours en paix par quelques simples mots de bonté, crise dont il émerge presque guéri, heureusement marié, mais avec on ne sait quel désarroi brouillon encore dans un esprit mal dégrossi et aventureux aux hasards politiques. […] Jamais le charme mutin, léger et doux de la petite fille et de la jeune fille n’a été plus délicatement figuré qu’en ces séduisantes créatures, la Natasha et la Sonia de La Guerre et la Paix La première surtout est admirable avec ses joueries, ses petites passions, sa grâce de danseuse minuscule et son gosier d’oiseau chanteur, son premier bal, sa pleine et saine et tendre participation à l’existence de famille, ses câlineries, ses étourdissantes conversations avec sa mère, son premier amour pour le prince André, la saute subite d’ennui, de malaise, de perverse et d’égarée passion qui la détourna de son fiancé, puis sa tristesse de plante froissée, sa reprise à la vie et ce sublime revoir de son aimé agonisant et muet dans l’ombre de la mort, aux pieds de qui elle se blottit et s’apaise ; et certes Anna Karénine ne lui est pas inférieure, l’honnête femme, belle, mûre pour de hautes amours, les yeux un peu fous, rencontrant Wronski dans un bal, se donnant, se reprenant, se compromettant, fuyant enfin avec son amant et prise dès lors de l’irrémissible malaise de la créature incertaine sur son seul bien, traînant avec cet homme pourtant délicat l’existence affreuse de la femme adultère et qui se perdant par son incertitude même, battant des bras autour d’elle dans le vide, succombe enfin dans un suicide fébrile. […] Plus assidûment encore et avec de plus harcelants malaises, le prince Pierre Bezonkhof, inquiet et se dégoûtant des grosses jouissances dont il essaie de tromper ses besoins spirituels de foi, se lance de-ci de-là à la recherche d’une règle, d’un mot magique qui donne quelque sens à ses actes, et rencontre en plein désespoir, un singulier personnage qui lui parle de Dieu et de la vie future selon les formes de la franc-maçonnerie ; il se jette dans cette secte pour reconnaître promptement l’inanité de sa philosophie et de sa morale, retombe dans sa morosité et ses débauches quand à l’approche de l’année française il est témoin de la forte certitude, de la foi et de la joie qui animent les masses populaires et les armées ; pris de contagion, enflammé d’un patriotisme fumeux, il quitte son palais, se môle à la populace, conçoit un instant le dessin d’assassiner Napoléon ; une conversation dissipe ce transport de férocité, il se fait horreur devant l’exécution de quelques-uns de ses compagnons, et froissé, prostré, éperdu, rejoint une troupe de prisonniers, où l’existence de pauvre qu’il mène, cette vie de résignation et d’insouciance l’apaisent peu à peu et l’ouvrent aux humbles paroles d’un petit soldai paysan, familier, doux et sensé ayant sur lui quelque chose de la bonne fraîcheur de la terre. […] Maintenant qu’une intelligence ainsi douce pour la perception, le souvenir, la divination des esprits, soit telle que toutes ces notions sur le monde ne s’accompagnent pas des mêmes sentiments, des mêmes émotions ; que les sentiments agréables d’élation, de joie, d’acquiescement, suivent plus particulièrement la vue et le souvenir d’actes immédiatement bienfaisants à l’homme, que l’écrivain consolidant progressivement ce sentiment, lui laisse déterminer ses propres actes et ses mobiles, aussitôt le spectacle du monde étant mêlé de mal et de bien, toute une partie de la réalité sera envisagée avec des dispositions pénibles d’aversion, d’inquiétude, d’angoisse, de désespoir ; l’écrivain négligera le plus qu’il pourra de prêter attention à cette part de la réalité, l’omettra de sa mémoire, de son imagination, de son œuvre ; mais comme on ne peut éviter de la connaître, comme ses facultés d’observateur la lui représenteront sans cesse, il en viendra peu à peu à un état de trouble, d’éloignement pour le spectacle qu’il semblait destiné à connaître et à goûter pleinement.

778. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Né dans ces massacres et grandi dans ces ruines, Audin eut pour premiers spectacles les malheurs de sa ville natale ; et les premières impressions, qui pétrissent et moulent si bien l’âme d’un homme, qu’elles en arrêtent la forme à jamais, affermirent dans l’enfant lyonnais le christianisme de sa mère, et apprirent à cet être doux, fin et candide qu’il était né et qu’il resta toujours, que la religion avait besoin, dans ce temps-là, pour se défendre, de ces doux auxquels elle a promis l’empire de la terre ! […] Audin, le plus sensible et le plus aimable des hommes, a voué une espèce de culte passionné à ce pontife, magnifique et doux, qui avait pris pour armes un joug d’or avec ces paroles : « Mon joug est léger. » Ravi par les arts et les lettres humaines, qu’il a toujours adorées, mais, selon nous, surfaisant beaucoup trop leur prix, Audin a cru que la civilisation du monde (un grand mot bête de ces derniers temps) gisait dans quelques palimpsestes ou quelques marbres retrouvés, et que Léon représentait cette civilisation parce qu’il avait richement payé ces palimpsestes ou fêté ces marbres comme il aurait fêté des saints ! […] Le moment, du reste, était favorable ; la République de 1848 s’épanouissait, cette république du Paupérisme qui n’a pas encore dégoûté les bourgeois de leur idéal économique : augmenter le nombre des consommateurs sur la terre, Pour qui sentait en soi saigner l’histoire, il était presque doux de se dérober aux atteintes des spectacles qu’offrait la France. […] Mort douce comme sa vie, et comme son esprit !

779. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Et cette douce âme fut aussi une âme haute, rêveuse de la grandeur et de la beauté. […] Ô vaste cœur si doux ! […] Il y avait presque du courroux sur ce visage naguère si doux et si résigné. […] Il était si doux, si exquisément bon. […] Marcel Collière, est un rêveur doux et grave, aux œuvres trop peu nombreuses.

780. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Il fallait un jeune homme aimable et doux, capable de ne point s’occuper de politique. […] Un paysage, par exemple, frappe et conquiert d’abord par la sévérité ou l’inflexion douce de ses lignes. […] La figure, soignement rasée, s’éclairait de deux yeux gris-bleu très doux, contemplatifs. […] À ses yeux bleus de violette, Si doux lorsque je l’aimais. […] Cela s’apaise en clarté pure et naïve comme cela s’est ouvert, et c’est une pure goutte de lumière embrasée de mille douces transparences qu’a laissé là tomber de sa plume Gabriel Vicaire.

781. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

De temps à autre, on sent circuler dans la pièce un souffle vivifiant et doux, un parfum des joies de la famille, que nous retrouverons plus tard dans Agnès de Méranie. […] Comment arrêter au vol toutes ces ailes d’abeille, étincelant sous un ciel d’Athènes parmi les douces senteurs de l’Hymette ? […] Les premiers moments leur donnent raison ; il ne s’agit que d’abus à détruire, et cela est si doux, si beau, si facile ! […] À cette phase de renouvellement général, de floraison printanière, éclose sous les douces influences d’un régime admirablement favorable au développement de la pensée, il fallait, quoi ? […] On retrouvait dans sa physionomie, à la fois noble et douce, quelque chose de la dignité de Marie-Antoinette et de la bonté de Louis XVI.

782. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Eugène Gandar naquit le 8 août 1825 au Neufour (Meuse), où son père avait de grands établissements industriels ; mais ses souvenirs d’enfance le reportaient plus habituellement à Remilly, pays de sa mère, foyer principal de sa famille, où l’on retourna bientôt demeurer, où il allait passer ses vacances, et d’où lui vinrent ses impressions les plus chères et les plus douces. […] Je ne sais pourquoi, mais tous mes souvenirs prennent des formes moins indécises, les visages que j’aime sont devant mes yeux, les lieux que je regrette m’apparaissent à l’horizon ; c’est comme si je n’avais que quelques pas à faire pour les revoir et pour vous embrasser… « À qui dois-je ces douces visions, et qui donne à mon cœur ces transports inaccoutumés ? […] Car rien n’est plus doux que la patrie et les parents, quand même on habiterait une riche maison dans une autre terre et loin d’eux.” […] « La déesse Calypso ne m’a pas offert d’éternelles amours sous ses grottes tapissées de fleurs ; l’adroite Circé n’a pas voulu faire de moi son époux immortel ; mais j’ai traversé de bien douces et de bien belles patries ; j’ai compris que Sturler s’oubliât à Florence depuis seize ans, et que Le-Duc quittât Rome les larmes aux yeux ; j’ai senti qu’on pouvait rêver la paix de l’âme au bruit harmonieux des flots de Sorrente et de Baïa, oublier le monde à l’ombre de quelques vieux arbres, dans une petite maison isolée sur les rivages d’Éleusis. […] « Ces jours derniers, sorti de Corfou, et après avoir traversé l’île, j’étais monté sur une colline qui domine à pic — ici l’île elle-même, ombragée et riante comme un grand jardin, — et là cette douce mer Ionienne que le soleil éclairait de ses derniers rayons avant de disparaître derrière un promontoire aux lignes fantastiques.

783. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Dans les temps modernes, si la poésie proprement dite a fait défaut à ce genre de tradition, le roman n’a pas cessé ; sous une forme ou sous une autre, certaines douces figures ont gardé le privilège de servir d’entretien aux générations et aux jeunesses successives. […] Sa sensibilité est, pour ainsi dire, distribuée à toutes les différentes facultés de son âme, et cette diversion pourrait bien défendre son cœur et lui assurer une liberté d’autant plus douce et d’autant plus solide qu’elle est également éloignée de l’indifférence et de la tendresse. […] Sa santé décroît, ses scrupules de conscience augmentent, la passion du chevalier ne diminue pas ; tout cela mène au triomphe des conseils austères et à une réconciliation chrétienne en vue de la mort, conclusion douce et haute, pleine de consolations et de larmes. […] C’est un mouvement naturel chez les hommes de se prévaloir de la faiblesse des autres : je ne saurais me servir de cette sorte d’art ; je ne connais que celui de rendre la vie si douce à ce que j’aime, qu’il ne trouve rien de préférable ; je veux le retenir à moi par la seule douceur de vivre avec moi. […] Or, si vous deveniez déraisonnable et capricieuse, l’idée qu’on a d’une Aïssé toujours juste, tendre, douce, égale, s’évanouiroit.

784. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

La vie auparavant réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à et ce point, non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. […] On laisse cela derrière soi, et pourtant ces riens se mêlaient à vos plus douces émotions ; c’était quelque chose d’amer qui, au lieu de rester au fond de la coupe, s’évapore au contraire dès qu’elle est bue. […] En voyant ces fleurs si fraîches et si mortes, je pensais à ces douces souvenances qui dorment en nous, et parmi lesquelles nous nous égarons quelquefois, essayant de retrouver en elles le printemps et la jeunesse. […] Ces nues, ployant et déployant leurs voiles, se déroulaient en zone diaphane de salin blanc, se dispersaient en légers flocons d’écume, ou formaient dans les deux des bancs d’une ouate éblouissante, si doux à l’œil qu’il croyait ressentir leur mollesse et leur élasticité. […] Vous me faisiez l’effet d’un clair de lune une nuit par d’été, quand tout est parfums, ombres douces, blancheurs, infini ; et les délices de la chair et de l’âme étaient contenues pour moi dans votre nom, que je me répétais en tâchant de le baiser sur mes lèvres.

785. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Dorchain a goûté là les plus douces joies qui soient données à l’artiste : vivre dans son œuvre ; ne s’occuper que d’elle, s’y enfoncer, en être pénétré et possédé… Conte d’avril était tout à fait digne de la Comédie-Française.

786. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

J’avais précédemment retenu de belles stances de lui sur Ronsard ; je trouve, dans le dernier recueil, quelques notes douces, presque pures, la Chanson ignorée, les vers à la Vallée du Denacre.

787. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Edmond Pilon Phocas : Voici un petit livre, qui, par l’artistique couverture qui l’enferme et le format élégant de ses feuillets, non moins que par l’ironie douce et pieuse du sujet, mérite de prendre place à côté des Histoires moroses, des Proses magiques, du Château singulier.

788. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave… Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines.

789. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Font-ils des décombres, elle y sème des fleurs ; entrouvrent-ils un tombeau, elle y place le nid d’une colombe : sans cesse occupée à reproduire, elle environne la mort des plus douces illusions de la vie.

790. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

Qu’ils sont doux et délicats !

791. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

On sait ses relations avec des Esseintes ; avec quelle ironie grave et douce, avec quelle flatterie supérieure, il accueillit cet énigmatique garçon. […] Cela nous donne de délicieuses impressions ainsi qu’une brume légère sur un paysage, ou sur un jeune visage la douce transparence d’un clair voile. […] « Et c’est l’eurythmie de la Nature qui détermine les rythmes de son harmonie. » « Il ne faut point qu’un poète fasse retentir dans les dures trompettes mugissantes, les bruissements doux de l’eau, des printemps, des fleurs. […] Mais un jour que ses amis le sollicitaient d’exprimer ses opinions esthétiques, il écrivit avec une douce ironie les quelques strophes de l’art poétique ; De la musique encore et toujours ! […] Mais trois ou quatre sont puissantes, douces comme la joie des dieux. » Il faudrait un Diogène de Laërte pour décrire l’existence de ce jeune sage, ses propos et ses entretiens.

792. (1887) Essais sur l’école romantique

Hugo a pour ses amis de si douces et si poétiques flatteries ; il a un si admirable talent ; il est si vivement attaqué. […] Mais non : c’est un esquif où, dans un doux repos. […] fière de ce doux poids. […] Facile m’est venu, parce que c’est un mot doux, qui inspirait moins de défiance. […] Son œil est doux, beaucoup moins caverneux qu’on ne le fait dans ses portraits.

793. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

La féodalité régnait là comme ailleurs, mais une féodalité plus douce. […] « Bien me plaît le doux printemps qui fait venir les feuilles et les fleurs. […] Que d’autres cherchent, s’ils veulent, à embellir leurs maisons, et à se faire une vie douce. […] Cette douce occupation dura plus d’un siècle. […] Joinville, si aimé de saint Louis, revint avec lui de la croisade ; il retourna dans ses terres de Champagne, et recommença tranquillement la douce vie de seigneur.

794. (1923) Paul Valéry

Au fond de la vapeur, brillait un morceau nu de femme, doux comme un caillou. […] Et ce cri, ce doux cri qu’une nourrice apaise Fit, nous l’avons tous vu, bondir et hurler d’aise Les canons monstrueux à ta porte accroupis. […] Bizarres feux croisés dont le bouquet dur cingle L’oreille abandonnée aux mots nus des flots doux. […] Viendra l’heureuse surprise, Une colombe, la brise, L’ébranlement le plus doux, Feront tomber cette pluie Où l’on se jette à genoux ! […] Après quelques tâtonnements ma mémoire m’apporta le premier quatrain de la Dormeuse : Quels secrets dans son cœur brûle ma jeune amie, Ame par le doux masque aspirant une fleur ?

795. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

la note à la fois douce et triste de ce reproche, je l’ai toujours dans l’oreille. […] » Et ces douces et tristes paroles me font chercher l’inconnu tragique, qu’enferme silencieusement, en elle, cette vieille exilée des champs. […] Une figure jeune, douce, plaisante avec une grande barbiche d’officier d’Afrique : le général distingué, tel que l’inventerait un roman sans talent ou une pièce du Gymnase. […] Elle m’accueillait avec ce doux sourire triste du regard, que sa figure, un peu rude, prend à certaines heures… C’est étonnant, comme parfois la vision spirituelle du rêve vous donne le délicat portrait de la physionomie des gens ! […] C’est mélancoliquement fantastique, et l’idée de la mort, dans ce paysage de lune et de neige, vous vient presque douce.

796. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

797. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 424-428

Celle-ci est non seulement riche & hardie, mais pittoresque, flexible, douce, énergique, variée, & harmonieuse.

798. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Il était ami doux et solide ; sa conversation était rompue comme ses ouvrages.

799. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Préface » pp. -

Daudet prenait plaisir à la lecture, s’échauffait sur l’intérêt des choses racontées sous le coup de l’impression, me sollicitait d’en publier des fragments, mettait une douce violence à emporter ma volonté, en parlait à notre ami commun, Francis Magnard, qui avait l’aimable idée de les publier dans Le Figaro.

800. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Autobiographie » pp. 169-176

Daudet prenait plaisir à la lecture, s’échauffait sur l’intérêt des choses racontées sous le coup de l’impression, me sollicitait d’en publier des fragments, mettait une douce violence à emporter ma volonté, en parlait à notre ami commun, Francis Magnard, qui avait l’aimable idée de les publier dans le Figaro.

801. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

Son regard est plus beau que le matin d’un printemps, plus doux que la clarté des étoiles, lorsque, brillantes de jeunesse, elles se balancèrent près du trône céleste avec tous leurs flots de lumière.

802. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

Le Pentateuque se chantait à Jérusalem, comme des bucoliques, sur un mode plein et doux ; les prophéties se disaient d’un ton rude et pathétique, et les psaumes avaient un mode extatique qui leur était particulièrement consacré123.

803. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

Tout bien considéré, l’état de savant est doux ; on s’y portera naturellement partout où la science sera un peu récompensée et fort honorée.

804. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

On dirait des sceptiques de ce temps aux mœurs douces, qui ont l’horreur du sang et le dégoût de la fange, comme il sied à des naturels honnêtes et à des esprits cultivés, mais qui, ce sang montré dans sa vermeille couleur et cette fange dans son infamie, ont tout dit, à l’honneur de l’art et du style, et ne savent pas tirer de cette effroyable peinture, faite avec de véritables pourlècheries de pinceau, un enseignement ou une conclusion.

805. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Dès lors, une forte et combien douce amitié nous unit étroitement, car nos caractères sympathisaient singulièrement. […] C’est ce qu’il appelle des sonnets accouplés, c’est-à-dire vingt-huit vers dont les quatrains et les tercets de chaque sonnet s’entrelacent, produisant ainsi, par la distance des rimes, un effet de vague des plus doux et des plus bizarre. […] Dès son entrée, après la formalité de l’écrou, dans la « citadolente » un homme du lieu lui cria d’une voix peu douce : « Vous devez être pour la pistole, vous. » (La pistole est le régime assez, pas trop, adouci, de la prison.) […] Il subit, à l’hôpital de la Conception, à Marseille, une opération qui parut réussir, puis la fièvre et l’inflammation survenant, la mort s’ensuivit, une mort chrétienne et douce, « la mort d’un saint », dit un biographe qui fut témoin oculaire. […] Bons, fraternels, forts, doux et justes, Éclairés, les Hommes augustes !

806. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Elle était mince, blonde, avec des yeux délicieux, envoûtés dans la pénombre de profondes orbites, des mains pâles veinées de bleu, la voix très douce. […] Pour les autres, je savais être aimable, si l’on était doux avec moi. […] Jolie, très brune, la bouche ombrée d’un peu de duvet, la voix grave, mais très douce, je ne pouvais pas m’imaginer autrement une Espagnole. […] Et c’est ainsi que, pour faire plaisir à cette douce et sentimentale Alsacienne, j’ai lu, avant le temps, toute l’œuvre de la grande Française. […] Je l’aimais bien, aussi lui ; il se faisait si doux pour moi, si soumis à mes caprices.

807. (1887) George Sand

Charmante et douce Yseult, où êtes-vous ? […] Son plus doux souvenir fut celui d’une eau limpide et froide où il lava son front chaud et fatigué dans un jardin de Gênes. […] Ses yeux sont un peu ternes, doux et tranquilles. […] Aussi ses épaules, qui sont magnifiques… Sa voix est mate et voilée, sans aucun timbre sonore, mais douce et agréable… Elle brille peu par sa conversation. […] On échappait difficilement, quand on venait à Nohant, à cette douce manie dont toute la maison était possédée.

808. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il est émerveillé de s’y voir connu et nommé par tout le monde, accablé des reproches d’une femme qui veut être la sienne, et des caresses d’une autre qui se contente d’un titre plus doux. […] Félismena ne peut vivre en son absence ; elle se procure des habits de page et va retrouver son amant ; mais déjà don Félix en aime une autre, et Félismena, qui passe à son service à la faveur de son déguisement, devient le porteur de ses billets doux. […] Tant qu’ils demeurèrent à Venise, ils vécurent ensemble dans un si parfait accord et un repos si doux que jamais il n’y eut entre eux, je ne dirai pas la moindre chose, mais la moindre parole qui ne fût d’amour. […] En général, l’intérêt qu’inspire la tragédie de Cymbeline, est d’une nature douce et mélancolique plutôt que tragique. […] Douce suppose que Shakspeare a emprunté le sujet de cette pièce à un roman français, et qu’il l’a placée en 1425 environ.

809. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Ludovic Halévy a une tenue correcte d’existence, il est rangé, bon camarade, indulgent et doux, complimenteur au besoin, accueillant, souriant, charmant. […] Si ce doux et grand artiste avait été d’humeur à cela, M.  […] si doux », aux « Ah ! […] Mais il a l’impardonnable tort de n’être pas riche, et la littérature, si douce à M.  […] C’est un doux homme, très maigre, très triste et qui a six enfants.

810. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il trouvait doux d’être acclamé, parce qu’il s’imaginait sincèrement incarner l’idée de patriotisme. […] que cette terre est douce ! […] Fais-toi doux, oh ! bien doux, quand tu nous recevras ! […] Ce sont de pâles fantômes qui se murmurent des choses tristes et douces sous les rayons de la lune.

811. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Ce que nous avons senti, par eux, de doux et de bon nous paraît inestimable, parce que nous ne le sentirons plus. […] La comédie de l’un est composée avec une douce nonchalance ; le drame de l’autre avec une précision dure et contraignante. […] Mais ma vraie raison, c’est que j’aimais et estimais singulièrement ce parfait honnête homme, si candide et si doux. […] Elle en fait dès le début une douce et tendre amoureuse, à qui elle prête l’aspect, comment dire ? […] Jean est admirablement calme, bon, doux, patient, indulgent : il a seulement le tort d’être tout cela d’un air supérieur.

812. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Qu’une page première du poëte d’Elvire soit venue nous rendre au hasard quelqu’une des douces plaintes connues : Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie, etc., etc… ; Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage, etc… ; que Victor Hugo ait proféré, à une heure brûlante, cet hymne attendri : Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine, etc… ; qu’Alfred de Musset lui-même, à travers son léger récit d’Emmeline, ait modulé à demi-voix : Si je vous le disais pourtant que je vous aime, etc., etc. ; ces notes vraies, tendres, profondes, nées du cœur et toutes chantantes, nous paraissent, aujourd’hui encore, autrement enviables que bien des mérites lentement acquis.

813. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

. — Sans doute, et les femmes doivent en convenir ; il est assez doux de plaire et d’exercer ainsi sur tout ce qui vous entoure une puissance due à soi seule, une puissance qui n’obtient que des hommages volontaires, une puissance qui ne se fait obéir que parce qu’on l’aime, et disposant des autres contre leur intérêt même, n’obtient rien que de l’abandon, et ne peut se défier du calcul ; mais qu’a de commun le jeu piquant de la coquetterie et le sentiment de l’amour ?

814. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Il est certes dangereux d’évoquer les noms sacrés et les œuvres définitives à propos de quelqu’un d’entre nous, fût-ce le meilleur, et cependant je voudrais redire que j’ai goûté ici, grâce à l’aisance du rythme et à l’art d’animer les choses familières d’une puissante vie intérieure, un peu du charme puissant et doux qui fait des Contemplations un livre à part en notre langue.

815. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

On dirait que le poète habite un château de fées, depuis des siècles, abandonné et que le seul silence des salles désertes l’a convié aux rêves très doux d’autrefois.

816. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

C’est un homme qui, sans rien prétendre, aspire à tout ; c’est un volontaire de la littérature ; c’est un homme qui, doué d’un doux loisir et convaincu que les jouissances de l’esprit sont les premières des jouissances, consacre ce loisir aux études désintéressées qui remplissent les heures vides de certains jours, et qui les font couler comme un fleuve fertilisant sur les bords de la vie. […] Mais Marcellus persistait à penser que la meilleure place sous un tyran aimable et doux était la plus éloignée ; il vécut à distance et mourut en paix, véritable homme d’honneur de la République. […] Parlant peu, mais répondant juste, il était alors très enclin à cette ironie douce de ceux qui ont bu de bonne heure les eaux de la Garonne ; il en conserva quelque chose toute sa vie, même quand les déceptions et les révolutions eurent altéré le fond de son âme. […] Mon oreille, accoutumée aux sons rapides et doux de la langue grecque, aux articulations lentes et sonores de l’idiome turc, se trouvait entièrement étrangère au ton de l’arabe vulgaire, et semblait frappée par instant de quelques phrases harmonieuses au milieu des cris d’un jargon guttural.

817. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Le cygne : Ma vie tranquille se passe dans les ondes, elle n’y trace que de légers sillons qui se perdent au loin, et les flots à peine agités répètent comme un miroir pur mon image sans l’altérer. » « L’aigle : Les rochers escarpés sont ma demeure, je plane dans les airs au milieu de l’orage ; à la chasse, dans les combats, dans les dangers, je me fie à mon vol audacieux. » « Le cygne : L’azur du ciel serein me réjouit, le parfum des plantes m’attire doucement vers le rivage, quand, au coucher du soleil, je balance mes ailes blanches sur les vagues pourprées. » « L’aigle : Je triomphe dans la tempête quand elle déracine les chênes des forêts, et je demande au tonnerre si c’est avec plaisir qu’il anéantit. » « Le cygne : Invité par le regard d’Apollon, j’ose me baigner dans les flots de l’harmonie ; et reposant à ses pieds, j’écoute les chants qui retentissent dans la vallée de Tempé. » « L’aigle : Je réside sur le trône même de Jupiter : il me fait signe et je vais lui chercher la foudre ; et pendant mon sommeil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain de l’univers. » « Le cygne : Mes regards prophétiques contemplent souvent les étoiles et la voûte azurée qui se réfléchit dans les flots, et le regret le plus intime m’appelle vers ma patrie, dans le pays des cieux. » « L’aigle : Dès mes jeunes années, c’est avec délices que dans mon vol j’ai fixé le soleil immortel ; je ne puis m’abaisser à la poussière terrestre, je me sens l’allié des dieux. » « Le cygne : Une douce vie cède volontiers à la mort : quand elle viendra me dégager de mes liens et rendre à ma voix sa mélodie, mes chants jusqu’à mon dernier souffle célébreront l’instant solennel. » « L’aigle : L’âme, comme un phénix brillant, s’élève du bûcher, libre et dévoilée ; elle salue sa destinée future, le flambeau de la mort la rajeunit en la consumant. » XLVIII Mais rien ne surpasse son analyse et sa traduction du drame de Faust, par Gœthe, et cette scène à laquelle ni l’antiquité ni Shakespeare n’ont de scène tragique à opposer. […] Au milieu des hurlements de l’impitoyable mort, j’entends la douce et touchante harmonie de sa voix ! […] Il m’est si doux de rester quand tu demeures ! […] J’aurais voulu que tu fusses près de moi ; mais c’était un bonheur doux et pur.

818. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Vous entendrez tout le discours : ils ont été plus doux depuis. […] Il était tellement illuminé d’un ravissement doux, tellement baigné de la grâce de Dieu, qu’il « semblait rire aux anges. » Élisabeth Curle, une de ses filles d’honneur, raconte que la reine dormit et pria ; elle pria plus qu’elle ne dormit, à la lueur d’une petite lampe d’argent que Henri II lui avait donnée, et qu’elle avait gardée dans toutes ses fortunes. […] « La reine, profondément peinée, se hâta un peu dans le dessein de réclamer contre cette violence et d’obtenir une plus douce escorte. […] Il me sera doux de savoir que les miens sont là, et que j’ai des témoins de ma persévérance dans la foi. » Les commissaires n’insistèrent plus, et accordèrent à la reine quatre serviteurs et deux de ses filles.

819. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Vieux et chers maîtres, maintenant presque tous morts, dont l’image m’apparaît souvent dans mes rêves, non comme un reproche, mais comme un doux souvenir, je ne vous ai pas été aussi infidèle que vous croyez. […] J’entendais toujours mes camarades parler avec une rare estime de cette petite servante, qui était en effet un modèle de vertu et joignait à cela la figure la plus agréable et la plus douce. […] Les sonneries pieuses de l’Angélus du soir, se répondant de paroisse en paroisse, versaient dans l’air quelque chose de calme, de doux et de mélancolique, image de la vie que j’allais quitter pour toujours. […] Ayant toujours vécu seul auprès d’elle je ne pouvais me détacher des images de la vie si douce que j’avais goûtée pendant des années.

820. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

On l’avait à peine entrevue jusqu’ici, cette douce Antoinette, voilée qu’elle était par sa réserve modeste et toute pareille, en ses grâces ravies et timides, à une bergère de conte de fées qui vient d’épouser un fils de roi, et qui ne revient pas de sa haute fortune. […] Elle ne pardonne pas, cependant, cette douce Antoinette ; elle est blessée au cœur, et sa blessure est incurable. […] il contrefait les billets doux comme les billets de banque. […] Les courtisanes de naissance ou de vocation sont comme les animaux marins que l’eau douce empoisonne ; il leur faut, pour vivre et respirer à l’aise, l’écume et la salure de leur mer Morte natale.

821. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Tous deux ont une voix douce et musicale, des pieds d’une petitesse exquise, des mains douées pour prendre les choses, de la préhension délicatement tâtonnante des singes. […] Il parle de cette voix douce, lente, peu sonore, et cependant très distincte, une voix qui s’amuse autour des mots ; et les caresse. […] C’était lui, dans le corps d’un nain de Velasquez, avec la peau du visage, comme galuchatisée par l’alcoolisme et d’affreuses maladies, et en même temps, avec un doux et humble regard qui me demandait de le reconnaître. […] Sur les minuit, il s’élève une chaleur douce et majestueuse — je donne ses expressions — c’est enivrant !

822. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Je n’admettrai pourtant jamais que Rome, la Rome même du peuple, que nous avons vue depuis si fine et si piquante à la raillerie, n’ait pas eu, dès qu’elle en eut le loisir et l’occasion, l’esprit aiguisé en même temps que le parler agréable et doux. […] Si nous le voyions paraître tout à coup et entrer en personne, je me le figure (comme nous l’a montré un critique ingénieux)73 noble et humain de visage, n’ayant rien du taureau, du sanglier ni même du lion, portant dans sa physionomie, comme Molière, les plus nobles traits de l’espèce et ceux qui parlent le plus à l’âme et à l’esprit modéré, sensé de propos, et le plus souvent (pitié ou indulgence) souriant et doux ; car il a créé aussi des êtres ravissants de pureté et de douceur, et il habite au centre de la nature humaine. Et n’est-ce pas chez lui qu’on doit aller chercher le mot le plus expressif pour rendre la douceur même (the milk of human kindness), cette qualité que je demande toujours aux talents énergiques de mêler à leur force pour qu’ils ne tombent point dans la dureté et dans la brutale offense, de même qu’aux beaux talents qui inclinent à être trop doux, je demanderai, pour se sauver de la fadeur, qu’il s’y ajoute un peu de ce que Pline et Lucien appellent amertume, ce sel de la force ; car c’est ainsi que les talents se complètent ; et Shakespeare, à sa manière (et sauf les défauts de son temps), a été complet.

823. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Néanmoins je ne demeurai pas, et elle me répondit d’un air fort doux et fort obligeant ; et, pour vous dire la vérité, il faut que je l’aie prise dans quelque mauvais jour, car elle passe pour fort belle dans la ville, et je connois beaucoup de jeunes gens qui soupirent pour elle du fond de leur cœur. […] Dans Tacite, Britannicus est un jeune homme de quatorze à quinze ans, doux, spirituel et triste. […] Toutefois, malgré la parenté des religions et la communauté de certaines croyances, il y a dans le judaïsme un élément à part, intime, primitif, oriental, qu’il importe de saisir et de mettre en saillie, sous peine d’être pâle et infidèle, même avec un air d’exactitude : et cet élément radical, si bien compris de Bossuet dans sa Politique sacrée, de M. de Maistre en tous ses écrits, et du peintre anglais Martin dans son art, n’était guère accessible au poëte doux et tendre qui ne voyait l’ancien Testament qu’à travers le nouveau, et n’avait pour guide vers Samuel que saint Paul.

824. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Je t’en conjure cependant, mon cher Pierre, fais en sorte d’être envers tout le monde, et surtout envers les tiens, tel que je le désire, bon, doux, affable, généreux : qualités par lesquelles il n’est rien qu’on n’obtienne et qu’on ne puisse conserver. […] Le gouvernement doux et fraternel de cette maison déclina, comme toutes les choses humaines, et finit par devenir un fief impérial de la maison d’Autriche, une espèce de noviciat du trône impérial, où les héritiers présomptifs de l’empire s’exerçaient à régner. […] Vite, vite, ôtez-moi d’ici pour que j’aille au-devant de mon Seigneur. » Ce disant, il se soulève autant qu’il le peut, et par la vigueur de son âme soutenant son corps, il s’avance entre les mains de ses familiers et va au-devant du vieillard jusqu’à son vestibule, et là, se traînant à ses genoux, suppliant et en larmes : « Mon doux Jésus, dit-il, vous daignez visiter le plus mauvais de vos serviteurs !

825. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

C’est ici le triomphe de l’art de Fénelon : il plie ; tout en lui est modeste, résigné ; son attitude, ses lettres font voir au public la plus douce des victimes ; on commence à le plaindre, sans le justifier. […] La légende de la cruauté brutale de Bossuet, de la douce résignation de Fénelon s’établit ; et quand enfin la cour de Rome ne peut se dispenser de condamner les Maximes des Saints, Fénelon triomphe et à Rome et en France. […] Il a des ardeurs, des grâces féminines dans ses affections : ce sont des élans, des caresses impétueuses, et puis de douces coquetteries, des diminutifs amicaux, des surnoms familiers par lesquels sa tendresse s’approprie pour ainsi dire son objet.

826. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Et Voici le développement ; il est proprement fantastique : Les belles ont le goût des héros, et le mufle Hagard d’un scélérat superbe sous le buffle Fait briller tendrement l’hiatus des fichus Quand passe un tourbillon de drôles moustachus Hurlant, criant, affreux, éclatants, orgiaques, Un doux soupir émeut les seins élégiaques. […] Ce qui plaît à la bouche De la blonde aux doux yeux, c’est le baiser farouche ; La femme se fait faire avec joie un enfant Par l’homme qui tua, sinistre et triomphant, Et c’est la volupté de toutes ces colombes D’ouvrir leurs lits à ceux qui font ouvrir les tombes. […] Plutôt son œuvre douce où coulent tant de larmes Fait songer à la mer triste, pleine de charmes, Dont l’Esprit langoureux, fluide et palpitant, Mollement étendu sur sa couche azurée, S’unit de toutes parts à la voûte éthérée Et berce tout le ciel sur ses flots en chantant.

827. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Je ne veux point désirer en ce moment aucune autre félicité ; je suis votre ami ; je veux l’être : j’en remplirai les devoirs avant de prononcer un nom plus doux. […] Elle avait de la déesse. » Son nez pourtant était celui de Roxelane, un peu retroussé par conséquent, mais sans être malin ; ses yeux étaient doux et traînants et modestes. […] Elle avait l’esprit naïf quoique fin, solide et gai tout ensemble, des saillies d’enfant, et quand la passion l’eut touchée une fois, cette âme douce devint forte, résolue, courageuse.

828. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il le dira et le redira sans cesse : « Il est beau, il est même doux d’être opprimé pour la vertu. » Environ deux ans après son Avis aux Français, dénonçant dans le Journal de Paris (nº du 29 mars 1792) la pompe factieuse et l’espèce de triomphe indigne décerné aux soldats suisses du régiment de Châteauvieux, il terminera en s’adressant à ceux qui demandent à quoi bon écrire si souvent contre des partis puissants et audacieux, car on s’y brise et on s’expose soi-même à leurs représailles, à leurs invectives : Je réponds, dit-il, qu’en effet une immense multitude d’hommes parlent et décident d’après des passions aveugles ; et croient juger, mais que ceux qui le savent ne mettent aucun prix à leurs louanges, et ne sont point blessés de leurs injures. J’ajoute qu’il est bon, qu’il est honorable, qu’il est doux, de se présenter, par des vérités sévères, à la haine des despotes insolents qui tyrannisent la liberté au nom de la liberté même. […] Il réclame la punition énergique, exemplaire, des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. » Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le désintéressement de la pensée et presque le détachement du succès, par une certaine ardeur enfin d’héroïsme et de sacrifice, il ne donne pourtant au style aucune couleur particulière.

829. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Après dîner sur le boulevard, faisant cent un tours, nous avons avec lui une de ces communions de causerie, qui sont les plus douces heures des hommes de pensée. […] » Un doux maniaque qu’on n’a jamais pu décider à porter un gilet, un original, à la tendre et honnête tête, annonçant l’homme qui s’est fait médecin pour soigner sa mère, attaquée d’une maladie mortelle. […] » Il nous quitte, en nous donnant une main grasse, douce, froide, et, sur le pas de la porte, nous dit : « Venez me voir, les premiers jours de la semaine… après cela, j’ai la tête dans un sac. » 19 octobre Non, non, jamais je ne trouverai dans Paris une femme réunissant les qualités de ma maîtresse : ne pas me demander de me faire la barbe, et ne jamais m’adresser une question au sujet du livre que je fais.

830. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

La chose a eu lieu après juillet, dans un temps de douces mœurs et de progrès, un an après la célèbre lamentation de la Chambre sur la peine de mort. […] Elle se fait presque douce. […] La douce loi du Christ pénétrera enfin le code et rayonnera à travers.

831. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

je ne vous la donne pas pour une création profonde et neuve : c’est un lieu commun qui recommence sans cesse aux approches de quinze ans pour toutes les générations de Chloé et de Daphnis ; mais ici le lieu commun a passé par le cœur et par les sens, il est redevenu une émotion, il est modulé d’une voix pure ; il continue de chanter en nous bien après que le livre est fermé, et le lendemain au réveil on s’étonne d’entendre d’abord ce doux chant d’oiseau, frais comme l’aurore. […] C’est du parfait Tibulle retrouvé sans y songer, et la flûte de Sicile n’a rien fait entendre de plus doux.

832. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Tantôt c’est un persiflage doux et honnête à une jeune coquette très-aimable et très-vaine qui m’appelait son berger dans ses lettres, et qui prétendait à tous les talents et à tous les cœurs ; tantôt ce sont des vers fugitifs sur ce que M. de Voltaire, bienfaiteur de mesdemoiselles Corneille et de Varicour, les a mariées toutes deux, après les avoir célébrées dans ses vers. […] La nature de France, les bords de la Seine, les îles de la Marne, tout ce paysage riant et varié d’alentour se mire en sa poésie comme en un beau fleuve ; on sent qu’il vient de Grèce, qu’il y est né, qu’il en est plein : mais ses souvenirs d’un autre ciel se lient harmonieusement avec son émotion présente, et ne font que l’éclairer, pour ainsi dire, d’un plus doux rayon.

833. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

C’est une douce histoire, touchante, simple, savante pourtant de composition et sans en avoir l’air. […] En nous permettant, même en ce moment, cette libre critique, nous avons voulu témoigner l’entière sincérité de notre jugement et nous maintenir le droit de dire bien haut, comme nous nous plaisons à le faire, que l’histoire de Rosa et Gertrude est une des lectures les plus douces, les plus attachantes et les plus saines qui se puissent goûter.

834. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Au bras qui le défend Un nourrisson gazouille une note indécise ; Sa mère, lui tendant le doux sein qu’il épuise, L’embrasse tout entier d’un regard triomphant. […] Je ne parle pas des « regards qui se tendent en grande fixité », ni des pleurs qui « se font brèche dans de grands yeux doux » (ce ne sont peut-être que des incertitudes de langue ou des sacrifices à la rime).

835. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Au lieu de cette faculté illimitée de croire, heureux don des natures jeunes, qu’il trouvait en Galilée, au lieu de ces populations bonnes et douces chez lesquelles l’objection (qui est toujours le fruit d’un peu de malveillance et d’indocilité) n’avait point d’accès, il rencontrait ici à chaque pas une incrédulité obstinée, sur laquelle les moyens d’action qui lui avaient si bien réussi dans le nord avaient peu de prise. […] Son doux et pénétrant génie lui inspirait, quand il était seul avec ses disciples, des accents pleins de charme : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie est un voleur.

836. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Enfin, et c’était là le point le plus sensible, cet état de domesticité qu’elle accepterait dans la maison de madame de Montespan, la placerait au-dessous des regards du roi, de ces regards qu’elle avait trouvés si doux, et qu’elle se sentait autorisée à rappeler sur elle, par l’aveu secret de ce prince pour l’éducation de ses enfants naturels. […] Les premières impressions que le roi avait faites sur madame Scarron, à son entrée dans Paris, étaient peut-être de celles que la beauté et la jeunesse font sur les sens d’une femme jeune et sympathique ; mais l’auréole de gloire qui environnait cette belle tête de Louis XIV, la douce et noble fierté de son attitude soumirent aussitôt les sympathies physiques aux sympathies morales.

837. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

En parlant d’elle, on a à parler de la grâce elle-même, non pas d’une grâce douce et molle, entendons-nous bien, mais d’une grâce vive, abondante, pleine de sens et de sel, et qui n’a pas du tout les pâles couleurs. […] J’ai les yeux assez grands ; je ne les ai ni bleus ni bruns ; mais, entre ces deux couleurs, ils en ont une agréable et particulière ; je ne les ouvre jamais tout entiers, et quoique, dans cette manière de les tenir un peu fermés, il n’y ait aucune affectation, il est pourtant vrai que ce m’est un charme qui me rend le regard le plus doux et le plus tendre du monde.

838. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Aussi les passions principales que touche Homère, sont-elles conformes à la durée de son poème et à la nature de l’homme, considéré comme lecteur ; c’est la joie, la curiosité et l’admiration, passions douces, qui peuvent attacher longtemps le cœur sans le fatiguer : au lieu que la terreur, l’indignation, la haine, la compassion, et quantité d’autres dont la vivacité peut épuiser l’âme, ne sont traitées dans l’Iliade qu’en passant, et toujours avec subordination aux passions modérées qu’on y voit régner. […] On le peut faire, en le réjouissant par le spectacle même de ses maux, en y attachant ses regards malgré lui par un attrait de plaisir dont il ne puisse se défendre, et en insinuant dans son cœur ce que cette crainte et cette pitié ont d’agréable et de doux, non seulement pour le genre humain, mais encore pour lui apprendre à modérer ses passions, quand des maux réels viendront les exciter.

839. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Personne ne faisait plus vite et d’une main plus douce Une ligature à ces vanités qui s’en vont tachant tout de leur vilain sang empoisonné, et n’en fermait mieux la blessure. […] Qui s’est plaint de la publication des lettres d’Eugénie de Guérin, par exemple, dans lesquelles un génie nouveau d’expression s’est révélé avec un éclat si profond et si doux ?

840. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Cette femme du monde, qui a glissé de son salon dans la Vie Parisienne par la pente douce d’un esprit élégant qui inclinait vers une littérature de son sexe et non pas du nôtre (heureusement pour elle !) […] Tandis que ce fauteuil-ci est un instrument de plaisir, comme Tertullien, le grave Tertullien, dit des femmes… C’est le fauteuil doux, moelleux, reposant, commode, le fauteuil du chez soi, dans lequel Alfred de Musset établit un jour sa fantaisie éprise et tout à la fois déprise du théâtre ; car les poètes ont souvent de ces contradictions !

841. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Dans ses vers d’amour, à part ce qu’il faut rejeter avec dégoût, on ne peut méconnaître autant de grâce que de passion, lorsqu’il s’adresse à la jeune fille aux yeux noirs, au teint sans tache et au doux sourire. […] Deux vers isolés cependant offrent peut-être la trace, non d’une fiction poétique, mais d’un tourment réel : « Ma douce mère, je ne puis tisser ma toile, toute vaincue que je suis par la pensée de ce jeune homme, grâce à l’entraînante Aphrodite. » D’autres fragments bien courts, et par lit d’un sens douteux, pourront faire croire que Sapho vit le mariage de sa fille chérie, et chanta pour elle : « Heureux gendre, l’union que tu souhaitais s’est accomplie, tu as la vierge que tu aimais ! 

842. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Tel était l’ascendant de sa beauté et de ses manières, qu’elle subjugua tous ceux qui l’entourèrent et la connurent : pour ses femmes de chambre, ses fournisseurs, et les hommes de cour, il n’y a rien que de simple ; mais le charme s’étendit plus loin : l’allier Mirabeau fut peut-être autant amolli par ses douces paroles que par cet acte impur qui pèse sur sa mémoire ; quelques heures de conversation au retour de Varennes lui conquirent à jamais Barnave ; un mot de sa bouche fit tomber à ses pieds Dumouriez en pleurs ; les femmes du 20 juin elles-mêmes furent émues quand elles la virent.

843. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

Après madame de Lambert, après Droz et Meister, il a là-dessus des paroles d’une douce justesse : « Entre un homme et une femme dont le cœur n’est plus accessible à l’amour, l’amitié prend une nuance particulière où viennent se fondre les différences essentielles de leurs organisations.

844. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

Alors, de sa main dépliée, il embrasse pleinement cette main plus petite, il la sent dans la sienne, il palpe ces doigts, ce pouce, ces tendons, recouverts d’une peau souple, halitueuse et douce ; il arrive au poignet, mince et bien pris ; il sent parfaitement la tête du radius et cherche le pouls ; mais alors la figure à laquelle appartient cette main chimérique lui dit d’une voix fraîche, enfantine et souriante, mais sans relever la tête : “Je ne suis pas malade.” — L’alité allait lui demander : “Qui êtes-vous ?”

845. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guerne, André de (1853-1912) »

Au seuil de l’antre, paré d’acanthes et de roses, les flûtes douces des pasteurs charment les vierges à l’œil bleu ; mais, au dedans, la sombre nuit règne comme au cœur vaste et profond des hommes.

846. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hervilly, Ernest d’ (1839-1911) »

Ses cheveux courts, tressés, ont l’aspect de la laine ; Sa prunelle se meut, noire sur un fond blanc Humide, transparent comme la porcelaine, Et son regard vous suit, placide, doux et lent.

847. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Qu’il sommeille donc le poète dont la mémoire nous défend des félonies envers l’art et envers les hommes, et que nul ne révèle l’intime trésor de cette âme fière et douce, douloureuse de se sentir recluse en soi-même par un trop noble amour des êtres vivants, des lueurs et des frissons qui troublent d’inquiétudes passagères la terre et le ciel, et des immuables étoiles qu’il avait entrevues !

848. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Remy de Gourmont Avec la moitié des Hortensias bleus, on ferait un tome, encore très dense, qui serait presque tout entier de fine ou de fière ou de douce poésie.

849. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Sa poésie est douce ou tiède ; elle est comme parfumée.

850. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Pendant les années d’agitation et d’angoisses qui suivirent la Révolution de février, et où la fièvre démocratique, chauffée au feu des imaginations méridionales, propageait, dans nos campagnes, sous leurs formes les plus brutales, toutes les théories communistes, Roumanille, fils d’un jardinier et modeste employé dans une imprimerie d’Avignon, renonçant aux douces familiarités de sa muse bien-aimée, se mit à écrire, en provençal, de petits livres populaires qui firent plus, dans nos départements, pour la cause de l’ordre et du bon sens, que toutes les publications.

851. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Ils me font l’effet de ce bouclier d’Achille longuement et péniblement forgé par Vulcain, où l’œil étonné des guerriers voyait des pampres et de douces scènes bucoliques rehaussés dans l’or splendide du métal.

852. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXII. L’affichage moderne » pp. 283-287

Soit doux types d’affiches intelligentes, et deux types d’affiches indifférentes : ces exemples amèneront au principe théorique auquel je veux arriver.

853. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 192-197

Malherbe, au contraire, en s’attachant à la lecture des Anciens, ne puisa dans leurs Ouvrages que cette douce harmonie ; cette noble simplicité, qu’il nous est si difficile de faire passer dans les nôtres.

854. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Votre indulgence pour ma foiblesse va jusqu'à lui donner une douce épithete : je regarde cette charitable absolution comme un présage de la rémission d'en-haut ; elle m'en donne un avant-goût dont je ne puis trop vous remercier.

855. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

Et puis une lumière douce, diffuse sur toute la composition comme on la voit dans la nature, large, s’affaiblissant ou se fortifiant d’une manière imperceptible.

856. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 47, quels vers sont les plus propres à être mis en musique » pp. 479-483

Doux repos, innocente paix, … etc.

857. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Troisième journée. Tout s’explique » pp. 234-240

. — Monselet-Pacha semble en proie à une douce folie et joue avec ses chaînes.

858. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Ce voisinage du doux Laurence n’effraiera pas sa modestie.

859. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

tant ils sont doux, humains, tolérants ! […] Il se félicite de s’être souvenu si à propos de son Virgile, qu’il n’avait pas ouvert depuis cinquante ans ; sa lettre est d’une politesse douce, aimable, pleine d’une franchise naïve, qui fait pardonner l’amour-propre en ne prenant pas la peine de le déguiser. […] Il répugne à nos mœurs qu’une femme fasse l’office de bourreau ; c’est calomnier le plus doux sentiment de la nature, que de le confondre avec les passions les plus brutales. […] Il est fort doux sans doute de pleurer à une tragédie, de rire à une comédie ; mais il est infiniment plus doux de vivre tranquille dans ses foyers, de jouir de ses propriétés et de ne pas voir le glaive sur sa tête : quant à moi, pour établir la sécurité et la confiance, pour maintenir la société et les lois, je sifflerais, s’il le fallait, jusqu’aux tragédies de Corneille et de Racine. […] Si l’amour, comme le disent tous, rend l’homme heureux, quel merveilleux avantage que de pouvoir disposer à son gré de l’objet de son amour, d’avoir dans sa maison la bonne fortune que les autres cherchent bien loin, et de rencontrer dans le plus respectable des devoirs le plus doux des plaisirs !

860. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Le son même, plein et doux, en charme l’oreille. […] N’est-ce point la richesse que ces jeunes filles brillantes voient miroiter, avec un doux sourire, à travers leurs rêves de seize ans ? […] La mort que je vais recevoir de toi me paraît mille fois plus douce que la vie que je mènerais auprès de toi. […] Certes, les représailles, après les longues fureurs impuissantes, sont une douce chose. […] Il sera ami exact, doux, sincère, généreux, désintéressé, galant de la plus fine fleur.

861. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Mais Thérèse elle-même, malgré ses défauts, me paraît bien lui avoir été, pour le moins, aussi douce, aussi consolante et utile que funeste. […] Mais la différence était que ma Thérèse, aussi bien de figure que sa Nanette, avait une humeur douce et un caractère aimable…, au lieu que la sienne, pie-grièche et harengère, etc.. […] Mais la jalousie s’éveille avec l’amour, et la plus douce des passions reçoit des sacrifices de sang humain. […] Mais, lui, Jean-Jacques, au nom de quoi condamne-t-il les trop douces impressions qu’on peut recevoir au théâtre ? […] Douce et paisible innocence, tu manquas seule à mon cœur pour faire de cette scène de la nature le plus délicieux moment de ma vie !

862. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

que le soleil est doux ! […] On file très doux devant lui. […] C’est l’effet d’une douce et assez niaise satisfaction de soi-même. […] Sur cette douce réponse, j’entrai chez lui. […] Il y avait de quoi effrayer la muse inquiète et craintive du doux Casimir.

863. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

—  C’est de tous les sommeils le plus doux. […] c’est une belle main douce ! […] je défaille. » Elle meurt, demandant quelque douce voix qui lui chante un air plaintif, un air d’adieu, un doux chant funèbre. […] Pourquoi as-tu déchiré — ces cheveux bouclés où j’ai souvent attaché — des roses fraîches et des rubans, et où j’ai versé — des eaux distillées pour te parer et t’embellir, pour t’embaumer de senteurs plus douces que des bouquets un jour de noces ? […] —  Je suis capable de vous pardonner avant que vous le demandiez. —  En vérité, j’en suis capable, car c’est fait. » Quelqu’un peut-il résister à ce sourire si doux et si triste ?

864. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Le nœud est un événement inopiné qui surprend, qui embarrasse agréablement l’esprit, excite l’attention, et fait naître une douce impatience d’en voir la fin. […] Il semblait qu’un spectacle si doux N’attendait en ces lieux d’autre témoin que vous. […] L’amitié, entre un frère et une sœur, a quelque chose de plus doux encore. […] De telles peintures demandent une musique naïve, des airs simples, un chant uni, une symphonie douce et tendre ; mais ce genre semble épuisé parmi nous, et n’avoir plus rien que de fade et de monotone. […] En un mot, tout ce que la passion la plus douce et la plus tendre pourra inspirer dans cette position à une âme sensible, composera les éléments de l’air de Mandane ; mais quelle plume serait assez éloquente pour donner une idée de tout ce que contient un air !

865. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Il avait déjà perdu sa mère, et il ne se ressouvint jamais de ce doux sourire qui avait lui sur son berceau. […] Une autre influence, bien douce également et plus modeste, menaçait pourtant, en ces années, de traverser la première : un doux astre se levait à l’horizon et aurait pu prendre un rapide ascendant sur le cœur du jeune homme, s’il eût été plus libre. […] Il a des accents particulièrement vrais pour nous exprimer la science et l’érudition locale, profonde, originale, communicative et naïve, à laquelle il a dû des heures d’affectueux commerce et de douce hospitalité : il a su s’en assimiler l’esprit et l’âme en courant. […] Le cercle de l’Abbaye, dans sa douce habitude, lui procurait des liaisons agréables et des amis à tous les degrés. […] On lui disait d’ailleurs, et une voix bien douce, parlant un peu légèrement de ces préférences de jeune fille, lui murmurait à l’oreille : « Un peu d’absence, et « cela passera ! 

866. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

C’est un colosse charmant, un doux géant aux cheveux blancs, qui a l’air du bienveillant génie d’une montagne ou d’une forêt. […] C’est d’une volupté étrange, mystérieuse, silencieuse, ce doux menuet de mortes et d’âmes masquées, se nouant et se dénouant dans un rayon de lune. […] Une douce lumière humide, dans laquelle le haut des maisons et des édifices étincelle de rose, avec les toits d’ardoises, les troncs d’arbres des promenades, les lointains des trottoirs, s’enlevant en violet. […] « Bienheureux les doux parce qu’ils auront le monde. » Ça n’a pas de sens ? […] Il me parle, en délicat observateur et en peintre coloriste, des blessés, de ce qu’il a surtout remarqué en eux : l’œil avec dedans ce regard doux, triste, enfantin, attrapé comme celui d’une petite fille, à laquelle on aurait abîmé sa poupée.

867. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Dans une étude sur Racine, Larroumet — docilement, et parce que ces choses-là se disent — signalait un accord entre le génie de Racine et le paysage harmonieux et doux de la Ferté-Milon. […] Si c’est en mort, mais que ce soit sans vilenie, douce me sera telle issue. […] des plaintes, si mélodieuses et si douces ! […] Comme il sait que le sultan, à son retour, le ferait probablement étrangler, il veut lui substituer son frère, qui est doux, charmant, et « de bonne mine ». […] Le trépas à vos yeux me semblerait trop doux, Et je n’ai pas encore assez souffert pour vous.

868. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Il n’y a que cela : un honnête homme qui meurt avec les secours de la religion, entre sa femme et ses enfants ; drame doux et cruel, qui vous poursuit longtemps après la lecture finie. […] Et Frédéric Soulié, le robuste inventeur, si violent et si doux ? […] Désormais, il y avait dans notre douleur même une consolation austère et douce : le vide n’était plus béant. […] Ta douleur sera douce par l’idée de sa délivrance et de ce que tu as fait pour lui. […] Le vin pur, Acratos, et le vin doux, Edoinos, se sont élancés de leur tonne, une torche au poing, pour rallier la troupe altérée.

869. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

En l’état de santé, quand on écoute au fond de soi, on entend toujours une sorte de chant sourd et doux : se sentir vivre, n’est-ce pas là le fond de tout art comme de tout plaisir ? — De même, il est doux et esthétiquement agréable de manifester au dehors la vie intérieure. […] Une belle voix touche moins qu’une voix douce, suave, chaude, pénétrante, vibrante. […] Hugo a reproduites si fréquemment et dans lesquelles les consonnes dernières sont tantôt muettes et tantôt sonores : Vénus, nus ; Nil, chenil ; héros, rhinocéros ; tous, doux ; maïs, pays. […] « La douce strophe du poète », dit Hugo.

870. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

La véritable mission des femmes, au contraire, est de secourir ceux qui luttent seuls et désespérément ; leur devoir est d’assister les héroïsmes en détresse ; il ne leur est permis de courir qu’après les persécutés ; qu’elles jettent leurs plus doux regards, leurs rubans, leurs bouquets, au chevalier blessé dans l’arène ; mais qu’elles refusent même un applaudissement au vainqueur félon qui doit son triomphe à la ruse.

871. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

La bouche voluptueuse, songeuse, empourprée de sang, la barbe douce et enfantine, l’abondante chevelure brune, l’oreille petite et délicate, concourent à un ensemble fièrement viril, malgré la grâce féminine.

872. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Theuriet, André (1833-1907) »

Mais, si des rayons paisibles et calmes indiquent déjà le doux déclin de la fin septembre, ces clartés indécises, ces lueurs pâlissantes et qui luttent encore, nous laissent voir, malgré tout, un dernier épanouissement qui conserve sa force et son énergie… L’intimité qui anime les vers de M. 

873. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Je plaindrais ceux qui ne seraient pas touchés de la douce majesté de cette scène finale où se dresse en plein air une table à laquelle s’assied la foule des malheureux, une table servie dont on ne voit pas les bouts.

874. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

On rappelle avec complaisance ces anecdotes, parce qu’il est doux de pouvoir joindre à l’admiration pour les grands talens, l’hommage qu’on doit aux grandes vertus.

875. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 381-387

L’Esprit, au contraire, fut doux, modeste, même enjoué, toujours respectueux pour le vénérable Savoir, & plus encore pour celle qui le représentoit ».

876. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Je ne crois pas qu’il soit possible ni utile de modifier la forme des mots latins anciennement francisés par les érudits, ni, sous prétexte d’alignement, de biffer certaines lettres doubles, de remplacer les g doux et les ge par les j, ni enfin de faire subir à l’orthographe aucune des modifications radicales et maladroites préconisées par les « fonétistes » .

877. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

C’est moins chez eux, ainsi que parmi nous, quelques pensées éclatantes, au milieu de beaucoup de choses communes, qu’une belle troupe de pensées qui se conviennent, et qui ont toutes comme un air de parenté : c’est le groupe des enfants de Niobé, nus, simples, pudiques, rougissants, se tenant par la main avec un doux sourire, et portant, pour seul ornement, dans leurs cheveux, une couronne de fleurs.

878. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

Un de nos plus doux sentiments, et peut-être le seul qui appartienne absolument à l’âme (les autres ont quelque mélange des sens dans leur nature ou dans leur but), c’est l’amitié.

879. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Elle tient son enfant dans les bras, et calme les flots par un sourire : charmante religion, qui oppose à ce que la nature a de plus terrible, ce que le ciel a de plus doux !

880. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

La diction de tout l’ouvrage est digne d’un Académicien, pure & concise, mais moins élégante, moins coulante, moins douce que celle de Rollin ; & il regne dans le style un certain ton métaphysique qui y répand un peu de sécheresse.

881. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Rien n’est plus charmant de coloris doux, de nuances fines et émues… Ce n’est, je le veux bien, que des dessus déportés, faits aux trois teintes, avec du gris de lin, du bleu de ciel et du rose pâle ; mais c’est délicieux, et qui peint ainsi le dessus de porte a droit au lambris !

882. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

. — L’empire de la Chine avec sa religion douce et sa culture des lettres, est très policé. — Il en est de même de l’Inde, vouée en général aux arts de la paix. — La Perse et la Turquie ont mêlé à la mollesse de l’Asie les croyances grossières de leur religion.

883. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Huysmans décrit l’effet produit sur un être doux et nerveux par la découverte d’un amant chez sa femme. […] A défaut d’air pur, on lui fait respirer une douce atmosphère d’hypocrisie. […] Il y a des fleurs qui ont des yeux si doux ! […] Vient ensuite (30), et c’est logique, la classe : bien élevée, respectueuse, modeste, douce, simple. […] Longtemps, on s’était contenté de cette prison douce ; elle n’est tout à fait bonne qu’entourée d’un fossé profond.

884. (1888) Études sur le XIXe siècle

Mes autres douces illusions s’évanouissent toujours davantage à l’aspect de la vérité. […] Angélique vision, belle comme un rêve, dans cette demeure terrestre et dans les hauts chemins de l’Univers entier, ai-je jamais demandé, espéré, désiré autre chose que voir les yeux, rien de plus doux que de posséder ta pensée ?  […] De plus, il est arrivé à se créer une palette qui est bien à lui : à l’inverse de Hunt et de ses couleurs crues, de Rossetti et de ses couleurs chaudes, il n’emploie guère — sauf, bien entendu, dans ses aquarelles, — que des tons très doux, qui se marient dans une exquise symphonie de gris infiniment délicate. […] Tronconi publia, sous le titre intraduisible de Caro Fuoco, une histoire d’amour très douce et très passionnante, d’un mérite artistique supérieur à celui des précédents ouvrages. […] Il arrive à Turin le soir, court à l’Opéra où il sait la rencontrer, l’aperçoit dans sa loge « en grand deuil, portant sur la plus douce des figures des traces de longues et cruelles souffrances ».

885. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Le son rendu par l’air est donc l’élément fondamental de toute musique ; seulement tout son isolé n’est pas musical ; il faut, pour qu’il le devienne, que ce bruit, consonant avec les fibres de l’oreille de l’homme, soit concordant par le rythme et par le ton avec d’autres bruits formant un sens doux, tendre ou pathétique pour l’oreille. […] Quant à la tradition des deux oiseaux au sexe différent, dont l’un chanta six notes graves et l’autre six notes douces, on voit que l’opinion des Chinois était qu’il y avait des notes mâles et des notes femelles. […] Doux plaisir ! Le plaisir est doux après la peine ! […] La main de la religion lui paraît seule assez forte et assez douce pour la lui faire accepter sans mourir.

886. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

combien doux et agréable, et aussi pour les pieds droitement commode ! […] Il n’arrive pas à son âge naturel, et n’a pas une mort douce ; mais il est précipité à travers des misères morales et des souffrances physiques qu’il est seul à connaître (R. et A.). […] tu as aimé deux, si tu demandais la troisième, douce consolation te créerait la chère. […] Flosshilde Ô chante toujours, si doux et fin… comme saint ce séduit mon oreille ! […] Alberich Très douce fille !

887. (1900) Molière pp. -283

Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. […] Avec la suite des temps, on découvre, en examinant telle ou telle passion après plusieurs siècles, qu’on ne la connaissait pas tout entière, et qu’il est sorti d’elle quelque chose de puissant, de doux ou de funeste que l’on ne croyait pas qu’elle aurait jamais donné. […] Pour mettre de son côté les modérés et les sages, il s’est fait doux et modéré, lui, dont le tempérament était violent, et en qui l’irritation, quand il était choqué, était si naturelle. […] Je ne le fais point plus doux qu’il n’est ; je ne revendique point pour lui le privilège du désintéressement et de l’innocence parfaite ; dans l’histoire de nos erreurs et de nos fautes, il a sa part, je ne la diminue point. […] ——— En amour, il y a quelque chose de plus doux que de conquérir, c’est d’être conquis.

888. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Les figures de ses romans se détachent ordinairement sur des paysages d’un effet tranquille et doux qui rappellent la manière et le goût du peintre Fiers. […] C’était un garçon frais, vermeil, bien portant, joueur, aux yeux brillants et doux, mais que rien ne distinguait des autres, du moins à des regards peu attentifs. […] Le calme et le silence nécessaires au savant ont je ne sais quoi de doux et d’enivrant comme l’amour… L’étude prête une sorte de magie à tout ce qui nous environne. […] Jamais il n’y eut humeur plus douce et plus égale, et l’on peut dire cela d’un ami, quand on a passé avec lui des mois entiers en voyage sans le quitter d’une heure. […] Mais des prunelles d’un noir énergique donnaient de l’accent à cette physionomie fine et douce.

889. (1888) Poètes et romanciers

Chaque poète recommence à son tour le poème profond et doux de l’âme humaine. […] Un doux délire lui a enfin rendu son fils. […] Voilà où excelle Béranger dans les dernières inspirations de sa douce et aimable vieillesse. […] Un doux regard s’échappe de sa paupière demi-close. […] L’esprit, excité bientôt, jaillit ; le cœur se réveille sous la douce excitation de l’esprit ; il parle ; ce qu’il dit, M. 

890. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mlle de Scudéry était dans l’intimité une âme charmante, très douce aux siens, et d’une sûreté de commerce incomparable. […] Quand je dis honnête homme, je dis un esprit dont le commerce est doux et sûr, une intelligence qui ne connaît point la peur, une âme souriante et pleine d’indulgence. […] Il a, par ailleurs, d’admirables élans, une tristesse infinie, et dans ses peintures une touche molle et douce qui est sa marque. […] Et comme on prend part à leurs petites misères, à leurs joies de rien, à cette vie végétative et douce, et que confine l’orée d’un champ ! […] Le petit Moreau est une étude à part (très honnête, très discrète, attristée et douce) du sentiment maternel.

891. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

« En sortant de ma coupe de bois, après l’ouvrage, je m’en vais auprès d’une petite fontaine, et de là à mes pièges d’oiseaux, avec un livre sous mon bras, soit Dante, soit Pétrarque, soit un de ces poètes familiers en second ordre, tels que Tibulle, Ovide ou quelqu’un de ce genre ; je lis là leurs amoureuses souffrances ou leurs jouissances amoureuses ; ils me font souvenir de mes propres amours, et je me réjouis un peu dans ces douces mémoires. […] Le pape Léon X, Médicis lui-même et le plus doux des hommes comme le plus lettré, envoya de Rome réclamer de ses neveux la liberté de Machiavel ; il lui demanda de plus, comme au premier des politiques de son temps, des conseils pour le gouvernement des affaires d’Italie. […] Les Étrusques durent leur capitale à un grand marché fondé sur la colline escarpée de Fiesole ; d’où Florence descendit dans la plaine ; de là ce caractère mercantile qui resta l’âme de ce doux pays, et qui finit par lui donner pour magistrats des cardeurs de laine et pour maîtres une dynastie de marchands (les Médicis). […] Le climat et les mœurs lui rendent la vie si gaie et si douce que la vie lui devient plus chère qu’aux peuples du Nord, qui ont si peu à perdre en la risquant.

892. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

A Metz, Bossuet s’appliqua aux Pères grecs, dont l’heureuse influence s’ajouta aux leçons de ses auteurs jusque-là préférés, saint Augustin, Tertullien, les âpres Africains, subtils et violents : Basile et Grégoire détendirent son éloquence et lui enseignèrent la puissance de la douce simplicité. […] Cet abbé de ruelles, faiseur de vers latins aimables et de vers français coquets, assidu a l’hôtel de Rambouillet dans ses derniers beaux jours, intime ami de Mme et de Mlle Deshoulières, ce bel esprit d’Église qui est un des intermédiaires par où l’on passe de la préciosité de 1650 à celle de 1715, fit en sa maturité un prédicateur estimé et décent, un excellent évêque, zélé, charitable, doux. […] Massillon444, oratorien, homme doux et timide, enseignait dans les collèges de son ordre, quand on le força à prêcher : il débuta à Paris en 1698 ; son succès fut considérable. […] Cet homme doux était parfois effrayant en chaire.

893. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Qu’ils parlent de la nuit et du jour, de la syllabe « et », de mille choses invisibles, par eux vues, un même sentiment les tient ravis, l’amour cruel et fatal, et si doux chez le héros puissant, plus fougueux chez la reine, et plus lascif. […] Lamoureux l’a tel qu’il le voulut, tel qu’on le rêve, sans défauts, enviable aux meilleurs théâtres allemands, doux, féroce, et sublime. […] Alors, sur une musique douce comme une caresse, le chevalier lui demande si elle est fiancée. — Fiancée, non ! […] Puis, c’est le tour d’Éva de venir, dans cet humble réduit, réchauffer son doux espoir.

894. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Ces années furent plus amères pour moi peut-être que pour un autre ; plus le nid est doux sur l’arbre et sous l’aile de la mère, plus l’oiseau déteste les barreaux de la cage où on lui siffle des airs empruntés qu’il doit répéter sans les comprendre. […] On jouit sur cette hauteur d’un complet et perpétuel silence ; les bruits des vallées ne montent pas jusque-là ; on n’y entend que la chute accidentelle des petits coquillages pétrifiés qu’un mouvement du pied fait rouler jusqu’au bas de la montagne ou les imperceptibles sifflements que rend la brise en se tamisant sur les brins d’herbe mince, sèche et aiguë, qui percent les pierres comme de petites lances : accompagnement doux plutôt qu’interruption des hautes pensées que les hauts lieux inspirent. […] Des cheveux bruns, mêlés de quelques brins blancs, retenus autour du front par un ruban noir ; des yeux doux comme le regret qui se résigne et qui devient bonheur ; des joues pâles, un peu aplaties par le doigt du temps ; une bouche fine, entrouverte par la mélancolie ; le tour du visage arrondi et trop charnu par en bas, comme celui des femmes dont les muscles du menton commencent à se détendre et à fléchir sous le poids des jours ; enfin une figure de bonté ouverte et de curiosité craintive, qui rappelait la soumission volontaire de la femme esclave sous la tente du patriarche arabe dans les déserts de Syrie. Ce visage pâle, triste et doux comme une apparition au clair de lune, s’imprima d’un seul regard dans ma mémoire.

895. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

… Mais, j’en rends grâce à cette même nature, cette fibre très sensible à la douleur l’est aussi aux impressions douces et enivrantes de la vie. […] demandez-le même à toutes les professions libérales qui vous semblent plus douces parce que la poitrine du travailleur intellectuel est moins haletante que celle du forgeron, mais qui ne sont, au fond, que le même travail changé de nom, sueur d’esprit au lieu de sueur de corps ! […] Ni la nuit, au doux bruit des toiles palpitantes. […] pour arpenter ta face, Lent comme un jour qui vient après un jour qui passe, Patient comme un but qui ne s’approche pas, Long comme un infini traversé pas à pas, Prudent comme la soif quarante jours trompée, Qui mesure la goutte à sa langue trempée ; Nu comme l’indigent, sobre comme la faim, Ensanglantant sa bouche aux ronces du chemin ; Sûr comme un serviteur, humble comme un esclave, Déposant son fardeau pour chausser son entrave, Trouvant le poids léger, l’homme bon, le frein doux, Et pour grandir l’enfant pliant ses deux genoux !

896. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Lorry qui l’accusaient de trop efféminer la science et d’amollir le caractère de la profession en vue du succès : Mais s’il ne devait cet accueil, remarquait-il, qu’aux impressions d’une âme douce et compatissante, à cette pénétration, à cette sagacité particulières qui font deviner aux uns ce que les autres n’apprennent que par de longs discours, à cet art d’interroger la nature sans soulever le voile de la décence et sans alarmer la pudeur, combien ces considérations ajouteraient à notre estime pour M.  […] Dans la vieillesse, à mesure que l’existence physique s’éteint, l’homme illustré par ses talents voit s’accroître la vaste carrière de la célébrité ; le court avenir qui lui reste se confond aisément avec celui que la postérité lui prépare, et s’agrandit par cette compensation heureuse ; tout l’invite à se rappeler avec délices les époques les plus brillantes de son histoire, et peut-être l’habitude que l’on a de vivre, jointe à cette douce illusion, est-elle plus que suffisante dans ces derniers moments pour détourner l’idée importune et fatigante d’une mort prochaine.

897. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Avant et après ce temps, il n’était que le lieutenant d’un roi allié : « Or là, dit-il, il ne me fallait pas faire le mauvais, car ils étaient plus forts que moi ; et fallait toujours gagner ces gens-là avec remontrances et persuasions douces et honnêtes, sans parler de se courroucer. […] Dans un moment où le soupçon régnait et où la discorde était près d’éclater parmi eux, il s’adressa à la dévotion italienne et fit diversion aux querelles moyennant des processions publiques et des prières : « Car de jeûnes, dit-il gaiement, nous en faisions assez. » Ces jeûnes étaient poussés aux dernières limites du possible : « Ni la ville ni nous ne mangeâmes jamais, depuis la fin de février jusques au vingt-deuxième d’avril, qu’une fois le jour : je ne trouvai jamais soldat qui en fît plainte. » Lui-même et les autres chefs ne mangeaient plus, depuis la fin de mars, qu’un petit pain, un peu de pois avec du lard et des mauves bouillies, et une fois le jour seulement : Le désir que j’avais d’acquérir de l’honneur, dit-il, et de faire souffrir cette honte à l’empereur (Charles Quint) d’avoir arrêté si longuement son armée, me faisait trouver cela si doux qu’il ne m’était nulle peine de jeûner.

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