Parlant de la déclaration du roi dans la séance royale du 23 juin, il se demande pourquoi cette déclaration qui, un peu modifiée, pouvait devenir la Grande Charte du peuple français, eut un si mauvais succès ; et la première raison qu’il en trouve, c’est qu’elle vint trop tard : Les opérations des hommes ont leur saison, dit-il, comme celles de la nature ; six mois plus tôt, cette déclaration aurait été reçue et proclamée comme le plus grand bienfait qu’aucun roi eût jamais accordé à ses peuples ; elle eût fait perdre jusqu’à l’idée, jusqu’au désir d’avoir des États généraux. […] Il montre les gens d’esprit, les gens riches trouvant la noblesse insupportable, et si insupportable que la plupart finissaient par l’acheter : « Mais alors commençait pour eux un nouveau genre de supplice, ils étaient des anoblis, des gens nobles, mais ils n’étaient pas gentilshommes… Les rois de France guérissent leurs sujets de la roture à peu près comme des écrouelles, à condition qu’il en restera des traces. » Cette cause morale, la vanité, qui fut si puissante alors dans la haine irréconciliable et l’insurrection de la bourgeoisie excitée par les demi-philosophes, est démêlée et exposée par Rivarol avec une vraie supériorité. […] Règle générale : les nations que les rois assemblent et consultent commencent par des vœux et finissent par des volontés. […] La capitale a donc agi contre ses intérêts en prenant des formes républicaines ; elle a été aussi ingrate qu’impolitique en écrasant cette autorité royale, à qui elle doit et ses embellissements et son accroissement prodigieux ; et, puisqu’il faut le dire, c’était plutôt à la France entière à se plaindre de ce que les rois ont fait dans tous les temps pour la capitale, et de ce qu’ils n’ont fait que pour elle.
Les esprits se trouvaient dans cette disposition, quand Louis XIV, à qui il fut enfin permis d’être roi, développa son caractère, et fit naître de grands événements. On vit la France quarante ans aux prises avec l’Europe ; on vit des provinces conquises, tous les rois humiliés, ou protégés, ou vaincus, une foule de grands hommes, les arts et les plaisirs au milieu des batailles, partout un caractère imposant, et cet éclat de renommée, qui subjugue autant que la force, qui annonce la puissance, la fait et la multiplie : alors les esprits et les âmes se montèrent au niveau du gouvernement ; chacun fut jaloux de soutenir la dignité de sa nation. Le sujet ne pouvant être à côté de son roi par la puissance, voulut s’y placer par la gloire. […] L’éloquence s’éleva donc surtout dans la chaire, et c’est là qu’elle parvint à sa plus grande hauteur ; car pour être vraiment éloquent, on a besoin d’être l’égal de ceux à qui l’on parle, quelquefois même d’avoir ou de prendre sur eux une espèce d’empire ; et l’orateur sacré parlant au nom de Dieu, peut seul déployer dans les monarchies devant les grands, les peuples et les rois, cette sorte d’autorité et cette franchise altière et libre, que dans les républiques l’égalité des citoyens, et une patrie qui appartenait à tous, donnait aux anciens orateurs. […] Enfin, un roi et des hommes illustres à célébrer, une cour sensible à tous les charmes de l’esprit, un clergé plus éclairé, un barreau plus instruit, un gouvernement occupé de la réforme des lois, et les premières dignités de l’église accordées quelquefois aux premiers talents de la chaire, tout cela ensemble contribua à faire naître et à perfectionner parmi nous les orateurs.
Et Voltaire nous enseigne que : Le premier qui fut roi fut un soldat heureux. […] Jodelle mourant s’écrie au roi qui l’a employé et ne l’a pas nourri : Qui se sert de la lampe, au moins de l’huile y met.
La femelle d’une ruche d’abeilles sera le roi de l’essain, et on lui attribuera encore tout ce qui peut avoir été dit d’ingénieux sur ce roi prétendu qui ne porte point d’aiguillon.
M. de La Fayette est extrêmement poli et même affectueux pour tout le monde, mais poli comme un roi. […] Quoi de plus éloquent que cette dure apostrophe à Saint-Simon, dont il reconnaît pourtant le génie ; mais il s’agit d’une femme et d’un roi, de quelle femme et de quel roi ? […] On y voit revivre toute la cour de Louis XIV et il semble qu’on assiste à ces belles fêtes du grand roi que M. de Gourville vint interrompre glorieusement un jour apportant au Roi les drapeaux et étendards que lui envoyait Condé, triomphant à la bataille de Sénef. […] Sur quoi ces honnêtes Chinois en firent un roi, peut-être un dieu. […] Puis c’est l’affaire de Saint-Roch, où apparaît pour lui un petit homme sale et noir, Bonaparte, qui va devenir Empereur et Roi.
Les fils des pasteurs d’Orient gardaient les troupeaux comme les fils des rois d’Ilion. […] Et quelles plus grandes leçons peuvent être données au roi que veut instruire Minerve ! […] Inachus était un roi bienfaisant, ami de son peuple dont il était aimé. […] L’ennemi pousse des cris de victoire, le destin de l’armée chancelle, la nation tremble pour son roi. […] je connais des rois qui, fiers d’un tel honneur, « Paieraient de tout leur sang ce suprême bonheur.
« Brahma, dit le philosophe du Gange, créa à l’usage des rois le génie des peines. […] Que le roi donc, après avoir bien considéré la loi divine, inflige justement les peines à ceux qui agissent injustement ! […] Qu’un roi indolent cesse de punir le méchant, et le plus fort martyrisera le plus faible. […] Roi superbe et terrible, il a besoin de tout, et rien ne lui résiste. […] Bossuet est fulminé ici pour avoir protesté avec l’autorité temporelle des rois contre cette infaillibilité absolue des papes.
De grands génies, non pas seulement parmi les philosophes, mais parmi les rois, Voltaire et Frédéric, avaient déversé le mépris sur la religion catholique et donné le signal des railleries pendant cinquante années. […] Non que le droit manquât à ceux qui voulaient avec un soldat faire un roi ou un empereur : la nation pouvait incontestablement transporter à qui elle voulait, et à un soldat sublime plus qu’à tout autre, le sceptre de Charlemagne et de Louis XIV. […] En devenant monarque héréditaire, il allait être mis en comparaison avec les rois, petits ou grands, et constitué leur inférieur en un point, celui du sang. […] Mais, ce qui est plus grave encore, que ne tenterait-il pas, devenu roi ou empereur, pour devenir roi des rois, chef d’une dynastie de monarques relevant de son trône nouveau ! […] Moreau ne rentre en Europe que pour y combattre son ennemi, mais en même temps sa patrie ; une complicité ambitieuse dans une conjuration d’aventuriers le mène fatalement à une complicité avec les rois ligués contre la France.
L’ordre réel eût été, sans doute, que le secrétaire domestique se substituât orgueilleusement dans son rang et dans ses fonctions à l’ambassadeur, et que Rousseau mangeât à la table des rois, tandis que les officiers de l’ambassadeur dîneraient humblement à l’hôtel de l’ambassade de France ? […] Le roi et madame de Pompadour lui donnent chacun une gratification en argent qui remet l’aisance dans son ménage. […] Les élèves de Rousseau dans l’Émile seront donc un peuple de rois ! […] Le grand historien anglais Hume a pitié de ses agitations : il se dévoue à le conduire en Angleterre et à lui trouver, avec une pension du roi, un asile champêtre dans le plus beau site du royaume pour passer en paix le reste de ses jours. […] Voltaire avait vécu dans les intrigues de la régence, dans la diplomatie du cardinal de Fleury, dans la cour du grand Frédéric, dans la familiarité des rois et des ministres qui jouaient au jeu des batailles avec la fortune.
Les amours des rois ne sont pas des tendresses de nourrices, ils doivent se faire craindre et respecter. L’amour des peuples n’est que de l’estime… Le roi m’écrit qu’il veut revenir à Morfontaine : il croit me mettre dans l’embarras ; il profite d’un moment où j’ai, en effet, assez d’autres occupations… Il me menace, quand je lui laisse mes meilleures troupes, et que je m’en vais à Vienne seul avec mes petits conscrits, mon nom et mes grandes bottes… Il dit qu’il veut aller à Morfontaine plutôt que de rester dans un pays acheté par du sang injustement répandu. […] Si le roi est roi d’Espagne, c’est qu’il a voulu l’être. […] Aujourd’hui l’opinion est bouleversée ici, on ne sait que devenir ; on voyait un port en moi, on n’y voit plus aujourd’hui qu’un jouet de l’orage qui n’est bon à rien… Jamais je ne consentirai aux traitements horribles que lui font éprouver (à la nation espagnole) les gouvernements militaires ; jamais mes mains ne déchireront ses entrailles et ne démembreront ses provinces, et je mourrai digne du trône en le quittant lorsqu’il sera bien démontré que je ne puis pas y remplir les devoirs d’un roi… (Novembre 1810.)
Le roi passait les étés à la frontière, où l’on se battait rudement ; il revenait ensuite d’ordinaire passer les hivers à Paris, et tous les divertissements étaient alors de saison, jeu, billard, paume, chasse, comédie, mascarade, loterie, tout ce qu’engendre une entière oisiveté, mais surtout l’amour. […] Pour s’être donné le malin plaisir de faire un livre de Régence et de Directoire, qui est bien de la date où le surintendant Fouquet faisait collection de ses billets doux, et dressait une liste de ses bonnes fortunes, il manque le grand siècle, les guerres de Flandre, celle de Franche-Comté qui vient passer presque sous ses fenêtres ; tous ses compagnons d’armes y seront : « Il vient de passer dix mille hommes à ma porte (à la porte de son château de Bussy) : il n’y a pas eu un officier tant soit peu hors du commun qui ne me soit venu voir ; bien des gens de la Cour ont couché céans. » Vite il écrit au roi pour demander à servir cette campagne, et le roi impassible répond : « Qu’il prenne patience ! […] Il voulait qu’on fît deux citadelles à Paris, une au haut et une au bas de la rivière, et dit qu’un roi, pourvu qu’il en use bien, ne saurait être trop absolu, comme si ce pourvu était une chose infaillible.
La Dédicace au Roi offre une particularité qui caractérise bien aussi les prétentions littéraires de Louis XVIII et en même temps la critique méticuleuse qui régnait alors. L’auteur avait d’abord écrit ainsi cette phrase : « Les rois de France, Sire, ont toujours regardé l’amour des Français comme d’un prix égal à leurs plus grands bienfaits. » Cette Dédicace, avant d’être imprimée, fut soumise à Louis XVIII qui la lut et qui se donna le plaisir de faire remarquer que le mot de bienfaits, trop rapproché, rimait avec Français, et que de plus ce membre de phrase : comme d’un prix égal à leurs plus grands bienfaits, faisait un vers alexandrin dans une phrase de prose, ce qui est réputé un défaut. […] Et n’es-tu pas celui qui fit reculer l’ombre Sur le cadran rempli d’un roi que tu sauvas ? […] Esprit amer et coquet qui distillait douloureusement des vers érotiques ; qui, en politique, passait aisément à l’extrême ; qui combinait les lascivetés de boudoir avec la haine des rois, et insinuait à plaisir un coin de priapée dans le républicanisme, il n’était pas fait pour comprendre le sentiment libéral, sincère et modéré, le sentiment religieux, également sincère et philosophique, le talent simple, élevé, et toute l’âme morale de celui qu’il croyait avoir suffisamment accablé en l’appelant un doctrinaire, et en faisant une pointe digne de Brunnet sur son nom.
Le roi et le comte d’Artois aident un charretier embourbé à dégager sa charrette. […] À la mort du premier Dauphin313, pendant que les gens de la chambre se jettent au-devant du roi pour l’empêcher d’entrer, la reine se précipite à genoux contre ses genoux, et lui crie en pleurant : « Ah ! […] Le roi voulait, en arrivant, donner à M. de Bouillé le bâton de maréchal, et, pour avoir un bâton, il a dû, après diverses allées et venues, emprunter celui du duc de Choiseul. […] Paris, Versailles et les provinces, I, 162. — « Le roi de Suède est ici, il a des rosettes à ses culottes, tout est fini, c’est un homme ridicule et un roi de province. » (Le Gouvernement de Normandie, par Hippeau, IV, 237, 4 juillet 1784.)
Cet enthousiasme de liberté qui caractérise les Romains, il ne paraît pas que les Grecs l’éprouvassent avec la même énergie : ils avaient eu beaucoup moins d’efforts à faire pour conquérir leur liberté ; ils n’avaient point expulsé du trône, comme les Romains, une race de rois cruels, propre à leur inspirer l’horreur de tout ce qui pouvait en rappeler le souvenir. […] Barthélemy, dans son célèbre Voyage du jeune Anacharsis, dit que c’était pour fortifier l’esprit républicain que les Athéniens faisaient représenter les revers des rois sur leur théâtre. Je ne crois point que rappeler sans cesse les infortunes des rois, fût un moyen d’anéantir l’amour de la royauté.
Les difficultés de l’art sont faites pour ajouter au mérite des bons vers, mais non pour faire excuser les médiocres, parce qu’il n’y a point d’ordre du roi qui oblige personne à versifier. […] Celui qui nous a donné la meilleure poétique est un des plus grands philosophes de l’antiquité ; les vers du Virgile de nos jours sont remplis d’une philosophie aussi solide qu’agréable ; enfin j’ai vu un roi, qui pour avoir gagné douze batailles n’en était pas moins philosophe et homme de lettres, avoir auprès de lui, sur la même table, Athalie et les Commentaires de César, et douter lequel des deux ouvrages il aimerait mieux avoir fait. […] Alexandre, César, ce roi philosophe dont je viens de vous parler, tous d’aussi bonne maison que ces messieurs, et à ce que je crois, un peu plus grands hommes, seraient d’un autre avis, plus juste et plus flatteur pour celui dont je parle ; et le public, plus fort que tous les gens à la mode, le dédommagera, par son suffrage, de ceux qu’il n’aurait pas le bonheur d’obtenir : ce public, un peu dur quelquefois, mais toujours respectable, prendrait la liberté de dire à ses frivoles censeurs : Rien n’est si ridicule que de vouloir attacher du ridicule aux talents, et de paraître dédaigner ce qu’on n’est pas en état de faire.
Est-ce que madame de Sévigné n’avait pas trouvé Louis XIV un très grand roi parce qu’il avait dansé avec elle ? […] Mais, quels que soient la médaille l’exergue du roi qui passe, c’est, depuis la Renaissance, l’identité du même paganisme restant dans les mœurs de la royauté. […] Saint-Bonnet a dit avec son beau style lapidaire : « Triste récit en trois mots : le roi a corrompu la noblesse, « la noblesse a corrompu la bourgeoisie, la « bourgeoisie a corrompu le peuple. » On n’en était pas là encore, mais on partait pour y arriver.
S’il avait été protestant comme le prince de Condé ou Jeanne d’Albret ; s’il y avait eu en lui une fibre qui eût saigné de protestantisme sacrifié, sous son lourd manteau du roi catholique, accepté au prix d’une abjuration, je comprendrais que lui, l’homme de la politique ambidextre, eût favorisé ses anciens coreligionnaires, étant le Roi, et eût fait encore ce crochet… Faiblesse de cœur, généreux souvenir de ses compagnons d’armes ! […] Par exemple, maintenant que j’ai lu Segretain, je connais mieux Henri de Guise, cet ambitieux non par lui-même, mais par influence de famille, trop négligemment et fièrement grand pour être ambitieux, s’il n’avait pas eu des parents qui le poussaient vers le pouvoir comme les mauvais Génies de son génie, et qui, pour le faire roi, auraient été forcés de le porter à bras, lui et son cheval, jusqu’au milieu du chœur de la cathédrale de Reims !
Le maître à danser compte les pas et décrit les révérences de droite à gauche ou de gauche à droite, en avant, en arrière et sur les côtés, et le valet de chambre, qui croit sans douté qu’il n’y a que des corps glorieux à la cour, nous fait le détail des panades du cardinal de Fleury et des coliques du roi, eu termes qu’un écrivain moins royaliste est embarrassé d’indiquer. […] Dans le premier des quatre volumes publiés, le duc de Luynes rapporte (p. 99) que le roi envoya Mlle de Clermont jeter l’eau bénite à la princesse de Condé, et après avoir décrit la cérémonie, queue de robe par queue de robe, et tabouret par tabouret, voilà qu’un scrupule prend tout à coup notre homme : « Mlle de Clermont, dit-il, se mit dans le fauteuil, l’exempt derrière elle et Mlle La Roche-sur-Yon s’assit à gauche sur un pliant, à ce que l’on croit !!! […] Sainte-Beuve, d’un si spécial génie, n’a pu tirer pourtant (c’est significatif) que deux anecdotes de ces quatre immenses volumes, dont l’une, je crois, sur Louis XIV, qui, ennuyé du joug qu’il faisait porter aux autres et à lui-même, jetait parfois, pour se divertir, des oranges à la tête des dames, à souper, lesquelles lui envoyaient des pommes et parfois même des salades avec leur huile ; gaminerie piquante par son contraste avec la pose éternelle du grand roi !
il écrit Ève et Marie, le Gâteau des Rois, la Recherche, etc… Je parlais plus haut d’arabesques ; mais Ernest Hello est lui-même une arabesque ! […] — à moitié de ceinture par un Marmontel des Contes moraux, non plus philosophe, mais chrétien… À côté de pages magnifiques, écrites avec ce feu blanc des mystiques qui traverse les âmes en les illuminant, il y en a d’autres d’une inspiration innocente et presque enfantine (voir le Gâteau des Rois). […] C’est alors seulement qu’on se replie sur soi-même et qu’on admire… IV Ce chef-d’œuvre de Ludovic couvrirait de sa beauté de chef-d’œuvre, comme d’un manteau de roi tombé sur des haillons, les autres contes du recueil quand ils seraient les plus misérables pauvretés intellectuelles, ce que, d’ailleurs, ils ne sont pas… Mais il en est deux autres encore, qui nous montrent que l’inspiration d’un conteur de cette énergique invention ne s’est pas épuisée en une fois.
Voici donc le stratagème puéril qu’il tenta et qui lui réussit ; c’est à M. de Ségur qu’on en doit la révélation piquante :« Le roi, par sympathie de vertu et de bonté, aimait personnellement M. de Malesherbes, ministre d’État qu’il venait de rappeler au Conseil. […] Le roi se plaisait à écouter ; il était tard lorsqu’on engageait la discussion, et l’affaire principale était renvoyée à un autre Conseil.
Hérode Agrippa ayant été élevé à la dignité de roi par Caligula, la jalouse Hérodiade jura, elle aussi, d’être reine. […] Les droits de la conscience, soustraits à la loi politique, arrivent à constituer un pouvoir nouveau, le « pouvoir spirituel. » Ce pouvoir a menti plus d’une fois à son origine ; durant des siècles, les évêques ont été des princes et le pape a été un roi.
Quant à la hauteur, je ne sais si ce ne serait pas plutôt un bien qu’un mal, et je croirais que ce serait une bonne attention à faire dans le choix des ministres que le roi enverra ici. […] On a donc un portrait du roi tel que Nivernais l’a connu alors, portrait qui est judicieux, sensé, et d’une circonspection qui ne nuit point à la ressemblance64. […] Avoir le roi pour soi et même quelques-uns de ses ministres n’était qu’une partie du succès, si le public était contre. […] Suit une description claire et détaillée, à commencer par le parti du roi, qui n’est guère composé, dans sa totalité, que du roi lui-même et de son ministre très impopulaire, lord Bute, auxquels encore on peut joindre le duc de Bedfort, plénipotentiaire à Paris, Eux seuls peut-être veulent réellement la paix ; le reste du ministère la veut aussi, mais faiblement. […] Ce qu’il y a de plaisant, c’est que je me tue à disputer contre cette idée, en établissant que nous avons fait une paix bien aisée et immanquable à faire, dès que le roi, notre maître, voulait bien se porter de bonne foi et sans retour à des sacrifices tels que ceux que l’Angleterre a obtenus de nous.
Mais, si du moment qu’on joue la comédie on doit être réputé infâme, tant de rois, tant de princes, tant de magistrats, tant de prêtres, tant de religieux qui l’ont jouée, ou qui la jouent le seront aussi. […] Les droits communs à tous les hommes devroient-ils être refusés à des hommes entretenus par le roi, dévoués à l’amusement, à l’instruction, à la gloire de la nation & devenus même, par le luxe des riches, une ressource pour les pauvres ? […] On fait, sur eux, l’exemple qu’on faisoit autrefois sur les sorciers, sur beaucoup de rois & d’empereurs. […] La Le Couvreur enterrée sur les bords de la Seine, & L’Olfids à Westminster à côté de Newton & des rois, forment un contraste singulier & caractérisent le génie des deux nations. […] Cette même déclaration de Louis XIII ne veut point que les comédiens du roi dérogent.
Cette seconde noblesse aussi, les Parlementaires, sont écrasés ; le Roi les a réduits au rôle d’officiers du Roi, de commis aux procès et n’admet pas qu’ils soient davantage. […] Celui-ci le présenta à Monsieur, frère du Roi, et Monsieur le présenta au Roi lui-même. […] Cette pièce, faite pour le Roi, est un spectacle pour laquais. […] Il n’était pas ce jour-là le roi bourgeois que Saint Simon dit qu’il était. […] Il voulait que l’on ne fût dévoué qu’au roi, que l’on n’aimât que le roi et, comme c’était son devoir, des vertus qu’il voulait qu’on eût, il donnait l’exemple.
C’est l’histoire d’une petite princesse, fille de roi, fiancée à un prince, fils de roi, et qui, après une suite d’incroyables malheurs, meurt étranglée par une méchante reine. […] LE ROI Entendez-vous mes dents ? […] LE ROI Merci. […] LE ROI J’ai si soif. […] LE ROI Je viens, je viens… Oh !
René d’Anjou, Roi des deux Siciles & Comte de Provence, en composa dès-lors plusieurs. […] Charles VII avait été sacré Roi à Rheims ; mais l’Anglais regnait encore dans Paris & sur une partie de la France ? […] Les Conquêtes du Roi, par M. […] Il suffirait seul pour donner une idée avantageuse des talens de M. Roi. […] On ne s’avise jamais de tout, le Roi & le Fermier sont de véritables Drames.
En France, à Paris, parmi les riches bibliothèques alors renommées, y compris celle du Roi, il n’y en avait aucune qui répondît au vœu de Naudé, c’est-à-dire qui fût ouverte à chacun et de facile entrée, et fondée dans le but de n’en dénier jamais la communication au moindre des hommes qui en pourra avoir besoin. […] Il y prélude d’instinct à ses coups d’État et à son prochain code de la science des princes par la prédilection qu’il marque pour le plus advisé de nos rois, pour l’Euclide et l’Archiméde de la politique, comme il le qualifie. […] L’hôtel du cardinal Mazarin tenait précisément le même local qu’occupe aujourd’hui la Bibliothèque du Roi. […] Au tome VI des Manuscrits français de la Bibliothèque du Roi, M. […] Il existe, au tome X de la Correspondance manuscrite de Peiresc (Bibliothèque du Roi), une lettre de Naudé qui semble donner un bien triste démenti à ces témoignages publics, à cet échange de bons offices et de magnifiques démonstrations entre lui et Campanella.
Pour un homme de l’organisation supérieure de Féval, à la double nature aristocratique et artiste, pour cet homme d’esprit qui échappe à tout par le don précieux de l’ironie et n’est dupe de rien, pas même peut-être de ses propres inventions, ne voilà-t-il pas une belle position et une belle gloire que d’être le Dennery du roman et de trôner comme roi d’un genre dans lequel Ponson du Terrail est évidemment le dauphin ! […] Un jour, un de ces larmoyeurs, le plus brillant de tous, qui écrivait ce jour-là avec une plume prise à l’aigle noir de Bossuet « qu’on put s’étonner de la quantité de larmes que contenait l’œil des femmes des rois », n’écrivait ainsi que parce que la Révolution, cette horrible Sérieuse, était venue ! […] Le chevalier de Kéramour, un Breton du temps de Louis XV, ruiné de mère en fille par la plus singulière des combinaisons, s’en va chercher fortune loin de son pays, et, après des complications diverses et des péripéties de toute espèce, il finit par épouser sa petite femme d’enfance, — sa cousine Vivette, — avec laquelle il est heureux et à qui il fait deux enfants, garçon et fille : le souhait du Roi ! […] Les Rois, quand on avait des Rois, faisaient mettre le leur dans des boîtes d’or et les envoyaient aux Églises auxquelles ils avaient le plus de foi et qu’ils avaient le plus aimées. Paul Féval, qui, par le talent et le succès, a eu sa manière d’être Roi, Paul Féval, dont la conversion a fait éclat en ces derniers temps, a mis son cœur ici, — et je vous jure que c’est une boîte d’or, digne d’être offerte à Dieu, sur son autel !
Ces vers, les voici : qu’on me permette d’ouvrir quelquefois mon écrin, comme un roi fugitif et découronné, et d’y contempler le plus beau joyau de ma couronne quand Hugo m’avait fait roi, maintenant que le sort m’a fait mendiant, mendiant non pour moi, mais pour mes frères ! […] » « Rois, peuples, couvrez-vous d’un sac souillé de cendre : « Bientôt sur la nuée un juge doit descendre. […] « Pourtant Napoléon du monde était le faîte, « Ses pieds éperonnés des rois pliaient la tête, « Et leur tête gardait le pli. […] « Les rois se courberont sous le vent de son aile ; « Chacun lui portera son espoir, ses remords. […] « Oui, une société qui admet la misère… oui, une humanité qui admet la guerre, me semblent une société, une humanité inférieures, et c’est vers la société d’en haut, vers l’humanité d’en haut que je tends, société sans rois, humanité sans frontières… « Je veux universaliser la propriété, ce qui est le contraire de l’abolir, en supprimant le parasitisme, c’est-à-dire arriver à ce but : tout homme propriétaire et aucun homme maître.
Le langage épistolaire [ou alphabétique], que l’on est convenu d’employer comme moyen de communication entre les personnes éloignées, dut être parlé originairement chez les Égyptiens, par les classes inférieures d’un peuple qui dominait en Égypte, probablement celui de Thèbes, dont le roi, Ramsès, étendit son empire sur toute cette grande nation. […] Cette histoire des idées humaines montre jusqu’à l’évidence l’erreur de ceux qui attribuant, selon le préjugé vulgaire, une haute sagesse aux anciens, ont cru que Minos, Thésée, Lycurgue, Romulus et les autres rois de Rome, donnèrent à leurs peuples des lois universelles. […] Dans le procès du jeune Horace, la loi de Tullus Hostilius n’est autre chose que la sentence portée contre l’illustre accusé par les duumvirs qui avaient été créés par le roi pour ce jugement64. […] Les locutions héroïques conservées et abrégées dans la précision des langues plus récentes, ont bien étonné les commentateurs de la Bible, qui voient les noms des mêmes rois exprimés d’une manière dans l’Histoire Sacrée, et d’une autre dans l’Histoire profane. […] Tite-Live n’a pas compris que dans un sénat héroïque, c’est-à-dire, aristocratique, un roi n’avait d’autre puissance que celle de créer des duumvirs ou commissaires pour juger les accusés ; le peuple des cités héroïques ne se composait que de nobles auxquels l’accusé déjà condamné pouvait toujours en appeler.
Si l’on comparait le sort des hommes éclairés sous Louis XIV, avec celui que leur préparait la violence révolutionnaire, tout serait à l’avantage de la monarchie ; mais quel rapport pourrait-il exister entre la protection d’un roi et l’émulation républicaine, lorsqu’elle prendrait enfin son véritable caractère ? […] Comment néanmoins pourrait-on écrire philosophiquement dans un pays où les récompenses distribuées par un roi, par un homme, seraient les simulacres de la gloire ? […] Frédéric II, Marc-Aurèle, la plupart des rois ou des héros qui ont répandu leur éclat sur les nations, étaient en même temps des esprits très éclairés en philosophie.
Satan est le « roi de ce monde 343 », et tout lui obéit. Les rois tuent les prophètes. […] Un jour, dit-on, les simples gens de Galilée voulurent l’enlever et le faire roi 354.
Le porc à l’engrais, ce ne serait plus le roi, mais le peuple. […] Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poëmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution ! […] Ô Homère, il faut que leur épopée pleure, ô Hérodote, il faut que leur histoire proteste, ô Juvénal, il faut que leur satire détrône, ô Shakespeare, il faut que leur tu seras roi soit dit au peuple, ô Eschyle, il faut que leur Prométhée foudroie Jupiter, ô Job, il faut que leur fumier féconde, ô Dante, il faut que leur enfer s’éteigne, ô Isaïe, ta Babylone s’écroule, il faut que la leur s’éclaire !
Byron, l’aristocrate Byron, dans cette histoire de la littérature anglaise, est sacrifié à Shelley, l’utopiste, l’humanitaire, qui était athée, c’est-à-dire un démocrate religieux qui eût voulu couper la tête à Dieu comme on peut la couper au roi, et qui, par conséquent, était un démocrate intégral de principe et d’essence. […] Sans doute, quand il en est aux premières pages de son histoire, ou plus tard, quand il touche à cette phase historique où le génie, désintéressé de tout ce qui n’est pas l’effet esthétique, apparaît dans sa plus pure splendeur, sous Élisabeth, par exemple, — car le despotisme des rois n’a jamais empêché le génie de croître et il l’a quelquefois fait fleurir, — Odysse Barot ne peut point ne pas signaler les beautés des œuvres qu’il rencontre, surtout quand ces œuvres sont celles d’hommes comme Chaucer, Marlowe, Shakespeare, Et il les signale, et je crois même qu’il les sent avec énergie ; mais l’intérêt supérieur pour lui n’est pas là. […] Il a pour eux ce que j’appellerai des faiblesses… Savage Landor, ce républicain insensé (et c’est son excuse), qui légua sa fortune à celui qui assassinerait Napoléon III (un utilitaire de la démocratie), l’insulteur de Pitt et de Fox à la fois ; Thomas Hood, l’auteur du chant socialiste de la Chemise, que Barot nous traduit comme une merveille ; madame Browning, l’auteur du Cri des enfants, qui, par parenthèse, n’est pas naïf comme l’enfance ; Swinburne, le transfuge de l’aristocratie dans le camp populaire ; Alfred Austin, le satirique contre les rois et les prêtres ; madame George Eliot, madame Beecher-Stowe, tout ce menu fretin littéraire s’ils ne lui paraissent pas des colosses, lui paraissent cependant plus grands qu’ils ne sont en réalité.
Voyez, dans l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre, comme il annonce avec hauteur qu’il va instruire les rois ; comme il se jette ensuite à travers les divisions et les orages de cette île ; comme il peint le débordement des sectes, le fanatisme des indépendants, au milieu d’eux Cromwell, actif et impénétrable, hypocrite et hardi, dogmatisant et combattant, montrant l’étendard de la liberté et précipitant les peuples dans la servitude ; la reine luttant contre le malheur et la révolte, cherchant partout des vengeurs, traversant neuf fois les mers, battue par les tempêtes, voyant son époux dans les fers, ses amis sur l’échafaud, ses troupes vaincues, elle-même obligée de céder, mais, dans la chute de l’État, restant ferme parmi ses ruines, telle qu’une colonne qui, après avoir longtemps soutenu un temple ruineux, reçoit, sans être courbée, ce grand édifice qui tombe et fond sur elle sans l’abattre. […] Peut-être même que le sort d’une jeune princesse, fille, sœur et belle-sœur de roi, jouissant de tous les avantages de la grandeur et de tous ceux de la beauté, morte en quelques heures, à l’âge de vingt-six ans, par un accident affreux, et avec toutes les marques d’un empoisonnement, devait faire sur les âmes une impression encore plus vive que la chute d’un trône et la révolution d’un État. […] Elle va descendre à ces sombres lieux, à ces demeures souterraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands de la terre, avec ces rois et ces princes anéantis, parmi lesquels à peine peut-on la placer, tant les rangs y sont pressés !
Le roi ne semblait point blâmer cette moquerie, et les courtisans s’apprêtaient à faire chorus. […] que diront là-bas sous leurs tombes poudreuses De tant de vaillants rois les âmes généreuses ! […] Le 28 janvier 1567, il fit représenter en l’hôtel de Guise et devant le Roi, le Brave, pièce imitée de Plaute. […] Il était alors secrétaire du Roi. […] Il ne s’agit, dans cette scène, que du mariage de la princesse ; la peste qui ravage Thèbes et les oracles qui menacent le Roi, sont bien oubliés.
L’honneur de ce premier essor de l’esprit français revient au grand roi saint Louis. […] Faux-Semblant est fait roi des ribauds. […] Ses critiques furent réfutées par des conseillers et des secrétaires du roi. […] Il fait la leçon aux rois ; il la fait aux prêtres, au pape, à tous les pouvoirs ; il harcèle toutes les légitimités de ces doutes audacieux et sensés qui modèrent le pouvoir et honorent l’obéissance. […] Charles d’Orléans écrit le français qui se parlait dans les cours, même dans le palais du roi anglais Henri V, où les courtisans affectaient de ne parler que français, par prétention de seigneurs et maîtres de la France.
Elle reçut Froissart gracieusement, l’attacha à son service et lui donna part à sa familiarité : elle lui commandait souvent des vers (virelais et rondeaux) ; il avait titre clerc (secrétaire) de la chambre de la reine, et de plus il était de l’hôtel du roi, comme on disait, et de celui de plusieurs grands seigneurs et chevaliers, c’est-à-dire qu’il en recevait des cadeaux et qu’il mangeait chez eux quand il lui plaisait. […] Et pour vous informer de la vérité, je commençai jeune dès l’âge de vingt ans ; je suis venu au monde avec les faits et les événements, et y ai toujours pris grand’plaisance plus qu’à autre chose ; et Dieu m’a fait la grâce d’avoir toujours été de toutes les cours et hôtels des rois, et spécialement de l’hôtel du roi Édouard d’Angleterre et de la noble reine sa femme, Madame Philippe de Hainaut, de laquelle en ma jeunesse je fus clerc et secrétaire. Et je la servois de beaux livres de poésie et traités amoureux ; et pour l’amour du service de la noble dame à qui j’étois, tous autres seigneurs, rois, ducs, comtes, barons et chevaliers, de quelque nation qu’ils fussent, m’aimoient, m’écoutoient et voyoient volontiers, et m’étoient grandement utiles.
« Quoiqu’il eût, dit d’Olivet, une grâce infinie à prononcer, cependant sa timidité naturelle et l’horreur qu’il avait pour la chicane le dégoûtèrent bientôt de son métier. » Il quitta Paris d’assez bonne heure pour aller à Reims et y être attaché à M. de Joyeuse, lieutenant du roi au gouvernement de Champagne, en qualité de secrétaire ou d’homme d’affaires, on ne dit pas bien sous quel titre, mais certainement sur un pied d’agréable domesticité. […] Les affaires graves ne sont guère mon fait : quatre petits tours de préau valent bien mieux que tout cela… » Ce sont des cérémonies, des harangues et députations sans fin, des compliments en corps qu’on va faire au roi sur ses victoires : Mon ami, tout le monde va ici en masque ; tout le monde, c’est-à-dire moi, et peut-être que les autres n’en font pas moins : c’est bien longtemps avant le carnaval ! […] S’il avait vécu à Paris, sa plume élégante et qui cherchait des sujets où s’employer, eût peut-être aspiré à l’histoire, l’histoire écrite en beau style et traitée comme on l’entendait alors : « Je me serais hasardé à composer une histoire de quelqu’un de nos rois. » Mais vivant en province, loin des secours et des riches dépôts, il finit par s’accommoder très bien de cet obstacle à un plus grand travail, et sauf quelques heures d’étude facile dans le cabinet, il passa une bonne partie de sa vie à l’ombre dans son jardin, au jeu, aux agréables propos et en légères collations. C’est là qu’il recevait Boileau et Racine lorsque ceux-ci faisaient quelque voyage de ce côté à la suite du roi ; et, à l’époque de la mort de La Fontaine, Boileau rappelait à Maucroix le souvenir de ces visites dans une lettre touchante et plus sensible qu’on ne l’attendrait du sévère critique : … Le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenais dans votre jardin, et que je vous revoyais encore, comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis.
Ce qui est certain, c’est qu’en 1589, après avoir prêché le carême à Angers, et un carême très vif38, Charron retourna à Bordeauxk, où, dit-on, il prit connaissance et vécut fort familièrement avec messire Michel de Montaigne, chevalier de l’ordre du roi, auteur du livre intitulé les Essais, duquel il faisait un merveilleux cas ; et le sieur de Montaigne l’aimait d’une affection réciproque, et avant de mourir (ce qui eut lieu trois ans après), par son testament il lui permit de porter après son décès les pleines armes de sa noble famille, parce qu’il ne laissait aucun enfant mâle. […] Au moment de la conversion de Henri IV, Charron pensa qu’il était bon et opportun de publier une réfutation de cet ancien traité, et qui fût en même temps une exhortation claire et démonstrative, une sorte de manifeste résumant le vœu de tous les bons Français et leur désir de voir les principaux compagnons du roi de Navarre imiter l’exemple de leur roi. […] Il traite brièvement des deux premiers points et réserve tous ses développements pour la troisième vérité qu’il dédie expressément à Henri IV ; et dans cette dédicace il exprime particulièrement sa joie comme Parisien « pour cette tant douce et gracieuse, et en toutes façons tant miraculeuse réduction de cette grande ville du monde à l’obéissance de son vrai et naturel roi, à son devoir et à son repos. » C’était l’heure de la Satyre Ménippée, cette œuvre parisienne aussi et si décisive pour le triomphe de la bonne cause. […] Dans tous leurs sermons, on les entendait parler contre les huguenots, et reprendre ceux qui les maintenaient et supportaient : Que c’étaient faux catholiques, et qu’il ne fallait obéir à un roi hérétique et qui était chef des huguenots, qui serait cause de la perdition de la religion catholique, apostolique et romaine au royaume de France, et que les huguenots abattraient toutes les églises.
Il fit certaine pièce nommée Athalie, dont le sujet est tiré des livres saints, pour récompense de laquelle il fut gratifié d’une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. […] Il lui semblait, comme à Martial, que pour créer des poètes, et de grands poètes, il ne s’agissait que de les encourager par des largesses ; il pense là-dessus comme Clément Marot, comme les poètes valets de chambre (avant que Molière en fût) ; il n’a pas de doctrine plus relevée, et, dans une pièce imitée de Martial même, il le dit très lestement au maréchal de Noailles, l’un de ses patrons d’autrefois : Dans ce beau siècle où Paris est au faite, Grâce à son roi, des biens, des dignités, Où sous son ombre elle élève sa tête Cent pieds de haut sur les autres cités, À concevoir vous trouvez difficile Pourquoi ce roi, plus couvert de lauriers, Plus grand qu’Auguste, a manqué de Virgile Pour consacrer ses triomphes guerriers. […] La Fontaine intitulée Les Deux Perroquets, le roi et son fils : il y a des outrages après lesquels offenseur et offensé ne se pardonnent pas, et la confiance une fois perdue ne se peut retrouver. « Ce conte, à quelques endroits près, a dit Voltaire, le meilleur juge du mondeab, est un ouvrage distingué » ; et il accorde à Sénecé une imagination singulière.
Son père était conseiller-secrétaire du roi et de ses finances. […] On ne cite aucun mot du grand roi sur La Bruyère et sa libre tentative ; mais, à certain moment, sans nul doute, quand les courtisans émus en parlèrent devant le maître à Versailles, le front majestueux de Jupiter indiqua, par un léger signe, qu’il avait permis et qu’il consentait.. […] Un livre composé sous Louis XIV ne serait pas complet en effet, et, j’ajouterai, ne serait pas assuré contre le tonnerre, s’il n’y avait au milieu une image du roi. […] Mais, quoi qu’on pense du fond des idées, on ne se trompera point en observant que cette pointe finale vers le Ciel était, après l’éloge du roi, un second paratonnerre.
Les listes de Gratifications et pensions aux gens de lettres, qui figurent dans les Registres des comptes des bâtimens du roi, sont une lecture fort instructive : depuis 1664 jusqu’à sa mort, Chapelain guide les libéralités du roi et de son ministre. […] C’est seulement en 1677, quand il a fait neuf satires et sept épîtres, quatre chants du Lutrin et son Art poétique, que le roi donne 2 000 livres « au Sr Despréaux en considération de son application aux belles-lettres ». […] À l’Académie, comme dans la distribution des grâces royales, il semble que deux influences se balancent, et que deux courants se font sentir : ou plutôt le même courant porte l’argent du roi vers Despréaux et vers Perrault, jette à l’Académie tantôt Racine et tantôt Quinault, La Bruyère à la suite de Fontenelle.
Il faut être catholique avec le roi, ou protestant avec Calvin. […] Prudemment il se fit des patrons, cardinaux, princes, rois même. […] Bien assuré par un privilège du roi, il se découvre dans son troisième livre, merveilleux de verve, mais dont l’ample satire évite lestement les actualités dangereuses : c’est, sur le thème gaulois du mariage, une débauche érudite d’idées, un jaillissement étrange de vie dans ce défilé de personnages et ce cliquetis de dialogue ; et parmi tout cela la traditionnelle raillerie des moines, une attaque enveloppée contre le célibat monastique, une longue parodie des lenteurs de la justice. […] Mais l’issue de cette affaire fait précisément éclater la prudence de Rabelais : il a un privilège du roi ; il a derrière lui Du Bellay, Chatillon, les Guise ; il répudie le demoniacle Calvin imposteur de Genève, satisfaisant ensemble à sa prudence et à ses rancunes.
Pendant que les rois promènent leur cour dans les châteaux merveilleux qui se nomment Blois, Amboise, Chambord, Chenonceaux, écrivains et artistes sont nés en foule dans ce coin de terre privilégié. […] Il donne à la France un roi, d’abord, Henri IV, et autour du Béarnais se presse toute une brigade d’hommes remarquables ! […] Les contemporains du grand roi. la dédaignent ; ceux de Rousseau l’admirent, mais encore de loin. […] Au siècle dernier, en 1755, le tremblement de terre qui détruisit Lisbonne devint aussitôt l’occasion d’un tournoi fameux entre deux rois de l’opinion, Voltaire et Rousseau.
Il nous apprend que Ménandre, le prince des poètes comiques, à qui les rois d’Égypte et de Macédoine rendaient un si bel hommage en le demandant avec une flotte et des ambassadeurs, refusa leurs offres, et s’honora encore davantage en préférant le sentiment littéraire, la conscience des lettres (c’est le mot de Pline), à la faveur des rois. Pendant que les Lacédémoniens assiégeaient Athènes, Bacchus, dit Pline, apparut plus d’une fois en songe à Lysandre leur roi, l’avertissant qu’il eût à ne pas troubler l’enterrement de celui qui avait fait ses délices, les délices de Bacchus dont les fêtes à l’origine se confondaient avec les solennités du théâtre. […] Il accueille et traite son célèbre devancier comme un hôte de Rome à qui il ferait les honneurs du Jardin du Roi.
Ainsi faisaient jadis les historiens politiques qui croyaient écrire l’histoire de la France en faisant uniquement celle de ses rois, de Pharamond à Louis XVI. […] A ne considérer que ces rois de l’intelligence, on s’expose à les grandir jusqu’à des proportions surhumaines ; on en arrive à confondre en eux ce qui leur est personnel avec ce qui leur est commun avec leurs voisins.
Et qui pourrait affirmer que l’espèce de trahison du roi envers cette même madame de Montausier, lorsqu’il trompa la reine et elle sur ses relations avec madame de Montespan, l’incurable maladie qui accabla madame de Montausier lorsqu’elle fut détrompée, et enfin sa mort, qui arriva pendant que l’Amphitryon de Molière amusait la cour et le public par le spectacle d’un mari malheureux ; qui oserait assurer, malgré les apparences, que ces faits n’eurent aucune influence sur l’esprit du roi ?
Ailleurs mille animaux divers paroissent épars ; ailleurs encore l’Eridan, ce Roi des fleuves, la double couronne, la lyre, & le vaisseau célebre, qui, voguant le premier sur les eaux, brava les tempêtes, ont formé chacun leur constellation. […] Ils ont menti, Dorat, ceux qui le veulent dire, Que Ronsard, dont la plume a contenté les Rois, Soit moins que du Bartas ; & qu’il ait, par sa voix, Rendu ce témoignage ennemi de sa lyre, &c.
Elles se montrent alors les unes et les autres, sans parure, sans charme, sans cortège, avec mille contradictions ; ce sont des dieux étrangers ou des rois détrônés. […] La Providence, qui lui a donné la magistrature des civilisations modernes, tantôt suscite Charles Martel pour écraser d’un seul coup les formidables armées des Sarrasins au milieu même de leurs immenses triomphes ; tantôt met dans les mains d’une jeune vierge l’étendard des lis, pour faire sacrer à Reims le fils de nos rois ; tantôt convoque à Paris tous les souverains de l’Europe, pour assister à la restauration de la monarchie conservatrice de leurs propres droits.
Le premier roi de l’Europe ne peut être un grand roi s’il ne l’est que de gueux de toutes conditions, et si son royaume tourne en un vaste hôpital de mourants à qui on prend tout en pleine paix609. » Au plus beau temps de Fleury et dans la plus belle région de France, le paysan cache « son vin à cause des aides et son pain à cause de la taille », persuadé « qu’il est un homme perdu si l’on peut se douter qu’il ne meurt pas de faim610 ». […] On a assassiné sur les chemins des femmes qui portaient du pain… M. le duc d’Orléans porta l’autre jour au conseil un morceau de pain, le mit devant la table du roi et dit : « Sire, voilà de quel pain se nourrissent aujourd’hui vos sujets… » — « Dans mon canton de Touraine, il y a déjà plus d’un an que les hommes mangent de l’herbe » De toutes parts la misère se rapproche ; « on en parle à Versailles plus que jamais. Le roi interrogeant l’évêque de Chartres sur l’état de ses peuples, celui-ci a répondu que la famine et la mortalité y étaient telles, que les hommes mangeaient l’herbe comme des moutons et crevaient comme des mouches ». […] De toutes parts, on voit des bras tendus vers le roi, qui est l’aumônier universel. […] Tant qu’il était simple journalier et n’avait que ses bras, l’impôt ne l’atteignait qu’à demi : « où il n’y a rien, le roi perd ses droits ».
Cependant peu à peu la curiosité de ces enfants s’éveilla : des rois, des princesses, des seigneurs, ayant reçu une instruction supérieure pour le temps, aperçurent l’intérêt de ces études cléricales : des clercs ne désespérèrent pas d’être utiles à leur prochain, ou à eux-mêmes, en communiquant quelque chose de la science que jusque-là la langue latine avait dérobée à la connaissance du vulgaire. […] La Nature n’a pas fait les rois : le roi est un homme comme les autres, ni plus grand ni plus fort ; bien au cou traire, Car sa force ne vaut deux pommes Contre la force d’un ribaut. […] Fatigués de la barbarie primitive, où la lutte de tous contre tous est l’état naturel, où chacun ne prend et ne garde que selon sa force actuelle, les hommes ont constitué l’État, le pouvoir civil, gardien de la propriété et de la justice ; le roi n’est leur maître que pour leur service et leur sûreté : c’est le gendarme de Taine : Un grand vilain entre eux élurent Le plus ossu de tant qu’ils furent, Le plus corsu et le plus grand : Si le firent prince et seigneur. […] Reportons, avant de terminer, notre pensée vers le bon sénéchal de Champagne, qui bientôt allait recueillir ses souvenirs du saint roi Louis IX : Joinville et Jean de Meung, tout le xiiie siècle tient en ces deux noms, avec l’opposition de deux classes, le contraste de deux esprits.
Il n’est pas jusqu’à l’entourage du roi qui n’offre, au temps où Corneille est dans la force de l’âge, le spectacle d’une retenue assez rare. […] C’est l’avis du roi et de la jeune cour. Louis XIV se partage entre ses favorites et son confesseur ; on remarque en lui, à certains moments, le combat de l’amour et du jubilé, suivant l’expression d’une malicieuse contemporaine ; mais c’est l’amour qui triomphe, sans préjudice de brusques accès de dévotion, jusqu’au jour où le grand roi vieilli fera décidément pénitence avec Mme de Maintenon. Quant aux autres femmes que le roi a aimées, elles rachètent leur grandeur Ces surprises des sens que la raison surmonte… Et sur mes passions ma raison souveraine… Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments… éphémère et leurs éclatants péchés par une pieuse expiation. […] Jusque dans les premières années du seizième siècle, la conscience des rois, des princes, des hommes politiques est d’une souplesse infinie.
La princesse de Bagdad, qui doit ce surnom à sa naissance mystérieuse, est fille d’un roi et d’une femme galante. Cette favorite, bientôt disgraciée par le monarque, pour cause d’algarades trop fréquentes, avait, elle-même, pour mère une marchande à la toilette qui l’a livrée à ce roi, alors prince royal, jusqu’alors « timide et même un peu farouche », comme l’Hippolyte de Racine, et que l’on avait envoyé à Paris pour l’apprivoiser à l’amour. […] Le prince, devenu roi, adorait sa fille, mais il mourut subitement, sans avoir eu le temps de lui assurer une fortune. […] Il l’a fait sortir, comme une créature légendaire, d’une sorte de chaudière magique, où il y a du sang de courtisane et du sang de roi, de la corruption et de la fierté, des sentiments nobles et des instincts dépravés. […] Elle lui déclare qu’il ne l’aura jamais, non par vertu, mais par orgueil ; parce qu’elle a du sang royal dans les veines et qu’il est indigne d’une fille de roi de se vendre.
devaient-ils encore une fois se laisser duper par un le roi le veut ? […] Quant à nous, nous ne comprenons pas cette phrase banale : homme de bien, mais mauvais roi. […] Les pairs, en robe d’or et d’hermine, étaient conduits à leurs places par des hérauts sous l’ordre de Jarretière, le roi d’armes ; les juges, dans leurs vêtements d’office, étaient là pour donner leur avis sur les points de loi. […] Ils s’enfuiront le roi en tête, et les minutieuses anecdotes, éparses dans le récit des réceptions, des voyages et des cérémonies, auront annoncé la victoire des protestants. […] Were they again to be cozened by le Roi le veut ?
Rien, probablement ; c’est sous les rois débonnaires que se manifestent surtout les grands révolutionnaires. […] De même que le Roi des Rois se contente de dire : « Je suis Agamemnon ! […] Le 9 mai, le comte et la comtesse du Nord furent présentés au Roi et à la Reine. […] La timidité du Roi et l’embarras de Marie-Antoinette rendirent les premières entrevues avec les princes russes fort tendues. […] Plusieurs princes régnants, les rois de Naples et de Westphalie, y étaient à la tête de leurs peuples.
» Alors un homme qui semble le roi des chevaliers, répond : « — Je ne peux pas, j’en suis indigne. […] Cependant, le roi malade est retombé sur sa litière, les chevaliers s’éloignent, l’église est vide. […] De là, l’effroi des chevaliers et la douleur du roi malade. […] Il trouve Amfortas, le roi déchu, en proie à un accès de désespoir et demandant la mort à ses compagnons. […] Alors le nouveau roi monte les marches de l’autel et saisit le vase de cristal.
Mais comme l’intérêt est passé des Empereurs, des Rois de l’antiquité, aux marquis des xviie et xviiie siècles, puis des marquis aux gros bourgeois du xixe siècle, ils entendent qu’on s’arrête à ce personnage noble de l’heure présente, et qu’on ne descende pas plus bas. […] C’est le chef des voiles du roi ; — c’est le chef de la maison de lumière, le chef de l’équipement des jeunes soldats ; — c’est le chef des conseils du roi et le commandant des portes ; — c’est le « chef du secret pour proférer les paroles du roi » ; — c’est « les yeux du roi dans toutes les demeures » (sans doute le ministre de la police) ; — c’est « le chef des mystères du ciel, de la terre et des enfers, l’écrivain de la vérité dans la demeure de la justice » ; — c’est l’intendant des constructions du roi ; — c’est le chef de la grande écurie ; — c’est le basilicogrammate de la table du roi (le sommelier) ; — c’est le chef du gynécée royal ; — c’est « le scribe de l’oreille du roi » ; — c’est le flabellifère à la gauche du roi ; — c’est le porte-chasse-mouche à la droite du roi ; — c’est « le favorisé du roi et le cher à son cœur » ; — c’est le compagnon des jambes royales du seigneur des deux Pays.
Deux choses le font emporter au père Massillon sur le père Maur : le grand succès qu’il eut l’Avent dernier qu’il prêcha devant le roi, et l’avantage de la chaire de Saint-Gervais qui est au milieu de la ville, au lieu que celle de Saint-Étienne en est à une des extrémités et qu’il y faut grimper ; joint que l’on convient qu’encore que le père Maur ne manque pas d’onction ni de pathos, le père Massillon en a davantage. […] Le roi a retenu le second pour l’Avent prochain, et le premier pour le Carême.
Le fier et laconique billet de François Ier, défait et pris à Pavie : « Tout est perdu, fors l’honneur », a été laborieusement extrait d’une lettre peu héroïque du roi par un historien qui a voulu jeter un peu de gloire sur la honte de la monarchie française. Encore un prêtre, d’esprit délicat, de foi ardente, un roi, brave et d’humeur chevaleresque, eussent-ils pu trouver ces belles paroles.
Victor Hugo a peint cet abus dans des vers pittoresques : La langue était l’état avant quatre-vingt-neuf : Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ; Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes, Les Méropes, ayant le décorum pour loi, Et montant à Versailles aux carrosses du roi ; Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires. […] On entendit un roi dire : Quelle heure est-il ?
Comme vous êtes roi, vous ne considérez Qui ni quoi…….. […] La manière dont le roi distribue les emplois de son armée est très-ingénieuse ; ces quatre vers qui expriment la moralité de cette fable sont excellens, et le dernier surtout est parfait.
Ils ne s’assurent point en leurs propres mérites, Mais en ton nom, sur eux invoqué tant de fois, En tes serments jurés au plus saint de leurs rois, En ce temple où tu fais ta demeure sacrée, Et qui doit du soleil égaler la durée. […] Le Seigneur a détruit la reine des cités ; Ses prêtres sont captifs, ses rois sont rejetés : Dieu ne veut plus qu’on vienne à ses solennités.
C’est pour l’orateur chrétien que ces paroles d’un roi semblent avoir été écrites : L’or et les perles sont assez communes, mais les lèvres savantes sont un vase rare et sans prix 195. […] Jamais les rois ont-ils reçu de pareilles leçons ?
Aussitôt Lauzun va demander au roi la permission d’épouser la duchesse délaissée, et le roi l’autorise à se faire agréer. […] Le roi se résigne à perdre sans retour Louise de La Vallière, et se console en espérant qu’elle priera pour lui. […] Plus il eût été roi, plus il eût été facile d’excuser la mobilité de ses passions ; mais il est évident que M. […] Or, Louis XI est le premier roi français qui appartienne à l’époque moderne, quoiqu’il plaise à M. Michelet de voir en lui le dernier roi français du moyen âge.
— la protection du roi les émancipait de la domesticité du grand seigneur ou du traitant ; les dispensait d’écrire désormais des « dédicaces à la Montauron » ; les classait à un rang, modeste encore sans doute, mais toutefois défini dans la hiérarchie sociale. […] Sans la protection de Louis XIV, Molière eut succombé sous l’acharnement de ses ennemis ; et c’est bien lui, le roi, qui prendra sur lui d’imposer les chefs-d’œuvre de Racine à l’admiration des courtisans eux-mêmes de l’ancienne cour. […] Sa grande affaire est de diriger le roi dans les voies du salut. […] Si le roi vit toujours, et quand il vivrait dix ans, quinze ans, vingt ans encore, le règne est terminé ! […] — Publication des premières Épîtres ; — de l’Art Poétique ; et des premiers chants du Lutrin, 1674. — Le « sieur Despréaux » figure pour la première fois sur la « liste des bienfaits du Roi » en 1676 ; — il est nommé pour « écrire l’histoire du Roi », 1677 ; — et renonce au « métier de poésie ».
Cet éloge funèbre du Grand Condé, dont Mme de Sévigné a esquissé une vive analyse dans une lettre à Bussy et dont elle se disait transportée, est d’un caractère à part et garde encore l’empreinte morale de la manière de Bourdaloue ; il laisse la vie glorieuse et mondaine du prince, ou plutôt, dans cette vie, il ne s’attache qu’à son cœur, à ce qui s’y conserve d’intègre, de droit, de fidèle, jusque dans ses infidélités envers son roi et envers son Dieu, et il va dégageant de plus en plus cette partie pure, héroïque et chrétienne, jusqu’à ce qu’il la considère en plein dans la maturité finale et un peu tardive de ses dernières années. […] [NdA] Le Mercure galant, de juin 1679 (p. 274), annonce que le père Bourdaloue vient d’être nommé prédicateur ordinaire du roi. Cette nouvelle se rapporte à ce que je lis dans le Journal manuscrit de M. de Pontchâteau, à la date du 17 avril 1679 : « Le père Bourdaloue a quatre cents écus de pension que le roi lui donne comme à son prédicateur. » 66. […] Mais il faut observer que Bossuet, qui avait si fort insisté sur le bonheur qu’a eu le chancelier Le Tellier de conserver toute sa tête jusqu’au dernier instant, et qui rapporte les fortes paroles de ce vieillard courageux, insiste moins sur la présence d’esprit du Grand Condé : seulement il en rappelle quelques paroles, et cite une lettre au roi où le prince reparaît encore, et où se montre le chrétien.
Le roitelet, la bergeronnette, le bouvreuil, ne sont pas pour nous un petit roi, une petite bergère, un petit bouvier : nous ne songeons guère à ces gentilles et poétiques images ; et ces mots valent pour nous autant que chat ou cheval, où l’étymologie ne découvre pas de figure. […] Le sang de vos rois crie et n’est point écouté. […] Parfois, devant ses portes, Quelque Crassus, vainqueur d’esclaves et de rois, Plantait le grand chemin de vaincus mis en croix….. […] Et de même dans la fameuse période par où Bossuet commence l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre, la périphrase par laquelle il désigne Dieu rend tout croyable de sa puissance, et dispose à voir sa main dans les malheurs des rois.
Michelet prophète de la démocratie, ennemi des rois et des prêtres : influence de ses passions sur son histoire. […] Le parti pris politique s’y fait peu sentir, par la vertu du sujet ; l’état d’esprit orléaniste s’élargit en pitié des vaincus, en sentiment douloureux des misères individuelles ou collectives ; l’historien est tout à la joie de faire sortir des vieilles chroniques, dans toute la barbarie de leurs noms germaniques hérissés de consonnes et d’aspirations, les Franks et leurs chefs, les Chlodowig, les Chlother, les Hilderik, les Gonthramm, de montrer par de petits faits significatifs ce qu’était un roi franc, comment étaient traités les Gaulois, de substituer dans l’imagination de son lecteur, à la place des dates insipides et des faits secs qu’on apprend au collège, une réalité précise, dramatique, vivante. […] Les passions contemporaines l’ont saisi : l’historien se surcharge d’un démocrate forcené, qui a les prêtres et les rois en abomination. […] Lorsqu’il reviendra de là au xvie siècle, Michelet se posera devant les rois, les prêtres et les nobles comme un justicier : qu’avez-vous fait du peuple ?
M. de Bernières, en ce même Carême de 1700, réclamait sans doute pour l’armée certaines dispenses de régime, et Fénelon s’empresse de les accorder aux soldats ; mais « il n’y a pas d’apparence, monsieur, ajoute-t-il, que j’accorde aux officiers, payés par le roi, une dispense que je refuse aux plus pauvres d’entre le peuple ». […] Ce jeune prince, que Saint-Simon nous montre si hautain, si fougueux, si terriblement passionné à l’origine, si méprisant pour tous, et de qui il a pu dire : « De la hauteur des cieux il ne regardait les hommes que comme des atomes avec qui il n’avait aucune ressemblance, quels qu’ils fussent ; à peine Messieurs ses frères lui paraissaient-ils intermédiaires entre lui et le genre humain » ; ce même prince, à une certaine heure, se modifie, se transforme, devient un tout autre homme, pieux, humain, charitable autant qu’éclairé, attentif à ses devoirs, tout entier à sa responsabilité de roi futur ; et cet héritier de Louis XIV ose proférer, jusque dans le salon de Marly, ce mot capable d’en faire crouler les voûtes, « qu’un roi est fait pour les sujets et non les sujets pour lui ». […] Laissons la part due à tout ce que vous voudrez reconnaître de mystérieux et d’invisible dans ces opérations du dedans, même à ce qu’on appelle la grâce ; laissons sa part au vénérable duc de Beauvilliers, gouverneur excellent ; mais, entre les instruments humains, à qui donc fera-t-on plus large part qu’à Fénelon, à celui qui, de près comme de loin, ne cessa d’influer directement sur son élève, de lui inculquer, de lui insinuer cette maxime de père de la patrie, « qu’un roi est fait pour le peuple », et tout ce qui en dépend ?
Horace de Viel-Castel a trouvé à Londres, dans le British Museum, une notable lettre de Montaigne, alors maire de Bordeaux, et adressée à M. de Matignon, lieutenant pour le roi dans cette même ville, à la date du 22 mai 1585. […] Il refusa d’abord et s’excusa ; mais bientôt, mieux averti, et sur le commandement du roi, il accepta cette charge « d’autant plus belle, dit-il, qu’elle n’a ni loyer ni gain, autre que l’honneur de son exécution ». […] Montaigne est maire ; Bordeaux, naguère agité, semble préluder à de nouveaux troubles ; le lieutenant pour le roi est absent. […] Au reste, il fera tout pour pressentir à l’avance les événements : « Je ferai ce que je pourrai pour sentir nouvelles de toutes parts, et, pour cet effet, visiterai et verrai le goût de toute sorte d’hommes. » Enfin, après avoir tenu le maréchal au courant de tout et des moindres bruits de ville, il le presse de revenir, l’assurant « que nous n’épargnerons cependant ni notre soin ni, s’il est besoin, notre vie pour conserver toutes choses en l’obéissance du roi ».
François de Sales n’était encore que coadjuteur de l’évêque de Genève ; Henri IV ne négligea rien pour se l’attacher : « Il me fit des semonces d’arrêter en son royaume qui étaient capables de retenir, non un pauvre prêtre tel que j’étais, mais un bien grand prélat. » François de Sales fit alors, tant à Fontainebleau devant le roi que dans les principales chaires de Paris, des prédications nombreuses ; il fut choisi pour prononcer l’oraison funèbre du duc de Mercœur, qui mourut vers ce temps-là. […] Richelieu écrivait à ce sujet à M. de Béthune, ambassadeur du roi en Italie : Ayant vu par votre lettre comme M. le duc de Savoie envoie M. l’abbé de Mante en France, au lieu de M. l’évêque de Genève qu’il s’était proposé d’y envoyer, je vous dirai que, bien que Sa Majesté ait agréable qui que ce soit qui vienne vers elle de la part de Son Altesse, elle eût eu un particulier contentement que c’eût été ledit sieur de Genève, pour les rares qualités qu’elle estime en lui. […] Converti d’abord par politique, il paraît qu’il le fut ensuite plus sérieusement et plus sincèrement avec les années, et que les raisons de conscience finirent par se joindre en lui aux autres considérations du personnage public et du roi. […] Un jour, une dame mariée lui adresse une question de ce genre, à savoir comment on pouvait accorder l’autorité du pape et celle des rois.
Voyez tout ce Péloponnèse italien livré par votre imprévoyance à son petit roi, votre favori du jour, maître absolu demain d’un empire presque égal au vôtre, incapable de protéger cette péninsule, ces îles, ces ports, ces mers contre les Germains ou contre les Anglais, mais assez puissant pour subir l’alliance obligée de vos ennemis naturels. Est-ce que l’atlas ne vous dit pas, par toute la configuration du globe, que si l’Italie monarchisée, au lieu de dépendre d’elle-même, dépend des caprices d’un roi cisalpin, et que si ce roi la possède, au lieu de la couvrir, la France diminue de trente millions d’hommes son poids sur la terre et sur la mer, et que l’Angleterre gagne tout ce que la France perd au midi et à l’orient ?
De même (je préviens tout de suite qu’ici les membres de phrases sont plus courts) : « Celui qui règne dans les Cieux et de qui relèvent tous les empires, | à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, | est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois | et de leur donner quand il lui plaît de grandes et terribles leçons. | Soit qu’il élève les trônes, soit qu’il les abaisse, | soit qu’il communique sa puissance aux princes, soit qu’il la retire à lui-même et ne leur laisse que leur propre faiblesse, | il leur apprend leurs devoirs d’une manière souveraine et digne de lui. | Car en leur donnant sa puissance, il leur commande d’en user comme il fait lui-même pour le bien du monde, | et il leur fait voir en la retirant que toute leur majesté est empruntée | et que pour être assis sur le trône | ils n’en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême », Nous avons ici des membres de phrase presque toujours de dix-sept, dix-huit, dix-neuf ou vingt syllabes, donc presque égaux, plus égaux que dans le précédent exemple, et, puisque en même temps ils sont plus courts, obéissant à un rythme plus marqué ; la phrase est essentiellement nombreuse. […] Il est rare que je me promène sans me réciter à moi-même quelqu’une des pièces suivantes : « Marquise si mon visage… » ; les deux Pigeons ; « Ô mon souverain roi me voici donc tremblante… », « Si vous voulez que j’aime encore… » ; la Jeune Captive ; le Lac ; la Tristesse d’Olympio ; le Souvenir ; plus souvent la Vigne et la Maison ; la Voie lactée de Sully-Prudhomme, l’Agonie du même. […] Je ne sais pas trop pourquoi, à vrai dire, mais peut-être parce que le papier et l’impression d’un volume du XVIIe siècle suggèrent de couper l’alexandrin à l’hémistiche, je ne lis jamais la prière d’Esther sans scander ainsi : Ô mon souverain roi, Me voici donc tremblante, | et seule devant toi.
Où donc est la hardiesse, où donc est la fierté dans cette Madame Louise, dans cette amazone, — comme il l’appelle, ce bon Bonhomme, qui de sa nature est peu équestre et qui, ébahi comme un badaud devant un cirque, la trouve très amazone parce qu’elle savait, comme toutes les femmes de la cour d’alors, faire un temps de galop aux chasses du roi ! […] La Vie de Madame Térèse de Saint-Augustin les attendait… et cette petite lumière, allumée pieusement sur le tombeau de la Carmélite par une sœur inconnue de sa Communauté, se projettera, grande et forte de sa pureté seule, sur le passé de la princesse, et nous l’éclairera mieux que les récits du temps orageux et souillé où elle a vécu… Aucune des sœurs de cette fille de roi ne partagera cet avantage avec elle d’avoir un livre pur, sincère et désintéressé, inspiré par l’enthousiasme de la justice et tracé par une main à qui on puisse se fier, puisqu’elle est chrétienne, pour défendre sa mémoire outragée en racontant simplement sa vie. […] Dans la sainteté de cette fille de roi, ce qui frappe surtout, c’est l’humilité, — c’est cette immense humilité dont elle fit l’unique gloire de sa vie renversée… C’est l’amour de la pauvreté, qu’avait le mendiant Labre, en ce temps-là où jamais la corruption de la chair et de l’orgueil n’avaient mieux tenu le monde.
C’est ainsi que les premiers poètes théologiens inventèrent la première fable divine, la plus sublime de toutes celles qu’on imagina ; c’est ce Jupiter roi et père des hommes et des dieux, dont la main lance la foudre ; image si populaire, si capable d’émouvoir les esprits, et d’exercer sur eux une influence morale, que les inventeurs eux-mêmes crurent à sa réalité, la redoutèrent et l’honorèrent avec des rites affreux. […] Ainsi Jupiter acquit ce regnum fulminis, par lequel il est le roi des hommes et des dieux. […] Le ciel était pour les Perses le temple de Jupiter, et leurs rois, imbus de cette opinion, détruisaient les temples construits par les Grecs. — Les Égyptiens confondaient aussi Jupiter et le ciel, sous le rapport de l’influence qu’il avait sur les choses sublunaires et des moyens qu’il donnait de connaître l’avenir ; de nos jours encore ils conservent une divination vulgaire. — Même opinion chez les Grecs qui tiraient du ciel des θεωρήματα et des μαθήματα, en les contemplant des yeux du corps, et en les observant, c’est-à-dire, en leur obéissant comme aux lois de Jupiter.
Cet autre, Apollon l’a fait prophète, Apollon, le roi qui lance ses flèches au loin ; et il prévoit le mal qui de loin vient à l’homme : car les dieux communiquent avec lui. […] — « Je ne tiendrais pas en estime un homme77 pour son agilité à la course ou sa vigueur à la lutte, ni s’il avait la taille et la force des Cyclopes, ni s’il devançait la vitesse de l’aquilon, ni s’il était plus gracieux de visage que Tithon ou plus riche que Midas et Cinyre, ni s’il était plus roi que Pélops, fils de Tante tale, ni s’il avait la langue mélodieuse d’Adraste, ni quand il aurait toute gloire, hormis la force guerrière. […] Longtemps après lui, l’âme belliqueuse répandue dans ses vers plaisait au génie d’Alexandre, et ce héros rangeait ses poésies parmi les lectures qui conviennent aux rois.
Berryer est allé saluer son roi. M. de Chateaubriand malgré son peu de jambes, va aller voir aussi son roi à Londres.
Nous avons eu, comme l’Angleterre, une Révolution soulevée par les classes moyennes et inférieures de la société contre le haut clergé, la haute aristocratie et la royauté, un roi mort sur l’échafaud, des excès et des folies après des commencements justes et glorieux, une dictature militaire, une Restauration monarchique, une race incorrigible et antipathique à la nation, enfin une délivrance heureuse qui assure nos droits et nous rouvre un libre avenir. […] La liberté politique suspendue sous l’empire reparut avec la Restauration, bien qu’au grand regret des rois restaurés, et la France continua au milieu de mille entraves sa marche progressive.
La littérature, dans le siècle de Louis XIV, était le chef-d’œuvre de l’imagination ; mais ce n’était point encore une puissance philosophique, puisqu’un roi absolu l’encourageait, et qu’elle ne portait point ombrage à son despotisme. […] Ces dogmes, ces cérémonies, cet appareil religieux, étaient alors la seule barrière de la puissance : on la citait devant l’éternité ; et si les hommes abandonnaient à un homme la disposition de leur existence, ils en appelaient à Dieu, qui faisait trembler les rois.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.
Rappellerai-je que ce roi de l’élégie amoureuse et religieuse est aussi le poète de la Marseillaise de la paix, des Révolutions, des Fragments du livre antique ; que nul n’a plus aimé les hommes, ni annoncé avec une éloquence plus impétueuse l’Evangile des temps nouveaux ; qu’il a fait Jocelyn, cette épopée du sacrifice et le seul grand poème moderne que nous ayons ; que nul n’a exprimé comme lui la conception idéaliste de l’univers et de la destinée, et qu’enfin c’est dans Harold, dans Jocelyn et dans la Chute d’un Ange que se trouvent les plus beaux morceaux de poésie philosophique qui aient été écrits dans notre langue ? […] Il s’en va, comme un roi qui parcourt ses domaines, visiter l’Orient mystérieux, ce berceau des races.
L’ouvrage était dédié au cardinal de Richelieu, qui entra, comme on sait, dans les conseils du roi, au mois d’avril de cette année 1624. […] Est-ce en souvenir du séjour que les Fedeli avaient fait à Paris en 1624-1625, ou à l’occasion d’un nouveau voyage de cette troupe, qu’un des organisateurs des divertissements de la Cour eut l’idée de faire danser « un ballet du roi représentant les comédiens italiens » pour lequel Bordier fît des vers 23 ?
J’espère qu’on me saura gré de ma modération, car, descendant directement de l’un de ces princes, et peut-être de la branche aînée, que sais-je si, par la vérification des titres, je ne me trouverais pas le roi légitime du genre humain ? […] On les vit arriver sans boussole, sans route et sans itinéraire, militairement, à heure dite, polis et exacts comme des rois !
Dans quelques années, le roi donnera le titre de duc avec les lettres de créance. […] Les enfants du roi sont rachetés au prix de 1 million deux cent mille écus. […] Le roi accusait Charles-Quint, et voulait se venger. […] La Ferronnière en mourut, et le roi fut assez mal guéri. […] Chacune de ses promenades est un commentaire du Pentateuque, des Rois ou des Prophètes.
Les justiciers du Roi étaient assistés d’un collège de prud’hommes chrétiens et musulmans. […] Il a pour lui le Roi, contre lui l’Université et le Parlement. […] On leur criait d’ouvrir de par le Roi. […] Elle était fort capable de maudire les prêtres et les rois ; mais le cœur n’y était pas. […] Louis XV est le dégoût de la terre, l’éclat de rire insolent de vingt rois !
Si elle parle quelquefois aux Rois d’un ton ferme & austére, elle ne léve jamais contre eux un bras rebelle ou homicide. […] Sous la burre on peut avoir un cœur & un esprit de Roi, ainsi qu’il y a souvent sous la pourpre un cœur & un esprit bas. […] Que ne se persuade-t-il plutôt qu’un Roi n’est pas toujours Roi, qu’il est homme par intervalles ; que le hisser perpétuellement sur le cothurne, c’est comme si on le couchoit dans son lit, le manteau royal à fleurs d’or sur le dos, les brodequins aux pieds & la couronne en tête ? […] Ce Roi qui se moquoit assez du passé, & même du présent, étoit fort inquiet sur l’avenir. […] Le Poète vint & lut ; le Roi bâilla & mourut.
C’est le mélodrame par excellence, c’est le roi des mélodrames. […] Mais elle veut aussi dominer celui de ses fils qui sera roi ; elle a une âme de régente. […] Par parenthèse, il est malheureux, ce pauvre roi. […] Il a deux fils : il est trompé par l’un comme mari, et il est trompé par l’autre comme roi. […] J’étais dans ce moment moins qu’un dieu, plus qu’un roi.
L’empereur s’informa s’il y avait un roi en France et si l’on y parlait anglais. […] Pendant que les rois absolus se frottaient les yeux, et, comme Jacquemont, croyaient rêver, la révolution de juillet s’établit ; elle prit racine. […] Runjet-Sing n’est pas un roi très légitime ; c’est un soldat heureux. […] Tel est le pays, peuple et roi, que va visiter Victor Jacquemont. […] Mon portefeuille est plein de lettres de rois.
J’éprouvai une joie perverse à penser que le roi des rois avait épousé une ouvreuse du théâtre. […] On se bat pour le roi, contre les ennemis du roi ; mais, ces ennemis, on les ignore et on ne leur veut aucun mal. […] Il a le culte des morts, le culte de la femme et le culte de son roi. […] Cependant il se tenait sans cesse sur le passage du roi. […] Fagon, à étiqueter les plantes médicinales du Jardin du Roi.
Dardinel, leur roi, a été tué par Renaud ; son corps est resté sur le champ de bataille. […] » Médor, distrait de ce carnage par l’impatience de retrouver le corps de son roi, adresse une invocation ardente à la lune pour qu’elle lui découvre enfin le cadavre. […] C’est Angélique, l’amante ingrate de Roland, la superbe fille du roi des Indes. […] Elle s’achemine avec son jeune époux vers les Indes, où elle va faire couronner Médor roi du Cathay. […] Mais la guerrière Marphise, sœur de Roger, se présente à Charlemagne au moment où ce roi des chrétiens va livrer Bradamante à Léon.
Où sont ces noms qui remplissaient l’oreille dans la poésie, dans l’éloquence, à la tribune, dans les conseils des peuples ou des rois ? […] Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion. […] Ce trône, pour le prêtre de génie, est plus haut que celui des rois : c’est de là qu’il règne sur le monde des consciences. […] « Pleurez donc ce grand capitaine, et dites en gémissant : Voilà celui qui nous menait dans les hasards ; sous lui se sont formés tant de renommés capitaines que ses exemples ont élevés aux premiers honneurs de la guerre : son ombre eût pu encore gagner des batailles ; et voilà que, dans son silence, son nom même nous anime, et ensemble il nous avertit que, pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux et n’arriver pas sans ressources à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel. « Servez donc ce roi immortel et si plein de miséricorde, qui vous comptera un soupir et un verre d’eau donné en son nom, plus que tous les autres ne feront jamais tout votre sang répandu ; et commencez à compter le temps de vos utiles services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant.
Également royales, ces images conviennent, par elles-mêmes, les unes à la reine et les autres au roi. […] N’en défend pas les rois. […] Issus de pères rois et de pères bergers. […] Les rois sont comme des dieux, et Dieu est le Roi des rois. […] Ce sont celles de Charles II roi d’Angleterre, et de Mme de Castelmaine.
Il n’y a pas en Norvège des masses asiatiques et persanes qui combattent et périssent pour agrandir un roi. […] Le roi mit le siège devant Saint-Jean-d’Angély. […] pour les rois du monde. […] dit le roi, un seul tavernier ? […] Sterne est roi dans cet art du double entendu et du sous-entendu.
Le roi aussi porte un beau chapeau à la Henri IV, comme Louis XVI. […] C’était, en réalité, un excellent roi, habile et probe. […] — Il se peut, répondit le roi, mais je ne le lirai point. […] — Hâtez-vous, lui dit un officier, le roi se meurt. En effet, le roi était sur son lit de mort.
Mon extérieur distingué et ma figure agréable, quoique mélancolique, n’y gâtaient rien ; on parlait de moi comme d’un jeune homme bien né et bien pensant, venu à Paris avec les jeunes gentilshommes de sa province pour servir le roi, mais que les dons de Dieu, dont il paraissait comblé, ne tarderaient pas, malgré sa modestie, à tirer de l’obscurité et à faire éclater au grand jour. […] Je me retirai et je me promis de ne jamais revenir dans une maison où l’homme qui avait protesté le plus énergiquement contre l’usurpation de Juillet, et qui venait de passer deux ans en Orient pour n’avoir aucun rapport avec le gouvernement, était apparemment regardé comme un transfuge, pour avoir été nommé député par la nation, et pour avoir refusé au roi la moindre concession à son nouveau titre. […] — Oui, lui dis-je, et si vous me chargez de lui demander quelque chose qui puisse favoriser votre mariage, je suis certain qu’il se fera un plaisir de vous l’obtenir, si cela lui est possible. — Eh bien, reprit-il, je regarderais mon mariage comme assuré, s’il pouvait me faire obtenir du roi des lettres de noblesse. […] On se souvient que, pour presser le dénoûment de la catastrophe, un certain nombre de membres de la gauche demandèrent que les ministres du roi fussent décrétés d’accusation. […] Le roi et sa famille partaient sans être poursuivis.
Desportes était attaché au duc d’Anjou, depuis Henri III, qui, devenu roi, le combla de bénéfices. […] Mais la seule faveur, sous une robe feinte, Régner es jugements sur la raison éteinte ; La justice, au palais, sa balance employer, A peser, non le droit, mais, l’argent du loyer L’ignorance élevée aux dignités suprêmes… Plus loin, la charité du saint roi ne l’inspire pas moins heureusement : Maints rois s’armant les bras d’un fer victorieux Rendent par l’univers leur renom glorieux, Brident de saintes lois la populaire audace, Laissent de leur prudence une éternelle trace, Et gagnent tout l’honneur qu’on s’acquiert ici-bas Par les arts de la paix et par ceux des combats Mais peu daignent tourner leur superbe paupière Vers le pauvre étendu sur la vile poussière Et penser qu’en l’habit d’un chétif languissant C’est Christ, c’est Christ lui-même, hélas ! […] Il y a un accent de mâle éloquence dans cette apostrophe aux rois qui accablent leurs sujets d’impôts, et qui boivent le sang du peuple dans des vases dorés : Mauvais pasteurs du peuple, écorchez vos troupeaux, Pour changer en draps d’or leurs misérables peaux. […] Il en fut si satisfait, qu’il voulut que M. de Bellegarde le prit dans sa maison, où Malherbe vécut désormais avec une pension du roi.
Il y a des fables où les animaux sont des prétextes, et pas autre chose, et où, sous le nom de lion, il faut entendre le roi, sous le nom de loup, le hobereau cruel et tyrannique de campagne, ou — car il y a cela aussi — l’homme absolument indépendant et vivant la vie libre et sauvage. […] Le lion, c’est bien un roi et pas autre chose ; son discours est un discours détrôné, à son éloge et à sa pleine satisfaction, avec des menaces sourdes qui courent sous les compliments et sous la bonhomie affectée. […] Le lion est le roi qui ne souffre pas une observation, qui ne souffre pas un reproche, une critique, et qui envoie tel ou tel homme qui n’a pas su être courtisan faire le dégoûté chez Pluton. […] Je suis roi ; deviendrai-je un citadin d’Ithaque ? Tu me rendras peut-être encor simple soldat : Je ne veux point changer d’état. » Ulysse espère réussir mieux avec un animal moins fier et qui n’est pas le roi des animaux.
Je ne savais pas alors que la prophétie d’Ema est une mosaïque dont les morceaux sont empruntés à Jérémie, à Esaïe, à Ézéchiel, au premier Livre des Rois, à l’Apocalypse… (voir La Critica, vol. […] Empereurs ou rois, qui n’ont plus rien à désirer du côté de la fortune, n’y trouvent rien aussi qui gêne leurs plaisirs, et nés, et destinés à mourir dans leur pourpre, rien ne traverse, ni ne partage, ni ne rompt leur passions, si ce n’est les obstacles qu’elles se créent à elles-mêmes en courant à leur satisfaction. […] Admettons encore que Brunetière ait eu raison pour le siècle de Louis XIV ; les temps ont changé, nous nous sommes démocratisés ; les rois en exil font assez piètre figure chez Daudet, et les rois en visite nous font rire aux larmes chez de Flers et de Caillavet. […] Le vague « appartement » ou vestibule, où les rois versaient leurs secrets dans le sein des confidents, a été remplacé par cinq décors suggestifs, bien documentés et appropriés aux cinq tranches de vie qu’on nous y sert successivement. […] La phrase « Empereurs ou rois », etc., est empruntée à Massillon.
Les premiers pères de famille sont les premiers prêtres ; et comme la religion compose encore toute la sagesse, les premiers sages ; maîtres absolus de leur famille, ils sont aussi les premiers rois ; de là le nom de patriarches (pères et princes). […] Mais ces rois absolus de la famille sont eux-mêmes soumis aux puissances divines, dont ils interprètent les ordres à leurs femmes et à leurs enfants ; et comme alors il n’y a point d’action qui ne soit soumise à un Dieu, le gouvernement est en effet théocratique. […] Les cités héroïques furent toutes gouvernées aristocratiquement ; les rois des familles soumirent leur empire domestique à celui de leur ordre. Les principaux de l’ordre héroïque furent appelés rois de la cité, et administrèrent les affaires communes, en ce qui touchait la guerre et la religion. […] On vit les rois catholiques revêtir les habits de diacre, mettre la croix sur leurs armes, sur leurs couronnes, et fonder des ordres religieux et militaires pour combattre les infidèles.
Celle-ci, durant son séjour en Angleterre, ne vit pas seulement les gens du monde et de la haute société, elle voulut connaître les savants, et l’on a le récit de sa visite au grand critique d’alors, à la fois homme de goût et roi des cuistres, à cet original de Samuel Johnson ; je donne l’historiette telle qu’on la lit dans la Vie du célèbre docteur par son fidèle Boswell ; il la tenait lui-même de la bouche de M. […] C’était le moment où Rousseau était en passage à Paris, avant d’aller en Angleterre ; Horace Walpole fit, un soir, en rentrant de chez Mme Geoffrin, cette plaisanterie cruelle de la prétendue lettre d’invitation du roi de Prusse à Jean-Jacques, qui courut bientôt Paris et toute l’Europe, et où on lisait entr’autres ironies : « Si vous persistez à vous creuser l’esprit pour trouver de nouveaux malheurs, choisissez-les tels que vous voudrez ; je suis roi, je puis vous en procurer au gré de vos souhaits. » Walpole se raillait de Rousseau et le traitait en pur charlatan ; il se représentait aussi Mme de Boufflers comme ambitieuse elle-même d’être enlevée jusqu’au Temple de la Renommée en s’accrochant à la robe de l’Arménien philosophe. […] On a cité des lettres d’elle à ce roi, et d’autres surtout du roi à elle, qui ont une certaine importance historique.
Mais on remarquera, avant tout, ce voyage que la veuve du Prétendant, du feu roi soi-disant légitime, ne craignit pas de faire en Angleterre, c’est-à-dire dans le pays où il semble qu’elle dût le moins aller. […] Le roi lui parla assez longtemps, mais seulement de la traversée, de la mer, de choses générales ; la reine de même, mais moins. […] Autre particularité bizarre : à l’Opéra, au Panthéon, Mme d’Albany fut conduite dans la loge du roi et y a puis place. […] Le peuple est triste, sans aucune imagination, sans esprit même, avide d’argent, ce qui est le caractère dominant des Anglais… » Ainsi parlait du pays, dont son défunt mari avait prétendu être le roi légitime, cette femme de trente-neuf ans, mûre désormais, une vraie femme du XVIIIe siècle, et des meilleures, sensible et sensée.
Cette période est l’étape nécessaire qui conduit de Ronsard ou de Desportes au Malherbe de l’Ode au Roi parlant pour la Rochelle, de Montaigne à Balzac et à Descartes, ou à Pascal ; et là aussi, par Hardy, nous trouverons le passage des tragédies de la Pléiade à la tragédie du xviie siècle. […] Il fut de ceux qui tinrent à devoir de rester à Paris pendant la Ligue, et avec une inflexible droiture il sut en ces temps difficiles ne manquer à aucune de ses obligations, servir le roi, même protestant, et l’Église, même rebelle, maintenir les droits du Parlement, travailler au salut du royaume et à la conservation de Paris. […] Il est frappant que ses plus longues pièces portent le titre de Discours, et ce qu’il appelle Hymne de saint Louis est un « panégyrique » en vers du saint roi, orné d’abondantes moralisations. […] Mathurin Régnier, de Chartres (1573-1613), neveu de Desportes, fit deux voyages à Rome à la suite du cardinal de Joyeuse et de M. de Béthune, ambassadeur du roi.
Nous arrivions insensiblement à Dormans, écrit Pétion ; j’observai plusieurs fois Barnave (qui était placé en face de lui, entre le roi et la reine), et quoique la demi-clarté qui régnait ne me permît pas de distinguer avec une grande précision, son maintien avec la reine me paraissait honnête, réservé, et la conversation ne me semblait pas mystérieuse. […] Il essaie, en cette circonstance désastreuse, de relever, de restaurer dans toute sa pureté cet idéal, si compromis, du roi constitutionnel inviolable et impeccable, que l’impétuosité de l’esprit français n’a jamais pu accepter ni se figurer, mais qu’il était honorable de lui offrir. Sur ce roi à demi déchu et si humilié, il essaie de jeter le manteau protecteur de la théorie et de la loi, et il le fit avec une largeur, une dignité, une chaleur de mouvement qui arracha des applaudissements presque unanimes. […] En interdisant à ses membres l’entrée de la prochaine législature et en les déclarant exclus de tous les emplois à la nomination du roi, l’Assemblée constituante prolongeait et rouvrait la Révolution, au moment même où elle la proclamait close.
Nommé en 1739 intendant du Jardin du roi, et associé de l’Académie des sciences en cette même année, Buffon n’était encore connu que par l’une des traductions dont j’ai parlé et par quelques mémoires sur des sujets assez particuliers. C’est alors qu’il conçut le projet de tirer de sa position au Jardin du roi un grand parti et de devenir l’historien de la nature. […] Il n’aimait ni sa personne ni ses talents : il ne l’appelait que le grand phrasier, le roi des phrasiers ; il le contrefaisait en charge (d’Alembert avait ce malheureux talent de singer les gens). […] Cela le couvrait du côté de ses ennemis, et lui valait bien de l’appui et de la faveur pour l’agrandissement du Jardin du roi.
Il avait fait autrefois un certain vers par lequel il qualifiait un roi L’insecte usurpateur qu’on nomme Majesté ! […] Le Brun disait de Louis XVI captif, à la fin de 1792 : Venez voir, conseillers sinistres, Un roi sans peuple, sans amis ! […] C’était le même enfin qui, dans ce fameux Exegi monumentum, parlant de la Seine, s’était écrié d’un ton de prophète : Mais tant que son onde charmée Baignera l’empire des lys, ……………………………… Elle entendra ma Lyre encore D’un roi généreux qui l’honore Chanter les augustes bienfaits ! […] De sa même trompette lyrique, en 92, Le Brun demandait, dans une strophe infernale, que les tombes royales de Saint-Denis fussent violées : Purgeons le sol des patriotes, Par des rois encore infecté : La terre de la Liberté Rejette les os des despotes.
Une tragédie de lui, Don Pèdre, ou Le Roi et le Laboureur, représentée en 1802, réussit peu devant le public et n’agréa pas davantage à Saint-Cloud. […] Louis XVIII se donna le plaisir de laisser mettre cet ancien officier de sa maison sur la liste des exilés ; sans doute quelque propos malin, quelque épigramme attribuée plus ou moins exactement à Arnault, aura excité cette rancune d’un roi trop littéraire61. […] J’ai vu le roi : le pauvre Sire ! J’ai vu Monsieur : Vive le Roi !
Insensiblement l’unité politique devenant plus étroite et plus réelle, la littérature d’autre part se faisant de moins en moins populaire, Paris dut à ses rois et a son université d’être le centre intellectuel du royaume. […] Puis de tous les côtés, sur toutes les frontières, à mesure que les rois rattachaient de nouveaux territoires à leur couronne, la langue française faisait, elle aussi, des conquêtes, disputant leur domaine avec plus ou moins de succès tantôt au celtique, tantôt à l’allemand, tantôt à l’italien, et tantôt au basque : de langue officielle et administrative, tendant partout à être langue de la littérature et des classes cultivées.
Aucune haine contre le roi dans son affection pour le peuple ; aucune injure pour les dynasties régnantes dans ses consolations aux dynasties tombées ; aucun outrage aux races mortes dans sa sympathie pour les rois de l’avenir.
Rappelé après bien des années, il fut reçu froidement du roi, qui, même quand il le voyait, évitait de lui parler. […] Il n’est pas noble, disent-ils, pour un grand roi, de s’abaisser à tromper : beaucoup de rois, qui passent pour grands, ont autrefois employé leur vie à ce métier ; et le sénat romain, cette assemblée de rois des rois, qu’a-t-il fait autre chose dans les plus beaux temps de sa gloire, sinon tromper tous ceux avec lesquels il négociait ? […] Chez Euripide, il est plus père que roi ; dans sa première entrevue avec sa fille, il serre Iphigénie entre ses bras, il pleure, il ne peut s’en séparer. […] Le roi des rois, afin d’adoucir ce qu’une pareille déclaration peut avoir de rigoureux pour un guerrier tel qu’Achille, lui représente qu’il a déjà acquis assez de gloire, qu’il a même ravi aux Troyens une autre Hélène dans une jeune princesse inconnue qu’il a faite prisonnière de guerre, et qui peut servir de compensation. […] Assuérus aime sa femme, mais on peut la lui rendre suspecte : Mardochée a sauvé la vie au roi, il a été récompensé par de grands honneurs ; il n’en est que plus exposé à la calomnie.
Entre deux guerres civiles, il enchante la cour de Charles IX, et fait une tragédie lyrique de Circé pour le divertissement du roi. […] Dans ces deux cadres viennent s’entasser discussions théologiques renouvelées de Calvin et de Bèze, anecdotes salées sur les moines qui semblent venir de l’Apologie pour Hérodote, invectives violentes, mordantes railleries, énormes bouffonneries ; tous les adversaires de l’auteur, tous ceux qui ont mérité sa haine ou trahi son espoir, jusqu’au roi lui-même, y passent. […] La Bible dont ce bon huguenot était nourri, a étoffé son français ; elle l’a aidé à donner à notre grêle, aimable et fin parler des sonorités rudes, de brusques éclats, des harmonies chaudes et larges, qui font, penser en effet aux maigres Juifs sortant de leur désert pour effrayer les Rois des menaces de l’Eternel. […] Il ne reçoit de pension que du roi, de Monsieur, à qui il appartient : cela le tire de pair parmi les écrivains faméliques et parasites. […] Il fut introducteur des ambassadeurs du duc d’Orléans, gentilhomme ordinaire et maître d’hôtel de la duchesse, puis maître d’hôtel du roi, et premier commis du comte d’A vaux, lorsque celui-ci fut surintendant des finances. — Édition : Œuvres complètes, éd.
. — Le Roi s’amuse (1832). — Lucrèce Borgia (1830) […] Le roi s’exprime souvent comme un bandit. Le bandit traite le roi comme un brigand. […] Gustave Planche Le Roi s’amuse : Depuis dix ans, M. […] Homère, après le Dante, après Shakespeare, Sur le trône sacré, par-dessus tous les rois, Oh !
» Au mois de juillet de l’année 1814, à dix-sept ans, il reçoit son brevet de gendarme de la maison du Roi. […] Quand Alfred de Vigny part pour le régiment, sa mère lui remet en viatique une Imitation ; elle y a inscrit ces mots : « À Alfred, son unique amie. » Le voilà, comme de longue date les Vigny, soldat au service du Roi. […] il eut cette aubaine d’entrer dans l’armée à dix-sept ans, et dans l’armée du Roi, selon la coutume de ses ancêtres. […] Elle se promène, déçue, dans les prairies qui bordent le jardin du roi. […] Cependant, le jour des Rois, quelle folie !
Et le bon roi don Pèdre en avertit le vieux Leonato ; et les deux jeunes gens sont fiancés (oh ! […] Roi par la tendresse de celle qu’il a abandonnée et trahie !… Roi par le dévouement de la pauvre comédienne ! […] » Puis il s’adresse à Agnès, et la bonne courtisane promet de rendre un roi à la France. […] Il vous a livrés aux gendarmes du roi !
Par le roi ! […] Quelques très grands personnages, (historiques pour ainsi dire), deux ou trois rois, ou plus, Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu. […] Le roi s’amuse. Le roi fait une opération unique de ressaisissement. […] Il a toujours été le roi des malins.)
Le jour où le roi lui avait accordé une pension, il avait pourtant fait un quatrain de remercîment qui finissait ainsi : Larmes, que n’avait pu m’arracher le malheur, Coulez pour la reconnaissance ! […] Purgeons le sol des patriotes, Par les rois encore infecté : La terre de la liberté Rejette les os des despotes. […] Ces Rois de la lyre et du savant pinceau, qu’avait chantés André Chénier, étaient tous deux apostats de cette amitié sainte.
Trop grand pour s’occuper sérieusement d’objets frivoles, & s’il faut le dire trop amoureux de la gloire pour daigner rabaisser quiconque ignore qu’il en est une, il ne jugera dignes de ses coups que ceux qui par leur puissance influent sur la destinée des Etats, & s’il médit, ce ne fera des Rois de leurs Ministres & du vice des Empires. […] S’il lui faut de plus grands exemples, ou plutôt des exemples faits pour lui, je citerai des Rois qui sur le trône ont eu la passion dominante des Arts, & d’autres qui en sont descendus pour se débarrasser de leurs chaînes, & contenter uniquement la soif d’apprendre qui les dévoroit. […] Je sçais que la Philosophie oblige les Rois de porter pendant toute leur vie le triste fardeau du Sceptre qu’un destin fatal leur a imposé ; je sçais qu’elle leur défend d’oser s’élever à un état plus heureux, mais elle est aussi trop severe.
On ne fait pas moins de cas de la rélation d’un voyage du Levant, fait par ordre du Roi, contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs isles de l’Archipel, de Constantinople, des Côtes de la mer noire, de l’Arménie, de la Georgie, des frontieres de Perse & de l’Asie mineure ; avec les plans des villes & des lieux considérables, le génie, les mœurs, le commerce & la religion des différens peuples qui les habitent & l’explication des médailles & des monumens antiques, enrichie des descriptions & des figures d’un grand nombre de plantes rares, de divers animaux : & plusieurs observations touchant l’histoire naturelle, par le célébre Tournefort, en deux vol. […] Aulon, Ambassadeur du Roi à Maroc, avec figures in-12. […] On recherche aussi le Voyage d’Afrique fait par le commandement du Roi ou les Navigations des françois en 1629.
Ce Waller, après avoir combattu et signalé son zèle pour Charles Ier, après avoir souffert, pour la cause des rois, la prison, l’exil, la perte d’une partie de ses biens, et sauvé à peine sa tête de l’échafaud, eut la bassesse de faire solliciter sa grâce auprès de son tyran, et la bassesse plus grande encore de louer publiquement son oppresseur et le bourreau de son maître : Milton, du moins, montra plus de courage ; lui qui avait servi Cromwell de son épée et de sa plume, après le rétablissement de Charles II, garda le silence, et resta pauvre et malheureux, sans flatter ni prier. […] On connaît le reproche que lui fit le roi, et sa réponse85. […] En attendant, sois le génie de ta patrie, tandis que ta poussière sacrée dort avec celle des rois, et qu’elle daigne honorer leurs tombeaux. » C’est avec cet enthousiasme que les Anglais louent leurs grands hommes.
Les premières contraignaient le roi à des escapades que l’Étiquette rendait difficiles et malpropres les secondes le faisaient passer sous les ignominieuses fourches caudines de l’adultère stylite de Louis XIV, adultère prévu, légitimé, discipliné et rationné par un cérémonial qui remplaçait Dieu et qui était le roi des rois. […] À cause de ce nombre, la fière patrie du suffrage universel, le pays de la victoire du Nombre, l’a proclamé le roi des rois de la Critique et l’équitable dispensateur de cette justice distributive dont nos gens de lettres se montrent si saintement affamés. […] Les Rois et Jules Vallès ! […] Jamais rois ou pinces idolâtrés de la multitude ne rencontrèrent plus d’enthousiasme sur leur passage. […] Un âne est enfin venu qui a rué dans la main défaillante du Pouvoir et le signe de notre force, déjà si profondément humilié, a connu cette honte suprême d’être gisant sous le soulier du voyou définitif qui sera, demain, le roi des rois.
Il faut que l’action soit feinte, qu’elle soit grande, qu’elle se passe entre des rois, qu’elle ne remplisse qu’un certain espace de tems, qu’elle ne marche qu’avec le ministere des dieux, que la narration même soit d’une certaine étenduë : pourquoi cela ? […] Que cette action soit grande, pathétique, ou simplement agréable : qu’elle se passe entre des rois, ou entre des personnes moins distinguées : qu’on y prodigue le merveilleux, ou qu’on s’y contente des causes naturelles ; ces différences feront bien de nouvelles especes, mais elles ne changeront pas le genre. […] N’y a-t-il qu’un langage pour les rois et pour le peuple ? […] Homere, par exemple, n’a pas placé heureusement cette sentence fameuse : la pluralité des rois n’est point bonne . […] La pluralité des rois n’est point bonne ; pourquoi oppose-tu donc ton autorité à celle de notre roy ?
Après de longues conversations entre le roi et le poète, Robert, quoique vieilli déjà sur le trône, lui dit : « Je vous jure que les lettres me sont plus chères que la couronne, et que, s’il me fallait renoncer à l’un ou à l’autre, j’arracherais bien vite le diadème de mon front. » La veille du jour où Pétrarque allait partir de Naples pour Rome, le roi, dans son audience de congé, se dépouilla de la robe qu’il portait et en fit présent à son ami, pour qu’il la revêtît le jour de son couronnement. […] Il y fut reçu en roi plus qu’en poète. […] Sors de sa petite maison, et vas agiter les palais des rois ! […] Vous qui dominiez autrefois sur toutes les nations, qui voyiez les rois à vos pieds, vous avez gémi sous un joug honteux ; et (ce qui met le comble à votre honte et à ma douleur) vos maîtres étaient des étrangers, des aventuriers. […] La voilà vérifiée la prédiction de ce poète qui disait : Rome a perdu la douce consolation, dans son malheur, de ne reconnaître point de rois, et de n’obéir qu’à ses enfants.
Nous avons vu les mêmes fureurs des ministres congédiés ou déçus par leur roi, les mêmes séditions de plume ou de paroles, les mêmes coalitions personnelles, et non patriotiques, entre des adversaires ambitieux désunis pour servir, réunis pour nuire, les mêmes chutes dans la rue, et les mêmes récriminations après la chute. […] Cependant je n’ai pas trop mal arrangé ici les affaires du roi, et j’ai envoyé sur la guerre d’Orient un Mémoire de quelque importance ; j’ai de plus entre les mains une dépêche faite et assez curieuse, pour laquelle j’attends un courrier. […] Le roi voyait en lui un des plus coupables complices des manœuvres d’ambition qui avaient secoué son gouvernement. […] Comment le roi et son ministre auraient-ils éteint l’incendie de la France en allumant l’incendie de l’Europe par une guerre de propagande ? […] Nous ne sommes pas suspect en blâmant l’accent de ces pamphlets, car nous n’avions pas plus de goût que lui pour les institutions et pour les rois de 1830 ; mais toutes les armes ne sont pas bonnes pour combattre des ennemis politiques, et le pamphlet à deux tranchants ne convient pas aux mains loyales.
Tel fils du peuple peut avoir une nature de fils de roi. […] Il recommande même les métiers manuels, dans le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le fils de roi. […] Il fût peut-être devenu le Roi. […] Et le vieux roi, qui ne peut plus supporter la vue de Bethsabé en deuil, sera désormais obsédé de remords. […] Il fut stupéfait de s’apercevoir que le peuple n’était pas avec lui, mais pleurait le roi et accablait l’assassin de malédictions.
Il sert Rome et son roi ; Et Tarquin, malgré vous, n’acceptera pour gendre Que celui des Romains qui l’aura pu défendre. […] Il serait beau de voir le représentant de tous les rois de la Grèce, tutoyé par son ami. […] Comme roi, Agamemnon doit immoler sa fille à la cause publique ; comme père, il ne peut y consentir. […] Un roi, un simple particulier, un commerçant, un laboureur, ne doivent point parler du même ton ; mais ce n’est pas assez. […] Il semble même que rien n’était plus rare que de si beaux sujets, puisqu’ils ne les puisaient ordinairement que dans une ou deux familles de leurs rois.
La bagarre de la fuite du roi me fit retourner de Lunéville à Strasbourg, où je passai encore quinze jours avec mon amie ; mais il fallut en venir à la séparation. […] Le vendredi 3 février, paraissant aux Tuileries comme député de la Société philanthropique au roi, il se confirma plus que jamais dans le sentiment de remercier Dieu de deux choses : la première, de ce qu’il y avait des chefs ; la seconde, de ce qu’il ne l’était pas. […] La nouvelle de la victoire de Fleurus par Jourdan (26 juin 1793) le comble de joie, et il en consigne l’expression dans son Journal en homme qui, à cette date déjà bien sanglante, était pour la Révolution tout entière, sans marquer ses réserves : De même qu’on a fait apporter aux prêtres leurs lettres de prêtrise, et aux nobles leurs lettres de noblesse, de même nous ne devrons accorder la paix à nos ennemis qu’autant que tous les rois faux auront apporté leurs lettres de royauté. […] J’aurais beaucoup gagné à le connaître plus tôt : c’est le seul homme de lettres honnête avec qui je me sois trouvé en présence depuis que j’existe ; et encore n’ai-je joui de sa conversation que pendant le repas : car aussitôt après parut une visite qui le rendit muet pour le reste de la séance, et je ne sais quand l’occasion renaîtra, parce que le Roi de ce monde a grand soin de mettre des bâtons dans les roues de ma carriole.
On avait cependant à s’entretenir, à s’entendre, à discourir sur toutes sortes de sujets ; les moines et les clercs parlaient toujours latin assez correctement, le latin d’autrefois : mais le peuple, mais les prêcheurs qui s’adressaient journellement aux populations des villes ou des campagnes, mais les rois et les barons qui traitaient entre eux de leurs affaires avaient besoin d’une langue commune ; et, tout en la dénaturant à qui mieux mieux, ils la faisaient. […] La force ou la volonté fit défaut pour l’achèvement : la cathédrale des rois, au sein de la capitale et jusque dans sa grandeur, est restée découronnée. […] Il en est des architectes du grand roi comme de ses ministres et de ses généraux : il a commencé par avoir près de lui des Colbert et des Louvois ; il a fini par des Chamillart et des Pontchartrain. » De même, il avait trouvé d’abord pour architectes des de Brosse, des Blondel, des François Mansart, et il a fini par le second des Mansart. […] On le sait, le grand roi se flattait d’avoir le compas dans l’œil ; il se piquait, à la simple vue, de saisir la moindre irrégularité dans la pose d’une pierre, dans le tracé d’une fenêtre : il était esclave de la symétrie.
VII Le meurtre de Madame Élisabeth, jeune sœur du roi, n’a dans aucune langue, excepté dans la langue des anthropophages, de mot pour le caractériser. […] Elle invoqua, pour donner plus d’autorité à ses paroles, la mémoire du roi et de la reine. […] XIII « Une intention droite au commencement ; un dévouement volontaire au peuple représentant à ses yeux la portion opprimée de l’humanité ; un attrait passionné pour une révolution qui devait rendre la liberté aux opprimés, l’égalité aux humiliés, la fraternité à la famille humaine ; des travaux infatigables consacrés à se rendre digne d’être un des premiers ouvriers de cette régénération ; des humiliations cruelles patiemment subies dans son nom, dans son talent, dans ses idées, dans sa renommée, pour sortir de l’obscurité où le confinaient les noms, les talents, les supériorités des Mirabeau, des Barnave, des La Fayette ; sa popularité conquise pièce à pièce et toujours déchirée par la calomnie ; sa retraite volontaire dans les rangs les plus obscurs du peuple ; sa vie usée dans toutes les privations ; son indigence, qui ne lui laissait partager avec sa famille, plus indigente encore, que le morceau de pain que la nation donnait à ses représentants ; son désintéressement appelé hypocrisie par ceux qui étaient incapables de le comprendre ; son triomphe enfin : un trône écroulé ; le peuple affranchi ; son nom associé à la victoire et aux enthousiasmes de la multitude ; mais l’anarchie déchirant à l’instant le règne du peuple ; d’indignes rivaux, tels que les Hébert et les Marat, lui disputant la direction de la Révolution et la poussant à sa ruine ; une lutte criminelle de vengeances et de cruautés s’établissant entre ces rivaux et lui pour se disputer l’empire de l’opinion ; des sacrifices coupables, faits, pendant trois ans, à cette popularité qui avait voulu être nourrie de sang ; la tête du roi demandée et obtenue ; celle de la reine ; celle de la princesse Élisabeth ; celles de milliers de vaincus immolés après le combat ; les Girondins sacrifiés malgré l’estime qu’il portait à leurs principaux orateurs ; Danton lui-même, son plus fier émule, Camille Desmoulins, son jeune disciple, jetés au peuple sur un soupçon, pour qu’il n’y eût plus d’autre nom que le sien dans la bouche des patriotes ; la toute-puissance enfin obtenue dans l’opinion, mais à la condition de la maintenir sans cesse par de nouveaux crimes ; le peuple ne voulant plus dans son législateur suprême qu’un accusateur ; des aspirations à la clémence refoulées par la prétendue nécessité d’immoler encore ; une tête demandée ou livrée au besoin de chaque jour ; la victoire espérée pour le lendemain, mais rien d’arrêté dans l’esprit pour consolider et utiliser cette victoire ; des idées confuses, contradictoires ; l’horreur de la tyrannie, et la nécessité de la dictature ; des plans imaginaires pleins de l’âme de la Révolution, mais sans organisation pour les contenir, sans appui, sans force pour les faire durer ; des mots pour institutions ; la vertu sur les lèvres et l’arrêt de mort dans la main ; un peuple fiévreux ; une Convention servile ; des comités corrompus ; la république reposant sur une seule tête ; une vie odieuse ; une mort sans fruit ; une mémoire souillée, un nom néfaste ; le cri du sang qu’on n’apaise plus, s’élevant dans la postérité contre lui : toutes ces pensées assaillirent sans doute l’âme de Robespierre pendant cet examen de son ambition. […] Il livre à ce qu’il croit le besoin de sa situation les têtes du roi, de la reine, de leur innocente sœur.
Anglais, Espagnols, Italiens, Suisses, Allemands, Russes, rois, impératrices, ministres, maréchaux, grands seigneurs, magistrats, poètes, mathématiciens, négociants, ministres protestants, prêtres catholiques, cardinaux, femmes du monde, comédiennes : quel est l’échantillon de l’humanité qui manque à la collection ? […] Comte de Tournay, seigneur de Ferney, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il avait la manie des titres officiels. […] Aujourd’hui Mme d’Epinay, demain le prince de Ligne ; un autre jour le fils de l’avocat général qui requérait contre l’Encyclopédie et les brochures de Voltaire : des princes souverains, des rois venaient en pèlerinage chez M. de Voltaire, décidément sacré dans sa royauté intellectuelle. […] Il méprisait les hommes en masse, le peuple, et il a eu des phrases révoltantes sur ce bétail humain que les propriétaires, les rois, doivent engraisser dans leur propre intérêt : il n’estimait pas l’humanité capable de faire elle-même son bien ; il ne croyait qu’aux réformes venues d’en haut, et le despote bienfaisant était son idéal.
Retour de Molière à Paris À la fin de l’année où l’on représenta La Rosaure, une troupe de campagne, ayant obtenu le patronage de Monsieur, frère du roi, fit un premier début devant la cour (24 octobre 1658), à la suite duquel elle eut permission de jouer alternativement avec les Italiens sur le théâtre du Petit-Bourbon. […] Molière, de retour à Paris, rapportait dans son bagage deux grandes pièces déjà jouées en province : L’Étourdi, ou les Contre-temps et Le Dépit amoureux, et quelques farces par lesquelles on avait coutume de terminer le spectacle, et dont l’une, Le Docteur amoureux, valut principalement à la nouvelle troupe, dans l’importante représentation du 24 octobre, la faveur du roi et de la cour. […] On lit, par exemple, sur le registre de La Grange à la date de 1665 : « Le vendredi, 12 juin, la troupe est allée à Versailles, par ordre du roi, où l’on a joué Le Favori (tragi-comédie de madame de Villedieu) dans le jardin, sur un théâtre tout garni d’orangers. […] La même phrase sert de conclusion aux deux œuvres ; voyez pourtant quel contraste : Et, pour tout dire enfin, jaloux ou non jaloux, Mon roi, sans me gêner, peut me donner à vous, dit Done Elvire, et Dom Garcie s’écrie : Ciel, dans l’excès des biens que cet aveu m’octroie, Rends capable mon cœur de supporter sa joie… !
Prudhomme (le nom est assez singulier pour un Espagnol), qui est à la fois lieutenant de roi et médecin ; de plus, philosophe avancé et très curieux de lire une histoire de la révolution des colonies anglaises et quelques volumes de l’abbé Raynal. […] le pouvoir de donner aux peuples des institutions politiques, de les détruire ou de les refuser, réside exclusivement et perpétuellement dans les rois ! Un roi est le maître, en tout temps, et par sa seule volonté, d’abolir le droit public de son pays, d’en substituer un autre, ou de n’en substituer aucun ! […] Ce pouvoir périt dans ses mains, par ses propres fautes ; aussitôt grande rumeur ; il faut que toute l’Europe s’arme pour le lui restituer dans sa pureté et sa plénitude… Quelque usage d’ailleurs que ses conseillers en fassent, à quelques excès qu’ils se portent, de quelques inepties ou de quelques violences qu’ils se rendent coupables, ils n’en seront responsables qu’à Dieu ; et si la nation espagnole, ruinée, persécutée, réduite aux abois, poussée au désespoir, se relève enfin, et, sans attenter à la personne de son roi, sans porter atteinte à ses droits héréditaires, invoque et consacre un nouvel état de choses, cette nation ne sera plus qu’un assemblage de bandits qu’il faudra châtier et museler de nouveau.
Saccard, du reste, n’est pas toujours aussi fou, il a des moments de sagesse, et celle-ci lui revient quand il voit le grand banquier, le roi des rois, malade d’une affection de l’estomac, ne pouvoir se nourrir péniblement que d’un peu de lait. […] » ou : « Vive le roi ! […] Il est en relations d’amitié et d’intimité avec des gouvernements que le roi considère comme ses ennemis. […] Roi des Français, Louis-Philippe, qu’on traite de roi bourgeois, sauve Versailles de la ruine et le fait restaurer, prenant sur sa liste civile une somme de plus de vingt-trois millions. […] Les mots d’esprit du Roi se trouvent partout dans cette consciencieuse étude.
C’est ce que, depuis juillet, malgré la clameur universelle, il a exécuté avec une sévère et imperturbable logique ; c’est ce qui a fait sacrifier la République à la quasi-Restauration ; c’est ce qui a fait sacrifier l’honneur du nom français, le sang de la Pologne, la liberté de l’Espagne et de l’Italie, à l’exigence et au despotisme des rois ; c’est ce qui a fait sacrifier toute amélioration du sort de la classe ouvrière à l’étroit égoïsme de la classe bourgeoise, sacrifier aux menues fantaisies d’un fils de roi la somme destinée à l’éducation des fils de cent mille prolétaires ; c’est ce qui a maintenu l’impôt sur les boissons et sur le sel, et rejeté les blés étrangers par-delà nos frontières ; c’est ce qui a ouvert nos provinces aux insolentes violences des carlistes, troublé nos villes aux éclats de la voix des prolétaires se frayant une issue sur les places publiques, souillé nos régiments du sang des citoyens, et répandu de toutes parts sur le sol ces étincelles qui allument la guerre civile au sein des nations.
Calvin, pour détourner de son Église les rigueurs du pouvoir temporel, se fait conservateur en politique, prêche aux fidèles la soumission et la fidélité, même envers le roi qui les persécute : c’est de l’humanisme, des écoles, des âmes imprégnées de sentiments antiques, que part le premier cri républicain, la première déclaration de haine aux tyrans. […] Après l’assassinat de Henri III, son diocèse fut fort troublé par les passions religieuses, et son clergé même se révolta contre lui : on l’accusait de trop de fidélité au roi.
Nous sommes bien loin de l’Epître dédicatoire, et de ce roi qui comptera ses jours par ses conquêtes. […] On peut trop louer son roi, 1e quand on le loue et qu’il est blâmable ; 2e quand on le loue démesurément pour une bagatelle, etc.
C’est l’Histoire naturelle, générale & particuliére avec la description du cabinet du Roi, par M. […] Ce livre trop fameux & trop digne de l’être, a été proscrit par les deux Puissances, & l’on peut citer contre lui les Arrêts du Conseil & des Parlemens, les comptes rendus des gens du Roi, les Mandemens de plusieurs Evêques, &c.
Abel Rémusat était l’un des conservateurs de la Bibliothèque du roi, où M. […] Magnin, le but, le terme dernier et prochain de son ambition était tout indiqué : c’était de devenir un des conservateurs de la Bibliothèque du roi, où il était employé depuis dix-sept ans et où il avait passé par tous les degrés de la hiérarchie. […] C’était un devoir de s’opposer à l’arbitraire, même quand il ne s’attaquait qu’aux choses. » Pauvre roi ! […] Pour ceux qui l’ont un peu oublié, je rappellerai que cette reine Nantechild était une des femmes de Dagobert Ier, et sa statue se voit à Saint-Denis sur le tombeau de ce roi mort en 638 ; cette statue n’est pas (bien entendu) de l’époque mérovingienne, mais paraît être de la première moitié du XIIIe siècle. […] On se figure peu, et dans quelques années on ne se figurera plus du tout ce qu’était la Bibliothèque du roi dans sa première et tranquille beauté, avec la morne tristesse de sa cour rectangulaire, avec le jardin austère, fermé d’une clôture, qui en occupait une moitié et où l’on n’entrait pas, la vasque de pierre verdâtre au milieu, d’où un maigre filet d’eau jaillissait à peine ; puis les escaliers solennels, les salles antiques et les galeries de ce beau palais Mazarin, conservées presque comme aux jours où s’y promenait M. le Cardinal et où il s’y faisait rouler dans son fauteuil déjà mortuaire entre deux rangées de chefs-d’œuvre et de magnificences.
Son mariage, qu’il ait eu lieu avant ou après la publication des poésies, n’y aurait apporté aucun obstacle, parce que ces poésies étaient connues depuis longtemps dans le cercle de Louise Labé, que ses amis en avaient soustrait des copies, comme l’allègue le privilége du roi de 1554, qu’ils en avaient même publié plusieurs pièces en divers endroits, et que son mari ne pouvait en apprendre rien qu’il ne sût déjà, ni en recevoir aucun déshonneur. […] Dès l’abord, dans la dispute qui s’engage entre Amour et Folie au seuil de l’Olympe, chacun voulant arriver avant l’autre au festin des Dieux, Folie, insultée par Amour qu’elle a coudoyé, et après lui avoir arraché les yeux de colère, s’écrie éloquemment : « Tu as offensé la Royne des hommes, celle qui leur gouverne le cerveau, cœur et esprit ; à l’ombre de laquelle tous se retirent une fois en leur vie, et y demeurent les uns plus, les autres moins, selon leur mérite. » Les plaintes d’Amour et son recours à sa mère après le fatal accident, surtout le petit dialogue familier entre Cupidon et Jupiter, dans lequel l’enfant aveugle fait la leçon au roi des Dieux, sont semés de traits justes et délicats, d’observations senties, qui décèlent un maître dans la science du cœur. […] Prenez garde, dit-il en commençant, « si vous ordonnez quelque cas contre Folie, Amour en aura le premier regret. » Il entre insensiblement dans un éloge de Folie qui rappelle celui d’Érasme, et il se tire avec agrément de ce paradoxe, Sans Folie, point de grandeur : « Qui fut plus fol qu’Alexandre…, et quel nom est plus célèbre entre les rois ? […] Elle se présente à lui comme la fille d’Otrée, roi opulent de toute la Phrygie, et comme une fiancée qui lui est destinée : « C’est une femme troyenne qui a été ma nourrice, lui dit-elle par un ingénieux mensonge, et elle m’a appris, tout enfant, à bien parler ta langue. » Anchise, au premier regard, est pris du désir, et il lui répond : « S’il est bien vrai que tu sois une mortelle, que tu aies une femme pour mère, et qu’Otrée soit ton illustre père, comme tu le dis, si tu viens à moi par l’ordre de l’immortel messager, Mercure, et si tu dois être à jamais appelée du nom de mon épouse ; dans ce cas, nul des mortels ni des Dieux ne saurait m’empêcher ici de te parler d’amour à l’instant même ; non, quand Apollon, le grand archer en personne, au-devant de moi, me lancerait de son arc d’argent ses flèches gémissantes, même à ce prix, je voudrais, ô femme pareille aux déesses, toucher du pied ta couche, dussé-je n’en sortir que pour être plongé dans la demeure sombre de Pluton ! […] Dans le privilége du roi daté de mars 1554, elle n’est désignée que sous le simple nom de Louise Labé, sans le nom du mari.
Il se défendit d’abord avec tout le crédit que lui donnait l’ancienneté de la faveur, dans une cour d’ailleurs fort peu savante Ronsard, qui se plaint d’en être méprisé devant les rois, avoue la peur qu’il avait de la tenaille de Mellin. […] On sait qu’il put dire à tous les poètes de son temps, sans être ridicule : Vous êtes mes sujets, et je suis votre roi ! Son siècle lui fit, comme à tous les grands hommes, des fastes héroïques ; il lui donna des rois pour ancêtres ou pour alliés ; il le fit parent, au dix-septième degré d’Elisabeth d’Angleterre : par malheur, à ce degré on n’hérité plus. […] Saint-Gelais ne manqua pas d’en faire des risées devant le roi et dans les compagnies. […] Prenant en outre les patois de l’ancienne France pour des dialectes, il conseilla d’y faire des emprunts des mots les plus significatifs, « sans se soucier, disait-il si les vocables sont gascons, poitevins, normands, manceaux, lyonnais, ou d’autres pays pourvu qu’ils signifient ce que l’on veut dire96. » Et toutefois, par une contradiction honorable, il reconnaissait le principe de l’unité du langage : « Aujourd’huy, disait-il, pour ce que nostre France n’obéist qu’à un seul roy, nous sommes contraints, si nous voulons parvenir à quelque honneur, de parler son langage97. » Ronsard ne suivit pas cette vue, qui était juste.
Ses rois donnent leurs noms aux monnaies, mais ce sont ses écrivains qui donnent leur esprit aux règnes. […] L’extinction de la grande féodalité par les rois ne fut qu’une concentration ambitieuse et sanglante de la monarchie contre des vassaux trop puissants pour la couronne. […] On la voit croître d’écrivain en écrivain, de livre en livre avec la littérature jusque dans l’antichambre du plus antirévolutionnaire des rois, Louis XIV. […] etc. » XXI Quand l’Europe, d’abord si passionnée sous l’Assemblée Constituante pour notre philosophie, notre littérature, notre langue, notre révolution, vit la France, saisie tout à coup comme d’une démence d’Oreste, immoler son roi innocent, sa reine étrangère, ses orateurs, ses philosophes, ses poètes, ses femmes, ses enfants, ses vieillards, et jusqu’à ces jeunes vierges traînées en groupe à l’échafaud, comme pour composer à la mort des bouquets de cadavres, l’Europe détourna la tête, elle retira son intérêt à une cause si belle mais si honteusement profanée ; elle crut à une démence de la nation ; elle la prit en pitié, puis en terreur, puis en horreur. […] Oubliés comme moi dans cet affreux repaire, Mille autres moutons, comme moi Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, Seront servis au peuple roi.
Par un bonheur singulier, les seigneurs normands les y aident ; car le roi s’est fait une si grosse part, et se trouve si redoutable que pour réprimer le grand pillard, les petits pillards sont forcés de ménager leurs sujets saxons, de s’allier à eux, de les comprendre dans leurs chartes, de se faire leurs représentants, de les admettre au Parlement, de les laisser impunément travailler, s’enrichir, prendre de la fierté, de la force, de l’autorité, intervenir avec eux dans les affaires publiques. […] L’Espagnol catholique et exalté se représente la vie à la façon des croisés, des amoureux et des chevaliers, et, abandonnant le travail, la liberté et la science, se jette, à la suite de son inquisition et de son roi, dans la guerre fanatique, dans l’oisiveté romanesque, dans l’obéissance superstitieuse et passionnée, dans l’ignorance volontaire et irrémédiable1325. […] Le Français sociable et égalitaire, se rallie autour de son roi qui lui donne la paix publique, la gloire extérieure, et le magnifique étalage d’une cour somptueuse, d’une administration réglée, d’une discipline uniforme, d’une prépondérance européenne et d’une littérature universelle. […] Ces riches communes, ces vaillants yeomen, ces rudes bourgeois bien armés, amplement nourris, protégés par leurs jurys, habitués à compter sur eux-mêmes, obstinés, batailleurs, sensés, tels que le moyen âge anglais les a légués à l’Angleterre moderne, ont pu laisser le roi étaler au-dessus d’eux sa tyrannie temporaire, et faire peser sur sa noblesse les rigueurs d’un arbitraire qu’autorisaient les souvenirs de la guerre civile, et le danger des hautes trahisons. […] Ce n’est plus un ami de cœur à qui l’on confie ses menus désirs, ses petites peines, une sorte de directeur affectueux et tout humain ; ce n’est plus un roi dont on essaye de gagner les parents ou les courtisans, et de qui on espère des grâces ou des places : on ne voit en lui que le gardien du devoir, et on ne lui parle pas d’autre chose.
« C’est l’heure de ceindre, d’enlacer à nos cheveux ou le myrte vert ou les fleurs nouvelles que la terre attiédie fait éclore. » Puis, tout à coup, passant sans transition de ces images de toutes les choses renaissantes qui convient les sens à jouir à la pensée de la mort qui commande aux vivants de se hâter de vivre : « La pâle Mort, s’écrie-t-il dans un vers d’un accent aussi funèbre qu’inattendu, la pâle Mort secoue d’un pied indifférent la porte de la cabane du pauvre ou des tours des palais des rois ; là, heureux Sextius, la brièveté de la vie nous interdit de concevoir les longues espérances. […] « Tant que j’étais agréé de toi et qu’aucun autre jeune adorateur préféré n’entourait de ses bras ton cou d’ivoire, je vivais plus heureux que le roi des rois (le roi des Perses) ! […] Je vis, je me sens roi aussitôt que j’ai perdu de vue ces choses que vous appréciez d’un commun accord comme la suprême félicité ; comme l’esclave dégoûté du pontife, je détourne la lèvre des libations : je préfère le pain sec à tous les gâteaux de miel de l’offrande. […] Si ton corps est sain, si tes flancs respirent librement, si tes pieds sont à l’aise, toutes les richesses des rois ne t’achèteront rien de mieux. » Une épître charmante à son jardinier d’Ustica, qui a servi de modèle à celle de Boileau au jardinier d’Auteuil, est pleine d’un charme vraiment rural.
Jusque vers la dernière heure, son intelligence resta nette, ses dernières pensées se reportèrent avec lucidité vers ce roi éloigné de lui, ce roi malade aussi et qui l’avait tant aimé. […] Six piqueurs du roi conduisaient les chevaux du char funèbre, à côté duquel se trouvaient cinq laquais de la cour, un chasseur de la cour et vingt députés de la société des étudiants, avec des branches de palmier. […] « Un long cortège de personnes de toutes conditions suivait immédiatement, puis, aussitôt, les équipages d’honneur et, en tête, les voitures de gala du roi et de la reine, attelées de huit chevaux, puis les voitures du prince régent, de tous les princes, de la diplomatie, etc., puis le cortège se prolongeait à l’infini. […] J’avais été mandé par la reine à Potsdam pour prendre congé du roi. […] Il faut le reconnaître, la tendance presque divinatrice de ces recherches et de ces efforts de l’esprit a toujours offert à l’imagination l’attrait le plus puissant ; mais ce qui doit captiver, dans l’étude de la vie et des forces qui animent l’univers, c’est bien moins la connaissance des êtres dans leur essence que celle de la loi de leur développement, c’est-à-dire la succession des formes qu’ils revêtent ; car, de l’acte même de la création, d’une origine des choses considérée comme la transition du néant à l’être, ni l’expérience, ni le raisonnement, ne sauraient nous en donner l’idée. » XII Nous sommes, nous, habitants de la terre, comme une île gouvernée par notre soleil, roi séparé de cet amas de 18 millions d’autres soleils.
Et ne reconnaissez-vous pas, pour peu que vous ayez vu le régime des dix-huit ans, cet aide de camp du roi, député, ce ministériel pur et chevaleresque ? « Il est doué d’une haute taille, d’une voix assez nette, d’un beau galon d’officier du roi, qui se voit même sur ses habits bourgeois. […] Vrai langage des rois et des maîtres du monde, Tu donnes à l’idée un corps ferme et vaillant.
Mais il ne faut jamais dire cela au génie de l’homme, ni le mettre au défi ; car voici une édition nouvelle qui laisse bien loin en arrière toutes les autres ; elle est unique, elle est monumentale ; ce sont des étrennes de roi. […] Quand le jardin des Tuileries eut été arrangé par Le Nôtre, la première pensée de ce grand et dur Colbert, en le visitant, fut de le fermer au public : Perrault conjura l’interdiction et obtint que cette promenade restât ouverte aux bourgeois de Paris et aux enfants. « Je suis persuadé, disait-il à Colbert au milieu de la grande allée, que les jardins des Rois ne sont si grands et si spacieux, qu’afin que tous leurs enfants puissent s’y promener. » Le sourcilleux ministre ne put s’empêcher de sourire […] — Retiré des affaires et vivant dans sa maison du faubourg Saint-Jacques, près des collèges, pour y mieux vaquer à l’éducation de ses enfants, Perrault fit un jour le poëme du Siècle de Louis-le-Grand, et il le lut dans une séance publique de l’Académie, assemblée exprès pour célébrer la convalescence du roi après la fameuse opération (27 janvier 1687).
Ses allusions, à lui, paraissent s’être plutôt reportées au souvenir déjà éloigné de Marie de Mancini, laquelle, dix années auparavant, avait pu dire au jeune roi à la veille de la rupture : Ah ! Sire, vous êtes roi ; vous pleurez ! […] Il y avait dans le rapport général des situations, dans une rupture également motivée sur les devoirs souverains et sur l’inviolable majesté du rang, assez de points de ressemblance pour captiver à l’antique histoire une cour si spirituelle, si empressée, et avant tout idolâtre de son roi.
« Le Dieu de la conscience n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par-delà la création sur le trône désert d’une éternité silencieuse et d’une existence absolue qui ressemble au néant même de l’existence ; c’est un Dieu à la fois vrai et réel, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’Être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. » Cours de 1828, p. 123. « L’unité en soi, comme cause absolue, contient la puissance de la variété et de la différence. […] Le nôtre prendra en aversion une métaphysique qui fait de Dieu non un roi et une personne, mais une loi abstraite et une force fatale, et qui remplace l’immortalité de l’individu par l’immortalité de la civilisation ou de l’espèce. […] Pour qu’il soit le gardien de la morale, il faut qu’il ressemble à l’homme le plus qu’il se pourra ; il faut qu’on le considère comme un juge, comme un roi, comme un surveillant éternel, comme un distributeur de peines et de récompenses.
Quelquefois familier, mais toûjours vrai, il pensoit qu’un roi dans son cabinet ne devoit point être ce qu’on appelle un héros de théatre. […] Les devoirs de roi, de pere, & d’époux appellent Ulysse à Itaque ; la superstition seule appelle Enée en Italie. […] Quidquid delirant reges plectuntur achivi, est une leçon intéressante pour tous les peuples & pour tous les rois ; c’est l’abregé de l’Iliade. […] L’histoire ancienne est celle des hommes, l’histoire moderne est celle de deux ou trois hommes : un roi, un ministre, un général. […] La liberté romaine avoit chéri l’autorité des rois ; elle ne put souffrir l’autorité des grands.
Pourquoi n’en serait-il pas en poésie comme dans le vieux palais de nos souverains, où une voix solennelle criait autrefois après chaque agonie royale : Le roi est mort : Vive le roi ! — Nos rois poétiques sont morts, ou, ce qui est pire, ils se survivent. […] Augustin et Amédée Thierry pour nos rois de race mérovingienne et carlovingienne. […] le roi n’a pas de canon pour balayer cette canaille ? […] La République est proclamée : encore un pas sur cette voie funèbre, et nous voici au procès du roi.
Ses affaires le forçaient à des voyages en Périgord ; son service, comme officier des gardes, le retenait à Versailles près du roi ; il accourait dès qu’il avait une heure, et surprenait bien agréablement, jouissant du bonheur visible qu’il causait. […] ____ (E). « Haut et puissant seigneur, messire Charles de Ferriol, baron d’Argental, conseiller du Roi en tous ses conseils, ci-devant ambassadeur extraordinaire à la Porte Ottomane, âgé d’environ 75 ans, décédé hier en son hôtel, rue Neuve-Saint-Augustin, en cette paroisse, a été inhumé en la cave de la chapelle de sa famille, en cette église, présens Antoine de Ferriol de Pont-de-Veyle, écuyer, conseiller, lecteur de la chambre du Roi, et Charles-Augustin de Ferriol d’Argental, écuyer, conseiller du Roi en son Parlement de Paris, ses deux neveux, demeurants dit hôtel, rue Neuve-Saint-Augustin, en cette paroisse. […] D’une part, elle est trop courte pour qu’à cette époque M. de Ferriol pût se rendre, dans cet intervalle, de Constantinople en France ; d’autre part, elle est suffisamment expliquée par l’extrait suivant d’une lettre du Roi à M. de Ferriol : « Extrait d’une lettre de Louis XIV à M. de Ferriol. […] Voici une petite anecdote à l’appui : « M. le comte de Nogent, qui s’appelle Bautru en son nom, est lieutenant-général des armées du roi, fils et peut-être petit-fils d’officier-général, frère de Mme la duchesse de Biron. […] Bibliothèque du roi, mss., dans le Recueil dit de Maurepas (XXX, page 279, année 1716).