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1075. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Ces vieux types de la création primitive ont leur caractère de puissance brutale ou terrible. […] Nulle part je ne le vois enthousiasmé, entraîné par le sentiment du beau idéal dans le caractère humain. […] En 1826, il organisa une imprimerie, puis une fonderie de caractères. […] J’entends dire que dans l’intérêt de son caractère sa correspondance privée n’eût peut-être pas dû être entièrement publiée. […] C’était la maladie d’un grand caractère, et la nôtre prépare peut-être la santé d’un grand siècle.

1076. (1930) Le roman français pp. 1-197

Ce sont ces grands lieux communs, ce sont ces caractères généraux qui font l’immortalité de l’œuvre balzacienne. […] Toutefois il est des œuvres d’un caractère intermédiaire. […] Celui-ci ne part pas directement de l’observation des caractères. […] Il veut créer des caractères, des types. […] Mais elle sait que sa force de caractère n’égale pas la ferveur de ses aspirations.

1077. (1888) Études sur le XIXe siècle

Boucher-Leclercq, ont vu en Leopardi un pessimiste de hasard, dont des circonstances plus heureuses auraient corrigé l’amertume et changé le caractère ; les autres, M.  […] Rossetti, de Holman Hunt et de Burne Jones, les plus remarquables qu’ait produites l’École, et celles qui nous en livrent le mieux les caractères. […] Une ballade, un refrain populaire suffisent pour vous représenter un instant ce caractère sous les traits les plus arrêtés et les plus frappants. […] Mais c’est un caractère faible, et par conséquent victime de tous les imbroglios. […] Capuana — et par là il tente d’élargir le cadre dans lequel il se meut de préférence — donne du caractère exceptionnel la définition légèrement paradoxale que voici.

1078. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Dans tous les cas, il y a sur Leopardi, comme sur Molière, bien d’autres caractères distinctifs qui frappent à première vue. […] Le caractère de ces premières pièces et de celles qui suivirent est grandiose, mâle, généreux, et d’une inspiration patriotique aussi élevée que douloureuse. […] Le caractère technique et la qualité des vers de Leopardi seraient à déterminer : il emploie assez volontiers, mais non pas du tout exclusivement, ni même le plus habituellement, les sciolti : à quelle école appartiennent les siens ? […] Il faudrait analyser chacune des canzones nouvelles de ce volume, car chacune a son caractère et ses beautés. […] Ce commentaire affecte un ton de plaisanterie assez opposé d’ailleurs à son caractère, et n’a été écrit qu’en vue de la circonstance, pour faire pièce à quelques pédants à qui il se plaît à en remontrer en fait de classique.

1079. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Il est vrai que la facilité de l’opération, et le caractère simplement approximatif du résultat qu’elle donne, devraient nous mettre en garde contre elle. […] Nous savons ce qu’il faut penser de la transmissibilité des caractères acquis. […] Elle repose à peu près entièrement sur l’idée de la transmission héréditaire des caractères acquis. […] La dernière guerre, avec celles qu’on entrevoit pour l’avenir si par malheur nous devons avoir encore des guerres, est liée au caractère industriel de notre civilisation. […] Sur la thèse de la transmissibilité des caractères acquis, et sur un évolutionnisme qui se fonderait sur elle, voir L’Évolution créatrice (chap. 1er).

1080. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

C’est du critique seul que je m’occuperai aujourd’hui, et il le mérite bien par le caractère singulier, neuf, piquant, paradoxal, bien souvent sensé, qu’il nous offre encore, et qui frappa si vivement non pas le public, mais les gens du métier et les esprits attentifs de son temps. […] L’art, le génie de Haydn, le caractère de cette musique riche, savante, magnifique, pittoresque, élevée, y sont présentés d’une manière sensible et intelligible à tous. […] Il commence cette petite guerre qu’il fera au caractère de notre nation, chez qui il veut voir toujours la vanité comme ressort principal et comme trait dominant : « La nature, dit-il, a fait le Français vain et vif plutôt que gai. » Et il ajoute : « La France produit les meilleurs grenadiers du monde pour prendre des redoutes à la baïonnette, et les gens les plus amusants. […] Il nous accuse d’être sujets à l’engouement, et à un engouement prolongé, ce qui tient, selon lui, au manque de caractère et à ce qu’on a trop de vanité pour « oser être soi-même ».

1081. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Balzac, s’il avait été ici mieux avisé, et si le besoin de fumée et d’encens ne l’avait séduit, se serait pourtant méfié de Costar, caractère peu droit, très compliqué, atteint non seulement de la passion mais du vice littéraire, ne songeant qu’à se faire un nom, à faire preuve d’esprit curieux et superfin, et qui, une fois amorcé sur cette question chatouilleuse, n’y devait plus voir qu’une occasion de s’insinuer dans la renommée, à la suite et à la faveur du nom de Voiture. […] Parlant de cette patrie excellente de Voiture : « Il n’est rien, disait-il, qui sente mieux le sel attique ou l’urbanité romaine. » Girac allait plus loin, il voyait dans quelques-unes des lettres de Voiture un caractère moral assez marqué pour qu’on pût se représenter une image de l’âme de l’auteur, de ses mœurs, de son esprit plaisant et doux, de son agréable liberté de parole ; il citait comme exemple quelques-unes des lettres adressées à M. d’Avaux, et celle entre autres où il parlait de la duchesse de Longueville faisant diversion et lumière au milieu des graves envoyés germaniques au congrès de Munster. […] Il supposa d’abord inexactement que M. de Girac avait blâmé Voiture de ce qu’il n’écrivait point du tout dans le goût de Balzac, nihil Balzacianum, ce que M. de Girac n’avait pas exprimé de la sorte ni dans ces termes absolus : Il dit (c’est Costar qui parle) que M. de Voiture n’écrit pas de votre manière ; qu’il ne parle pas Balzac ; qu’il ne tient rien de ce noble caractère qui relève si fort vos pensées et vos paroles. […] Boileau, qui de bonne heure en fut investi, devait rendre au procès son vrai caractère et y apporter la vraie conclusion : il mit les parties dos à dos, et prononça l’arrêt sans appel par un tour, et un procédé bien simple, en contrefaisant la manière de l’un et de l’autre écrivain dans deux lettres charmantes.

1082. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Un autre témoin fort digne d’être écouté à son sujet, Dutens, un esprit sérieux et solide, le premier éditeur complet de Leibnitz, Anglais d’adoption et de jugement, qui avait visité les principales Cours d’Europe et qui avait en soi bien des termes de comparaison, a parlé de ce prince dans le même sens que le président Hénault : « M. le prince de Conti était l’un des plus aimables et des plus grands hommes de son siècle : il avait la taille parfaitement belle (il dérogeait par là notablement à la race des Conti, qui avait la bosse héréditaire), l’air noble et majestueux, les traits beaux et réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard fier ou doux, suivant l’occasion ; il parlait bien, avec une éloquence mâle et vive, s’exprimait sur tous les sujets avec beaucoup de chaleur et de force ; l’élévation de son âme, la fermeté de son caractère, son courage et sa capacité sont assez connus en Europe pour que je me dispense d’en parler ici. […] Comme il soupait trois ou quatre fois la semaine chez Mme de Boufflers, et que j’étais logé chez elle, s’il ne me voyait pas au souper, il envoyait demander de mes nouvelles ; si j’étais dans mon appartement, incommodé, il venait quelquefois en prendre lui-même. » Dutens, quand il arriva à Paris avec le caractère de diplomate anglais, et chargé de lettres pour Mme de Boufflers, avait d’abord rencontré chez elle le prince de Conti auquel elle le présenta. […] La dignité même de votre caractère, aux yeux du monde, reprend son lustre, puisque les hommes voient le juste prix que vous mettez à votre liberté, et que, quelles que soient les passions de jeunesse qui vous aient séduite, vous ne voulez plus maintenant faire le sacrifice de votre temps, là où vous n’êtes pas jugée digne de tout honneur25. […] Les grâces inexprimables et délicates de votre caractère et de votre conversation, comme les douces notes d’un luth, sont perdues au milieu du tumulte du monde dans lequel je vous ai vue journellement engagée.

1083. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

La vallée du Chéliff, ou plutôt la plaine inégale et caillouteuse ravinée par le Chéliff, s’offre à nous avec son caractère d’aridité surprenante ; le peintre ici se montre tout à nu et nous rend le terrain dans sa crudité géologique, comme le ferait un Saussure qui saurait colorer aussi bien que dessiner : « Imagine (il s’adresse toujours à son ami) un pays tout de terre et de pierres vives, battu par des vents arides et brûlé jusqu’aux entrailles ; une terre marneuse, polie comme de la terre à poterie, presque luisante à l’œil, tant elle est nue ; et qui semble, tant elle est sèche, avoir subi l’action du feu ; sans la moindre trace de culture, sans une herbe, sans un chardon ; — des collines horizontales qu’on dirait aplaties avec la main ou découpées par une fantaisie étrange en dentelures aiguës, formant crochet, comme des cornes tranchantes ou des fers de faux ; au centre, d’étroites vallées, aussi propres, aussi nues qu’une aire à battre le grain ; quelquefois, un morne bizarre, encore plus désolé, si c’est possible, avec un bloc informe posé sans adhérence au sommet, comme un aérolithe tombé là sur un amas de silex en fusion ; — et tout cela, d’un bout à l’autre ; aussi loin que la vue peut s’étendre, ni rouge, ni tout à fait jaune, ni bistré, mais exactement couleur de peau de lion. » Après de telles pages, on n’a plus rien à demander au peintre pour le technique de son art : il s’est traduit en prose avec un ton égal à son objet. Mais l’homme, mais l’être sensible, on lui demande mieux, et nous le retrouvons dès le surlendemain, lorsque après une journée de marche dans la première plaine du sud, après une nuit passée au plus triste bivouac, au bord d’un marais vaseux et fétide, il décrit de la sorte l’impression qu’il reçoit de ce pays sans caractère et sans nom, qui n’est ni la vraie plaine, ni le vrai désert, et où il n’y a de vie que ce qu’il en faut pour mieux faire sentir la mort et l’abandon : « Était-ce fatigue ? […] Ils l’ont commencée du côté gauche du pavé, ils la continuent du côté droit ; c’est la seule différence qu’il y ait dans leurs habitudes entre le matin et le soir. » Voilà le commentaire du tableau : sur la toile, le dessin exact, le caractère et le ton fixe ; ici, les variations du plus au moins et la succession notée des divers moments. […] Fromentin ne se borne pas, dans ses Voyages, à l’expression directe du pays ; il s’inquiète de l’historique, du passé, des mœurs et du naturel des habitants, du caractère différent et individuel de ceux qu’à première vue on est porté à confondre.

1084. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Je ne dirai pas avec l’enthousiaste éditeur que, grâce à elle, on a maintenant « le dernier mot » du caractère de Collé. […] Un pur homme de lettres, Duclos, n’eût point entendu de cette oreille et eût trouvé ce genre de grâce au-dessous de son caractère. […] Une ou deux fois, Collé chercha à s’élever jusqu’à la scène de la Comédie-Française, et sa pièce de Dupuis et Desronais y eut un certain succès ; mais, dans cet ouvrage qui vise à être une pièce de caractère et dans le grand genre, on ne reconnaît plus que faiblement le joyeux Collé : il mit des années à faire cette comédie, à la limer et re-limer, à écouter et à peser les conseils ; elle était d’abord en prose, il la rima. […] Mais on n’est point obligé de l’être quand notre caractère ne nous y appelle pas.

1085. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

La proposition des députés suisses fut faite dans une assemblée générale convoquée au Chiabas le 23 mars ; la séance s’ouvrit par une prière que prononça le pasteur Arnaud ; retenez ce nom, déjà porté avec tant d’honneur en France depuis plus de quarante ans par un illustre persécuté : ici, dans les vallées, cet Arnaud n’est pas seulement un théologien, c’est un homme pratique, un grand caractère en action ; né dans le Dauphiné et d’abord pasteur français, il était devenu pasteur Vaudois, et de pasteur il devint capitaine quand il le fallut, et plus tard, comme Josué, conducteur de peuple. […] Deux hommes de grand caractère, un de leurs vieux pasteurs et guerriers, Javanel, depuis des années réfugié à Genève, et Arnaud, leur nouveau conducteur, organisèrent cette marche secrète et savante. […] Siège de Philisbourg. — Guerre de Piémont ; son caractère. — Victoire de Staffarde. […] Je sais que, toutes les fois qu’on parle de Catinat, il est de mode de dire beaucoup de mal de Feuquières ; Catinat n’eut pas à se louer de lui en deux circonstances, et il est plus que possible que Feuquières, en effet, par son caractère, et dans la pratique, ait eu quelques-uns des inconvénients qu’on lui a reprochés ; il faut bien croire, puisque tous l’ont dit, qu’il avait des vices de cœur : il n’en est pas moins vrai que, comme écrivain militaire, Feuquières est un esprit supérieur, et que la lecture de ses Mémoires ne soit un des livres qui donnent le plus à réfléchir.

1086. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Ainsi sommes-nous conduits à noter deux autres caractères de l’esprit de M.  […] IV Tous ces caractères de sa critique, vous les retrouverez dans les romans de M.  […] La situation de cet Hamlet moderne, d’un caractère si décidé, et qui n’hésite d’ailleurs pas un instant sur son droit, cette situation est telle que d’abord, étant donné le caractère de ce personnage, elle n’implique chez lui qu’un assez petit nombre de sentiments et fort simples, dont la description sans cesse recommencée devient un peu monotone, et qu’en outre nous ne nous intéressons pas très fortement à ce qu’il éprouve.

1087. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

L’un d’eux me déclarait naguère qu’il ne va jamais plus au théâtre ; j’insinuai alors que l’ahurissante stupidité des fabricants du jour était sans doute la cause de son indifférence : « Non, mon ami, me répondit-il ; n’accusez point l’impuissance de ces dégénérés ; s’ils savaient porter à la scène une intrigue adroite ou des caractères ingénieux, ils ne me feraient pas davantage sourire : par quelle nouveauté pourrait bien encore m’amuser une intrigue, « depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent » à bâtir des scénarios ? […] Les « caractères » me glacent plus encore ; aussi bien savons-nous qu’il en existe si peu en deçà de la rampe : tout au plus, dans leur universelle veulerie, le caractère de nos contemporains serait « de n’en pas avoir ». […] Ceci est un trait notable du caractère parisien curieux, gouailleur et naïf ; c’est peut-être quelque reste atavique d’une inclination, jadis normale, aux temps de vie plus chatoyante ; c’est surtout badauderie.

1088. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Il trouve à Mme de La Tour l’esprit net et lumineux ; mais il avait remarqué dès l’abord dans ses lettres un caractère d’écriture trop lié et trop formé, une régularité extrême d’orthographe, une ponctuation « plus exacte que celle d’un prote d’imprimerie », quelque chose enfin qui, à lui soupçonneux, lui avait fait croire un moment que ce pouvait être un homme qui se déguisait ainsi pour lui jouer un tour. […] Elle a un tort pourtant comme toutes les femmes de cette école de Rousseau : elle ne parle pas seulement de sa sensibilité et de ses grâces, elle parle de son caractère, de ses principes, de ses mœurs et de sa vertu. […] Elle publia, sans se nommer, une Lettre toute favorable au caractère de son ami, elle qui savait cependant si bien à quel point il pouvait se montrer injuste et injurieux sans cause. […] Chateaubriand, dans un jugement final, insistant sur le défaut essentiel du caractère, a dit de lui : Qu’un auteur devienne insensé par les vertiges de l’amour-propre ; que toujours en présence de lui-même, ne se perdant jamais de vue, sa vanité finisse par faire une plaie incurable à son cerveau, c’est de toutes les causes de folie celle que je comprends le moins, et à laquelle je puis le moins compatir.

1089. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Son caractère naturel est une supériorité aisée ; je ne saurais mieux le définir qu’une sorte de Montaigne adouci. […] Sans compter le plaisir désintéressé qu’il y a à revivre quelque temps en idée dans cette compagnie choisie, je répondrai avec une parole de Goethe, le grand critique de notre âge : Ce serait, dit-il en parlant de Mme de Tencin, une histoire intéressante que la sienne et celle des femmes célèbres qui présidèrent aux principales sociétés de Paris dans le xviiie  siècle, telles que Mmes Geoffrin, Du Deffand, Mlle de Lespinasse, etc. ; on y puiserait des détails utiles à la connaissance soit du caractère et de l’esprit français en particulier, soit même de l’esprit humain en général, car ces particularités se rattacheraient à des temps également honorables à l’un et à l’autre. […] La ressemblance de plusieurs traits essentiels me fait croire que la véritable clef de ce portrait peu connu est bien en effet celle-là : L’aimable Clarice est, sans doute, une des personnes du monde la plus charmante, et de qui l’esprit et l’humeur ont un caractère le plus particulier ; mais, avant que de m’engager à vous les dépeindre, il faut vous dire quelque chose de sa beauté. […] Il y en avait toujours dans ses récits : « ce qu’on appelle des contes dans la bouche des autres était dans la sienne des scènes parfaites », auxquelles, pour la ressemblance des caractères et pour le tour, il ne manquait rien.

1090. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Tous mes soins se portaient donc à présenter la vérité, mais sans la rendre effrayante ; de ce qui n’avait été qu’un tumulte, j’en faisais un tableau ; je cherchais et je saisissais, dans la confusion de ces bouleversements du sanctuaire des lois, les traits qui avaient un caractère et un intérêt pour l’imagination. […] Fidèle, en outre, au plan que nous nous sommes proposé dès l’origine, nous ne perdrons jamais de vue le précepte de Tacite : Praecipuum munus Annalium… « Mon dessein, disait Tacite en parlant des délibérations du Sénat sous Tibère, n’est pas de rapporter tous les avis des sénateurs ; je me borne à ceux qui offrent un caractère remarquable d’honneur ou d’opprobre, persuadé que le principal objet de l’histoire est de préserver les vertus de l’oubli, et de contenir par la crainte de l’infamie et de la postérité les discours et les actions vicieuses. » Ce fut le programme de Mallet, programme d’historien encore plus que de journaliste, a-t-on dit avec justesse. […] Il revient souvent sur ce rapport qu’il trouve entre l’effémination des caractères et la cruauté qui en est sortie. […] — « Il est de l’essence de la démocratie, pense-t-il encore, d’aller toucher le pôle tant qu’aucun obstacle ne l’arrête. » Analysant avec une force de dissection effrayante les idées fausses, vagues, les sophismes de divers genres qui ont filtré dans toutes les têtes au milieu d’une nation amollie et de caractères déformés par l’épicuréisme, Mallet du Pan montre comment on n’a jamais opposé au mal que des moyens impuissants et des espérances dont se berçait la présomption ou la paresse : « Cependant on s’endormait sur des adages et des brochures : Le désordre amène l’ordre, disaient de profonds raisonneurs ; l’anarchie recomposera le despotisme. — La démocratie meurt d’elle-même ; la nation est affectionnée à ses rois. » C’est surtout aux émigrés, on le sent, qu’il parle ainsi ; et, tandis que les partis se nourrissaient de leurs illusions et de leurs rêves, les Jacobins seuls marchaient constamment au but : « Les Jacobins seuls formaient une faction, les autres partis n’étaient que des cabales. » Et il montre en quoi consiste cette faction, son organisation intérieure, son affiliation par toute la France, ses moyens prompts, redoutables, agissant à la fois sur toutes les mauvaises passions du cœur humain.

1091. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l’Académie des inscriptions, a ramené l’attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d’accent et de ton, qui a eu, au début de l’Empire, le plus grand succès tragique d’alors (Les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l’étude du provençal classique et de ce qui en dépend), l’a établie et organisée d’une manière féconde, et s’est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. […] Napoléon (on n’a pas tous les jours des feuilletonistes de ce calibre-là), entrant dans l’analyse de la pièce, remarque qu’en restant dans les données de l’histoire et de la tradition, l’auteur aurait pu imprimer à sa tragédie une force et une couleur dramatique qui lui manquent entièrement : Le caractère de Philippe le Bel, pense-t-il, prince violent, impétueux, emporté dans toutes ses passions, absolu dans toutes ses volontés, implacable dans ses ressentiments et jaloux jusqu’à l’excès de son autorité, pouvait être théâtral, et ce caractère eût été conforme à l’histoire. […] C’en est assez pour prouver que Raynouard, honnête homme et patriote par le cœur, doué de caractère d’ailleurs quand la circonstance l’exigeait, n’était nullement un républicain à la Caton.

1092. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Des années se passent, et ce même Gourville, devenu l’homme du roi à l’étranger, initié dans les intérêts et les caractères des personnages les plus influents des Pays-Bas et de la Hollande, est l’un des premiers à deviner le jeune prince Guillaume d’Orange, futur roi d’Angleterre, à lui donner des conseils, à le voir venir dans sa lutte couverte contre M. de Witt et à l’y applaudir ; et plus tard, quand l’habile prince a pris le dessus et est devenu seul arbitre dans son pays, Gourville, qui le visite au passage et qui en est très caressé, sait lui tenir tête en dissimulation, ne se livrer qu’autant qu’il faut, l’écarter doucement avec badinage et respect, comme il convient à celui qui représente désormais des intérêts contraires. […] Ces quelques lignes sur le prince de Conti, quelques autres, qui se rapportent à une date postérieure, sur le roi d’Angleterre Charles II, nous donnent la clef de leurs caractères. […] Mazarin, qui aime assez ce genre de caractère, et qui lui reconnaît de l’esprit et de l’industrie, l’engage à entrer dans les finances ; et c’est ici que se placent les relations de Gourville avec le surintendant Fouquet, desquelles nous avons déjà dit quelque chose. […] Je le crois tout à fait ; je crois que l’étude morale des caractères en est encore à l’état de la botanique avant Jussieu.

1093. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il attribue à cette précaution, après son caractère reconnu d’intégrité, le crédit qu’il obtint auprès de ses compatriotes dans ses diverses propositions d’intérêt public. […] Les aveux que Franklin nous fait de ses fautes (et nous en trouvons trois ou quatre dans ces années de jeunesse) ont un caractère de sincérité et de simplicité qui ne laisse aucun doute sur la disposition qu’il exprime. […] Dans un petit journal de voyage écrit à l’âge de vingt ans (1726), pendant son retour de Londres à Philadelphie, parlant de je ne sais quelle peinture atroce qu’on lui fait d’un ancien gouverneur de l’île de Wight : Ce qui me surprit, dit-il, ce fut que le vieux bonhomme de concierge qui me parlait de ce gouverneur eût une si parfaite notion de son caractère. […] Plus tard, dans les relations diplomatiques, lord Shelburne, traitant avec Franklin, observait que son caractère principal en affaires était « de ne point s’embarrasser de faire naître les événements, mais seulement de bien profiter de ceux qui arrivaient » ; et il lui reconnaissait la science de la médecine expectative.

1094. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

En ce moment, nous n’étudions qu’au point de vue psychologique la notion de l’absolu, ses caractères et son origine. […] L’expérience, objecte-t-on, peut bien nous apprendre que certaines successions se reproduisent plus fréquemment que d’autres, et établir ainsi, entre la veille et le rêve, une distinction de fait ; mais elle ne peut pas nous répondre que la veille ne soit pas elle-même un autre rêve, mieux suivi et plus durable ; elle ne peut pas convertir « le fait en droit », puisqu’elle ne se compose que de faits et qu’il n’y a aucun de ces faits qui porte en lui-même, plutôt que tous les autres, le caractère du droit. […] Or, l’action, par les effets qu’elle réalise, acquiert un caractère de réalité indéniable et empêche notre pensée de demeurer seule avec elle-même dans un monde de pur rêve. […] Descartes objecte encore : — Si nous formons l’idée de perfection suprême par la réunion de nos perfections en un tout, l’idée de perfection n’aura pas d’unité ; or, « l’unité absolue » est le caractère de la perfection. — On peut répondre que l’idée même de cette unité attribuée par nous à la perfection est encore empruntée à notre conscience.

1095. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Il y a donc, suivant le Sage, une certaine contradiction secrète entre son caractère de sage et le caractère primordial du rire. En effet, pour n’effleurer qu’en passant des souvenirs plus que solennels, je ferai remarquer, — ce qui corrobore parfaitement le caractère officiellement chrétien de cette maxime, — que le Sage par excellence, le Verbe Incarné, n’a jamais ri. […] Molière fut dans ce genre la meilleure expression française ; mais comme le fond de notre caractère est un éloignement de toute chose extrême, comme un des diagnostics particuliers de toute passion française, de toute science, de tout art français est de fuir l’excessif, l’absolu et le profond, il y a conséquemment ici peu de comique féroce ; de même notre grotesque s’élève rarement à l’absolu.

1096. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Ce dernier caractère est surtout reconnaissable dans le chant funèbre qu’il a consacré à la mémoire du jeune prince anglais dont il avait excité l’ambition et voulu partager les périls. […] Le caractère du Dante, ce grand novateur, fut d’adorer Virgile, ce maître d’un langage si classique et si pur ; et il ne l’adora pas seulement, comme avait fait Stace, en l’imitant mal, en exagérant son élégance, en gâtant sa simplicité, en altérant sa passion. […] Par là encore, cette poésie extraordinaire du Dante renouvela et dépassa, dans le moyen âge, un des caractères qu’avait eus la poésie grecque, cette voix éclatante de la passion aidée par l’harmonie. […] Quelques-unes des plus grandes beautés éparses dans la Divine Comédie sont empruntées à ce caractère militant de l’enthousiasme poétique.

1097. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Elle avait sous les yeux, parmi les ouvrages qui se présentaient à son examen, des études de l’Antiquité, tentées avec ingénuité et avec franchise120 ; des drames où la passion romanesque traverse l’histoire et ne craint pas de se rencontrer en présence des plus grands noms121 ; des comédies surtout, où des scènes et des caractères fort gais ont charmé le public122, et où des figures aimables, entremêlées à d’autres qui ne sont que plaisantes, lui ont procuré et lui procurent chaque jour un divertissement plein de distinction et d’élégance123. […] Cette honnêteté, qui se produit sans emphase, qui brille dans le caractère des personnages et dans toutes leurs paroles, semble couler naturellement de l’âme de l’auteur ; une versification nette, correcte, élégante, y sert d’ornement ; quelques personnages assez gais et plus actifs, jetés dans ce monde d’honnêtes gens, relèvent la douceur des tableaux.

1098. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Les Anglais de 1590, heureusement fort ignorants, aimèrent à contempler au théâtre, l’image des malheurs que le caractère ferme de leur reine venait d’éloigner de la vie réelle. […] La comédie romantique d’abord ne nous montrerait pas ses personnages en habits brodés ; il n’y aurait pas perpétuellement des amoureux et un mariage à la fin de la pièce ; les personnages ne changeraient pas de caractère tout juste au cinquième acte ; on entreverrait quelquefois un amour qui ne peut être couronné par le mariage ; le mariage, elle ne l’appellerait pas l’hyménée pour faire la rime.

1099. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Un peuple consulté peut à la rigueur dire la forme de gouvernement qui lui plaît, mais non celle dont il a besoin ; il ne le saura qu’à l’usage : il lui faut du temps pour vérifier si sa maison politique est commode, solide, capable de résister aux intempéries, appropriée à ses mœurs, à ses occupations, à son caractère, à ses singularités, à ses brusqueries. […] La forme sociale et politique dans laquelle un peuple peut entrer et rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé.

1100. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Mais nos préférences vont aux poèmes intitulés : À Jour fermant, sept notations dédiées à Léon Dierx — bouges marins, tempêtes sous le ciel bas, sites maritimes et d’hiver, vaisseaux appareillant vers les Atlantides… Très belle encore la Finale, où s’atteste plus particulièrement le caractère évocateur de cette poésie. […] Gustave Kahn est aujourd’hui fort diverse, et pour écarter tout ce qui n’appartient pas à son labeur de poète, il est encore difficile, sinon impossible, d’esquisser en lignes hâtives ce qui fait le caractère particulier de sa physionomie.

1101. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Zola vous évoque, je pense, un ouvrier typographe condamné à « recomposer » sans fin le même livre dont il vient, toutes feuilles tirées, de « distribuer » les caractères, à le recomposer sans autre notable changement que sur la suscription de la couverture, et, conséquemment, vous déclarez fallacieuse et superflue cette puissance qui s’use à recommencer indéfiniment le même geste. […] Émile Zola le reproche de stagnation, sans oublier le caractère de son grand œuvre.

1102. (1890) L’avenir de la science « XX »

On ne me contestera pas, je pense, que notre société ne réunisse ces divers caractères. […] De là la plus parfaite spontanéité dans le développement des caractères.

1103. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Le Saül a les yeux fermés comme il doit arriver à un homme ébloui, mais il est petit, chiffonné, ignoble de caractère, plus mort que vif. […] Ce n’est pas ainsi que notre Greuze se retire de ces scènes-là, soit pour la composition, le dessin, les incidens, les caractères, la couleur.

1104. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Gabriel Monod est sobre de détails sur la formation première de Taine ; voici, pourtant, un trait que je lui emprunte : « il avait déjà, à l’âge de dix ans, un tel sérieux dans le caractère et une telle solidité dans l’esprit qu’il remplaça, pendant quelques jours, M.  […] Et ce caractère, avec la lenteur des gestes, contribuait beaucoup à la dignité d’un ensemble qui aurait pu paraître un peu chétif et universitaire dans certains détails, car M. 

1105. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On sent assez quel doit être le caractère des ouvrages d’un pareil peuple ; mais ce qui étonne, c’est que déjà on y trouve l’art d’opposer les idées douces aux idées terribles, et de placer presque partout l’image de l’amour à côté de celle de la guerre ; peut-être ce qui nous paraît un art, n’était que l’expression naturelle des mœurs de ces peuples. […] C’en est fait ; les heures de ma vie sont écoulées : je vais sourire en mourant. » On peut juger par ce morceau, quelle était la mythologie, le caractère et le tour d’imagination de ces peuples, plus connus jusqu’à présent par leur férocité que par leur génie ; mais ce qui mérite d’être observé, c’est que la plupart des scaldes ou chantres du nord étaient Islandais.

1106. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Une idée fixe l’occupait et le passionnait au milieu de cette vie aventurière, dans laquelle son caractère ombrageux et sa position mal définie lui donnaient de perpétuels déboires. […] Il est certain que son caractère en souffrit et qu’une aigreur désormais incurable se glissa au revers de cette imagination tendre, à travers cette sensibilité charmante. […] était-il de peu d’esprit, à part son talent, et, comme il est dit dans d’illustres Mémoires où chaque trait porte, d’un caractère encore au-dessous de son esprit ? […] Dès la première page je lis ce mot, qui révèle tout le caractère du peintre : « Un paysage est le fond du tableau de la vie humaine. » La lettre quatrième, écrite au moment du départ, m’apparaît, dans sa sensibilité discrète, comme toute mouillée de pleurs : « Adieu, amis plus chers que les trésors de l’Inde ! […] La merveille, c’est que chez Bernardin l’innovation n’a pas le moins du monde le caractère de l’audace, tant elle est ménagée sous des jours adoucis, tant elle nous arrive dans la mélodie flatteuse.

1107. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Ce portefeuille, ouvert sans indiscrétion après la mort de tous les hommes principaux qui s’y dévoilent, et après la chute de la Restauration qu’on y voit agir, atteste une supériorité de vues et une richesse d’intelligence et de caractère diplomatique dans cette grande négociation du règne de Louis XVIII, qui fait contraste avec les négociations de la royauté de 1830 ! […] Le caractère de ce livre, c’est la jeunesse, c’est l’ivresse, c’est la fête du cœur et de l’esprit. […] Terrik Hamilton, grand orientaliste, n’a pu néanmoins retracer que faiblement, dans sa traduction du poème d’Antar, le caractère poétique et guerrier des Arabes. […] Le soleil se couchait dans la mer de Chypre, mes regards planaient sur la verte plage de Saïde ; la chaîne du Liban chargé de lourds nuages noirs se prolongeait vers le nord ; ma pensée errait dans cette immensité, et les accents prophétiques que je venais d’entendre, échappés à une femme revêtue du caractère et presque du costume des anciennes sibylles, ces paroles solennelles disaient à mes impressions quelque chose de sauvage et d’imposant. […] « “Les Arabes, ajouta-t-elle, auraient aimé un homme de son caractère.

1108. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Son père était un de ces caractères aventureux, romanesques, galants, poétiques, qui laissent des traditions populaires de bravoure et de licence, dans l’imagination de leur pays, tels que François Ier et Henri IV, de France. […] Murray était digne, par son caractère et par son esprit, de la confiance de sa sœur ; jeune, beau et éloquent comme elle, il avait de plus qu’elle la connaissance du pays, l’amitié des seigneurs, des ménagements prudents avec les presbytériens, l’estime du peuple, et cette habileté à la fois adroite et loyale qui est le don des grands politiques. […] Les dames du palais le découvrirent un soir, à l’heure du coucher, caché sous le lit de la reine ; il en fut expulsé avec indignation, mais on n’attribua cette témérité qu’à l’étourderie de son âge et de son caractère. […] Elisabeth, fille de Henri VIII, moins femme qu’homme d’État, n’était pas de caractère à laisser périmer ce droit de médiation. […] Il y a des caractères qui naissent frénétiques : Bothwell était de ceux-là.

1109. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Les caractères ne valent même pas ceux de Térence ; ils ne parlent ni selon la nature, ni en gens d’esprit. […] Je ne m’étonne pas, d’ailleurs, que le caractère d’Achille ait été si mal critiqué dans un temps où il était si médiocrement admiré. […] Une idée trop étroite de l’unité du caractère, dans les personnages épiques, semble avoir caché à Boileau et à Perrault le véritable Achille. […] C’est ce qui est passé de son aimable caractère dans ses écrits. […] Fontenelle avait trouvé du même coup, avec sa vraie voie, toutes les convenances de son caractère et de son esprit, un poste d’où il voyait des premiers les choses nouvelles, l’activité sans l’agitation, l’importance et la réputation sans combat.

1110. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Et la Vie que nous avions créée, créée afin de nous donner la joie créatrice, a perdu son caractère premier. […] Mais il a gardé un caractère spécial, le mérite manifeste de la sincérité. […] Et, au milieu, c’est le corps d’une femme, où les deux thèmes s’allient en des accords élégamment variés ; le visage d’une pâleur jaune, allongé, accentue le caractère féminin de l’émotion ; au-dessous, une éblouissante robe, et la symphonie des deux couleurs s’y épand, dans un jaillissement prestigieux de nuances. […] Cette marche en si majeur est relevée par une autre en sol majeur, destinée à l’entrée des poètes ; d’une mesure plus lente, elle a un caractère plus réfléchi, plus élégant et plus noble que la première ; c’est là un de ces détails finement, intentionnés, qui rendent les compositions de Wagner riches, substantielles, et d’une étude si attachante. […] Soldi prouve savamment, ce caractère réaliste de la première sculpture, et par quelles raisons elle fut modifiée.

1111. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

L’auteur des Guise semble même n’avoir écrit ces trois magnifiques biographies sur ces trois héros, que pour faire ressortir davantage la supériorité toujours présente de Catherine et la logique inébranlable de son caractère, au milieu de tous les équilibres risqués de ses infatigables négociations. […] Ses rapports avec la Papauté affectèrent toujours ce caractère. […] Cette âme du Moyen Âge attardée, qui vint après les choses du Moyen Âge dont le monde moderne, qui apparaissait, ne voulait plus, les haïsseurs de l’Église l’ont assez accusée de superstition, de fanatisme et d’idolâtrie, comme si l’idolâtrie n’était pas le plus intense caractère de l’amour ! […] C’est son caractère particulier, profond, essentiel, absolu, d’être religieuse… Or, Forneron ne l’est pas. […] Ainsi, comme il a fait pour l’anarchie, qui est le premier caractère de la Révolution, Forneron l’a fait également pour son cannibalisme, qui est le second, et qui, à eux deux, la résument d’une manière complète, exclusive, absolue.

1112. (1888) Portraits de maîtres

Que trouvons-nous aussi comme caractères dominants dans Atala, dans René ? […] D’ailleurs c’est le caractère des vrais et grands génies de notre temps de s’être montrés profondément dévoués à l’art et aux hommes, caractère qui ne s’était jusqu’alors rencontré que dans Shakespeare. […] On lui reconnut un caractère neuf et personnel. […] En septembre 1830, dans la suite de sa correspondance, Quinet accusera ce même Cousin d’avoir montré « le plus misérable caractère ». […] Louis Blanc avait professé l’inutilité barbare de la Terreur et flétri son double caractère d’ancien régime et d’inquisition.

1113. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Et pourtant, malgré mon désir de sortir le plus tôt possible de ces temps de trouble et de révolution « où, comme l’a dit M. de Bonald, il est plus difficile de connaître son devoir que de le suivre36 », j’ai encore à exposer mieux que je ne l’ai fait jusqu’ici la conduite et le caractère du président Jeannin dans cette période orageuse, en le comparant surtout avec le personnage de Villeroi, auquel on l’associe volontiers, mais avec qui il ne doit point se confondre. […] Villeroi et Jeannin traitaient avec franchise, et dans les portraits qu’on a tracés du caractère de ce dernier, au milieu des éloges dus à son habileté, on n’a pas oublié de parler de sa candeur, une candeur compatible avec la tactique des négociations. […] Tous deux ont été les hommes d’État de la Ligue, bonnes têtes avec des caractères tout différents.

1114. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Si j’ose me servir de cette expression, je prends la liberté d’avancer sur mon compte que j’étais un franc et loyal chevalier, dont l’esprit était plus mâle que femelle ; mais je n’étais, avec cela, rien moins qu’hommasse, et on trouvait en moi, joints à l’esprit et au caractère d’un homme, les agréments d’une femme très-aimable : qu’on me pardonne cette expression en faveur de la vérité de l’aveu que fait mon amour-propre sans se couvrir d’une fausse modestie. Au reste, cet écrit même doit prouver ce que je dis de mon esprit, de mon cœur et de mon caractère. […] Un seul mot pourtant nous reste à dire de son caractère, dès aujourd’hui pleinement connu.

1115. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Du temps de Bossuet, un esprit des plus fins, M. de Tréville, jugeait assez sévèrement son caractère. […] Ce latinisme intime et si sensible de Bossuet dans sa parole française me paraît plus qu’un accident, qu’un trait curieux à noter ; c’est fondamental chez lui, c’est un caractère constant ; il nous en a avertis quand il a dit, dans ses Conseils pour former un orateur sacré : « On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l’esprit, — surtout dans la latine dont le génie n’est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Il réintègre ainsi, par l’acception qu’il leur donne, quantité de mots dans leur pleine et première propriété et sincérité romaine ; il en renouvelle ainsi la saveur, la verdeur. […] Il était le premier à sentir ce faible de son caractère ; et un jour qu’en quittant la supérieure d’une communauté de Meaux, il lui disait l’adieu d’usage : Priez Dieu pour moi, comme cette supérieure lui répondit : Que lui demanderai-je ?

1116. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Beugnot que d’être un excellent administrateur et un haut fonctionnaire capable ; c’était, d’ailleurs, un tout autre caractère et d’une nature différente : esprit droit, sensé, mais sans trait et sans brillant, ayant eu les passions généreuses et les enthousiasmes de la jeunesse, cœur dévoué et qui s’était dès l’abord donné à Mirabeau ; qui conserva toujours quelques illusions sur cette grande mémoire trop mélangée ; homme public apte et laborieux, tout à la chose, assez peu observateur des personnes, de plus en plus tourné à la bienveillance en vieillissant, et que le soudain malheur qui brisa sa carrière jeta dans un complet abattement suivi de résignation, sans qu’il y entrât jamais un grain d’ironie ni une goutte d’amertume. […] Passy, dans l’étude consciencieuse qu’il a faite, s’attache à montrer ce que fut, au sortir de là, le préfet de la Seine sous le Consulat et l’Empire ; quelles ressources et quels obstacles il rencontrait pour l’accomplissement de sa tâche dans les lois nouvelles, dans la nature du gouvernement et dans le caractère du maître : « C’est le seul moyen, dit-il, de rendre une équitable justice à l’homme qui, avec du labeur, du bon sens, de l’honnêteté, sut faire des qualités supérieures. » Il y eut plus d’un moment distinct et plus d’une étape durant ces douze années d’administration : le Conseil général, composé de vingt-quatre membres nommés par Napoléon, n’eut pas tout à fait le rôle qu’on semblait lui destiner d’abord. […] C’était d’une crédulité et d’une facilité qui trahissait et dénonçait aux yeux de tous le fonctionnaire, entier peut-être encore par les talents et l’aptitude, mais usé par le caractère et qui avait fait son temps.

1117. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Mais la mère de Mme Tastu, à une faculté poétique naturelle et remarquablement élevée, unissait beaucoup de mérite sérieux et un caractère qui semble avoir eu de l’analogie avec celui de Mme Roland. […] Un des traits du caractère et du talent de Mme Tastu, et qui la distingue entre les femmes-poëtes d’aujourd’hui, c’est cette justesse de sens, une vue constamment nette et non troublée. […] La plus célèbre des femmes de ce temps, parlant quelque part du caractère d’un de ses héros61, le compare a une chaîne d’airain ; mais il y avait dans cette chaîne, dit-elle, un anneau d’or qui, à l’occasion, rompait toujours ; cet anneau d’or, c’était une bonne qualité, mêlée à d’autres plus énergiques que morales.

1118. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

C’est pour cela qu’on a dit que les beaux vers étaient la marque des mauvaises tragédies : non pas que les vers des bonnes tragédies ne soient beaux aussi, mais ce sont surtout des vers de situation, des traits de caractère, au lieu que les mauvaises tragédies ont seules ces beaux vers, qui ne sont que de beaux vers, qui ne jaillissent ni de la situation ni des caractères, qui, saisissant l’esprit et la mémoire du spectateur, le divertissent de la pièce avec laquelle ils n’ont pas de rapport nécessaire. […] Invention de personnages, indication de caractères, exposition dramatique, vivacité piquante ou comique de dialogue, anecdotes amusantes, plaisanteries, traits d’esprit, il n’est rien qui ne pousse en avant le raisonnement et n’ajoute aux résultats déjà acquis.

1119. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Je mets à part sa prose, prose d’humeur, parfois piquante ; elle fait toutes les grimaces, elle a donc tous les caractères, hormis, je pense, les caractères de la beauté. […] Celle aussi toute abandonnée et naïvement enfantine, ou il fut si vrai de dire de lui ce que disait Schopenhauer : « Le génie a un caractère enfantin. » Et ne pourrais-je croire qu’il fut dans l’évolution littéraire comme le père spirituel d’un de vos deux plus grands poètes : M. 

1120. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

La pratique fondamentale qui donnait à la secte de Jean son caractère, et qui lui a valu son nom, a toujours eu son centre dans la basse Chaldée et y constitue une religion qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. […] Il semble qu’un caractère aussi roide, une sorte de Lamennais toujours irrité, devait être fort colère et ne souffrir ni rivalité ni demi-adhésion. […] Un des caractères le plus fortement marqués de cette tragique famille des Hérodes, était Hérodiade, petite-fille d’Hérode le Grand.

1121. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Quelle opposition de caractère & de goût entre le père & le fils ! […] Pourquoi flétrir un art émané du ciel, & qui porte tous les caractères d’une inspiration divine ? […] Ce prince, remarquant des caractères tracés au-dessus de la principale porte de son palais à Berlin, demande à ses courtisans ce que c’est.

1122. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Mœurs et caractères au xviiie  siècle. […] Quand un grand homme a cessé de vivre, quand il est sorti de la phase historique qu’il a marquée de la double empreinte de son esprit et de son caractère, il laisse souvent après lui, et dans l’histoire même, quelques gouttes de son sang : — une famille, que la curiosité aime à étudier pour y retrouver les influences de sa gloire et de son génie ; car ceux qui croient le plus à la personnalité du mérite posent, malgré eux, la question de race à propos de tout, comme si c’était une fatalité ! […] Voyez, par exemple, ce caractère, comme aurait dit La Bruyère, que Renée n’imite pas !

1123. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Et, en effet, le caractère de ces lilliputiennes comédies, c’était la faculté très inattendue, dans un journal très hardi et qui, comme un postillon de noce, n’avait pas peur de verser dans toutes les ornières, de se risquer avec une grâce incomparablement audacieuse et… heureuse sur les bords les plus glissants de cet abîme de l’indécence qui fait tourner la tête aux imaginations pudiques, et de se retenir… et de n’y tomber jamais… Est-ce assez rare, cela ? […] L’orpheline, nommée Madelaine, dans le roman, est madame Raison et Caractère, mais Hélène, qui est madame sans raison et sans caractère, est, de cette gerbe de trois femmes, la plus vraie, la plus humaine, la plus femme, et celle qui plaît davantage : je dirai tout à l’heure pourquoi… C’est ainsi que pour un premier roman (un coup d’essai), nécessairement d’une certaine étendue, madame de Molènes nous en donne trois, mais trois dans cette manière raccourcie qui, jusque-là, avait été la sienne.

1124. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Si nous jugions nécessaire, quant à nous, d’admettre un changement absolu partout où un mouvement spatial s’observe, si nous estimions que la conscience de l’effort révèle le caractère absolu du mouvement concomitant, nous ajoutions que la considération de ce mouvement absolu intéresse uniquement notre connaissance de l’intérieur des choses, c’est-à-dire une psychologie qui se prolonge en métaphysique 14. […] Il n’en pouvait être ainsi, de toute manière, quand on croyait au caractère absolu du mouvement accéléré. […] Si la couleur est une réalité, il doit en être de même des oscillations qui s’accomplissent en quelque sorte à l’intérieur d’elle : devrions-nous, puisqu’elles ont un caractère absolu, les appeler encore des mouvements ?

1125. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Ce qu’il imita le moins sans doute, et ce qui semble avoir été un des caractères originaux d’Alcée, c’était une hardiesse non plus de mouvement et d’images, mais d’invention dans les hymnes religieux. […] L’Allemagne, qui étudie si bien l’antiquité, et la refait quelquefois à plaisir, comme un texte de manuscrit altéré, s’est amusée, par la main de quelque docte critique, à rétablir contre le préjugé vulgaire le caractère moral de Sapho, comme parmi nous une femme célèbre avait indirectement ennobli celui de Corinne. […] Nous lisons chez un de ces doctes apologistes68 : « Dans Sapho, une ardente et profonde sensibilité, une pureté virginale, la douceur de la femme et la délicatesse du sentiment et de l’émotion s’alliaient avec la probité native et la simplicité du caractère ionien ; et, quoique douée d’une exquise perfection des choses belles et brillantes, elle préférait la naïve et consciencieuse rectitude de l’âme à toute autre source de jouissance humaine. » À la bonne heure !

1126. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Dans le dédain ou le dégoût de toutes choses, ils sont malheureux avec tant de sujets de ne l’être pas. » Et Voltaire, comme Montesquieu, revient incessamment sur l’énergie sombre de ce caractère. […] Nulle histoire n’éclaire plus à fond le caractère anglais. […] Cette chaire agit, et en effet, si on la compare à la chaire française, tel est son caractère. […] Chaque matin, les journaux et les pamphlets viennent discuter les affaires, juger les caractères, invectiver par leur nom les lords, les orateurs, les ministres, le roi lui-même. […] Je n’ai point à raconter leurs vies, ni à développer leurs caractères ; il faudrait entrer dans le détail politique.

1127. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

« La première, qu’on peut, appeler, pseudesthésie des extrémités périphériques, se manifeste par des étincelles, des éclats lumineux, des bruits, des chatouillements » et autres sensations isolées qui ne font pas un système et ne correspondent à aucun ensemble possible de caractères extérieurs. « La seconde, qu’on peut appeler pseudesthésie des centres perceptifs », se manifeste par des images survivantes ou ressuscitantes complètes, comme celles du microscope, c’est-à-dire par des hallucinations ou sensations spontanées et organisées de couleur et de relief, de sons harmoniques et articulés, qui correspondent à un ensemble possible de caractères extérieurs. […] Tous ceux d’entre vous qui ont examiné les effets de l’émotion chez le rat intact doivent reconnaître qu’ils offrent complètement ici les mêmes caractères. » — Enfin l’action de la protubérance est encore la condition nécessaire et suffisante des sensations du goût121. […] Les innombrables caractères qui sont remués dans l’atelier ou qui reposent dans les magasins ne sont jamais que les vingt-quatre lettres de l’alphabet ; il n’y en a peut-être pas davantage dans notre alphabet cérébral, à savoir vingt-quatre figures de danse avec les cinq ou six types de cellules nécessaires pour les exécuter. […] Cas analogue d’un enfant de quatre ans et demi dont une balle avait traversé les deux tempes, et qui vécut encore vingt-six jours, jouissant de tout l’ensemble de ses facultés intellectuelles, mémoire entière, jugement sain, caractère semblable à celui qu’il avait avant l’accident.

1128. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Et il nous exécute un chant de prisonnier de la prison de Nantes, la prison de Carrier sous le règne de la guillotine, dont l’orchestration inspirée par le son des cloches, a un grand caractère. […] Au milieu de la tirade dramatique du neuvième tableau, dite d’une manière trop mélo, par Mme Crosnier, Porel lui crie : « Mouchez-vous là, et ne craignez pas de vous moucher bruyamment. » Or, cette chose humaine fait la tirade nature, et lui enlève le caractère théâtre qu’elle avait, avant. […] Maintenant n’est-ce encore rien, des caractères dans une pièce ? Et les caractères de Mlle de Varandeuil, de Germinie, de Jupillon, vous les trouvez n’est-ce pas inférieurs aux caractères de n’importe quel mélodrame du boulevard. Or donc, le style, les caractères n’entrant point en ligne de compte dans votre critique, accordez-vous quelque valeur aux situations ?

1129. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Le caractère allemand est un autre témoin de cette parenté éloignée de l’Allemagne avec les Indes. […] Il est heureux peut-être pour l’Europe que le caractère de l’Allemagne se refuse ainsi à l’unité ; car, si l’Allemagne était une, l’Europe serait peut-être vassale de la Germanie. […] Aujourd’hui, selon notre habitude de ne caractériser les littérateurs que par leur chef-d’œuvre, nous allons vous introduire dans le théâtre allemand par l’analyse du Faust de Goethe, drame qui contient, dans l’imagination d’un poète aussi philosophe que Voltaire, aussi mélodieux que Racine, aussi observateur que Molière, aussi mystique que Dante, tout le génie de la littérature allemande et tout le caractère du peuple allemand. […] Goethe trouva ce caractère satanique tout fait ; il n’eut qu’une voyelle à changer dans le nom de cet infernal personnage. […] Ce sont les trois coups de pinceau qui paraissent flotter au hasard sur la toile et qui sont trois merveilleuses combinaisons calculées du grand peintre de caractère et de situation !

1130. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Cette correspondance du duc de Laval-Montmorency avec moi attestait un esprit droit et lucide, un caractère tempéré, un cœur d’honnête homme. […] La femme anonyme continue sa confidence et finit sa lettre par un mot charmant de caractère qui affirme l’irréprochabilité de sa liaison avec le grand homme. […] Tout m’avertit ici qu’il faut me retirer : ma santé, le caractère de mes idées, la fatigue et l’ennui de tout. […] On y sent le poète qui ne vieillit pas sous les vieillesses du caractère de l’homme. […] On trouve ce caractère de sincérité et de renoncement aux vanités du style dans ses derniers billets à son amie.

1131. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Religieusement, nous comprenons très bien comment le christianisme naissant et grandissant a voulu peu à peu confondre dans les papes ces deux caractères si différents, d’oracle et de souverain. […] Les règnes suivants furent sans caractère et sans vicissitudes jusqu’au pape actuel. […] Il portait son bonheur en lui-même, dans son caractère et dans ses vertus. […] Un homme, digne par son caractère du nom de Washington vénitien, Manin, la gouverna pendant cette tempête par la seule autorité morale d’une âme plus grande que sa destinée. […] Son caractère, très spécial à cette race de montagnards savoisiens, était une fidélité et une bravoure chevaleresques.

1132. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Un trait de caractère, un indice de sensibilité, disent quelque chose ; une saleté ne dit rien que l’orgueil de celui qui s’en vante. […] J’avais fait connaissance avec quelques jeunes seigneurs de Naples, mais sans me lier avec eux ; mon caractère assez sauvage ne me permettait pas de rechercher les autres, et cette sauvagerie, vivement empreinte sur mon visage, empêchait les autres de me rechercher à leur tour. […] Elle me convenait autant par son caractère que sous tout autre rapport, et je dois ajouter qu’elle ne me plaisait pas médiocrement. […] Elle avait vingt-cinq ans ; un goût très vif pour les lettres et les beaux-arts ; un caractère d’ange, et, malgré toute sa fortune, des circonstances domestiques, pénibles et désagréables, qui ne lui permettaient d’être ni aussi heureuse ni aussi contente qu’elle l’eût mérité. […] Ce ne fut pas toutefois sans des appréhensions très vives : on savait la fureur du comte, on connaissait la violence de son caractère, et il fallait bien avouer qu’il ne manquait pas de bonnes raisons en ce moment pour se faire justice à lui-même.

1133. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

D’autre part il ne se berçait pas d’un heureux succès, quand bien même il lui serait permis de faire des représentations, car le caractère de celui qui ne se laissait pas persuader l’épouvantait, disait-il. […] Fesch avait un caractère fort soupçonneux, et il s’imaginait presque toujours voir en réalité ce qui n’existait pas même en rêve. […] La douceur du caractère de Pie VII l’avait mal fait juger en France. […] Les objurgations en vinrent à un tel point qu’il fallut toute la fermeté de ce caractère que l’Europe a depuis, et à son étonnement, admiré dans le Pape, pour le faire résister non moins aux efforts de la France afin de m’éloigner de ses côtés, qu’à mes prières elles-mêmes. […] Notre lettre disait que, blessés par les accusations de complot et de rébellion qui nous avaient été révélées par le ministre de Sa Majesté, accusations si incompatibles avec notre dignité et notre caractère, nous nous faisions un devoir d’exposer nos sentiments à Sa Majesté avec la loyauté et l’énergie convenables à la circonstance.

1134. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Pour être vrai, il devait se montrer avec toute la bienveillance de ses jugements, avec la pleine clarté et la pleine force de son intelligence, avec la dignité naturelle à un caractère élevé. — Ce n’était pas là une petite difficulté. Mes relations avec lui avaient un caractère de tendresse tout particulier ; c’étaient celles de l’écolier avec son maître, du fils avec son père, de l’âme avide d’instruction avec l’âme riche de connaissances. […] L’empire qu’il avait sur lui-même était remarquable, et c’est là même une des originalités les plus saillantes de son caractère. […] Une dame de beaucoup d’esprit raconta des traits du caractère de Beethoven. […] « Il était dans le caractère de Goethe de ne pas communiquer facilement ce qui le touchait de près, et il garda un profond silence sur cette audience ; peut-être était-ce aussi par modestie et délicatesse.

1135. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Sans doute il engendrera des sensations en se matérialisant ; mais à ce moment précis il cessera d’être souvenir pour passer à l’état de chose présente, actuellement vécue ; et je ne lui restituerai son caractère de souvenir qu’en me reportant à l’opération par laquelle je l’ai évoqué, virtuel, du fond de mon passé. […] Ainsi, dans le cas des états internes actuels, la connexion est moins étroite, et la détermination du présent par le passé, laissant une large place à la contingence, n’a pas le caractère d’une dérivation mathématique ; — en revanche, la présentation à la conscience est parfaite, un état psychologique actuel nous livrant la totalité de son contenu dans l’acte même par lequel nous l’apercevons. […] Notre vie psychologique passée, tout entière, conditionne notre état présent, sans le déterminer d’une manière nécessaire ; tout entière aussi elle se révèle dans notre caractère, quoique aucun des états passés ne se manifeste dans le caractère explicitement. […] Tel choc brusque, telle émotion violente, sera l’événement décisif auquel ils s’attacheront : et si cet événement, en raison de son caractère soudain, se détache du reste de notre histoire, ils le suivront dans l’oubli. […] Ramassant, organisant la totalité de son expérience dans ce que nous appelons son caractère, il la fera converger vers des actions où vous trouverez, avec le passé qui leur sert de matière, la forme imprévue que la personnalité leur imprime ; mais l’action ne sera réalisable que si elle vient s’encadrer dans la situation actuelle, c’est-à-dire dans cet ensemble de circonstances qui naît d’une certaine position déterminée du corps dans le temps et dans l’espace.

1136. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Ce nom rend raison de l’agréable variété de ton et de touche qui en fait le caractère romantique. […] Simplification, mais abstraction, tel est le caractère de la tragédie du xviie  siècle. […] Mais, en revanche, le poète supplée par la grandeur des sentiments et la force des caractères à l’insuffisance de l’action. […] Au lieu d’une physionomie nationale, notre théâtre du dix-septième siècle prend un caractère archéologique, composite et artificiel. […] Deux mots seulement sur sa vie et son caractère.

1137. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Son caractère de moraliste qui est bien prononcé, apparaît dans ses moindres écrits, et cette façon de critiquer, pour incomplète qu’elle soit, n’en est pas moins intéressante. […] Voilà, me direz-vous, un caractère. […] Ils se préoccupent des objets les plus usuels, pour leur signification métaphysique, pour leur caractère moral, pour leur vertu domestique. […] Van de Putte, et quand il sera en pleine possession de son art, il nous donnera de grandes fresques à la Rubens, d’un caractère panthéiste, largement réalisé. […] Il ne faudrait d’ailleurs pas considérer cette monographie ainsi qu’une étude définitive sur la vie et le caractère de Napoléon.

1138. (1933) De mon temps…

C’était une œuvre d’une singulière beauté et d’un caractère très différent de celui du Crépuscule des dieux. […] Frédéric Masson était un terrible homme et pourvu d’un « fichu caractère ». […] Son personnage avait du caractère et sa conversation ne manquait ni de verve ni de pittoresque. […] Il était d’âme délicate et de caractère désintéressé. […] Ses ailes ouvertes portaient de minuscules caractères et elles semblaient deux pages volantes du dictionnaire.

1139. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Sully Prudhomme offre à peu près partout le même caractère de beauté savante. […] Quel plaisir de les faire parler chacun selon son caractère ! […] Entraînement de parti, faiblesse de caractère ; mais cette rare intelligence était digne de suivre seule sa voie en gardant sa fierté. […] C’est précisément ce contraste, mes enfants, qui fait le grand et original caractère du moyen âge. […] Qui ne savait que, dans l’auteur de l’Histoire des Girondins, le caractère n’était pas au niveau du génie ?

1140. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Admettons pourtant qu’il s’explique par le singulier caractère du personnage. […] C’était une nuance finement observée dans le caractère de la veuve d’Hector. […] En somme, rien de plus suivi que ce caractère. […] Pourquoi a-t-on dit que son caractère était obscur et déconcertant ? […] On a vu, chemin faisant, comment la conception du caractère de Baudry déterminait en grande partie le caractère d’Olivier.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Selon lui, elle n’était nullement nécessaire avant d’éclater, elle était évitable ; elle a été purement accidentelle, en ce sens que « le caractère de ceux qui ont eu part à l’ancien gouvernement (à commencer par le caractère du roi, ennemi de toute résistance) a été le seul principe de la totale subversion de ce gouvernement » ; mais ce caractère de quelques personnes étant donné, et la faiblesse de l’opposition qu’elle rencontrera étant admise au point de départ, M. de Meilhan est bien d’avis que la Révolution en devenait un effet presque nécessaire : « Sa marche, dit-il, a été déterminée et hâtée par cette faiblesse ; le défaut de résistance a rendu tout possible, et, semblable à un torrent qui ne trouve aucune digue, elle a tout dévasté. » Il ne croit donc pas que la Révolution soit directement sortie des écrits de Rousseau ni de ceux des encyclopédistes, comme on le répète souvent, ni qu’elle découle de causes aussi générales : Si l’on suit attentivement la marche de la Révolution, il sera facile de voir que les écrivains appelés philosophes ont pu la fortifier, mais ne l’ont pas déterminée ; parce qu’une maison a été bâtie avec les pierres d’une carrière voisine, serait-on fondé à dire qu’elle n’a été construite qu’en raison de ce voisinage ? […] Le caractère de force fatale et presque physique que la Révolution n’a pas tardé à acquérir, lui paraît résulter surtout de l’organisation des clubs.

1142. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Je n’ai nulle envie de diminuer un esprit éminent, ni de dénigrer un homme dont le caractère, malgré ses fragilités fréquentes, laissait voir au fond l’humanité et même la débonnaireté. […] Si ce régime s’était affermi, il allait le servir, y prendre son rang ; il devenait un homme de gouvernement, et ce rôle d’opposition perpétuelle, qui fit en quelque sorte partie de son caractère, n’était plus le sien. […] Benjamin Constant est un homme à peu près de votre âge, passionné pour la liberté, d’un esprit et d’un talent en première ligne ; il a marqué par un petit nombre d’ouvrages écrits d’un style énergique et brillant, pleins d’observations fines et profondes ; son caractère est ferme et modéré ; républicain inébranlable et libéral. […] Il y avait entre eux antipathie d’origine et de caractère.

1143. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Comment les Francs mêlés aux Gaulois, qui allaient devenir des Français, comment ces habitants d’un sol aussi remué et ravagé, aussi partagé qu’il le fut au lendemain de Charlemagne et dans cette époque de rude transition, parvinrent-ils à élever des monuments qui bientôt eurent leur caractère à eux, de gravité, d’élévation, de sincérité, et qui ne se rattachèrent plus que par des rapports indirects à la tradition romaine antérieure ? […] L’architecture, sans caractère propre, a cessé d’être ce qu’elle était au Moyen-Âge et jusqu’à la Renaissance inclusivement, l’enveloppe de la société, le vêtement qui se prêtait aux formes et aux mouvements du corps : « Ce vêtement est devenu la chose principale ; il a gêné le corps, parlant l’esprit. […] L’ornementation, à laquelle aujourd’hui on sacrifie tout, ne vient qu’en seconde ligne, et elle doit, comme la disposition générale, tirer son caractère de sa destination. […] Un bon juge, et qui l’a vu à l’œuvre, me disait : « Je ne connais personne qui dessine mieux, plus facilement, et qui rende plus exactement le caractère de l’objet qu’il dessine.

1144. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Haag, la France protestante, à l’article Jean-Bon Saint-André, je trouve cette remarque sur la Relation qu’il a donnée de sa captivité : « Elle n’est pas sans intérêt, y est-il dit ; elle renferme des détails curieux sur le caractère et les mœurs des Turcs ; mais il nous semble qu’un homme tel que Jean-Bon, qui avait traversé sans sourciller le règne de la Terreur, aurait dû être plus endurci aux contrariétés et aux privations. […] Je mécontenterai de définir l’esprit et le caractère de son administration. […] Je compterai sur votre indulgence, je la réclamerai souvent, parce que j’en aurai souvent besoin ; mais je me flatte que, dans les erreurs même qui m’échapperont, vous distinguerez facilement un homme dont le caractère n’est peut-être pas indigne de quelque estime, et qui s’applaudira quand vous ne la lui refuserez pas. » Quelques jours après (19 septembre 1802), le ministre Chaptal lui écrivait : « L’exécution de l’arrêté des Consuls du 11 messidor dernier va faire cesser, Citoyen commissaire général, les rapports qu’en cette qualité vous avez entretenus jusqu’ici avec l’administration générale, et je ne laisserai point échapper cette nouvelle occasion de vous faire connaître ma satisfaction de la sagesse qui a dirigé votre surveillance et vos actes dans cette importante partie de la République. […] La difficulté d’y trouver un maire tient à plusieurs causes : d’abord à ce qu’ici comme partout ailleurs les anciens fonctionnaires capables d’administrer ont passé en Allemagne, à la suite de la conquête ; — en second lieu, parce que Worms est une ville de plaisir, où, hors les affaires personnelles de commerce ou de propriété, on se soucie fort peu de se donner d’autres occupations ; — en troisième lieu, parce que les idées et même les prétentions de l’ancienne ville libre et impériale y existent encore, avec plus ou moins de force, dans l’esprit et le cœur de ses habitants ; — 4°, parce que les soins d’un maire sur cette frontière sont pénibles et même dispendieux pour un homme qui a de l’honnêteté, et qui pourtant a un peu de cette avarice, laquelle est aussi un des principaux traits du caractère des habitants… » À Spire, c’était bien pis ; en 1813, le maire qu’on avait cru bon était décidément hostile à la France ; ses sentiments équivoques commencèrent à se démasquer avec nos revers : « Un reste de pudeur, écrivait Jean-Bon (28 mars 1843), lui fait sans doute garder encore une sorte de réserve, mais seulement ce qu’il en faut pour ne pouvoir pas être convaincu légalement de son aversion pour le gouvernement qui l’a cru digne de sa confiance.

1145. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

mais avez-vous donc oublié qu’à cette heure où Louis XVI avait péri, il n’y avait plus que deux ou trois habitants de ces ci-devant palais, des femmes comme vous, prisonnières comme vous, enfermées au Temple comme vous à Sainte-Pélagie, destinées à plus d’insultes, à plus d’outrages que vous n’en subîtes jamais ; — l’une surtout, une reine redevenue auguste par le courage et le malheur, une victime comme vous allez l’être, et que vous suivrez à trois semaines de distance sur le fatal échafaud ; celle même dont les pages secrètes retrouvées aujourd’hui viennent faire concurrence aux vôtres et avertir les cœurs généreux de ne rien maudire, de ne rien commettre d’inexpiable, et de réunir dans un même culte de justice et d’humanité tout ce qui a régné par la noblesse du sang, le charme de la bonté, par l’esprit, par le caractère, tout ce qui a lutté, combattu, souffert et grandi dans la souffrance, tout ce que le malheur a sacré ! […] Faugère, en rétablissant intégralement ces pages dont nous avons indiqué le caractère, et en les publiant presque au nom de la fille de Mme Roland, n’a pas été sans s’adresser à lui-même quelques objections, et il lui a fallu du temps et quelque effort pour en triompher. […] « Après ce grand caractère sont venues les dames de l’Empire, qui pleuraient dans leurs calèches au retour de Saint-Cloud, quand l’Empereur avait trouvé leurs robes de mauvais goût ; ensuite les dames de la Restauration, qui allaient entendre la messe au Sacré-Cœur pour faire leurs maris préfets ; enfin les dames du juste-milieu, modèles de naturel et d’amabilité. […] Après le trouble que venaient de jeter les documents nouveaux dans l’idée qu’on se faisait d’elle, il était nécessaire de repasser sur les traits de son caractère et de dresser de nouveau son image.

1146. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Il n’y a pas lieu à une pareille accusation, si la méthode est bien comprise et si elle est employée comme elle doit l’être ; car, quelque soin qu’on mette à pénétrer ou à expliquer le sens des œuvres, leurs origines, leurs racines, à étudier le caractère des talents et à démontrer les liens par où ils se rattachent à leurs parents et à leurs alentours, il y aura toujours une certaine partie inexpliquée, inexplicable, celle en quoi consiste le don individuel du génie ; et bien que ce génie évidemment n’opère point en l’air ni dans le vide, qu’il soit et qu’il doive être dans un rapport exact avec les conditions de tout genre au sein desquelles il se meut et se déploie, on aura toujours une place très-suffisante (et il n’en faut pas une bien grande pour cela) où loger ce principal ressort, ce moteur inconnu, le centre et le foyer de l’inspiration supérieure ou de la volonté, la monade inexprimable. Cette objection écartée, qu’y a-t-il de plus légitime que de profiter des notions qu’on a sous la main pour sortir définitivement d’une certaine admiration trop textuelle à la fois et trop abstraite, et pour ne pas se contenter même d’une certaine description générale d’un siècle et d’une époque, mais pour serrer de plus près, — d’aussi près que possible, — l’analyse des caractères d’auteurs aussi bien que celle des productions ? […] Ce qui est nouveau, c’est lorsqu’on le peut, et autant qu’on le peut, de démêler attentivement ces diverses influences, d’en relever la trace ou d’en suivre les reflets à travers les œuvres, et d’y joindre toutes les indications puisées dans la vie, dans la destinée, dans le caractère, l’humeur, la complexion et le tempérament de l’écrivain. De même que La Bruyère a peint des caractères moraux qui font type, on arriverait ainsi à tracer quantité de portraits-caractères des grands écrivains, à reconnaître leur diversité, leur parenté, leurs signes éminemment distinctifs, à former des groupes, à répandre enfin dans cette infinie variété de la biographie littéraire quelque chose de la vue lumineuse et de l’ordre qui préside à la distribution des familles naturelles en botanique et en zoographie.

1147. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Ces églises ont tellement le caractère de l’Italie, que je donnerais tout au monde pour que vous les vissiez. […] Dans les moments de calamité de fortune, vous voyez que c’est un secours immense, et je vous embrasse de toute ma tendresse pour la manière dont vous venez de vous le prouver à vous-mêmes… » Les lettres à Mme Pauline Duchambge ont un caractère particulier. […] Tout ce que je sais d’un Virgile compréhensible pour moi, c’est que le nôtre ou celui de la Bretagne voyage dans le Midi, sous le nom de Brizeux, dont la santé et le silence commencent à m’inquiéter, à moins que tu n’en aies reçu quelque lettre. » Ce diminutif de Virgile, Brizeux, qui n’avait rencontré à temps ni Auguste ni Mécène, ni leur diminutif, ne touchait guère Paris qu’en passant ; il se sauvait bien vite, pendant des mois et des saisons, tantôt dans sa Bretagne, tantôt à Florence ; il craignait d’écrire et poussait l’horreur de la prose jusqu’à ne se servir le plus souvent que d’un crayon pour tracer des caractères aussi peu marqués que possible. […] Elle jugeait mieux des personnes et des caractères que sa tendre amie, et elle lui disait quelquefois, à propos de l’inintelligence de cœur de certaines gens les plus polis de surface et les plus avenants en apparence : « Ah !

1148. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Dans l’exposé qu’ils firent des diverses écoles littéraires, ils s’attachèrent à établir les principaux groupes et à les distinguer par des caractères ou des nuances qui se trouvent encore justes aujourd’hui. […] L’éditeur a enrichi cette publication de toutes les réminiscences qui lui venaient à chaque instant de l’antiquité et qui n’étaient pas hors de propos chez un poète de la Renaissance : c’est toute une anthologie française et grecque que ces deux beaux volumes imprimés à Bordeaux, avec les caractères de Perrin de Lyon (1861-1862). […] Un travail d’un tout autre genre, et qui offre un caractère didactique, est un Essai sur l’histoire de la Versification française au xvie  siècle, que M.  […] Il cherche à venger les Gaulois du reproche d’avoir été des barbares ; il n’insiste nullement sur le caractère gallo-romain de notre langue et sur une filiation qui paraît lui avoir échappé.

1149. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

M. de Murçay était un caractère très à part, fort peu extérieur et tout nuancé, qu’elle n’aurait jamais eu l’occasion d’apprécier sans doute, si, pour lui rendre service dans l’angoisse touchante où il la vit, il ne s’était approché d’elle avec plus d’entraînement qu’il n’avait coutume. […] Le poli de ses dehors recouvrait à la fois un caractère ferme et un cœur tendre. […] Il arriva pourtant que le désaccord de la situation et des caractères se fit sentir. […] Une après-dînée, la conversation tourna, comme il arrivait souvent, sur les questions de cœur, et on y agita les caractères et la durée de l’amour.

1150. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère. […] Je n’en sais rien en ce moment ; mais je soutiens qu’il se trouve dans tous les mots employés par le vrai poëte, pour les yeux un certain phosphore, pour le goût un certain nectar, pour l’attention une ambroisie qui n’est point dans les autres mots. » « Les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » « Il y a des vers qui, par leur caractère, semblent appartenir au règne minéral ; ils ont de la ductilité et de l’éclat. […] la voici ; elle lui échappe à la fin de cette même lettre : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée : achetez et lisez les livres faits par les vieillards qui ont su y mettre l’originalité de leur caractère et de leur âge.

1151. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Même s’il est une classe qui soit plus durement raillée, et méprisée du plus profond de l’âme, ce sont les vilains : une marque encore du caractère bourgeois de l’œuvre. Évidemment la satire est l’âme du roman de Renart : très anciennement, puisque la plus ancienne branche, le Pèlerinage de Renart, est sans valeur et sans signification même à tout autre égard, très anciennement l’histoire des animaux n’a apparu aux narrateurs et aux auditeurs que comme un moyen de dauber le prochain, le baron, le curé, le vilain, la femme : mais c’est un caractère vraiment remarquable que la bonne humeur de cette inextinguible malice. […] Ailleurs prêtre contre prêtre, à qui dupera l’autre : plus avare sera le moine, ou l’évêque, plus rusé le simple curé, investi pour les circonstances du caractère sympathique. […] Dans l’un, c’est le type du garçon qui, vivant largement de son salaire, se met dans la misère en se mariant à une fille pauvre comme lui ; le dessin est juste : garçon, fille, parents, hésitations, accord, résolutions, regrets, discorde, tous les caractères et tous les sentiments sont marqués d’expressions précises à la fois et générales.

1152. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Deux auteurs charmants, ont été touchés par ce premier effet de la Renaissance et de la Réforme, et en ont reçu un caractère qui a fait durer leurs écrits ; c’est Marguerite de Valois et Marot. […] Quand notre aimable veuve ne prêche pas, ce qui lui arrive trop souvent, et qu’elle ne fait que tirer de ces récits des leçons de conduite mondaine, rien de plus neuf dans les lettres françaises que ces premières applications de la morale universelle au jugement des caractères et des actions. […] Ces différences de caractère et de condition dans des circonstances analogues, tourneront au profit de notre poésie. […] Les grandes matières n’allaient ni à son caractère, ni à son tour d’esprit.

1153. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Il n’y a pas de caractères individuels dans les épopées primitives ; ce que la vieille critique débitait sur les caractères d’Homère est fort exagéré, et encore le monde grec, si vivant, si varié, si multiple, a-t-il atteint sur ce point, du premier coup, de très fines nuances. […] Le caractère sordide ou prétendu bas de certaines occupations pourrait aussi les désigner pour les personnes vouées aux travaux de l’esprit ; car ce caractère de bassesse devrait correspondre, ou à une paye supérieure, ou, ce qui revient au même, à une moindre durée des heures de travail.

1154. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Caractère rigide, âme aimante ; la bonté tempère son austérité. […] Pas une trace ne lui reste de son premier caractère, pas un vestige de bons sentiments ! […] Emile Augier ait pris pour un type viable ce caractère avorté, et ressuscité, dans une seconde pièce, un personnage mort, dans la première, de l’impossibilité d’exister. […] Catherine de Birague, telle qu’elle paraît dans la pièce, est une maîtresse femme, défiante, ombrageuse, inaccessible, par la fierté de son caractère, aux captations de l’intrigue dévote.

1155. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

On ne fait pas un drame, vivant et viable, avec des caractères et des ressorts si forcés. […] Ses personnages n’incarnent plus des caractères, mais des abstractions. […] Mais ces idées sont vraies et salubres, revêtues d’art et de vraisemblance, exprimées par des caractères d’une grâce charmante ou d’un relief vigoureux, attendries par une émotion pénétrante. […] Son caractère éclate en traits vibrants de nature, dans la scène qu’elle fait à Octave pour lui arracher son secret.

1156. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

En parlant si librement de Bettina, j’ai presque besoin de m’en excuser, car Bettina Brentano, devenue Mme d’Arnim, veuve aujourd’hui d’Achim d’Arnim, l’un des poètes distingués de l’Allemagne, vit à Berlin, entourée des hommes les plus remarquables, jouissant d’une considération qui n’est pas due seulement aux facultés élevées de l’esprit, mais qui tient aussi aux vertus excellentes de l’âme et du caractère. […] Un matin qu’assise dans le jardin parfumé et silencieux, elle rêvait à son isolement, l’idée de Goethe se présenta à son esprit ; elle ne le connaissait que par sa renommée, par ses livres, par le mal même qu’elle entendait quelquefois dire autour d’elle de son caractère indifférent et froid. […] Cette vieille mère de Goethe, Mme la conseillère de Goethe, comme on l’appelait, d’un caractère si élevé, si noble, j’allais dire si auguste, toute pleine de grandes paroles et de conversations mémorables, n’aime rien tant que d’entendre parler de son fils ; elle a, quand on lui parle de lui, de « grands yeux d’enfant » qui se fixent sur vous et dans lesquels brille le plus parfait contentement. […] Ici encore Goethe garde bien son caractère de curieux qui étudie et qui cherche à s’expliquer naturellement les êtres et les choses.

1157. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

La morale à tirer d’une étude sur le caractère de Bonneval est bien celle-ci : Que de belles et brillantes facultés perdues, égarées, tournées à mal, par un défaut, par un travers, par un ressort trop brusque et cassant, dont la détente part à l’improviste, et ne se laisse pas diriger ! Déjà, en étudiant Bussy-Rabutin, Saint-Évremond, ces spirituels disgraciés, et qui étaient à la veille d’être des guerriers illustres, on a pu noter l’effet d’un de ces défauts de caractère, de cet esprit de raillerie ou de libertinage, qui, comme une paille secrète, est venu altérer la trempe de l’ensemble et rompre le milieu d’une belle vie. […] Il me conduit bien droit à mon but, je me moque du reste : Audaces Fortuna juvat… » Le caractère, ce me semble, est assez nettement dessiné ; il y a là un défaut originel qui reparaît constamment et qui se réveille presque sous les mêmes formes. […] Enfin nous retrouvons la détente secrète dont j’ai déjà parlé, et qui montre qu’on ne gagne rien sur son caractère en vieillissant.

1158. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

En face d’eux et dans le camp opposé, les Jésuites, si attentifs toujours aux besoins et aux goûts de la société présente, avaient également modifié l’enseignement, lui avaient donné un caractère de culture riante et fleurie, et l’avaient rendu plus accessible, au risque parfois de l’affaiblir. […] Pendant qu’il écrivait le premier tome de son Histoire ancienne, il était consulté par un grand seigneur belge, le duc d’Aremberg, sur le choix d’un précepteur : Jean-Baptiste Rousseau, alors établi à Bruxelles, servit d’intermédiaire dans cette négociation à laquelle Rollin apporta tout son zèle ; et cet excellent homme, poussant à bout son idée, écrivait à Rousseau : Il y a, dans le premier tome de mon Histoire, un endroit où j’ai été fort occupé de lui (le duc d’Aremberg) et de vous : c’est celui où je parle de Scipion Émilien, et je ne crois pas vous faire tort ni à l’un ni à l’autre en donnant à M. le duc le personnage et le caractère d’un aussi grand homme que Scipion, et à vous celui de Polybe qui ne contribua pas peu par ses conseils à inspirer à cet illustre Romain ces sentiments de générosité, etc. […] C’est un petit homme, âgé de soixante-treize ans, sans mine, qui ne s’exprime pas aussi noblement qu’il écrit, modeste au suprême degré, et dont le caractère de probité frappe. […] Génération vraiment nouvelle, et qui sera toujours distincte et marquée d’un caractère singulier qui la sépare des temps anciens et des temps à venir !

1159. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Les rapprochements ou les contrastes naîtront d’eux-mêmes, et c’est ainsi qu’en maintenant à chaque objet son caractère, il y a moyen à la littérature de tout fertiliser. […] Cabanis et lui, tous deux jeunes, en épousèrent l’esprit et l’appliquèrent chacun dans son sens ; mais Volney n’avait rien du caractère de Cabanis, qui corrigeait par l’onction de sa nature la sécheresse des doctrines : lui, il était homme à l’exagérer plutôt. […] Volney, reprenant à sa façon, et quarante ans plus tard, la tâche de Fréret, rencontre également l’autorité des Écritures qu’on lui oppose, et s’en irrite ; il s’en irrite comme un disciple de l’Encyclopédie : de là vient qu’en lisant ces amples et vastes récits d’Hérodote, qui font parfois l’effet d’un beau fleuve de Lydie, et en les comparant à d’autres récits d’un caractère plus primitif encore, il trouve moyen d’y apporter de l’aigreur, d’y mettre de la passion, et d’y insinuer de ce zèle hostile que nourrissait l’école de d’Holbach contre tout ce qui tenait à la tradition religieuse. […] Par ces côtés positifs, Volney était un membre utile de l’émancipation de 1789 ; mais il y mêlait une passion philosophique singulière, et, entre toutes celles du même genre qui éclataient alors, la sienne se distinguait par un caractère aigu et ardent.

1160. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Car la manifestation des caractères qu’il produit peu à peu rend les hommes compatissants pour tous les autres hommes et les empêche de haïr sauvagement qui que ce soit. […] Par ces points, l’art touche à la morale sociale et à la morale individuelle, et si ce qui le constitue, les propriétés générales mêmes de ce qui est esthétique, contribuent à modifier la conduite des individus et des masses, la sorte particulière d’émotions et de pensées que chaque ouvrage tend à faire naître chez ses lecteurs et ses admirateurs peut de même exercer une action bonne ou mauvaise sur le cours de leur caractère. […] Qui ne mesure, à l’énoncé seul de ce caractère de vérité, la supériorité des figures humaines montrées ainsi, sur les meilleurs dessins de personnages fictifs, dans les romans et dans les drames ? […] Au contraire, Tarde parlera plus volontiers du caractère anonyme, non charismatique, de l’innovation : « un nombre considérable d’idées petites ou grandes, faciles ou difficiles, le plus souvent inaperçues à leur naissance, rarement glorieuses, en général anonymes » (ibid.

1161. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Il n’avait du critique que les facultés qui tiennent à la sympathie, à l’ouverture d’esprit, à l’encourageante bienveillance du caractère ; mais les facultés qui accomplissent le critique et qui donnent à celles-là le tranchant et le fil, je les cherche en vain dans ses œuvres : il ne les avait pas ! […] Cet esprit, de principes si sévères qu’on l’a accusé d’être un puritain en littérature, n’a point, quand il touche aux œuvres contemporaines et aux hommes vivants, l’implacabilité qui est le caractère de toute justice qui doit frapper et courageusement frappe… Excepté ce coup de feu et de jeunesse, justifié par les guerres du temps, contre une masse, d’ailleurs, contre toute une littérature dans laquelle le nom d’un seul écrivain fut prononcé, et au milieu de quelle revanche d’éloges ! […] Nisard n’a jamais — est-ce une question d’esprit ou de caractère ?  […] Matériellement, c’est un confortable volume, délicieux de papier et de caractères, avec deux portraits à la Grévedon, l’un représentant Shelley, charmant de mollesse, de transparence et d’yeux mouillés, comme une jeune fille déguisée en adolescent, et l’autre ne représentant pas lord Byron, mais M. 

1162. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Nous y avons gagné un Attila presque bourgeois, asiatique d’instinct, car il met la politique au-dessus de la guerre, ce qui est aussi le caractère européen de ces derniers temps, « créant des prétextes, entamant des négociations à tout propos, les enchevêtrant les unes dans les autres comme les mailles d’un filet où son adversaire finissait toujours par se prendre », spirituel, railleur, spéculant sur ses mariages, comme la maison d’Autriche, ses mariages dont il avait peu la dignité, aimant ses enfants à la manière des patriarches de la Bible, et leur tirant paternellement le joues, comme Napoléon tirait l’oreille à ses soldats enfin un Attila très pittoresque, très inattendu et très savoureux pour ceux qui cherchent dans l’histoire de sensations neuves. […] Hommes, choses et ruines, s’y marquent de caractères qu’on n’a vus qu’à certains moments de la Bible, et, pour les faire flamboyer dans une pensée et dans un style harmoniques au sujet, il faudrait une puissance de prophète. […] Si donc ils retrempèrent le monde, s’ils le régénérèrent, et s’ils devinrent, selon l’expression de l’écrivain goth, une fabrique de nations, ce ne fut ni par la pureté acérée de leurs mœurs, ni par la fierté de leur caractère. […] il y a pour lui un bénéfice plus profond que cela, et qui n’a pas été assez aperçu… Il est dans le fait mystérieux d’une fraternité qui marque l’esprit des deux Thierry, comme, chez d’autres, elle marque le caractère ou le visage.

1163. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Chaque être demande à se nourrir des contingences pour les refondre en lui, suivant son propre caractère. […] Aussi ma thèse, en raison de son caractère in-scientifique et incomplet, prêtait-elle le flanc à plus d’une controverse. […] Panizza comme un autre argument à l’appui de sa thèse, leur caractère morbide ne prouve-t-il pas justement que l’abstinence, accompagnée, dans ce cas, de privations de toute nature, n’aboutit qu’à des troubles mentaux, qu’il est impossible d’assimiler à des manifestations intellectuelles normales ? […] Ils ont gardé, jusque dans leur plus mystérieux tréfonds, le caractère indélébile de leur renonciation, et tout ce qui sort d’eux s’en ressent.

1164. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Un des caractères éminents de sa gloire, un des privilèges de son inspiration sera d’avoir échappé à la loi du temps, à ce raffinement du goût, à ce travail artificiel qui marque les époques un peu tardives de l’imagination, les retours et les arrière-saisons des lettres. […] Plût au ciel seulement qu’elle eût brillé sur une de ces époques de droit durable et de liberté garantie, où la dignité du caractère, la puissance du talent, n’ont qu’à persister, à travers des obstacles prévus, dans une voie laborieuse, mais régulière et sans précipices ! Quoi qu’il en soit, avant ces épreuves trop violentes qu’impriment aux plus nobles caractères nos révolutions si rapides et nos fantaisies sociales trop réitérées, combien avaient été souvent heureuses les hardiesses d’imagination de ce talent jeune et libre, alors qu’on le voyait, comme il l’a dit lui-même : Jeter le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux. […] Aux premières cortès de Cadix, en 1809, parmi les incohérences d’une constitution délibérée entre l’admiration aveugle de 1789 et les feux des batteries françaises, il se dit des choses admirables de sagesse comme de grandeur, il s’éleva des caractères dignes des jours les plus glorieux, luttant contre l’anarchie du même cœur dont l’Espagne résistait à l’occupation étrangère.

1165. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il dira : J’aimais fort les sentences, ce qui est le caractère des moindres esprits. […] L’italien, au contraire, ressemble au grec, et exprime tout, comme on peut voir dans l’Arioste qui est en son genre un caractère tel que celui d’Homère. […] Mais il est probable qu’avec un tel caractère Molière devait sentir assez douloureusement certaines nécessités un peu désobligeantes de sa profession. […] De ce dernier, notamment, Racine développe et l’on peut dire qu’il invente le caractère et le rôle. […] Mais il n’est Turc qu’à moitié, et c’est ce qui le perd, — et c’est aussi ce qui rend son caractère très attachant.

1166. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Jusque-là, son pouvoir avait été précaire et contesté ; et, si elle avait terminé sa vie politique en 1705, elle n’aurait offert au jugement de l’histoire qu’un caractère équivoque et mal éclairci. […] La comparaison n’est pas à son avantage dans cette correspondance ; en face du caractère viril et décidé de son amie, le sien semble plus mesquin et plus monastique que jamais.

1167. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Essayez de démêler les principaux traits de votre caractère et de votre esprit, et ne prenez que ce qui en vient directement. […] Il était impossible de lire distraitement même un roman, de tourner les pages avec une langueur somnolente, en sautant tout ce qui prend l’air sérieux : dans ces formidables romans en dix tomes, diffus, interminables, bourrés de conversations et de dissertations, débordant de distinctions et d’analyses, l’histoire, les faits étaient peu de chose, et s’ils offraient à la curiosité frivole l’attrait de l’actualité et des allusions, c’était par les caractères finement dessinés, dont il fallait regarder de près les ressemblances.

1168. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Il s’en servit pour révéler une préoccupation de l’esprit, un état de l’âme, un sentiment, une passion ; pour faire éclater un caractère du premier mot et du premier geste. […] La scène est traduite mot à mot de l’italien ; cette brusquerie est du caractère et du rôle de Beltrame.

1169. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Incorrections de dessin, manques d’expression, pauvreté de caractères, vices d’ordonnance, on oublie tout ; on demeure extasié, surpris, enchaîné, enchanté. […] Réfléchissez-y un moment, et vous concevrez que le corps d’un prophète enveloppé de toute sa volumineuse draperie, et sa barbe touffue, et ces cheveux qui se hérissent sur son front, et ce linge pittoresque qui donne un caractère divin à sa tête, sont assujettis dans tous leurs points aux mêmes principes que le polyèdre.

1170. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Chose curieuse, l’émotion sentimentale fut, ce m’a semblé, tout aussi forte, et de plus je m’aperçus d’un mérite incroyable de composition, d’un art, assurément tout instinctif, des préparations des dispositions prises en vue d’amener un effet final, ou en vue d’éclairer d’avance certaines particularités de caractère par où s’expliquent les incidents et les péripéties ; je m’aperçus, en un mot, que le roman, s’il n’était pas aussi bien écrit que je l’eusse désiré, était aussi bien construit qu’une nouvelle de Maupassant. […] C’est une grande marque, pour un livre, d’excellence ou de conformité avec notre caractère, que le désir que l’on a de le rouvrir.

1171. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Si l’impartialité est de rigueur pour l’historien tout le temps qu’il raconte les faits, scrute les causes et peint les caractères, une fois cette triple trame de l’histoire impassiblement déroulée, il reste la conclusion dernière, le jugement suprême à prononcer ; et cette conclusion et ce jugement ont toujours autant de chaleur, de passion et de vie, qu’il y en a dans la conscience et le sentiment moral de l’historien. […] La sévérité indignée, qui fait l’histoire pathétique et lui donne son plus beau caractère, y manque aussi, et je la regrette ; mais, si la grande moralité n’est point là encore, du moins l’immoralité n’y est plus !

1172. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

C’est le caractère, en effet, de sa poésie, que la plaie éternelle et cachée sous l’éblouissant mensonge de la forme, qui se ferme pour se rouvrir, qui vieillit, qui n’empêche pas de vivre et même de sourire, mais qui, au lieu de guérir, s’envenime. […] Ce poète d’une race finie et d’une cause perdue, ce Redgauntlet poétique des Stuarts de la France, qui fait vivre sa muse au poste où il eût été digne de mourir, mais où le combat n’est même plus, à côté de beaucoup de sonnets tels que le suivant, — qui ressemble à ces écussons de marbre noir que soutiennent parfois des anges tumulaires aux coins silencieux des mausolées : Ce fut un vaillant cœur, simple, correct, austère ; Un homme des vieux jours, taillé dans le plein bloc, Sincère comme l’or et droit comme un estoc, Dont rien ne détrempa le mâle caractère.

1173. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

pour peu que, libre de ces préoccupations de parti qui bandent les yeux aux intelligences avant de les tuer, comme on fait aux hommes qu’on fusille, on ouvre l’Histoire d’une main impartiale, on ne trouve nulle part, depuis que le monde romain a sombré, de chose humaine qui ait plus que l’Empire de Napoléon ce caractère grandiose, monumental et merveilleux, qui fait penser à l’Épopée. […] Le caractère du talent de Belmontet est une fougue âpre et non sans fierté, qui rappelle en plus d’un endroit la manière de Lebrun, le lyrique, auquel il reste supérieur par la grandeur des sujets qu’il traite et l’ardeur de ses sentiments.

1174. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

campé est un mot bien hardi : c’est glissé qu’il faut dire, — précisément entre cet Edgar Poe, encore plus diable que fou, et Hoffmann, l’allemand, qui, lui, était plus fou que diable, et il avait ôté à l’un son caractère diabolique et prémédité, et à l’autre son insanité effrayante et involontaire ; il les avait affaiblis, il les avait embourgeoisés… Les bourgeois furent reconnaissants. […] Mais dans le volume intitulé : Contes fantastiques, il y a cette lunatique griserie d’Entre deux vins ; il y a Crispinus ou l’Histoire interrompue, L’Oreille de la chouette, Le Combat de coqs, qui n’ont nullement le caractère fantastique, et où nous trouvons, ainsi que dans Les Fiancés de Grinderwald, la perle de ce volume, les qualités que nous avons cherché à caractériser dans Erckmann-Chatrian.

1175. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Voici donc que cet illustre penseur nous fournit, en sortant de la vie, un document très grave sur la qualité de son caractère et sur l’interprétation de ses idées. […] — Depuis les années 1870 et 1871 qui ont beaucoup assombri mon caractère, mon esprit se reporte avec complaisance à la préparation à la mort.

1176. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Deux caractères du sol opèrent dans le même sens. […] Les trois traits principaux que nous avons démêlés dans leur caractère sont justement ceux qui font l’âme et l’intelligence de l’artiste. […] Une série d’autres caractères va nous montrer la finesse de leur tact et la délicatesse exquise de leurs perceptions. […] Considérez leurs pièces de théâtre ; point de caractères complexes et profonds comme ceux de Shakespeare ; point d’intrigues savamment nouées et dénouées ; point de surprises. […] Son caractère est sérieux, viril, élevé, très-simple et même âpre, excellent pour inspirer la patience et l’énergie.

1177. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Ne serait-il pas possible de retrouver ce sens vrai de la Révolution française en remontant à son origine et à ses premiers organes, d’en dégager la juste signification des passions et des crimes à travers lesquels elle a perdu son caractère et son but, et de rappeler ainsi la France de 1840 à la philosophie sociale et politique dont elle fut l’apôtre et la victime pour devenir, quoi ? […] Je le répète, mes traditions de famille m’avaient fait une seconde nature de mon attachement à la royauté séculaire de la France, aux vertus si mal récompensées de l’honnête Louis XVI, aux malheurs de sa race, à la haute et sage modération de Louis XVIII, ce roi conciliateur de la royauté et de la liberté par la charte, même au caractère chevaleresque de Charles X, tombé dans une faute, mais laissant après lui un enfant de la couronne innocent par son âge du coup d’État qui lui avait enlevé sa patrie. […] C’est en approchant de l’homme témoin des événements qu’on approche le plus près de la vérité des actes et des caractères. […] Je connus par lui tous les secrets de nature et d’intimité sur le caractère, sur la vie intérieure, sur les sentiments privés, sur la séparation dernière, sur la mort tragique d’un de ces hommes à deux aspects, terribles au dehors, placables au dedans. […] C’est ainsi que, voulant restituer à Robespierre son vrai caractère historique de fanatisme systématique et convaincu, d’aberration politique et sociale au commencement et de férocité désespérée à la fin, je recherchai avec soin pendant tout un hiver, à Paris, les moindres fils encore subsistants qui pouvaient se rattacher à cette figure, et dire non la vérité convenue, mais la vérité vraie et occulte sur ce tribun, précipité de sa dictature le 9 thermidor, journée dont Bonaparte, qui avait connu et fréquenté ce tyran du comité de salut public, disait à Sainte-Hélène que : « c’était un procès jugé, mais non instruit ».

1178. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Comme par l’esprit, il ressemble par le caractère à ses grands ancêtres italiens. […] Ces ressorts généraux d’un caractère et d’un esprit, après, les avoir atteints et définis, il les rapproche, il les anime, il les met en branle. […] Je ne parle pas de son caractère, qui est connu ; mais ses œuvres répondent pour lui. […] Je crois d’ailleurs sentir, dans ses Mémoires, que c’est à regret qu’elle s’est détachée de son héros, qu’elle n’a découvert que peu à peu son vrai caractère, et que cette découverte lui a été une douleur, non un plaisir méchant. […] Taine se plaignant qu’on n’ait pas donné toute la correspondance de Napoléon Ier, le prince répond : « En principe, j’établis qu’héritiers de Napoléon, nous devions nous inspirer de ses désirs avant tout, et le faire paraître devant la postérité comme il aurait voulu s’y montrer lui-même. » C’est pourquoi l’on a exclu de la Correspondance « les lettres ayant un caractère purement privé ».

1179. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

« Un caractère particulier de la France, et surtout de Paris, écrivait, en 1817, Joseph de Maistre, c’est le besoin et l’art de célébrer. » Depuis 1817, grâce à la politique, le besoin est devenu plus grand, et l’art moins délicat. […] Rester sévèrement renfermé dans les limites et les caractères du genre, c’était là le goût. […] Le caractère philosophique de ces livres, la morale tirée des événements, la profondeur et la gravité des maximes ; des vues supérieures et des leçons éloquentes sur la part de chacun dans la bonne et la mauvaise fortune des sociétés ; plus de penchant pour le principe d’autorité que pour le principe de liberté, dans une conviction égale de la nécessité des deux choses pour la bonne conduite et pour la gloire des sociétés humaines : toutes ces qualités indiquent que les nobles habitudes de l’enseignement public ont passé par là. […] Les pièces en vers, pourvu qu’il n’y manque pas un poète, ont plus de chance de durée, parce qu’il y a là un travail supérieur qui élève l’écrivain au-dessus du temps présent, qui l’excite à chercher dans le rôle le caractère, dans le personnage le type, qui le préoccupe d’idéal, qui le met en commerce avec les maîtres de l’art et le fait penser à la gloire. […] Peintures de mœurs et de caractères, dialogues, récits, descriptions, tout dans ses livres est revêtu de cette beauté suprême.

1180. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Ce voyage nous ouvre un jour curieux sur le caractère timoré de la famille Fromentin, sur l’espèce de mésentente et de défiance qui séparait Eugène de ses parents. […] Les témoignages sont, à cela près, unanimes sur la dignité et la délicatesse du caractère de Fromentin. […] Elle prend dans Dominique un caractère actif, constructif. […] L’art de la composition était entre deux : il veut l’unité vivante de la chose et la gestation soutenue de la pensée. » Et Amiel conclut que : « Composer, c’est montrer du caractère. » Ce caractère qu’il n’avait pas, il eût souhaité de l’avoir, et il parlerait à son démon avec le même accent de reproche triste que le Moïse de Vigny à Dieu : « Faire une chose a plus de prix que de parler de mille. […] Le Journal ne nous présente que ce que Kant appelle le caractère intelligible et intemporel.

1181. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Enfin, un autre caractère essentiel qui distingue le raisonnement expérimental du raisonnement scolastique, c’est la fécondité de l’un et la stérilité de l’autre. […] La contre-épreuve devient donc le caractère essentiel et nécessaire de la conclusion du raisonnement expérimental. […] L’anatomie ne donne que des caractères pour reconnaître les tissus, mais elle n’apprend rien par elle-même sur leurs propriétés vitales. […] Ces classifications anatomiques doivent corroborer et rectifier les caractères tirés des formes extérieures. […] La vraie science agit et explique son action ou sa puissance : c’est là son caractère, c’est là son but.

1182. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

On n’y entend que du français passant par le rauque gosier juif d’un Francfortois, et cette exposition prend le caractère d’une exposition israélite. […] Une planche très remarquable est une lithographie de Lunois, intitulée : « Danseuses espagnoles avant la danse. » Une planche du plus grand caractère, échappant à l’imitation japonaise, par l’intensité des tons, le bleu cru du fond, le jaune, le rouge franc des robes, les noirs d’ombre nocturne, en pleine figure. […] Mais il faut le dire, il y a des reconstitutions de Jérusalem, lavées de couleurs, qui ont un peu du caractère des grandes cités ninivites, peintes par le peintre anglais Martins. […] De l’andrinople rouge au plafond, de l’andrinople rouge aux murs, et autour des portes, des fenêtres, des corps de bibliothèque peints en noir, et sur le parquet, un tapis ponceau, semé de dessins bleus, ressemblant au caractère de l’écriture turque. […] Hennique, peint à l’huile par Jeanniot (1890), sur un exemplaire de : Un caractère, un portrait d’une ressemblance charmante dans une habile peinture.

1183. (1898) La cité antique

Ainsi observées, la Grèce et Rome se présentent à nous avec un caractère absolument inimitable. […] Combien le caractère de propriété privée est manifeste en tout cela ! […] La loi des Douze Tables, en laissant au tombeau le caractère d’inaliénabilité, en a affranchi le champ. […] On a permis enfin de vendre le domaine ; mais il a fallu encore pour cela des formalités d’un caractère religieux. […] Il semblait qu’on ne se préoccupât ni de son caractère ni de son intelligence.

1184. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Quand nous disons du poète romain, nous nous trompons : Horace n’était Romain que par le séjour qu’il faisait à Rome : d’origine et de génie comme de caractère il était Grec. […] II Un second caractère de sa poésie, c’est qu’elle ne dérive pas, comme la grande poésie, de l’enthousiasme, mais du badinage. […] » Sa philosophie, commode et modeste, éclate dans la plupart de ces odes en vers à demi-voix qui ont le charme de son caractère ; les images dans lesquelles il symbolise cette modération des vœux de l’homme, pour que ces vœux ne soient pas plus vastes que la vie humaine qui les trompe tous, sont restées immortelles et proverbiales chez tous les poètes venus après lui. […] Le bon sens exquis jouant avec la sagesse est le caractère de cette épître, la plus belle de toutes les poésies qui portent ce nom. C’est ce décousu de la conversation en vers qui est le caractère et la grâce de ce genre de composition.

1185. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Comme on sent, quelques lignes plus loin, l’homme qui a le sentiment de sa supériorité sur ses contemporains, de son égalité de niveau avec les plus hauts caractères et les plus vastes intelligences de l’antiquité ! […] Voilà le véritable caractère du livre du Prince, et voilà aussi son excuse. […] Les Étrusques durent leur capitale à un grand marché fondé sur la colline escarpée de Fiesole ; d’où Florence descendit dans la plaine ; de là ce caractère mercantile qui resta l’âme de ce doux pays, et qui finit par lui donner pour magistrats des cardeurs de laine et pour maîtres une dynastie de marchands (les Médicis). […] Nation légère comme la Grèce sa mère, superstitieuse comme l’Espagne sa nourrice, héroïque par accès comme les Normands ses conquérants, intelligente et vive comme des Français de l’Italie, à la fois servile et frémissante envers les papes ses voisins, qui la revendiquaient comme un fief de Rome, cette nation, par la souplesse de son caractère et par la promptitude de son esprit, était admirablement apte à modifier ses institutions selon le caractère de ses dynasties passagères. […] Cette constitution n’avait pas le caractère soldatesque et anarchique de la constitution des carbonari ; elle pouvait marcher sans chute par la bonne volonté du roi et par la sagesse de la nation ; mais les restes du carbonarisme voulurent la pousser à des désordres par des excès populaires.

1186. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

IV Quoi qu’il en soit, je commençais à penser et à comprendre que d’autres autour de moi pensaient plus que moi ; je commençais même à comprendre non la nature, mais le fait de cette transformation en pensée des caractères matériel qu’on me faisait tracer ou lire, et la transformation de cette pensée en caractères, c’est-à-dire en livres. […] Les sœurs n’y étaient pas moins distinguées de caractère et d’esprit que les frères ; la dernière de ces sœurs vit encore, âgée de quatre-vingt-quinze ans, dans la même maison que je vois blanchir d’ici, à l’époque où j’écris ces lignes ; elle n’a rien perdu de sa grâce de cœur et de son sourire d’esprit ! […] Mais ces deux hommes se recherchaient, tout en se réservant comme deux caractères qui ont la pudeur de leurs épanchements. […] J’entrai pour rappeler mon chien, cause de ce désordre ; M. de Valmont, assis sous un noisetier contre le mur, se trouva en face de moi ; il me reconnut, me sourit, me salua, et m’invita à entrer, avec une confiance très-étrangère à son caractère, mais inspirée sans doute par la candeur de ma figure et de mon âge. […] Il n’avait de complète sécurité qu’avec mon oncle, dont le caractère loyal et l’esprit ouvert l’avaient attiré.

1187. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Fournel, ce sera de substituer la vérité du caractère à la convention du type. » Et M.  […] Le principal et presque l’unique intérêt de ces comédies est donc dans la peinture des caractères. […] ) — Mais s’il n’y a plus de caractères, comment remplir les cadres de la comédie ? […] Il serait plein de pédantisme et d’intolérance ; il aurait, si j’ose dire, le plus fichu caractère. […] Mais il a bon caractère ; il admet la substitution.

1188. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mais que surviennent des circonstances délicates et difficiles qui mettent tout l’homme à l’épreuve, comme on s’aperçoit que le caractère de M. de Montmorency gagne à ce point d’appui intérieur ! […] Où ne s’y gâtait pas le goût, on le perfectionnait plutôt ; on l’aiguisait ainsi que le tact : on s’amollissait un peu le caractère. […] Ambassadeur à Rome en 1828 et 1829, il écrit de là à Mme Récamier des lettres qui ont de beaux passages, et qui, à travers les infirmités de caractère désormais trop en vue, montrent le talent encore dans tout son plein et dans sa plus grande manière : Rome, mercredi 15 avril 1829.

1189. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Joubert, d’ailleurs, apporta dans les conséquences de ce coup d’État, contrecoup du nôtre, la modération qui était dans son caractère et qui servait utilement de correctif à la chaleur de ses opinions. […] C’était (et il le sentait bien tout en y cédant) s’être jeté, de gaieté de cœur, dans un conflit et un courant de difficultés presque impossible à surmonter pour aucun autre, plus impossible encore pour lui avec son caractère. […] Ce qu’il y eut de brave, d’intrépide, d’honnête, d’individuel en lui, a dès longtemps pâli dans l’éloignement et serait déjà effacé par la distance : son caractère plus distinct, sa marque fatale et comme sacrée est dans ce qui le rattache au grand mouvement irrésistible qui se préparait, à l’ère de rénovation vers laquelle aspirait la société tout entière.

1190. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Appuyé qu’il est à ces hautes colonnes du temple, regardez-le d’un peu loin : la menace s’ennoblit, la laideur s’efface ; ses invectives les plus grosses, comme ses méchancetés les plus fines, prennent aisément un caractère de justice inexorable et de sévérité vengeresse. […] Veuillot, un homme d’esprit, fin observateur des choses humaines, et qui a porté sur le caractère français des jugements aussi piquants que sincères. Si nous osions donner un conseil à nos orateurs, c’est de le fréquenter un peu. » Ce voisin, ce jour-là, n’est ni plus ni moins que La Bruyère en personne ; et pour chaque député qui paraît à la tribune, dans le jugement et la définition de sa manière et de son caractère, c’est toujours un mot emprunté à La Bruyère qui fournit le dernier trait.

1191. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Les caractères sont ceux du xviie  siècle ; l’œil de l’enfant et l’œil du vieillard s’en accommodent également bien et s’y reposent ; rien d’aigu, rien de pressé et d’entassé ; il y a de l’espace et un espace égal entre les mots, l’air circule à travers avec une sorte d’aisance, la prunelle a le temps de respirer en lisant ; en un mot, c’est un caractère ami des yeux. […] C’est ici qu’il me faudrait la plume d’un Théophile Gautier pour traduire à mon tour ces dessins et les montrer à tous dans un langage aussi pittoresque que le leur ; mais je ne sais nommer toutes ces choses, je n’ai pas à mon service tous les vocabulaires, et je ne puis que dire que ces dessins me semblent fort beaux, d’un tour riche et opulent, qu’ils ont un caractère grandiose qui renouvelle (je répète le mot) l’aspect de ces humbles Contes et leur rend de leur premier merveilleux antérieur à Perrault même, qu’ils se ressentent un peu du voisinage de l’Allemagne et des bords du Rhin (M. 

1192. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ce n’est guère que dans cette dernière partie que le livre prend le caractère de Mémoires suivis et que l’auteur s’attache à éclaircir en témoin et en coopérateur des mieux informés quelques-uns des actes importants de l’histoire. […] On n’en agit de la sorte qu’avec les caractères d’une certaine trempe et d’un ressort bien pliant. […] Il est évident qu’on ne comptait pas assez avec lui, qu’on le traitait avec un certain sans-gêne, que son caractère n’imposait pas, qu’on le prenait trop au mot dans les plaisanteries qui lui échappaient sans cesse sur lui-même.

1193. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Guillaume de Schlegel, dans laquelle il compare la Phèdre de Racine et celle d’Euripide ; il y exprime admirablement le genre de beauté de celle-ci, ce caractère chaste et sacré de l’Hippolyte, qu’il assimile avec grandeur au Méléagre et à l’Apollon antiques. […] Titus donc exprime en lui le caractère tragique, en ce sens qu’il soutient une lutte généreuse, qu’il sort du penchant tout naturel et vulgaire ; qu’il a le haut sentiment de la dignité souveraine et de ce qu’on doit à ce rang de maître des humains. […] Ce caractère se retrouve à chaque instant dans ses rôles ; elle les choisit, elle les compose, elle les proportionne à son usage, à ses moyens physiques.

1194. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Je veux dire que tel écrivain aimera à considérer le détail, à étudier les infiniment petits, à décrire avec un soin minutieux un coin de nature ou une particularité de caractère, à débattre une question microscopique, à couper, suivant l’expression consacrée, un cheveu en quatre ; que tel autre, au contraire, se plaira aux grandes généralisations hâtives, aux considérations philosophiques hasardeuses, aux vastes systèmes embrassant l’univers ; qu’un troisième, réunissant les qualités de l’un et de l’autre, essaiera de concilier l’exactitude et la précision dans les moindres choses avec les vues d’ensemble suggérées par l’étude des faits particuliers. […] S’il est des genres littéraires voués ainsi à l’action par leur nature même, tous peuvent à l’occasion prendre ce caractère militant. […] Les intentions de l’auteur, ou tout au moins ses tendances, se trahissent ici par l’approbation d’un acte ou d’une pensée, là par une ironie, tantôt par une préface, tantôt par la conclusion de l’ouvrage, souvent par la peinture des caractères ou encore par mille autres signes qu’il serait trop long d’énumérer.

1195. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

« Le mot conscience signifie la vie mentale avec ses diverses énergies, en tant qu’elle se distingue des fonctions purement vitales et des états de sommeil, torpeur, insensibilité, etc. » Il indique aussi que l’esprit est occupé de lui-même, au lieu de s’appliquer au monde extérieur ; car les préoccupations qui ont pour objet ce qui est externe, présentent un caractère anesthétique. […] Bain sous ces quatre titres : Classification, abstraction, généralisations de notions, noms généraux, définitions : la classification consistant à grouper les objets d’après la ressemblance ; de là résulte une généralisation ou idée abstraite qui représente ce qu’il y a de commun dans le groupe ; et une définition qui exprime les caractères communs de la classe. […] Les sentiments d’hommes qui diffèrent tout à fait de nous par leur position, leur caractère, leurs occupations, ne peuvent être conçus que par un procédé constructif.

1196. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Pourtant, comme on ne peut bien comprendre le caractère et le doux génie de Mme Récamier, cette ambition de cœur qui, en elle, a montré tant de force et de persistance sous la délicatesse ; comme on ne peut bien saisir, disons-nous, son esprit et toute sa personne sans avoir une opinion très nette sur ce qui l’inspirait en ce temps-là, et qui ne différait pas tellement de ce qui l’inspira jusqu’à la fin, j’essaierai de toucher en courant quelques traits réels à travers la légende, qui pour elle, comme pour tous les êtres doués de féerie, recouvre déjà la vérité. […] C’était le caractère de cette âme si multipliée de Mme Récamier d’être à la fois universelle et très particulière, de ne rien exclure, que dis-je ? […] Une personne d’un esprit aussi délicat que juste, et qui l’a bien connue, disait de Mme Récamier : « Elle a dans le caractère ce que Shakespeare appelle milk of human kindness (le lait de la bonté humaine), une douceur tendre et compatissante.

1197. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

J’ai pris Fénelon dans le Traité de l’existence de Dieu, et Bossuet dans le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même ; et, sans chercher à approfondir la différence (s’il en est) de la doctrine, j’ai senti avant tout celle des caractères et des génies. […] Non content de croire avec Bossuet et Fénelon, et avec tous les chrétiens, à un Dieu caché, il aime à insister sur les caractères mystérieux de cette obscurité ; il se plaît à déclarer expressément que Dieu « a voulu aveugler les uns et éclairer les autres ». […] Le caractère philosophique et indépendant qu’il a tenu à y laisser n’en saurait altérer le prix, et il y ajoute plutôt à mes yeux.

1198. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Il ne faut pas trop mettre en évidence un seul des caractères de l’art, parce que la mode s’en empare. […] Son caractère avait divorcé d’avec lui-même. […] On dit aussi que dans cette société ils prirent quelques traits de caractère à leurs nouveaux camarades. […] Cœur d’or, mais caractère extrêmement difficile ! […] Mais ici comme là, les circonstances poussent le caractère dans une direction opposée à leur courant.

1199. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Quant au caractère intime de cette inspiration, je n’essaie même pas de formuler le sentiment que j’en ai. […] Ces caractères sont dessinés avec une précision de miniature. […] Et cette œuvre, qui ne peut plus être dite actuelle, prend un caractère que j’appellerai historique. […] Ces génies si différents ont ce même caractère de répugner également à la surcharge et à la déclamation. […] Pour pratiquer scrupuleusement la règle de la soumission au réel, il faut adapter notre intelligence au caractère de ce réel.

1200. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Un portrait ou caractère de Gandar, résumé dans son esprit et dans son originalité, pourrait exactement s’intituler Gandar, ou la Parfaite École du professeur, de celui qui se destine à l’être. […] « Corfou n’est pas très frais, mais Corfou est charmant, je parle de l’île plutôt que de la ville, petite ville vénitienne et génoise sans caractère, qui ne serait rien par elle-même si elle n’avait pas la mer, son horizon, ses campagnes et son esplanade. […] Sheridan n’est pas Shakespeare ; mais il est aimable. » Ce caractère d’amabilité et d’agrément, Gandar, et je l’en remercie, y reste très sensible. […] Il n’y a qu’une opinion sur le génie oratoire de Bossuet : il y en a, il peut y en avoir deux sur son esprit, sur sa personne et son caractère. […] Tout aussitôt après ceux qui en furent les renommées brillantes et les gloires, on dira qu’il en a été l’un des talents les plus vrais, un des caractères les plus purs, une des vertus enfin et un exemple.

1201. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Une série de quatre planches intitulée : Quatre natures, parmi lesquelles un dessin de corbeau d’un grand caractère. […] La première série, éditée en cinq volumes, comprend les poésies chinoises, en cinq caractères chinois par ligne, littéralement cinq mots. […] On a emprunté les lettres, les caractères de la calligraphie pour faire l’étude plus facile à l’élève. […] Dessins très poussés, très finis, et ayant le caractère de ses dessins appliqués de la Soumida dans les dernières années du siècle dernier. […] Une feuille d’un grand caractère : l’exposition d’une tête coupée, regardée par toute une foule.

1202. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

C’est méconnaître le plus beau caractère du siècle qu’on surnomme encore le Grand. […] Ces titres-mêmes, Les Maximes et Les Caractères, sont assez expressifs. […] Le caractère de la vie et de la poésie de lord Byron permet à peine une appréciation juste et équitable. […] Il s’est convaincu qu’il faut très peu de chose pour peindre, et, couleur et caractère, il ramène tout à l’unité. […] — ont un caractère d’unité qui leur est tout personnel.

1203. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Un caractère noble, une compréhension profonde du réel, voilà les réceptacles de la muse. […] Au reste, le caractère noble et fier du poète devait confirmer sa philosophie. […] Il doit encore au caractère flamand une propension non déguisée au mysticisme. […] Ses caractères et leurs applications. — Mockel, Sully-Prudhomme, Bergson. […] Mais l’aspiration poétique procède de ce caractère de mobilisme universel.

1204. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Qu’on lise les belles pages de Volney, de Bernardin de Saint-Pierre et de M. de Chateaubriand, et qu’on voie si elles ne portent pas le caractère des lieux où elles furent écrites, et si, pour ainsi dire, le ciel qui les inspira ne s’y réfléchit pas tout entier. […] Denis nous transporte dans les bocages d’Otahiti, séjour charmant de la poésie et de la volupté, où le navigateur oublie l’Europe et la patrie ; soit qu’aux bords sacrés du Guige, il nous retrace les caractères des beaux lieux qu’il arrose, la plénitude de la végétation, des villes au sein des forêts, (les gazelles et les biches auprès du buffle et du tigre, l’éléphant sauvage et sa vaste domination sur les hôtes des bois, et ses guerres sanglantes contre des armées entières de chasseurs ; soit qu’accomplissant cette fois toute sa mission, il nous montre la littérature portugaise passant du Gange au Tage, et qu’il présente les fables des Indiens, et leurs riantes allégories, et leurs croyances si douces et si terribles tour à tour ; alors, en s’adressant aux poètes, il est poète lui-même ; sa pensée, singulièrement gracieuse, s’embellit encore d’une expression dont l’exquise pureté s’anime des couleurs orientales.

1205. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

L’amour de l’étude, loin de priver la vie de l’intérêt dont elle a besoin, a tous les caractères de la passion, excepté celui qui cause tous ses malheurs, la dépendance du sort et des hommes. […] Il faut une grande puissance de caractère pour se déterminer aux premiers essais, mais les succès qu’ils assurent deviennent une sorte d’habitude, qui amortit lentement les peines de l’âme.

1206. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Le rire dont elles nous secouent intérieurement est le rire bouddhiste, lequel précède immédiatement, dans l’ordre des affranchissements successifs de nos pauvres âmes, la paix du Nirvâna… Le second et le troisième caractère de cette gaîté, c’est l’outrance et la méthode, portées toutes deux aussi loin que possible, et se soutenant et se fortifiant l’une l’autre. […] N’avez-vous pas été frappés, dans les trop nombreuses citations que j’ai faites, de la merveilleuse justesse des jeux de mots dont elles sont semées et, si je puis dire, de leur caractère de nécessité ?

1207. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

M. le Prince disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Je remarque que nous n’avons rien dit encore que de vague et de banal concernant la personne sur qui pèse aujourd’hui le ridicule de la préciosité de mœurs et de langage ; parlons un moment de ses premières années et des premières apparences de son caractère. […] L’auteur a peint des folies, non des caractères.

1208. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Mais rien ne put le faire sortir de son caractère. […] Ces deux hommes d’un caractère si opposé devinrent amis.

1209. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Le caractère de la femme est admirablement tracé dans la fatale chute. […] Quand Isaïe menace les filles de Jérusalem : « Vous perdrez, leur dit-il, vos boucles d’oreilles, vos bagues, vos bracelets, vos voiles. » On a remarqué de nos jours un exemple frappant de ce caractère.

1210. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Ulysse, bien que roi et héros, a toutefois quelque chose de rustique ; ses ruses, ses attitudes, ses paroles ont un caractère agreste et naïf. […] Mais ni l’amour de Pénélope et d’Ulysse, ni celui de Didon pour Énée, ni celui d’Alceste pour Admète, ne peut être comparé au sentiment qu’éprouvent l’un pour l’autre les deux nobles personnages de Milton : la vraie religion a pu seule donner le caractère d’une tendresse aussi sainte, aussi sublime.

1211. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Mais pourquoi le caractère, l’humeur même de l’homme n’influeraient-ils pas sur son coloris ? […] Il lui arrivera une fois de sortir de son caractère, de vaincre la disposition et la pente de son organe.

1212. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Ce professeur remplira ses leçons de l’histoire naturelle de chaque drogue ; il décrira les caractères particuliers qui la constituent dans son état le plus parfait, dans son état de médiocrité et dans son état défectueux. […] Le cours se fermera toujours par un discours, prononcé alternativement par un des professeurs, sur l’importance de l’art, ses progrès et son histoire, le caractère et les devoirs du vrai médecin, l’incertitude et la certitude des signes de la mort, et la médecine légale considérée par ses rapports avec les lois, tels que les signes de la mort violente ou le suicide, les naissances tardives, etc., etc.

1213. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

En aurait-on une immensité à son service, si on est de ces races, la personnalité la plus robuste et la plus profonde naît marquée d’un caractère de nationalité inévitable ; comme, au contraire, il en est d’autres où le génie, quand il y a génie, appartient davantage à l’homme qui en est investi et reste franc du collier de force de la race. […] Voyez Spinosa et une foule d’autres, Heine lui-même, — Heine l’apostat, qui, en se jetant dans le vif argent de l’esprit français, est devenu le Voltaire allemand, et qui n’a pu enlever complètement cependant le caractère juif à son génie.

1214. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Tel le sujet du roman de Meurice, et ce sujet, sous une plume virile et suffisamment essuyée des badauderies qui enniaisent la sienne, pourrait, malgré la faiblesse du caractère de son héros, tué par une opinion qu’il prend pour sa conscience, être intéressant, — comme l’est toute lutte ardente et funeste. […] Quand, sorti de chez sa maîtresse pour rentrer chez sa femme, il y trouve des enfants qui, tout à l’heure, par le fait du roman, vont le mettre au supplice (sa fille en voulant épouser le fils d’un ennemi politique, son fils en jugeant et en réprouvant sa conduite quand il accepte le ministère), ce père, qui aurait pu être sublime dans ce déchirement de Laocoon, dévoré non plus par des serpents, mais par ses propres enfants, a perdu le bénéfice et l’auguste caractère de la paternité, et tous les sophismes de l’auteur n’ont pas le pouvoir de les restituer à cette paternité souillée.

1215. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi. […] Mais, comme en même temps il y a dans chaque siècle un caractère qui s’imprime à tout, la servitude de l’Asie s’étendit dans les Gaules, et l’éloquence corrompue et faible n’y fut, comme ailleurs, que le talent malheureux ou d’exagérer quelques vertus, ou de déguiser des crimes.

1216. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Si nous examinons maintenant son caractère et ses qualités personnelles, nous lui trouverons cette ambition sans laquelle un homme n’a jamais donné un grand mouvement à ce qui l’entourait ; cette activité nécessaire à tous les genres de succès, à la guerre surtout, et dans un empire qui embrassait cent provinces ; cette férocité qui était le vice général du temps, et qui lui fit commettre des crimes, tantôt d’une barbarie calme, comme le meurtre de son beau-frère, celui de son neveu, et celui des rois prisonniers qu’il fit donner en spectacle et déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d’emportement et de passion, comme les meurtres de sa femme et de son fils ; cet amour du despotisme presque inséparable d’une grande puissance militaire et de l’esprit de conquête, et surtout de l’esprit qui porte à fonder un nouvel empire ; un amour du faste, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, surtout lorsqu’il est soutenu par quelques grandes actions et de grands succès ; des vues politiques, sages, et souvent bienfaisantes, sur la réforme des lois et des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne savait pas punir, quand les peuples étaient malheureux et opprimés. […] Toutes les fois qu’un homme à grand caractère est à la tête d’une nation, les esprits s’agitent, les âmes s’élèvent, les lettres et les arts ou fleurissent, ou renaissent, ou font effort pour renaître, ou suspendent leur chute.

1217. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Idée générale de son esprit et de son caractère. —  Sa famille. —  Son éducation […] Effets du caractère concentré et solitaire. —  Son austérité. —  Son inexpérience. —  Son mariage. —  Ses enfants. —  Ses chagrins domestiques. […] Les deux caractères s’étaient choqués. […] Il y en a une douzaine à la file, chacun avec son titre en caractères tranchés et la petite brigade de subdivisions qu’il commande. […] La surabondance comme la rudesse ne fait que manifester ici la vigueur et l’élan lyrique que le caractère de Milton avait prédits.

1218. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il prenait un caractère ou portrait de La Bruyère, lui donnait un nom, un état civil et un état social, le faisait causer avec un certain nombre de personnes, et il était bien sûr d’avoir fait une comédie de caractère. […] Luther alliait les caractères les plus contraires. […] On a traité là un fait divers dans ses caractères prévus. […] Saint-Simon a peint des portraits complets : physique, moral et caractère. […] On ne voit rien d’irréfutable dans cette conclusion du caractère de Gracchus, Était-il ainsi ?

1219. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Brunetière a été très frappé du caractère moral d’une telle pensée, et il en a félicité M.  […] Surtout il s’exerça sur de nombreux tessons à tracer de beaux caractères. […] Léon Hennique a publié récemment sous ce titre : un Caractère. […] Le roman que je viens de lire, un Caractère, est certes une œuvre peu commune. […] Petite tête et grand cœur, enfin c’est « un caractère ».

1220. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Une métaphysique est une religion ; elle en a tous les caractères ou au moins les caractères principaux. […] Il est bien l’amour avec tous ses caractères ordinaires et qui semblent comme inhérents à lui. […] Elle doit avoir tous les caractères de l’amitié. […] Les philosophies qui ont en elles de quoi devenir des religions ont ce caractère. […] Il n’ignore pas que les Athéniens ont souvent un caractère charmant et qu’il fait souvent bon de vivre avec eux.

1221. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

. —  Son caractère. —  Sa condition. —  Sa vie. —  Peinture de la vie morale dans la vie vulgaire. —  Introduction du style terne et des compartiments psychologiques. —  Défauts du genre. —  Noblesse des sonnets. —  L’Excursion. […] Avant de la définir, j’aime mieux la montrer, et pour cela il faut que l’on voie le caractère et la vie de celui qui le premier l’a pratiquée sans système, William Cowper ; car son talent n’est que l’image de son caractère, et ses poëmes ne sont que l’écho de sa vie. […] On pouvait s’en douter en regardant le caractère et la vie de l’auteur ; car que veut-il et que demandent ces hôtes empressés à l’écouter ? […] Par-dessous l’amateur du moyen âge, on découvre d’abord l’Écossais avisé, observateur attentif, dont la sagacité s’est aiguisée par le maniement de la procédure, bon homme d’ailleurs, accommodant et gai, comme il convient au caractère national, si différent du caractère anglais. « Bon Dieu, dit un de ses camarades d’excursions, quel fonds il avait de belle humeur et de plaisanteries ! […] Autour de lui et après lui, le roman de mœurs, dégagé du roman historique, a fourni une littérature entière et gardé les caractères qu’il lui avait imprimés.

1222. (1925) Dissociations

Il projette son caractère où luit la bonté dans les actes des autres et cela fait un jour sous lequel il ne perçoit pas la malice. […] Mais, en dehors de toute admiration (ce sentiment ne doit pas être prodigué), on ne peut s’empêcher de trouver quelque caractère à cet acte froidement exécuté. […] Il est vrai que cela dépend un peu des caractères. […] Il met en cause la volonté et s’il ne peut prouver cette intervention, le caractère criminel de l’acte disparaît : il faut le ranger parmi les accidents. […] Voyez ce poste central d’électricité : il a trouvé sa place dans une vieille ruelle de truands dont il n’a pas modifié le caractère.

1223. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Il faut donc croire, pour n’être que juste envers le caractère honorable de M.  […] Tout ce caractère de la marquise de Couaën est tracé avec une exquise finesse. […] Runjet-Sing est brave, rusé, gourmand, et d’une curiosité qui contraste singulièrement avec l’apathie du caractère indien. […] J’ai montré Jacquemont sous quelques-uns des jours où brille l’originalité de sa nature, mais combien je suis loin d’avoir complété l’histoire de son caractère et de son esprit, la seule que j’aie voulu faire ! […] L’erreur de Saint-Julien est donc de n’avoir rien compris au caractère de sa maîtresse, erreur que pour ma part j’excuse cordialement, mais qui lui coûtera cher.

1224. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Cette traduction fut faite à la hâte ; le style en est un peu négligé ; mais il a cette abondance & cette élégance qui est le caractère propre des écrits de l’auteur. […] Peut-être même étoit-elle chez lui le fruit du caractère, autant que de la réfléxion. […] Ces mémoires sont écrits avec un air libre, une impétuosité de génie, & une inégalité qui sont l’image du caractère & de la conduite de ce fameux intrigant. […] Les portraits de tout ce que cette région a produit de caractères singuliers, de grands hommes ou d’esprits factieux, y sont tracés de main de maître. […] Cette simplicité noble qui est le véritable ornement de l’histoire, n’est point le caractère de ces deux ouvrages.

1225. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Il est vrai que, s’il l’eût remarquée, sans doute il eût préféré n’en rien dire et laisser au phénomène socratique le caractère mystérieux que Socrate lui-même se plaisait à lui attribuer. […] Oubliant qu’il a lui-même signalé la dictée de récriture comme une des fonctions de la parole intérieure, il se laisse entraîner par l’analogie à cette affirmation inexacte : « Ainsi qu’on ne pense qu’en se parlant à soi-même, on ne peut écrire sans lire en soi-même les caractères que l’on trace sur le papier32. » L’autre antithèse a beaucoup plus d’importance. […] III, § 12] ; cette association avec des phénomènes sensibles lui est profitable : une pensée qui s’est exprimée au dehors a des contours plus nets, plus d’intensité, plus de fixité aussi ; « elle a pris quelque chose de l’allure et des caractères » des phénomènes corporels. […] II, p. 82, notes), il indique l’influence des mœurs, c’est-à-dire des caractères, sur la rudesse ou la douceur des mots ; dans les Réponses a quelques objections, p. 233, il aperçoit la fécondité de l’association des idées. […] » Mais, d’abord, le fait est faux [voir plus haut, § 4 et 5] ; ensuite l’expérimentation proposée sur le nom de Socrate (« essayez de le penser sans vous figurer les caractères ») est récusable [ch.

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