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990. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

s’écriera-t-on, oubliez-vous que cette vérité est un mystère ? Non, je ne l’oublie pas ; mais n’oubliez pas non plus que ce mystère est une vérité. […] Vous l’avez peut-être déjà oublié : c’est le blocus continental. […] Je ne veux pas oublier parmi les mérites de Herder celui d’avoir accordé la plus haute importance au théâtre de l’histoire. […] Mais n’oubliez pas que toute méthode naissante est faible ; n’oubliez pas qu’une révolution n’atteint pas d’abord toutes ses conséquences.

991. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Ne m’oubliez pas. Je ne vous oublierai pas. […] Quoique âgé seulement de soixante et un ans, il était bien oublié. […] Je me suis oublié. […] Il ne faut pas tout à fait l’oublier.

992. (1876) Romanciers contemporains

Il ne l’oubliait qu’au moment de la signature. […] Sandeau a oublié l’éternel précepte d’Horace. […] L’art suprême est dans la mesure, ne l’oublions pas. […] Quiconque l’aura vue ainsi, cette reine scandinave, ne l’oubliera jamais. […] Il n’oublie aucune aspérité, aucun angle.

993. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Pour apaiser un peu cette soif d’avoir toujours prédit juste en politique, il devrait avoir derrière lui, comme l’antique Gracchus, son joueur de flûte qui lui chanterait à mi-voix son hymne du duc de Bordeaux, qu’il a tant oublié : Il est né l’enfant du miracle ! […] Pasquier a l’idée de se présenter et qu’il fait sonder ses amis ; Lamartine lui écrit de lui-même une lettre dans laquelle il lui dit qu’il croit devoir se plaindre d’avoir été oublié parmi ceux sur qui on pouvait compter, qu’il n’a pas oublié, lui, qu’il a dû son entrée dans la carrière diplomatique à M.  […] XCII Piscis n’écrit plus ; à force d’improviser, il a oublié ce qui est de la plume. […] — Lorsqu’il arrivait à de Vigny de parler de la grande fortune de sa famille ruinée par la Révolution, sa mère l’interrompait en lui disant : « Mais, Alfred, tu oublies qu’avant la Révolution nous n’avions rien. » — De Vigny a demandé à l’empereur à Compiègne, devant témoins, d’être le professeur qui apprendrait à lire au prince impérial, alors tout enfant. […] — J’allais oublier le dernier mot qui le résume : l’homme de France le plus ennuyeux t » — On m’assure qu’il n’a pas toujours été tel et que dans sa jeunesse il a pu faire illusion même à de bons juges.

994. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Chimène et Rodrigue en parlent tout le temps, — pour l’oublier, et ils ont raison. […] Le seul espoir du public, c’est que ce rideau ne marche pas, ou qu’on oublie de le mettre en mouvement. […] N’est-ce pas le ménage assassin de Monte-Cristo (j’oublie les noms) ? […] Si tu trouves mieux, tu m’oublieras ; sinon, tu te souviendras de moi. […] on oublie Dieu, on oublie, pour ainsi dire.

995. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Notre judicieux auteur se montre, ici, étrangement peu homme du monde, et oublie totalement qu’il est Espagnol. […] Brunetière oublie trop de le considérer dans son milieu. […] Il oublie d’abord qu’il est très difficile de dire où commence et où finit la littérature. […] Vous n’avez pas oublié ce que Francaleu a promis à Baliveau. […] Mais, juste à ce moment, on lui annonce la mort de sa femme Claude, qu’il avait, jusque-là, quelque peu oubliée.

996. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Elles nous font oublier les défauts de Déroulède. […] En tout cela, la France n’est pas oubliée. […] Quand une fois on l’avait vu, on ne pouvait l’oublier. […] Il croit que le peuple (n’oublions pas qu’il écrit pour le peuple) aime les types tranchés, enluminés de couleurs brutales. […] Émile Zola n’a rien oublié : il a mis chaque détail en lumière.

997. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Quoi qu’il en soit (rare éloge et peut-être applicable à lui seul entre les hommes de sa nuance qui ont fourni au long leur carrière), chez La Fayette le rôle extérieur et l’inspiration intérieure se rejoignaient, se confirmaient pleinement, constamment ; l’homme d’esprit, poli et fin, intéressant à entendre, qu’on rencontrait en l’approchant, ne faisait qu’une agréable diversion entre le personnage public toujours prochain et l’intérieur moral toujours présent, et n’allait jamais jusqu’à interrompre ni à laisser oublier la communication de l’un à l’autre. […] On oublie trop, en traitant, soit avec les individus, soit avec les nations, ce qui est du fond de leur caractère ; à la faveur de quelques compliments de forme, où résonnent les mots d’honorable, de loyal, on aime de part et d’autre à se dissimuler cela ; c’est comme quelque chose d’immuable au fond et de fatal ; il semble que ce soit désagréable et humiliant de se l’avouer. […] Tallien et Bourdon, en parlant contre l’infâme loi du 22 prairial, ont mérité les bénédictions attachées à la journée du 9 thermidor ; et Sieyès, le Sieyès de 1789, constamment assis pendant toute la durée de la Convention à deux places de Robespierre, a, par son timide et complaisant silence, mérité… d’en être oublié 84 !  […] Lorsque, apprenant la mort de son ami La Rochefoucauld, il écrivait de sa prison que le charme était détruit et que le sourire de la multitude n’avait plus pour lui de délices, il allait trop loin, il oubliait l’effet du temps qui cicatrise ; le sourire, plus tard, à ses yeux est encore revenu. […] La Fayette, en 1799, écrivait à merveille sur les périls du dehors qu’on exagérait : « Dans tout ce qui regarde l’opposition aux étrangers, il y a toujours un moment où notre nation semble rebondir et dérange toutes les espérances de la politique. » Il avait pu oublier en 1830, au lendemain des trois jours, cette maxime inverse et qui n’est pas moins vraie, que, dans tout ce qui concerne la pratique intérieure et l’organisation sérieuse des garanties, il y a toujours un moment où notre nation, si près qu’elle en soit, échappe et déconcerte toutes les espérances du patriotisme.

998. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Je ne sais si le raisonnement est bien bon, mais je sais que le temps vient où la critique, s’imaginant avoir justifié par des raisons inverses toutes les prétendues fautes de goût de Shakespeare, dédaignera de blâmer les plus mauvais jeux de mots d’Hamlet, et oubliera de nous faire frémir d’horreur au spectacle de l’œil de Glocester écrasé par le talon de Cornouailles367. […] Plaute oubliait alors qu’il était poète comique. […] Quant à moi, si j’avais à écrire, à parler du bon Jean-Paul ou d’un quelconque de ses compatriotes, si je me mettais seulement à lire ses pareils ou lui pour mon propre plaisir, je commencerais par oublier quelques-uns des goûts de ma patrie, notre amour pour les idées générales nettes, moyennes, accessibles, pour les lieux communs de morale mondaine, les sentences fines et brèves, l’unité, la rapidité, la précision, la mesure, la délicatesse et la logique ; j’oublierais notre aversion pour le vague et pour toute fantaisie qui n’est point réductible à une idée claire ; je me ferais allemand ; je m’échaufferais, je m’élèverais par enthousiasme à la hauteur de ces imaginations poétiques et philosophiques tout ensemble, qui jettent à la raison vulgaire de superbes défis, et je mesurerais l’altitude de leurs pensées et de leurs œuvres d’après leur degré de mystère et de vénérable obscurité. […] Ne craignez point qu’il s’oublie, ni qu’il oublie son auditoire. […] Il oublie encore ici le génie de la France.

999. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Une fois qu’on est entré, l’hier est oublié. […] mon Dieu, et mon dîner de ce soir que j’oubliais, et celui de demain, et celui d’après-demain. […] — C’est ce que les mères ne doivent pas oublier. […] A-t-il eu la pensée de le donner, ou l’a-t-il oublié en s’en allant ? […] Le Dauphin ne se borna pas là, et n’oublia jamais qu’il était tenu de tenir lieu de père à cet enfant, qui était orphelin par sa faute.

1000. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

cela s’efface souvent ensuite, disparaît, s’éteint, car nous oublions, oh ! nous oublions, comme l’air oublie les paroles. […] Elle oubliait déjà presque tout à fait l’apparition de cette étrangère qui lui avait apporté tant de chagrin, tantôt. […] Je n’oublierai jamais ce que je vis alors. […] C’était celle d’un jeune homme assez beau, mais l’expression de cette figure ne peut se deviner quand on ne l’a pas vue, ni s’oublier quand on l’a vue.

1001. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Je l’ai rencontré il y a quelques années dans un hôtel de Tyrol, et jamais je n’oublierai l’impression qu’il m’a faite. […] Et jamais je n’oublierai à qui je dois ma guérison. […] Celle qu’il aimait, la dame que dans sa lettre il appellera Annie, était mariée ; et c’est sans doute pour l’oublier que Poe avait projeté de se marier à Mrs Shelton ; mais les efforts qu’il faisait pour l’oublier n’aboutissaient qu’à la lui rendre plus chère. […] Il a trop oublié que ses amis n’avaient point, comme lui, le pouvoir d’aimer à la fois et de mépriser. […] Pour que l’humanité soit heureuse, les lettrés doivent oublier la science, et les riches renoncer à leur fortune : à cela doit tendre la future éducation sociale.

1002. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Le directeur a pour mission principale de louer le récipiendaire, mais de le louer en le jugeant, de reprendre les points principaux de son discours qui prêtent à une réponse, d’en rabattre légèrement ce qui excède, de rappeler et de réparer ce qui a pu y être oublié.

1003. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

Des villes d’Italie où j’osai, jeune et svelte, Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte, J'arrivais, plein des feux de leur volcan sacré, Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ; Mais, dès que je sentis, ô ma terre natale, L'odeur qui des genêts et des landes s’exhale, Lorsque je vis le flux, le reflux de la mer, Et les tristes sapins se balancer dans l’air, Adieu les orangers, les marbres de Carrare, Mon instinct l’emporta, je redevins barbare, Et j’oubliai les noms des antiques héros, Pour chanter les combats des loups et des taureaux !

1004. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Un sergent, je crois, l’avait oublié là.

1005. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

Et comme vous n’êtes pas la plus belle, on a honte de vous, un peu ; et lorsqu’on promène les autres par la ville, joyeusement endimanchés, on vous oublie à la maison, petite Cendrillon que vous êtes… Richesse de la Muse, ma chère, fille alitée de mon pins vieil ami, on est injuste avec vous.

1006. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottecher, Maurice (1867-1960) »

Le genre comique n’a pas été négligé à Bussang : un acte amusant, le Lundi de la Pentecôte, a mis en joie les spectateurs avec les aventures de divers personnages auxquels la dive bouteille a fait oublier une vieille amitié ; tout finit bien d’ailleurs : réconciliation et mariage remettent les choses en état et rectifient à jamais le fâcheux zigzag que l’ivrognerie a fait faire à l’amitié de ces braves gens.

1007. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Theuriet, André (1833-1907) »

Leur pinceau est souvent ému, mais il n’oublie jamais de demeurer élégant, et leurs plus belles œuvres sont merveilleusement correctes et pures.

1008. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

N’oublions pas qu’au mérite du savoir il joignit le mérite plus estimable encore, des vertus sociales.

1009. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

En envisageant M. de Fontenelle comme Poëte, il faut oublier, pour sa gloire, qu’il a fait des Tragédies, des Comédies, &c.

1010. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

La France a le droit d’oublier, la famille a le droit de se souvenir.

1011. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Et puis, au bas de ce groupe qui jouit, qui possède et qui qui souffre, tantôt sombre, tantôt rayonnant, ne pas oublier l’envieux, ce témoin fatal, qui est toujours là, que la providence aposte au bas de toutes les sociétés, de toutes les hiérarchies, de toutes les prospérités, de toutes les passions humaines ; éternel ennemi de tout ce qui est en haut ; changeant de forme selon le temps et le lieu, mais au fond toujours le même ; espion à Venise, eunuque à Constantinople, pamphlétaire à Paris.

1012. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Comment M. l’abbé Goujet a-t-il oublié cet auteur, en faisant l’énumération suivante : « Jean le Chatelain, auteur de la Chronique de Metz en vers, fut brûlé vif pour crime d’hérésie.

1013. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Mais aucun de tous ses ouvrages n’a fait oublier les Entretiens d’Ariste & d’Eugène.

1014. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Cependant n’oublions jamais que l’art s’écarte également de l’instinct et de la prédication.

1015. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

On s’étonne que sa Muse ait oublié la harpe de David, en parcourant Israël.

1016. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

L’Andromaque d’Homère gémit sur les malheurs futurs d’Astyanax, mais elle songe à peine à lui dans le présent ; la mère, sous notre culte, plus tendre, sans être moins prévoyante, oublie quelquefois ses chagrins, en donnant un baiser à son fils.

1017. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Mon ami, je suis trop heureuse, le bonheur m’ennuie… ……………………………………………………………………………………………… Ne trouvant donc rien ici-bas qui lui suffise, mon âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir ; en s’élevant à la source du sentiment et de l’être, elle y perd sa sécheresse et sa langueur : elle y renaît, elle s’y ranime, elle y trouve un nouveau ressort, elle y puise une nouvelle vie ; elle y prend une autre existence, qui ne tient point aux passions du corps, ou plutôt elle n’est plus en moi-même, elle est toute dans l’être immense qu’elle contemple ; et, dégagée un moment de ses entraves, elle se console d’y rentrer, par cet essai d’un état plus sublime qu’elle espère être un jour le sien… ……………………………………………………………………………………………… En songeant à tous les bienfaits de la Providence, j’ai honte d’être sensible à de si faibles chagrins, et d’oublier de si grandes grâces… ……………………………………………………………………………………………… Quand la tristesse m’y suit malgré moi (dans son oratoire), quelques pleurs versés devant celui qui console, soulagent mon cœur à l’instant.

1018. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Les économistes oublient trop une pensée de Bonald, qu’il est peut-être bon de leur rappeler : « Les révolutions, comme les grandeurs des peuples, ont des causes matérielles et prochaines qui frappent les yeux les moins attentifs, mais ces causes ne sont, à proprement parler, que des occasions ; les véritables causes, les causes profondes et efficaces, sont toujours des causes morales, que les petits esprits et les hommes corrompus méconnaissent. » 1.

1019. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

Mais les hommes faits par lui ne l’oublient plus, et ce sont eux, fidèles élèves, qui propagent et poussent ses idées, dans la mesure inégale de leur talent et de leur rayonnement divers.

1020. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Homme tout oriental comme son île, et nullement homme européen de son siècle, tout son rôle semblait être de déplacer violemment la révolution de son centre, de changer le courant des idées en courant de conquêtes, et de faire une longue diversion à la philosophie et à la liberté pour faire oublier à la France sa mission et à l’Europe sa régénération par la pensée libre. […] Il avait oublié ce mot si sensé et si profond de M. de Talleyrand, qui résume en une plaisanterie la philosophie expérimentale d’une longue vie. « Il ne faut jamais se fâcher contre les choses, car cela ne leur fait jamais rien du tout. » Le petit cercle d’amis qui causaient à cœur ouvert autour de mes tisons fit écho par complaisance à ce mécontent de la nature et de la Providence. […] Je n’oublierai jamais ma première rencontre avec Victor Hugo, que M. de Chateaubriand appelait l’enfant sublime. […] J’ai oublié le poète, et j’ai trouvé en lui l’homme, le politique et le philosophe supérieur encore à l’artiste. […] … mais ne l’oubliez pas, grâce aux vaincus !

1021. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il va oublier et faire oublier, je l’espère pour lui, pour ses amis, pour la littérature, ses outrances et ses folies dans les joies retrouvées du ménage. […] Darwin, Claude Bernard, Spencer furent pendant quelques jours, oubliés, et M.  […] Je ne puis pas oublier, tout à fait, ce que j’ai appris autrefois, ce que j’ai vu, ce qui m’a ému, ce qui m’a charmé. […] Et ce souvenir qui lui survit, et qui survit à son œuvre oubliée, pourquoi le prostituer dans de douteuses équipées ? […] Mais l’administration ne l’oubliait pas.

1022. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Trop de noms distingués s’offriraient à ma mémoire, sans compter ceux que j’oublierais ou que je ne connais pas. […] Il n’importe guère au critique qui l’a oubliée, et moins encore au public qui n’a pas envie de la revoir, même en abrégé. […] Il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour que l’ancien idéal soit oublié et qu’on en ait trouvé un nouveau. […] le Manfred de boulevard oublie la morte et devient vaudevilliste. […] Charrier est plus ancien ; mais si le public l’a oublié, on peut rafraîchir l’anecdote.

1023. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Alors parut Zaïre, avec ses défauts tant reprochés, et ses beautés qui les font oublier. […] Il nous a fait oublier qu’un roi a d’autres devoirs que d’acquérir de la renommée pour son empire. […] On a oublié leurs vers, et leurs systèmes ont séduit quelques personnes ; leur exemple est une nouvelle preuve. […] Peu d’années après, les pourceaux d’Épicure s’autorisaient de son nom pour oublier la vertu dans la volupté. […] Toutefois n’oublions pas qu’il est facile de juger après l’événement.

1024. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

On oubliait, précisément, les âmes : il se souvint d’elles et il les défendit. […] Diversion : les péripéties du voyage lui firent oublier ses travaux mathématiques. […] Mais il ne l’oubliait pas. […] Ils travailleront là, tranquilles et méticuleux : et ils auront oublié le grand Pan. […] Jules Lemaître nous le dira, puisque Homère l’a oublié.

1025. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Montjoie, l’auteur des Quatre Espagnols, si oublié, ne prit que le temps d’y entrer, de s’en réjouir et d’y mourir. […] La ressource de l’humanité, en avançant, est de se débarrasser du bagage trop pesant et d’oublier : ainsi elle trouve moyen de se redonner par intervalles un peu de fraîcheur et une soif de nouveauté. […] Joubert, dans une lettre à Fontanes, a dit : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée. […] A côté des anciens qu’il vénère, il n’oublie les novateurs qui le font penser, qui lui suggèrent toutes les conceptions imaginables, et surtout lui ôtent l’admiration, ce vrai signe de notre faiblesse. […] » Naudé n’oubliait jamais cette pensée en lisant l’histoire ; il en faisait surtout l’application aux grands esprits cultivés depuis la renaissance des lettres, et ce qu’il avait en Italie sous les yeux l’y confirmait.

1026. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

cela vous réchauffera, et cela me fera oublier que la pluie m’entre dans le dos et ne s’arrête qu’à mes talons. […] Le temps a filé si vite que j’avais tout à fait oublié cela. […] On a beau dire, on n’oublie pas une chose pareille ! […] L’éducation leur laisse toujours quelque chose, à ce qu’il paraît, car je ne l’ai jamais vue oublier de se cacher comme une religieuse […] La vue des Gendarmes du roi et des Mousquetaires me fit oublier mon vieux compagnon de route.

1027. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Granier de Cassagnac, cette plume de guerre qui sait être aussi une plume de justice, nous a donné, il y a quelques années, une Histoire des causes de la Révolution française que personne n’a oubliée, et il s’est cru obligé d’y ajouter, comme une conclusion, celle du Directoire. […] Selon nous, le mérite de ce premier volume est particulièrement dans le détail poignant des maux de la patrie, dont pas un seul n’est oublié. […] Il ne voulait pas qu’on les oubliât ; il ne voulait pas que la postérité pût jamais un seul instant fermer les yeux devant ces têtes d’abjectes Méduses dont il est bon, dans l’intérêt des hommes, d’immortaliser la terreur. […] Dans sa puissante et lumineuse analyse, l’historien n’a rien oublié ; mais pourquoi, tout cela montré, prouvé, tiré au clair, la termine-t-il par ces mots, qui grandissent trop un pouvoir dont il fallait étaler sans pitié l’incurable et la mortelle faiblesse : « Le gouvernement de Juillet a péri par la seule et la plus improbable des chances qu’il eût contre lui : celle de se renverser lui-même !  […] Camille Desmoulins en fut un très grand, lui, mais c’est encore son échafaud qui a donné aux pages qu’il a écrites l’éclat du sang et leur vermillon immortel Loustalot, comme journaliste aussi grand qu’eux, mais qui, comme eux, n’eut pas le point de rappel, splendide et terrible, de l’échafaud, Loustalot est oublié, et Carrel, plus près de nous et dont on a voulu éditer les œuvres il y a quelques années, fut trouvé si désespérant de manque d’intérêt et de talent mort que l’édition fut abandonnée.

1028. (1891) Esquisses contemporaines

D’ailleurs oublier ce que l’on a une fois entrevu n’est guère possible, et poser un écran au-delà duquel on s’interdit de regarder n’est, pas meilleur. […] La conscience exige de n’être jamais oubliée autant qu’elle exige de ne jamais être contredite. […] Cela était si merveilleux que l’on oubliait de créer cet autre univers qu’il faut à notre être moral pour subsister et pour vivre. […] Ce misérable dénouement jeta sur la nouvelle théologie qui cherchait à se faire jour un discrédit total et qui est loin d’être oublié. […] Et ma vie fut transformée, mes doutes se dissipèrent, mes luttes furent oubliées, mes ténèbres devinrent lumière.

1029. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

— D’ici je le sais très bien et, c’est drôle, si je descendais, je suis sûre que je l’aurais tout de suite oublié. […] Je passais des après-midi entiers au fond d’une vieille niche à chien, inoccupée et oubliée dans un coin de la cour. […] On avait oublié mes jarretières ! […] Mais j’y étais si appliquée que j’oubliais toute prudence. […] Elle se tenait très sérieuse sur sa chaise, avec les mamans, et oubliait sa broderie, dans la contemplation de toutes ces gambades.

1030. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Mais, en évoquant ce souvenir, n’oublions pas de le ranger parmi nos moyens de défense : n’oublions pas que cette crise, affligeante pour la religion et la morale, fut accablante pour l’art et le goût, que les esprits délicats en souffrirent non moins que les âmes pieuses, et que l’époque des plus gros blasphèmes et des plus grosses immoralités en littérature fut aussi l’époque des plus gros solécismes. […] Quel charme d’oublier et de nous souvenir ! d’oublier tout ce qui, dans la carrière poétique ou politique de M.  […] Les brillants succès remportés au dehors ont fait aisément oublier ou absoudre la dureté déployée dans le gouvernement intérieur du royaume. […] Voilà ce que nous ne devons pas oublier, et ce dont M. 

1031. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Ce Montal, tel qu’un Montluc innocent et pur, se dresse devant nous en pied, de toute sa hauteur, et ne s’oublie plus. […] Lorsque la guerre de la Succession commença (1702), voyant de nouvelles promotions se faire, dans lesquelles figuraient de moins anciens que lui et y étant oublié, il songea à se retirer du service, consulta plusieurs amis, trois maréchaux et trois hommes de Cour, et sur leur avis unanime « qu’un duc et pair de sa naissance, établi d’ailleurs comme il était et ayant femme et enfants, n’allait point servir comme un haut-le-pied dans les armées et y voir tant de gens si différents de ce qu’il était, et, qui pis est, de ce qu’il y avait été, tous avec des emplois et des régiments », il donna, comme nous dirions, sa démission ; il écrivit au roi une lettre respectueuse et courte, dans laquelle, sans alléguer d’autre raison que celle de sa santé, il lui marquait le déplaisir qu’il avait de quitter son service. « Eh bien ! […] Saint-Simon, dans ses Mémoires, se montre bien plus attentif qu’on ne le suppose à ce qui concerne les gens de lettres et les gens d’esprit de son temps ; mais ce sont ceux du siècle de Louis XIV ; c’est Racine, c’est La Fontaine, c’est La Bruyère, c’est Despréaux, c’est Nicole, il n’en oublie aucun à la rencontre. […] Dès la seconde page, Saint-Simon nous montre sa mère qui lui donne dès l’enfance de sages conseils et qui lui représente la nécessité, à lui fils tardif d’un vieux favori oublié, d’être par lui-même un homme de mérite, puisqu’il entre dans un monde où il n’aura point d’amis pour le produire et l’appuyer : « Elle ajoutoit, dit-il, le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissoit comme dans l’abandon à moi-même, et augmentoit le besoin de savoir en faire un bon usage sans secours et sans appui ; ses deux frères obscurs, et l’aîné ruiné e‌t plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père sans enfants et son aîné de huit ans. » Or, ne trouvant pas la phrase assez claire dans son tour un peu latin, l’édition de 1829 a dit : « Elle ajoutoit le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissoit comme dans l’abandon à moi-même, et augmentoit le besoin de savoir en faire un bon usage, me trouvant sans secours et sans appui ; ses deux frères étant obscurs, et l’aîné ruiné et plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père étant sans enfants et son aîné de huit ans. » Me trouvant et deux fois étant sont ajoutés.

1032. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

nous n’avons jamais oublié ce que vous disiez à nos jeunes cœurs ! […] J’avais à la Visitation une petite demoiselle française, dont j’ai oublié le nom, mais qui mérite une place dans la liste de mes préférences. […] Plein de ces tristes pensées, j’oubliai qu’il est un être consolateur, je m’oubliai moi-même.

1033. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

On oubliait le fond par trop d’attachement à l’expression, on se flattait dépenser assez noblement, si l’on savait se passer de quelque mot proscrit. […] C’est ce que ne doit pas oublier le critique qui parle de ces choses-là. […] S’il s’agit de ces vérités par lesquelles les sociétés subsistent, mais qui, sans cesse oubliées ou éludées, veulent être exprimées dans un langage qui les rende toujours sensibles et présentes, la langue générale n’y suffit pas. […] Il serait bien temps, sur le crédit d’aussi grandes autorités que Mme de Sévigné et Voltaire, de revenir à cet ouvrage, plus négligé qu’oublié.

1034. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Van Dyck et Blauwaert, Mme Boidin-Puisais doivent à ce maître leur intelligence de l’œuvre, la belle netteté, si peu commune, de leur diction : mais le drame wagnérien n’est point appris facilement ; ces artistes avaient trop de choses à oublier encore pour s’y rendre parfaits. […] — Oui, mais tâchez que je l’oublie. […] Soudain la jeune fille aperçoit Walter et elle frissonne : « J’ai oublié mon écharpe au dossier de mon banc », dit-elle à Madeleine. […] On peut penser qu’il s’agit d’une pièce aujourd’hui oubliée : Das Liebesmahl Der Apostel, « repas d’amour des Apôtres », cantate pour choeur d’hommes et orchestre, scène biblique datant de 1843.

1035. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Alors Parsifal oublie sa chaumière natale, sa mère, le monde entier pour une seule pensée : revoir les chevaliers et se faire chevalier lui-même. […] Pendant qu’il s’oubliait aux bras de l’enchanteresse, Klingsor s’est emparé de la lance, en a frappé le roi et lui a fait une blessure incurable. […] Adolf Wagner, aujourd’hui presque oublié, était un littérateur remarquable. […] Chevillardcc, dont notre correspondant avait oublié le nom.

1036. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

trois pages grotesques ne peuvent pas faire oublier quatre magnifiques partitions, voilà je crois la justice. […] » oublie-t-on que cette Ville c’est Paris, et que c’est Paris surtout qui a été cruellement assiégé, affamé, bombardé, ruiné par les Prussiens ! […] Or, il paraît que tout le monde n’a pas pu oublier, par amour de l’art, que M.  […] Il n’y a pas assez longtemps que Wagner est mort pour qu’on ait oublié les jugements profondément blessants qu’il a si souvent portés sur la France, et le musicien n’a pas encore effacé l’homme.

1037. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

IX « Le coq chante sur le fumier du chemin, au milieu de ses poules qui grattent de leurs pattes la paille, pour y trouver le grain que le fléau a oublié dans l’épi quand on l’a battu dans la grange. […] Deux maîtres tendres et vénérés, dont les vicissitudes de la vie et de la fugitive opinion (aura) n’ont point refroidi en moi la mémoire, le Père Béquet et le Père Varlet, professeurs des classes littéraires chez les Jésuites, me témoignèrent depuis ce jour une prédilection presque paternelle que je serais ingrat d’oublier. […] Ce sont autant de fibres saignantes arrachées de mon cœur encore vivant et ensevelies avant moi, pendant que ce cœur bat encore dans ma poitrine comme une horloge qu’on a oublié de démonter en abandonnant une maison, et qui sonne encore dans le vide des heures que personne ne compte plus ! […] XL D’acteur que je fus pendant vingt ans dans ce triste drame oratoire ou populaire de ma patrie, le prompt dégoût du peuple et la mobilité ordinaire des choses humaines m’ont rejeté au rang des spectateurs les plus oubliés ; je ne m’en plains pas : c’est le bon côté des disgrâces ; quand la foule se précipite où l’on ne veut pas aller, heureux l’homme seul !

1038. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Ceux-là nous font passer en revue tous les modernes, & oublient les anciens comme s’ils n’avoient jamais été, ou qu’ils ne méritassent point qu’on fît d’eux quelque mention. […] Notre nation est si riche en auteurs comiques, que nous avons oublié quelques piéces qui méritent l’estime du public, & qui auront celle de la postérité. […] Fuselier, Duclos, Moncrif & quelques autres, parmi lesquels il ne faut pas oublier l’auteur de Castor & Pollux, M. […] Les fables de Desmay publiées en 1678. sous le titre de l’Esope françois, ont quelque facilité ; mais froides, sans grace & verbeuses, elles sont entiérement oubliées.

1039. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Outre ces divers moyens de dispersion, il ne faut pas oublier que, lorsqu’un étang ou un cours d’eau se forme pour la première fois sur une île récemment émergée, cette station aquatique reste longtemps inoccupée ; de sorte qu’une seule graine ou un seul œuf a toute chance de réussir à se développer. […] Il ne faut pas oublier que beaucoup d’espèces d’eau douce ont probablement eu antérieurement une extension aussi continue qu’il est possible à de telles formes, adaptées par leurs habitudes à des stations discontinues ; et qu’elles se sont éteintes depuis en beaucoup de régions intermédiaires. […] Car il ne faut pas oublier que les produits de ces croisements ont certainement dû y gagner une grande vigueur, de sorte qu’un croisement de temps à autre avec la souche mère aura eu sur la forme locale en train de se former des effets beaucoup plus puissants qu’on ne saurait le prévoir. […] Encore moins ai-je voulu dire qu’une forme qui possède en apparence la faculté de franchir toutes les barrières naturelles et de se répandre au loin, comme seraient par exemple certains oiseaux doués d’un vol puissant, doive nécessairement avoir une grande extension ; car il ne faut jamais oublier qu’une grande extension implique, non seulement la faculté de franchir les barrières naturelles, mais aussi le pouvoir de vaincre dans le combat de la vie des associés nouveaux dans des contrées éloignées.

1040. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

N’oublions pas que beaucoup de ceux qui ont étudié la fausse reconnaissance, Jensen, Kraepelin, Bonatelli, Sander, Anjel, etc., y étaient eux-mêmes sujets. […] Il arrivera précisément ce qui arrive dans les cas où, après bien des années, nous voyons de nouveau des lieux ou des objets, nous entendons de nouveau des mélodies, que nous avons jadis connus mais que nous avons depuis longtemps oubliés… Or si, dans ces derniers cas, nous avons appris à interpréter la plus faible poussée des associations comme le signe d’expériences antérieures se rapportant aux mêmes objets que ceux d’à présent, on devine que, dans les autres cas aussi, dans les cas où, par suite d’une diminution de l’énergie psychique, l’entourage habituel déploie une efficacité associative très diminuée, nous aurons cette impression qu’en lui se répètent, identiquement, des événements personnels et des situations tirées du fond d’un passé nébuleux 51 » Enfin, dans un travail approfondi qui contient, sous forme d’auto-observation, une des plus pénétrantes analyses qu’on ait données de la fausse reconnaissance 52. […] Ce serait oublier que la perception se compose ordinairement de parties successives, et que ces parties n’ont ni plus ni moins d’individualité que le tout. […] Supposons une leçon autrefois sue par cœur et maintenant oubliée, mais qu’on se surprend, un jour, à répéter machinalement.

1041. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Comme Duclos, après avoir donné ses Considérations sur les mœurs où il avait oublié de parler des femmes et où il avait à peine prononcé leur nom62, voulut réparer cette omission singulière en publiant l’année suivante (1751), sous le titre de Mémoires pour servir à l’histoire des mœurs du xviiie  siècle, une espèce de répétition de ses Confessions du comte de…, Voltaire qui trouvait ce genre de romans détestable, et qui voyait dans ceux de Duclos une preuve de plus de la décadence du goût, écrivait : « Ils sont d’un homme qui est en place (dans la place d’historiographe), et qui par là est supérieur à sa matière. Il laisse faire la grosse besogne aux pauvres diables qui ne sont plus en charge, et qui n’ont d’autre ressource que celle de bien faire. » Ce qui n’empêche pas que Voltaire n’estime le livre des Considérations comme étant la production d’un honnête homme ; il en écrit à Palissot en ces termes, et n’oublie pas de s’en prévaloir ensuite auprès de Duclos.

1042. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Thiers lui-même y a retrouvé comme son héros (avec tous les mérites acquis) ce je ne sais quoi de rapide et de svelte qui caractérisait ses premiers récits de 1796, ces anciennes pages un peu trop oubliées maintenant, effacées par ses derniers écrits, mais qui étaient d’une si fraîche inspiration et comme enlevées et légères. […] En lisant cette belle histoire qui sans doute a ses défauts, ses redites et ses longueurs, mais où rien n’est oublié ; où toutes les sources contemporaines se sont versées dans un plein et vaste courant ; où se déploie, sous air de facilité, une si grande puissance de travail ; où tout est naturel, — naturellement pensé —, naturellement dit ; si magnifique partout de clarté et d’étendue, et qui offre dans le détail des touches de la plus heureuse finesse ; où le style même, auquel ni l’historien ni le lecteur ne songent, a par endroits des veines rapides et comme des venues d’autant plus charmantes ; — en achevant de lire cette histoire, à laquelle il ne manque plus qu’un ou deux volumes de complément et de surcroît, je dirai encore ce que diront à distance tous ceux qui la liront : c’est que, quelque regret qu’ait droit d’avoir l’historien dans l’ordre de ses convictions politiques, la postérité trouvera qu’il n’eût pu employer les années fécondes de son entière maturité à rien de mieux qu’à édifier un tel monument.

1043. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

tout le monde a oublié de le dire. […] — C’est au reste une simple question que je propose : Aristote a oublié de la traiter dans son fameux chapitre « Des chapeaux ».

1044. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Mais j’oubliais que M.  […] Il ne faut pas oublier, en le jugeant, cette circonstance qu’il n’a pas sucé le christianisme peu à peu, à diverses reprises et dès l’enfance.

1045. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Veuillot et de la tolérance passée dans nos mœurs que, du moment qu’il s’est trouvé, ou à peu près, réduit au silence, personne ne lui en a plus voulu ; on a oublié l’injure pour ne songer qu’au talent, pour regretter même de ne plus rencontrer ce talent chaque matin, à la condition, s’il était possible, d’un moins âpre emploi. […] Son plus beau moment de journaliste, et que rien ne saurait faire oublier, est celui de 1852 à 1855, pendant lequel, ses parties élevées prenant le dessus, sa fibre populaire aussi s’en mêlant, il s’associa pleinement au sentiment public, à l’âme patriotique de la France, et fit acte d’adhésion éclatante à la politique impériale dans la guerre de Crimée et pour les premières victoires.

1046. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

N’oublions pas non plus qu’ils furent écrits en 1814 et au plus fort de l’hostilité européenne contre le colosse déchu. […] Le duc d’Otrante reconnut que, dans la branche du gouvernement qui lui était commise, la plus grande faute est de faire un mal qui n’est pas nécessaire à la sûreté de l’État ; et ce grand principe, appliqué dans toute son étendue sous un règne despotique, toutes les fois que la volonté absolue de l’Empereur, à laquelle il a souvent osé opposer de la résistance, n’est pas intervenue d’une manière directe, ce principe a rendu son administration bienfaisante pour la France et l’a fait chérir particulièrement des classes les plus exposées à la persécution. » N’oublions pas encore une fois que cela est écrit en 1814 et avant le rôle de Fouché en 1815, rôle que les honnêtes gens d’aucun parti ne sauraient, je pense, envisager sans dégoût.

1047. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Racine me nomme le Raphaël de cette alliance, et dit le dernier jour au pasteur et bon ami de Saint-Séverin100 qu’il n’oublierait jamais l’obligation qu’il a à l’entremetteur. […] N’oublions pas que nous sommes avec des chrétiens redevenus primitifs et qui remontent aux moindres paroles de l’Écriture comme à une source sacrée.

1048. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Le petit colonel, très virtuose et un peu cabotin, qui d’ailleurs s’était bien battu en Flandre à côté du prince, mourut épuisé à vingt ans ; et, pour couronner l’œuvre, le comte de Clermont, au milieu de toutes les plaisanteries, des niaiseries à la Gille et des grivoiseries habituelles qu’il échangeait avec ce badin pupille, s’avisa un matin qu’on n’avait oublié qu’une chose, la première communion du chérubin, et il la lui fit faire in extremis, quand on vit la phtisie arrivée à son dernier période. […] J’oubliais de dire que le petit comte de Billy avait pour cousin du côté maternel et pour tuteur légal Bachaumont, l’auteur des Mémoires secrets, et c’est dans les papiers de ce dernier que s’est rencontrée cette correspondance moralement instructive.

1049. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Et si celui qui est de bonne foi se voit toujours près de juger trop sévèrement sa propre conduite, parce qu’il ne voit que confusément une circonstance passée et qu’il oublie presque toujours une partie des obstacles qu’il a rencontrés jadis, comment ne serions-nous pas injustes lorsque nous condamnons les autres d’après un aperçu encore moins distinct et sans savoir ce qui les arrête ou les détermine ? […] ou bien parviendrai-je à oublier près des boues de Paris, en jasant intimement, cette nature imposante et facile qui m’était nécessaire ? 

1050. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

La définition de l’esprit scientifique que je citais tout à l’heure a été donnée en plein siège de Paris ; et, ce qu’il y a de touchant, c’est l’embarras de l’érudit scrupuleux à qui la patrie monte aux lèvres et qui dit qu’il l’oubliera, et qui ne peut cependant songer à autre chose. […] Il ne faut pas oublier que ces cinq siècles ont été fort troublés, que la guerre de Cent ans a été une terrible interruption dans le progrès intellectuel de notre race ; et, malgré cela, nous étions déjà en bon chemin quand la beauté antique nous a été révélée.

1051. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Il appartient même à l’histoire, et beaucoup plus qu’un grand nombre de ministres, dont vous avez, je pense, oublié les noms. […] Rochefort il est beaucoup plus simple d’avoir la foi  sauf à l’exagérer quand on la proclame, et à l’oublier le reste du temps.

1052. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Aussi bien se tromperaient-ils et l’oublieraient-ils qu’une autre génération viendrait, et qui l’adorerait. […] Les œuvres superfétatives seront oubliées, comme Agésilas et Attila.

1053. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Il ne faut pas oublier que M.  […] 156] Il ne faut pas oublier que l’éducation reste sous la dépendance de la vie, sous la dépendance de l’expérience.

1054. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Ce n’est pas Raymond Brucker, romancier oublié, qui eut de la vogue entre 1830 et 1850, et qui mettait au service de la foi un bagout faubourien, un brio populacier dont un concile se fût à bon droit scandalisé. […] N’oublions pas que Racine faillit être impliqué dans un procès de sorcellerie, qu’on l’accuse d’avoir pris part à l’affaire des messes noires, au temps de la Montespan, ce qui lui valut la disgrâce royale et que Victor Hugo, adepte du spiritisme, se plaisait à faire tourner les tables à Guernesey, ce qui démontre une fois de plus la pente irrésistible du génie à s’égarer dans les avenues du mystère.

1055. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

sans doute, il a pu arriver, sous le coup d’enthousiasmes largement justifiés d’ailleurs, que les splendeurs de la Tétralogie, les fièvres de Tristan, les sérénités de Parsifal, leur fissent momentanément oublier des œuvres intéressantes, nées plus près d’eux, trop près même ! […] Ils ont reçu de Wagner le goût du leitmotiv — et la manière de le traiter… Souhaitons qu’ils n’oublient point de marquer leur individualité spéciale, d’avoir, bien à eux, leur façon de sentir et leur façon d’exprimer.

1056. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

L’auteur, en essayant d’appliquer à son héros le type de beauté du grand peintre d’Urbin, a oublié une seule chose ; c’est que la première, la souveraine impression que fait sur nous la vue d’une figure de Raphaël, est une impression de pureté virginale et de chasteté. […] À travers le factice et le faux que je crois avoir assez indiqués, on noterait (gardons-nous de l’oublier), dans presque tous les chapitres ou couplets dont se compose le récit, des accents vrais, des touches heureuses et fines, inexplicable mélange qui déconcerte, et qui est plus fait pour attrister le lecteur déjà mûr que pour le consoler.

1057. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Je tâcherai, en parlant cette fois, devant tout le monde, d’un livre qui a rang parmi nos classiques, d’oublier ce que j’en ai écrit de trop particulier, et de me borner à ce qui peut intéresser la généralité des lecteurs. […] Il faut citer ce passage d’une souveraine beauté : Qui voit Pythagore ravi d’avoir trouvé les carrés des côtés d’un certain triangle, avec le carré de sa base, sacrifier une hécatombe en actions de grâces ; qui voit Archimède attentif à quelque nouvelle découverte, en oublier le boire et le manger ; qui voit Platon célébrer la félicité de ceux qui contemplent le beau et le bon, premièrement dans les arts, secondement dans la nature, et enfin dans leur source et dans leur principe, qui est Dieu ; qui voit Aristote louer ces heureux moments où l’âme n’est possédée que de l’intelligence de la vérité, et juger une telle vie seule digne d’être éternelle, et d’être la vie de Dieu ; mais (surtout) qui voit les saints tellement ravis de ce divin exercice de connaître, d’aimer et de louer Dieu, qu’ils ne le quittent jamais, et qu’ils éteignent, pour le continuer durant tout le cours de leur vie, tous les désirs sensuels : qui voit, dis-je, toutes ces choses, reconnaît dans les opérations intellectuelles un principe et un exercice de vie éternellement heureuse.

1058. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Il ne faut pas oublier que la constitution même du cerveau aboutit à une classification automatique des sensations, que Spencer a excellemment décrite. […] Un être qui, après s’être fait mordre d’un ennemi, l’oublierait aussitôt et recommencerait à se placer sous sa dent, serait finalement déchiré.

1059. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

N’oublions pas surtout qu’il y a chez la plupart des hommes, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, deux sortes d’opinions bien distinctes, bien spontanées, également vraies et intimes, et au-delà de tout calcul ou de tout retour personnel. […] On a trop prêché l’oubli aux vaincus : sans doute il faut qu’ils oublient ce qu’ils furent ; mais il ne faut pas que les vainqueurs continuent de les traiter comme le lendemain de la bataille ; car l’outrage peut rendre la victoire incertaine, en produisant un courage de désespoir.

1060. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Si j’étais plus jeune, si la Providence m’avait placé près de vous, je n’oublierais rien pour obtenir, pour cultiver votre amitié. […] Je n’oublierai jamais la manière dont il s’est conduit pour moi. — Comment sont les ministres ensemble ? […] Je cherchais bien loin celui qui était alors tout près de nous, et qui semblait avoir oublié ses premiers essais de jeunesse. […] Les conditions du bon style en italien sont, il ne faut pas l’oublier, très-particulières et très-différentes de ce qui a lieu chez nous. […] Fauriel savait les paroles, mais Laënnec savait les airs, ces airs appris dans l’enfance et qu’on n’oublie pas.

1061. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Les faits les mieux connus s’oublient ou se dénaturent ; et les témoignages de l’histoire, comme l’autorité des anciennes poétiques, réfutent à chaque instant les opinions de madame de Staël. […] Madame de Staël a-t-elle oublié l’entrevue de Fabricius et de Pyrrhus, si bien racontée dans Plutarque ? […] Il ne faut jamais oublier que cet ouvrage est moins fait pour les docteurs que pour les poètes. […] Thomas n’avait point oublié cette critique, et même il en parlait de temps en temps avec quelque humeur. […] Assurément leur apologiste n’oublie rien de ce qui peut accroître leur triomphe.

1062. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Des coins étranges de maisons à moitié démolies, avec des restants de mobiliers hétéroclites : ainsi une boutique de coiffeur, dont la façade béante montre, oubliée, la chaise curule, où les blanchisseurs se faisaient faire la barbe, le dimanche. […] La salle est comble, mais la musique n’a pas, dans le moment, le pouvoir de me faire oublier, le pouvoir d’apporter à ma pensée la rêverie. […] Les morts, si oubliés le restant de l’année, ont autour d’eux un murmure de prières, de paroles… Pauvre tombe ! […] — N’oubliez pas, il y a encore chez Corcelet des conserves de tomates ! […] Burty me dit aujourd’hui qu’un général, dont j’ai oublié le nom, avait laissé échapper devant lui : « C’est le premier acte de notre agonie ! 

1063. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

Il lisait constamment dans ces diverses littératures ce qu’il y avait d’ancien, de plus rare ou de plus oublié, et ne se tenait pas moins au courant de ce qui s’y publiait de nouveau.

1064. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Je ne pouvais oublier non plus la capitulation de Paris, aggravée encore par le désastre de Waterloo.

1065. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

De politique il n’en est plus question ; la loi du roulage et celle du recrutement ont tort ; quant à la loi des sucres, elle est complétement oubliée et fondue.

1066. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MARIA » pp. 538-542

Elle avait jusque-là très-peu connu sa grâce ; Elle oubliait son heure et que l’enfance passe.

1067. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Dans son premier point de vue intitulé la Vie dans la Mort, le poète, errant le 2 novembre dans un cimetière, y suppose la vie non encore éteinte, et essaye de se représenter les tourments, les agonies morales, les passions ulcérantes de tous ces morts, si, vivant encore d’une demi-existence, ils pouvaient sentir et savoir ce qui se continue sans eux sur la terre : Sentir qu’on a passé sans laisser plus de marque Qu’au dos de l’océan le sillon d’une barque ;   Que l’on est mort pour tous ; Voir que vos mieux aimés si vite vous oublient, Et qu’un saule pleureur aux longs bras qui se plient   Seul se plaigne sur vous.

1068. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Morvonnais consente à faire entrer l’art pour quelque chose dans ses préoccupations solitaires ; qu’en étudiant les Lakistes avec amour, il ne se borne pas à eux et ne s’y oublie pas jusqu’à laisser tout rivage.

1069. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Les défauts ne sont point une conséquence des beautés, elles peuvent les faire oublier.

1070. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Quand on commence à écrire, il est dangereux parfois de comparer, on oublie de définir.

1071. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

Continuer, après de tels livres, à ne voir dans Gabriel Vicaire qu’une façon de « poète du clocher », ce serait vraiment tenir à trop peu de prix les qualités de finesse, d’abandon, de bonhomie délicate, de verve gracieuse et franche, répandues d’un bout à l’autre de son œuvre ; ce serait oublier surtout qu’elles ont passé jusqu’ici « pour le fonds même des poètes de bonne race gauloise », qu’elles ont servi à distinguer tour à tour nos vieux « fableors » anonymes du moyen âge et leurs héritiers directs :

1072. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

L’exemple de François Ier, celui des quatre successeurs de ce prince, celui de Henri IV, lui avaient persuadé que la France voyait sans scandale des maîtresses attitrées à ses rois, et regardait l’usage qui les avait introduites comme un dédommagement destiné à racheter ce qui manque à la liberté de leur choix quand ils se marient ; mais il n’oubliera pas ce qu’il doit à sa couronne dans le choix des personnes qui seront chargées d’élever son héritier.

1073. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

En 1663, les fêtes de Versailles font oublier le carrousel de l’année précédente.

1074. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

Agamemnon, il est vrai, exige d’Iphigénie le double sacrifice de son amour et de sa vie, et Lusignan ne demande à Zaïre que d’oublier son amour ; mais pour une femme passionnée, vivre, et renoncer à l’objet de ses vœux, c’est peut-être une condition plus douloureuse que la mort.

1075. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

De là tant de productions presque aussitôt oubliées qu’applaudies ; tant d’autres ou inaperçues ou dédaignées qui reçoivent du temps, du progrès de l’esprit et de l’art, d’une attention plus rassise, le tribut qu’elles méritaient.

1076. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

On oublie l’allégorie ; et ce n’est plus un homme percé d’une métaphore, mais un homme percé d’un trait réel qu’on aperçoit.

1077. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

C’est que dans l’instant choisi par Doyen, il a fallu donner l’air de la douleur à la déesse du plaisir ; c’est que les chevaux d’Enée d’origine céleste étaient une proie importante, et qu’il ne fallait pas oublier que Diomede avait recommandé à son écuyer de s’en emparer, s’il sortait victorieux du combat ; c’est qu’après la blessure de Venus, Diomede est tranquille ; c’est que Venus est hors de la scène. etc… Avec tout cela ; excepté Deshays, je ne crois pas qu’il y ait un peintre à l’Académie en état de faire ce tableau.

1078. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Seulement, ce qui fit trembler pour Clarisse ne pouvait troubler personne pour le Tableau de Paris, œuvre informe à peu près oubliée, et sur laquelle Desnoiresterres a pu pratiquer tous les arrangements et retranchements jugés nécessaires dans l’intérêt de l’ensemble.

1079. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Cadoret réfute ces opinions avec une clarté de bon sens et une simplicité d’interprétation qui frapperont toutes les intelligences à tous les niveaux, et détermineront le succès d’un livre qui apprendra à ceux qui l’ignorent, ou rappellera à ceux qui l’oublient, combien l’Église catholique fut toujours gouvernementale, et comme, à toutes les époques de sa glorieuse durée, elle condamna la révolte et appuya ou respecta les pouvoirs constitués, pour les raisons les plus profondes, les plus politiques et les plus saintes.

1080. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Saint-Marc Girardin1 Dans une série d’études que personne de ceux qui lisent n’a oubliées, Philarète Chasles nous donnait le bilan, cruel d’exactitude, plus cruel encore de résumé et de conclusion, de la littérature américaine.

1081. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Entre deux annotateurs de facultés égales, la chance la meilleure de frapper l’attention et de la captiver sera donc presque toujours en faveur de celui qui aura choisi un texte oublié.

1082. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

J’ai oublié de vous parler du mariage de Lamartine. […] Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie ! […] À de certains moments, ébloui par la splendeur du monde, il oublie la distinction prudente entre le signe et l’Être signifié, et adore expressément, sans doute par inadvertance, la Nature-Dieu. […] Effacé du livre de vie, Que le Néant même m’oublie ! […] — Vous oubliez toujours que cet évêque et ce séminariste sont d’autres croyants que vous ou moi.

1083. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

On en peut douter, parce qu’il ne faut pas oublier que cette matière première ou cet excitant doit être déjà assez conforme à la nature de celui qui l’absorbe pour qu’il puisse l’assimiler facilement. […] Alors les malheureux oublient pour un moment leurs calamités. » Voilà précisément l’imperfection assez grave du système politique des Encyclopédistes. […] Elle a été pénétrée d’un esprit d’humanité et de bienveillance pour les meurtris et pour les faibles, qui fait oublier bien des intolérances et des étroitesses. […] C’est à tous les deux, ne l’oublions pas, que cela fait le plus grand honneur. […] Ribot a oublié le nom.

1084. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

J’allais oublier l’ingénieuse façon dont M.  […] Il ne faut pas oublier ceci : c’est par nous, c’est par nos vices, que la courtisane existe. […] Elle oublie de dire à son mari qu’elle a un enfant. […] Et j’oubliais une toute petite chose : elles sont capables de remords. […] Blanche, qu’on a oublié d’appeler pour l’échafaud, réclame avec fureur, veut absolument mourir.

1085. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

» — Elle veut oublier ce qu’elle sait de ces dangers, elle n’ose y penser ; quand on lui demande si Coriolan n’a point coutume de revenir blessé : « Oh ! […] Desdémona, sur la plage, essayant d’oublier son anxiété, le prie, pour la distraire, de lui faire l’éloge des femmes. […] Le Coriolan de Shakspeare a bien la même intention, car au fond il est brave homme ; mais quand Lartius lui demande le nom de ce pauvre Volsque pour le faire mettre en liberté, il répond en bâillant : … Par Jupiter, oublié ! […] Il oublie qu’il ait jamais entendu le nom de la mort. » Il invective contre le peuple, contre les tribuns, magistrats de la rue, adulateurs de la canaille. « Assez ! […] Il en est hanté ; il oublie les thanes qui sont autour de lui et qui l’attendent, il aperçoit déjà dans le lointain un chaos indistinct de visions sanglantes.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Goethe, on le sait, aimait à patiner ; on n’a pas oublié son plus beau portrait de jeunesse, tracé par sa mère même : — Mère, vous ne m’avez pas encore vu patiner, et le temps est beau ; venez donc, et comme vous êtes, et tout de suite. — Je mets, disait la mère racontant cela depuis à Bettine, je mets une pelisse fourrée de velours cramoisi qui avait une longue queue et des agrafes d’or, et je monte en voiture avec mes amis. […] N’oublions pas que dans ce temps il lisait continuellement Homère, et qu’il était plein de ces magnifiques images de l’Olympe. […] Et n’est-ce pas Goethe qui lui écrivait un jour sur la première page d’un poème de Goldsmith dont il lui faisait cadeau : « N’oublie pas celui qui de tout son cœur t’a aimé et a aimé avec toi » ?

1087. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Comme il est probable que le voyage actuel est le dernier que j’entreprendrai, je tente de pomper le plus possible et de ramasser les miettes, afin de n’avoir aucun regret par la suite et d’avoir dans mon sac tout le butin nécessaire pour achever le bout d’existence qui nous reste, dans notre solitude de Versailles, qui s’augmentera tous les jours ; car, à nos âges, les jeunes se séparent de vous, et les vieux disparaissent dans le grand trou où chacun de nous va se faire oublier… » Il vient une heure, un moment où, bon gré mal gré tout s’obscurcit en nous et autour de nous. […] Toutes les fois que nous en sommes sortis, nous avons perdu notre temps sans rien ajouter à notre considération. » « J’oublie en écrivant que je parle à un homme qui en sait autant que moi sur tous les points, et auquel, par conséquent, je n’ai rien à apprendre. […] vous oubliez… » — « C’est vrai, réplique Horace, en changeant aussitôt d’idée, pardon !

1088. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Seul, il a le dépôt de la tradition et il sait la rappeler à propos : il peut même parfois oublier de la rappeler, s’il lui convient. […] La littérature française, à partir du xvie  siècle, est tout entière passée en revue à l’occasion d’un mot : le point de départ est oublié, et le cercle de l’entretien grandit, s’étend, s’élargit toujours. […] Aucun chef d’État depuis Napoléon Ier, aucun ministre dirigeant, animé du souci des Lettres, n’ayant rappelé à l’Académie ce point de sa constitution, il est tout naturel qu’elle l’ait oublié et laissé tomber en désuétude.

1089. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Cela détruirait l’intérêt comme cela détruit la vraisemblance, si l’admirable don de peindre du poète ne ressaisissait pas à l’instant son lecteur par l’admiration et l’enthousiasme, et ne lui faisait en quelques pages oublier le chemin pour le but. […] J’ai oublié un refus pareil en écrivant un jour Graziella. […] Là, dans ces gaies ténèbres de la verdure, une foule de voix innocentes parlaient doucement à l’âme, et ce que les gazouillements avaient oublié de dire, les bourdonnements le complétaient.

1090. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

VII Ici, vous oubliez que vous lisez l’histoire du fondateur d’une grande dynastie et vous croyez lire l’histoire d’un grand poëte. […] « N’oubliez pas que nous ne sommes que des citoyens de Florence ; mais son chef-d’œuvre de sagesse est la lettre pleine de conseils paternels qu’il écrit au jeune cardinal de Suza, se rendant alors à Rome ; la voici : « Nous avons, ainsi que vous, de grandes grâces à rendre à la Providence, non seulement pour les honneurs et les bienfaits sans nombre qu’elle a répandus sur notre maison, mais plus particulièrement encore à cause qu’elle nous fait jouir, dans votre personne, de la plus éminente dignité qui ait jamais été accordée à notre famille. […] Ce serait, en effet, une chose aussi humiliante pour vous que contraire à vos devoirs et à mes espérances, si vous veniez à oublier les préceptes de votre jeunesse et à quitter le sentier où vous avez marché jusqu’ici.

1091. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Le naturalisme, par l’importance même qu’il attribue à l’objet, pousse facilement à diminuer la part de l’ouvrier ; et d’autre part les artistes qui ne savent pas très bien leur métier, ou les gens d’esprit qui ne sont pas artistes, oublient facilement que la faculté de sentir n’implique pas toujours une puissance égale d’expression, jet que l’image qu’on a dans l’esprit ne s’objective pas toute seule, sans grand labeur et contention d’esprit. […] Richesse expressive de la rime, repos à l’hémistiche, proscription de l’hiatus et de l’enjambement : si ces préceptes sont parfois contestables, si on a pu en fléchir ou en rompre quelques-uns avec avantage, il ne faut pas oublier qu’ils n’appartiennent pas à Boileau, et qu’il n’a fait que donner par là la formule du vers classique, tel que Malherbe l’avait établi, et que les grands poètes du siècle nous le présentent. N’oublions point surtout que Boileau n’a pas vu dans le vers un ingénieux mécanisme, où l’on assemble les difficultés pour les vaincre, ni l’agréable instrument d’un jeu d’esprit littéraire ; jamais il n’en a perdu de vue la valeur artistique, et toutes les lois auxquelles il l’a soumis ne sont pas à elles-mêmes leur fin, mais sont les moyens de produire la cadence expressive, qui procure à l’oreille un plaisir conforme au sentiment dont les mots saisissent l’âme.

1092. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Quoique ce soit l’œuvre d’érudits, le grief national qui les a inspirés est si vif et si profond, qu’ils en oublient jusqu’à l’érudition, et qu’aucune imitation de l’antiquité ne paraît dans cette explosion de la vraie France blessée dans sa foi, dans son indépendance nationale, dans sa raison. […] Ce nombre infini de nuances dans les idées et de particularités dans les faits, cette curiosité insatiable, l’essentiel perdu dans le superflu, rien d’oublié, rien d’omis, et l’incertitude sur toutes choses offerte aux esprits comme l’ombre de cette liberté dont ils sont si jaloux, voilà d’où vient l’illusion de ces personnes. […] Le moraliste y oubliait si souvent le théologien que le fameux jésuite Garasse y dénonça des hérésies ce qui lui attira ce portrait du pédant dans la préface de cette édition : « Le pédant, dit Charron, est non-seulement dissemblable et contraire au sage, mais roguement et fièrement il lui résiste en face, et, comme armé de toutes pièces, il s’esleve contre lui et l’attaque, parlant par resolution et magistralement. » Montaigne eût mieux asséné le coup.

1093. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Enfin n’oublions pas que cette confiance absolue que donne la foi, elle la donne dans toutes les religions du monde : on sait bien que le mahométan, le brahmaniste, le bouddhiste, l’israélite, sont aussi tranquilles dans leur foi, aussi assurés qu’elle résout tous les problèmes, que le peut être le chrétien. […] On sait que ce mode de déduction à outrance, que Leibniz appelait l’argument ad vertiginem 45, a été inventé par l’abbé de Lamennais dans son Essai sur l’indifférence ; mais on oublie qu’il le faisait remonter bien plus haut, et qu’il disait du protestantisme lui-même en général ce que M.  […] Le dogme si enivrant pour l’imagination et pour la sensibilité d’un Dieu mort pour les hommes a attiré à lui toute la pensée et toute la foi ; l’on a oublié que ce miracle d’amour n’était possible que par un miracle de cruauté.

1094. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Il ne faut pas oublier, en effet, que, s’il y a intérêt à distinguer le normal de l’anormal, c’est surtout en vue d’éclairer la pratique. […] Mais nous oublions qu’il lui est beaucoup plus facile qu’au sociologue d’apercevoir la manière dont chaque phénomène affecte la force de résistance de l’organisme et d’en déterminer par là le caractère normal ou anormal avec une exactitude pratiquement suffisante. […] Quant à l’absence de stabilité qui distinguerait le morbide, c’est oublier les maladies chroniques et séparer radicalement le tératologique du pathologique.

1095. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

L’un des plus inattendus n’est-il pas de voir un philosophe qui ne s’était guère occupé que de psychologie et de métaphysique ; qui, s’il n’a pas eu d’idées en propre, un système construit à la façon de Hegel ou de Schelling, a du moins eu de belles parties de discussion, souvent de l’aperçu entre deux idées fausses et surtout un style, beaucoup trop admiré, il est vrai, car il n’est pas sincère, oublier, tout à coup, ce qu’il est et ce qu’il fut, abandonner la philosophie qui meurt plus par le fait de ses partisans que de ses adversaires, laisser là l’habituel sujet de ses méditations et se jeter obstinément dans les petits et obscurs détails de la biographie, et de quelle biographie encore ! […] Elle était, nous dit-il avec un orgueil comique, le chef réel des Importants ; et il oublie que les. […] Cousin pour que le vieil homme puisse s’oublier entièrement auprès d’elle, et pour qu’au moment même de les quitter il n’embaume pas son propre passé dans le leur ?

1096. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Lorsqu’elles l’oublient et qu’elles se servent du pouvoir au lieu de l’employer à servir les sociétés, les révolutions arrivent, aussi fatales aux peuples qu’aux gouvernements, sans doute, mais presque inévitables. […] Royer-Collard ramenait dans la philosophie deux hôtes trop oubliés par elle, le sentiment de la faiblesse de l’esprit humain, et le sens commun. […] La vérité, après cette longue éclipse du bon sens, avait toutes les séductions de l’imprévu, et l’évidence elle-même se présentait avec tous les attraits du paradoxe, tant elle avait été méconnue et oubliée. […] Malheureusement il est forcé de s’éloigner de France ; j’allais me croire oublié, lorsque je reçois de Rome une procuration pour toucher le traitement de l’Institut, dont M.  […] Il était naturel qu’elle aimât à remonter le cours de cette Iliade qui contenait tant de pages brillantes, et qu’en se voyant si belle sous cette parure de victoires, elle oubliât des souffrances qu’elle n’endurait plus.

1097. (1894) Critique de combat

J’oubliais. […] Hervieu l’oublie dans sa fureur de déshabiller les gens. […] Et je ne vous oublierai pas, petite Denise, que l’abbé Daniel (cause première de cette rêverie !) […] Mais n’oublions pas que ce renouveau a pour condition préalable et nécessaire une transformation économique ! […] Mettons qu’il les a oubliés.

1098. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Jasmin est, ne l’oublions pas, un homme des plus estimés ; c’est un honnête homme, dans la vraie acception du mot ; et dans cette bouche de l’homme du peuple et du barbier d’Agen, les belles paroles, même gasconnes, ont toute leur valeur.

1099. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme   A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance   D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse,   Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme !

1100. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Il a cru que l’art possédait une vertu intrinsèque qui consolait de tout, et il semble tout d’abord avoir fait de l’art pour oublier, mais bientôt repris par son démon, — qui était sa vie et sa flamme, — il en a poursuivi l’essence même et il a voulu tâter de ses mains et presser contre son cœur la pomme d’or dont les poètes s’étaient jusqu’à présent contentés de sentir la folle caresse des rayons.

1101. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Charles Morice Jules Laforgue est comme unique, non point dans cette génération, mais dans la littérature… Je ne vois pas de psychologie plus aiguë et plus poétique, à la fois spéciale et généralisée, que celle de ces Moralités légendaires, plus précieuse encore que les vers des Complaintes et de Notre-Dame la Lune… Ce qu’il a fait, chanson qui vibre à l’écart du fusinage caricatural d’essence si purement artistique, c’est l’œuvre d’un sceptique sentimental, non sans force, certes, mais sans la sage folie d’espérer ; c’est comme le sourire de ce visage charmant que personne n’oubliera, ce sourire qui comprenait tout.

1102. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Il se ressouviendroit sur-tout de ce jour où l’un de leurs Coryphées oublia si fort en sa présence, à l’occasion de ce dernier Ouvrage, & la Philosophie, & l’honnêteté [Voyez l’article Condorcet].

1103. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Il est bon que ceux qui débutent dans la littérature & dans les beaux-arts, en voyant les plus beaux génies, enviés, persécutés, malheureux, apprennent à connoître la carrière où ils entrent, & qu’ils n’oublient pas ces vers de Fontenelle : Dans la lice où tu vas courir, Songe un peu combien tu hasardes.

1104. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Et celle d’Orphée, promenant ses doigts sur sa lyre, et suspendant par ses accords harmonieux le travail des Danaïdes, le rocher de Sisyphe, la roue d’Ixion, les eaux du Cocyte ; récréant les serpents sur la tête des Euménides ; attirant Cerbere qui vient lui lécher les pieds ; répandant un rayon de sérénité sur le front sévère du monarque souterrain ; arrachant l’urne fatale des mains de l’inflexible Rhadamante, et arrêtant les fuseaux des Parques qui en ont oublié de filer ?

1105. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

On les oublie au bout de six mois, parce que le public les a moins estimez en qualité de bonnes poësies qu’en qualité de gazettes.

1106. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

N’oublions pas que, si c’est Dieu qui l’opère, c’est dans l’homme qu’elle doit s’accomplir. […] Il ne faut pas l’oublier. […] « Il semble, en vérité, que l’amour-propre soit la dupe de la bonté, et qu’il s’oublie lui-même lorsque nous travaillons pour l’avantage des autres. […] il croit en avoir ; il oublie lois et procédure : c’est un Hippolyte. […]   La Bruyère n’oublie pas les femmes ; mais il ne montre la femme que sous le costume des femmes du monde.

1107. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

C’était un fervent missionnaire, un excellent apôtre, qui n’avait d’autre but que le triomphe de la raison ; il en oublia même le soin de sa fortune. […] pourquoi son Commentaire est-il hérissé de mauvaises facéties sur les familiarités que se permet quelquefois Corneille, qui se croit assez grand pour pouvoir quelquefois oublier impunément sa grandeur ? […] L’un perd exprès au jeu son présent déguisé ; L’autre oublie un bijou qu’on aurait refusé. […] Oublier un bijou qu’on aurait refusé, n’est pas une moindre sottise ; la femme capable de s’approprier un bijou oublié chez elle, ne l’aurait pas refusé si on l’eût offert, et ne vaut pas assurément la peine qu’on soit si délicat avec elle. […] il brave la honte attachée à l’ignorance et à l’erreur ; et l’on ne veut pas que Cléopâtre, dans sa rage ambitieuse, oublie les lois d’une prudence timide pour n’écouter que la passion !

1108. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il ne se connaissait point en hommes, malgré d’excellents choix, que Commynes n’oublie pas, autant qu’il eût fallu. […] Lui-même, qu’on n’oubliait point, fut dénoncé. […] » Il oublie qu’il les a détruites dès le commencement du discours. […] Il ne faut pas oublier, puisqu’il l’a dit, qu’au fond, tout à fait au fond, il était craintif. […] N’oublions pas ce point pour ne pas tomber dans la grossière conception de Manès, digne des Persans.

1109. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

L’Angleterre ne fut point oubliée, & il y eut de longues dissertations sur son nouveau commerce établi entre elle & la France. […] Ces traits sont trop significatifs pour les oublier. […] Il oublie sa naissance, son éducation, sa famille, sa vertu, & il devient dans un clin d’œil la fable du public. […] C’est alors qu’on oublie bien promptement si l’on a mal dormi, ou si l’on a versé. […] Aussi voit-on dans certains momens qu’il la néglige, & qu’il semble l’oublier, tant les choses importantes qu’il profere paroissent l’occuper.

1110. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Oubliez mes duretés d’hier soir, oubliez toutes les duretés que je vous ai dites depuis six mois. […] Pourrais-je oublier ces deux petits cyprès que j’ai vus aux environs d’Aubagne ? […] Je n’ai pas oublié certain escalier de marbre lézardé et moussu, qui descendait dans un vaste jardin sans arbres. […] J’oubliais que nous sommes aujourd’hui un vendredi treize. […] Et n’oublions pas aussi la bonne grâce enjouée de M. 

1111. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

N’importe, voici un personnage que jamais n’oubliera l’humanité. […] Comme il craint d’en être oublié ! […] qu’ils soient oubliés ! […] Ce furent même des querelles ; comme elles furent vite vaines et oubliées ! […] Mais, demain, on ne pourra pas les écrire, parce qu’on les aura oubliés, ou parce qu’ils n’ont jamais été.

1112. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Dieu me garde de l’oublier ! […] L’italique des Aldes lui avait fait oublier la perte de son riflard. […] Il me semble que cela ne devait pas s’oublier si vite. […] Oublions-nous : nous n’avons d’ennemi que nous-même. […] Zola ait oublié toutes ces pratiques.

1113. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Voilà les pensées qui font oublier la souffrance et qui consolent de vieillir. […] » Dans ce ravissement, le poète faillit oublier qu’il était né logicien. […] N’oublions pas non plus le désintéressement du philosophe, qui voulait être indifférent à tout, sauf à ce qui lui semblait être le vrai. […] Les cavaliers du Décaméron oubliaient la peste et la mort en disant des contes galants, facétieux ou tragiques. […] Les vieillards, comme les jeunes gens, oubliaient de dormir en écoutant des contes.

1114. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Nul doute qu’entre Molière fort enclin à l’amour, et les jeunes comédiennes qu’il dirigeait, il ne se soit formé des nœuds mobiles, croisés, parfois interrompus et repris ; mais il serait téméraire, je le crois, d’en vouloir retrouver aucune trace précise dans ses œuvres, et ce qui a été mis en avant sur cette allusion, pour laquelle on oublie les vingt années d’intervalle, ne me semble pas justifié. […] Sganarelle, chétif comme son grand-père Panurge, a pourtant laissé quelque postérité digne de tous deux, dans laquelle il convient de rappeler Pangloss et de ne pas oublier Gringoire7. […] Je suis né avec les dernières dispositions à la tendresse, et comme j’ai cru que mes efforts pourroient inspirer à ma femme, par l’habitude, des sentiments que le temps ne pourroit détruire, je n’ai rien oublié pour y parvenir. […] Sa présence me fit oublier mes résolutions, et les premières paroles qu’elle me dit pour sa défense me laissèrent si convaincu que mes soupçons étoient mal fondés, que je lui demandai pardon d’avoir été si crédule. […] Ces sortes de génies, qui ont le don de s’oublier eux-mêmes et de se transformer en une infinité de personnages qu’ils font vivre, parler et agir en mille manières pathétiques ou divertissantes, sont souvent capables de passions fort ardentes pour leur propre compte, quoiqu’ils ne les expriment jamais directement.

1115. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Si l’on a le loisir pourtant d’examiner de plus près et d’entrer dans le golfe même, si l’on s’approche, pour le mieux étudier, de ce qu’on admire, si l’on compare avec les monuments les plus connus et les mieux situés ceux qu’ils nous masquaient trop aisément, les œuvres plus reculées et de moindre renom dont les dernières venues ont profité jusqu’à les faire oublier, et dont il semble qu’elles dispensent, mille réflexions naissent ; les dernières œuvres qui se trouvent pour nous autres Modernes les premières en vue, et qui restent les plus apparentes, n’y perdent pas toujours dans notre esprit ; mais on le comprend mieux dans leur formation et leur mérite propre. […] Le poëte-narrateur semble préoccupé, chemin faisant, de ne rien vouloir oublier. […] Et si jamais tu m’oubliais, qu’il me vienne de loin, ou quelque renommée, ou quelque oiseau messager ! […] Médée s’oublie à l’écouter, et c’est Jason qui, le premier (ainsi qu’il est naturel), croit devoir la rappeler à la prudence, l’avertir qu’il se fait tard, que le soleil bientôt va se coucher, et qu’il faut éviter d’éveiller les soupçons des compagnes.

1116. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

À chaque instant de notre vie nous y revenons ; il faut une contemplation bien intense, presque une extase, pour nous en arracher tout à fait et nous le faire oublier pendant quelques minutes ; alors même, par une sorte de choc en retour, nous rentrons avec plus d’énergie en nous-mêmes ; nous revoyons en esprit toute la scène précédente, et, mentalement, vingt fois en une minute, nous disons : « Tout à l’heure j’étais là, j’ai regardé de ce côté, puis de cet autre, j’ai eu telle émotion, j’ai fait tel geste, et maintenant je suis ici. » — En outre, l’idée de nous-mêmes est comprise dans tous nos souvenirs, dans presque toutes nos prévisions, dans toutes nos conceptions ou imaginations pures. — De plus, toutes nos sensations un peu étranges ou vives, notamment celles de plaisir ou de douleur, l’évoquent, et souvent nous oublions presque complètement et pendant un temps assez long le monde extérieur, pour nous rappeler un morceau agréable ou intéressant de notre vie, pour imaginer et espérer quelque grand bonheur, pour observer à distance, dans le passé ou dans l’avenir, une série de nos émotions. — Mais ce nous-mêmes, auquel, par un retour perpétuel, nous rattachons chacun de nos événements incessants, est beaucoup plus étendu que chacun d’eux. […] Ce dedans stable est ce que chacun de nous appelle je ou moi 67. — Comparé à ses événements qui passent tandis qu’il persiste, il est une substance ; il est désigné par un substantif ou un pronom, et il revient sans cesse au premier plan dans le discours oral ou mental. — Dès lors, quand nous réfléchissons sur lui, nous nous laissons duper par le langage ; nous oublions que sa permanence est apparente ; que, s’il semble fixe, c’est qu’il est incessamment répété ; qu’en soi il n’est qu’un extrait des événements internes ; qu’il tire d’eux tout son être ; que cet être emprunté, détaché par fiction, isolé par l’oubli de ses attaches, n’est rien en soi et à part. […] Il est clair que le point de départ de cette illusion est une fiction volontaire ; l’auteur sait d’abord qu’elle est fiction, mais finit par l’oublier.

1117. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

C’est oublier que le cerveau humain n’est pas soumis uniquement aux influences sociales. […] Il croit, au nom d’une réfutation vague de l’idée de race, avoir le droit d’oublier les travaux des physiologistes modernes sur les différences intellectuelles produites par l’hérédité. […] Draghicesco que la perception est d’origine sociale, c’est oublier la supériorité bien connue des sens du sauvage sur ceux de l’homme civilisé. — Autre chose est dire — ce qui est raisonnable — qu’on peut jusqu’à un certain point éduquer les sens de l’enfant ; autre chose est aller jusqu’à attribuer notre faculté perceptive et presque nos organes sensoriels eux-mêmes à un dressage social poursuivi pendant des siècles. […] Comme il ne peut embrasser qu’une certaine somme de connaissances, il doit oublier d’une part ce qu’il acquiert de l’autre.

1118. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Bref, on apprenait aussi bien que possible à tirer une conclusion juste de prémisses une fois posées ; on n’oubliait que la chose essentielle, à savoir de vérifier les prémisses, de s’assurer que les bases de l’édifice étaient solides. […] Pourtant, bien que ses largesses se soient à maintes reprises égarées sur de piètres médiocrités, il est juste de ne pas oublier que de nos jours Alphonse Daudet, MM.  […] Alphonse Daudet raille quelque part166 « ce style académique avec des un peu », des « pour ainsi dire », qui font à tout moment revenir la pensée sur ses pas, comme une dévote qui a oublié des péchés à confesse, un style orné d’arabesques, de paraphes, de beaux coups de plume de maître à écrire. » Et il faut avouer que la raillerie ne porte point à faux. […] Il n’a garde de les oublier ; mais il doit suivre minutieusement leur vie plus ou moins courte ; car leur naissance et leur disparition marquent des dates importantes, qu’il aurait peine à fixer autrement ; elles lui indiquent d’une façon précise les moments où s’opèrent ces variations du goût dont il s’efforce de dérouler l’enchaînement.

1119. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Oui, les plus grands, les plus augustes, les plus puissants de notre race, — en plein siècle de lumières, pour me servir de ta suggestive expression, mon éternel ami, — seront fiers de réaliser, d’après mon désir, le rêve que je forme et que voici : L’heure viendra, d’abord, où les rois, les empereurs victorieux de l’Occident, les princes et les ducs militaires, oublieront, au fort de leurs victoires, les vieux chants de guerre de leurs pays, pour ne célébrer ces mêmes victoires immenses et terribles — (et ceci dans le cri fulgural de toutes les fanfares de leurs armées ! […] Les plus parfaits chanteurs, les plus grands exécutants, — si intéressés d’habitude, et pour cause — oublieront, cette fois, tous engagements, lucres et bénéfices, pour le seul honneur d’exprimer, gratuitement, quoi ?.. […] — et dont il a oublié le nom. » Comte de Villiers de l’Isle-Adam Beethovenba par Richard Wagner (Analysé et traduit par Teodor de Wyzewa) L’étude sur Beethoven fut écrite et publiée en 1870, à Leipzig ; elle occupe 73 pages, dans l’édition des Œuvres Complètes (9e volume). […] On n’a pas oublié cette appréciation qu’il a faite de l’auteur de Don Juan : « Une musique de table, c’est-à-dire une musique qui, entre les agréables mélodies qu’elle fait entendre par intervalles, offre encore un bruit propre à exciter la conversation23 ».

1120. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Il a raconté, dans des pages publiées après sa mort, et qui n’ont été que légèrement affaiblies par l’éditeur, la crise morale qu’il subit à l’âge de vingt ans, le moment plein d’effroi, où lui, élevé dans ses montagnes et dans la foi des patriarches, il s’aperçut tout d’un coup qu’il ne croyait plus : Je n’oublierai jamais, écrivait-il, la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré. […] La chaire même devant un vaste auditoire lui fut médiocrement favorable ; il avait l’étendue dans les idées et dans les horizons, mais il n’avait pas toujours l’haleine ; il n’avait pas non plus l’abondance et la fertilité qui font oublier le chemin.

1121. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Ses courts et brusques dessins, ses récits, sont une suite de jolis tableaux flamands, relevés tout aussitôt d’une saveur alpestre, de quelque chose de fruste (pour employer un de ses mots favoris) et d’un caractère sauvage : en même temps, il n’oublie jamais le côté humain, familier, vivant, qui doit animer le paysage, et qui lui ôte tout air de descriptif. […] Aussi, tandis que l’habituel spectacle des bienfaits de la Divinité tend à nous distraire d’elle, le spectacle passager des stérilités immenses, des mornes déserts, des régions sans vie, sans secours, sans bienfaits, nous ramène à elle par un vif sentiment de gratitude, en telle sorte que plus d’un homme qui oubliait Dieu dans la plaine s’est ressouvenu de lui aux montagnes.

1122. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Et puis, outre cette culture du millet qu’on a rappelée spirituellement, il y a, ne l’oublions pas, à compter aussi cette autre semence invisible et légère qu’on appelle la gloire, qui n’est point aussi vaine qu’on le croirait, qui étouffe et chasse des cœurs les tièdes mollesses, les empêche à temps de se corrompre, et qui, impérissable par essence, s’entretient dans les âmes et les races généreuses à travers les siècles86. […] [NdA] Ne pas oublier que ces articles paraissaient au Moniteur dam le moment même de l’expédition d’Orient.

1123. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Mais, même en faisant ainsi et en usant à son égard de ce droit de libre et sincère examen qu’il a en tout temps si résolument pratiqué, il est un point dominant que je n’oublierai pas. […] Au milieu des exposés les plus scientifiques et les plus désintéressés, s’il s’offre de côté quelque allusion possible à des circonstances politiques, à des émotions bruyantes et passagères, et qui seront demain oubliées, il ne dédaigne pas de faire une sortie et de la marquer avec vigueur.

1124. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Il y rappelle le temps de la première prise d’armes, et les circonstances déjà trop oubliées des victorieux : Vous ne demandiez lors sinon l’exercice de votre religion, demeurant toujours celle des catholiques reçue et autorisée par traités, édits, comme elle était avant l’introduction de la vôtre : et ceux qui pouvaient grandement affaiblir votre cause s’ils s’en fussent séparés, s’y joignirent volontiers et firent la guerre avec vous, non seulement parce que les privilèges communs avaient été violés par un gouvernement trop rude, que vous nommiez tous tyrannique, mais parce qu’ils n’estimaient pas raisonnable de vous priver de la liberté de prier Dieu selon la créance en laquelle vous aviez été instruits. […] Parmi les autres savants que le président avait connus en Hollande, il ne faut pas oublier, pour la angularité, un « grand géographe et bon mathématicien », Plancius, qui fut fort consulté par lui sur la question, encore pendante aujourd’hui, du passage du Pôle-Nord.

1125. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Le grand Arnauld ne l’avait jamais lu, je pense, et ce qu’il savait de grec, vers la fin de sa vie il l’avait oublié. […] Racan, au contraire, dans sa délicieuse pièce de la retraite, a tout fondu en une parfaite nuance : il a fait quelque chose d’original et d’imité, et où l’imitation s’oublie dans le naturel de la peinture et du sentiment.

1126. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Toutefois, n’oublions pas qu’on est ici avec Napoléon, non seulement le plus grand guerrier et héros des temps modernes, mais un des hommes qui ont le plus traduit et livré leur propre nature par des paroles. […] Si je ne savais combien il aime Raphaël, je ne verrais pas trop ce que vient faire Raphaël en cet endroit : Voulait-il peindre une Vierge, ce beau génie, dit-il, cherchait dans les trésors de son imagination les traits les plus purs qu’il eût rencontrés, les épurait encore, y ajoutait sa grâce propre, qu’il puisait dans son âme, et créait l’une de ces têtes ravissantes qu’on n’oublie plus quand on les a vues.

1127. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Chez ce Pétrone qu’il imite et qu’il traduit par places (et pourquoi le commentateur qui n’oublie rien a-t-il oublié de nous le dire ?)

1128. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Tite-Live, ne l’oublions jamais, avait conçu son histoire et commença de l’exécuter sous le plus beau rayon du règne et de l’heure d’Auguste. […] Si ce n’était faire tort à un écrit si solide que d’en présenter des extraits de pages, je détacherais celle qui marque le caractère de Montesquieu dans son livre de la grandeur et de la décadence des Romains… Je la donnerai pourtant, parce que nous sommes Français et que nous aimons les morceaux, mais je n’en donnerai que le commencement ; tout lecteur sérieux voudra lire la suite : Dans ce livre, il (Montesquieu) oublie presque les finesses de style, le soin de se faire valoir, la prétention de mettre en mots spirituels des idées profondes, de cacher des vérités claires sous des paradoxes apparents, d’être aussi bel esprit que grand homme.

1129. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

N’oublions pas qu’un excellent témoin qui l’avait vu à Montbard dans les dernières années, Mallet du Pan, a dit : « Buffon vit absolument en philosophe ; il est juste sans être généreux, et toute sa conduite est calquée sur la raison ; il aime l’ordre, il en met partout. » Pour en revenir à ses jugements littéraires, après Voltaire poète, Buffon ne paraît guère estimer qu’un autre poète en son temps, Pindare-Le Brun, comme il l’appelle, celui qui l’a si noblement célébré lui-même et en qui il reconnaît avec impartialité le pinceau du génie. […] Le noble vieillard était flatté de se voir si compris et si adoré par une femme d’esprit et de vertu, qui avait encore des restes de beauté, et dont le mari, ne l’oublions point (car Buffon était sensible à ces choses), tenait une si grande place dans l’État : « Mon âme, lui écrivait-il galamment, prend des forces par la lecture de vos lettres sublimes, charmantes, et toutes les fois que je me rappelle votre image, mon adorable amie, le noir sombre se change en un bel incarnat. » Il a le cœur en presse, dit-il, la veille du jour où il doit l’aller voir ; mais s’il l’attend chez lui, elle, en visite, à Montbard, que sera-ce ?

1130. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Mais n’oublions pas le fond, son arrière-pensée fixe : « Le monde est dans un état d’enfantement », répète-t-il souvent en ces années 1815-1816. […] Pour moi, si j’ai eu le tort d’oublier la discussion de M. d’Aurevilly, c’est qu’en général, quand je le lis, je ne retiens jamais de lui que des mots ou des traits (et il en a de très fins et de très distingués, mais qui sont, par malheur, noyés dans toutes sortes d’affectations et d’extravagances).

1131. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Monsieur, cela n’y fait rien ; je prendrai tout de même… » — « Non, monsieur, je n’ai pas l’habitude de livrer de la musique en cet état ; j’ai voulu vous donner cette explication, car je ne manque jamais à ma parole. » — « Mais, monsieur… » — « Non, monsieur ; je vous demande seulement quelques jours pour refaire la copie. » Le jeune homme avait peine à sortir : Rousseau lui-même s’oublie ; la conversation se renoue et s’engage. « Jeune homme, à quoi vous destinez-vous ?  […] C’est bien le même qui écrivait à son ami Coindet, de qui il appréhendait quelque supercherie pareille : « J’aime à profiter des soins de votre amitié, mais je n’aime pas qu’ils soient onéreux ni à vous ni à vos amis… Je vous crois trop mon ami pour prendre le bon marché dans votre poche ni dans celle d’autrui. » J’allais oublier de parler des lettres de Rousseau qu’on a recueillies dans ce volume.

1132. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Il a sur les coalitions une théorie commode, la théorie anglaise, la plus large possible ; il oublie la différence des deux pays, ou plutôt il la sait très bien et il n’en tient compte, il passe outre. […] Il leur arrive de l’oublier trop souvent.

1133. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Patin, prenant au sérieux la gageure et se piquant d’émulation, se mirent de leur côté à l’œuvre, et composèrent un petit opéra de Pygmalion, qui alla jusqu’à être mis en répétition à je ne sais quel théâtre, mais que diverses circonstances leur firent laisser là, puis oublier. […] Il lui était souvent difficile d’y chercher un mot : comme on ouvre un dictionnaire à une page quelconque dans les environs du mot qu’on cherche, son œil tombait d’abord sur n’importe quel mot ; il le lisait, puis le suivant, puis un autre et un autre encore, tant qu’il oubliait quelquefois le mot qu’il voulait chercher.

1134. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Rien n’est oublié de ce qui décorait le local, ni les tableaux (c’est tout simple), les Horaces et le Brutus, ni l’ameublement, chaises, lit dans le goût antique, ni les tentures, ni le poêle. […] Il n’oubliera ni une dartre vive à une joue, ni dans une chambre une encoignure (ce dernier mot lui est particulièrement familier et cher).

1135. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Petetin est un digne héritier des mêmes traditions ; homme de bien et homme de cœur, défenseur ancien et courageux de la démocratie durant des années bien difficiles, il n’oublie jamais que la tâche essentielle aujourd’hui est de l’organiser et qu’on n’y parvient en effet que par l’alliance de la cordialité et de la justice. […] Et puis nous avons trop vu Raphaël, cette seconde nature, nous en sommes trop pleins pour pouvoir désormais l’oublier.

1136. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

L’ancien Raoul, le mystérieux personnage d’il y a dix ans, le dessinateur de la Roche-Fée, que Sibylle n’avait jamais oublié, qu’elle retrouve après des voyages, noble, riche, maître de sa fortune, et qu’elle se met sérieusement à aimer, est fort lié avec un savant, Gandrax, au nom revêche, et dont M.  […] Ne renions pas nos parents pauvres. — N’étalons pas nos origines, soit ; recouvrons-les même, à condition de ne les oublier jamais. » 6.

1137. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

A vrai dire, si j’oublie tout ce que la critique a fait de raisonnements et de théories à ce sujet, si je me laisse tout simplement aller à l’impression de ma lecture, je n’aperçois rien de si mystérieux ni de si profond. Nulle part ce premier et principal dessein qu’a l’auteur de railler les livres de chevalerie, de les décrier et d’en ruiner l’autorité dans le monde et parmi le vulgaire, ne se perd de vue ni ne se laisse oublier ; il est ramené sans cesse.

1138. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Il n’est point de ces voyageurs qui, allant de Paris à Jérusalem, s’oublient et passent le meilleur de leur temps à Sparte ou à Athènes. […] Quand je parle d’art, je sais bien qu’il y a dans cette seconde partie des endroits où certaines idées mystiques, symboliques ou morales, sont trop développées ; il y aura plus d’une fois redondance ; il y aura des moments où Bossuet s’oubliera, s’étendra un peu trop au point de vue de la composition, où il reviendra sur ce qu’il a dit déjà, et sinon l’intelligence, du moins la satisfaction du lecteur en pourra souffrir.

1139. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Ils l’avaient oublié, tant ils étaient impersonnels et habitués à s’effacer par devoir comme par nature. […] Il s’était attaché à la convaincre que l’Empereur Napoléon n’avait point le dessein de détrôner sa famille ; que, si elle lui revenait sincèrement, loyalement, il oublierait tous ses torts et lui assurerait son amitié.

1140. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Tu ne retiendras rien des traits de mon visage ; Le souvenir, de même, oubliera mon passage ! […] Je crois que je n’oublie rien.

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