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700. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

De bonne heure il avait pu voir la vie sous ses différents aspects ; il savait déjà le monde, et dans les lettres, dès qu’il y appliquerait son regard, il devait chercher de l’étendue et un libre horizon. […] Aujourd’hui que tout noble centre a disparu, et que la pensée, si elle veut être pure, cherche vainement un lieu désintéressé où se groupent avec charme et concert les activités diverses, ces souvenirs des foyers et comme des patries autrefois brillantes sont bien faits pour rappeler un moment le regard en arrière et le reposer.

701. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il regardait à droite et à gauche le peuple d’un regard de pitié. […] Robespierre eut le temps de rassembler dans un seul et dernier regard son passé, son présent, son lendemain, le sort de la république, l’avenir du peuple et le sien.

702. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Je me tournai et tout Baju m’apparut alors, ramassé, âpre, têtu, avec, dans une petite figure vieillotte, la flamme d’un regard vibrant. […] « Trois pièces, dont le vélin défailli mais irréfutable, permane exposé aux regards 10 , nous viennent du Professeur Marcus van Hiffergue, de l’Université de Groningen qu’illumina Rimbaud pendant son hégire à travers les Pays-Bas.

703. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

. — Il faudrait ici mettre en regard la contre-partie, l’action de la littérature sur la religion. […] La littérature, sans être aussi redoutable pour les dogmes que la science l’a toujours été par sa ferme volonté de ne rien admettre qui ne soit prouvé, est devenue, elle aussi, dangereuse pour eux, à mesure qu’elle a été pénétrée de l’esprit scientifique ; l’histoire, la philologie, la philosophie, armées de méthodes sévères, ont critiqué les faits, les textes, les conceptions qui s’offraient à leurs regards aigus dans les livres dits sacrés, et nul n’ignore l’abatis qui s’en est suivi de légendes et d’erreurs données comme des vérités révélées.

704. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

La courbe d’un mouvement est plus facile à calculer, quand le regard peut l’embrasser sur une plus longue étendue. […] La couleur dominante s’atténue peu à peu et, par une série d’insensibles transitions, il se trouve, au bout de quelque temps, que telle nuance effacée a pris la place et l’éclat de celle qui éblouissait les regards.

705. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Madame de Maintenon jetait souvent ses regards vers ses anciennes amies ; elles avaient toujours les yeux sur madame de Maintenon. […] Puisque les conséquences ultérieures de cette fortune ne sont plus de notre sujet, et que nous nous arrêtons ici dans l’histoire de la société polie, jetons un dernier regard sur les personnages qui la composent en 1680, rassemblons-les dans notre pensée : leur aspect suffira pour nous faire entrevoir l’avenir que nous laissons à d’autres le soin de décrire.

706. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Et lorsque, des hauteurs où cette pensée nous transporte, on abaisse ses regards sur l’état actuel de l’Europe, lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes cabinets que nous avons vus pendant trente ans si complaisants envers tous les gouvernements nés de notre Révolution, qui ont successivement traité avec la Convention, recherché l’amitié du Directoire, brigué l’alliance du dévastateur du monde ; lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes ministres que nous avons vus si empressés aux conférences d’Erfurt qui viennent maintenant, gravement, de leur souveraine science et pleine autorité, flétrir de noms injurieux la cause pour laquelle Hampden est mort au champ d’honneur et lord Russell sur l’échafaud, en vérité le sang monte au visage ; on est tenté de se demander : Qui sont-ils enfin, ceux qui prétendent détruire ainsi, d’un trait de plume, nos vieilles admirations, les enseignements donnés à notre jeunesse, et jusqu’aux notions du beau et du juste ? […] Que si vous le voulez absolument, mettez ce noble discours en regard d’autres discours plus récents du même honnête homme politique, lesquels ne sont ni moins sentis, ni moins animés d’un accent de vérité, et vous aurez sous les yeux en abrégé toute la leçon de l’expérience, l’éternelle leçon qui recommence toujours.

707. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

La nation sera purgée, et les étrangers, les mauvais citoyens, tous ceux qui préfèrent leur intérêt particulier au bien général, en seront exterminés… Camille ajoute, il est vrai, aussitôt après : « Mais détournons nos regards de ces horreurs. » Il les en détourne néanmoins si peu, que, dans une note de sa brochure, il s’arrête avec complaisance sur l’exécution sommaire des malheureux de Launay, Flesselles, Foulon et Berthier : « Quelle leçon pour leurs pareils, s’écrie-t-il, que l’intendant de Paris rencontrant au bout d’un manche à balai la tête de son beau-père ; et, une heure après, que sa tête à lui-même, ou plutôt les lambeaux de sa tête, au bout d’une pique !  […] Il faut mettre ces tristes paroles en regard du troisième numéro du Vieux Cordelier, qui les expie.

708. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

« Elle était aimable, écrit Mme de Motteville, et sa beauté avait de grands agréments par l’éclat de la blancheur et de l’incarnat de son teint, par le bleu de ses yeux qui avaient beaucoup de douceur, et par la beauté de ses cheveux argentés qui augmentait celle de son visage. » Ce blond d’argent de ses cheveux, joint à cette blancheur transparente et vive, cette douceur bleue de son regard, s’accompagnaient d’un son de voix touchant et qui allait au cœur ; tout se mariait en elle harmonieusement. […] … Ce fut, à mes yeux, tous les charmes que nous avons vus autrefois ; je ne la trouvai ni bouffie, ni jaune ; elle est moins maigre et plus contente ; elle a ses mêmes yeux et ses mêmes regards ; l’austérité, la mauvaise nourriture et le peu de sommeil ne les lui ont ni creusés, ni battus ; cet habit si étrange n’ôte rien à la bonne grâce, ni au bon air ; pour la modestie, elle n’est pas plus grande que quand elle donnait au monde une princesse de Conti ; mais c’est assez pour une carmélite.

709. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Que ta manne, en tombant, étouffe le blasphème ; Empêche de souffrir, puisque tu veux qu’on aime ; Pour qu’à tes fils élus, tes fils déshérités Ne lancent plus d’en bas des regards irrités. […] Tout poète doit obéir au souffle, mais que ce soit surtout à celui du dedans. — Et pour résumer, non pas mon jugement (ce serait prématuré), mais tout mon vœu sur lui, je dirai : Il a en ce moment la vogue, il a ce que tant d’autres, et des plus dignes, ont vainement attendu toute leur vie, l’attention et le regard du public ; il a le cri du moment, comme dit le poète ; il chante pendant des heures, et on l’écoute, on l’applaudit ; il a de l’action.

710. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Il avait le regard couvert, mais ses yeux étaient pleins de feu. […] Cela dit, détournons vite le regard et attachons-nous à la réalité des choses, à l’élévation du but et des idées.

711. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Je croyais voir l’âge d’or sous une administration si pure ; je ne vois que l’âge de fer ; tout se réduit à faire le moins de mal possible. » Aussi, dès ce moment, le regret du passé la ressaisit : Le regret du passé, s’écrie-t-elle, tourne toujours mes regards vers cet Être pour qui aucun temps n’est passé. […] La nature, qui devient ainsi le garant et l’interprète de l’amour conjugal, se plaît à consacrer de son inimitable pinceau les chastes sentiments d’une femme fidèle ; et tous les regards que jette un père attendri sur des fils qui lui ressemblent, retombent sur leur mère avec une nouvelle douceur.

712. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Entre ces diversités d’écoles et de méthodes, et en regard d’une société brillante, polie, éclairée, mais plus empressée chaque jour de jouir des plaisirs de l’esprit sans désormais les payer par trop de peine, il y avait évidemment pour l’Université à trouver une mesure d’innovation qui conciliât les mœurs, la discipline, la tradition classique, et j’oserai dire déjà, la promptitude et la facilité modernes. […] Cependant ils n’en témoignent aucun regret ; ils ne rejettent point en arrière un regard de tristesse.

713. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

C’est là, c’est devant cette enfilade de colonnes encore debout et de fûts renversés que Volney établit son voyageur ou plutôt s’établit lui-même comme une espèce d’Ossian arabe ou turc, méditant après le coucher du soleil sur les vicissitudes des empires : « Je m’assis sur le tronc d’une colonne ; et là, le coude appuyé sur le genou, la tête soutenue sur la main, tantôt portant mes regards sur le désert, tantôt les fixant sur les ruines, je m’abandonnai à une rêverie profonde. » La gravure qui était en tête du volume, et qui a été souvent reproduite depuis, représente le voyageur dans cette pose un peu solennelle. […] Le talent qui se trouve au début dans quelques pages des Ruines se ressent de cette disposition fondamentale ; il y a du nombre, une certaine emphase grandiose, mais nulle légèreté et nul éclat, aucun regard de la muse.

714. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Schopenhauer, Taine et Nietzsche ont fait de la métaphysique ou de la psychologie en un style plein d’images expressément créées par eux pour expliquer leurs visions ; tous les trois furent de grands visionnaires devant lesquels l’Abstraction elle-même, comme au regard d’un démiurge, se mettait à vivre et à remuer sous ses longs voiles gelés par les hivers philosophiques. […] Ni le style de Stendhal, ni celui de Mérimée, ni le style même du Code ne sont exempts d’images ; seulement ces images sont tellement usées, elles ont si longtemps roulé dans les vagues de la parole que voilà des galets unis et ronds où il semble que nul regard mental ne puisse découvrir les linéaments du paysage ancien. « Tout condamné à mort, dit le Code, aura la tête tranchée » ; cela est net, sec et froid ; cela ne laisse à l’entendement aucune alternative ; ce n’est plus une image, c’est une idée, mais une idée qui, à peine comprise, redevient l’image que les mots, sans le savoir, ont tracée avec du sang.

715. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ;  » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ».

716. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Ces époques, qui sont des âges de crise, attirent les regards du poète épique. […] Sans passé, sans avenir, son regard s’est arrêté sur un seul moment.

717. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Floquet sur Bossuet, il les atténuera, les excusera et s’en détournera avec une miséricordieuse indulgence, et on pourra lui appliquer, mais en le modifiant et l’abaissant un peu, son mot superbe sur Bossuet : « Jamais regard plus hardi et plus ferme ne se baissa plus humblement devant l’invisible. » Car, lui aussi, il baisse un regard ferme, non par humilité, mais par politesse, et si ce n’est pas « devant l’invisible », pourquoi faut-il que ce soit devant l’imparfait ?

718. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Ce qu’on a toujours oublié, ce qu’on oublie toujours encore dans cette question de Galilée, c’est qu’il prétendait être théologien de par les mathématiques et enseigner ce que les docteurs en droit canon, et encore sous le regard ouvert de l’Église, ont seuls le droit d’enseigner. […] Lui qui avait de la réalité à côté de l’imagination dans la tête, qui avait de l’observation, de la netteté dans le regard, et de la raillerie au service de tout ce qui était hypocrite, pédant et niais, croit à la perfectibilité du genre humain comme le plus simple épicier de cette grande époque, dont c’est l’opinion.

719. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Ce lyrisme, auquel le poète s’est assoupli par la volonté, l’exercice et surtout le compagnonnage littéraire, est le plus grand ennemi de sa nature sincère, de cette poésie qui est la sienne, toute d’observation triste ou cruelle, qui se déchire le cœur dans un coin, et de ce petit coin sombre avec son noir chagrin, comme Alceste, allonge sur le monde extérieur un regard qui, comme celui de certains peintres malades de la bile ou du foie, teint, d’une nuance particulière et soucieuse, les objets sur lesquels il va lentement et longuement se fixer. […] ……………………………………………… Je lus dans leur regard, j’écoutai leur parole, ……………………………………………… Tel qu’un enfant, au pied d’une haie et d’un mur, Entendant les passants vanter un figuier mûr, Une rose, un oiseau qu’on aperçoit derrière, Se parler de bosquets, de jets d’eau, de volière, Et de cygnes nageant dans un plein réservoir, Je leur dis : « Prenez-moi dans vos bras, je veux voir ! 

720. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Mon regard était hébété, mon œil voilé d’un crêpe. […] Entre la contemplation sereine du savant, du philosophe ou de l’artiste de génie, et la vision extatique de l’ascète, il y a toute la distance qui sépare le sens visuel de l’homme sain du regard halluciné d’un malade que dévore la fièvre.

721. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Au premier regard, de telles rencontres semblent incohérentes. […] Se sachant trop blessable, il veut à tout prix se préserver du contact et du regard. […] Il en arrive, au terme de cette introspection continue, par douter de la lucidité de son regard intérieur. […] Tout dans sa personne, regard, gestes, parole, disait la supériorité de l’intelligence. […] C’était un homme de cinquante ans, d’une minceur et d’une souplesse juvéniles, avec une incroyable mobilité du regard et du visage.

722. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

La régularité sévère, la facture savante d’une œuvre d’art n’est qu’au regard superficiel le signe d’un équilibre imperturbable de l’âme ; les plus passionnés sont quelquefois les plus austères, et la force qui règle peut avoir le même principe que la passion qui entraîne et que l’enthousiasme qui crée. »— Si M. 

723. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Œuvres complètes, traduction nouvelle, avec le texte en regard, des variantes et des notes, par M. 

724. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Au bord de quelque golfe d’Italie, à l’entrée de quelque villa dont la blancheur contraste avec les bosquets de citronniers qui l’entourent, on entend le son d’une harpe, et une voix, voix si douce que l’amour s’y devine : Le portique au soleil est ouvert : une enfant Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant Un lévrier folâtre aussi blanc que la neige, Dont le regard aimant la flatte et la protège ; De la plage voisine ils prennent le sentier Qui serpente à travers le myrte et l’églantier ; Une barque non loin, vide et légère encore, Ouvre déjà sa voile aux brises de l’aurore, Et berçant sur leurs bancs les oisifs matelots, Semble attendre son maître, et bondit sur les flots..

725. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

La Religion et l’Art, ces deux points élevés, ces deux sommets que quelques-uns croient apercevoir devant nous à l’horizon, et qu’ils tâchent de démontrer aux autres, lesquels prétendent n’y rien voir ; ces deux pics merveilleux, qui ne sont pour certains regards sévères qu’une fantaisie dans les nuages, apparaissent aux directeurs de la Revue comme les deux phares de l’avenir ; ils essaient souvent de s’en approcher et d’en gravir les premières hauteurs.

726. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

L’impression de ce genre de style pourrait se comparer à l’effet que produit la révélation d’un grand secret ; il vous semble aussi que beaucoup de pensées ont précédé la pensée qu’on vous exprime, que chaque idée se rapporte à des méditations profondes, et qu’un mot vous permet tout à coup de porter vos regards dans les régions immenses que le génie a parcourues.

727. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Il faut soigner les apparences lorsqu’on ne peut faire juger que ses manières, et l’on était même excusable de souhaiter en France des succès de société, puisqu’il n’existait pas une autre arène pour faire connaître ses talents, et s’indiquer aux regards du pouvoir.

728. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

On mesure dans cette déclaration la valeur des idées que lentement, sourdement, sur le regard indulgent des puissances séculière et religieuse, par les soins des plus inoffensifs régents, la culture classique fera couler pendant deux | siècles au fond des âmes, y préparant la forme que les circonstances historiques appelleront au jour.

729. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Quelque autre Molière viendra peut-être, qui, dominant de son regard ce vaste travail inégal et confus qui se fait aujourd’hui, en sauvera ce qui mérite d’être sauvé et l’emploiera dans son œuvre.

730. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Figés en des poses d’extase, Les cheveux longs et les yeux blancs Immobiles comme en des rangs Que le regard d’un chef écrase.

731. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Ces fonctions sociales, auxquelles on suffisait autrefois avec du courage, de l’élégance et de l’honnêteté, supposent aujourd’hui des têtes puissantes, capables d’embrasser à la fois beaucoup d’idées et de les tenir toutes en même temps fixées sous le regard.

732. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

C’est un regard mélancolique et résigné, jeté çà et là sur ce qui est, surtout sur ce qui a été.

733. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Il se dit : « En moi sont des sources fécondes. » Il les avait constatées par des regards intérieurs, des visions, des repliements sur lui-même ; mais avant d’obtenir un résultat, que de trouées infertiles, que d’efforts, de privations et de souffrances !

734. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Nos pas s’arrêtent involontairement ; nos regards se promènent sur la toile magique, et nous nous écrions : quel tableau !

735. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Son regard rencontre le journal qui enveloppe la botte.)

736. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

À force de se regarder le bout du nez, le plus beau visage finit par se donner un genre de regard qui ne doit pas faire beaucoup de conquêtes, et il faut se défier de la grimace, à poste fixe, du talent.

737. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Or, un matin, en y allant, ce Jean Lapin de Jules Levallois rencontra sur sa route des fourmis, et tout à coup, ô l’amour au premier regard !

738. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Même en acceptant pour un moment les grêles proportions de son livre, est-ce vraiment une histoire de la Sorcellerie qu’il a voulu écrire, ou une de ces dissertations prétendues rationnelles, qui passent par-dessus les faits et les questions un regard si rapide qu’il ne les voit plus ?

739. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

A l’éclat de leurs yeux, à la dureté de leurs regards, je sens que leurs rêveries sont d’un ordre funeste pour la paix sociale.

740. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

ôtez-la de dessus la terre ; tout change : le regard de l’homme n’anime plus l’homme ; il est seul dans la foule ; le passé n’est rien ; le présent se resserre ; l’avenir disparaît ; l’instant qui s’écoule périt éternellement, sans être d’aucune utilité pour l’instant qui doit suivre.

741. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

742. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Mais nulle analyse n’est assez subtile pour démêler cette complexité, et nul regard d’homme n’est assez pénétrant pour descendre jusqu’au fond de ces obscurs replis. […] Le naturalisme avait fait ce miracle de brouiller la vue de cet observateur au regard si net. […] Il semble, au premier coup d’œil, que tout ce bariolage, ces turqueries, ces japoneries, ces chinoiseries ne soient là que pour amuser le regard, pour satisfaire une curiosité badaude. […] Il songe combien de regards se sont promenés déjà sur ces aspects que nous contemplons aujourd’hui. […] Mais l’œil bleu est caressant ; la caresse du regard est enveloppante.

743. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Elle évite d’être odieuse au regard, grâce à l’idée qu’elle figure et qui est précisément celle que j’indiquais. […] Et, à nous aussi, l’habitude a gâté le regard. […] Et, si la joliesse exquise des formes allait être touchante à l’excès, l’ingénuité du regard corrigerait la séduction trop vive. Un regard presque enfantin, et qui ne pleure ni ne sourit, et qui, dans sa candeur, est grave. […] Le regard les suit et s’amuse de telles sinuosités, analogues à celles d’une pensée qui baguenaude et analogues aux détours d’un rêve.

744. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Ce matin, en venant de Portrieux, vos regards s’arrêtaient avec plaisir sur la pourpre de nos bruyères et sur les tons rosés de nos champs de blés noirs. […] Après qu’il a jeté sur notre poëte un regard hautain : « Qui furent tes ancêtres ?  […] Les yeux fixés sur Béatrice, qui elle-même lève le regard vers les hauteurs éthérées, il monte avec elle, par la vertu de l’attraction divine, à travers les airs. […] Son regard généreux, c’est ainsi qu’il le caractérise, parce que « il donnait tout et ne demandait rien en retour », était semblable au regard des saintes extatiques. […] Quelle imposante sérénité dans le regard du professeur !

745. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Bien des personnes gravirent en hâte les escaliers pour jeter encore un dernier regard sur ce visage muet. […] Il commence, en remontant par la science l’échelle des temps inconnus, et jette ses regards de la terre qu’il foule au fond des cieux que le télescope et le calcul rapprochent de lui. […] Un tableau physique de la nature s’arrête à la limite où commence la sphère de l’intelligence, où le regard plonge dans un monde différent.

746. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

C’est ce que vous trouverez encore dans cette Neuvième Époque de Jocelyn qui, à elle seule, serait un des plus beaux poèmes de notre langue : l’épisode des Laboureurs n’est pas un tableau de la vie rustique, c’est une ode magnifique au travail, distribuée largement en six couplets d’alexandrins, qui alternent avec des strophes lyriques ; la continuité sereine et forte du travail champêtre est partagée par le poète en six moments, où son regard se pose sur l’effort des hommes ; et, embrassant d’une vue leur œuvre, son âme s’envole aussitôt dans la méditation ou la prière. […] Voici des primitifs allemands : Les Vierges sur fond d’or aux doux yeux en amande, Pâles comme le lis, blondes comme le miel, Les genoux sur la terre et le regard au ciel784. […] Ils servent à accuser plus vigoureusement la qualité de l’objet, l’accident sur lequel l’artiste veut fixer notre regard.

747. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

De leur regard attentif, aigu, ils voient les plus petites choses, ils en voient trop ; mais il faut tout de suite ajouter qu’ils les voient en artistes, non en commissaires-priseurs ; qu’ils ne notent, en somme, que celles qui ont une valeur picturale, qui sont susceptibles d’une traduction pittoresque. […] L’observateur regarde les objets l’un après l’autre, y poursuit la fuite lente du jour, note où en est sur chacun d’eux l’effacement de la lumière au moment où son regard s’y porte. […] 20 » Dans la forêt de Fontainebleau, ils voient les plus petites choses : «… Son regard s’arrêta sur le rocher ; il en étudia les petites mousses vert-de-grisées, le tigré noir des gouttes de pluie, les suintements luisants, les éclaboussures de blanc, les petits creux mouillés où pourrit le roux tombé des pins. » Mais à côté ils sentent profondément les grands spectacles : la vallée de Franchart les fait rêver de cataclysmes préhistoriques, de nature antédiluvienne21.

748. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Les êtres que nous appelons vivants et ceux que nous regardons comme inanimés, les édifices naturels que la terre présente à nos regards et les édifices que l’homme y a ajoutés, seront les miroirs où il lira et fera lire sa pensée. […] L’un, dans sa terreur de Dieu la plus vive, ou dans sa contemplation la plus calme, n’attache pas son regard sur cette Humanité qu’il méprise. […] La poésie que je sens encore dans sa réalité, c’est la poésie intime, la grande élégie de Joseph Delorme : un enfant de génie, qui a cru à cette égalité dont on a assourdi ses oreilles dès le berceau ; un homme qui se sent le cœur grand, les passions énergiques et la tête puissante ; qui rêve, dans une société équitable, la gloire et les plaisirs qui lui sont dus, et qui se trouve, lui poète, dans un hôpital, occupé à disséquer des cadavres ; qui se plonge dans l’athéisme obscur de Bichat et de Cabanis, se dessèche avec Locke et Condillac, jette un regard sur leurs successeurs parlant de liberté, de devoir et de vertu, et ne trouve en eux que des sophistes ; homme du peuple, plein de sympathie pour ce peuple qu’il voit traité comme un vil troupeau, plein de dégoût pour toutes ces distinctions de rangs fondées sur une absurdité et sur une iniquité ; cherchant avec enthousiasme la vertu pour l’honorer, et ne sachant à quel signe la découvrir ; à la fois emblème de la souffrance de l’artiste et de celle du peuple ; et qui finit par prendre en mépris le monde et l’Humanité, ne voit dans l’univers qu’un destin aveugle, et, relevant sa tête hors du tombeau où il est déjà couché, et où, brisé par la souffrance, il hésite devant le suicide, exhale ses derniers moments en sanglots étouffés, en plaintes arides, en ironie amère, entremêlés de chants sublimes et d’efforts qui touchent à la folie.

749. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Ils se voient, longuement ; et tous deux veulent mourir ; et ce philtre de mort, — leur regard, — devient, soudainement, un filtre d’amour. […] Le regard plonge dans la rue tournante, déjà ténébreuse, et l’on ne voit que tours en poivrière et pignons pointus découpant sur le bleu pâlissant du ciel leurs dentelures imprévues. […] Lorsqu’au lendemain de son Tannhæuser, Richard Wagner conçut la pensée de donner un pendant à cette œuvre et d’opposer, dans un contraste pittoresque, le rimeur bourgeois au poète aristocratique, le meistersinger au minnesoenger, il dut songer tout d’abord à consulter le bouquin de Wagenseil que peut-être, il avait feuilleté déjà d’un doigt frémissant et parcouru d’un regard curieux, avec le flair du chercheur lancé sur une bonne piste.

750. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Celui-ci, au lieu de frapper le coupable, lui reproche sa cruauté ; puis il ramasse l’oiseau taché de sang et montre au coupable le regard brisé du cygne mourant. […] Elle a beau s’approcher de lui, caressante, audacieuse et plonger dans ses yeux son regard qui darde une flamme inquiète. […] Par réalisme, nous n’entendons rien que la recherche de la vérité : dans le drame parlé réaliste, les caractères acquièrent, par la puissance de la poésie, une portée idéale, quoiqu’ils ne se meuvent pas devant nous comme des Idéals, mais comme des réalités, et la distinction demeure que nous avons faite entre le style idéal classique, et le style réaliste du drame parlé, — entre Schiller et Shakespeare, entre le chant et la parole, il faudra donc, dans tout effort pour réformer le drame parlé, laisser de côté toute tentative d’Idéalisation : le poète plongera son regard dans l’âme même du peuple ; il nous montrera des symboles de la Réalité, non pas des Idéals, mais des exemples personnifiés des idées universellement humaines.

751. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Hæckel, jette un regard à la fois contempteur et irrité sur la religion de Jésus. C’est un de ces regards qui haussent les épaules, si j’ose m’exprimer ainsi. […] Il est encore intéressant de constater qu’un tel artiste a eu quelques regards circulaires sur le monde, qui ne sont pas sans quelque étendue. […] Du bord de mon navire, les regards attachés sur l’étoile du soir, je lui demandais du vent pour cingler plus vite, de la gloire pour me faire aimer. […] Voici par exemple Daudet, le regard braqué sur un Delobelle.

752. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Là, de sa chambre provisoire et de ce qu’il appelle son grenier de l’École d’Athènes, il put, dès le premier jour, rassasier ses regards, admirer à souhait l’Acropole et les lignes de l’horizon, le pays de la lumière (Venise n’est que le pays de la couleur), cette lumière « si transparente et si pure qu’on croirait toucher de la main les côtes et les montagnes d’alentour160 ». […] Cette mer bleue qui caresse les plages de Grèce ; ces riantes villas de Naples et d’Albano, éclairées par un ciel si pur ; ces grandes ruines d’Athènes ; ces lignes élégantes et ces éclatantes couleurs des paysages d’Italie et d’Orient auront gardé quelque chose de mon cœur quand, plus avancé dans la vie et séparé de ma jeunesse, je jetterai en arrière un regard découragé… Mais, oh ! […] Des merveilles d’Olympie il reste bien peu de traces ; les alluvions du Gladée et de l’Alphée ont couvert sous vingt pieds de terre l’hippodrome, le bois sacré de l’Altis, les sculptures d’Alcamène dont Pausanias a parlé ; c’est à peine si les architectes de la Commission de Morée ont découvert par leurs fouilles la base de quelques colonnes, seul reste de ce majestueux temple de Jupiter, plus grand et plus vénéré que le Parthénon : et cependant aucun lieu ne répond plus fidèlement à l’idée qui s’attache à son nom ; aucun paysage n’est plus harmonieux dans ses lignes, plus doux aux regards ; ces plaines fécondes, ces eaux paisibles, ces collines verdoyantes écartent l’idée de la souffrance, de la haine, du sang versé ; la joie et la paix y respirent ; c’est là que des peuples de frères doivent se réunir pour oublier leurs querelles et jurer de s’aimer toujours. » Il ne se peut de plus beau commentaire littéraire ; Gandar s’y complaisait et aurait eu peu à faire pour y exceller. […] « … Mon fardeau m’a poursuivi jusqu’ici, et aucun chapelier ne consent à la coiffer (ma tête) ni d’un chapeau ni d’un bonnet grec ; il paraît que dans le pays de Phidias on me trouve aussi plus gros que nature ; mais vous devez me pardonner ma laide grosse tête, car j’ai un bon gros cœur pour vous aimer… » (Lettre d’Athènes, 23 mai 1848, à Mme Viollet-Le-Duc.) — En insistant sur l’idée de force et de solidité, qui était le caractère le plus saillant, il ne serait que juste toutefois, pour compléter la physionomie, de marquer aussi ce qu’il y avait d’intelligence sur ce front et parfois de finesse dans ce regard.

753. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Quand au contraire le sage Ulysse se levait pour parler, immobile, les yeux baissés, les regards attachés à la terre, il tenait son sceptre sans mouvement dans sa main sans le balancer à droite et à gauche, comme un adolescent novice dans son art ; vous auriez cru voir un homme foudroyé de colère ou bien un faible idiot ; mais, aussitôt que sa voix harmonieuse s’échappait de son sein, ses paroles se précipitaient semblables à d’innombrable flocons de neige dans la saison d’hiver !  […] Tes rivaux, triomphant des malheurs de ta vie, Plaçant entre elle et toi les ombres de l’envie, Disputèrent encore à ton dernier regard L’éclat de ce soleil qui se lève si tard. […] … Les Prières sont filles du souverain Jupiter ; humbles et le front plissé, osant à peine lever un timide regard, elles marchent avec anxiété sur les pas de l’injure… Celui qui respecte en elles les filles de Jupiter, lorsqu’elles s’approchent pour implorer, en reçoit une puissante assistance et voit ses propres vœux exaucés par elles ; mais, si quelqu’un les renie et les repousse d’un cœur sans pardon, elles remontent vers le fils de Saturne et le conjurent d’attacher l’injure aux pas de l’homme impitoyable et de les venger elles-mêmes en le frappant !  […] « Chaque fois, dit le poète, que ses regards tombent sur la plaine de Troie, il regarde avec effroi les feux innombrables qui brillent autour d’Ilion, il entend le son des flûtes, des chalumeaux et les tumultes des guerriers ! 

754. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

L’esprit de la France était très troublé, très peu propre par conséquent à jeter un regard d’ensemble et surtout un regard impartial sur la Révolution française, très peu propre aussi à porter un jugement sain et définitif sur les hommes qui avaient été, en bien ou en mal, les grands acteurs de cette révolution. […] Un mot surtout me frappa par la signification de l’homme qui le prononça, et par le geste, l’accent et le regard d’intelligence avec lesquels cet homme d’État affirma sa résolution et sa fureur. […] » Et il appuya sa résolution d’un regard et d’une main qui convainquirent le parti radical et glacèrent d’effroi la majorité.

755. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Dans mon cœur expirant, je sens que votre vue Rallume ce qu’éteint le poison qui me tue, Et que de vos regards le charme est assez fort Pour retenir mon âme et suspendre ma mort. […] Animé d’un regard, je puis tout entreprendre : Votre Ilion encor peut sortir de sa cendre ; Je puis, en moins de temps que les Grecs ne l’ont pris, Dans ses murs relevés couronner votre fils14. […] Le regard fixé sur cette vérité, toutes leurs pensées sont comme les prémisses d’une conclusion invincible. […] Il veut s’arracher la vie : Il marche sans dessein ; ses yeux mal assurés N’osent lever au ciel leurs regards égarés, Et l’on craint, si la nuit, jointe à la solitude, Vient de son désespoir aigrir l’inquiétude, Si vous l’abandonnez plus longtemps sans secours, Que sa douleur bientôt n’attente sur ses jours.

756. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

il suffit de les regarder de plus près. » Les différences entre les choses, en effet, les ressemblances et les contrastes tiennent plus encore au regard qui contemple qu’aux choses mêmes ; car tout est différent dans la nature à un certain point de vue, et tout est le même à un autre. […] Cette scène de violence se fond aussitôt dans une scène de coquetterie, de séduction par le regard, par l’attitude, par la caresse de la voix, enfin par la caresse même du langage (elle lui parle basque) ; « notre langue, monsieur, est si belle que, lorsque nous l’entendons en pays étranger, cela nous fait tressaillir. » — « Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti. […] Garcia tué, l’état moral du meurtrier est peint en un mot, indirectement : « Nous l’enterrâmes, et nous allâmes placer notre camp deux cents pas plus loin. » Passons sur les autres petits incidents déterminés par la vie de contrebandier, laquelle a été déterminée elle-même par l’amour exclusif pour la bohémienne : nous arrivons au dénouement, qui est admirable parce est contenu à l’avance qu’il dans tous les événements qui précèdent comme une conséquence dans ses prémisses : — « Je suis las de tuer tous tes amants ; c’est toi que je tuerai. — Elle me regarda fixement de son regard sauvage et me dit : — J’ai toujours pensé que tu me tuerais…. — Carmencita, lui demandai-je, est-ce tu ne m’aimes que plus ? […] Dans la réalité, l’homme supérieur ne porte aucune étoile au front, il ne brandit pas au-dessus de sa tête, à la façon de certains héros de roman, et ainsi qu’une lame d’épée brillante et tranchante, cette supériorité ; c’est tout au plus si on la devine parfois au fond de son regard ; il la prouve, et voilà tout.

757. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Or, pour qui aurait la force de percer, suivant un axe imaginaire, la croûte de la matière où s’embourbent nos pas, de contempler en son éternité le firmament de l’esprit, de se situer centre de la circonférence infinie, — pour celui-là le diamètre des deux étoiles apparaîtrait d’angle égal, et l’argent de leur même regard se reflèterait en son œil. […] ces regards pauvres et las ! […] Ce serait comme un visage derrière une vitre : si nous passons rapides il échappe, mais dès que l’attention fixe notre regard sur les ténèbres, la figure bientôt sort de l’ombre et nous parle. […] Souvent durant les longues soirées d’automne, alors que le grand silence des choses exalte l’esprit et l’incite au recueillement, après de délicieuses promenades solitaires à travers les bois endeuillés, au long des ruisseaux tout pleins de murmures limpides, ou sur les coteaux encore léchés par les derniers rayons d’un soleil en allé, — sous le regard ami de la lampe et entouré de la plus grande partie des œuvres poétiques contemporaines, mes fidèles conseillères, j’ai rêvé d’une esthétique assez puissante pour endiguer tous les courants impétueux de l’art moderne, assez généreuse pour accueillir toutes les manifestations de la vie en perpétuel changement, assez vaste pour permettre à chaque œuvre de se réaliser suivant sa tendance propre, assez belle pour y faire entrer notre chère tradition nationale sans porter atteinte à aucune liberté individuelle.

758. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

» Le regard pénétré dont me gratifia l’enfant quand je me levai pour sortir me prouva qu’elle n’avait pas été dupe de tant de distraction. […] Pour peu qu’on veuille ainsi fouiller du regard dans ces pages serrées, on y verra aussi poindre toutes les lumineuses figures qui passent dans la grande création de Shakespeare. […] En vain l’Empereur le consultait-il du regard, le duc ne bronchait pas. […] Je vois encore, je verrai toujours le regard qu’il me lança pour me dire de maîtriser mon émotion dans une situation qui exigeait tant de sang-froid. […] Macé lança un regard inexprimable au panier qui contenait la chair palpitante de son client et je l’entendis très distinctement grommeler entre ses dents : “Ah, sale cochon !”

759. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Dans sa philosophie désintéressée et qui promenait volontiers son regard sur l’immensité des choses, il croyait peu à la gloire, à ce miroir artificiel et magique qui concentre sur un point quelques rayons.

760. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Les Grecs vivaient dans l’avenir, et les Romains aimaient déjà, comme nous, à porter leurs regards sur le passé.

761. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Avant d’aller plus loin et de rechercher ce qui succéda dans la société des gens du monde à l’hôtel de Rambouillet, ce que devinrent les éléments dispersés de sa composition, jetons encore un regard sur cette maison qui a rempli un demi-siècle de son nom.

762. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

La théorie de Wundt sur ce point n’est pas sans analogie avec celle de Renouvier, qui place la liberté dans le pouvoir de maintenir une représentation sous le regard de la conscience ou, au contraire, de la laisser passer sans y faire attention.

763. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Au reste, plus on lit les Épîtres des Apôtres, surtout celles de saint Paul, et plus on est étonné : on ne sait quel est cet homme qui, dans une espèce de prône commun, dit familièrement des mots sublimes, jette les regards les plus profonds sur le cœur humain, explique la nature du souverain Être, et prédit l’avenir97.

764. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Tournez vos regards sur cet homme dont le dos et la poitrine ont pris une forme convexe.

765. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Les fruits, les fleurs changent sous le regard attentif de la Tour et de Bachelier ; quel supplice n’est donc pas pour eux le visage de l’homme, cette toile qui s’agite, se meut, s’étend, se détend, se colore, se ternit selon la multitude infinie des alternatives de ce souffle léger et mobile qu’on appelle l’âme ?

766. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Mais on attache d’abord ses regards sur un soldat, dont le visage et l’attitude font voir un homme plongé dans la réverie la plus sombre à la vûë de ce guerrier tombé dans la derniere misere d’un rang, qui fait l’objet de l’ambition des militaires.

767. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Le fanatisme religieux ôté de l’âme de Philippe II, il se fait à l’instant en lui le vide de l’homme qui a besoin de l’idée de Dieu pour être quelque chose, et Forneron, avec son regard exercé, voit, dans ce vide où l’idée de Dieu s’embrouillait avec les passions et les vices, ce qui reste de Philippe II, c’est-à-dire un des plus vulgaires despotes qu’ait corrompus la royauté.

768. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Je sais bien que l’Histoire des Français de la décadence est un titre plus grand que le livre qui ose le porter, mais, en somme, il y a dans ce livre un aigu de regard et un nerveux de poignet que rien n’a faussé ni fait faiblir.

769. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

— le xixe  siècle, mais qui, au point où nous en sommes, devraient envahir un peu moins les œuvres des observateurs qui, portant leurs regards loin et haut, après avoir observé veulent conclure, et croient, sous l’artiste, cacher des penseurs ?

770. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Par conséquent, les honnêtes gens de ce système, les raffinés de sociabilité, comme dit Rigault, ne pouvaient pas tomber, pour le charmer, sous le regard de ces deux grands hommes, et modifier leur insolente opinion sur les honnêtes gens.

771. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Toutes ces constructions de sensations, toutes ces reviviscences d’images, toutes ces études d’hallucination, toutes ces dentelles d’analyses physiologiques faites au microscope, tous ces fils de la Vierge qu’on nous montre entre l’index et le pouce, toutes ces bluettes, en fin, qu’on veut nous donner et qu’on nous donne, c’est pour que nous ne puissions apercevoir du premier regard le but où l’on veut nous conduire, et ce but, c’est de réduire les plus grandes et les plus vivantes choses qu’il y ait dans le cœur et la tête de l’homme : Dieu, l’âme et le devoir, à n’être qu’une vile sensation, un ridicule bruit de sonnette dont on tire le cordon, en attendant qu’avec ce cordon on puisse les étrangler.

772. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

« Pour éviter le vertige, — continue Paul Meurice, — il suffit d’une rampe de bois entre le regard et l’abîme ; pour éviter l’éblouissement, il suffit d’un verre dépoli entre la prunelle et le soleil Pour dissiper le mystère, — (le mystère de la sainte Trinité, excusez du peu !) 

773. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

On n’osait approcher ; on n’osait même adresser la parole à un prince toujours caché dans l’ombre, et fuyant les regards, et qui ne sortait de sa profonde solitude que pour faire de Rome un désert.

774. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ».

775. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

On compare l’empire qu’il a sur la terre avec l’empire éternel que Dieu a sur le monde ; on le peint comme ayant un commerce immédiat avec la divinité, et on l’invite à faire part aux fidèles (quand il en aura le temps) de cette foule infinie d’apparitions, de visions, de songes célestes où Jésus-Christ s’est manifesté à ses regards, et de beaucoup d’autres mystères inconnus à tout le monde, excepté à lui, et qui restent déposés dans sa mémoire impériale comme dans un trésor ; enfin, on le loue, on le trompe, on l’instruit ; et le zèle adroit, mêlant le style de la chaire et celui de la cour, lui prodigue à la fois les flatteries et les leçons.

776. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

C’était un beau jeune homme, une tête à caprices ; Son front à demi chauve, et le désordre heureux Où tout l’art d’Hippolyte avait mis ses cheveux, Son cou penché, son air tendre et mélancolique, Ses yeux à peine ouverts, et son regard oblique, Tout en lui décelait une peine de cœur, Que de son teint fleuri démentait la fraîcheur.

777. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

« Ô toi, dit-il, soit que, porté à travers les cieux sur le char de la gloire, à la hauteur où montent les grandes âmes, tu dédaignes la terre et te ries des tombeaux, soit que tu habites, aux bords élyséens, le bocage de paix où s’assemblent les guerriers de Pharsale, et que les Pompée et les Caton accompagnent ton noble chant ; soit que, fière et sacrée, ton ombre ignore le Tartare, et que tu entendes de loin les supplices des méchants, et n’aperçoives que derrière toi Néron, pâle sous le regard irrité de sa mère, apparais-nous dans ton éclat !

778. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Et nonobstant cette vérité qu’ils ont proclamée (ou plutôt à cause même de cette vérité), tous ceux qui, depuis cette époque, ont jeté sur la société un regard profond, se sont écriés : « La société est en poussière. » Les plus hardis des jacobins, parvenus au sommet de leur œuvre sanglante, effrayés de cette mer qu’ils avaient déchaînée, de ces flots que rien ne gouverne et n’arrête, prirent des vertiges, et cherchèrent, mais en vain, un gouvernement qui pût convenir à cette société nouvelle et affranchie. […] Et cette Église encore n’était que le vestibule et l’image de la véritable Église, de l’Église céleste, vers laquelle se portaient mes regards et mes espérances. […] Tu serviras l’homme, lui disait-il ; tu n’auras pas de liberté ; tu détourneras tes regards de ton propre cœur, tu feras abnégation de tes idées, comme de tes désirs, comme de tes instincts ; l’homme fera la loi, et tu t’y assujettiras ; ton père te choisira un époux, et tu suivras ton époux ; ton époux sera ton maître, tu lui obéiras. […] Et si des hommes je passe à l’univers, si je porte mes regards vers l’infini, je trouve encore le doute, toujours le doute. […] Ce que j’ai aimé, je l’ai tiré du monde, et j’ai dit : « Là est tout mon amour, toute mon espérance, toute ma vie » ; et voilà que la douleur et la mort me flétrissent ce que j’avais voulu sauver du naufrage universel de mes idées et de mes sentiments ; et le monde tout entier n’est plus pour moi qu’un désert, et ces sphères infinies qui remplissent l’espace sont le néant pour moi, et cette marche éternelle du temps est pour moi le désespoir ; et je ne peux fixer mes regards ni sur le passé, ni sur le présent, ni sur l’avenir.

779. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Ne craignons donc pas de jeter quelques regards en arrière sur les désastreux effets des événements passés : ceux qui ne se souviennent que des impressions qui les ont tourmentés, il y a vingt-cinq ans, nous permettront, je crois, de leur apprendre celles qui nous ont agités depuis ces trois dernières années. […] Ainsi chaque regard que nous jetons sur la carrière épique nous fait voir qu’elle nous était fermée : une barrière trop forte nous empêchait d’y suivre les muses grecques et latines. […]     « Vive Homère et son Élysée, « Et son Olympe et ses héros, « Et sa Muse favorisée « Des regards du dieu de Claros ! […] C’est de la même façon que, selon le jugement des doctes interprètes, les montagnes qui de loin semblent se superposer et aller menacer les cieux, parurent s’abattre et se disjoindre aux regards des premiers explorateurs qui les gravirent, et qui devinrent les Jupiter, les Vulcain et les Alcide victorieux des géants qu’on s’imagina les auteurs de l’entassement de ces terrestres masses. […] « Voilà que tout à coup, du sein d’un vaste chêne, « S’échappe une légère et charmante Syrène, « Dont les souples habits, avec grâce flottants, « Décèlent mille attraits encore à leur printemps ; « Cent autres déités, qu’autant d’arbres enfantent, « Aux regards du héros à la fois se présentent.

780. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Ses portraits montrent un homme robuste, trapu, aux épaules larges, aux cheveux abondants, le regard audacieux, la bouche sensuelle, « le rire fréquent et bruyant, les dents solides, comme des crocs ». […] Il a « le regard qui plombe les imbéciles », la dissimulation qui trompe le public, le coup d’œil qui saisit l’occasion. […] Il est tyran chez lui et terrible ; ses femmes tremblent sous son regard ; ce sont ses « linottes », petites bêtes gentilles à qui on donne de temps en temps un grain de mil, mais à qui d’un coup de pouce on tordrait le cou. […] Je serais ce bienheureux coupable Que vous avez pu voir d’un regard favorable ! […] Après avoir parcouru l’univers d’un regard, il choisit Majadévi, et descendit en elle comme un rayon lumineux de cinq couleurs, sans qu’elle eût eu commerce avec un homme.

781. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Descartes s’était donné l’impossible tâche de retrancher de son esprit tout ce qui y était entré sur la foi des siècles, et, par des tours de force de logique, il n’était parvenu qu’à se mettre en paix sur les deux vérités principales de toute religion naturelle, Dieu et l’âme, que révèle sans efforts à l’homme le plus simple un seul regard jeté sur le monde extérieur et sur lui-même. […] Qu’on place donc une conscience sous ce triple regard des livres saints, des Pères, d’un confesseur homme de génie : quels replis pourront la dérober ? […] Il est donné à peu d’esprits d’avoir cette force de regard qui saisit au passage, et sans se troubler, les grands traits de tant d’événements et de tant d’hommes. […] On l’a appelé l’aigle de Meaux ; si cette image n’est pas vaine, il la faut entendre aussi bien de la force de son regard que de la hardiesse de son vol. Où s’arrêtait ce regard, on pouvait douter qu’il y eût autre chose qu’illusion et ténèbres.

782. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

j’ai empoigné ta grande chevelure Pour la mordre, pour m’y coucher, pour m’y cacher ; Ma bouche que j’entr’ouvre au vent est toute pleine Des fleurs et des moissons qui chargent ton haleine ; Je mets mes yeux ardents dans les étangs profonds Qui sont ton regard trouble ouvert parmi les joncs ; J’entends chanter ta voix multiple dans les gorges Des animaux et des oiseaux dont tu regorges, Et dans les arbres dont j’étreins l’énormité, Je te serre entre mes deux bras, Été, Été ! […] J’ai l’émoi du pilleur devant un butin rare Pendant la nuit de fièvre où ton regard pâlit… L’âme des conquérants, éclatante et barbare, Chante dans mon triomphe au sortir de ton lit ! […] On m’avait interdit tes cheveux, tes prunelles Parce que tes cheveux sont longs et pleins d’odeurs Et parce que tes yeux ont d’étranges ardeurs Et se troublent ainsi que des ondes rebelles, dit-elle à son amie ; mais elle osa concevoir « qu’une vierge amoureuse est plus belle qu’un homme » ; et, depuis, loin des hommes, elle cacha son bonheur, « contre les regards durs et les bruits du dehors ». […] Beauté de nos regards, de nos visages, fastes De nos tranquilles pas que suivent des dentelles… ……………………………………………………………………………………… Elle note ce « soir cruel » Oui nous atteint avec un charme fatidique. […] L’émotion que l’on éprouve en lisant, en étudiant ce volume, Fables et chansons, difficile un peu (ce qui est vraiment beau est toujours un peu caché, mystérieux, et ne se livre pas au premier regard, au premier palper des mains et de l’intelligence), — l’émotion ressentie est d’abord presque tout intellectuelle.

783. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Le huitième chapitre d’Étienne Mayran peut être mis en regard. » Question en effet très curieuse. […] Si le roman est de la vie racontée, il suppose un narrateur… Un témoin… n’est pas un miroir impassible, il est un regard qui s’émeut, et l’expression même de ce regard fait partie de ce témoignage. » Ainsi Balzac et Walter Scott. […] Leur présence, leurs regards qui précédaient, recouvraient, suffoquaient, rendaient anonymes les miens et en faisaient une partie d’un grand regard total, cela se traduisait pour moi par du passé, du déjà vu : le vu par autrui avec moi devenait automatiquement du déjà vu par moi. […] De sorte qu’un regard jeté sur notre roman nous amène à une conclusion assez curieuse. […] L’amour y est envisagé d’un long et mélancolique regard qui en pèse tout le poids substantiel et en pénètre l’éternelle réalité.

784. (1886) Le naturalisme

En étudiant le Romantisme et en fixant sur lui un regard impartial, l’on voit clairement que Sainte-Beuve avait raison. […] Zola touche l’esprit en faisant preuve d’une puissante intelligence, d’un regard pénétrant, ferme, scrutateur, par l’abondance des arabesques et des filigranes charmants. […] Qu’importe que le corps se vautre dans la boue, pourvu que le regard soit fixé vers les étoiles ! […] Son style inégal ressemblait à ces visages aux traits irréguliers, qui compensent le défaut de correction par la lueur soudaine du sourire ou par le feu du regard. […] Avide de beauté, celle-ci la cherchera toujours en consultant d’un regard anxieux les points les plus éloignés de l’horizon.

785. (1891) Esquisses contemporaines

Quand le regard de Dieu l’embrasse, quelle étendue a-t-il ? […] Ce qui est particulier, même sa propre personne et ses propres circonstances, échappe à son regard invariablement tourné vers les formes idéales de l’Idée platonicienne. […] Mais si le christianisme manifeste ouvertement son action bienfaisante, peut-être en exerce-t-il une autre qui, pour échapper au regard du grand nombre, n’en est pas moins active. […] Si Stendhal, dont le regard était d’une excessive acuité, a pu rester cependant vigoureux et serein, — outre qu’il était d’une autre race littéraire — c’est parce qu’il étudiait surtout des états de volition. […] Dirige ma pensée de ton regard ; tiens-toi là, à ma droite, afin que je sois soutenu.

786. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Il enveloppa d’un regard plein de bienveillance le desservant de Roquesels, à genoux à ses pieds. […] …………………………………………………………………………………………… En ce moment, le regard du vicomte de Puyjoli rencontra le regard du bourreau, et, dans une sorte de muette prière, Gaston montra, d’un geste de tête, à l’homme qui allait tuer, le vieillard tremblant qui allait mourir. […] Il monta, promenant son regard sur la foule. […] Mais il lui adressa du regard une supplication muette. […] Ils plongeaient leurs regards dans la vaste cour au fond de laquelle s’élevait le monument.

787. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Dumas peut à bon droit regarder d’un peu haut ses contemporains, de ce regard qu’on retrouve dans tous ses portraits, et où il y a de la dureté, de l’assurance et du défi. […] Sur les autres il se mettra au point de vue où il est naturel que tout le monde se place : seulement son regard ira plus loin, avec plus de pénétration et de sûreté que nul autre. […] De même que, s’il est vrai que rien n’est beau et rien n’est laid au regard du savant, il ne s’ensuit pas que la laideur et la beauté n’existent pas pour l’artiste. […] Il est probable en effet qu’il le doit en partie à sa méthode d’observation patiente, minutieuse, d’une observation de myope dont le regard s’accroche aux détails. […] Les petits, les déshérités, dédaignés de la littérature comme de la vie, il les a regardés d’un regard ami.

788. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Quoique ses yeux n’aient jamais rien promis, elle ne se rappelait pas sans émotion, sans attendrissement, les regards ardents qu’elle avait rencontrés. […] C’est en s’admirant sans relâche que Laure apprend à ne pas aimer ; c’est en attachant sur son image un regard ébloui qu’elle enseigne à son cœur l’oubli et le dédain. […] Et leurs regards tranquilles auraient été sans cesse attachés sur toi, si je n’eusse craint tes dangereuses étincelles. […] La forme n’a rien d’original ; mais Giusti, en s’adressant au poète gibelin, n’oublie jamais l’auguste majesté de son interlocuteur, et semble puiser dans son regard les sentiments qu’il exprime. […] Au moment où les moissonneurs s’interrogent du regard et cherchent à deviner le sens de ces paroles étranges, inattendues, Remy s’évanouit.

789. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

» Après le 8 août 182911, il écrivait : « Maintenant, tournons nos regards vers le trône de Charles X, et conjurons le roi qui jura la Charte de faire enfin cesser la perturbation du 8 août. […] Ballanche, cette pensée éternelle d’un hymen à la fois accordé et impossible, cette initiation au vrai et au bien par la chasteté et par la douleur : « La douleur, dit Orphée, sera le second génie qui m’expliquera les destinées humaines. » Chaque page nous offre des pensées de tous les temps, dans la magnificence de leur expression : « Souvenez-vous que les Dieux immortels couvrent de leurs regards l’homme voyageur, comme le ciel inonde la nature de sa bienfaisante lumière. » Et encore : « Toutes les pensées d’avenir se tiennent ; pour croire à la vie qui doit suivre celle-ci, il faut commencer par croire à cette vie elle-même, à cette vie passagère. » Enfin, les approches de la mort d’Orphée, les troubles et l’agonie orageuse de cette grande âme qui, comme toutes les âmes divines au terme, se croit un moment délaissée, ont une sublimité égale aux plus belles scènes des épopées modernes. […] Ceux qui se souviennent de leur première soirée chez Mme Récamier dans les jours de l’Abbaye-au-Bois après 1830, ceux qui se rappellent comment, effrayés par la réputation de ses habitués, ils se tenaient timidement dans leur coin, et comment le doux et bienveillant regard de Ballanche venait les rassurer, ne peuvent comprendre qu’on lui pût trouver de la laideur.

790. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

A travers ce domaine infini de l’intelligence, dans la sphère de la raison et de la réflexion, comme dans une demeure à lui bien connue, il alla changeant, remuant, déplaçant sans cesse les objets ; les classifications psychologiques se succédaient à son regard et se renversaient l’une par l’autre ; et il est mort sans nous avoir suffisamment expliqué la dernière, nous laissant sur le fond de sa pensée dans une confusion qui n’était pas en lui. […] Ampère appelle l’idéogénie, serait venue, dans sa méthode, plus tard à fond ; mais elle ne serait venue qu’après le dénombrement et le classement complet, mais surtout la préoccupation des facultés distinctes ne scindait pas, dès l’abord, les groupes analogues, et ne les empêchait pas de se multiplier à ses regards dans leur diversité. […] En reportant son regard, du haut de la montagne de la vie, vers ces sciences qu’il comprenait toutes, et dont il avait agrandi l’une des plus belles, il put atteindre un moment au bonheur serein du sage et reconnaître en souriant ses domaines.

791. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Il ajoute des mots vivants, « un menton qui nourrit une barbe touffue », de puissantes expressions latines186, « le regard de travers », et par-ci par-là un mot gai, « cet homme ainsi bâti, un ours mal léché » ; car le fabuliste ne peut tout de suite quitter son ton ordinaire ; et il écrit ce début énergique et simple : Son menton nourrissait une barbe touffue,     Toute sa personne velue Représentait un ours, mais un ours mal léché. Sous un sourcil épais il avait l’oeil caché, Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre. […]     Car sachez que les immortels Ont les regards sur nous.

792. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Elle le fait glisser subrepticement du doigt de Roger, distrait par son amour ; elle le porte à ses lèvres, et elle s’évanouit aux regards pétrifiés du chevalier. […] « En parcourant des pas et du regard les alentours de la grotte, il vit des caractères gravés sur l’écorce de tous les arbrisseaux qui croissaient auprès de la source, et aussitôt qu’il y eut attaché les yeux avec attention, il fut trop convaincu que ces caractères étaient gravés par la main de sa divinité terrestre ; cet antre et cette source étaient un des sites que j’ai décrits plus haut, que la belle reine du Cathay avec son cher Médor fréquentaient le plus souvent, parce que c’était le lieu de repos le plus voisin de la cabane du berger. […] Quand je fus à moitié chemin de la descente qui menait de la grotte en rocailles au groupe de pins d’Italie sous lesquels nous avions lu pour la première fois Ginevra, je me retournai pour jeter un long et dernier regard à ce délicieux édifice où je laissais je ne sais quoi de moi-même ; je ne sais pas bien, en effet, si c’était mon imagination ou mon cœur.

793. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Socrate la prit avec la plus parfaite impassibilité, sans aucune émotion, sans changer ni de couleur ni de visage ; mais, regardant cet homme d’un regard ferme et assuré comme à son ordinaire : « Dis-moi, est-il permis de répandre un peu de ce breuvage pour en faire une libation ? […] « — Cela sera fait, répondit Criton ; mais vois si tu as encore quelque chose à nous dire. » « Il ne répondit rien, et, un peu de temps après, il fit un mouvement ; alors l’homme le découvrit tout à fait : ses regards étaient fixes. […] Voici cette philosophie : Un Dieu suprême, unique, parfait, dont l’existence est un mystère et se démontre par soi-même ; Une hiérarchie d’êtres émanés de lui, et investis plus ou moins de sa sagesse, de sa puissance, de sa bonté, créant et gouvernant, sous son regard, les astres, les mondes, les âmes ; L’âme, ou l’esprit, distinct de la matière, mais mû par la volonté de Dieu, dans l’homme ou dans d’autres êtres pensants ; La matière périssable, l’âme immortelle ; La vertu, exercice de l’âme pendant la vie, pour conquérir une vie plus parfaite par sa victoire sur les sens.

794. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

L’extérieur de Benjamin Constant, mélange d’élégance française et de profondeur germanique, sa taille haute, frêle et souple, son visage oblong, son teint pâle, ses cheveux blonds et soyeux déroulés en ondes sur ses épaules, on ne sait quoi de mystique ou de satanique dans le regard, qui rappelait à volonté un Méphistophélès politique ou un Werther de la liberté, avaient complété la fascination. […] Il est facile de dire ce qui n’est pas de la poésie ; mais si l’on veut comprendre ce qu’elle est, il faut appeler à son secours les impressions qu’excitent une belle contrée, une musique harmonieuse, le regard d’un objet chéri, et par-dessus tout un sentiment religieux qui nous fait éprouver en nous-mêmes la présence de la divinité. […] Un monde nouveau s’offre à lui ; l’image sublime de chaque situation, de chaque caractère, de chaque beauté de la nature frappe ses regards, et son cœur bat pour un bonheur céleste qui traverse comme un éclair l’obscurité du sort.

795. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Si la ligne est un peu longue, il faudra la parcourir du regard, la décrire par des mouvements de l’œil, et alors la perception d’une série de sensations motrices viendra obscurément se joindre à la perception d’une série de sensations visuelles ; mais, pour saisir une ligne bien courte, un petit trait, il n’y a besoin que d’un coup d’œil, que d’un mouvement rapide d’accommodation visuelle. […] Il ne faut pas oublier que l’œil réagit au contact de la lumière selon la même ligne qu’elle : nous tendons donc toujours à percer perpendiculairement du regard toute surface visible ; nous avons ainsi devant les yeux une surface immédiatement donnée et, par la réaction motrice inséparable de la vision, une trouée dans cette surface, une percée qui est un mouvement dans le sens de la profondeur. De plus, notre œil étant un composé de bâtonnets, nous perçons les objets de mille regards à la fois.

796. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Le médecin, s’apercevant de l’obstination de son regard sur le secrétaire, apportait une feuille de papier, et une plume trempée d’encre, qu’il lui mettait dans la main, et que Baschet saisissait avidement, mais au moment où il allait écrire, la plume lui tombait des mains, la paralysie avait gagné le bras. […] À l’église j’ai un certain étonnement, quand mon regard rencontre la figure de Hennequin, le témoin de son adversaire. […] Puis, au bout de quelques secondes, le regard perçoit dans ces apparences de madrépores du premier moment, les ressauts et les rentrants, les saillies et les cavités de tout un monde de délicieuses petites académies, pour ainsi dire, remuantes, que la sculpture de Rodin a l’air d’emprunter à l’épique dégringolade du « Jugement dernier » de Michel-Ange, et même à de certaines ruées de multitudes, dans les tableaux de Delacroix, et cela avec un relief sans exemple, et que lui seul et Dalou ont osé.

797. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

De même qu’un auteur de cette espèce ne peut avoir du monde qu’une connaissance incomplète et partiale, il ne verra des hommes que certains gros côtés extérieurs et les verra déformés, enlaidis ou embellis, selon qu’à première vue ils lui plaisent ou déplaisent, dans l’immédiat retour que l’homme sentimental exécute après chaque regard jeté au dehors. […] De l’enfant un peu délicat qu’il était, il s’était transformé en un jeune homme élancé, souple, singulièrement agile et vigoureux, que nous montre un portrait de Maclise, où éclate, sous une abondante chevelure bouclée brune et dans le gracieux ovale imberbe et rose du visage, le regard presque lumineux de vitalité et de gaîté de deux fixes yeux bleus. Les années passèrent ; en sa figure plus ferme, construite en larges plans anguleux et dont la chair semble d’un grain particulièrement fin et ferme, — un visage d’acier, disait Mme Carlyle, — le regard est devenu plus dur, presque hautain sous le haut front poli ; une résolution excessive et surtendue s’accuse dans la bouche nerveusement pressée au-dessus du menton volontaire que prolonge une barbiche de commodore américain.

798. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Quelquefois il erre soucieux, inquiet, promenant ses regards autour de lui, saisissant tout, renonçant à tout, prenant, quittant toutes sortes d’instrumens et de vêtemens jusqu’à ce qu’il ait rencontré celui qu’il cherche et que l’énergie naturelle et secrète ne lui désigne pas, car elle est aveugle. […] Nous attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un palais, et nous revenons sur nous-mêmes ; nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons ; à l’instant la solitude et le silence règnent autour de nous, nous restons seuls de toute une nation qui n’est plus ; et voilà la première ligne de la poétique des ruines. à droite, c’est une grande fabrique étroite, dans le massif de laquelle on a pratiqué une niche occupée de sa statue ; il reste de chaque côté de la niche une colonne sans chapiteau. […] Alors je me relèverai, je m’en reviendrai, mais je n’en reviendrai pas sans m’arrêter, sans retourner la tête, sans fixer mes regards sur l’endroit où je fus heureux avec toi et sans toi.

799. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

« Pendant qu’ils passaient, mille ombres vaines se présentèrent à leurs regards : le monde que le Christ a maudit leur montra ses grandeurs, ses richesses, ses voluptés ; ils les virent, et soudain ils ne virent plus que l’éternité. […] Si vous scrutez nos iniquités, qui soutiendra vos regards ?

800. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Il en résulte aux regards quelque chose de plus accompli. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin.

801. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nisard en a été désormais bien dessinée ; tous ses travaux, depuis, n’ont fait qu’y ajouter et la rendre plus respectable ; il y est assis, il s’y appuie en toutes choses, il s’en prévaut ; il le sait, et il le donne à connaître ; et lui-même, en tête de je ne sais plus quel article écrit vers le temps de sa polémique, il a naïvement exprimé cette satisfaction intime qu’on éprouve, lorsque, après des tâtonnements, ayant enfin trouvé sa voie, on s’assied sur une borne un moment, et qu’on parcourt du regard, derrière et en avant, sa belle carrière, prêt à repartir. […] Nisard admire cette manière auguste de reculer le trône intérieur de la majesté divine assez loin des regards de l’homme pour que celui-ci ne s’en exagère pas le voisinage.

802. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Au point de vue élevé où il se plaçait, et dans le regard sommaire sous lequel il embrassait et resserrait une longue suite d’événements, il arrivait à y saisir les points fixes, les nœuds essentiels, les lois, et déjà il laissait échapper de ces mots, de ces maximes, chez lui familières et fondamentales, qui exprimaient ce qu’on a pu appeler son système. […] Dans ce dernier travail mis en regard du premier, saint Louis reste grand sans paraître aussi isolé ni aussi inventeur ; il ne rejoint Charlemagne que moyennant des intermédiaires et en donnant la main à Philippe-Auguste, Les successeurs de saint Louis sont appréciés selon leur importance monarchique avec une mesure mieux graduée : Charles V conduit à Charles VII, qui reste très-important, mais Louis XI y est relevé du jugement rigoureux qui, en s’appliquant à l’homme, méconnaissait le roi.

803. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Si quelqu’un mérita, par son talent, de prétendre à plus et d’oser mieux, c’est certainement Hesnault ; c’est lui aussi qui, de tout ce groupe, paraît avoir le mieux compris la position fausse où l’esprit, le goût libertins, allaient se trouver sous Louis XIV, par-devant Despréaux le censeur, et en regard du décorum grandissant. […] Pour les dilettanti qui aiment les rapprochements et les contrastes, lire en regard le sonnet de Milton au Rossignol.

804. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Heureux ceux qui, comme lui, ont eu un jour, une semaine, un mois dans leur vie, où à la fois leur cœur s’est trouvé plus abondant, leur timbre plus pur, leur regard doué de plus de transparence et de clarté, leur génie plus familier et plus présent ; où un fruit rapide leur est né et a mûri sous cette harmonieuse conjonction de tous les astres intérieurs ; où, en un mot, par une œuvre de dimension quelconque, mais complète, ils se sont élevés d’un jet à l’idéal d’eux-mêmes ! Bernardin de Saint-Pierre dans Paul et Virginie, Benjamin Constant par son Adolphe, ont eu cette bonne fortune, qu’on mérite toujours si on l’obtient, de s’offrir, sous une enveloppe de résumé admirable, au regard sommaire de l’avenir.

805. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Ce n’est pas un pur hasard, si la protection qui soutient, l’inspiration qui anime les deux plus intéressants narrateurs des légendes celtiques ramènent toujours notre regard vers la princesse à qui Bernard de Ventadour donna la musique amoureuse de ses vers. […] Les géants ou le dragon que Tristan combat, le bateau sans voile et sans rames dans lequel il se couche, blessé, pour aborder en Irlande où vit la reine, qui seule peut le guérir, cette fantastique broderie ne distrait pas le regard de la passion des deux amants : passion fatale que rien n’explique, qui n’est pas née d’une qualité de l’objet où elle s’adresse, qui ne va pas à la valeur de Tristan, à la beauté d’Yseult, mais à Tristan, mais à Yseult : passion si irraisonnée, si mystérieuse en ses causes, que seul un philtre magique en provoque et figure le foudroyant éclat.

806. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

  Tandis que le regard intuitif se plaît à discerner la justice, dans une contradiction enjoignant parmi l’ébat, à maîtriser, des gloires en leur recul — que l’interprète, par gageure, ni même en virtuose, mais charitablement, aille comme matériaux pour rendre l’illusion, choisir les mots, les aptes mots, de l’école, du logis et du marché. […]       La transparence de pensée s’unifie, entre public et causeur, comme une glace, qui se fend, la voix tue : on me pardonnera si je collectionne, pour la lucidité, ici tels débris au coupant vif, omissions, conséquences, ou les regards inexprimés.

807. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Sans parler de la barbarie où étoit plongée toute l’Europe avant qu’elle eût abjuré les faux Dieux & la superstition, il suffit de fixer ses regards sur le tableau actuel de la Société, pour sentir les avantages que la Religion lui procure. […] « Nous sommes de tous vos Sujets, disoit à l'Empereur Antonin un Apologiste du Christianisme, ceux qui vous aidons le plus à maintenir la tranquillité publique, en enseignant aux Hommes que nul d’entre eux, soit méchant, soit vertueux, ne peut se dérober aux regards de Dieu, & que tous iront recevoir, après leur mort, la récompense ou la punition de leurs œuvres les plus secretes.

808. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

En 1747, en plein dix-huitième siècle, sous le regard même des philosophes, les batailles de Raucoux et de Lawfeld, le siège du Sas-de-Gand et la prise de Berg-op-Zoom éclipsent et effacent cette découverte sublime qui aujourd’hui est en train de modifier le monde, l’électricité. […] La lumière opère ; sous ce grand regard, la postérité, devant cette clarté, le dix-neuvième siècle, les simplifications se font, les excroissances tombent, les gloires s’exfolient, les noms se départagent.

809. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

On peut avoir à la fois plus d’inquiétudes et plus d’espérances qu’il n’en a lui-même, suivant que l’on considère certains faits sur lesquels il n’a jeté qu’un regard inattentif. […] L’un aimait à se replier sur lui-même et à surprendre dans l’intimité de la conscience les différences les plus subtiles des faits intérieurs ; l’autre portait un regard non moins attentif sur les faits du dehors : il les démêlait avec le même plaisir, avec la même finesse, avec la même sincérité.

810. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

A ce thème se rattachent des contes en grand nombre qui prouvent que tel est un colosse, comparé aux êtres de sa race, qui se trouve n’être plus qu’un nain minuscule et débile en regard des guinné. […] Enfin, sans comparer spécialement à telle ou telle fraction de la littérature indo-européenne, nous aurons à mettre en regard des procédés généraux communs de celle-ci les procédés indigènes ci-après : La croyance à la voix du sang.

811. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

le roi de toutes choses, que ceci n’échappe pas à tes regards et à ton éternel empire ! […] Quelle poésie légère, insaisissable, dans ce chœur des Nuées : « Nuées éternelles133, élevons-nous, dans notre mobile et vaporeuse essence, du sein paternel de l’Océan tumultueux, sur les cimes ombragées des hautes montagnes, d’où nous voyons au-dessous de nous de lointaines perspectives, et la terre sacrée fertile en moissons, et les frémissements des fleuves divins, et la mer bruyante ; car l’œil infatigable de l’éther brille d’une éclatante lumière ; et, quand nous avons écarté l’ombre épaisse des pluies, nous donnons à nos regards qui percent au loin, pour vision éternelle, la terre….

812. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

La Commission n’a pas eu à examiner si les auteurs qui ont eu des ouvrages représentés en 1853 sur la scène française ne se sont pas jugés plus sévèrement qu’elle ne l’eût fait elle-même ; mais il nous semble entrevoir, si on osait porter son regard au-delà de 1853 et sans anticiper sur les jugements futurs, que le Théâtre-Français, si riche de tout temps en charmantes et vives productions, ne se dérobera pas toujours si obstinément aux autres conditions indiquées.

813. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

C’est un peu là l’histoire de notre littérature et de l’effet qu’elle nous produit, à nous citadins et casaniers, et de l’effet, certainement différent, bien qu’impossible à déterminer, qu’elle produira sur nos neveux, voyageurs hâtés qui retourneront un moment vers nous leurs regards du haut de leurs collines.

814. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Son cas est singulier : injuste et partial jusqu’à la férocité, il ne voit jamais trouble ; la passion donne à son regard une vigueur plus perçante.

815. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Il gesticule sous un ciel d’orage, se macérant de souffrance par effroi des splendeurs de la chair, et dans l’œuvre entière du grand Verhaeren, nulle strophe ne déforme ce Faust sculpté grandiose au regard du lecteur.

816. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Mais bornons nos regards à des horizons moins lointains, il nous restera encore des promesses moins aléatoires et bien assez séduisantes.

817. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

Ô crépuscule, dans ta grande somnolence, Un bois à l’horizon s’étage noir et bleu ; Haut, le croissant émerge et s’argente en silence, L’Hippogriffe attendait dans le couchant de feu ; Et la Reine, égarant son regard noir et bleu, Maudit l’heure qui coule ainsi qu’une eau trop lente, Et, sous le dur brocart, sentant sa gorge en feu, Mord son exsangue main de sa bouche sanglante !

818. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Et le théâtre retombe à la prose, à ses vieux errements d’autant plus désuets en regard des initiatives audacieuses d’Antoine, de Paul Fort et de Lugné-Poë.

819. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Tandis que sa main frôleuse glisse le billet doux, son regard et ses lèvres sourient des promesses ou des malices et par le mot excitant qu’elle souffle à l’oreille on ne sait si elle raccroche pour elle ou pour sa maîtresse.

820. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

plus d’une fois les soupirs de l’amour S’élèvent dans la nuit du fond des monastères ; En vain, le repoussant de ses regards austères, La pénitence veille à côté d’un cercueil : Il entre déguisé sous les voiles du deuil ; Au Dieu consolateur en pleurant il se donne ; À Comminge, à Rancé, Dieu sans doute pardonne : À Comminge, à Rancé, qui ne doit quelques pleurs ?

821. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Cet amour prétendu, caché dans la demi-teinte, levait précieusement un voile de gaze qui laissait Antiope exposée toute entière aux regards de Jupiter.

822. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Sur le fond, au bord de son lit, des soldats affligés, les regards attachés sur lui, tiennent sa couverture levée. à droite, à son chevet, c’est un groupe de soldats debout, ils sont consternés.

823. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Qu’il ait été un satirique effréné, à outrance, qu’il ait exagéré, qu’il en ait trop dit, que les objets se soient grossis, se soient défigurés sous la dilatation de son regard épouvanté ou indigné, qu’il ait calomnié même par le fait, mais à ses risques et périls, et en mettant sa tête au jeu sans la réclamer, la Critique, qui sait bien qu’un jour il parla la pensée de la France, et que l’homme qu’il accusait avait lui-même, par sa conduite et ses maximes, épaissi sur sa tête la nuée livide de si effroyables soupçons, la Critique l’innocenterait sans peine, si seulement il avait eu la bonne foi de sa colère, le vulgaire mouvement de sang de son indignation !

824. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Les suit-il avec la longueur de regard qu’il faudrait pour en poursuivre et en atteindre les conséquences universelles ?

825. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Or, pour la transition, un seul rapport suffit ; mais pour l’agrégation, il en faut mille ; car il faut une convenance naturelle, profonde et complète. » Ainsi défendu, quoiqu’il n’eut pas besoin de défense, La Bruyère, accepté et magnifié à tous les titres de moraliste, de philosophe, d’observateur et d’écrivain, manquait de cette page de critique qui épure la gloire d’un homme en la passant au feu d’un ferme regard, car dans la gloire, dans ce lacryma-christi de la gloire, telle que les hommes la font et la versent, il y a encore des choses qu’il faut rejeter du verre, — pour que l’ivresse en soit divine !

826. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Il est des esprits constitués du regard pour voir, sinon exclusivement, du moins de préférence, le ridicule, la grimace, la petitesse, la bêtise dans la méchanceté, le grotesque dans la bassesse, — qui n’en diminue pas l’odieux, allez !

827. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Que diriez-vous de ce regard sans originalité, qui n’avise jamais ce qu’on n’avait pas vu encore ?

828. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

C’est un Fielding à courte haleine, alternant avec-un Topffer plus profond et moins pur, un Bas-de-Cuir élégant et civilisé, sans la mélancolie du désert et de la vieillesse, qui parle beaucoup, et, au lieu de rire tout bas, rit tout haut, mais qui rirait bien plus haut encore si le hasard apportait sous son regard, à la fois positif et sceptique, l’introduction faite à son livre et les énormes visées de son traducteur !

829. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Il se dit et il est lui-même aristotélicien : « Je suis capable — dit-il — de prendre Rodogune, par exemple, et en lui appliquant les règles d’Aristote, d’en construire une pièce meilleure que celle de Corneille. » C’est là le dernier trait, mais c’est aussi l’erreur et l’infatuation… C’est l’homme du temps qui parle, ce n’est pas l’homme de l’avenir, qui allonge son regard par-dessus la tête des autres parce qu’il est plus grand qu’eux, — et Lessing l’était !

830. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Charles Jourdain eût été mis au monde par l’Académie des sciences morales et politiques, il se faisait, depuis 1854, une traduction de la Somme de saint Thomas, texte latin en regard, avec notes, commentaires, éclaircissements et toute l’armature nécessaire à un pareil vaisseau en matière de livre ; et qui l’a annoncée ?

831. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

L’homme qui a écrit La Famille Percier, — cette tragédie domestique qui n’est pas du tout un mélodrame, — et Le Mariage de Caroline, où l’observation a tant de regard, — est bien capable d’acquérir en les développant ces qualités de profondeur, de couleur et de sensibilité qu’il a en germe, et dont nous ne pouvons pas nous passer au dix-neuvième siècle.

832. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

La mort d’un homme juste est un objet sublime par lui-même ; mais si ce juste est opprimé, si l’erreur traîne la vérité au supplice, si la vertu souffre la peine du crime, si en mourant elle n’a pour elle-même que Dieu et quelques amis qui l’entourent, si cependant elle pardonne à la haine, si de l’enceinte obscure de la prison où elle meurt, ses regards se tournent avec tranquillité vers le ciel, si, prête à abandonner les hommes, elle emploie encore ses derniers moments à les instruire, si enfin, au moment où elle n’est plus, ce soit le crime qui l’a condamnée qui paraisse malheureux et non pas elle, alors je ne connais point d’objet plus grand dans la nature : et tel est le spectacle que nous présente Platon, en décrivant la mort de Socrate ; il y joint tous ces détails qui donnent de l’intérêt à une mort célèbre et qui en reçoivent à leur tour.

833. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils.

834. (1898) Essai sur Goethe

Quel regard ! […] Ensuite, qu’il bégaye en pressentant, en espérant, en jouissant, ce que nul n’exprime avec des mots, nul avec des larmes, nul avec le regard attardé qui contient toute l’âme. […] Charlotte s’accoudait à la fenêtre ; son regard se promenait sur la campagne ; elle le porta vers le ciel, puis vers moi : je vis ses yeux pleins de larmes ; elle posa sa main sur la mienne et dit : « Ô Klopstock !  […] Mais il viendra un temps où les regards rétrospectifs tournés vers notre époque verront notre langue aussi étrangère et aussi lointaine que nous semble, à nous, celle de la jeunesse de Goethe. […] Dans le temps héroïque où les dieux et les déesses aimaient, le désir suivait le regard, la jouissance suivait le désir.

835. (1888) Portraits de maîtres

En cette occasion, il vit juste et sut tourner nos regards vers un poète encore mal connu des Français. […] Ces divinités indulgentes, toujours près de lui, jeunes, imprévoyantes comme lui, nées de l’Hymne, le rassuraient constamment sur sa propre destinée ; il s’endormait sous leurs regards. […] Quand nous marchons par les prés, tes regards sont plus doux que le muguet et la jonquille entr’ouverte à la rosée ? Maintenant ton regard est plus profond que l’Océan.” […] Il lui vient à l’idée d’interroger les dix sphynx de marbre qui soutiennent son trône, et de se créer des interlocuteurs surnaturels avec ces êtres au regard d’énigme.

836. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Les splendides déesses reparaissent avec leur nudité primitive, sans songer qu’elles sont nues ; on voit bien à la tranquillité de leur regard, à la simplicité de leur expression, qu’elles l’ont toujours été et que la pudeur ne les a point encore atteintes. […] Voilà les sentiments que nous devinons encore aujourd’hui dans leurs peintures, dans ce regard droit qui s’enfonce comme une épée, dans cette force de l’échine qui se plie ou va se tordre, dans la sensualité, l’énergie, l’enthousiasme qui transpire à travers leurs gestes et leurs regards. […] L’Amour conduit le char ; elle passe sereine et souriante, et tous les cœurs charmés de ses divins regards ne souhaitent plus d’autre joie que de la voir et de la servir toujours : Regardez seulement ses yeux ; ils éclairent Tout ce que comprend le monde de l’amour. […] Tout à l’heure, dans les profondeurs infernales, les clartés avec leur long ruissellement étaient belles, demi-noyées par les ténèbres, et le trône exhaussé dans la vaste salle entre les piliers, au milieu de la multitude fourmillante, reliait autour de lui toutes les formes en ramenant sur lui tous les regards. […] Les divines figures, les regards sérieux ou profonds, les expressions virginales ou passionnées qui éclataient à chaque pas dans les premiers poëtes ont disparu ; on ne voit plus ici que des minois agréables peints par des vers agréables.

837. (1914) Une année de critique

Par l’étroit passage, avec la rapidité d’un regard, coule un rais de lumière. […] Le regard de Jules Renard, plutôt qu’il n’embrasse la réalité, la perce à la façon d’une vrille. […] Ainsi le journal de Madeleine paraît d’abord assez monotone et nu, tout comme la province, dont la jeune femme, devenue parisienne, garde la marque, et qui ne se livre pas au premier regard. […] Ils veulent déformer celle-ci le moins possible, c’est pourquoi ils se plaisent à nous la montrer réfractée dans un seul regard. […] Cette méthode, ce lucide regard intellectuel porté sur toutes choses, c’est la méthode classique.

838. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Le lecteur n’a qu’à mettre en regard les portraits du temps, ceux d’Italie et ceux d’Allemagne ; il apercevra d’un coup d’œil les deux races et les deux civilisations, la Renaissance et la Réforme : d’un côté, quelque condottiere demi-nu en costume romain, quelque cardinal dans sa simarre, amplement drapé, sur un riche fauteuil sculpté et orné de têtes de lions, de feuillages, de faunes dansants, lui-même ironique et voluptueux, avec le fin et dangereux regard du politique et de l’homme du monde, cauteleusement courbé et en arrêt ; de l’autre côté, quelque brave docteur, un théologien, homme simple, mal peigné, roide comme un pieu dans sa robe unie de bure noire, avec de gros livres de doctrine à fermoirs solides, travailleur convaincu, père de famille exemplaire. […] Il y en aura d’autres ; supplices sur supplices, et les vrais martyrs à côté du vrai Christ, résignés, silencieux, avec le doux regard des premiers fidèles. […] Telles sont les premières entrées du péché ; elles peuvent trouver leur barrière dans une sincère prière du cœur, et leur frein dans le regard d’un homme respectable ou dans les avis d’un seul sermon ; mais quand de tels commencements sont négligés…, ils se changent en ulcères et en maladies pestilentielles ; ils détruisent l’âme par leur séjour, tandis qu’à leur première entrée ils auraient pu être tués par la pression du petit doigt373. » Tous les extrêmes se rencontrent dans cette imagination-là. […] « Considérez la vivacité de la jeunesse, les belles joues et les yeux pleins de l’enfance, la force et la vigoureuse flexibilité des membres de vingt-cinq ans, puis en regard le visage creux, la pâleur de mort, le dégoût et l’horreur d’une sépulture de trois jours. […] Then we sleep and enter into the image of death in which state we are unconcerned in all the changes of the world : and if our mothers, or our nurses die, or a wild boar destroys your vineyards, or our king be sick, we regard it not, but, during that state, are as disinterested as if our eyes were closed with the clay that weeps in the bowels of the earth.

839. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Par elles il est grand encore, et attirera les regards de l’humanité. […] Au premier regard il paraît bien l’un d’eux, très exactement. […] Pour le sens commun, qui se marque à l’usage courant de la langue, la réalité c’est ce qui frappe le plus souvent et comme assidûment nos regards. […] On sent, au premier regard, un homme qui n’a point de métier (plus tard on s’apercevra que c’est un homme qui a un métier à lui). […] Au premier regard on dirait un Fontenelle.

840. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Je me rappelle que je trouvai que son regard ressemblait à celui de J. […] Le jeune Bonaparte avait un très beau regard et qui s’animait en parlant. […] Je ne parle pas du regard : il est sans flamme et sans lumière. […] Et Verlaine, s’il habitait Corinthe, roulerait le soir son amphore près des myrtes pour dormir au regard des étoiles. […] Marcel Schwob ne sont pas moins tragiques, et il en est tels à travers lesquels luisent des regards qui font frissonner.

841. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Qu’on aime parfois à détourner ses regards du monde extérieur et réel pour les reporter au dedans de soi-même ou les promener à travers les domaines de l’imagination, rien de plus naturel encore. […] Il ne peut supporter les regards des hommes et se plaît à se retirer dans les bois. […] Les affaires publiques qui ont pris une part considérable de la vie de Maine de Biran, ne l’ont pas, en effet, occupée toute entière, et même dans les fonctions de l’État, et sur la scène politique, il eut toujours un regard tourné en dedans de lui-même. […] Il confessait que les connaissances matérielles ne suffisent point à notre esprit et qu’après les avoir épuisées, il éprouvait un grand vide et se trouvait invinciblement poussé à chercher des lumières surnaturelles. » Il ne se pouvait donc empêcher de tourner un regard de regret vers le joug qu’il avait brisé. […] J’en conclus qu’il est bon de savoir ce que l’on veut faire… » Ici jetons un regard en arrière.

842. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Ses cheveux, d’un blond sale et douteux, recouvraient à peine son front bombé, sous lequel perçait un regard oblique exprimant bien plus la défiance que la pénétration. […] Pensif, il tenait son regard machinalement fixé sur Mme de Noailles, qu’il ne voyait que par derrière. […] La plaintive MALVINA, touchant sur sa harpe des airs douloureux et adressant un regard triste et plein de larmes au barde aveugle qui n’en jouira pas, vous a-t-elle jamais intéressé à ses malheurs ? […] C’est alors que les traits d’héroïsme, de vertus civiques, offerts aux regards du peuple électriseront son âme et feront germer en lui toutes les passions de la gloire, de dévouement pour sa patrie. […] « Détournons, représentants du peuple, nos regards de cet abîme que vous avez comblé.

843. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Quant à mon village natal, aucun voyageur ne l’a traversé jamais sans jeter un regard complaisant sur cet aimable lieu, avec sa ceinture d’étangs et de verts buissons, et la vieille tour de son église toute tapissée de mousse. […] Mais beaucoup de temps se passera encore avant que le vrai caractère du triste poète soit exposé, dans sa nudité, aux regards du public. […] Marc-Aurèle aussi était là, causant familièrement avec chacun des visiteurs ; et tout de suite Marius lui plut par la pureté de son regard : « Il convient, lui dit-il, de ressembler aux dieux plutôt que de les flatter. […] Il pâlit, abaissa un regard sur Valérie, toujours sanglotante à ses pieds. […] Dans un coin, derrière un bureau, je découvris le vieillard, enfoncé dans une dormeuse de cuir, et fixant sur moi des regards inquiets.

844. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

J’en crois La Fontaine, quand il dit : Vous savez conquérir les Etats et les hommes ; Jupiter prend de vous des leçons de grandeur, Et nul des rois passés, ni du siècle où nous sommes, N’a su si bien gagner l’esprit avec le cœur… Vos moindres volontés sont autant de décrets, Vos regards sont autant d’arrêts215 . […] Enfin, le cœur humain, où Molière allait lire si avant, s’étendit, pour ainsi dire, et devint plus profond et plus libre, par l’effet d’un changement qui, en délivrant chaque particulier du poids des préoccupations publiques, le rendait tout entier à lui-même, et le livrait, dans tout son naturel, aux regards de l’observateur. […] Qui doute que, de son côté, Boileau, dont la majesté royale ne troublait pas le ferme regard, n’ait su voir l’homme sous le souverain, et qu’il n’ait aimé le premier dans un respect profond, mais non timide, pour le second ? […] Il se contentait de l’avertir par des regards furtifs, et toujours quand il n’était plus temps.

845. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Ses ennemis fascinés le cherchent et ne le voient pas ; il se cache dans sa gloire, comme le lion du Sahara se cache dans les rayons du soleil pour se dérober aux regards des chasseurs éblouis.

846. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

. — Au bras qui le défend, Un nourrisson bégaye une note indécise ; Sa mère lui tendant le doux sein qu’il épuise, L’embrasse tout entier d’un regard triomphant !

847. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Le regard se promène avec dédain ou sérénité sur le monde, l’intelligence des choses n’a jamais été si limpide ; mais où est la vie, où est l’amour ?

848. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Un critique distingué, ayant à parler assez récemment d’Horace et de Virgile, et de l’espèce de royauté qu’ils se fondèrent en regard, à l’abri et à l’appui de la monarchie impériale d’Auguste, a fait remarquer la convenance et la nécessité de ces deux royautés parallèles, produites à la fois par une double anarchie, dans un temps où la faiblesse de l’État d’une part, et de l’autre le trop facile usage de formes poétiques devenues la propriété commune, favorisaient toutes les entreprises de l’ambition politique, toutes les prétentions de la médiocrité littéraire153.

849. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

C’est une apparence qui console, qui enchante et repose et appuie le regard.

850. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

L’auteur anglais ne s’est donc pas heureusement orienté en commençant ; il aime, en lisant, le pêle-mêle ; il y a un peu de béotisme dans son début ; comme il est fier et rude, ce n’est pas nous qui essaierons de le ramener et de lui indiquer les sentiers plus sûrs, moins à portée de son regard : Heu !

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