Ces pensées politiques et autres, par leur caractère de gravité et de vérité, par l’absence de toute déclamation, par la sincérité des aveux et le noble regret des fautes commises, par les sages vues d’avenir qui se mêlent au jugement du présent, font beaucoup d’honneur à Barnave, et ne peuvent que confirmer, en l’épurant, l’impression d’intérêt et d’estime qui demeure attachée à sa mémoire. […] Le voilà immortel dans la mémoire des hommes ; il y est fixé à jamais dans l’attitude de la jeunesse, du talent, de la vertu retrouvée à travers les erreurs et les épreuves, et du sacrifice suprême, enviable, qui épure et rachète tout.
En s’occupant avec le fils qu’il voulait former de ce qui convient à l’honnête homme dans la société, lord Chesterfield n’a pas fait un traité Des devoirs comme Cicéron ; mais il a laissé des Lettres qui, par leur mélange de justesse et de légèreté, par de certains airs frivoles qui se rejoignent insensiblement aux grâces sérieuses, tiennent assez bien le milieu entre les Mémoires du chevalier de Grammont et le Télémaque. […] C’est l’attention seule, lui dit-il, qui grave les objets dans la mémoire : « Il n’y a pas au monde de marque plus sûre d’un petit et pauvre esprit que l’inattention.
Je ne fais dans tout ceci qu’extraire et résumer les mémoires du temps. […] Il n’y a rien d’agréable, de délicat et de distingué comme les pages que Marmontel a consacrées dans ses Mémoires à Mme Geoffrin et à la peinture de cette société.
Walckenaer, aux tomes I et IV de ses excellents Mémoires sur Mme de Sévigné, a très bien établi ce qu’on peut appeler la Chronologie de Ninon. […] Elle ne citait jamais pour citer, mais ce qu’il fallait lui revenait juste à propos et s’appliquait avec nouveauté à la circonstance : il y avait de l’imagination jusque dans sa mémoire.
M. de Chateaubriand en jugeait ainsi à son retour d’Orient, en les relisant la mémoire encore pleine du souvenir des plages historiques qu’il avait visitées : « C’est, selon moi, disait-il, le plus beau morceau de Plutarque, et d’Amyot son traducteur. » Dans les traités moraux de Plutarque, que de charmantes pages aussi, riches de sens, pleines d’aisance et de naturel, et qui ont un air de Montaigne ! […] s’est à jamais logé, comme un seul et même trésor d’antique prud’homie et de vertu, dans la mémoire et dans la reconnaissance humaine.
S’il est vrai que Raynouard, comme on l’a dit, ait laissé des mémoires, on doit inviter ceux qui en sont possesseurs à les publier pour éclairer cette première moitié de sa vie, dont quelques points seulement sont connus. […] On en peut lire deux critiques très judicieuses, l’une dans les feuilletons de Geoffroy, l’autre dans les conversations de Napoléon (Mémoires de M. de Bausset)2 : Cette pièce, en général, m’a paru très froide, disait Napoléon, parce que rien ne vient du cœur et n’y va.
C’est ainsi qu’ayant lu les Mémoires de Madame, mère du Régent, il dira (1822) : « On voit bien là ce que c’est que la Cour ; il n’y est question que d’empoisonnement, de débauche de toute espèce, de prostitution : ils vivaient vraiment pêle-mêle. » Ce n’est certes pas moi qui défendrai la Cour, mais on a droit de dire à Courier : Élargissez votre vue, voyez l’homme indépendamment des classes, reconnaissez-le partout le même, sous les formes polies ou grossières. […] Il travaillait si bien et si fortement sa prose, qu’il en débitait de mémoire des fragments à ses amis, très avides de telle nouveauté.
Ceci devait mourir dans le même lieu qui l’a fait naître ; mais ceux qui vivent dans une société ont des devoirs à remplir ; nous devons compte à la nôtre de nos moindres amusements. » Il semble même qu’en terminant ce mémoire, Montesquieu s’attache trop à diminuer le mérite de l’observateur, lequel a souvent besoin de toute sa subtilité d’esprit et de son invention ingénieuse pour amener le fait sous son regard : Il ne faut pas avoir beaucoup d’esprit, disait Montesquieu, pour avoir vu le Panthéon, le Colisée, des Pyramides ; il n’en faut pas davantage pour voir un ciron dans le microscope ou une étoile par le moyen des grandes lunettes ; et c’est en cela que la physique est si admirable : grands génies, esprits étroits, gens médiocres, tout y joue son personnage. […] Mais, dans le même temps où il travaillait à ce petit mémoire sur des objets d’histoire naturelle, il laissait échapper un autre ouvrage pour lequel il n’avait pas eu besoin de microscope, et où son coup d’œil propre l’avait naturellement servi.
Voici le fait, que plusieurs contemporains ont, comme nous, présent à la mémoire. […] De là un mémoire sur la détresse publique.
Par cela même que ce cœur qui aima ne comprend pas un paradis sans l’éternité de ses affections terrestres, il ne le comprend pas sans mémoire, sans identité personnelle, sans tout ce qui constitue l’âme entière. […] L’auteur des Horizons célestes, en transbordant la vie de la terre et de la mémoire dans les délices du sein de Dieu, l’auteur des Horizons célestes nous a donné un livre de la sensibilité humaine et même chrétienne la plus profonde et la plus tendre ; un livre dont tous ceux qui aimèrent voudraient partager l’illusion, s’il y a illusion, et qui leur rapprendra les larmes.
On ne paierait pas le mémoire de sa blanchisseuse, d’après cela ! […] Ils sont tous chimériques, hypothétiques et faux, et il a sur eux l’avantage d’écrire même assez brillamment en français… Du reste, l’Essai qu’on publie aujourd’hui n’entamera en aucune façon son amour-propre ou sa personne, car dans ce Mémoire d’académie, long de 247 pages, M.
Par suite de la même activité, qui se porte actuellement sur de l’inédit, Cousin a publié ses Fragments littéraires, anciens discours académiques, ou éloges mortuaires, auxquels il a ajouté pour assaisonnement les lettres inédites de madame de Longueville (chassant ainsi sur mes terres et me tuant sans façon mon gibier) ; il a ajouté un petit commentaire à ces lettres, dont il s’est, je crois, exagéré un peu l’importance littéraire ; comme étude d’âme et de confessionnal, c’est curieux, (et j’en avais tiré parti dans mon étude). « Au fond, il n’y a de véridique, dit-il, si quelque chose l’est entièrement, que les correspondances intimes et confidentielles, les mémoires eux-mêmes sont toujours destinés au public, et ce regard au public, même le plus lointain, gâte tout ; on s’y défend ou on attaque, on se compose un personnage, on pense à soi, on ment. » — Ceci est dit à merveille comme Cousin sait dire, dans sa langue excellente et digne du xviie siècle ; mais que serait-ce si on appliquait cette vérité à son éclectisme officiel, qu’il défendait et qu’il préconisait hier tout en attaquant Pascal ?
On le croirait volontiers en lisant les Mémoires de l’abbé Ledieu.
C’est la même règle de critique qui fait que des lettres, des mémoires, etc., où se trouvent rapportées les anecdotes, les scènes que, d’après d’autres sources, devait raconter l’auteur, sont au moins suspects.
Il est curieux de la voir, dans cette correspondance, protester à tout propos contre l’idée qu’on pouvait avoir de son crédit : « Je ne suis qu’une particulière assez peu importante ; je ne sais pas les affaires, on ne veut point que je m’en mêle, et je ne veux point m’en mêler. » Tantôt elle se compare avec pruderie à une ingénue de quinze ans : « Je suis un peu comme Agnès, je crois ce qu’on me dit, et ne creuse pas davantage. » Tantôt elle se vieillit avec une complaisance qui fait sourire : « Si vous me voyiez, madame, vous conviendriez, que je fais bien de me cacher : je ne vois presque plus ; j’entends encore plus mal ; on ne m’entend plus, parce que ma prononciation s’en est allée avec mes dents, la mémoire commence à s’égarer ; je ne me souviens plus des noms propres, je confonds tous les temps, et nos malheurs joints à mon âge me font pleurer comme toutes les vieilles que vous avez vues. » Sans croire tout à fait à ce renoncement absolu au monde, on est pourtant forcé de reconnaître qu’il y a dans ce langage de madame de Maintenon plus de manie que d’hypocrisie, et qu’à force de se faire, en paroles, insignifiante et inactive, elle l’était sur la fin réellement devenue.
« Croyez bien, dit encore Trousseau, que ces nomenclatures, dont le ridicule n’est pas le moindre défaut, ne valent guère la peine qu’on en salisse sa mémoire, et que jamais des médecins sérieux ne daigneront s’en servir, autant par respect pour la philologie que dans l’intérêt véritable du progrès de notre art. » 94 Flaubert a judicieusement évité ce défaut.
J’ai laissé remonter d’eux-mêmes dans ma mémoire les livres dont j’avais reçu une impression un peu forte, et je les ai notés à mesure : voilà tout.
C’est que leurs noms prononcés évoquent dans la mémoire certains personnages dramatiques, c’est-à-dire, en somme, autre chose qu’eux-mêmes.
Tartarin, roman, est de petit art ; Tartarin, typé, est d’observation facile, grosse, mais frappante, et le personnage pourrait bien demeurer dans les mémoires, comme Paturot ou Colonet.
Comme mon âge me conseille de penser à la vie future, je me surprends parfois occupé à garnir ma mémoire des pensées qui devront l’occuper durant toute l’éternité.
La plupart des Grands, sans en excepter les Princes, semblables à ces arbres nés dans le silence, & accrus à l’ombre des forêts, vivent & meurent sans que leur existence & leur chute fassent une sensation & un vide dans le monde : il n’en est pas de même de l’homme qui a su se rendre utile par ses lumieres ou ses talens ; il est connu par-tout où ses Ouvrages pénetrent ; & plus ou moins honoré de ses Contemporains, selon qu’il s’est montré plus ou moins supérieur dans le genre qu’il a embrassé, il peut se flatter d’exister encore avec honneur dans la mémoire des générations futures.
Celui qui renie le Dieu de son pays est presque toujours un homme sans respect pour la mémoire de ses pères ; les tombeaux sont sans intérêt pour lui ; les institutions de ses aïeux ne lui semblent que des coutumes barbares ; il n’a aucun plaisir à se rappeler les sentences, la sagesse et les goûts de sa mère.
Je ne parle que pour mémoire de la royauté du riz, cette royauté étant toute allégorique dans le conte où les animaux la proclament (Choix d’un lanmdo).
Je suis, au contraire, de ceux qu’elles n’effrayent pas, et j’aime mieux voir la plume de Chateaubriand « faire feu » dans les Mémoires que somnoler dans les Natchez.
Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier.
les Nouveaux Lundis de Sainte Beuve, la traduction de Eurêka d’Edgar Poe par Baudelaire, le Dictionnaire de Littré, cet attentat de la philosophie positive sur la langue française, le Capitaine Fracasse 43 de Théophile Gautier, et ces pauvres Mémoires, qui n’auront jamais le succès de ceux de Saint-Simon, du duc de la Rochefoucauld-Doudeauville, qui ne se rappelle pas assez que devant son nom de Doudeauville il y a le nom de La Rochefoucauld, qui oblige à être spirituel, je crois bien que vous êtes au bout du budget littéraire de cette année que je m’obstine à trouver inféconde, même en voyant ce qu’elle a fait !
C’est avec un sentiment respectueux pour le Maître, dont la mémoire nous est toujours présente, que j’analyse son passage du séminaire à la vie laïque.
Ces chants se conservaient par la mémoire, et passaient d’âge en âge ; on les répétait dans les familles ; on les chantait dans les fêtes ; la veille des batailles ils servaient de prélude aux combats ; ils animaient le guerrier et servaient de consolation aux vieillards ; le héros qui ne pouvait plus combattre, assis sous le chêne, entendait chanter les exploits de sa jeunesse, et il était entouré de ses fils et de ses petits-fils, qui, appuyés sur leur lance, écoutaient en pleurant les actions de leurs pères.
Moi-même, quand j’exhorterai ton épouse et ta fille à honorer ta mémoire, je leur dirai de se rappeler sans cesse et tes actions et tes discours, d’embrasser ta renommée, et, pour ainsi dire, ton âme, plutôt que de vaines statues ; non que je veuille défendre de reproduire sur le marbre ou l’airain les traits des grands hommes ; mais ces images sont mortelles, comme ce qu’elles représentent, au lieu que l’empreinte de l’âme est éternelle.
Une masse insensible, un fluide inerte. » Ajoutez-y de la chaleur, tenez le tout dans un four, laissez l’opération se faire : vous aurez un poulet, c’est-à-dire « de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée ». […] Mémoires de Mme d’Épinay, conversation avec Duclos et Saint-Lambert chez Mlle Quinault. — Rousseau, Confessions, première partie, livre V. — Ce sont là justement les principes enseignés par M. de Tavel à Mme de Warens. […] Suite du rêve de d’Alembert , Entretien entre Mlle de Lespinasse et Bordeu. — Mémoires de Diderot, Lettre à Mlle Volant, III, 66.
monsieur, nous le portons tous les quatre dans notre mémoire, s’écrièrent-elles, nous ne l’accepterions pas, nous savons l’usage que vous en faites depuis quatorze ans pour conserver encore l’image des lieux de votre enfance. […] » — « Oh oui, dîmes-nous toutes à la fois, fions-nous à sa mémoire, elle est infaillible et présente comme celle d’un enfant. […] Chacune de nous fut conduite par son hôtesse à l’endroit que Marie retrouvait dans sa mémoire.
Ajoutez-y tant de vues profondes sur la vie, tant d’idées tirées du monde extérieur, des usages, des mœurs, pour appeler notre mémoire et notre imagination à l’aide de notre esprit, et qui sont comme le connu dont se sert Descartes pour rechercher l’inconnu. […] Rechercher la vérité par la raison, la faculté la plus générale à la fois et la plus véritablement personnelle à chaque homme ; ne rien admettre dans son esprit qui ne soit évident ; bien définir les termes pour ne point confondre les principes, pour pénétrer toutes les conséquences, pour ne jamais raisonner faussement sur des principes connus ; subordonner toutes les facultés à la raison, et l’homme qui sent à l’homme qui pense ; réduire au rôle d’auxiliaires de la raison l’imagination et la mémoire, par lesquelles nous dépendons des choses extérieures et sommes à la merci de l’autorité, de la mode, de l’imitation : les grands écrivains du dix-septième siècle ne font pas autre chose. […] Sans accorder à ses contradicteurs qu’il était aussi instruit en toutes choses qu’homme de son siècle, et de beaucoup le plus instruit dans les matières de science et de philosophie, on peut dire que l’antiquité, qu’il avait arrachée de sa mémoire, comme corps de doctrines, y était restée comme méthode générale ; et c’est par l’effet d’une illusion qu’il crut inventer beaucoup de choses qu’il retrouvait.
Dans des mémoires écrits pour l’instruction de ses enfants, il leur recommande, au lieu de s’en confesser, son Virgile travesti ; il se loue du portrait d’iris, le meilleur morceau, dit-il, qu’il eût fait dans ce genre-là. […] Huet y fait allusion dans ses Mémoires, en se donnant d’ailleurs le beau rôle. […] Mémoires de Huet, livre IV.
Le livre que voici conservera-t-il sa mémoire, et l’embaumera-t-il pour l’immortalité ? […] Et il ne fut jamais que cela à travers tous les métiers qu’il fit, ce Gil Blas de la misère qui fut imprimeur, correcteur d’imprimerie, commis batelier, faiseur de livres et de mémoires pour le compte d’autrui. […] J’ai déjà, et plus d’une fois, parlé de Proudhon, quand il s’est agi du Mémoire sur la Propriété, de la Justice dans la Révolution, des Contradictions économiques, etc., de tous ces livres audacieux dont l’audace, malgré la sincérité de l’esprit et des convictions de Proudhon, était souvent une combinaison d’habileté, comme les colères de Napoléon quand il brisait le cabaret de Coblentzel !
L’éditeur ne met point en tête de ces Mémoires : Nouvelle édition ; c’est dire que les précédentes n’existent pas. […] Là-dessus les Mémoires de Madame nous édifieraient encore davantage. […] Un jour ayant vu une phrase injurieuse dans les Mémoires de la Rochefoucauld, « il se jeta sur une plume, et mit à la marge : L’auteur en a menti. » Il alla chez le libraire, et fit de même aux autres exemplaires ; les MM. de la Rochefoucauld crièrent : il parla plus haut qu’eux, et ils burent l’affront. — Aussi roide envers la cour, il était resté fidèle pendant la Fronde, par orgueil, repoussant les récompenses, prédisant que le danger passé on lui refuserait tout, chassant les envoyés d’Espagne avec menace de les jeter dans ses fossés s’ils revenaient, dédaigneusement superbe contre le temps présent, habitant de souvenir sous Louis XIII, « le roi des nobles », que jusqu’à la fin il appelait le roi son maître.
Il me sera permis de payer ma dette à sa mémoire. […] Comme le feu duc de Broglie, M. de Barante touchait au terme de sa vie quand il entreprit d’écrire ses mémoires, et la mort a interrompu ce dernier travail. […] Il faut savoir gré à celle qui en prépara le spectacle et qui en légua la mémoire aux artistes et aux poètes. […] Mais il devrait bien se dire qu’une situation appartient non pas à qui l’a trouvée le premier, mais bien à qui l’a fixée fortement dans la mémoire des hommes. […] Il me répondit en récitant quelques-uns des vers dont sa mémoire était pleine.
Jacques Chevalier s’appuie sur les Mémoires de Beurrier, que M. […] Comme nous avions dit que les Mémoires incohérents et cacographiques de Beurrier, édités par M. […] Ces Mémoires, composés en 1759, n’ont été imprimés qu’après la mort de Voltaire, mais avant celle de Frédéric. […] Candide est de la même année que les Mémoires (1759). […] Ce qui importe davantage, c’est que sa mémoire et son œuvre demeurent vivantes dans les esprits.
L’éclair qui l’annonce, les idées qu’il conçoit, les pensées qui l’agitent ou qu’il produit, le jugement qui le conseille, le goût qui le guide, l’imagination qui l’embellit en agrandissant tous les objets intellectuels ou sensibles, la mémoire, ce miroir utile & officieux, qui les lui rappelle à son gré ; toutes ces admirables qualités ne sont-elles pas relatives au plus ou moins d’instruction, & par conséquent bornées au produit de l’éducation ? […] Dans ces temps du bon goût, ce n’étoient pas seulement les Orateurs que les filles de Mémoire inspiroient ; elles se plaisoient encore à mêler leurs chants célestes aux accords de la lyre des Quinault & des Lulli ; elles faisoient revivre les pinceaux des Apelles & des Zeuxis, & ranimoient le ciseau des Phydias & des Praxitelles ; elles portoient avec complaisance leurs regards sur ces Monumens immortels, qui s’élevoient par la magnificence & pour la gloire du Monarque & des Arts ; en un mot aucun genre ne pouvoit demeurer imparfait. […] Tant que les admirateurs de Corneille ne combattirent qu’en faveur de sa gloire les succès de Racine ; tant qu’ils n’opposèrent que chef-d’œuvre à chef-d’œuvre, on pouvoit leur pardonner leur enthousiasme pour un grand homme, dont les triomphes n’étoient plus douteux, & dont la place étoit marquée d’avance au Temple de Mémoire. […] Combien d’autres, dont la mémoire ne subsistera que pour être en horreur & honteuse à jamais ! […] Les excellens Mémoires de M. de la Curne de Sainte-Palaye sur l’ancienne Chevalerie.
Et, en la mémoire vague de mes yeux, je revoyais sur un long corps, une figure maigre, au grand nez décharné, aux étroits petits favoris en côtelettes, aux vifs et spirituels yeux noirs : les pruneaux de M. de Goncourt, ainsi qu’on les appelait ; aux cheveux coupés en brosse, et où les sept coups de sabre, que le jeune lieutenant recevait au combat de Pordenone, avaient laissé comme des sillons, sous des épis révoltés : — une figure, où à travers le tiraillement et la fatigue de traits, jeunes encore, survivait la batailleuse énergie de ces physionomies guerrières, jetées dans une brutale esquisse, par la brosse du peintre Gros, sur une toile au fond non recouvert. […] Oui, maintenant j’ai une espèce d’horreur de l’œuvre imaginée, je n’aime plus que la lecture de l’histoire des mémoires, et je trouve même que dans le roman, bâti avec du vrai, la vérité est déformée par la composition. […] La rue de la Paix, quand j’y passe maintenant, il m’arrive parfois de ne pas la voir, telle qu’elle est, de n’y pas lire les noms de Reboux, de Doucet, de Vever, de Worth, mais d’y chercher, sous des noms effacés dans ma mémoire, des boutiques et des commerces, qui ne sont plus ceux d’aujourd’hui, mais qui étaient ceux, d’il y a cinquante, soixante ans. […] De ce second appartement, ma mémoire a gardé, comme d’un rêve, le souvenir d’un dîner avec Rachel, tout au commencement de ses débuts, d’un dîner, où il n’y avait qu’Andral, le médecin de ma tante, son frère et sa femme, ma mère et moi, d’un dîner, où le talent de la grande artiste était pour nous seuls, et où je me sentais tout fier et tout gonflé d’être des convives. […] Tout cela s’envole avec la dernière aspiration, et il n’en reste pas un souvenir assez net dans la mémoire, pour se jeter à une table, et fixer, sur le papier, quelque chose de cette fiévreuse inspiration de la cervelle.
» lui revenait à la mémoire et à la bouche, et, se couvrant la tête de son manteau, elle s’éloignait. […] Dans l’Histoire de ma vie, c’est le titre de ses Mémoires, George Sand ne parle pas seulement d’elle-même. […] Chateaubriand eut aussi une tentation de ce genre, et il l’a racontée dans ses Mémoires. […] Flaubert d’avoir calomnié la mémoire de Marie-Antoinette ; je vais expliquer pourquoi : c’est que tout son roman est une longue calomnie contre la nature humaine. […] J’avoue que ce trait, qui m’est toujours resté dans la mémoire, me rend peu sympathique à l’évêque qui se donne une entorse pour ne pas écraser une fourmi.
Le souvenir de Martine nous demeure en mémoire comme une des meilleures figures de la Kermesse, de Rubens. […] Elle n’a encore exercé que sa mémoire ; elle n’a pas de peine à contenir les palpitations qu’elle ignore. […] Arnault, et il a même trouvé moyen d’appeler à son secours la mémoire de sa mère absente. […] Dumas annonçait son voyage autour des côtes de la Méditerranée ; elle aurait rayé de sa mémoire les phrases fanfaronnes et sonores dans lesquelles l’auteur d’Antony se plaçait entre Homère et Napoléon. […] Pourtant il y a parmi nous plus d’une conscience rétive, plus d’une mémoire obstinée qui ose comparer M.
Aussi son séjour à l’atelier des Horaces étendit-il singulièrement la sphère de ses idées et laissa-t-il dans sa mémoire des souvenirs ineffaçables. […] Le nom de Delavergne sera rapporté seulement pour mémoire. […] Si, parmi tant de souvenirs, on en rappelle quelques-uns avec plaisir, combien d’autres demeurent tristes et sombres dans la mémoire ! […] Malgré ses succès, David, dont la mémoire était pleine des souvenirs de Rome, et qui sentait plus vivement que jamais le besoin d’y mûrir les études qu’il avait commencées, manifesta le désir de retourner en Italie. […] Il est assez difficile, au milieu de tant de scènes orageuses, de suivre, ce qui était le moins important alors et ce qui fait l’objet de ces mémoires, la recherche des opinions de David sur les arts.
Dès qu’il put travailler avec quelque liberté, un mémoire sur l’étude du grec au moyen âge absorba toutes ses pensées, et il acheva sa thèse sur l’averroïsme. […] Il y eut comme une aube indécise de l’Histoire sainte : « Les vieux souvenirs d’Our-Casdim et de Harra remontaient en la mémoire ; les prophètes apparaissaient comme les guides inspirés d’Israël. […] Saint Tugdual, malgré l’effacement où est tombée sa mémoire, était bien puissant. […] Sa mémoire était comblée de souvenirs. […] Ce que cet œil a ramassé de paysages, cette mémoire, accumulé de faits, cette raison, formulé de lois, tout cela représente un des plus nobles efforts qui aient été faits par l’intelligence humaine pour s’emparer du réel et pour atteindre un idéal.
Outre qu’il est assez puéril de croire à l’immortalité, puisque les temps approchent où la mémoire des hommes, surchargée du prodigieux chiffre des livres, fera banqueroute à la gloire, c’est une duperie de ne pas avoir le courage de son plaisir intellectuel. […] Les savants entassaient mémoires sur mémoires. […] Il rédigera des mémoires pour l’Institut. […] Il racontait qu’au moment de décrire un horizon, un jardin, une chambre, l’abondance des détails visibles qui ressuscitaient dans sa mémoire était si considérable qu’il lui fallait un violent effort pour choisir. […] Mémoires et correspondances, monographies historiques et romans d’analyse, œuvres des artistes et travaux des artisans, — l’investigation du savant doit s’étendre à tout.
Le cuisinier de l’ambassadeur de Rome ne sera pas moins en réputation, et Bernis dut un jour en écrire à M. de Choiseul pour répondre à de sots bruits qu’on faisait courir sur le luxe de sa table : « Un bon ou mauvais cuisinier fait qu’on parle beaucoup de la dépense d’un ministre ou qu’on n’en dit mot ; mais il n’en coûte pas moins d’être bien ou mal servi, quoique le résultat en soit fort différent. » Or, il est constant que Bernis, au milieu de cette table somptueuse qu’il offrait aux autres, ne vivait lui-même que frugalement et d’une diète toute végétale : J’ai été dîner avec Angelica Kaufmann (le peintre célèbre) chez notre ambassadeur, écrit Mme Lebrun dans ses Mémoires : il nous a placées toutes deux à table à côté de lui ; il avait invité plusieurs étrangers et une partie du corps diplomatique, en sorte que nous étions une trentaine à cette table dont le cardinal a fait les honneurs parfaitement, tout en ne mangeant lui-même que deux petits plats de légumes. […] Voilà mes vœux de cette année ; ils ne sont pas au-dessus de vos forces, et vous trouverez dans votre cœur, dans votre génie, dans votre mémoire si bien ornée, tout ce qui peut rendre cet ouvrage un chef-d’œuvre.
Il nous apprend qu’il avait pour collaborateur le roi lui-même : « Chacun sait que le roi défunt ne lisait pas seulement mes Gazettes, et n’y souffrait pas le moindre défaut, mais qu’il m’envoyait presque ordinairement des mémoires pour y employer. » Quand le roi était éloigné de Paris, il envoyait des courriers d’un bout du royaume à l’autre, à lui Renaudot, pour lui faire savoir ce qu’il devait insérer ; et plus d’une fois, lorsque le courrier de Paris qui était porteur de la Gazette éprouvait quelque retard, il arriva que le roi témoigna son impatience. […] [NdA] On lit dans les Mémoires historiques et critiques de Mézeray, à l’article Avocat : « Jean Patin, avocat du roi au présidial de Beauvais, pensa être assommé par la populace ligueuse.
Ce qui fait à mes yeux une grande partie de l’intérêt des écrits de d’Argenson et ce qui doit les rendre précieux pour quiconque aime la vérité, c’est que tout y est successif et selon l’instant même ; il ne rédige pas ses mémoires après coup en résumant dans un raccourci plus ou moins heureux ses souvenirs ; il écrit chaque jour ce qu’il sait, ce qu’il sent ; il l’écrit non pas en vue d’un public prochain ou posthume, mais pour sa postérité tout au plus et ses enfants, et surtout pour lui, pour lui seul en robe de chambre et en bonnet de nuit. […] Il n’y avait point de concurrent pour ainsi dire : Il y faut (aux Affaires étrangères) un homme de robe suivant l’usage présent ; je suis, de plus, homme de condition ; mon père a bien servi le roi et a été grand officier de la couronne ; j’ai étudié assidûment les affaires politiques depuis sept ans ; M. le cardinal le sait et a vu de mes mémoires, M. le garde des sceaux Chauvelin lui en a rendu de grands témoignages en tous les temps.
À côté de Saint-Évremond, dans son goût et son estime, il place pourtant une femme, Mme de Staal-Delaunay, dont les Mémoires, alors nouveaux (1755), l’ont ravi : « Elle écrit mieux que Mme de Sévigné, dit-il ; moins d’imagination, plus de sagesse, plus de sentiment, plus de vérité. » Si l’on y réfléchit, tous ces jugements concordent et se tiennent ; ils sont bien du même homme24. […] [NdA] Son opinion sur Mme de Maintenon, d’après une lecture des mémoires et lettres donnés par La Beaumelle (1756), vient encore à l’appui du reste.
Ce n’est donc que quand le cours complet d’études tire sur sa fin, et que l’élève a appris ou passé en revue l’histoire, le théâtre et la littérature nationale, certains arts mécaniques, la logique, la physique, même la métaphysique, que le précepteur se dit : Mon disciple parle excellemment sa langue naturelle ; sa mémoire est ornée de tous nos meilleurs ouvrages, soit de prose, soit de poésie : cela est bon, mais cela ne lui suffit pas, nous allons apprendre la langue latine. […] L’abbé de Pons ne songe même pas aux langues étrangères vivantes, et il en laisse passer le vrai moment : il n’a jamais observé l’enfant à cet âge où il aime à répéter tous les sons, et où tous les ramages ne demandent qu’à se poser sur ses lèvres et à entrer sans effort dans sa jeune mémoire.
Cette mémoire lui gagne mon cœur, et je veux cultiver et raviver cette amitié qui n’était qu’assoupie. […] M. de Tracy perdit Mme de Tracy le 27 octobre 1850, et, dans son culte pieux pour sa mémoire, il a cru devoir recueillir, selon qu’elle l’avait désiré, quelques-uns des écrits où elle mettait de sa pensée et de son âme : c’est un portrait de plus, et le plus vivant, qu’il a voulu que les siens eussent toujours présent devant les yeux.
Tout homme qui a assisté à de grandes choses est apte à faire des mémoires, mais à une condition, c’est qu’il ne les fasse que sur ce qu’il a vu, vu de ses propres yeux, observé de particulier et de précis, laissant à d’autres plus ambitieux ou mieux doués la prétention ou la gloire des tableaux, des histoires et descriptions générales. […] Son témoignage, exprimé avec l’énergie de conviction qu’il y met, est d’un grand poids. — Le plus grand tort des Mémoires de Marmont est d’avoir paru trop tôt.
Après la mort de Gœthe, resté uniquement fidèle à sa mémoire, tout occupé de le représenter et de le transmettre à la postérité sous ses traits véritables et tel qu’il le portait dans son cœur, il continua de jouir à Weimar de l’affection de tous et de l’estime de la Cour ; revêtu avec les années du lustre croissant que jetait sur lui son amitié avec Gœthe, il finit même par avoir le titre envié de conseiller aulique, et mourut entouré de considération le 3 décembre 1854. […] Il craignait toujours, plus tard, en se ressouvenant, de ne pas ressaisir au degré voulu la vivacité et l’éclat de ses impressions premières ; il attendait pour écrire que le parfait réveil se fît en lui, que les heures passées se peignissent dans sa mémoire toutes brillantes et lumineuses, que son âme eût retrouvé le calme, la sérénité et l’énergie où elle devait atteindre pour être digne de voir reparaître en soi les idées et les sentiments de Gœthe ; « car j’avais affaire, disait-il, à un héros que je ne devais pas abaisser. » Ainsi pénétré du noble sentiment de sa mission, il la remplit avec une piété que nous ne trouverons jamais trop minutieuse ; et les grands traits, d’ailleurs, il ne les a pas omis, et il nous permet, ce qui vaut mieux, de les déduire nous-mêmes peu à peu de la réalité simple : « Gœthe vivait encore devant moi, s’écrie-t-il en une de ses heures de parfait contentement et de clarté ; j’entendais de nouveau le timbre aimé de sa voix, à laquelle nulle autre ne peut être comparée.
Et de plus, en ce qui est de la poésie du xvie siècle en particulier, on voit assez par tout cela qu’on est sorti des lignes de l’histoire littéraire proprement dite, qui, à moins d’être une nécropole, doit se borner à donner la succession et le jeu des écoles et des groupes, les noms et la-physionomie des vrais chefs, à marquer les caractères et les degrés des principaux talents, le mérite des œuvres vraiment saillantes et dignes de mémoire : on est tombé dans le menu, dans la recherche à l’infini, dans la curiosité locale et arbitraire. […] Il en était ainsi d’Étienne de La Boétie, à sa manière, et les sonnets de Louise me remettent directement en mémoire le meilleur de ceux que Montaigne nous a transmis et conservés de son ami, au nombre de vingt-neuf.
Un écrivain illustre, Mme Sand, a été un moment en veine de croire en lui, et elle l’a loué dans ses Mémoires. […] Doué de sens exquis, d’une mémoire visuelle merveilleuse, d’organes et d’instruments d’imitation fins, rapides et sûrs, plus prompt à faire qu’à dire, il eut de l’art toute la première vue qu’on peut désirer ; mais s’il y a dans l’art autre chose que l’immédiat, s’il y a une seconde vue plus idéale, celle-là il ne l’eut point.
Si tu as de la mémoire, tu m’as connu sans barbe grise ; j’en ai une superbe maintenant. […] On s’est accoutumé depuis trois siècles à voir les Hébreux représentés à la romaine ; Raphaël, Poussin et les autres grands peintres ont peuplé les imaginations et meublé la mémoire de tous avec ces Hébreux classiques : la place est prise ; les hauteurs sont occupées.
Il se plaisait avant tout au commerce délicat des Grâces, et il était dans la mémoire de tous, Aristocratès. […] Mais c’est André Chénier surtout que cette épigramme-idylle nous rappelle ; il l’a traduite, ou plutôt imitée et développée dans des vers que tout jeune ami des Muses a gravés de bonne heure dans sa mémoire ; c’est devenu chez lui toute une élégie : MNAïS.
Ce goût lui était commun avec sa génération, génération de patriotes, témoins curieux et volontiers acteurs du drame politique : les Lettres de Chapelain, le Ministre d’État de Silhon, jusqu’aux dissertations de l’indifférent Balzac, mais surtout les Mémoires de Retz nous l’ont comprendre de quel état d’esprit est venue et à quel état d’esprit s’adressait la tragédie cornélienne ; elle est politique, non historique. […] Il y en a de singulièrement vraies, comme Othon, comme Pulchérie, comme Suréna : c’est là qu’il faut aller chercher le roman vrai des mœurs politiques du xviie siècle, celui qui se dégagerait des mémoires et des correspondances diplomatiques.
Charlotte, qui est devenue veuve, pourrait alors épouser d’Eblis, mais elle veut sauver au moins la mémoire de sa petite amie, et, bien que Cécile l’ait priée de remettre au commandant un billet où elle confesse sa faute, elle lui laisse croire que sa jeune femme est morte digne de lui, morte de n’être pas assez aimée. […] Car les autres personnages, s’ils ont plus de consistance que les « mânes » fabuleux, n’ont pourtant pas un relief assez fort pour rester longtemps dans l’esprit ; et leurs physionomies sont si faiblement individuelles que la mémoire les confond les uns avec les autres et ne tarde pas à brouiller leurs noms.
Je défierais le critique le plus exercé, s’il ne sait pas l’endroit de mémoire, de reconnaître à qui appartient une pensée exprimée en perfection. […] Tant d’habileté et d’adresse, une expression si vive, un tour si ingénieux, des images si frappantes, n’ont pas réussi à nous imprimer ces passages dans la mémoire ; ce qui paraît si arrêté n’est pas définitif.
Si l’on essayait de déterminer dans quel ordre s’est opéré l’affranchissement des diverses matières qui peuvent faire l’objet des livres, on verrait que la littérature pure, celle qui borne ses visées à plaire et à divertir, qui par conséquent ne heurte aucun intérêt grave et ne peut guère commettre d’autre méfait que d’ennuyer, a la première, comme il est naturel, obtenu sa place au soleil ; que la science, grande redresseuse de préjugés et par là suspecte, mais protégée contre les défiances du pouvoir par sa sereine impassibilité comme par les formules mystérieuses dont elle est d’abord enveloppée, a eu déjà plus de peine à se dérober au contrôle des gouvernants excités contre elle par l’Eglise ; que les écrits philosophiques et religieux ou antireligieux, malgré de nombreux retours offensifs de la même Eglise, ont su ensuite se libérer de la surveillance officielle ; enfin que l’histoire, les mémoires, et surtout les ouvrages traitant de questions politiques et sociales, exprimant de la sorte des idées pouvant du jour au lendemain se transformer en actes et troubler l’ordre établi, ont été les derniers à conquérir la faculté de paraître sans encombre. […] Je ne cite que pour mémoire cette littérature judiciaire, et de même les hommes que la magistrature et le barreau ont prêtés à l’histoire, à la sociologie, à la tribune parlementaire, aux lettres.
Ce n’est point d’un chant tragique, mais d’un bruit d’armes agitées qu’il voulut que retentît sa mémoire : — « Sous cette pierre gît Eschyle, fils d’Euphorion. […] La plupart n’ont laissé que des strophes éparses, des phrases inachevées ou insignifiantes qui rappellent ces sons confus dénués de mémoire et presque de sens, que les Ombres échangent au bord du Le thé.
Doué d’une grande facilité de travail, d’une vaste mémoire, en possession des langues anciennes et de la plupart des langues modernes, il lit les auteurs et les livres d’un bout à l’autre ; il s’instruit en les contrôlant ; il est impartial pour ceux mêmes envers qui il se montre sévère. […] Doué, je l’ai dit, d’une très grande facilité accrue par l’étude, et d’une vaste mémoire, il lui suffit d’une très courte préparation pour donner à sa parole improvisée tout l’air d’un discours médité ; il n’y paraît pas de différence.
Cette édition de Condorcet que le public ne demandait pas, mais que sa famille a cru devoir élever comme un monument à sa mémoire, renferme des parties intéressantes et neuves, notamment la correspondance avec Turgot, des lettres de Voltaire, du grand Frédéric, de Mlle de Lespinasse. […] Au sortir de ce livre terne et soi-disant consolateur, où pas une expression, pas une pensée ne vient, chemin faisant, dérider l’esprit et réjouir le regard, il faut bien vite ouvrir les Mémoires du cardinal de Retz et Gil Blas : ce sont les deux livres qui guérissent le mieux du Condorcet.
Deux ans après, le souvenir de cette douce hospitalité lui revenait à la mémoire, et il envoyait pour étrennes (janvier 1836) cette délicieuse Romance à celle à qui il avait dû, pour un jour du moins, ses pures et innocentes Charmettes : La fermière. […] et j’y succombe : Mon âme fatiguée est comme la colombe Sur le flot du désert égarant son essor ; Et l’olivier sauveur ne fleurit pas encor… Ces mille souvenirs couraient dans ma mémoire, Et je balbutiai : — « Seigneur, faites-moi croire !
» Dans ses Mémoires il s’étend avec plus de détail, et il nous fait de Mlle Curchod le portrait le plus flatteur et le plus fidèle à cette date : Son père, dit-il, dans la solitude d’un village isolé, s’appliqua à donner une éducation libérale et même savante à sa fille unique. […] Entrée dans la société de Paris avec le ferme propos d’être femme d’esprit et en rapport avec les beaux esprits, elle a su préserver sa conscience morale, protester contre les fausses doctrines qui la débordaient de toutes parts, prêcher d’exemple, se retirer dans les devoirs au sein du grand monde, et, en compensation de quelques idées trop subtiles et de quelques locutions affectées, laisser après elle des monuments de bienfaisance, une mémoire sans tache, et même quelques pages éloquentes.
Ces articles de Rivarol ont été depuis réunis en volume, et quelquefois sous le titre de Mémoires ; mais ce recueil s’est fait sans aucun soin. […] [NdA] On trouve quelques détails sur la mort de Rivarol et sur ses dernières paroles au tome II, p. 357, des Mémoires sur la Révolution et l’émigration, par M.
Pendant les Cent-Jours, il avait répondu, par un Mémoire justificatif daté de Gand (1er avril), à l’accusation de trahison lancée contre lui par Napoléon dans sa proclamation du golfe de Juan. […] Vers 1828, il songea à rédiger ses mémoires.
. — Eléments de l’émotion artistique. 1° Plaisir intellectuel de reconnaître les objets par la mémoire ; 2° Plaisir de sympathiser avec l’artiste ; 3° Plaisir de sympathiser avec les êtres représentés par l’artiste. — Rôle de l’expression […] Le premier élément est le plaisir intellectuel de reconnaître les objets par la mémoire.
Théocrine sait des choses assez inutiles, il a des sentiments toujours singuliers ; il est moins profond que méthodique, il n’exerce que sa mémoire ; il est abstrait, dédaigneux, et il semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas : le hasard fait que je lui lis mon ouvrage, il l’écoute ; est-il lu, il me parle du sien : et du vôtre, me direz-vous, qu’en pense-t-il ? […] Le Cid n’a eu qu’une voix pour lui à sa naissance, qui a été celle de l’admiration ; il s’est vu plus fort que l’autorité et la politique, qui ont tenté vainement de le détruire ; il a réuni en sa faveur des esprits toujours partagés d’opinions et de sentiments ; les grands et le peuple : ils s’accordent tous à le savoir de mémoire, et à prévenir au théâtre les acteurs qui le récitent.
III, chap. 6] Voici quelques fragments que nous avons retenus de mémoire, et qui semblent être échappés à un poète grec, tant ils sont pleins du goût de l’antiquité. […] Les écrits de ce jeune homme, ses connaissances variées, son courage, sa noble proposition à M. de Malesherbes, ses malheurs et sa mort, tout sert à répandre le plus vif intérêt sur sa mémoire.
Ta mémoire n’a rien à faire ici. […] Ils me font revenir en mémoire cette parole d’un ami : « Dieu nous a donné la nature pour nous consoler des petits jeunes gens. » Et, les montrant d’une main, mon ami m’indiquait de l’autre la Maladetta avec ses effets de neige étincelants, ses arêtes aiguës qui prennent sous le soleil des teintes ardoisées, — et ses précipices aussi pittoresques et aussi dangereux que peut les souhaiter un Anglais atteint d’un spleen à son dernier période.
En un établissement abandonné où se baignèrent les belles d’il y a cinquante ans, au fond d’un vieux parc où les arbres montent tandis que s’affaissent les élégances humaines, je lis les Mémoires de Cora Pearlt. […] -1886), pseudonyme d’Emma Elizabeth Crouch, courtisane célèbre de l’Empire qui a publié ses Mémoires en 1886 (Paris, Jules Lévy).
Jamais Catulle, jamais Pétrone, n’auraient songé à offenser l’honnêteté publique s’ils eussent dû vaincre la pudeur des oreilles pour confier leurs ouvrages à la mémoire des hommes. […] Souvenons-nous du Forum, des tribunaux sur les places des villes et des bourgs, des actes dont une simple pierre enfoncée dans un lieu désigné, en présence de témoins, conservait seule la mémoire.
La pureté du regard qui discerne le vice des doctrines, quand il s’agit des systèmes, est-elle, quand il s’agit des hommes, accompagnée de cette force de main qui sait imprimer une condamnation sur une mémoire ? […] Nettement, c’est-à-dire, à la cause de l’autorité, de l’Église, de la Monarchie, eussent trouvé, dans le livre qu’il publie aujourd’hui, une mémoire si ingrate, et les autres…, les ennemis déclarés ou hypocrites de cette cause, des respects serviles ou des admirations inconséquentes ?
Aiguisé, affilé en cachette, pendant des années, comme les Mémoires de Saint-Simon, — autre vengeance posthume, et magnifique, celle-là ! […] Dans sa Psychologie sociale, ce qu’il dit des plus célèbres de ceux qu’il rencontre sur le terrain de la littérature est incroyable de préoccupation, et d’une préoccupation qui va jusqu’à la perte de la mémoire, la méconnaissance de ce qui est, et la frontière (Dieu me pardonne !)
Toutes les mémoires nous préviennent, à la pensée des vers sur d’Enghien et sur Napoléon. […] Sa mémoire, célébrée dans les journaux des deux Amériques, ne fut pas honorée de moins d’hommages dans l’Espagne, redevenue constitutionnelle à cette époque.
Victor Hugo allait se rapprocher encore de son critique et loger lui-même rue Notre-Dame des Champs. » Dans ces récits faits en courant et à si longue distance, la mémoire, si on ne la contrôle de près, a bien de la peine à ne pas être involontairement infidèle.
On a beaucoup reproché à madame des Ursins ce qu’on appelle ses intrigues : les Mémoires de Saint-Simon ont accrédité surtout cette opinion ; mais une étude impartiale des faits et particulièrement la lecture de ces lettres détruisent la plupart des accusations imaginées par cet esprit systématique.
Lorsqu’il en est venu à la défaite des mameluks, sir Walter Scott la caractérise en disant que « la bataille ressemble alors, à quelques égards, à celle qui, environ vingt ans après, fut livrée à Waterloo. » Le rapprochement, comme on voit, exige un long effort de mémoire, et trahit encore plus de maladresse que de malveillance.
Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire Leur eût ravi tout souvenir humain, Tu nous aurais enlevé leur mémoire ; Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ?
Éditions : Le Contr’un fut imprimé pour la première fois en 1576, dans les Mémoires de l’État de la France (t.
Pour ne pas fatiguer le lecteur, l’auteur passe sous silence tout ce que sa mémoire ulcérée lui rappelle d’outrages de ce genre : Manet alto in pectore vulnus.
On l’accuse d’être faux dans ses citations ; mais, dans un grand nombre qu’on a vérifiées, on ne l’a point surpris en faute : & d’ailleurs seroit-il étonnant que, dans un nombre si prodigieux de passages, sa mémoire se fût quelquefois égarée.
— Or j’ai fait desceller pour toi la tombe ancienne Où dorment les aïeux, où ma place m’attend, Et descendre moi-même au fond, pieusement, Ton cercueil de bois blanc sur les bières de chêne, Et j’ai pleuré…………………………… Puis, un jour, par hasard j’ai connu ton histoire, Pastoure qui chantais dans les seigles d’été, J’ai compris ton amour maternel, ta bonté, L’énigme de tes yeux qui hantait ma mémoire, Servante dont les doigts noueux étaient câlins… Je me sens aujourd’hui, sacrilège, ô servante, Dors, l’orgueil d’un poème est indigne de toi… Ô pays, le printemps va fleurir tes sous-bois : Les tourdelles déjà grapillent dans le lierre ; Plateaux et vous, blés noir, qu’un aïeul cultiva Terre dont j’ai compris la pauvreté hautaine C’est peut-être, en mon cœur, elle, qui réveilla L’atavisme endormi de ma race lointaine, L’orgueil des champs, l’orgueil des fruits, l’orgueil du sol Et dans le dernier fils des aïeux cévenols !
Tel est le rôle des idées générales, et des relations générales, purs artifices destinés à soulager la mémoire.
Relire, c’est lire ses mémoires sans se donner la peine de les écrire.
Henri, que les gravures du temps représentent sous la figure d’un bouc, Henri, le Faune couronné, n’était pas seulement le libertin affolé qui courait après toutes les femmes, au dire de toutes les chroniques de l’époque, de tous les mémoires, de toutes les chansons.
Si l’on en doutait, il faudrait prendre toutes les publications d’une époque, et l’on verrait combien il y a de bons livres, voire de livres excellents, dans tous les genres où la Pensée et l’Expression demeurent sérieuses, avant d’arriver à quelque chose qui ressemble ou qui soit analogue, par exemple, aux Mémoires du chevalier de Grammont.
Mais l’intérieur de ces vieilles poitrines de grimpeurs de montagnes ou du cœur de rose de cette fillette, mais la manière de concevoir et de sentir la vie de ce mâle et pauvre curé qui, son bréviaire récité, sa messe dite, se rappelant qu’il est un robuste fils des Alpes, s’en va faire la guerre aux oiseaux du ciel pour nourrir les pauvres de la terre, voilà ce que l’on voudrait voir, voilà ce que Topffer ne nous montre pas avec assez de détails et ce qui n’aurait pas échappé à Sterne, par exemple, ce grand moraliste qui sait aussi fixer en trois hachures un paysage d’un ineffaçable fusain, grand comme l’ongle, mais infini d’expression, et qui reste à jamais, dès qu’on l’a vu, dans la mémoire, comme une pattefiche dans un mur !
Il s’en est vanté dans ses Mémoires.
Si Belmontet s’était contenté de nous dire qu’à côté des inspirations de la poésie individuelle il y avait, grâce à l’Empire et aux souvenirs qu’il a laissés dans la mémoire des hommes, une autre source de poésie ouverte et coulant à pleins bords dans le xixe siècle, nous n’eussions pas réclamé contre une telle poésie ; car rien n’est plus vrai.
Aussi n’emportons-nous pas de la représentation, dans notre mémoire, une physionomie très distincte et très vivante. […] Vous vous rappelez la scène, elle est dans toutes les mémoires. […] Mais si vous voulez pousser l’analyse plus avant, vous verrez presque toujours que la confiance repose sur des faits si petits, qu’ils sont échappés de votre mémoire. […] Vous ne vous rappelez aucun fait probant qui soit resté dans votre mémoire ; c’est un sentiment d’invincible confiance qui semble né de lui-même, le fruit d’une génération spontanée. […] Si vous l’avez oublié, la lettre qui suit vous le remettra eu mémoire.
Il ne parle que de lui dans ses Mémoires, sauf une exception. […] On veut en trouver dans ces pages des Mémoires où il décrit son train d’ambassadeur. […] Dans les Mémoires d’outre-tombe, quand il revient sur sa vie, il retrouve très bien en lui cette disposition première. […] Avant d’écrire ses mémoires, il les avait esquissés dix fois. […] » (Mémoires.)
La convention naturaliste (je le rappelle pour mémoire) portait que le roman serait impersonnel et documentaire, ou ne serait pas3. […] Le poète, penché sur ce monde d’apparences, préfère à la lune qui se lève sur les montagnes celle qui s’allume au fond des eaux, et la mémoire de l’amour défunt aux voluptés présentes de l’amour.” […] Voir le recueil de ces portraits : Mémoires d’aujourd’hui. […] Les Jeudis de madame Charbonneau, Mes mémoires, etc. […] Les Mémoires d’un orphelin, Les Fiancés du Spitzberg, Les Âmes en peine, Le Roman d’un héritier, Hélène et Suzanne, etc.
Nos enfants ont déjà besoin qu’on leur explique pourquoi nous ne pouvons entendre un vers de lui, fût-ce le plus insignifiant, sans ressentir une émotion, triste ou joyeuse ; pourquoi chacun de nos bonheurs, chacune de nos souffrances, fait remonter à notre mémoire une page de lui, une ligne, un mot qui nous console ou nous rit. […] Ils durent à leur mère une de ces enfances saines et heureuses dont il n’y a rien à dire, et où les événements mémorables, gravés à jamais dans la mémoire, ont été une partie de jeu, ou une condamnation au cabinet noir. […] — Avec de la mémoire On se tire de tout : — allez voir pour y croire. […] Tu en garderas la mémoire. […] La suite est dans toutes les mémoires.
Cette dame vint s’établir à Saint-Denis ; elle eut pour sa fille adoptive des soins vraiment maternels, et se conduisit toujours de manière à passer aux yeux de tous pour la véritable mère. « J’ai particulièrement connu, nous écrivait un de nos amis créoles, la personne qu’on dit être la fille de Parny : déjà d’un certain âge quand je la vis, elle a dû être fort jolie, sinon belle ; de taille moyenne, blonde avec des yeux bleus, elle passe pour avoir eu quelque ressemblance avec Éléonore, dans la mémoire, peut-être complaisante, de quelques anciens du pays. […] On y distinguait cette mélodieuse complainte, imitée de l’anglais, sur la mort d’Emma : Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs, Et sans effort coulez avec mes pleurs… On y goûtait surtout ces autres vers sur la mort d’une jeune fille, et qu’on ne peut omettre de citer dans un article sur Parny, bien qu’ils soient dans toutes les mémoires : Son âge échappait à l’enfance. […] C’est un souvenir des Mémoires que j’ose placer là ; quoiqu’il y ait des années que j’ai entendu ce passage, je ne crois pas citer trop inexactement. — Voici d’autres particularités que je tire de notes inédites de Chateaubriand écrites à Londres, en 1798, en marge d’un exemplaire de son Essai sur les Révolutions : « Le chevalier de Parny est grand, mince, le teint brun, les yeux noirs enfoncés, et fort vifs.
« Ce n’est pas le marbre qui rappelle sa mémoire ; mais partout où les lumières, l’amour de la nature, l’intelligence du monde et de notre propre espèce, comme membres de la création, réjouissent notre âme, là nous sommes en présence de son monument, là nous nous sentons pénétrés d’un doux sentiment de reconnaissance pour lui, là nous rendons hommage au nom de Alexandre de Humboldt ! […] Humboldt était prodigieusement soucieux de sa mémoire dans la postérité. […] La mémoire de Humboldt en fut ternie.
Mais qu’ai-je besoin de rechercher dans ma mémoire ? […] Je passe des journées entières de la belle saison, immobile sur ce rempart, à jouir de l’air et de la beauté de la nature : toutes mes idées alors sont vagues, indécises ; la tristesse repose dans mon cœur sans l’accabler ; mes regards errent sur cette campagne et sur les rochers qui nous environnent ; ces différents aspects sont tellement empreints dans ma mémoire, qu’ils font, pour ainsi dire, partie de moi-même, et chaque site est un ami que je vois avec plaisir tous les jours. […] Il est devenu pour moi une espèce de propriété ; il me semble qu’une réminiscence confuse m’apprend que j’ai vécu là jadis dans des temps plus heureux, et dont la mémoire s’est effacée en moi.
Lorsque Duncan sera endormi (et le fatigant voyage qu’il a fait aujourd’hui va l’entraîner dans un sommeil profond), j’aurai soin, moi, à force de vin et de santés, de décomposer si bien ses deux chambellans, que leur mémoire, cette gardienne des idées, ne sera plus qu’une fumée, et le réservoir de leur raison un alambic. […] Ma mémoire n’est pas assez ancienne pour m’en rappeler aucune qu’on puisse comparer à celle-là. […] Ô bons et tendres amis, vous dont l’affection si délicieuse, pendant que vous viviez, me donna tant de douceurs ici-bas et qui voulûtes vous survivre encore après la séparation comme une immortelle providence du haut du ciel, il ne se passe pas de jour depuis qui ne soit adouci, ou attendri, ou consolé dans ce monde de larmes par votre vivante mémoire.
L’une d’elles, madame Périer, écrit vers cette époque « qu’elle le voit peu à peu croître en humilité, en soumission, en défiance, en mépris de soi-même, et en désir d’être anéanti dans l’estime et la mémoire des hommes. » Enfin, au commencement de l’année 1655, à l’âge de trente-deux ans, il entrait à Port-Royal, alors sous la direction de M. de Sacy. […] On l’a dit, on pourrait le croire, sans manquer de respect à cette grande mémoire. […] Les mémoires de madame Périer racontent ainsi l’origine des Provinciales : « Ce fut M.
Ecraser le génie sous prétexte qu’il n’était pas chez Wagner doublé d’un grand caractère, c’est une besogne ingrate : peut-être bien, en allant au fond des choses, tomberons-nous d’accord sur un point, à savoir que la ville réputée la plus intelligente du monde, et que la nation réputée la plus chevaleresque du globe se compromettent singulièrement aux yeux de l’Europe attentive en se montrant si cruelles pour la mémoire d’un grand compositeur qui a fait craquer toutes les musiques, même la musique française, et qui, qu’on le veuille ou non, a sa place marquée dans notre admiration d’artiste. […] Joncières vient de faire représenter son dernier opéra à Cologne ; c’est la première fois qu’un de ses ouvrages passe le Rhin, si j’ai bonne mémoire. […] En revanche, voilà cinquante ans et plus que Meyerbeer règne en maître sur toute la France ; les succès glorieux des opéras de Weber et de Mozart, la vogue des ouvrages de M. de Flotow, sont dans toute les mémoires.
Le caractère général industriel et positif de l’Italie actuelle n’est plus celui que constatait Stendhal, au commencement de ce siècle, ni celui de ses Chroniques italiennes ou des Mémoires de Benvenuto Cellini. […] Cela est vrai ; mais une perception n’est nullement un acte simple, passif, constant pour tous devant un objet identique ; les facultés les plus hautes, la mémoire, l’association des idées y participent ; on doit l’assimiler rigoureusement à une opération aussi compliquée qu’un raisonnement17 de sorte que, dès qu’il s’agit de perceptions complexes et esthétiques, les différences individuelles deviennent énormes. […] Huysmans, dans les Sœurs Vatard) sera jugée bonne par un lecteur non pas simplement en raison de son extrême exactitude, mais si elle correspond à la « manière de voir » de ce dernier, c’est-à-dire à la qualité de ses sens, à sa mémoire des formes et des couleurs, à tout le mécanisme interne qu’il lui a fallu pour transformer ses sensations d’un spectacle analogue, en un souvenir semblable à celui que l’auteur s’efforce d’évoquer.
Ils ont publiquement pris en main la cause de filous condamnés pour vol ; ils avaient des amis ; quand ces amis furent morts, ils écrivirent, sous prétexte d’honorer leur mémoire, d’infâmes libelles qu’ils n’osèrent même pas signer et qu’ils avaient glanés sans doute dans les rognures des manuscrits du marquis de Sade ; en faisant ainsi, en accumulant monstruosités sur monstruosités, en crachant sur tout, en calomniant tout, hélas ! […] Nous ferons remarquer, pour mémoire, que le mot Acropole ne se trouve même pas dans le Dictionnaire de l’Académie française. […] J’affirme l’esprit sinon la lettre ; je cite de mémoire.
Bon dans les cités primitives, avant l’écriture, quand les hommes s’amusaient de cette musique du langage et que par elle ils gardaient dans leur mémoire les choses dignes d’être retenues. […] Et la critique y est aidée par une sorte de mémoire obscure des temps où nous ne vivions pas encore, et d’aptitude à les imaginer. […] C’est que les impressions lointaines s’arrangent d’elles-mêmes en faisceau ; la distance les agrège et les compose, et c’est d’ailleurs parce qu’elles sont ainsi groupées qu’elles restent dans la mémoire. […] C’est dans les Mémoires et les correspondances qu’il faut les chercher. […] Et qui sait si la mémoire de cette personne accomplie ne lui est pas aussi douce que le serait aujourd’hui sa présence ?
» cette naïveté cynique, qu’il met sous la plume d’une de ses héroïnes, écrivant à une amie (Mémoires de deux jeunes mariées), pourrait s’appliquer à lui-même. […] Nous allons faire de même pour M. de Balzac, et on ne saurait rendre un plus grand service à sa mémoire. […] C’est aussi cette faute qu’ont commise nos illustres, lorsqu’ils nous ont répété et expliqué dans les Mémoires de leur âge mûr ce qu’ils nous avaient si bien dit dans leur jeunesse. […] Michaud, de spirituelle mémoire, à qui on apportait un jour un poëme de vingt-quatre mille vers, répliquait : « Que voulez-vous que j’en fasse ? […] Il rédige un mémoire en faveur de Calas : puis il écrit à Moultou : « Voilà à peu près, monsieur, comment je voudrais finir le petit ouvrage en question.
Ô mémoire de Tristan ! […] Elle est comme une pensée cherchée toute la vie et qui se fait de plus en plus prochaine, comme les battements, qui passionnément s’augmentent, de la mémoire et comme la délivrance de découvrir enfin ténébreuse, infinie, chargée de mort et de joie, la parole tant désirée. […] Alors, parmi le silence désert et distinct des plateaux, s’élève une allégresse pleine de mémoire, une joie cadencée pareille à la consolation des plus anciens regrets. […] Couchés immobiles auprès des danses, les chefs, au fond de leur mémoire basse comme une voûte, revoient des villes. […] Ménalque lui enseigne à se dépouiller de plus en plus, à laisser tomber à chaque instant son passé, à se priver de mémoire : C’est du parfait oubli d’hier que je crée la nouvelleté de chaque heure304.
Il joignoit à une mémoire prodigieuse une application pareille à l’étude. […] Il les remplissoit de ses extraits, ou du moins de mémoires & de réflexions qu’il en voyoit à leurs auteurs. […] Aussi l’ont-ils chargé d’invectives, & déchirent-ils encore sa mémoire. […] Sa mémoire est encore chère à bien des ames élevées & républicaines. […] Il plaida lui-même sa cause, & fit un mémoire, par lequel il fut déclaré capable de gérer ses biens.
Toutefois, un mot encore pour en rafraîchir les termes dans notre mémoire. […] Les plus antiques témoignages de l’existence des sociétés perdues dans la nuit des temps sont des débris de terre cuite, qui ont servi de tombeaux à des générations dont le nom s’est effacé de la mémoire des hommes. […] Mais ces révélations, qui n’auraient aucun inconvénient pour sa mémoire, exigeraient des développements qui ne peuvent trouver place ici et qui ne rempliraient pas le but, principalement littéraire, que je me propose. […] Il est, lui, le critique par excellence de la vie humaine ; c’est lui qui a écrit, non pas pour le seul plaisir de l’imagination, mais pour les archives de l’histoire des mœurs, les mémoires du demi-siècle qui vient de s’écouler. […] Si ma mémoire m’eût permis de les retenir toutes, je ne me croirais pas le droit de les rapporter sans beaucoup de choix et de respectueuse circonspection.
Sa mémoire et son intelligence le firent profiter en peu de temps des leçons de celui-ci et de la fréquentation de ceux-là. […] « Aussitôt qu’elle fut logée dans La Grange, nous dit l’abbé Daniel de Cosnac dans ses Mémoires, elle proposa d’envoyer chercher des comédiens. […] On veut que la physionomie du personnage soit demeurée dès ce jour-là dans la mémoire du futur auteur du Tartuffe. […] On le rencontre non moins souvent encore dans un monument historique du même temps, les Mémoires du cardinal de Retz. […] Il est aussi ridicule qu’injurieux pour la mémoire de deux grands hommes de penser un seul instant que l’un eût osé proposer une aussi licencieuse mascarade, et que l’autre se fût oublié au point de l’autoriser.
Une particularité de composition, chez Piron, et qui lui est commune avec d’autres poëtes, mais qu’il poussait plus loin qu’aucun, c’est qu’il travaillait de mémoire ; il avait non pas lu, mais récité ses Fils ingrats à l’assemblée des comédiens, de manière que la pièce avait été reçue avant que l’auteur en eût écrit un seul vers. […] « Je me rappelle, disait Fréron, l’avoir entendu dans une société déclamer ainsi toute sa tragédie de Fernand Coriez, qu’il avait entièrement composée de mémoire, et dont il n’avait pas encore écrit un seul vers. » Il se montait à lui-même la tête en récitant d’un air de rhapsode, et il se refusait ensuite aux corrections et observations des comédiens. — Mais Voltaire, lui disait-on, s’y prête bien et corrige. — « Il travaille en marqueterie, répondait Piron ; moi, je jette en bronze ! […] Et tant d’autres saillies ; des mots à jamais fixés pour toutes les mémoires et qui font partie de toute conversation un peu lettrée, qui sont de la monnaie courante : Est-ce vous qui parlez ou si c’est votre rôle ? […] Mémoires du duc de Luynes, t.
Ajoutons pour mémoire un écrit sans nom d’auteur, composé pendant les orages de la loi des élections, en juin 1820214, et distribué aux Chambres, et l’on aura idée de la part très-active que prit M. de Rémusat à la politique dans cette première période de la Restauration. […] Ces Mélanges, ainsi interprétés, sont une suite de chapitres composant des mémoires intellectuels. […] Il fut conduit par cette étude à faire plusieurs mémoires détachés, qui pouvaient cependant se ranger dans un certain ordre, et il songea à rallier le tout au moyen d’une introduction. […] N’est-ce pas là un unique hommage rendu à la mémoire du mort et aussi au talent approprié du vivant ?
En même temps il se pénètre des poëtes romains ; il les sait par cœur, même les plus affectés, même Claudien et Prudence ; tout à l’heure en Italie les citations vont pleuvoir de sa plume ; de haut en bas, dans tous les coins et sur toutes les faces, sa mémoire est tapissée de vers latins. […] Quand il a voyagé en Italie, ç’a été à la manière anglaise, notant les différences des mœurs, les particularités du sol, les bons et mauvais effets des divers gouvernements, s’approvisionnant de mémoires précis, de documents circonstanciés sur les impôts, les bâtiments, les minéraux, l’atmosphère, les ports, l’administration, et je ne sais combien d’autres sujets902. […] Il allègue très-noblement comme excuse qu’il ne joue pas pour le gain ; qu’il se livre à un plaisir innocent ; qu’il vaut mieux passer sa soirée de cette façon qu’à jouer ou à boire… Le caractère de ce gentleman est un si heureux mélange de douceur et de férocité qu’il surpasse ses deux prédécesseurs et attire de plus grandes foules de spectateurs qu’on n’en vit de mémoire d’homme… J’ai raconté ce combat du lion pour montrer quels sont à présent les divertissements favoris des gens bien élevés de la Grande-Bretagne. » Il y a beaucoup d’originalité dans cette gaieté grave. […] Ce sont des contes grecs ou orientaux, des voyages imaginaires, la vision d’un voyant écossais, les Mémoires d’un rebelle, l’histoire des fourmis, les métamorphoses d’un singe, le journal d’un oisif, une promenade à Westminster, la généalogie de l’humour, les statuts des clubs ridicules ; bref une abondance intarissable de fictions agréables ou solides.
Le lecteur est libre de conjecturer le reste ; Dickens le lui apprendra un jour, quand il écrira ses mémoires. […] Jamais objets ne sont restés plus visibles et plus présents dans la mémoire du lecteur que ceux qu’il décrit. […] Vous n’écrirez que des vies, des aventures, des mémoires, des esquisses, des collections de scènes, et vous ne saurez pas composer une action. — Mais si le goût littéraire de votre nation, joint à la direction naturelle de votre génie, vous impose des intentions morales, vous interdit la grande peinture des caractères, vous défend la composition des ensembles, il offre à votre observation, à votre sensibilité et à votre satire, une suite de figures originales qui n’appartiennent qu’à l’Angleterre, qui, dessinées par votre main, formeront une galerie unique, et qui, avec l’image de votre génie, offriront celle de votre pays et de votre temps. » 3. […] L’orgueil d’un tel homme n’est pas petit, il est terrible ; il est si tranquille et si haut, que, pour en trouver un semblable, il faudrait relire les Mémoires de Saint-Simon.
On dit que, sur ces bords où règne ta mémoire, Une lyre à la main tu mendiais ta gloire ! […] Ainsi s’élance la pensée de l’homme qui jadis a parcouru de nombreuses contrées ; il se les retrace dans son esprit avec une mémoire intelligente, se disant : J’étais ici, j’étais là, et se représentant une foule de souvenirs. […] Nous pensons plutôt qu’aux époques où Pisistrate et Alexandre le Grand recueillirent de la bouche des rapsodes ces chants immortels, épars dans la mémoire des homérides, les éditeurs du poème déplacèrent machinalement ces jeux de la place qu’Homère leur avait assignée dans sa composition, et reléguèrent à la fin ce qui ne pouvait avoir de convenance et de beauté qu’au commencement du poème. […] Les Grecs de ce temps, qui avaient gravé ce poème dans leur mémoire, avaient-ils besoin d’autre livre ?
Chaque genre se personnifie dans un nom : la tragédie dans Racine ; la comédie dans Molière ; la fable dans La Fontaine ; la philosophie morale dans La Rochefoucauld d’abord, puis dans La Bruyère ; l’éloquence chrétienne dans Bossuet, Bourdaloue et Fénelon ; le genre épistolaire dans Mme de Sévigné ; les Mémoires dans Saint-Simon. […] Ce n’est pas la femme qui se révolte à l’idée d’entrer dans le lit du meurtrier de sa famille ; c’est la veuve d’Hector qui résiste à immoler au salut du fils la fidélité qu’elle doit à la mémoire du père. […] Ces caractères appartiennent à l’histoire et point aux mémoires. […] Mémoires de Louis Racine.
Après avoir été dans l’Apologie un biographe exact et précis, il n’a pas craint, malgré son pieux respect pour la mémoire de Socrate, de commencer cette légende dans le Banquet, dans le Théétète, et ailleurs ; son imitateur, l’auteur du Théagès, y a ajouté quelques traits ; puis sont venus les auteurs inconnus184 auxquels Cicéron, Diogène Laërce et Plutarque ont emprunté des anecdotes aussi puériles que merveilleuses ; bientôt l’interprétation prend des allures alexandrines, et tout esprit critique a disparu des intelligences avant que le merveilleux socratique ait été l’objet d’une exégèse scientifique185. […] Si, dans la rue, j’aperçois un ami qui vient à moi, ou bien si je suis devant sa porte, attendant qu’il réponde à mon appel, je passe naturellement de la parole intérieure calme et toute personnelle à une sorte de répétition préalable de la conversation que je vais avoir ; malgré moi, le bonjour et d’autres mots plus particulièrement adaptés à la circonstance me viennent à la mémoire. […] Mais cette heureuse habitude de la mémoire est acquise ; chez beaucoup, elle n’existe pas ; chez personne elle n’est absolument parfaite. […] « Provost père contait une anecdote qui est demeurée légendaire et dont le héros, si j’ai bonne mémoire, est le célèbre acteur Monvel.
En vain nous ferions observer que dans la série animale cette souffrance est loin d’être ce que l’on pense : sans aller jusqu’à la théorie cartésienne des bêtes-machines, on petit présumer que la douleur est singulièrement réduite chez des êtres qui n’ont pas une mémoire active, qui ne prolongent pas leur passé dans leur présent et qui ne sont pas complètement des personnes ; leur conscience est de nature somnambulique ; ni leurs plaisirs ni leurs douleurs n’ont les résonances profondes et durables des nôtres : comptons-nous comme des douleurs réelles celles que nous avons éprouvées en rêve ? […] Rappelons seulement que l’observation, par les sens et par la conscience, des faits normaux et des états morbides nous révèle l’insuffisance des explications physiologiques de la mémoire, l’impossibilité d’attribuer la conservation des souvenirs au cerveau, et d’autre part la possibilité de suivre à la trace les dilatations successives de la mémoire, depuis le point où elle se resserre pour ne livrer que ce qui est strictement nécessaire à l’action présente, jusqu’au plan extrême où elle étale tout entier l’indestructible passé : nous disions métaphoriquement que nous allions ainsi du sommet à la base du cône. […] Matière et Mémoire, Paris, 1896.
Quel tort cela peut-il faire à votre mémoire ? […] Ce sont des mémoires pour ne pas servir à l’histoire de son temps. […] Elle ne laisse presque rien dans la mémoire. […] Dans les Persanes, nous aurons des histoires de harem et les mémoires d’un eunuque. […] … Vous vous sacrifiez un peu trop dans cette belle préface de vos Mémoires… N’aviez-vous pas des droits très réels ?
Mais j’ai dû reconnaître que, n’ayant mon art. ni sous les yeux ni dans la mémoire, je ne devais pas risquer cette intercalation, et j’y ai renoncé. […] 22 mars 47 (de Vinet fils) : Dans le second article sur Michelet, à l’endroit où mon père dit, d’après Commines, que Louis XI fut plus malheureux que ses victimes, il faudrait renvoyer en note aux Mémoires de Commines, livre VI, chap. 12. […] Mais quant à l’autre, honteux d’en entretenir si longtemps et son jeune lecteur et sa propre mémoire, il se dit : Où en suis-je moi-même ? […] Pourquoi donc cela n’est-il touché que vaguement dans ses mémoires ? […] Après cela, on pourra, reposé et rafraîchi, tourner de nouveau ses regards sur ce livre vertigineux, le considérer, le relire, au moins dans sa mémoire, avec un certain sang-froid, et peut-être en rendre une espèce de compte à ceux qui ne l’ont pas lu encore.
Bientôt il est saisi d’un insurmontable dégoût pour les pensées étrangères à celle qui l’occupe ; elles ne s’enchaînent point dans sa tête, elles ne laissent point de trace dans sa mémoire.
. ; 3e édit. 2 vol in-12, 1701 ; Mémoires, dans les Oeuvres choisies, Paris, in-8, 1826 ; Contes de ma mère l’Oye, petit in-12, 1697.
II, lett. 16) des envahissements de la physiologie ; il prétend même que la connaissance des faits physiologiques n’éclaircit pas celle des faits psychologiques, que quand même nous connaîtrions les conditions matérielles de la mémoire, de la perception, etc., nous n’en saurions pas mieux ce que c’est.
. — Crevez-les, madame, puisqu’ils n’ont pas fait tout ce que je voulais. » On voit dans les mémoires de Madame, que madame de Ludres finit par se retirer dans un couvent à Nancy, où elle vécut jusqu’à un âge fort avancé.
Les Jésuites ont été long-tems en possession d’un Journal connu sous le titre de Mémoires pour l’histoire des sciences & des beaux arts.
Chantez de nous ce que vous en aurez vu, que notre mémoire dure éternellement dans notre patrie, et que ce soit la récompense du sang que nous aurons versé pour elle. " ces hommes sacrés étaient également respectés des deux partis.
Nous voïons par l’exemple de nos ancêtres, et par ce qui se pratique encore aujourd’hui dans le nord de l’Europe et dans une partie de l’Amerique, que les premiers monumens historiques que les nations posent pour conserver la mémoire des évenemens passez, et pour exciter les hommes aux vertus les plus necessaires dans les societez naissantes, sont des poësies.
Jusque-là tout était parfait, — un peu ardent peut-être, — mais enfin…, bien, et, catholique comme je le suis, je n’aurais été qu’édifié de cette conduite et je n’en aurais parlé que discrètement et pour l’édification des âmes, si la trop crâne dévote qui avait effarouché les Pères de la Terre-Sainte ne s’était pas avisée de publier le livre que je vous annonce ; livre qui tient tout à la fois des Mémoires et du Roman, et dans lequel, Mme Marie-Alexandre Dumas, nous parle d’elle-même sans guimpe ni voile, et de son couvent et de sa cellule et de ses communions, comme de choses officielles et connues, que tout le monde doit savoir, sans explication préalable, et si ce livre n’avait pas la portée voulue d’une prédication mauvaise à entendre, et compromettante pour qui la fait… Certes, je ne veux pas ici nier la pureté d’intention, ni même la ferveur d’âme de l’auteur d’Au lit de mort, mais je dis que, même après la péripétie de la conversion, on n’a peut-être point dans cette dramatique famille Dumas, une idée bien nette de la sainteté !
Très au-dessous de Charles-Quint, son père, dont il n’avait, si l’on en croit ses portraits, que la mâchoire lourde et les poils roux dans une face inanimée et pâle ; ce scribe, qui écrivait ses ordres, défiant qu’il était jusque de l’écho de sa voix ; ce solitaire, noir de costume, de solitude et de silence, et qui cachait le roi net (el rey netto), au fond de l’Escurial, comme s’il eût voulu y cacher la netteté de sa médiocrité royale ; Philippe II, ingrat pour ses meilleurs serviteurs, jaloux de son frère don Juan, le vainqueur de Lépante, jaloux d’Alexandre Farnèse, jaloux de tout homme supérieur comme d’un despote qui menaçait son despotisme, Forneron l’a très bien jugé, réduit à sa personne humaine, dans le dernier chapitre de son ouvrage, résumé dont la forte empreinte restera marquée sur sa mémoire, comme il a bien jugé aussi Élisabeth, plus difficile à juger encore, parce qu’elle eut le succès pour elle et qu’on ne la voit qu’à travers le préjugé de sa gloire.
À en croire les Mémoires de Saint-Simon et de Duclos, c’était même un assez pauvre homme, officier général, il est vrai, mais qui n’avait pour toute poésie (car c’en est une !)
Et Beaumarchais, avec les deux chefs-d’œuvre de légèreté dont il orna le théâtre, et le troisième (ses Mémoires), dont il orna la littérature, eut tout son génie en gaîté, dans la plus vraie et la plus vive acception du mot, — et ni la satire politique qu’il aiguisait, de toutes les satires la plus cruelle, ni le craquement d’un monde qui s’en venait bas et dont il précipita, lui aussi !
Il en reprend les transformations et les décrit, — ou plutôt il les fait décrire aux autres ; car ce livre de l’Intelligence n’est que le livre de la mémoire.
Littérairement trop martelé, trop retentissant des hugotismes qui tyrannisent la mémoire ou la pensée de l’auteur, il a parfois des pages d’une certaine grâce et même d’une certaine force ; mais tout cela se noie et se perd dans l’absurdité d’un système (si on ose ainsi nommer de telles billevesées) qui a eu sur Paul Meurice la même influence que sur son livre et sur son héros.
Ingres parmi un certain monde, dont l’oreille a plus de mémoire que les yeux.
On compare l’empire qu’il a sur la terre avec l’empire éternel que Dieu a sur le monde ; on le peint comme ayant un commerce immédiat avec la divinité, et on l’invite à faire part aux fidèles (quand il en aura le temps) de cette foule infinie d’apparitions, de visions, de songes célestes où Jésus-Christ s’est manifesté à ses regards, et de beaucoup d’autres mystères inconnus à tout le monde, excepté à lui, et qui restent déposés dans sa mémoire impériale comme dans un trésor ; enfin, on le loue, on le trompe, on l’instruit ; et le zèle adroit, mêlant le style de la chaire et celui de la cour, lui prodigue à la fois les flatteries et les leçons.
Le poëte qui eut le malheur d’être accueilli par Domitien, et dont les vers, dans leur énergie monstrueuse, ont emprunté quelque chose à la folie du pouvoir qu’ils adulaient, a trouvé de purs et derniers accents pour honorer la mémoire de Lucain et célébrer dans la maison de sa veuve l’anniversaire de sa naissance.
Ainsi ce pieux ivrogne de Louis Racine a-t-il traité la mémoire paternelle. […] J’ai entendu également un avocat affirmer que ses confrères ont peur que, si on multiplie les textes (surtout sur des sujets qui ne les intéressent pas), leur mémoire ne les retienne plus et que leur raison ne s’y perde. […] Les lois et les coutumes sont ainsi faites que les siens veillent sur sa mémoire, mais le plus souvent pour la détruire. […] En tout cas, il lui est interdit de les défigurer sous le fallacieux prétexte de « respecter leur mémoire ». […] Nous ne connaissons les principaux faits d’une époque (les années 1914-1918 entre autres) que par des discours, des mémoires, des souvenirs officiels.
Les grandes et parfaites peintures, les chefs-d’œuvre mûrs n’enfoncent pas en vous un si parfait souvenir de figures : seules, ces femmes peintes des Primitifs s’attachent à vous comme la mémoire d’êtres rencontrés dans la vie. […] Il arrive un moment dans la vie, où comme dans les exhumations, on pourrait ramasser les restes de ses souvenirs et de ses amis, dans une toute petite bière, dans un bien petit coin de mémoire. […] La parole est abondante, toutefois sans grand brillant, et sans le mordant de l’esprit, et sans la couleur du verbe ; ce ne sont que des faits, des faits curieux, des faits paradoxaux, des faits épatants, qu’il tire d’une voix enrouée du fond d’une immense mémoire. […] Comme je revenais, j’avais encore dans la mémoire des yeux le visage d’une des bohémiennes : le visage d’une vierge de grand chemin. […] À côté de la princesse, la comtesse Primoli lit silencieusement les Mémoires de Mlle de Montpensier, et derrière la princesse, Hébert lave une aquarelle d’après l’Italienne qu’elle peint.
Cependant les autres Académies, — l’Académie des sciences, l’Académie des inscriptions, — publiaient des Comptes Rendus, des volumes entiers de toute sorte de Mémoires. […] que les jugements de Grimm dans sa Correspondance, et de Marmontel dans ses Mémoires, soient devenus les nôtres ? […] De son temps, autour de lui, et avant ou depuis lui, comptez, si vous voulez être juste envers sa mémoire, combien il y en a par chaque siècle dont on puisse faire un semblable éloge. […] La mémoire de Victor Hugo paye en ce moment pour les adulations excessives et les flagorneries démesurées auxquelles je me suis imaginé quelquefois qu’en mourant il avait voulu se soustraire. […] Pour arriver jusqu’à sa pensée il faut subir sa rhétorique ; mais il a sa façon de penser, enveloppée ou contenue dans sa façon de sentir ; et si nous voulons être équitables à sa mémoire, il nous faut apprendre qu’il y a une manière de le lire.
Artiste à un haut degré par Corinne, Mme de Staël demeure éminente en ses autres développements, à titre de politique, de moraliste, de critique et d’écrivain de mémoires. […] La préface des Etudes historiques fait foi de cette communication plus expansive ; mais surtout le monument dernier qu’il prépare contiendra, de Mme de Staël, un portrait et un jugement, le plus grandiose, le plus enviable assurément, le plus définitif pour une telle mémoire. […] Ce dernier, dans ses Mémoires, a parlé de Mme de Staël d’une manière affectueuse et admirative, malgré quelques légèretés de ton pour l’oracle. […] Constant, je ne crois pas que tous les hommes soient Adolphe, mais les hommes à vanité. » Byron lui-même a dit en ses Mémoires : « Je vous envoie l’Adolphe de B. […] L’original d’Ellénore était Mme Lindsay, celle que M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires, appelle la dernière des Ninons. — Ce qui pourtant ne veut pas dire qu’il ne s’y soit glissé plus d’un trait applicable à la liaison de l’auteur et de Mme de Staël.
Il faut toujours avoir présent à la mémoire ce principe fondamental : Tout état intellectuel est accompagné de manifestations physiques déterminées. […] Si l’appareil moteur n’avait pas sa mémoire, ses images ou résidus, aucun mouvement ne pourrait s’apprendre et devenir habituel : tout serait toujours à recommencer. […] L’attention est un état momentané, provisoire, de l’esprit ; ce n’est pas un pouvoir permanent comme la sensibilité ou la mémoire. […] Aussi chez les maniaques il y a parfois une exaltation extrême de la mémoire ; ils peuvent réciter de longs poèmes, depuis longtemps oubliés. […] Ce n’est que l’animal capable d’expérience, c’est-à-dire de mémoire et de réflexion, qui peut rechercher ou éviter pour eux-mêmes les états agréables ou désagréables qu’il a déjà éprouvés.
Tout en rédigeant le mémoire qui, manifestement, ne ferait qu’effleurer un sujet aussi magnifique, aussi vaste, et qui exerce, depuis trois mille ans, la subtilité des philosophes, l’idée m’était venue de proposer aux « nouvelles littéraires » une série d’éclaircissements. […] Ainsi, notamment, pour les précieux mémoires de M. […] Au cours d’un remarquable mémoire, M. […] Car pas plus dans son mémoire que dans sa lettre, il n’arrive à sortir la musique verbale du nuage psychologique d’où, pour son plus grand pouvoir, elle émane. […] Revenons d’abord au mémoire de M.
Carjat qui se trouvait en face ou tout comme, la lame dégainée qui ne fit pas heureusement de très grands ravages, puisque le sympathique ex-directeur du Boulevard ne reçut, si j’en crois ma mémoire qui est excellente dans ce cas, qu’une éraflure très légère à une main. […] Une illustre mémoire, une étincelante personnalité se sont, sur les planches et par le livre, manifestées en pleine lumière de la rampe et de la publicité. […] Cela ne vous remet-il pas en mémoire le pavé de l’ours ? […] Barbey d’Aurevilly, qui trouve moyen d’exalter la Comédie humaine à propos.… des Mémoires d’une femme de chambre ? […] J’en connais même des vers, et non des moins intéressants, que mon pauvre ami m’avait communiqués verbalement, en grande quantité, grâce à sa prodigieuse mémoire.
Il n’aura de mémoire Que du jour seulement où mon front l’a porté. […] Chacun écrit ainsi, avec un zèle excessif, les mémoires de son amour-propre, croyant de bonne foi écrire ceux de Béranger. […] Ce que Béranger marque avec soin, c’est la nature tout intime et personnelle de ses mémoires. […] Il me paraît y avoir, dans cette sorte de critique, un déplorable système de chicane contre une mémoire illustre. […] Béranger n’a pas fait de ses mémoires posthumes un arsenal d’épigrammes contre ses contemporains.
Et toujours cette éclosion brusque d’un sentiment, sans doute fugitif, mais si vif, qu’il est pour moi inoubliable, fixe du même coup, dans ma mémoire, le décor et les circonstances dans lesquels il s’est produit. […] C’est ce qui me frappa surtout dans cette scène, et la marqua dans ma mémoire. […] La preuve que j’avais surtout compris cela est écrite dans ma mémoire par un incident moral, pour ainsi dire, que je fus seule à connaître. […] J’avais beaucoup de mémoire, une curiosité très vive. […] Elle vécut longtemps, cependant, et dans ma mémoire ne s’effaça pas.
En voici quelques-uns, tels qu’ils se présentent à ma mémoire. […] … « C’est que la colère ne naît que dans les êtres susceptibles de raison… » Dites de mémoire et de sentiment. […] N’est-il pas également honteux de ne pas connaître vos esclaves, si vous en avez peu, ou d’en avoir un si grand nombre, que votre mémoire n’y suffise pas ?
Il s’est signalé par des œuvres de charité, il est mort plein de mérites, et sa veuve a voulu consacrer sa mémoire en construisant un asile qui portera le nom du défunt. […] Elle l’a éloigné pour qu’il ne connût point l’ignominie paternelle ; et elle a tout fait ensuite pour que la mémoire du mort fût respectée de son fils. […] C’est de mémoire que je vous en parle. […] Suis-je dupe de cet attendrissement bête qui nous prend quand le meilleur de notre passé nous revient à la mémoire ? […] Car, à coup sûr, sa mémoire dramatique pourrait suggérer à sa douleur un autre thème de développement, d’autres cris, une autre attitude.
Les productions antérieures dont Virgile a profité dans sa Didon manquent trop de cet ensemble et de cette conduite qui ménage en tout point le charme ; ce n’est pas à dire qu’elles ne méritent pas d’être plus connues, et de vivre dans la mémoire plus près du chef-d’œuvre auquel elles ont puissamment aidé. […] Elles railleront son indigne fin et entacheront d’infamie sa mémoire. […] En n’arrêtant pas à temps son plus aimable personnage, et en manquant (du moins d’après nos idées modernes) cette fin de son poëme, Apollonius a-t-il mérité de rester si peu avant dans la mémoire des hommes, d’être si peu lu ou si rarement cité ?
Il est là, toujours le même, toujours dans ses livres, avec sa mémoire, son intelligence, son ironie restée debout. […] Pélissier ayant en mémoire l’assaut manqué du 18 juillet, se refusa à donner l’assaut demandé par l’Empereur. […] Ce mort a réveillé une image dans ma mémoire : le supplicié par le garrot de Goya.
Horace Vernet a suivi la même méthode ; grâce à cette méthode de feuilletoniste, la mémoire du spectateur retrouve ses jalons, à savoir : un grand chameau, des biches, une tente, etc… — vraiment c’est une douleur que de voir un homme d’esprit patauger dans l’horrible. — M. […] Que l’auteur songe aux clameurs qui accueillirent le Dante et Virgile, et qu’il persévère dans sa propre voie ; bien des railleries malheureuses tomberont encore sur cette œuvre, mais elle restera dans la mémoire de quiconque a de l’œil et du sentiment ; puisse son succès aller toujours croissant, car il doit y avoir succès. […] Oserons-nous, après avoir si franchement déployé nos sympathies (mais notre vilain devoir nous oblige à penser à tout), oserons-nous dire que le nom de Jean Bellin et de quelques Vénitiens des premiers temps nous a traversé la mémoire, après notre douce contemplation ?
Lassay qui, à la mort du prince de Conti, donna sur lui le mémoire qui servit à l’Oraison funèbre prononcée par Massillon (1709), en a tracé un autre portrait ou caractère beaucoup plus vrai, ce me semble, et plus réel, quand ce prince vivait encore. […] [NdA] Le marquis de Lassay voyait et estimait beaucoup l’abbé Terrasson, auteur de Séthos (voir les fragments de Mémoires de Duclos).
Elle le connaît, en effet ; elle l’a abordé dans l’original ; et ceci me remet en mémoire une phrase charmante d’une de ses lettres, écrite vers la fin de 1848 où au commencement de 1849, dans un temps où on la croyait plus occupée qu’elle ne l’était de politique. […] Benoist (car je pense à lui) interroge l’inépuisable et bienveillante mémoire du comte Adolphe de Circourt ; elle ne lui fera pas défaut pour toutes ces illustres anecdotes de l’éloquence parlementaire anglaise depuis plus d’un siècle.