Il faudrait, pour prétendre à le juger, parler autrement que par ouï-dire de ses Chansons, de ses Impressions de voyage ; les morceaux humoristiques que nous a fait connaître M. […] Heine pousse trop à l’effet de chaque jour ; s’il voit tel petit flot voisin plus gros et plus menaçant qu’il ne l’était en réalité ; si en un mot l’harmonie du temps et de l’histoire n’a point encore passé sur ces impressions successives et parfois discordantes, que de vérités en revanche, que d’observations fines et bien saisies il sème chemin faisant ! […] Il l’avait vu dans les luttes convulsives de tribune ; sa corde poétique avait vibré, et il s’exagère cet homme, comme cela était tout simple sous l’impression du moment. […] Heine dans cette revue politique qu’il écrit d’entraînement ; mais si l’on cherche en vain dans ses pages un système politique suivi, l’impression patriotique française, l’impression populaire n’y fait jamais faute. […] Souvent, le soir, regardant quelque coin de ciel, des toits lointains, çà et là un rare feuillage, je me suis dit qu’un tableau qui retracerait exactement cette vue si simple serait divin ; puis j’ai compris que cette fidélité entière était impossible à saisir directement ; que mon émotion résultait du tableau en lui-même et de ma disposition sentimentale à le réfléchir ; que, de l’observation directe de l’objet, et aussi de la réflexion modifiée de cet objet au sein du miroir intérieur, l’art devait tirer une troisième image créée qui n’était tout à fait ni la copie de la nature, ni la traduction aux yeux de l’impression insaisissable, mais qui avait d’autant plus de prix et de vérité, qu’elle participait davantage de l’une et de l’autre19.
Ce ne sont que des impressions personnelles. […] L’impression n’est pas aussi nette que je le voudrais. […] Quand on y fait attention, l’impression peut devenir troublante. […] Que peut-il donc faire pour nous en rendre l’impression ? […] Elle donne et doit donner une constante impression d’originalité.
C’est que l’attendrissement dans les tragédies, comme le rire dans la comédie, n’est qu’une impression passagère. […] Il ne me paraît pas douteux que la nature morale est plus énergique dans ses impressions que nos tragiques français, les plus admirables d’ailleurs, ne l’ont encore exprimée. […] Au dehors, tout est vu, tout est jugé ; l’être moral, dans ses mouvements intérieurs, reste seul encore un objet de surprise, peut seul causer une impression forte. […] Il faut qu’ils recherchent dans leur mémoire ce que les anciens trouvaient dans leurs impressions habituelles. […] Le travail de l’esprit se fait toujours apercevoir, avec quelque habileté qu’il soit ménagé ; et l’on n’est plus entraîné par ce talent, pour ainsi dire involontaire, qui reçoit une émotion au lieu de la chercher, qui s’abandonne à ses impressions au lieu de choisir ses moyens d’effet.
La prose a eu la terre et tout ce qui s’y rapporte ; la poésie a eu le ciel et tout ce qui dépasse dans l’impression des choses terrestres l’humanité. En un mot, la prose a été le langage de la raison, la poésie a été le langage de l’enthousiasme ou de l’homme élevé par l’impression, la passion, la pensée, à sa plus haute puissance de sentir et d’exprimer. […] Donc à une impression transcendante, un mode transcendant d’exprimer cette impression. […] J’y vois bien la richesse, j’y vois bien l’utile, mais le beau, mais l’impression, mais le sentiment, mais l’enthousiasme, où sont-ils ? […] Ce mouvement et cette instabilité produisent en nous une première impression de plaisir ou de terreur. — Émotion !
Mais loin que ces défauts prêtent au talent aucun éclat, souvent ils affaiblissent l’impression qu’il doit produire. […] Ce que l’homme cherche dans les chefs-d’œuvre de l’imagination, ce sont des impressions agréables. Or le goût n’est que l’art de connaître et de prévoir ce qui peut causer ces impressions. Quand vous rappelez des objets dégoûtants, vous excitez une impression fâcheuse, qu’on fuirait avec soin dans la réalité ; quand vous changez la terreur morale en effroi physique, par la représentation de scènes horribles en elles-mêmes, vous perdez tout le charme de l’imitation, vous ne donnez qu’une commotion nerveuse, et vous pouvez manquer jusqu’à ce pénible effet, si vous avez voulu le pousser trop loin : car au théâtre, comme dans la vie, quand l’exagération est aperçue, on ne tient plus compte même du vrai.
Ce sont les impressions, que l’enfant garde, d’une heure vague pendant laquelle il n’était ni endormi, ni éveillé, cette heure au bout de laquelle sa mère l’emportait pour le mettre dans son petit lit. […] Bataille ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir… La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire ; tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort. […] Le troisième acte devient admirable, lorsque, connaissant son mal et son sort, le lépreux attend dans la maison de son père le cortège funèbre qui va le conduire à la maison des morts, et l’impression finale est qu’on vient de jouir d’une œuvre entièrement originale et d’une parfaite harmonie. […] Des parties en sont parfaites, entre autres le deuxième acte tout à fait exquis, même le troisième s’il était, — affaire de pure impression personnelle d’ailleurs !
Albert Wolff enchantait les lecteurs du Figaro quand il leur contait ses démêlés avec sa cuisinière, ses histoires de cercle, ses conversations avec les grands hommes ; pourquoi eût-il cessé de leur agréer le jour où il leur traduisait ses impressions du Salon ? […] J’avais accepté d’écrire « un Salon », mais à la vérité les jugements que j’allais avancera la légère ne me parurent point, sur mes notes, différents de ceux des critiques indulgents aux modernes ; et par où j’en différais j’étais trop mal ferme en mes impressions pour être sûr d’avoir raison contre eux. […] Et toutes les fâcheuses impressions que peuvent laisser des visites aux Champs de Mars ou Élysées ne tiennent pas contre ce bon raisonnement : il est louable de présenter gratuitement les œuvres des artistes au public à qui elles sont destinées. […] Un égal insouci de la ressemblance de détail au profit de l’impression d’ensemble l’apparente à M. […] Seulement ils garderont ce scrupule de l’impression d’ensemble, sans lequel il n’y a pas d’œuvre d’art, scrupule qui les ferait, mieux que symbolistes, appeler des harmonistes.
Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages Non seulement le public juge d’un ouvrage sans interêt, mais il en juge encore ainsi qu’il en faut décider en general, c’est-à-dire par la voïe du sentiment, et suivant l’impression que le poëme ou le tableau font sur lui. […] Or le sentiment enseigne bien mieux si l’ouvrage touche et s’il fait sur nous l’impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les critiques pour en expliquer le mérite et pour en calculer les perfections et les défauts. […] C’est la portion de nous-même qui juge sur l’impression qu’elle ressent, et qui, pour me servir des termes de Platon, prononce sans consulter la regle et le compas. […] Lorsqu’il s’agit du mérite d’un ouvrage fait pour nous toucher, ce ne sont pas les regles qui sont la montre, c’est l’impression que l’ouvrage fait sur nous. […] Mais c’est ce qu’on reconnoît mieux en jugeant par l’impression que fait l’ouvrage qu’en jugeant de cet ouvrage sur les dissertations des critiques, qui conviennent rarement touchant l’importance de chaque regle.
Les Poèmes confiants sont, plutôt que des vers, des sourires, des soupirs, des impressions fugaces devant les choses éphémères et fragiles. […] Quel dommage qu’il ne demeure de tout cela qu’une impression confuse, une impression de vision et de rêve !
La philosophie ne peut rendre, sans doute, les impressions fraîches et brillantes de l’enfance, son heureuse ignorance de la carrière qui se termine par la mort ; mais c’est cependant sur ce modèle qu’on doit former la science du bonheur moral, il faut descendre la vie, en regardant le rivage plutôt que le but. […] Tel homme est conduit par ses goûts naturels dans le port, où tel autre ne peut être porté que par les flots de la tempête ; et tandis que tout est calculé d’avance dans le monde physique, les sensations de l’âme varient selon la nature de l’objet et de l’organisation morale de celui qui en reçoit l’impression. […] En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience. […] C’est bien là certainement l’une des causes de la pitié ; mais l’inconvénient de cette définition, comme de toutes, est de resserrer la pensée que faisait naître le mot qu’on a défini : il était revêtu des idées accessoires et des impressions particulières à chaque homme qui l’entendait, et vous restreignez sa signification par une analyse toujours incomplète quand un sentiment en est l’objet ; car un sentiment est un composé de sensations et de pensées que vous ne faites jamais comprendre qu’à l’aide de l’émotion et du jugement réunis. La pitié est souvent séparée de tout retour sur soi-même ; si, par abstraction, vous vous figuriez un genre de douleurs qui exigeât, pour la souffrir, une organisation tout-à-fait différente de la vôtre, vous auriez encore pitié de cette douleur ; il faut que les caractères les plus opposés puissent éprouver de la pitié pour des impressions qu’ils n’auraient jamais ressenties : il faut enfin que le spectacle du malheur remue les hommes par commotion, par talisman, sans examen ni combinaison.
Barrès, insupportable parfois dans la culture de son moi, mais si original, lorsqu’il veut, en ses analyses d’états moraux, et si exquis en ses impressions de paysages969. […] Becque973 y a usé son rare talent, son ironie aiguë, son observation sèche et perçante : le public a méconnu l’originale valeur de ces œuvres dont l’impression était douloureuse et dure. […] Lemaître, Impressions de théâtre. ; G. […] Lemaître (né en 1853) : les Contemporains, 5 séries, 1886 et suiv. ; Impressions de théâtre, 8 séries, 1888 et suiv. […] Lemaître (Impressions de théâtre), Faguet (Notes sur le th. contemp.), les chroniques de MM.
Leur sensibilité de névropathes n’admet que ce qui l’émeut ; il ne faut à leur besoin d’impressions fines ou violentes que des tableaux de plus en plus brillants et vibrants. […] Leur succession capricieuse semble reproduire celle des impressions de l’artiste. […] J’exagère un peu l’impression, mais elle est réelle. […] Et parmi celles-là ils accentuent celles qui se rapportent le mieux à l’impression générale qu’ils veulent produire. […] Ils reçoivent de la réalité la même impression que le peintre le plus fou de couleurs et le plus entêté de pittoresque ; et cette impression se double chez eux du sentiment proprement littéraire.
Là même où domine l’idée, où la vérité plus que la beauté a été l’objet de l’écrivain, l’impression et l’interprétation personnelle sont à leur place : tout le monde ne voit pas tout ; les œuvres fortes ne se livrent qu’aux forts esprits ; et l’on se propose précisément, par l’exercice dont nous parlons, de former chez les jeunes gens une habitude d’aller au-delà du sens grossier que nul ne manque d’apercevoir, et un art de rassembler — dirai-je de mobiliser rapidement toutes leurs facultés, pour arracher au texte le plus possible de son secret. […] En un mot, lire avec réflexion, lire pour comprendre et de façon à comprendre, lire pour se donner non seulement des impressions fortes, ou des impressions multiples, mais pour acquérir une intelligence claire, précise et distincte des textes, c’est une chose qui ne se fait pas toute seule — si vous exceptez quelques individus qui seront toujours, en tout, au-dessus de toutes les règles et de toutes les pédagogies, et qui, tout de même, auront profit à ne pas les ignorer ; c’est une chose qui s’apprend ; et c’est la chose qu’on apprend par l’exercice de l’explication de textes. […] Tout ce travail se fait en faisant concourir sans cesse l’impression personnelle dont on ne peut se passer, et la connaissance érudite qui sert à préciser, interpréter, contrôler, élargir, rectifier l’impression personnelle. […] Ils n’eurent qu’à interroger leurs élèves ; et ils constatèrent que le don de réfléchir sur les impressions d’une lecture, d’aller au-delà du sens littéral pour jouir de toute la force d’une pensée ou de toute la beauté d’une forme, n’était pas un don inné chez la plupart, que, dans la lecture, comme en tout, la nature humaine fuyait la peine, et qu’il fallait exercer les enfants et les jeunes gens à user de toute leur intelligence. […] Encore resterait-il qu’on pourrait faire le recueil et le classement des impressions subjectives, et peut-être s’en dégagerait-il un élément permanent et commun d’interprétation, qui pourrait s’expliquer par une propriété réelle de l’ouvrage, déterminant à peu près constamment une modification à peu près identique des esprits.
Il se peut que ces poètes soient intéressants à étudier et à définir, et que leur personne ou leur œuvre me communique quelque impression non encore éprouvée. […] Imaginez quelque chose d’aussi spontané, d’aussi gracieusement incohérent, d’aussi peu oratoire et discursif que certaines rondes enfantines et certaines chansons populaires, des séries d’impressions notées comme en rêve. Mais supposez en même temps que ces impressions soient très fines, très délicates et très poignantes, qu’elles soient celles d’un poète un peu malade, qui a beaucoup exercé ses sens et qui vit à l’ordinaire dans un état d’excitation nerveuse. […] Et puis c’est tout Qu’est-ce que c’est que ça C’est une impression. […] Continuellement les objets font sur notre cerveau des impressions dont nous ne nous apercevons pas et qui s’y emmagasinent sans que nous en soyons avertis.
Pourtant, à une troisième lecture complète et suivie, l’impression première, corrigée sans doute par la seconde, mais non détruite, surnagea et se maintint ; et, sauf les restrictions et les réserves subsistantes, M. […] Je me borne à rendre l’impression que me fait cette lecture continue, et à en tirer la forme de talent et d’esprit de l’auteur. […] C’est là le résumé de l’impression de Mme Du Deffand, car il y avait des jours où cette impression variait du plus au moins. […] À ce moment, il y a un léger mouvement de baisse, une légère impression d’ennui qui de la lecture du livre a presque passé sur l’auteur : (10 août). […] [NdA] L’effet que font ces chapitres, l’impression générale qu’ils laissent dans l’esprit n’ont jamais été mieux rendus que dans un passage du Journal de Sismondi, à la date du 29 janvier 1799 : Les deux derniers chapitres (15e et 16e) de Gibbon, dit-il, sont l’un, sur l’établissement de la religion chrétienne, et l’autre, sur les persécutions qu’elle a éprouvées.
Mais le plus souvent cette série n’a pas le temps de se développer : le mot suivant la réprime et la fait rentrer ; l’on n’a que le temps d’apercevoir quelques-unes des formes qui la composent, et de subir une impression plus ou moins nette ou confuse, fugitive ou durable. […] De même le mot de bataille évoque, à la suite de son sens, des idées et des images qui sont les mêmes pour tous : mais les soldats, qui ont vu des batailles, ajoutent à ce fonds commun des impressions ignorées de ceux qui n’ont vu que les tableaux des musées et les descriptions des livres. […] C’est à l’écrivain de savoir faire jaillir l’abondante source d’impressions qu’ils recèlent, souvent sous une apparente aridité. […] Souvent, par une maladresse ou une étourderie de l’écrivain, une vision importune détourne l’attention du lecteur, et l’arrache à la domination qu’il commençait de subir : quand on le reprend, il ne reste plus en lui trace de l’impression première ; c’est comme s’il avait cédé la place à un autre, qui commencerait de lire au milieu d’une page. […] Là, il faudra prendre garde de bien lancer le lecteur dans l’association qui convient au sujet : il faudra entourer le mot de termes qui l’étranglent et ne laissent passer que le groupe qu’il s’agit d’évoquer, barrant la route à toutes autres impressions.
. — Un peintre paysan, souvenirs et impressions (1895). […] On ressent, à le feuilleter, une impression complexe, et il y a certaines de ses pièces formant si bien tableau, qu’on s’arrête pour laisser passer l’image ; il faut lire les Glaneuses, les Deux Croix et le poème du Pardon : un long défilé de costumes bretons, de mendiants bariolés, de bannières flottant comme des petites voiles sur cet horizon de mer qui sert de fond à toutes les fêtes bretonnes, apparaît écumant ou calme, uni ou blanchissant, entre les menhirs gigantesques, les vieilles églises romanes, comme la poésie éternelle et l’éternelle menace de la nature. […] S’il voit, dans son village natal, passer une procession de communiantes, il est amusé, retenu par cette impression de blancheur innocente, et, désespérant de fixer avec des couleurs matérielles cette candeur fragile, il chante délicatement son bonheur.
Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m’entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse. […] Ce n’est pas là illusion pure ; car si l’impression d’aujourd’hui était absolument identique à celle d’hier, quelle différence y aurait-il entre percevoir et reconnaître, entre apprendre et se souvenir ? […] Nous tendons instinctivement à solidifier nos impressions, pour les exprimer par le langage. […] Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. […] En vain on alléguera l’exemple des impressions simultanées reçues par plusieurs sens.
Il est plus naturel d’admettre une faute d’impression, quand déjà il y en a plusieurs qui sautent aux yeux. […] 1815 a été une crise, et la plus terrible des crises ; qui donc osera répondre de la succession d’impressions qu’un autre a pu avoir en 1815 ? […] On avait alors des impressions à la semaine, à la minute. […] La phrase ici est tout à fait brouillée dans l’impression, et il y faut faire une ou deux corrections pour rétablir le sens et la suite grammaticale. […] J’apprends avec un plaisir fort vif que ses impressions ont été en tout conformes aux miennes.
Le symptôme visible est une perversion des sensations proprement dites, rien de plus ; cette perversion n’atteint pas le jugement, la raison, le souvenir et les autres opérations qui dépassent la sensation brute ; toutes ces opérations demeurent intactes ; le malade n’est pas fou ; il rectifie les croyances fausses que lui suggère l’étrangeté de ses impressions ; il résiste à ces croyances, il les déclare illusoires ; il n’est point dupe ; ainsi le jeu des hémisphères est normal ; il n’y a de trouble que dans la protubérance et autres centres sensitifs. […] Jamais, du reste, je n’ai été réellement dupe de ces illusions ; mais mon esprit était souvent las de corriger incessamment les impressions nouvelles, et je me laissais aller à vivre de la vie malheureuse de ce nouvel être. […] Il faut distinguer cette première et profonde impression de toutes les autres qui vont suivre. » — En effet, dans ce premier stade, les sensations nouvelles étaient trop nouvelles ; elles n’avaient pas été répétées un assez grand nombre de fois pour faire dans la mémoire un groupe distinct, une série cohérente, un second moi ; telle est la chenille dont nous avons parlé, dans le premier quart d’heure qui suit sa métamorphose en papillon ; son nouveau moi n’est pas encore formé, il est en train de se former ; l’ancien, qui n’éprouve que des sensations inconnues, est conduit à dire : Je ne suis plus, je ne suis pas. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre. […] Même impression d’isolement chez le malade nº 2.
Ici, au contraire, dans cette école de laquelle M Feydeau relève, dont il est comme un rejeton extrême et puissant, tout est direct, tout est de sensation et d’impression immédiate. […] Il est assez singulier que cette impression se soit affaiblie précisément à mesure que les années se sont accumulées sur moi. […] Une de ses amies, frappée de son silence et de son abattement, lui demanda si elle était malade. — Je n’ai pas été bien dans ces derniers temps, répondit-elle, et même à présent je suis fort ébranlée. — J’aspirais à produire dans l’esprit d’Ellénore une impression agréable ; je voulais, en me montrant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à l’entrevue qu’elle m’avait accordée. […] Quelques autres prétendent que le cas de Roger est trop singulier et trop poussé à bout pour être tout à fait vrai, que l’impitoyable rigueur logique avec laquelle procède sa passion est plus logique que la vérité même, ou du moins que la vraisemblance en pareil cas ; que cette impression se prononce surtout en avançant, et qu’on y croit sentir un parti pris ; que ce n’est que quand on invente que l’on est tenté ainsi d’exagérer, et que tout s’expliquerait pour la critique s’il n’y avait de tout à fait observés que les trois quarts de l’histoire de Roger, le reste étant inventé et composé. […] Ils ajoutent qu’à mesure qu’on avance dans la lecture, sans pouvoir s’en détacher, on subit la sensation d’une sécheresse brûlante, et qu’on garde, en fermant le livre, une impression trop forte, trop fiévreuse, une impression d’écrasement.
Le roman se charge d’impressions, de descriptions du monde extérieur ; il substitue les silhouettes aux types, il indique les formes, les milieux, les fonds. […] L’imagination développe, multiplie, amplifie les impressions de l’âme et leurs résonances. […] Dès qu’on veut l’employer à représenter des sensations, des passions, plutôt que des idées, des impressions plutôt que des déductions, elle sonne faux ; elle se tend, et craque ; elle se boursoufle, et bâille. […] Il était didactique et descriptif à jet continu : et il a réussi à exprimer les notions de toutes les choses sensibles, sans en avoir ni en donner peut-être une seule fois l’impression. […] il n’a pas pu, pas su rendre les impressions de son âme, les conceptions de son esprit, emprisonné qu’il était dans le respect des convenances, des règles et du style.
Comte à l’expérience ainsi qu’aux écrits des psychologues, comme preuve que l’esprit peut non-seulement avoir conscience de plus d’une impression à la fois et même en percevoir un nombre considérable (six, d’après M. […] Les notions d’étendue, Solidité, Nombre, Force, etc., quoique acquises par les sens ne sont pas des copies d’impressions faites sur les sens, mais des créations des lois propres de notre esprit mises en action par les sensations. L’expérience, au lieu d’être la source et le prototype de nos idées, est elle-même un produit des forces propres de l’esprit, élaborant les impressions que nous recevons du dehors : elle contient un élément mental ainsi qu’un élément externe. […] Si nous pouvions arriver à la fin de l’espace, nous en serions sans doute avertis par quelque impression nouvelle et étrange de nos sens, mais dont nous ne pouvons, pour le présent, nous faire la plus légère idée. […] Il lui faudrait élever, depuis l’enfance jusqu’à la maturité, un certain nombre d’êtres humains, noter chaque sensation ou impression éprouvées par le sujet, ou noter les causes et ce qu’il en pense.
Les poètes anglais, pourra-t-on dire, sont remarquables par leur esprit philosophique ; il se peint dans tous leurs ouvrages ; mais Ossian n’a presque jamais d’idées réfléchies : il raconte une suite d’événements et d’impressions. […] Toutes mes impressions, toutes mes idées me portent de préférence vers la littérature du Nord ; mais ce dont il s’agit maintenant, c’est d’examiner ses caractères distinctifs. […] Les rêveries des poètes peuvent enfanter des objets extraordinaires ; mais les impressions d’habitude se retrouvent nécessairement dans tout ce que l’on compose. Éviter le souvenir de ces impressions, ce serait perdre le plus grand des avantages, celui de peindre ce qu’on a soi-même éprouvé. […] Le merveilleux étonne ; mais de quelque manière qu’on le combine, il n’égalera jamais l’impression d’un événement naturel, lorsque cet événement rassemble tout ce qui peut remuer les affections de l’âme, et les Euménides poursuivant Oreste, sont moins terribles que le sommeil de lady Macbeth.
Ce plaisir cesse même dès qu’on applique son attention à la lecture, et l’on ne s’apperçoit plus alors de la beauté de l’impression que par la facilité que les yeux trouvent à reconnoître les caracteres et à rassembler les mots. Considerer le Virgile des elzevirs comme un chef-d’oeuvre d’impression, ou lire les vers de Virgile pour en sentir les charmes, ce sont deux actions très-distinctes et très-differentes. […] Pour revenir à Quintilien : qui voudroit mettre dans son cabinet les vendanges de Suresne , s’il falloit faire copier cette comédie, comme il auroit fallu la faire copier de son temps, que l’art de l’impression n’étoit pas encore inventé ? […] Comme l’eloquence du corps ne persuade pas moins que celle des paroles ; les gestes aident infiniment la voix à faire son impression.
« Cette doctrine diffère de la doctrine courante des physiologistes qui est celle-ci : La sensibilité n’appartient qu’aux centres qui sont dans le crâne ; tous les autres centres ont la propriété de réfléchir seulement les impressions. Par cette réflexion d’impressions, on entend que quand une impression est faite sur un nerf sensitif et transmise par lui à la moelle épinière, là, l’impression est réfléchie en un mouvement ; le nerf moteur transmet l’impulsion à un muscle ; et ainsi réduite une action non suggérée, non accompagnée de sensation quelconque. Je maintiens, au contraire, qu’à moins qu’une impression sur le nerf sensitif n’excite une sensation dans le centre, aucun mouvement n’aura lieu246. » Dans la doctrine ordinaire, la conscience étant considérée comme ayant son siège dans le cerveau, on admet naturellement que l’impression, tant qu’elle n’atteint pas le cerveau, ne produit aucune sensation ; et si un animal privé de cerveau donne des signes de sensation, les physiologistes soutiennent qu’il n’a point réellement des sensations, mais des impressions sensitives qui produisent des actions réflexes, sans conscience de la part de ranimai. […] On dit que nous en avons conscience ; le reste est considéré comme non existant ; ce sont des impressions inconscientes qui peuvent conduire à l’action, mais ne sont pas des sensations. […] Lewes fait remarquer qu’en distinguant la sensation de la perception, il ne fait pas une distinction purement verbale, qui consisterait à appeler sensation ce que les autres appellent impression.
[Impressions de théâtre (1892).] […] Donnay produit l’impression d’une revue manquée. […] Henry Bauër De ces jolies et parfois exquises variations, dans Amants, il demeure une impression de déconvenue, de regret.
Impression signée : « Gwakiôjin Hokousaï, en état d’ivresse ». […] Une jolie impression : un enfant faisant du trapèze à la branche d’une ancre. […] Parmi d’autres impressions de collections parisiennes. […] Enfin, une troisième impression, une merveille. […] Une impression curieuse.
Tantôt l’impression est déterminée quant à sa nature et à son énergie, mais non quant au temps où elle doit se produire. Tantôt l’impression est complètement déterminée (nature et temps), un signal avertissant le sujet que l’impression va suivre. […] Le renforcement exis-tant dans l’attention vient de ce qu’à l’impression actuelle s’ajoute l’image d’une impression antérieure. […] Au stade préparatoire, on est encore plongé dans la multiplicité des impressions et des images, dans « la vie du monde ». […] Les sens malformés ne transmettent que des impressions obtuses.
Le 15 juillet 1792, le chevalier de Chateaubriand crut se devoir à lui-même d’émigrer et de rejoindre l’armée des princes : il servit sans illusion, sans fanatisme, recueillant des impressions de la vie militaire, du service d’avant-postes, de tout le détail extérieur, pittoresque ou poétique de la guerre. […] Dès qu’il croit, il se prépare à combattre l’irréligion : il fait commencer à Londres l’impression du Génie du Christianisme. […] Tous ces chapitres d’une misérable argumentation sont les impressions d’un grand artiste. […] Il est curieux de les comparer aux parties de l’Itinéraire qu’ils emploient ; on préférera souvent le style simple des impressions de voyage aux beautés écrites du roman. […] Rousseau était encore bien orateur ; Bernardin de Saint-Pierre un peu maigre, et plus délicat d’impression que puissant d’expression.
Une œuvre a de l’unité, si les parties qui la composent sont en nombre assez restreint pour que l’esprit les embrasse toutes ensemble d’une seule vue, si ces parties ont entre elles assez d’affinité pour qu’il en saisisse aisément la liaison, si enfin les impressions qu’elles font sur lui ne sont pas diverses au point de se contrarier et de s’annuler. […] De cette constitution immuable de notre nature sort la nécessité qui s’impose à l’artiste et à l’écrivain de découper dans le monde immense et divers des formes et des pensées un fragment de médiocre dimension, formant un tout homogène, capable d’être supposé indépendant et isolé du reste, présentant un rapport des parties facilement intelligible à l’esprit, et fournissant une diversité d’impressions facilement réductibles en une émotion dominante. […] Le lien des parties sera plus serré ou plus lâche, l’homogénéité plus ou moins forte ; la diversité des impressions faites sur l’âme pourra aller jusqu’à une certaine contrariété, comme leur analogie pourra être resserrée dans une rigoureuse identité. […] En général, un long ouvrage admettra une plus grande diversité de parties et d’impressions secondaires qu’un ouvrage de courte étendue : dans vos compositions de collège, tant pour leur dimension que par votre inexpérience et par la nécessité de discipliner votre esprit, il ne faudra point vous écarter d’une assez rigoureuse simplicité. […] On a beau savoir à fond la chose, et où elle se termine : on ne trouve pas l’idée et la phrase de la fin, celles qui doivent achever l’impression et conclure le discours ; on reprend son propos, on revient sur ses pas, on change un peu sa direction, sans pouvoir tomber juste au but.
On y lisait les impressions, comme les vibrations et les colorations successives d’une âme tendre et noble. […] Là est la cause de l’impression que donnent les paysages de Jocelyn. […] Cela est d’un éclat sobre, dont nulle orgie de couleurs n’égalerait l’impression. […] Voyage en Orient, souvenirs, impressions, pensées, paysages, 1835, 4 vol. in-8. […] Rolla, mélange de rhétorique juvénile et d’amertume byronienne, qui produit parfois une impression profonde.
La mère reste impressionnable à tout un groupe d’impressions systématisées autour de l’idée de son enfant. De même, l’hypnotisé reste impressionnable à toute une classe d’impressions systématisées autour de l’idée de l’hypnotiseur. […] Son esprit doit donc rester fixé dans « une attitude de réponse » aux impressions venant de cette source, même lorsqu’il devient insensible à tout le reste. […] L’impression deviendrait une idée, l’idée entraînerait une émotion, l’émotion donnerait le branle à l’imagination, qui construirait une vision et l’objectiverait : de là une hallucination, œuvre de celui qui l’éprouve, mais cependant provoquée par une impression qui se serait transmise d’un cerveau à un autre. […] C’est qu’un groupe d’impressions confuses s’est, développé en son propre sens sous la masse des pensées distinctes.
On le concevra sans peine, si l’on songe que souvent l’expression propre ne rend que l’idée, tandis que dans l’esprit l’idée est doublée d’un sentiment, d’une impression quelconque, qui en sont inséparables, qui doivent se manifester avec elle et par les mots même qui la rendent. […] Même en fournissant à la pensée une expression telle quelle, elle s’opposera à la précision et à la clarté : on sera dupe soi-même de ses métaphores, et l’on ne se rendra point compte qu’on n’a exprimé que des impressions insaisissables à l’intelligence, intraduisibles dans le langage des idées pures, qu’on n’a rien dit en un mot de raisonnable, de scientifique, ou de pratique. […] Il est plus facile de dire ce qu’on désire, que le moyen d’obtenir ce qu’on désire, de rendre l’impression confuse qu’on ressent en présence d’un objet, que de faire connaître l’objet lui-même. […] Tout au plus a-t-on lié en eux le nom de chaque écrivain à une certaine impression vague et confuse : mais on ne leur a mis dans l’esprit aucune véritable connaissance.
J’ai ouï dire aux personnes qui, en ce temps-là, y étaient le plus intéressées, qu’aucun rédacteur n’excellait comme lui à rendre avec exactitude, avec une vivacité fidèle, l’ensemble d’une séance, l’impression générale qu’elle laissait, sa physionomie si l’on peut dire. […] Ses articles littéraires (ainsi qu’autrefois ses articles politiques) rendent bien l’ensemble de son impression, le plein effet d’une lecture récente, d’une lecture dont on est encore tout chaud, et cela sans raffinement, sans s’amuser aux hors-d’œuvre, sans se détourner aux accessoires ; car il s’attache, en toute chose, au gros de l’arbre. […] Il a gardé du rédacteur politique ce mouvement qu’il porte dans l’exposé de ses impressions littéraires et qui donne du courant à son discours. […] Ici, il fera comme pour Fénelon ; il nous racontera ses impressions diverses aux lectures et aux relectures successives qu’il en a faites. […] N’est-il pas touchant de voir un homme qui a usé sa vie dans le spectacle et l’examen des débats, et, s’il l’avait voulu, des intrigues politiques, avoir conservé une telle fraîcheur, une telle innocence d’impressions, une telle fleur d’âme ; se complaire à de pareilles questions et avoir l’idée de se les poser, en même temps que le zèle et l’espoir d’y ramener les autres : « Croyez-moi, s’écrie-t-il à propos de Bossuet et dans sa religion pour ce grand homme, ne vous figurez jamais en avoir fini avec ces œuvres parfaites.
Certains caractères généraux ne produisent pas en nous une impression distincte. — Ils sont donc incapables de provoquer en nous une tendance distincte et un nom. — Procédé indirect par lequel nous parvenons à les penser. — Exemple dans les nombres. […] Je puis négliger toutes leurs qualités respectives, être frappé seulement de ce qu’une partie de mon impression s’est répétée, sentir que l’expérience que je viens de faire sur le jeton rouge est semblable, par un certain point, à celle que j’achève sur le jeton blanc, éprouver, après ces deux expériences successives, une tendance consécutive distincte et correspondante à leur nombre, c’est-à-dire à la propriété qu’elles ont d’être deux. — Comme toutes les tendances, celle-ci aboutit à un signe ; admettons pour ce signe le mot ordinaire, deux. […] Nous ne remplaçons plus tout d’abord par un mot le caractère abstrait et général du groupe mis en expérience, car le groupe en question ne peut être mis avec succès en expérience ; trente-six pions, posés ensemble sur une table, ne nous donneraient qu’une impression de masse et d’ensemble, sans distinction énumérative des individus. — Nous allons plus lentement ; nous prenons d’abord un très petit groupe, proportionné à l’amplitude bornée de notre esprit, et capable d’éveiller en nous une tendance et un nom. […] Nous observons alors que cette idée ne ressemble en rien à cette image, sauf par son emploi ; comme l’image, elle rend présente une chose absente, voilà tout ; mais elle n’a pas d’autres propriétés ; elle n’est pas, comme l’image, un écho, l’écho d’un son, d’une odeur, d’une couleur, d’une impression musculaire, bref, la résurrection intérieure d’une sensation quelconque ; elle n’a rien de sensible, et nous ne la définissons qu’en niant d’elle toutes les qualités sensibles ; elle nous semble donc une pure action dénuée de toute qualité, sauf celle de rendre le myriagone présent en nous. […] Dans une impression ou groupe d’impressions qui se présente un grand nombre de fois, notre attention finit par se porter tout entière sur la portion intéressante et utile ; nous négligeons l’autre, nous ne la remarquons plus ; nous n’en avons plus conscience ; quoique présente, elle semble absente.
Il faut encore aimer lire et savoir lire, c’est-à-dire recevoir de ses lectures des impressions vives et des impressions claires. […] L’impression, c’est le fond de la critique, on la fait vibrer à chaque mot, mais on ne saurait la dire, car on ne dit pas une sensation, on la transpose. […] Je reprends : L’impression agréable, d’entraînement, est pour le critique signe qu’il ait à s’occuper d’un livre. […] — Et puis l’habitude de juger glace l’impression. — Quelle erreur ! […] Tant vaudra son jugement, tant vaudra sa critique, et toutes les qualités d’impression déjà requises assiduité, ferveur, clairvoyance se retrouvent dans le jugement, avec d’autres plus foncières.
Mais nous parlons des voyages pittoresques, individuels, artistiques ou littéraires, de ces dilettanti quelconques qui ont, sur tout, une phrase qu’on a vue quelque part au service de leurs impressions ou de leurs souvenirs. […] sans voyage il l’aurait eue bien davantage encore ; car traduire seulement des impressions à la façon des voyageurs implique pour le talent moins d’effort, et par conséquent moins de mérite, que pour écrire un livre plus ou moins grandement ordonné, plus ou moins fortement conçu. […] Les observations qu’on est allé faire à la course, ces impressions qu’on a quémandées à des pays traversés et le plus souvent entrevus, si elles ne sont pas de vaines poussières soulevées par les pas de celui qui les rapporte au logis, qu’on les utilise et qu’on les localise dans des œuvres déterminées d’art, de poésie ou d’histoire, — rien de mieux sans doute. […] Peintre de talent sur la toile, que nous n’avons pas ici à apprécier, Eugène Fromentin est allé demander deux fois à l’Afrique ce que les peintres vraiment inventeurs trouvent par l’intuition seule de leur génie, fussent-ils culs-de-jatte, et voilà qu’une fois parti il n’a pu résister à la facilité de ce livre de tout le monde que chacun peut faire, et même les enfants et les femmes, car les femmes et les enfants aiment très fort à parler de leurs impressions personnelles. […] Puisqu’il s’agit inévitablement ici d’impressions personnelles, autant Eugène Fromentin est aimable, intelligent, ouvert aux grands spectacles des mœurs arabes, autant l’auteur d’En Hollande 33 est peu avenant, et, il faut bien le dire, fermé à la Hollande réelle et vivante, qu’il ne voit que dans ses tableaux ou comme un sujet de tableau !
Ce sont ces innombrables petites émotions qui, au terme de notre examen prolongé, se résument en une impression d’ensemble, par suite en une poussée finale, en une tendance définitive, et la tendance elle-même aboutit à une expression. […] Au dedans, cette œuvre est une image plus ou moins vague, celle d’une ligne élancée, puis épanouie ; au dehors, elle est l’attitude et le geste imitatif du corps ; dans le langage primitif, chez les peuples enfants, à l’origine de la parole, elle est une autre imitation poétique et figurative, dont nous retrouvons çà et là des fragments ; aujourd’hui, elle est un simple mot appris, pure notation, reste desséché du petit drame symbolique et de la mimique vivante par laquelle les premiers inventeurs, véritables artistes, traduisaient leurs impressions. […] Une difficulté extraordinaire a été levée ; dans un être dont la vie n’est qu’une expérience diversifiée et continue, on ne peut rencontrer que des impressions particulières et complexes ; avec des impressions particulières et complexes la nature a simulé en nous des impressions qui ne sont ni l’un ni l’autre et qui, ne pouvant être ni l’un ni l’autre, semblaient devoir échapper pour toujours, par nécessité et par nature, à notre être tel qu’il est construit. […] Nous leur nommons tel objet particulier et déterminé, et, avec un instinct d’imitation semblable à celui des perroquets et des singes, ils répètent le nom qu’ils viennent d’entendre. — Jusque-là, ils ne sont que des singes et des perroquets ; mais ici se manifeste une délicatesse d’impression toute spéciale à l’homme. […] Un autre instrument fort désagréable aux enfants (pardon du détail et du mot, il s’agit d’un clysopompe) avait laissé en lui, comme de juste, une impression très forte.
Je partis de l’impression générale qui m’en était restée. C’était une impression d’étrangeté, mais non pas d’étrangeté indéterminée. […] C’étaient surtout les lettres d et r qui étaient ramenées à ma mémoire par cette impression. […] C’est, pour le musicien ou le poète, une impression neuve qu’il s’agit de dérouler en sons ou en images. […] Mais quelle était cette impression ?
La poésie de Boileau : impressions d’un bourgeois de Paris. […] De ces impressions de Parisien sont faites les satires III et VI, une bonne partie du Lutrin, les plus forts endroits de la satire X : et le vrai Boileau, le Boileau original et qui compte en art, est là. […] Il a donné ses impressions pour des arguments, il a mis des intentions, ou des prétentions morales dans sa peinture. […] Si l’on ne recherche dans les vers de Boileau que des impressions, on lui rendra justice. […] Chapelain, pratique et sournois, tout en déchargeant sa bile dans un sonnet et dans des lettres privées, fit retirer par Colbert à Despréaux le privilège, que le roi lui rendit ensuite, pour l’impression de ses œuvres.
Supposons cette cellule modifiée par une première sensation ; lorsqu’elle reviendra à l’état de repos, elle ne sera pas absolument dans le même état qu’elle était primitivement ; il restera quelque chose de l’impression première et une tendance à la reproduire de nouveau. Supposons qu’une nouvelle impression se produise, la cellule est de nouveau excitée et modifiée ; mais cette modification portant sur une chose déjà modifiée, ne sera pas exactement la même qu’elle eût été si la cellule était absolument vierge. […] Ce n’est pas au moment même où le cerveau est encore ébranlé par une impression vive, que les souvenirs se déroulent avec précision. […] « Il est bien vrai, dit-il, que les changements organiques du cerveau font quelquefois disparaître la mémoire des faits qui se rapportent à certaines périodes ou à certaines classes de mots, tels que les substantifs, les adjectifs ; mais cette perte ne pourrait être expliquée au point de vue matériel qu’en admettant que les impressions se fixent d’une manière successive dans des portions stratifiées du cerveau, ce à quoi il n’est pas permis de s’arrêter un seul instant… La faculté de conserver ou de reproduire les images ou les idées des objets qui ont frappé les sens ne permet pas d’admettre que les séries d’idées soient fixées dans telles ou telles parties du cerveau, par exemple, dans les corpuscules ganglionnaires de la substance grise, car les idées accumulées dans l’âme s’unissent entre elles de manières très-variées, telles que les relations de succession, de simultanéité, d’analogie, de dissemblance, et ces relations varient à chaque instant. » Müller ajoute : « D’ailleurs, si l’on voulait attribuer la perception et la pensée aux corpuscules ganglionnaires et considérer le travail de l’esprit, — quand il s’élève des notions particulières aux notions générales, ou redescend de celles-ci à celle-là, — comme l’effet d’une exaltation de la partie périphérique des corpuscules ganglionnaires relativement à celle de leurs parties centrales ou de leur noyau relativement à leur périphérie, si l’on prétendait que la réunion des conceptions en une pensée ou en un jugement qui exige à la fois l’idée de l’objet, celle des attributs et celle de la copule, dépend du conflit de ces corpuscules et d’une action des prolongements qui les unissent ensemble ; si l’on prétendait que l’association des idées dépend de l’action soit simultanée, soit successive, de ces corpuscules, — on ne ferait que se perdre au milieu d’hypothèses vagues et dépourvues de tout fondement72. » De tout ce qui précède, je ne crois pas qu’il soit bien téméraire de conclure que nous ne savons rien, absolument rien, des opérations du cerveau, rien des phénomènes dont il est le théâtre lorsque la pensée se produit dans l’esprit.
L’impression qu’ils font sur nous doit être plus forte et plus soudaine que celle que les vers peuvent faire. […] Car je conçois bien qu’une lecture particuliere qui n’est point capable par elle-même de faire une impression, qui aille jusques aux larmes, est capable de renouveller cette impression lorsqu’elle auroit été faite une fois. […] L’industrie des hommes a trouvé quelques moïens de rendre les tableaux plus capables de faire beaucoup d’impression sur nous.
Mosaïque Les fautes d’impression. — Critiques à la main. — Un Pirate. — Au pays de Bohême. — Les dernières Calinodies. — Les mauvaises habitudes. — Petite gazette des tribunaux. — Une rivière qui s’ennuie. Fautes d’impression Je dînais, l’autre jour, en compagnie d’un de ces rares savants — qui aiment la science pour elle-même, et non pas pour ses croix. […] Et l’on ne voyait partout, la besogne terminée, que fautes d’impression s’épatant lourdement au beau milieu des phrases ou se suspendant ironiquement au bout de chaque ligne : le brave homme que le père Darnet ! […] Et n’y a-t-il pas des articles et des livres qui sont — par eux-mêmes — d’un bout à l’autre, de longues fautes d’impression ? […] Dennery. » Nota. — Cette faute d’impression est très répandue.
Il ne s’agit plus d’une impression brusque et courte, qui surprend par son étrangeté. […] L’illusion de fausse reconnaissance fond sur le sujet instantanément, et instantanément aussi le quitte, laissant derrière elle une impression de rêve. […] Pour Anjel, il faut distinguer en effet, dans toute perception, deux aspects : d’une part, l’impression brute faite sur la conscience, d’autre part, la prise de possession de cette impression par l’esprit. […] L’impression de rêve est donc à peu près générale. […] Qu’on nous permette de décrire une impression personnelle.
Dans cette vivacité et cette mobilité d’impressions, une vie s’en va à vau-l’eau : mais l’étoffe est riche pour la poésie. […] Il savait limiter ses impressions, les arrêter au point précis où elles deviendraient douloureuses et brutales. […] Les paysages sont dessinés d’un trait fin et rapide : ce sont des impressions nettement et sobrement notées. […] À la fin de sa longue existence, ce très profane abbé a ressenti dans ses sens et dans son âme une ombre des impressions qui font la douloureuse beauté de l’Ecclésiaste. […] Ainsi Chapelle (1626-1686) écrit avec Bachaumont le fameux Voyage en Languedoc (1656), qui est la plus insignifiante bagatelle : le parti pris d’amuser exclut toute vérité d’impression.
Tout cet ensemble se distinguera même de l’ensemble des impressions lumineuses venues des autres fusées : d’un côté sera le groupe du moi, de l’autre celui du non-moi. […] Chaque sensation, on s’en souvient, s’associe et s’agrège avec sa classe, son ordre et sa variété, grâce à l’irradiation des mouvements cérébraux dans les parties similaires qui produisent des impressions similaires. […] Nous ne sentons pas vraiment lorsque toutes les impressions extérieures restent à l’état de dispersion : c’est alors le rêve de la sensation plutôt que la sensation même. […] L’être n’abstrait pas ce rapport, mais il n’est pas dans la même attitude mentale sous l’influence d’impressions unies et concordantes que sous l’influence d’impressions désunies et discordantes. […] Réelle ou illusoire, l’idée du moi est pour nous nécessaire : elle est le moyen de ne pas être submergés par les vagues désordonnées des impressions qui, du dehors, comme un océan tumultueux, nous enveloppent et nous envahissent.
Le tout va au plus grand honneur de La Fontaine, et l’impression reçue est antipathique à celle que produit La Fontaine. […] Cette première impression de pudeur serait bientôt dissipée, et l’on se mettrait à parler, à disserter du grand écrivain, avec liberté, avec hardiesse, en se figurant quelquefois qu’on le surprend bien un peu et qu’on l’étonne, mais en s’efforçant tout aussitôt de le convaincre et de le gagner à son sentiment. […] L’auteur ici, pas plus qu’ailleurs, ne procède au hasard, et ne se laisse aller à son impression sans la juger et la commander. […] Ainsi les impressions incessantes du corps et de l’âme finissent par modeler le corps et l’âme ; la race façonne l’individu, le pays façonne la race. […] Par exemple, ses théories pour ou contre les points de vue de montagnes, il les a distribuées en dialogues ; il a un voisin de table, un raisonneur obstiné « qui met ses impressions en formules, et qui professe les mathématiques du paysage » ; il le fait causer, il lui donne la réplique et l’occasion de le contredire.
Ce n’est pas par impuissance qu’il n’y a mis ni esprit ni saillies : c’est par convenance ; mais dans ses Lettres et ses Souvenirs, où il s’abandonne à son impression, on est tout surpris de trouver chez cet homme grave tant de vivacité et tant de mordant. […] Son histoire, dès lors, débordant de diffamations et de calomnies fantaisistes, tournant à l’hallucination délirante, nous donne à chaque instant l’impression d’être du même ordre que la Légende des siècles ou les Châtiments. […] Il fixe ses impressions, ses visions, ses frissons, ses suggestions dans des livres étranges, difficiles à classer, souvent délicieux, l’Oiseau, l’Insecte, la Montagne, la Mer : le lyrisme y déborde, mais un lyrisme nourri de fortes idées, pénétré de science solide. […] Les descriptions qu’ils renferment, paysages, ou phénomènes naturels, ou bien actes des êtres vivants, nous aident aussi à reconnaître la singulière acuité de sa vision : son œil reçoit l’impression des plus fines modifications de la nature sensible, et sa mémoire les rend en leur fraîcheur première. […] Voilà pourquoi il va en Italie avant d’écrire son Histoire Romaine : il veut avoir l’impression, le contact du sol, du climat, du paysage.
Toute impression, chez Massenet, se traduit par des rythmes, et en cela il est vraiment né musicien. […] L’analogie des impressions que donnent les deux états suggère le second quand le premier est donné. […] Elle donne plutôt l’impression d’une force naturelle qui se déploie librement. […] Au début une impression, des images, une ou deux idées abstraites, puis d’autres images appelées par les premières. […] Dumas eût pu donner une impression semblable à celle qui sort du récit de Poë.
Il y a si longtemps qu’on désespère, qu’il doit nous rester de l’espérance : « On me demande souvent, dit-il (1er mars 1813), quelle impression me fait Paris… Ce qui est précisément chose à voir est ce dont je me soucie le moins. […] Les revers de la fin de 1813 et la chute du premier Empire produisirent sur Sismondi une impression que plusieurs de ses amis n’avaient pas prévue, et qui était cependant assez naturelle chez un homme en qui le cœur jouait le principal rôle. […] Mais on peut juger de l’impression des amis sur cet acte d’adhésion publique et presque de dévouement à la politique impériale. […] Elle l’accusait de trop de jeunesse dans les impressions, de voir le monde trop en beau, de juger trop indulgemment les hommes ; il lui répondait de Paris, le 2 mars 1815 ; « Notre dissentiment tient à ce que vous vous attachez aux personnes, et moi aux principes. […] Votre esprit est trop philosophique pour que vous ne compreniez pas les deux manières de juger et de sentir, dont l’une tient à la vivacité des impressions présentes, et l’autre à la vivacité des impressions passées ; et dussions-nous pousser, chacun, notre manière propre à l’extrême, vous avez trop de bonté aussi bien que d’étendue dans l’esprit pour ne pas tolérer des opinions qui ne sont pas les vôtres. » La correspondance moins vive, mais toujours affectueuse, se continua jusqu’à la mort de Mme d’Albany.
Ou l’ame se livre aux impressions que les objets exterieurs font sur elle ; et c’est ce qu’on appelle sentir : ou bien elle s’entretient elle-même par des speculations sur des matieres, soit utiles, soit curieuses ; et c’est ce qu’on appelle reflechir et mediter. […] La premiere maniere de s’occuper dont nous aïons parlé, qui est celle de se livrer aux impressions que les objets étrangers font sur nous, est beaucoup plus facile. […] Ainsi nous courons par instinct après les objets qui peuvent exciter nos passions, quoique ces objets fassent sur nous des impressions qui nous coutent souvent des nuits inquietes et des journées douloureuses : mais les hommes en general souffrent encore plus à vivre sans passions, que les passions ne les font souffrir.
Qu’on leur plonge la main dans l’eau, ils savent que c’est un liquide à cause de l’impression cutanée, mais en agitant la main ils n’éprouvent pas cette molle résistance qui fournit la notion de fluidité aqueuse, et ils ne savent s’ils se remuent dans l’air ou dans l’eau. […] En effet, nous n’avons pas besoin de supposer, avec plusieurs physiologistes qu’il y a trois sortes de nerfs chargés de nous transmettre, les uns l’impression du contact, les autres l’impression du froid et du chaud, les autres l’impression de la douleur, chacune de ces trois classes de nerfs pouvant être paralysée isolément et nous retrancher ainsi une sorte de sensation, sans que pour cela les deux autres soient abolies. […] Selon Brown-Séquard, « les impressions sensitives, douloureuses et tactiles se transmettent d’une façon croisée dans la moelle épinière, c’est-à-dire que la transmission à l’encéphale des impressions provenant d’une des moitiés du corps s’opère dans la moitié latérale de la moelle épinière du côté opposé. Au contraire, les impressions du sens musculaire se propagent sans s’entrecroiser jusqu’à la partie supérieure de la moelle épinière ». Par conséquent, « les conducteurs du sens musculaire diffèrent radicalement des conducteurs des autres impressions sensitives ».
C’était une de ces impressions telles qu’on devait en éprouver quand les êtres surnaturels, les visions, ce qu’on appelle les anges, apparaissaient encore aux regards des habitants de la terre. […] Telle était mon impression silencieuse pendant l’entretien à demi voix des deux femmes. […] Quelle impression ne devait pas faire cette éclosion, puisque l’épanouissement a de tels prestiges ? […] À notre première entrevue je fus timide ; elle fut naturelle, gracieuse, adroite de simplicité ; mon impression fut un attrait doux, qui n’éblouit pas, mais qui attire : clair de lune qui rappelle un jour de splendide été. […] C’est sans doute à ces vives impressions de foi reçues dans l’enfance que je dois d’avoir conservé des croyances religieuses au milieu de tant d’opinions que j’ai traversées.
… Je me souviens que, dès les premières mesures, je subis une de ces impressions heureuses que presque tous les hommes imaginatifs ont connues, par le rêve, dans le sommeil. […] Si, au contraire, cet effet de scène produit un bruissement désagréable, ce qui a lieu dans Sigurd, l’impression est « saisissante. » Qu’importe, après tout ! […] Elle ne peut que le placer dans une des catégories, qu’elle a formées avec les données résultant des impressions ressenties antérieurement, et déclarer qu’il s’y adapte mal. […] Réunissons nos souvenirs sur l’impression que nous a produite ce personnage de Coriolan dans le Drame de Shakespeare ; et pour cela, dans tout le détail de l’action si complexe, prenons d’abord, seulement, ce qui nous a fait impression par rapport à ce personnage principal. […] Baudelaire décrit en images ses impressions musicales et établit une relation entre l’intensité de la couleur et celle de ses émotions.
Sans cesse, il intervient, indique l’impression qu’il ressent, l’affection ou la haine qu’il conçoit, les divers ébranlements que subit sa sensibilité, la plus frémissante, la plus volontairement agitée qui soit. […] La cour où est introduit David Copperfield au début de ses études de droit, la salle triste où siègent immobiles des juges raides et chuchotants, est un lieu d’un calme languissant, et tous les traits du tableau servent à développer cette impression de somnolent repos. […] Ce sont là des œuvres de maturité de Dickens, et quand les descriptions n’y sont pas ainsi écourtées et rendues en impressions morales nécessairement vagues, elles sont réduites encore à de sèches énumérations de lieux assez semblables aux indications d’un commissaire-priseur. […] Celui-ci doit donc intervenir lui-même, par sa propre impression, parce que son tempérament le porte à changer dans l’image, entre celle-ci et le spectateur. […] De sorte qu’il ne faut point s’étonner qu’un écrivain affectif soit redondant dans les traits de caractère qu’il donne à ses personnages et dans les développements par lesquels il en trahit l’impression.
Il y a quelques rapports entre l’impression qu’elle produit sur nous et le sentiment que fait éprouver tout ce qui est sublime, soit dans les beaux-arts, soit dans la nature physique. […] Bien ne peut égaler l’impression que font éprouver certains mouvements de l’âme ou des portraits hardiment tracés. […] Sans doute de tels écrits pourraient nuire à la morale, s’ils produisaient une profonde impression ; mais ils ne laissent jamais qu’une trace légère, et les sentiments véritables l’effacent bien aisément. […] Un des principaux motifs pour regretter l’éloquence, c’est qu’une telle perte isolerait les hommes entre eux, en les livrant uniquement à leurs impressions personnelles. […] Dans le calme, dans le bonheur, la vie est un travail facile ; mais on ne sait pas combien, dans l’infortune, de certaines pensées, de certains sentiments qui ont ébranlé votre cœur, font époque dans l’histoire de vos impressions solitaires.
Dans cette Cisalpine si ravagée, il assista de près aux luttes sanglantes de la guerre civile et aux circonstances qui amenèrent le second triumvirat ; il eut dès l’enfance les impressions vives de la cité, comme Virgile avait eu celles des champs. […] S’il avait entrepris une si grande œuvre, c’était sans doute l’impression qu’il avait reçue de ces spectacles de son enfance et de ces récits émouvants des anciens, qui l’y avait le plus excité et déterminé. […] J’ai toujours eu de la disposition à retenir en moi les impressions et les idées ; l’expansion est toujours plus ou moins lente, difficile et embarrassée. […] Ma sensibilité réagit peu au dehors ; elle est occupée, ou par des impressions internes confuses, et c’est là l’état le plus habituel, ou par des idées qui me saisissent, que je renferme, que je creuse au dedans, sans éprouver aucun besoin de les répandre au dehors. […] Si l’impression qui en reste est celle de la force, la qualité qui jusqu’ici lui a le plus manqué est la douceur, la grâce : un des derniers articles qu’il a écrits, et qui a pour sujet ou pour prétexte La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, montre pourtant qu’il sait toucher, quand il le veut, les cordes délicates et qu’il a en lui bien des tons.
Il fait sentir cette impression redoutable, ce frisson glacé qu’éprouve l’homme, alors que, plein de vie, il apprend qu’il va périr. […] Il faut un talent infini, pour transporter ce sentiment, de la vie au théâtre, en lui conservant toute sa force ; mais quand on y est parvenu, l’effet qu’il produit est d’une plus grande vérité que tout autre : ce n’est pas au grand homme, c’est à l’homme que l’on s’intéresse ; l’on n’est point alors ému par des sentiments qui sont quelquefois de convention tragique, mais par une impression tellement rapprochée des impressions de la vie, que l’illusion en est plus grande. […] Les guerres civiles et l’esprit philosophique ont corrigé de ce faux goût ; car le malheur, dont les impressions ne sont que trop vraies, exclut les sentiments affectés, et la raison fait disparaître les expressions qui manquent de justesse. […] Le contraste de ce qui est noble avec ce qui ne l’est pas, produit néanmoins toujours, comme je l’ai déjà dit, une désagréable impression sur les hommes de goût.
Les femmes comme les hommes, les ignorans comme les sçavans la lurent, et ils en jugerent par l’impression qu’elle faisoit sur eux. […] Ainsi ce fut l’impression que l’éneïde faisoit sur tout le monde, ce furent les larmes que les femmes verserent à sa lecture qui la firent approuver comme un poëme excellent. […] Or, s’il peut y avoir quelque question sur le mérite et sur l’excellence d’un poëme, elle doit être décidée par l’impression qu’il a faite sur tous les hommes qui l’ont lû durant vingt siecles. […] C’est par l’impression qu’ils font sur les lecteurs que ce grand homme les définit, et le public qui en juge par la même voïe a toujours été de son avis. […] L’impression en a trop multiplié les exemplaires, et quand l’Europe seroit bouleversée au point qu’il n’y en restât plus, les biblioteques qui sont dans les colonies des europeans établies en Amerique et dans le fond de l’Asie, conserveroient à la posterité ces monumens précieux.
L’impression du livre en est, on peut dire, affaiblie. […] Les pages que je vais citer diront aux lecteurs la qualité de ces impressions. […] — Ces études étaient rassemblées pour l’impression, quand j’ai reçu le volume de M. […] Ce sont bien là des impressions de vrai poète. […] Impression fausse. — III.
C’est une prétention d’user des mots en artiste, non pour penser et sentir, ni pour provoquer des pensées et des sentiments, mais pour produire les impressions les plus spéciales qui appartiennent aux autres arts, à la musique, à la peinture, à la sculpture, des impressions de son, de couleur et de forme. […] Il y a des mots qui doivent être parlés, d’autres criés, d’autres écrits ; il y en a même qui conviennent moins au manuscrit qu’à l’impression.
L’imitation d’un objet hideux fait sur elles une impression qui approche trop de celle que l’objet même auroit faite. […] Ces objets ont toujours fait une grande impression sur les hommes, principalement dans les contrées où communément ils ont le sentiment très-vif, telles que sont les regions de l’Europe les plus voisines du soleil, et les côtes de l’Asie et de l’Afrique qui font face à ces regions. Qu’on se souvienne de la défense que les tables de la loi font aux juifs de peindre et de tailler des figures humaines : elles faisoient trop d’impression sur un peuple enclin par son caractere à se passionner pour tous les objets capables de l’émouvoir.
[Impressions de théâtre (1895).] […] [Impressions de théâtre (1896).] […] [Impressions de théâtre (1898).] […] [Impressions de théâtre (1898).]
Oui, c’est là l’impression première et l’impression dernière que nous cause le livre de Mme de Belgiojoso. […] Le récit qu’elle nous fait est si spontané, qu’il est plein de choses contradictoires, et c’est là même une garantie de sa vérité d’impression. […] Mais, hors cette impression, qu’il ne fallait pas être bien sensitive pour éprouver, la voyageuse n’a rien compris à cette polygamie des harems qu’un voyageur, d’une intelligence plus perçante et plus mâle, aurait examinée.
Il y a poète dans ce livre… Du fond de ces impressions qui déteignent sur toute vie et sur toute pensée à leur aurore, du fond de toutes ces remembrances dont nous sommes les échos dans notre jeunesse, du fond de toutes les éducations poétiques, mortelles parfois à la poésie, comme bien souvent les femmes sont mortelles à notre faculté d’aimer, nous voyons briller la divine étincelle, qui dague le regard comme une pointe de diamant ou d’étoile. […] Telle est la vraie poésie du Faust moderne et l’impression qu’il donne, impression absolument et heureusement contraire à celle que le poète a voulu donner. […] … Il devait y croire, en se regardant… Du reste, je l’ai dit aux premières lignes de ce chapitre, Maurice Bouchor est trop près des premières impressions de son éducation poétique pour avoir pu s’en abstraire et les effacer entièrement de sa pensée.
Dans le sommeil naturel, nos sens ne sont nullement fermés aux impressions extérieures. Sans doute ils n’ont plus la même précision ; mais en revanche ils retrouvent beaucoup d’impressions « subjectives » qui passaient inaperçues pendant la veille, quand nous nous mouvions dans un monde extérieur commun à tous les hommes, et qui reparaissent dans le sommeil, parce que nous ne vivons plus alors que pour nous. […] Qu’il me suffise de dire, pour répondre à la question posée tout à l’heure, que la puissance informatrice des matériaux transmis par les organes des sens, la puissance qui convertit en objets précis et déterminés les vagues impressions venues de l’œil, de l’oreille, de toute la surface et de tout l’intérieur du corps, c’est le souvenir. […] Dans les deux cas il y a, d’un côté, des impressions réelles faites sur les organes des sens, et, de l’autre, des souvenirs qui viennent s’insérer dans l’impression et profiter de sa vitalité pour revenir à la vie. […] Mais nous avons montré que le sommeil ne ferme pas nos sens aux impressions du dehors, qu’il leur emprunte les matériaux de la plupart des songes.
Je voudrais rendre mon impression et donner mon avis avec plus de liberté que je ne l’aurais pu faire convenablement ailleurs7 sur quelques hommes et quelques écrits qui ont occupé l’attention publique en ces dernières années. […] Il reçut la visite du libraire, s’entendit avec lui, et partit en me laissant les soins de l’impression : « Vous êtes maître absolu, me dit-il ; vous changerez ce qu’il vous plaira. » C’était là une parole de confiance dont j’entendais bien ne pas user. L’impression commença. […] « Vous êtes chargé, me dit-il, de l’impression d’un écrit de M. de Lamennais qui va faire bien du bruit ; mes ouvriers eux-mêmes ne peuvent le composer sans être comme soulevés et transportés ; l’imprimerie est toute en l’air. […] Seulement, à un moment de l’impression, un passage du chapitre XXXIII, où est décrite une vision, me parut passer toute mesure en ce qui était du Pape en particulier et du catholicisme.
Chaque jour on mettait plus de subtilité dans les règles de la politesse et du goût ; on s’éloignait toujours plus dans les mœurs des impressions de la nature. […] En effet, indépendamment de la morale qui se fonde sur la raison, il y a celle de l’instinct naturel, celle dont les impressions sont irréfléchies et irrésistibles. Lorsqu’en s’accoutumant à voir souffrir les animaux, on parvient à vaincre la répugnance des sens pour le spectacle de la douleur, l’on devient beaucoup moins accessible à la pitié, même pour les hommes ; du moins l’on n’en éprouve plus involontairement les impressions. […] Il resterait aux littérateurs français des ouvrages anciens dont ils pourraient encore se pénétrer ; mais leur imagination ne serait point inspirée par les objets qui les environneraient ; elle s’alimenterait par la lecture, mais jamais par les impressions qu’ils éprouveraient eux-mêmes. […] Je ne parle pas ici de l’estime réfléchie, mais de cette impression involontaire qui se renouvelle à tous les instants.
Rien, pas une de nos idées, pas une de nos impressions, pas un de nos désirs, et pas un de nos actes. […] Elle se révèle dans l’enchaînement de nos idées, dans la forme que prennent chez nous les impressions et les désirs, dans le moindre de nos actes, dans les mille détails de notre vie psychique, dans le timbre irréductible que revêt en passant par chacun de nous la grande voix de l’humanité. […] Quand une plaie déchire nos tissus et que des microbes dangereux menacent de les envahir, le sang s’y porte pour prévenir ou pour réparer les désordres organiques, les globules sanguins accourent défendre l’organisme, de même un désordre social attire les idées, multiplie les impressions, provoque la formation de théories nouvelles et fait inaugurer bien des pratiques diverses. […] Qui me ferait agir — hors, peut-être, les cas de violence mécanique — si ce n’est moi-même, mes sentiments et mes idées, mes impressions, mes images et mes perceptions ? […] Peu à peu, elle-même suggérait à l’esprit, plus directement, les impressions et les idées dont elle pouvait se fortifier.
Ce ne sont que des impressions sincères notées avec soin. […] Impossible de fixer dans une langue plus exacte des impressions plus fugitives. […] Le champ de nos souvenirs et de nos impressions serait infiniment plus pauvre. […] L’impression que laisse la lecture de ses ouvrages est complexe et ambiguë. […] Bref, on tâchera de déterminer, après l’impression qu’on a reçue de lui, l’impression que lui-même reçoit des choses.
Une chose a mille divers reflets ; elle est, en nous, à la fois colorée et musicale et abstraite et figurée ; elle nous impressionne par tous nos sens, en toutes nos capacités d’émotions ; et l’art qui la voudrait complètement exprimer, la dirait en toutes ses impressions, pour tous les sens, et musicalement et picturalement et poétiquement, en tous ses reflets. […] Ayons en nous l’émotion complète de la Chose vivante, et, dans nos œuvres spéciales de littérature ou de musique, il se trouvera que nous la mettrons ; ayant vu tous les reflets, notre unique langage en gardera la marque ; ayant connu toute l’impression, notre poème ou notre tableau en sera imprégné ; la Chose sera exprimée, très fortement ; et notre œuvre, tout particulière, aura de très mystérieux palpitements d’universelle Clairvoyance. […] à la Musique, est un triomphe, pour peu qu’elle ne s’applique point, même comme leur élargissement sublime, à d’antiques conditions, mais éclate la génératrice de toute vitalité ; un auditoire éprouvera cette impression que, si l’orchestre cessait de déverser son influence, l’idole en scène resterait, aussitôt, statue. […] Ce fut déjà une impression nouvelle et délicieuse, une première morsure au fruit défendu, une vraie échappée hors des mœurs philistines dont on a toujours quelque peine à se délivrer lorsqu’on échappe à peine aux régularités de l’existence familiale. […] Il est une impression que j’ai pu fréquemment contrôler par celles d’autres personnes qui l’avaient éprouvée comme moi, il est une impression exactement dominatrice de tout l’organisme subjectif, impression dont on ne se rend pas compte sur le moment, impression inconsciente et formelle, c’est qu’au Wagner-Theater, on n’a pas conscience de soi-même.
Sous le titre d’Odes, il a compris, nous dit-il, toute inspiration purement religieuse, toute étude purement antique, toute traduction d’un événement contemporain ou d’une impression personnelle ; et il a rejeté, sous le nom de Ballades, des esquisses d’un genre fantastique, des scènes de magie, des traditions superstitieuses et populaires. […] Profondément distincte de ce qui tient aux passions personnelles, au milieu et comme au travers de leurs impressions, elle nous arrive plus désintéressée et plus pure, et ne nous parle que du beau, du sublime, de l’invisible. […] Hugo n’a pas à sortir de lui-même, et qu’il veut rendre seulement une impression personnelle, nous avons déjà remarqué que ses défauts disparaissent. […] Hugo se garde surtout de l’excès de sa force ; qu’à l’heure de la méditation, il sache attendre à loisir ses propres rêves, les laissant venir à lui et s’y abandonnant plutôt que de s’y précipiter ; qu’à l’heure de produire, il se reparte sans cesse aux impressions naïves qu’il veut rendre, les contemple longuement avant de les retracer, et plus d’une fois s’interrompe en les retraçant pour les contempler encore ; que, n’épuisant pas à chaque trait ses couleurs, il approche par degrés de son idéal, et consente, s’il le faut, à rester au-dessous plutôt que de le dépasser, ce qui est la pire manière de ne pas l’atteindre.
Il se rendait compte de ce qui devait faire impression sur le public, et il disposait sa tragédie en conséquence : c’est là encore un vice radical de son théâtre. […] Une impression inquiétante d’insincérité se dégage de la lecture même de ses meilleures pièces. […] Il prit alors des impressions qui ne s’effacèrent jamais. […] Brunetière, Époques du théâtre français, 11e conf. ; Lemaître, Impressions de théâtre, 2e série.
Cela n’est que de la vie humaine, les premières impressions d’une âme charmante dans des milieux charmants, et qui les dit comme il les éprouve. […] On ne s’étonne plus de la grâce de bucolique qui, partout, dans ses œuvres poétiques, se mêle sans cesse au lyrisme grandiose de Lamartine, quand on voit de quel nid était sorti le rossignol qui chantait inextinguiblement en lui, quand l’aigle, qui y était aussi, ne criait pas… La première impression que reçut son génie, cette première impression dont nous restons marqués à jamais, fut l’impression de la maison de son père, où il était né parmi les pasteurs, comme Virgile, et les vendangeurs du Mâconnais.
Les phénomènes lumineux, caloriques, électriques, tout aussi bien que les actions nerveuses, sont produits par des corps qui vibrent. « Les objets extérieurs, par leurs impressions sur nos sens, causent d’abord dans les nerfs, ensuite dans le cerveau, des vibrations de parties médullaires16 très petites et, pour ainsi dire, infinitésimales. » Ces vibrations « consistent en ondulations de particules très ténues, analogues aux oscillations du pendule ou aux tremblements des molécules d’un corps sonore. » C’est donc sous la forme purement mécanique d’une ondulation que les impressions cheminent le long des nerfs. […] D’ailleurs un opuscule anonyme publié à Lincoln, en 1747, sous ce titre : An enquiry into the origin of human appetites and affections, shewing how each arises from association, written for the use of the young gentlemen at the Universities contient déjà une formule très nette de la loi d’association, de « l’union inséparable » et des « latent impressions. » Cette dissertation a été rééditée par le docteur Parr.
Mais, dans cette lutte de toutes les impressions pour la victoire, il n’en est qu’un certain nombre qui l’ont emporté, qui se sont ouvert des voies dans la matière organisée et s’y sont créé des centres d’action. […] C’est que le triage et le développement de cette sensation, dans l’ensemble confus des impressions venues du dehors, s’est trouvé nécessaire à notre existence et à la satisfaction de l’appétit vital ; si cette sensation manquait, nous pourrions, sans nous en douter, être tués par le froid ou par la chaleur. […] Il y a donc ici substitution d’une somme d’effets à une autre ; d’où nous concluons que la sensation est elle-même une sommation, non d’impressions inconscientes (comme le soutient Taine), mais d’impressions conscientes, dont chacune est trop faible, à elle seule, pour se détacher sur le panorama intérieur. […] Il y a là une impression particulière qui tient à ce que les deux sensations sont deux portions du continuum d’un même sens. Au contraire, quand il s’agit, 3° de différences entre deux sensations de différentes classes, comme la vue et l’ouïe, la différence des impressions ne constitue pas elle-même une représentation distincte et particulière de différence.
Daudet, Julia (1844-1940) [Bibliographie] Impressions de nature et d’art (1879). — L’Enfance d’une Parisienne (1883). — Fragments d’un livre inédit (1885). — Enfants et lères (1889). — Poésies (1895). — Notes sur Londres (1897). — Journées de femme ; Alinéas (1898). […] Parmi ses Impressions de nature et d’art, elle a jeté, comme des fleurs entre les pages, des vers d’une grâce triste, d’une couleur fine, d’une facture minutieuse et savante, délicatement ouvragés.
C’est une seconde création que Dieu a permis à l’homme de feindre en reflétant l’autre dans sa pensée et dans sa parole ; un verbe inférieur, mais un verbe véritable, qui crée, bien qu’il ne crée qu’avec les éléments, avec les images et avec les souvenirs des choses que la nature a créées avant lui : jeu d’enfant, mais jeu divin de notre âme avec les impressions qu’elle reçoit de la nature ; jeu par lequel nous reconstruisons sans cesse cette figure passagère du monde extérieur et du monde intérieur, qui se peint, qui s’efface et qui se renouvelle sans cesse devant nous. […] Le sentiment est le troisième, parce que, à la vue ou au souvenir de ces choses survenues et repeintes dans notre âme, cette sensibilité fait ressentir à l’homme des impressions, physiques ou morales, presque aussi intenses et aussi pénétrantes que le seraient les impressions de ces choses mêmes, si elles étaient réelles et présentes devant nos yeux. Le jugement est le quatrième, parce qu’il nous enseigne seul dans quel ordre, dans quelle proportion, dans quels rapports, dans quelle juste harmonie nous devons combiner et coordonner entre eux ces souvenirs, ces fantômes, ces drames, ces sentiments imaginaires ou historiques, pour les rendre le plus conformes possible à la réalité, à la nature, à la vraisemblance, afin qu’ils produisent sur nous-mêmes et sur les autres une impression aussi entière que si l’art était vérité. Le cinquième élément nécessaire de cette création ou de cette poésie, c’est le don d’exprimer par la parole ce que nous voyons et ce que nous sentons en nous-mêmes, de produire en dehors ce qui nous remue en dedans, de peindre avec les mots, de donner pour ainsi dire aux paroles la couleur, l’impression, le mouvement, la palpitation, la vie, la jouissance ou la douleur qu’éprouvent les fibres de notre propre cœur à la vue des objets que nous imaginons. […] C’est la force seule de l’impression qui crée en nous le mot, car le mot n’est que le contrecoup de la pensée.
De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage Dans l’état ordinaire des choses, l’esprit sommeille les trois quarts du temps. […] On a des impressions confuses, qu’on ne sait ni ne peut débrouiller. […] Ils ont trois ou quatre mots précieux qui résument toutes leurs émotions esthétiques, et qui peuvent encore traduire toutes leurs impressions sur tout le monde physique et moral.
Ainsi, sur une impression confuse et machinale, ou bien on établira de faux principes dégoût, ou, ce qui n’est pas moins dangereux, on érigera en principe ce qui est en soi purement arbitraire ; on rétrécira les bornes de l’art, et on prescrira des limites à nos plaisirs, parce qu’on n’en voudra que d’une seule espèce et dans un seul genre ; on tracera autour du talent un cercle étroit dont on ne lui permettra pas de sortir. […] Le vrai philosophe se conduit à peu près de la même manière pour juger que pour composer : il s’abandonne d’abord au plaisir vif et rapide de l’impression ; mais persuadé que les vraies beautés gagnent toujours à l’examen, il revient bientôt sur ses pas, il remonte aux causes de son plaisir, il les démêle, il distingue ce qui lui a fait illusion d’avec ce qui l’a profondément frappé, et se met en état par cette analyse de porter un jugement sain de tout l’ouvrage. […] L’impression est le juge naturel du premier moment, la discussion l’est du second. […] L’amour-propre est le sentiment auquel nous tenons le plus, et que nous sommes le plus empressés à satisfaire ; le plaisir qu’il nous fait éprouver n’est pas, comme beaucoup d’autres, l’effet d’une impression subite et violente, mais il est plus continu, plus uniforme et plus durable, et se laisse goûter à plus longs traits.
mais Eugénie surtout l’a séduit, l’a enlevé, pauvre savant solitaire, comme ces nobles figures idéales, ces apparitions de vierges et de saintes qui se révélaient dans une vision manifeste à leurs fervents serviteurs ; il l’a aimée, il l’a adorée, il a poursuivi avec une passion obstinée et persévérante les moindres vestiges, les moindres reliques qu’elle avait laissées d’elle : il les a arrachées aux jaloux, aux indifférents, aux timides ; il a copié et recopié de sa main religieusement, comme si c’étaient d’antiques manuscrits, ces pages rapides, décousues, envolées au hasard, parfois illisibles, et qui n’étaient pas faites pour l’impression, il les a rendues nettes et claires pour tous : le jour l’a souvent surpris près de sa lampe, appliqué qu’il était à cette tâche de dévouement et de tendresse pour une personne qu’il n’a jamais vue ; et si l’on oublie aujourd’hui son nom, si quand on couronne publiquement sa sainte44, il n’est pas même remercié ni mentionné, il ne s’en étonne pas, il ne s’en plaint pas, car il est de ceux qui croient à l’invisible, et il sait que les meilleurs de cet âge de foi dont il a pénétré les grandeurs mystiques et les ravissements n’ont pas légué leur nom et ont enterré leur peine : heureux d’espérer habiter un jour dans la gloire immense et d’être un des innombrables yeux de cet aigle mystique dont Dante a parlé ! […] Or, Mme la comtesse Agénor de Gasparin, — c’est elle en toutes lettres, — femme d’un homme de cœur et d’un homme de bien, Genevoise de famille et de naissance, de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie de cette république (c’est tout un), passant certaines saisons à Paris, mais établie et vivant plus ordinairement en son château ou manoir au pied du Jura suisse, dans le canton de Vaud, dans le pays de Glaire d’Orbe, a publié, en ces dernières années surtout, une série d’esquisses, d’impressions morales ou pittoresques, de tableaux paysanesques ou alpestres avec intention et inspiration chrétienne très-marquée46, toute une œuvre qu’il est naturel de rapprocher des Lettres et Journaux d’Eugénie de Guérin. […] Nous avons là une catholique de vieille souche, douce, pieuse, fervente, résignée, tendre, poétique, aimant la nature et adorant Dieu dans la nature, y trouvant à chaque pas les plus charmants emblèmes, moralisant avec grâce et sourire au sein même de la douleur : nous avons, d’autre part, et en regard d’elle, un caractère énergique de calviniste à demi émancipée, poétique aussi, très-croyante toujours, fervente, même prêcheuse, mais ouverte à toutes les impressions, ayant sa palette à elle, près de sa Bible, poussant ardemment ses aspirations vers le monde extérieur et absorbant la création par tous ses pores : — deux types. […] Et, par exemple, un jour qu’Eugénie de Guérin visite le Nivernais (à quelques années de là), pour rendre son impression, elle dira : « Il fait bon courir, dans cette nature enchanteuse, parmi fleurs, oiseaux et verdure, sous ce ciel large et bleu du Nivernais. […] Un jour qu’elle a assisté à une profession de religieuse au Bon-Sauveur, elle raconte ainsi à sa chère Louise son impression enflammée et attendrie : « Si Cholet ne m’avait pas dit que les charbonniers (qui servent de messagers) partent à onze heures, je vous parlerais au long de la cérémonie du Bon-Sauveur, cérémonie belle et touchante, qui fait admirer, qui fait pleurer.
En ce moment, il s’élève en moi des impressions analogues, quoique à distance, malgré l’absence de cet ébranlement et de ce contact, malgré la présence d’autres ébranlements et d’autres contacts. […] C’est au point que moi, qui n’ai plus depuis longtemps l’habitude de jouer, je commence toujours, avant d’aller dans mon coin, par bien regarder l’échiquier tel qu’il est au début, et c’est à cette première impression que je me rattache et que je reviens mentalement. » D’ordinaire, il ne voit ni le tapis vert, ni l’ombre des pièces, ni les très petits détails de leur structure ; mais, s’il veut les voir, il le peut. […] Il en est de même après une odeur, une saveur, une impression de froid, de chaud, de douleur locale, et le reste. — Si la sensation, au lieu de précéder, va suivre, l’effet est le même. […] Il est clair qu’ici le réducteur spécial manquait ; en d’autres termes, la rétine ayant en face d’elle un tapis vert ou un fauteuil rouge, certaines lignes de vert ou de rouge, tout en produisant sur elle leur impression physique accoutumée, n’excitaient qu’une sensation nulle. […] À huit heures environ, la chambre fut entièrement débarrassée de ces visiteurs fantastiques. » Quand, dans le sommeil, au milieu d’un rêve intense, nous sommes subitement réveillés, nous éprouvons une impression plus courte, mais semblable.
Je n’ai pas du tout cette impression. […] On n’y trouve que des impressions vives, spontanées et sincères. » « Sincères ? […] Taine, par des impressions prises ailleurs. […] Sully-Prudhomme, qu’une première impression. […] Ces livres-là se relisent ; et l’impression qu’on en a eue d’abord peut se corriger, se compléter et s’éclaircir.
Son but est complexe ; c’est à nous, lecteurs et raisonneurs, qu’il laisse le soin de le dégager ; il se contente de le résumer de la manière la plus générale, lorsqu’il dit à celui de ses amis auquel il adresse le Journal de ses impressions : « Admets seulement que j’aime passionnément le bleu, et qu’il y a deux choses que je brûle de revoir : le ciel sans nuages, au-dessus du désert sans ombre. » Parti de Médéah dans la direction du sud, il va traverser le pâté de montagnes qui le sépare du désert, et il ne nous laisse rien perdre, chemin faisant, de la physionomie du paysage. […] Il se sert de tous ses sens, Il n’a pas trop d’eux tous pour rendre son impression totale et harmonieuse. […] Mais l’homme, mais l’être sensible, on lui demande mieux, et nous le retrouvons dès le surlendemain, lorsque après une journée de marche dans la première plaine du sud, après une nuit passée au plus triste bivouac, au bord d’un marais vaseux et fétide, il décrit de la sorte l’impression qu’il reçoit de ce pays sans caractère et sans nom, qui n’est ni la vraie plaine, ni le vrai désert, et où il n’y a de vie que ce qu’il en faut pour mieux faire sentir la mort et l’abandon : « Était-ce fatigue ? […] C’est ainsi encore qu’en plein désert, durant une nuit caniculaire, il dira : « L’heure était si belle, la nuit si tranquille, un si calmant éclat descendait des étoiles, il y avait tant de bien-être à se sentir vivre et penser dans un tel accord de sensations et de rêves, que je ne me rappelle pas avoir été plus satisfait de ma vie… » Un si calmant éclat, voilà encore un effet moral qui devient une nuance pittoresque, et la beauté du son, sa largeur, s’y joint pour compléter l’impression. […] Il choisit dans ses impressions.
Ces pensées politiques et autres, par leur caractère de gravité et de vérité, par l’absence de toute déclamation, par la sincérité des aveux et le noble regret des fautes commises, par les sages vues d’avenir qui se mêlent au jugement du présent, font beaucoup d’honneur à Barnave, et ne peuvent que confirmer, en l’épurant, l’impression d’intérêt et d’estime qui demeure attachée à sa mémoire. […] L’impression de cette injure dut agir sur l’esprit précoce de Barnave enfant : on n’apprécie jamais mieux une injustice, une inégalité générale, que quand on en est atteint soi-même, ou dans les siens, d’une manière directe et personnelle. […] Les impressions d’alors ne firent qu’y venir en aide et la confirmer. […] L’impression ne se borna point d’ailleurs à une simple disposition morale ; des actes politiques éclatants s’en ressentirent. […] La poche de Jarjayes était comme un bureau où chacun déposait sa réflexion, son impression personnelle, son monologue, sans avoir l’air de se douter qu’un autre que soi en pût prendre connaissance.
La première impression qui résulte de ce tableau ardent et inanimé, composé de soleil, d’étendue et de solitude, est poignante et ne saurait être comparée à aucune autre. […] L’œil de l’artiste exercé peut seul s’offrir à l’impression directe de la nature, sans que la préoccupation du travail à faire altère en lui la sincérité de la sensation. […] Quelques pages de quelques voyageurs, quelques tableaux aperçus dans les musées et les salons, quelques impressions d’enfance, de l’âge où l’on se fait d’immenses solitudes dans un coin de jardin, l’image persistante d’un long ruban de route poudreuse sous le grand soleil d’été, d’un angle de cour enflammé où l’air était suffocant, la lumière intense, tout cela se fondant, s’amalgamant, pourra dicter une page qui ne sera pas banale. […] Tout cela réuni produisit sur Levine une impression si vive qu’il se prit à rire et à pleurer de joie.
je vous promets une impression singulière. […] J’ai eu, sans la chercher, une impression de cette espèce, m’étant donné la tâche de parcourir d’affilée cinq ou six volumes de chroniques parisiennes, cependant que des feuillages frissonnaient sur ma tête et que la Terre vivait autour de moi son éternelle vie. […] Entretenir le public de choses qui ne vous intéressent pas du tout et, là-dessus, faire semblant d’avoir des impressions pour les gens qui n’en ont pas, mais qui pourraient si bien se passer d’en avoir ! […] Il m’est arrivé de subir une grande impression dans une belle cathédrale aussi bien que dans un temple protestant ou dans une synagogue.
Il vit comme un ermite ; il ne connaît plus ni amis ni ennemis ; il n’aperçoit aucune différence entre un corps inanimé, un chat, un chien, un oiseau de proie qui se trouve sur sa route ; le roucoulement de ses pareils ne lui fait pas plus d’impression que tout autre bruit ; la femelle n’accorde aucune attention au mâle, le mâle à la femelle ; la mère ne fait pas attention à ses petits. […] La main, quoique en apparence insensible, a envoyé au cerveau des impressions extrêmement faibles, qui ont provoqué une réaction machinale extrêmement faible sous forme d’une numération presque inconsciente. […] Tout au moins les cellules cérébrales ont vibré comme quand telle série d’impressions amène à sa suite tel chiffre qui la résume. Le mécanisme cérébral du mot quatre ou du mot cinq, qui vient de recevoir un commencement d’ébranlement, est donc plus prêt que tout autre à fonctionner quand la question arrive, et le nombre choisi en apparence au hasard est, en réalité, déterminé par la série des petites impressions antécédentes.
Il s’est fait presque de lui-même, avec les premières impressions de la vie, ces premières impressions qui n’ont pas besoin d’appuyer pour laisser en nous d’ineffaçables empreintes, et il n’a demandé d’autre travail à son auteur que de se souvenir. […] Quand on veut ressusciter le passé, le secret du miracle est dans les couleurs qu’on emploie, et quand on peint les premières impressions de la vie, a-t-on sur sa palette des teintes d’un trop tendre éclat pour cette blanche aube qui doit rougir et va devenir une aurore ?… Car voilà le sujet du livre de Dargaud : les premières impressions de la vie, l’enfance, la jeunesse, le passé !
Nos goûts, nos opinions, nos impressions habituelles en dépendent en grande partie. […] On aime à voir la poésie prêter son charme à des impressions réelles. […] Dans les histoires, comme dans tous les genres de littérature, on n’a de talent qu’en peignant ses propres impressions. […] Je me sens, aussi, exigeant envers moi-même, et je voudrais trouver des paroles égales à mes impressions. […] Dès lors, les souvenirs de sa mort jetaient dans toutes les âmes une impression religieuse.
Le philosophe, par un grand acte de courage, ayant délivré ses pensées du joug de la passion, ne les dirige plus toutes vers un objet unique, et jouit des douces impressions que chacune de ses idées peut lui valoir tour à tour et séparément. […] C’est au milieu du monde que souvent ses réflexions, ses résolutions l’abandonnent, que les idées générales les plus arrêtées, cèdent aux impressions particulières. […] Le bruit du vent, l’éclat des orages, le soir de l’été, les frimas de l’hiver ; ces mouvements, ces tableaux opposés produisent des impressions pareilles, et font naître dans l’âme cette douce mélancolie, vrai sentiment de l’homme, résultat de sa destinée, seule situation du cœur qui laisse à la méditation toute son action et toute sa force.
Il a bien fallu alors, pour distinguer nos impressions personnelles les unes des autres, ajouter à l’idée générale d’odeur de rose des caractères spécifiques. Et vous dites maintenant que nos diverses impressions, nos impressions personnelles, résultent de ce que nous associons à l’odeur de rose des souvenirs différents. […] Le matin, quand sonne l’heure où j’ai coutume de me lever, je pourrais recevoir cette impression xun holè tè psukhè, selon l’expression de Platon ; je pourrais lui permettre de se fondre dans la masse confuse des impressions qui m’occupent ; peut-être alors ne me déterminerait-elle point à agir. […] Cette impression et cette idée ont fini par se lier l’une à l’autre. Aussi l’acte suit-il l’impression sans que ma personnalité s’y intéresse : je suis ici un automate conscient, et je le suis parce que j’ai tout avantage à l’être.
Depuis ce temps, j’abhorre le chiffre, cette négation de toute pensée, et il m’est resté contre cette puissance des mathématiques exclusive et jalouse le même sentiment, la même horreur qui reste au forçat contre les fers durs et glacés rivés sur ses membres et dont il croit éprouver encore la froide et meurtrissante impression quand il entend le cliquetis d’une chaîne. […] Plus souvent je rentrais à la campagne pour passer la mélancolique automne dans la maison solitaire de mon père et de ma mère, dans la paix, dans le silence, dans la sainteté domestique des douces impressions du foyer ; le jour, courant les forêts, le soir, lisant ce que je trouvais sur les vieux rayons de ces bibliothèques de famille. […] Ces impressions étaient-elles joie ou tristesse, douleur ou souffrance ? […] C’est l’homme même, c’est l’instinct de toutes ses époques, c’est l’écho intérieur de toutes ses impressions humaines, c’est la voix de l’humanité pensant et sentant, résumée et modulée par certains hommes, plus hommes que le vulgaire, mens divinior, et qui plane sur ce bruit tumultueux et confus des générations et dure après elles, et qui rend témoignage à la postérité de leurs gémissements ou de leurs joies, de leurs faits ou de leurs idées. […] Elle ne sera plus lyrique dans le sens où nous prenons ce mot ; elle n’a plus assez de jeunesse, de fraîcheur, de spontanéité d’impression pour chanter comme au premier réveil de la pensée humaine.
Nous avons le besoin, toujours plus vif, pour conserver les sentiments de l’art, que les impressions de la vie nous soient données, dans la vie artistique, par d’autres moyens que dans la vie réelle. […] Ce spectacle d’enfants parisiens nous donne une louable impression de réalité vivante. […] Il n’a point recherché là d’autres complications chromatiques que celles même de ses visions ; sous l’habileté de ses procédés, son impression demeure tout loyale. […] Nous avions accoutumé, du moins, voir ces œuvres se passant des couleurs : et leur adjonction ne fait guère plus vive notre délicieuse impression première. […] On était venu voir une chose nouvelle, et l’on y trouvait une impression inouie.
Ç’a été là un passage beaucoup plus facile et plus naturel que la première impression ne le ferait supposer. […] D’excellents esprits, et très épris de littérature, ne peuvent en supposer l’énervante impression. […] Des amours de rencontre ont ajouté en elle aux impressions de la misère physique l’impression plus cuisante de l’indigence morale. […] Quand nous disons d’un écrivain qu’il est pessimiste, nous signifions par là que son œuvre se résume dans une impression décourageante, comme nous étiquetons du nom d’optimiste celui dont les livres produisent sur nous une impression exaltante. […] » Sans doute l’écrivain semble avoir peur devant cette impression de désespoir final.
. — Impressions d’une femme, pensées, sentiments et portraits (1867). — Tablettes d’une femme pendant la Commune (1872). — Les Militantes, poésies (1876). — Le Long de la vie, nouvelles impressions (1876).
Je voudrais faire partager à d’autres l’impression que j’ai reçue de la lecture de ce petit volume, rempli d’une suave et haute pensée. […] Il est à la campagne, aux beaux jours d’été, des bruits dans les airs, que Maurice appelait les bruits de la nature ; il les écoutait longuement, et voici de ses impressions : « Oh ! […] L’auteur suppose qu’un des êtres de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animalesx, un centaure vieilli raconte à un mortel curieux, à Mélampe, qui cherche la sagesse et qui est venu l’interroger sur la vie des centaures, les secrets de sa jeunesse et ses impressions de vague bonheur et d’enivrement dans ses courses effrénées et vagabondes. […] Guérin, sous forme de centaure, a fait là son René et raconté sa propre histoire, sa source réelle d’impressions, en la projetant dans les horizons fabuleux. […] Ç’a été une de mes plus profondes souffrances de ce passé dont j’ai tant souffert. » Guérin, ramené au Cayla déjà mourant, y respira l’air natal, sourit au ciel bleu, retrouva ses impressions les plus chères, et, exhalant sa belle âme le 19 juillet 1839, alla reposer sous le gazon du cimetière d’Andillac.
J’ai aimé et j’aime surtout la politique juste et la liberté sous la loi… On m’a quelquefois reproché de ne pas m’associer assez vivement aux impressions publiques. […] Après la lecture des quatre premiers volumes, et sans préjudice des impressions qu’y ajouteront les volumes suivants, on peut se poser déjà plusieurs questions et se faire les réponses. […] Je ne fais que traduire cette impression à ma manière en disant : En France, un caprice, une impression fugitive décide de tout, même dans les Assemblées réputées sérieuses : le Cabinet du 11 octobre, si essentiel à la stabilité du régime politique, est renversé par les partisans de ce régime même, presque au lendemain de l’attentat Fieschi, parce que, dans une question de conversion de rentes, M. de Broglie a dit à la Chambre des députés d’un ton un peu trop hautain : Est-ce clair ? […] J’ai pu avoir alors mes impressions personnelles, mes passions même à un certain moment : je les avais étouffées ; j’ai su apprécier les douceurs de ce régime de dix-huit ans, ses facilités pour l’esprit et pour l’étude, pour tous les développements pacifiques, son humanité, les plaisirs d’amateur que causaient, même à ceux qui n’avaient pas l’honneur d’être censitaires, des luttes merveilleuses de talent et d’éloquents spectacles de tribune, et aussi les éclairs de satisfaction que donnaient à tous les cœurs restés français de brillants épisodes militaires.
L’impression qu’elle fait est celle que nous a rendue si souvent le pinceau de Prud’hon : grâce, vénusté, une douceur un peu moelleuse ; innocence et amour, une émotion poétique et nullement sensuelle. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante, Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle. […] C’est en effet toute une éducation du goût, dans ces matières de l’art antique, qu’il avait fallu se faire et se donner depuis Huet jusqu’à Goethe, on passant par Lessing, Winckelmann et autres initiateurs : les impressions des diverses branches de l’art se complètent ainsi et s’achèvent, mais ce n’est pas l’affaire d’un jour. — Eckermann, selon son usage, reprenant la pensée de Goethe au point où elle s’arrêtait, et la lui renvoyant avec de légères variantes, lui répondit (toujours pendant ce même dîner) : « La mesure dans laquelle se renferme l’œuvre entière m’a paru excellente ; c’est à peine si on rencontre une allusion à des objets étrangers qui nous feraient sortir de cet heureux cercle. […] « On ferait bien, concluait-il, de relire le livre une fois tous les ans, pour s’en renouveler l’impression dans toute sa fraîcheur. » Qu’il y ait eu un peu d’excès dans cette admiration pour une œuvre composée de tant de parties et d’éléments dès longtemps trouvés, que le puissant lecteur, tout plein d’harmonieux souvenirs, ait prêté un peu à cette production du déclin comme à un dernier né qu’on gâte et qu’on favorise, je l’accorderai aisément ; Goethe abondait dans son sens en exaltant si fort le perpétuel âge d’or de la Grèce : mais ce qui ne le trompait pas, c’était le sentiment régnant, respirant dans ce dernier ; tableau, et par lui reconnu et salué, de tout un monde idéal, serein, fortuné, à ciel fixe, à horizon bleu, — l’horizon de la mer de Sicile ou des mers de l’Archipel12. […] Mon impression riante, si je ne la prends pas tout à fait en jouant, en reste flétrie.
Le jeune prince comprit à l’instant les grandeurs et les faiblesses de cette dernière campagne de 1814, et par où elle avait manqué ; il dit à ce sujet ce mot remarquable, et qui a déjà été cité : « Mon père et ma mère n’auraient dû jamais s’éloigner de Paris, l’un pour la guerre, l’autre pour la paix. » La curiosité une fois apaisée sur ces parties à la fois les plus classiques et les plus vives, Marmont reprit chronologiquement la suite des campagnes, l’expédition d’Égypte, la campagne de Marengo, celles d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram, de Russie : il recommanda vivement au jeune prince, pour cette dernière, l’Histoire de M. de Ségur, non pas comme l’ouvrage le plus didactique ni peut-être le plus complet militairement, mais comme celui où l’on trouve le plus la vérité de l’impression. […] Cet épisode touchant et pieux de l’exil de Marmont achèverait de réfuter, d’effacer les inculpations de 1814, si, après les explications qu’on a vues, elles laissaient encore quelque impression dans les esprits. […] Il participe aux impressions successives qui naissent du paysage et des souvenirs ; lui qui, en Hongrie, avait débuté presque par de la statistique et des chiffres, il devient légèrement mythologique aux environs de Smyrne, homérique à Troie, chrétien en traversant le Liban. […] Après le procès des ministres, et sur l’impression favorable qu’avaient laissée les dépositions des témoins, il aurait, certes, pu rentrer en France : mais il n’était pas homme à y rentrer par la petite porte, et, de la nature qu’il était, il n’y pouvait reparaître que la tête haute. […] Le maréchal, qui, en vieillissant, avait gardé tout son feu, sa vivacité d’impression et d’intelligence, vécut assez pour apprendre et juger les derniers événements qui ont changé le régime de la France.
IV Du reste, il n’y a pas, — je l’ai dit déjà, — qu’une seule espèce de confidence et de révélation dans ces Impressions littéraires. […] Or, dans ce volume d’Impressions littéraires, je retrouve publié un petit roman qui passe pour un chef-d’œuvre de Mme Sand (les Lettres à Marcie) et le petit roman n’est rempli que de prudhommismes d’images. […] En somme, Mme George Sand a-t-elle eu raison de publier ces impressions littéraires ? […] Le livre des Impressions littéraires, où, devenue critique, elle se juge et elle se confesse, l’a prouvé. […] Souvenirs et impressions littéraires, chez Hetzel et Dentu. 1862.
Ferdinand Brunetière Ces vers donnent une impression unique de grâce triste et souffrante. […] Le Goffic, disait Paul Bourget, « donnent une impression unique de grâce triste et souffrante.
Il était dans sa trente-troisième année seulement à son arrivée à Weimar ; il avait gardé toute la fraîcheur des impressions premières et la faculté de l’admiration. […] Heureuse et enviable entre toutes l’impression vierge du premier jour qui se nourrit et se confirme avec les années, qui se fixe en respect inaltérable et en vénération ! […] Au contraire, si le poëte porte chaque jour sa pensée sur le présent, s’il traite immédiatement, et quand l’impression est toute fraîche, le sujet qui est venu s’offrir à lui, alors ce qu’il fera sera toujours bon, et si par hasard il n’a pas réussi, il n’y a rien de perdu. » Et Gœthe se mit à citer des exemples de poëtes allemands contemporains qui se sont attelés à un grand ouvrage et qui, sauf quelques beaux endroits, ont manqué d’haleine et de force pour l’ensemble. […] Il est le poëte des émotions et des impressions, non des entrailles (exceptons toujours Werther). […] Ainsi, lorsqu’on jouait le Comte d’Egmont de Gœthe, à la scène de la prison, pendant qu’on lisait au comte sa condamnation, Schiller chargé de l’arrangement et de la mise en scène, avait pris sur lui de faire apparaître dans le fond le duc d’Albe en masque et en manteau, pour qu’il pût se repaître de l’impression que la condamnation à mort produirait sur Egmont.
Il choisit ses mots, non comme signes, mais comme sons, et par les rimes, les coupes, les rythmes, il s’efforce de donner au vers une forme sensible capable de susciter une impression déterminée. […] Au dernier degré de misère et d’ignominie, c’est la feuille d’impression qui nous arrive empaquetant nos emplettes : … Et j’ai tout Pelletier Roulé dans mon office en cornets de papier. […] Les impressions qu’il retirait des courtes et rares visites qu’il lui faisait, ne se reliaient pas suffisamment à ses idées : ces jouissances ne fournissaient rien à sa raison, et n’avaient pas de valeur intellectuelle ; aussi les goûtait-il sans en faire la matière d’un discours. […] Sans doute il était difficile à Boileau de faire autrement en son temps : on n’eût pas accepté une poésie toute composée d’impressions, sans suite, sans lien, et surtout sans sujet. […] Pour rendre la physionomie de Paris, le mouvement de ses rues et de sa foule, ce Parisien, qui ne perdit presque jamais de vue les tours de Notre-Dame, prit le ton dolent d’un provincial réveillé trop tôt, qui regrette le silence morne de sa petite ville : cela, c’était l’idée, et une idée morale, qui faisait de l’impression une démonstration.
Plus navrante et plus grise est l’impression que laisse l’Éducation sentimentale (1869) : Madame Bovary prenait une grandeur tragique par les convulsions passionnées, et par la mort de l’héroïne. […] Car toutes les branches de la famille des Rougon-Macquart poussent de tous côtés, à toutes hauteurs, et la série ne me donne pas même cette impression générale que produit la Comédie humaine de Balzac : les récits divergents ne concourent pas à former en moi l’idée d’un vaste ensemble social, où les diverses parties se tiennent et se raccordent. […] Ils ont créé vraiment le style impressionniste : un style très artistique, qui sacrifie la grammaire à l’impression, qui, par la suppression de tous les mots incolores, inexpressifs, que réclamait l’ancienne régularité de la construction grammaticale, par élimination de tout ce qui n’est qu’articulation de la phrase et signe de rapport, ne laisse subsister, juxtaposés dans une sorte de pointillé, que les termes producteurs de sensations. […] Tout ce qui est dans son œuvre impression personnelle et vécue, non pas seulement chose vue, mais chose sentie, ayant fait vibrer son âme douloureusement ou délicieusement, tout cela est excellent : il a été supérieur dans la description de tout ce qui intéressait sa sympathie. […] Il en a l’intensité d’impressions pittoresques, la profondeur de mélancolique désillusion ; mais Loti, au reste, est très personnel et tout moderne.
Il n’y a de réalité que dans nos impressions fugitives et changeantes, et cette réalité même, dès qu’on la touche, s’évanouit. […] Et ce n’est pas tout : le premier échelon aussi doit être subdivisé, et ce n’est pas entre ces deux subdivisions que la distance sera la moins grande ; entre l’impression d’obscurité que ressent le témoin d’une éclipse, et l’affirmation ; il fait noir, que cette impression lui arrache, il est nécessaire de distinguer. […] Aussitôt qu’intervient le langage, je ne dispose plus que d’un nombre fini de termes pour exprimer les nuances en nombre infini que mes impressions pourraient revêtir. Quand je dis : il fait noir, cela exprime bien les impressions que j’éprouve en assistant à une éclipse ; mais dans l’obscurité même, on pourrait imaginer une foule de nuances, et si au lieu de celle qui s’est réalisée effectivement, c’eût été une nuance peu différente qui se fût produite, j’aurais cependant encore énoncé cet autre fait en disant : il fait noir. […] Et alors, si nous ne poussons pas si loin la bizarrerie, si nous n’introduisons que des êtres fictifs ayant des sens analogues aux nôtres et sensibles aux mêmes impressions, et d’autre part admettant les principes de notre logique, nous pourrons conclure alors que leur langage, quelque différent du nôtre qu’il puisse être, serait toujours susceptible d’être traduit.
On le dit, mais ce n’est pas lui qui nous l’apprend : jamais homme, jamais voyageur ne fut plus sobre et plus discret sur ses propres impressions que Volney. […] Nous avons vu, depuis, les inconvénients de la manière opposée, le débordement des couleurs à tout propos, et le déluge des impressions personnelles. […] Il est plus favorable à la Syrie et se déride quelquefois en nous en parlant : c’est par la Syrie qu’il entre davantage dans l’esprit de l’Orient, et que, devenu maître de la langue, il reçoit son impression tout entière : il parle du désert et des Bédouins avec quelque chose de plus senti que d’habitude, bien que de sobre également et d’inflexible. […] De même, quand il considère la nature, il ne se desserre point le cœur, il ne s’ouvre jamais avec plénitude à l’impression tranquille et sereine de ses grandeurs et de ses beautés. […] Quelle différence d’impression morale, au milieu d’une précision scientifique semblable ou même supérieure !
Rien de semblable dans l’impression « fin de siècle ». […] La simultanéité des impressions est par conséquent une cause d’association d’idées. […] Mais il a très bien l’impression que ce rapport est inconcevable et inexplicable. […] Le mot doit remplacer pour nous des impressions sensorielles immédiates. […] La conscience transposait ainsi une impression des nerfs cutanés, qui, comme telle, n’avait pas été perçue, en une impression de la rétine, du nerf optique.
Résumer les impressions de M. […] Je n’ai que des impressions sur des impressions.
Nous n’admettons pas que tant de sensibilités, d’intelligences et d’expériences diverses, réunies sans concert préalable dans une commune impression, ne soient pas de plus sûrs garants du possible et du réel que le génie particulier d’un homme. […] En effet, indifférents à la vérité de ces choses extérieures dont la fausseté les eût révoltés, les spectateurs se livraient tout entiers aux impressions du drame psychologique que développait le poète. […] La science des artistes s’est étendue, l’intelligence du public s’est raffinée ; les uns cherchent à susciter, l’autre aime à ressentir des impressions plus complexes, qui doivent se fondre sans se confondre, et laisser subsister l’unité esthétique de l’œuvre. […] Pour la vérité et pour l’agrément, il faut que l’ouvrage soit composé : et tout le développement, ses dimensions, ses proportions, le rapport des parties sont nécessités par le sujet que l’on traite et par l’impression qu’on veut produire. […] Nous disons crûment les choses, on y conduisait autrefois la pensée avec des ménagements infinis : elles n’étaient pas moins exprimées et senties, mais l’impression caractéristique de la chose traînait avec elle tout un cortège de délicates jouissances, qui naissaient du rapport de l’expression à l’esprit auquel elle s’adaptait.
Sa voix, sans doute, n’a pas la puissance souhaitable, mais il n’en arrive pas moins à produire des impressions saisissantes : le monologue du premier acte, le chant du Printemps, l’arrachement de l’épée ont remué tout le public. […] Une fois en face du drame, le spectateur doit se laisser aller aux différentes impressions qu’il reçoit ; il doit être simplement l’esclave de ses sens, de ce que Wagner appelle « Gefühle », avec qui l’œuvre d’art doit être en communication immédiate. Ces différentes impressions passent par les sens et arrivent au cerveau : c’est la que s’opère ce que le maître a appelé la « Gefühlswerdung des Verstandes », c’est-à-dire l’intelligence sensuelle de l’œuvre. […] Il semble que notre organisme perd pied, pour ainsi dire, dans ce vide, dans cette détente qui lui est imposée ; il en résulte une sorte de gêne, à la fois une tendance à nous reculer vers le plus profond de nous-même, et une impulsion à saisir avec avidité les premières impressions qui se présenteront. […] Puis les rideaux s’écartent et les impressions matérielles objectives nous frappent en plein regard ; jusqu’à la fin, l’œil et l’oreille convergeront sous l’action dramatique doublement révélée, et s’adressant à nos sens de façon à s’approprier le maximum de pénétration de l’un et de l’autre.
Et ce n’est pas seulement à l’école ou au lycée, quand on fait ses devoirs par obligation, qu’on ne trouve rien à dire : plus tard, dans le inonde, on aime à causer, on veut écrire à de chers amis, on fait le projet de noter ses impressions dans un journal intime. […] À peine réussit-on à faire la table des matières de ses impressions.
Il est clair qu’elle ne pénètre pas dans un esprit vierge de toute impression similaire. […] Mais ce n’est là qu’une impression générale due au premier aspect. […] C’est donc de l’attitude de la figuration que dépend l’impression que recevra le public. […] Cependant la lecture me donnait une impression tout autre. […] En outre, la recherche de l’impression réelle avait d’avance annihilé tout l’effort artistique des comédiens.
Le haut-le-cœur de son naturalisme l’a jeté au mysticisme ; mais on a cette impression qu’il demeure le même homme. […] À ne considérer (s’il se peut) que la forme, j’ai eu l’impression que sa parole, directe, énergique, vibrante — merveilleusement claire — luttait sans désavantage contre l’énorme flot, épandu en nappe, de l’éloquence de M. […] Ses livres, construits sur des impressions notées (les fameux « carnets »), participent encore quelquefois du décousu de ces impressions, en même temps qu’ils en conservent l’incomparable vivacité. — Ses personnages ne nous sont présentés que dans les moments où ils agissent ; et il n’est pas un de leurs sentiments qui ne soit accompagné d’un geste, d’un air de visage, commenté par une attitude, une silhouette. […] L’impression, vers la fin, en était presque trop forte, et comme lancinante. […] Rien de vague ni de nuageux dans les impressions de Bernadette.
Ce ne serait pas même rendre justice à la nature ; elle fond d’un seul jet l’âme et le corps, et elle ne permet pas qu’on les sépare, sans mutiler l’impression qu’elle veut produire en nous par les chefs-d’œuvre de sa création. […] Terni est le pèlerinage du génie ; le poète y laisse en ex-voto des vers sublimes, et il en rapporte une impression des puissances et des grâces de la nature, qui gronde aussi éternellement dans son âme que le Vellino gronde dans son abîme. […] Ce profil se dessinait en lumière sur le bleu du ciel et sur le vert des eaux ; la fierté y luttait dans un admirable équilibre avec la sensibilité ; le front était mâle, la bouche féminine ; cette bouche portait, sur des lèvres très-mobiles, l’impression de la mélancolie. […] Elle m’avait laissé une gracieuse et sublime impression. […] Cette première impression me resta toujours ; elle était pour moi sur un piédestal, isolée dans son génie ; je la regardais d’en bas, il faut regarder d’en haut ce qu’on aime.
Le fond, c’est bien moins des lettres et des impressions personnelles comme celles que l’on trouve dans des lettres, qu’une suite de contes, enlevés avec une légèreté de main et une vivacité de coloris dans cette manière sensible et profonde qui est celle de Daudet ; car Daudet a sa manière à lui, qu’on ne peut confondre avec celle de personne. […] mais dans l’accent, — c’est la profondeur d’impression qui me frappe surtout dans ces lettres écrites d’un moulin, ces lettres d’une fantaisie qui tourne, tourne comme ses ailes ; c’est cette profondeur d’impression qui me frappe plus que tout. […] Mais je demande pourtant que dans un livre qui a deux volumes l’impression s’interrompe un instant, si elle est douloureuse. […] La gaîté, la bonne foi dans l’impression, l’enfance du cœur, y éteignent l’ironie. […] Mais il faut bien le dire, il résulte de tout cela une grande impression, plus grande que l’œuvre qui la donne, — et si grande qu’elle domine la littérature, et que pour aujourd’hui elle nous la fait oublier !
À ces impressions, personnelles et intimes, le poëte a marié, par une analogie symbolique, l’état du siècle lui-même qui nage dans une espèce de crépuscule aussi, crépuscule qui n’est peut-être pas celui du soir comme pour l’individu, car l’humanité a plus d’une jeunesse. […] L’impression que cause cette pièce me semble tout à fait musicale ; plus on la relit, plus on s’en pénètre. […] Qu’on me démontre, tant qu’on le voudra, l’exactitude de la comparaison, et l’harmonie coulant le long des tuyaux, comme ferait l’eau d’une éponge dans un lavage général de l’orgue, l’impression que j’en éprouve est déplaisante, désobligeante ; et, loin de l’augmenter, elle amoindrit tout l’effet des beaux vers précédents, effet déjà compromis par ce doigt qui se crispe et s’allonge. […] Il n’a pas vu que l’impression de tous serait qu’un objet respecté eût été mieux honoré et loué par une omission entière.
Et de même dans Racine, mélodieux plutôt qu’harmonieux, flattant l’oreille par le nombre savamment observé et ingénieusement inventé, plutôt que peignant par les sons, cependant on trouve, sans bien chercher, des vers sonores dont les sonorités ont un sens, donnant une impression de grandeur, de triomphe ou d’immense désolation : Lorsque de notre Crète il traversa les flots, Digne sujet des vœux des filles de Minos, …. […] L’impression d’ensemble se fera plus tard de tous ces éléments d’impression fondus ensemble. […] Je ne sais pas trop pourquoi, à vrai dire, mais peut-être parce que le papier et l’impression d’un volume du XVIIe siècle suggèrent de couper l’alexandrin à l’hémistiche, je ne lis jamais la prière d’Esther sans scander ainsi : Ô mon souverain roi, Me voici donc tremblante, | et seule devant toi.
C’est un texte spirituellement, vivement illustré à chaque page, avec un mélange de grotesque et de vérité ; voilà bien de sincères impressions de voyage. […] J’y vois une sorte de protestation modeste et de reprise en action contre les trop spirituelles impressions de voyage et les enjambées de nos grands auteurs, par quelqu’un du terroir, et qui, ayant beaucoup laissé dire, se décide à son tour à raconter. […] La Peur est un récit minutieux et dramatique d’une impression d’enfance. […] Quelques années après encore, vers l’âge de douze ans, sorti de la ville au hasard, sous l’impression d’un chagrin violent et un peu burlesque, d’un précoce dépit amoureux, il se retrouve le soir, seul, dans le même endroit de mystère. […] Ils se racontent leurs impressions, chacun de leur côté, durant un orage.
Mon père y apportait cette franchise brève et sobre de pensées et d’impressions qui caractérisaient son âme et son esprit ; M. de Vaudran, des connaissances nettes et intarissables ; le jeune vicaire, la modestie et cependant l’ardeur de son âge. […] On conçoit quelle vive impression de la littérature de pareilles scènes, de pareils sites, de telles lectures et de tels entretiens devaient donner à l’esprit d’un enfant. […] » Cette scène fit une impression magique sur ma jeune imagination. […] L’impression littéraire était produite pour jamais en moi ; il suffit. […] Tout devint littéraire à mes yeux, même ma propre vie, qui se répercutait, avec ses impressions, ses piétés, ses affections, ses joies ou ses douleurs, dans mes vers.
Nous n’avons pas cette impression à un drame. […] Vivre, c’est n’accepter des objets que l’impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s’obscurcir ou ne nous arriver que confusément. […] Nous avons cette impression au sortir d’un beau drame. […] Nulle part cette impression n’était plus sensible que dans nos derniers exemples. […] L’absurdité comique nous donne donc d’abord l’impression d’un jeu d’idées.
— Une impression morale très-pénible, ç'a été celle qu’a produite la note insérée au Moniteur et dans laquelle le roi Louis-Philippe, non content de ses millions, en redemande d’autres et raconte ses secrets de ménage, ses gênes domestiques. L'impression qu’une pareille absence de dignité et d’élévation produit en France, même sur les amis du trône, est au-delà de tout ; il y a là une méconnaissance complète de l’esprit national, un oubli singulier du dégoût que l’on cause.
Ce n’est donc pas par un simple effet du dehors sur nos organes sensoriels, mais par la constitution physiologique de notre cerveau et de notre système musculaire, que nous nous mouvons dans un seul sens à la fois et que notre cerveau n’admet ni impressions contradictoires ni réactions contradictoires. […] Supposons donc, dans cette nature soumise à un ordre intelligible, un être qui n’aurait pas cherché de raisons et d’antécédents à ses souffrances, à ses plaisirs, ou qui aurait réagi d’une manière différente sous des impressions semblables, d’une manière semblable sous des impressions différentes, tantôt fuyant son ennemi, tantôt se jetant dans sa gueule ; un être, en un mot, qui aurait voulu ou pensé comme si la nature n’avait point de règle intelligible : un tel être, n’étant pas viable, aurait disparu avec sa race de l’univers. […] Que répondrions-nous si on appliquait au cerveau une doctrine analogue et si on disait : ce n’est pas parce que le cerveau est lui-même doué d’impénétrabilité qu’il fournit au contact l’impression de la résistance ; c’est parce que les objets externes qui agissent sur lui sont impénétrables. […] Chaque impression, dans la conscience, s’associe nécessairement avec les idées d’impressions semblables, en vertu de l’identité du siège cérébral, et elle se différencie nécessairement des impressions différentes, en vertu de la différence même du siège cérébral. […] L’action interne du vouloir n’est pas une simple « séquence entre deux impressions » ; elle est une impression originale ; ou plutôt, elle n’a plus le caractère d’une impression, d’une réceptivité, comme cela a lieu dans la sensation proprement dite ; elle n’est plus une présentation de quelque objet, et par conséquent elle ne peut plus être elle-même représentée ; mais elle est une conscience immédiate d’agir qui n’a pas besoin d’être représentée pour exister : étant subjective, étant le subjectif même, elle ne peut s’objectiver ni s’extérioriser.
L’accent qui insiste, qui souligne, pour ainsi dire, en lisant ; quelques remarques courantes, et comme marginales, qui se glissent dans la lecture, et s’en distinguent par un autre ton ; quelques rapprochements indiqués comme du doigt, suffiront pour mettre l’auditeur à même de bien saisir la veine principale et de se former une impression. […] Le grand art est de les ménager, de ne point prétendre leur dicter à l’avance les impressions qui doivent résulter simplement de ce qu’on leur présente. […] Souvestre a pris, de plus, le soin d’y noter l’effet que les divers morceaux ont paru produire sur l’auditoire ; on a là une sorte d’échelle dans les impressions populaires, qui ne laisse pas d’être instructive et curieuse. […] Une parfaite bienséance règne dans la salle avant l’arrivée du lecteur : dès qu’il est arrivé, le plus profond silence s’établit, et les moindres impressions se peignent, soit par un silence encore plus attentif, soit par un frémissement très sensible, comme dans les auditoires les plus exercés. […] Je ne pousserai pas plus loin cette échelle comparative d’impressions.
Nombre de lettres à sa mère, à ses amis de France, sont datées de là et nous rendent fidèlement ses impressions. […] Je ne pouvais me détacher de ce spectacle ; j’aurais voulu graver cette impression dans ma mémoire et la rendre éternelle. […] Gandar s’en tenait volontiers à des impressions et à des résultats purement littéraires : « L’École française jusqu’à ce jour, écrivait-il à M. […] Après quelques considérations préliminaires sur Shakespeare et la Normandie, et une biographie de Shakespeare où j’espère avoir mis quelque vie par mes impressions personnelles, j’ai abordé l’examen des œuvres du poète. […] Quand cet article fut lu, avant l’impression, devant le Bureau du Journal des Savants, comme c’est l’usage, ce rapprochement de Gandar à Sarcey étonna un peu.
On pourrait s’imaginer que l’impression reçue, au lieu de s’épanouir en mouvements encore, se spiritualise en connaissance. […] Mais la vérité est que le caractère de mouvements extérieurement identiques est intérieurement modifié, selon qu’ils donnent la réplique à une impression visuelle, tactile ou auditive. […] Ni la vue ni le toucher n’arrivent tout de suite à localiser leurs impressions. Une série de rapprochements et d’inductions est nécessaire, par lesquels nous coordonnons peu à peu nos impressions les unes aux autres. […] On se donne d’ordinaire des sensations élémentaires, correspondant aux impressions reçues par les cônes et bâtonnets de la rétine.
Des réflexions morales se mêlent à leur poésie descriptive ; on croit apercevoir des regrets et des souvenirs dans tout ce que les poètes écrivaient alors ; et c’est sans doute par cette raison qu’ils réveillent plus que les Grecs une impression sensible dans notre âme. […] Quelle impression ne produit-elle pas, cette langue créée pour la force et la raison, alors qu’on la consacre à l’expression de la tendresse ! […] C’est l’homme tel qu’on le voit, tel qu’il se montre ; ce sont les fortes couleurs, les beaux contrastes du vice et de la vertu ; mais on ne trouve dans l’histoire ancienne, ni l’analyse philosophique des impressions morales, ni l’observation approfondie des caractères, ni les symptômes inaperçus des affections de l’âme.
Quand Rousseau a peint les premières impressions de la statue de Pigmalion, avant de lui faire goûter le bonheur d’aimer, il lui a fait trouver une vraie jouissance dans la sensation du moi. […] Sans doute, l’impression de la douleur est absolue pour celui qui l’éprouve, et chacun la ressent d’après soi seul. […] L’homme donc qui se livre, sans projet, à ses impressions, reçoit par l’exercice des facultés intellectuelles un plus vif espoir de l’immortalité de l’âme.
Première impression : elles portent, je ne sais comment, mais pleinement et avec évidence, la marque d’aujourd’hui. […] C’est comme une convention allégeante et salutaire que l’écrivain nous demande d’admettre un instant. « Il n’y a rien… absolument rien… La douleur même est un pur néant quand elle est passée… L’univers n’existe que pour nous permettre de le railler par des assemblages singuliers de mots et d’images… » Voilà ce que nous admettons implicitement lorsque nous lisons une page de Grosclaude ; et de là cette impression de déliement, de détachement heureux, que nous font souvent éprouver ses facéties les plus macabres. […] N’a-t-on point cette impression que l’auteur ne pouvait pas ne pas les faire, et que cependant nous ne les aurions point trouvés ?
J’ai un masque qui trompe l’artiste, soit qu’il y ait trop de choses fondues ensemble, soit que les impressions de mon âme se succédant très-rapidement et se peignant toutes sur mon visage, l’œil du peintre ne me retrouvant pas le même d’un instant à l’autre, sa tâche devienne beaucoup plus difficile qu’il ne la croyait. […] Pourquoi le récit de ces actions nous saisissent-elles l’âme subitement, de la manière la plus forte et la moins réfléchie, et pourquoi laissons-nous apercevoir aux autres toute l’impression que nous en recevons ? […] Au reste, le philosophe a raison de se moquer du sens moral des métaphysiciens anglais ; mais il n’explique pas pour cela la manière dont se fait sur nos organes l’impression d’une belle action.
Préface Ce journal est notre confession de chaque soir : la confession de deux vies inséparées dans le plaisir, le labeur, la peine, de deux pensées jumelles, de deux esprits recevant du contact des hommes et des choses des impressions si semblables, si identiques, si homogènes, que cette confession peut être considérée comme l’expansion d’un seul moi et d’un seul je. […] Daudet prenait plaisir à la lecture, s’échauffait sur l’intérêt des choses racontées sous le coup de l’impression, me sollicitait d’en publier des fragments, mettait une douce violence à emporter ma volonté, en parlait à notre ami commun, Francis Magnard, qui avait l’aimable idée de les publier dans Le Figaro.
Préface de la première édition (1887)34 Ce journal est notre confession de chaque soir : la confession de deux vies inséparées dans le plaisir, le labeur, la peine, de deux pensées jumelles, de deux esprits recevant du contact des hommes et des choses des impressions si semblables, si identiques, si homogènes, que cette confession peut être considérée comme l’expansion d’un seul moi et d’un seul je. […] Daudet prenait plaisir à la lecture, s’échauffait sur l’intérêt des choses racontées sous le coup de l’impression, me sollicitait d’en publier des fragments, mettait une douce violence à emporter ma volonté, en parlait à notre ami commun, Francis Magnard, qui avait l’aimable idée de les publier dans le Figaro.
La prose a eu la terre et tout ce qui s’y rapporte ; la poésie a eu le ciel et tout ce qui dépasse, dans l’impression des choses terrestres, l’humanité. […] Donc, à une impression transcendante un mode transcendant d’exprimer cette impression. […] Ce qui est poésie dans la nature physique ou morale, et ce qui n’est pas poésie, se fait reconnaître à des caractères que l’homme ne saurait définir avec précision, mais qu’il sent au premier regard et à la première impression, si la nature l’a fait poète ou simplement poétique. […] J’y vois bien la richesse, j’y vois bien l’utile ; mais le beau, mais l’impression, mais le sentiment, mais l’enthousiasme, où sont-ils ? […] Ce mouvement et cette instabilité produisent en nous une première impression de plaisir ou de terreur. — Émotion !
L’impression est d’autant plus vive qu’elle est plus prolongée. […] Ces simples paroles sont éloquentes et peignent l’impression que cause l’aspect monotone de ces régions solitaires. » Il y a plus, et la philosophie de Humboldt ne donne point le dernier mot de l’énigme. […] Un voyageur allemand, Burmeister, a dit que la contemplation d’une forêt brésilienne avait produit sur lui une impression pénible, tant la végétation semblait déployer un esprit d’égoïsme farouche, de rivalité furieuse, d’astuce. […] C’est sa façon de s’y prendre qui est particulière et qui cause une impression désagréable. […] Les forêts intertropicales produisent sur l’âme, comme l’avait déjà fait observer Humboldt, une impression analogue à celle de l’Océan.
Le xviie siècle fit sur ce pays la même impression que par toute l’Europe : il y eut soumission, adhésion absolue et hommage. […] S’il fallait chercher quelque représentant de la poésie du pays de Vaud, de cette poésie que Rousseau a vue dans les lieux, et qu’il a contestée aux habitants ; que quelques-uns, que plusieurs nourrissent pourtant avec culte ; il faudrait se tourner à côté, vers cette jeunesse de Lausanne qui s’essaye encore, feuilleter ce recueil des Deux Voix dans lequel je puis désigner la pièce du Sapin, entre autres, comme franche impression des hautes cimes ; s’adresser à la conversation de quelques hommes, comme M. le pasteur Manuel, qui se sont plus dirigés à l’étude qu’à la production, et qui, pieux et modérés, savent et sentent, en face de leur lac et de leurs montagnes, toute vraie poésie depuis les chœurs de Sophocle jusqu’aux pages de Mme de Staël23. […] L’impression (et je ne parle d’abord que de l’impression humaine, philosophique et littéraire) qu’on en retire est celle de quelque chose d’aimable, de modéré, de sensé et d’accessible ; tout y est simple, sans un ornement ni une digression de luxe, et allant droit au but. […] L’impression, même simplement intellectuelle et sensible, qu’on en tire, au lieu de s’égarer volontiers à l’admiration, à la spéculation, est déjà voisine de la pratique. Mais c’est à produire, à solliciter une impression entière et efficace qu’ils sont destinés ; et aussi n’en parlons-nous qu’avec rapidité et une sorte de crainte sous un point de vue autre.
L’abbé Prévost On a comparé souvent l’impression mélancolique que produisent sur nous les bibliothèques, où sont entassés les travaux de tant de générations défuntes, à l’effet d’un cimetière peuplé de tombes. […] La médiocrité, non plus, n’est guère propre à faire naître en nous un sentiment d’espèce si délicate ; l’impression qu’elle cause n’a rien que de stérile, et ressemble à de la fatigue ou à de la pitié. […] Il y touche cet état moral de son âme en traits ingénus et suaves qui marquent assez qu’il n’est pas guéri : « Je connois la foiblesse de mon cœur, et je sens de quelle importance il est pour son repos de ne point m’appliquer à des sciences stériles qui le laisseraient dans la sécheresse et dans la langueur ; il faut, si je veux être heureux dans la religion, que je conserve dans toute sa force l’impression de grâce qui m’y a amené ; il faut que je veille sans cesse à éloigner tout ce qui pourroit l’affoiblir. […] Il conserva toute sa vie un tendre penchant pour ses premiers maîtres, et les impressions qu’il avait reçues d’eux ne le quitteront jamais. […] En général, ces personnages sont oublieux, mobiles, adonnés à leurs impressions et d’un laisser-aller qui par instants fait sourire ; l’amour leur naît subitement d’un clin d’œil comme chez des oisifs et des âmes inoccupées ; ils ont des songes merveilleux ; ils donnent ou reçoivent des coups d’épée avec une incroyable promptitude ; ils guérissent par des poudres et des huiles secrètes ; ils s’évanouissent et renaissent rapidement à chaque accès de douleur ou de joie.
Les Dialogues sur l’Éloquence et la Lettre à l’Académie : la critique d’impression. […] Il propose à l’Académie de faire une grammaire, une rhétorique, une poétique, des traités sur la tragédie, la comédie, l’histoire ; et à ce propos il dit ses idées, ses impressions, son goût sur les genres et sur les œuvres. […] Toute sa lettre concluait pour lui : partout il y citait les anciens pour les louer, les modernes pour les critiquer ; d’un bout à l’autre, elle exprimait l’impression de la supériorité des anciens. […] Fénelon admire les anciens : mais il ne fonde pas son admiration sur des règles absolues et évidentes ; il nous donne des impressions plutôt qu’il ne formule des règles ; c’est son sens individuel qui admire les anciens. […] Cette partie de l’œuvre de Fénelon est identique, en son fond, au Génie du Christianisme : mais Fénelon n’a pas la langue pittoresque, les impressions particulières qui ont fait la puissance de Chateaubriand460.
Les lettres de Guérin à ses amis servent à compléter les impressions notées dans son journal durant ce temps, et quelques-unes des pages de ce journal ne sont elles-mêmes que des passages de ses lettres qui lui semblaient mériter d’être transcrits avant de s’échapper. […] J’étais là sous l’impression de la présence de Dieu et dans cet état de l’âme où l’on n’a plus conscience que de Dieu et de soi-même, lorsqu’une voix s’est élevée. […] Cette fusion des impressions calmes de la nature avec les rêveries orageuses du cœur, engendra une disposition d’âme que je voudrais retenir longtemps, car elle est des plus désirables pour un rêveur inquiet comme moi. […] Faites qu’en la traversant je sois sourd au bruit, inaccessible à ces impressions qui m’accablent quand je passe parmi la foule ; et pour cela mettez devant mes yeux une image, une vision des choses que j’aime, un champ, un vallon, une lande, le Cayla, le Val, quelque chose de la nature. […] Il fut en partie infidèle à la fraîcheur de ses impressions adolescentes ; mais, comme tous les infidèles qui ne le sont pas trop, il ne s’en épanouit que mieux.
Bernardin était un peintre qui se disait un ignorant en se croyant mieux informé que les savants, et dont toute la théorie ne devait aboutir qu’à se décrire à lui-même en mille façons variées ses impressions naturelles. […] Dans la composition de ce premier paysage, placé à l’embouchure d’un fleuve, dans une île, voulant y introduire une impression morale, il y suppose un tombeau, et d’abord il y met le tombeau qui était alors classique et de rigueur, celui de Jean-Jacques Rousseau. Puis rejetant ou corrigeant cette première idée : Voulez-vous, dit-il, augmenter l’impression de ce tableau sans toutefois en dénaturer le sujet ? […] Relisons donc pour toute analyse Paul et Virginie, et, si nous voulons mieux en sentir le prix, essayons de relire, aussitôt après, Atala : il y a dans l’impression comparée qui en résultera toute une leçon de rhétorique naturelle. […] Les curieux qui ne s’en tiendraient pas à cette impression de M. de Féletz peuvent voir ce qui est dit dans la Gazette de France du 26 novembre, et dans le Journal de Paris du 25.
L’étude des belles lettres, qui l’occupait d’abord et où il excellait, se subordonna d’elle-même dans sa pensée dès qu’il eut jeté les yeux sur la Bible, ce qui lui arriva dans son année de seconde ou de rhétorique : ce moment où il rencontra et lut pour la première fois une Bible latine, et l’impression de joie et de lumière qu’il en ressentit, lui restèrent toujours présents, et il en parlait encore dans ses derniers jours ; il en fut comme révélé à lui-même ; il devint l’enfant et bientôt l’homme de l’Écriture et de la parole sainte. […] Enfin monté en chaire, et dans la prononciation, il suivait l’impression de sa parole sur son auditoire, et soudain, effaçant volontairement de son esprit ce qu’il avait médité, attaché à sa pensée présente, il poussait le mouvement par lequel il voyait sur le visage les cœurs ébranlés ou attendris. […] La vraie critique, à son égard, ramène à cette conclusion, à cette consécration, et, après plus d’un circuit et d’un long tour, elle aboutit au même point que l’admiration la moins méditée. — Je n’ai rendu aujourd’hui que l’impression générale que laisse la lecture des mémoires de l’abbé Le Dieu ; il me reste à parler de son journal, qui donne une impression moins nette, moins agréable, mais qui en définitive ne permet pas de tirer un jugement différent, C’est ce qu’il n’est pas inutile de montrer.
Il ressentit d’abord, en y arrivant, une grande impression de solitude ; le bruit et la vanité qui, jusque dans la maladie, continuent de faire la vie apparente de ces grands rendez-vous, l’offusquaient ; il avait, si l’on ose le dire, quelques préventions un peu exagérées contre ce qu’il appelait notre beau monde ; nature genuine, comme disent les Anglais, il avait avant tout horreur du factice ; mais il ne tarda pas à s’y lier d’un commerce en tout convenable à son caractère et à son esprit avec quelques personnes qui lui prodiguèrent un intérêt affectueux, et particulièrement avec M. […] Dès cette époque, le journal où il consignait les détails relatifs à ses affaires privées se remplit de pensées personnelles, qui permettraient de suivre l’enchaînement de ses impressions, de ses alarmes, de ses espérances, de ses consolations aussi. […] On peut dire de lui ce que l’auteur a dit de certains dessinateurs d’après nature, qu’il réussit à exprimer ses vues et ses impressions « sinon habilement, du moins avec une naïveté sentie, avec une gaucherie fidèle. » L’habileté est de la part de l’auteur qui se cache si bien derrière. […] Il restera encore à publier quelques-unes de celles d’auparavant, qu’il avait également disposées pour l’impression.
Il ne me reste qu’à noter quelques impressions, un peu à l’aventure, en feuilletant cette séduisante anthologie féminine. I La première impression, c’est que presque toutes ces femmes sont charmantes ou drôles, et de figures extrêmement variées. […] C’est une chose unique et précieuse, dans sa monotonie et quelquefois dans sa puérilité dévote, que ce Journal d’Eugénie de Guérin, ces impressions innocentes d’une jeune fille pauvre et noble, pieuse, résignée, vivant presque d’une vie de paysanne dans un hameau perdu. […] Or, pour arriver à la perfection du style poétique et plastique, il est peut-être nécessaire de n’être point ému en écrivant, de considérer uniquement la valeur musicale et picturale du langage et, en face des objets matériels, de s’arrêter à l’impression qu’on a tout d’abord reçue d’eux, à la sensation première et directe, ou d’y revenir artificiellement afin de n’exprimer qu’elle.
. — La sensation de l’âme est distincte de l’impression de l’organe. — L’âme est une substance immatérielle, inétendue, simple, spirituelle. […] Laromiguière croit que l’impression ou sentiment confus et involontaire qu’on éprouve lorsqu’on voit un objet, diffère de l’idée ou sentiment distinct et volontaire qu’on produit lorsqu’on regarde cet objet1. […] Outre les sensations qui sont déterminées par les impressions des organes et qu’avait décrites Condillac, il nota les modifications ou sentiments que nous éprouvons à l’occasion de l’action de nos facultés2, à l’occasion de deux idées présentes à la fois et comparables3, à l’occasion d’une action qui nous paraît produite par un agent libre4. […] Mettez un badaud ancien mercier et un archéologue un peu artiste devant Saint-Germain des Prés : comparez les deux physionomies : le premier a l’impression ; le second, l’idée.
Ayant eu entre les mains, vers 1730, le journal de Dangeau, il revit jour par jour la vie du grand roi et de la cour ; tous ses souvenirs, ses froissements, ses haines d’autrefois, remontèrent à sa mémoire, échauffèrent son imagination ; la sécheresse, la courtisanerie de Dangeau le dégoûtèrent ; et il se mit à l’annoter, mettant sous chaque fait, sous chaque nom, tout ce que sa lecture avait remué en lui d’anciennes impressions. […] Ses impressions se modifient, il revient au modèle, il s’y attaque avec une nouvelle rage, pour le fixer dans son état actuel, qui bientôt ne sera plus. […] Son récit est grouillant de vie, et l’impression a cette netteté qu’un art supérieur peut seul donner.
Une construction très solide, qui fait ressortir la thèse, qui dresse les situations comme des arguments et nécessite le dénouement par une pressante logique, un dialogue éclatant d’esprit, trop ingénieux parfois et trop pétillant, mais d’une singulière précision dramatique, d’incroyables tours d’adresse pour éviter les difficultés en paraissant les aborder de front, autant de romanesque qu’il en faut pour amorcer ou désarmer le public, des brutalités voulues et mesurées, et, par un contraste piquant, les plus rigides conclusions préparées par les plus scabreuses situations ; au milieu de tout cela, des coins de scènes qui donnent la sensation immédiate de la vie, des parties de caractères, qui éclairent fortement certaines profondeurs de l’âme contemporaine : voilà l’impression mêlée et puissante que donnent les comédies de M. […] Il y a quelques œuvres surtout, où les caractères semblent vidés de toute réalité, à l’état de purs symboles : toute la Femme de Claude, et le principal rôle de l’Étrangère nous laissent l’impression de dessins apocalyptiques sous lesquels il ne faut chercher que des idées. […] Lemaître, Impressions de théâtre, 7 vol. in-18.
C’est qu’Émile Verhaeren a le don d’incruster sa pensée, il crée dans l’âme un monde d’impressions étranges dont l’esprit se ressouvient avec une netteté jamais atténuée ; elles s’imposent, revivent ainsi que des flammes soudaines ou bien encore font dévier vos sensations originales. […] Les Soirs, en leur variété tumultueuse ou morne, laissent la même forte et magistrale impression. […] En 1883, il publia les Flamandes, pages où sont recueillies les impressions de la terre natale, puis contribua, par de saines études dans l’Art moderne, la Jeune Belgique, la Société nouvelle, la Wallonie, à la renaissance des lettres belges.
… Voyageur à travers les musées et les ateliers, il venait raconter ses impressions de voyage à la Revue des Deux Mondes, comme d’autres y revenaient du Groenland ou de Nubie raconter les leurs. Individualité pédante, qui n’a que l’empirisme de la science, qui raconte ses impressions comme si c’était la règle suprême de la beauté, et qui les raconte sans légèreté, sans bonhomie et sans grâce ! […] … S’élèvent-ils, dans leur jugement des choses littéraires, au-dessus des impressions plus ou moins piquantes de quelque individualité qui chante son air comme sur un théâtre, et qui s’en va, en faisant gros dos, quand l’air est chanté ?
… La critique ne va jamais qu’à définir l’impression que fait sur nous à un moment donné telle œuvre d’art où l’écrivain a lui-même noté l’impression qu’il recevait du monde à une certaine heure. » Impression ! […] C’est que son impression a changé ; voilà tout. […] Rien que des impressions personnelles. […] Impressions de théâtre, 2e série, p. 203. […] Impressions de théâtre, 1re série, p. 241.
Ce qu’il faut, c’est que les impressions qui nous viennent de la campagne se mêlent avec les impressions délicieuses qu’apporte à l’âme toute neuve l’éveil de la vie. […] À ces impressions d’enfance, ajoutez les impressions de la vie de famille. […] Il y manque que cette impression ait été achevée, parfaite par le temps. […] Tous ceux qui l’ont connu dans les premières années en ont rapporté cette impression. […] L’impression que lui avaient faite ces conversations familiales s’était augmentée par les lectures.