J’aperçois le soleil ; quelle en est la figure ? […] Vous avez enfin, dans le même ordre d’idées et dans la même catégorie de fables philosophiques, comme je les intitulerais si toutes les fables de La Fontaine n’étaient pas des fables philosophiques, vous avez enfin le fameux Discours à Mme de La Sablière, dont je vous donnerai seulement un petit aperçu pour la très bonne raison que vous le connaissez et qu’il s’agit seulement de vous montrer, par un exemple, comment La Fontaine raisonne et fait œuvre de dialecticien dans ses fables, ou plutôt dans ses discours philosophiques. […] Je citerai Nisard, qui, il faut lui en faire honneur, s’est aperçu, pour ce qui est des contemporains, d’une chose très vraie : c’est qu’un grand poète contemporain, Alfred de Musset, rappelait souvent La Fontaine et lui ressemblait.
On fait route non sans accidents merveilleux ; car, un soir, le vaisseau se trouve en vue d’une terre ou d’une île qui était, ce semble, aux Sarrasins, et, après avoir marché ou cru marcher toute la nuit, le lendemain on reconnaît qu’on n’a fait aucun chemin, et qu’on est encore en vue de la même terre ; cela se renouvelle par deux ou trois fois : on s’estime fort en danger d’être aperçu et pris. […] Quand il fut jour ou à la clarté des cierges, chacun aperçut sur l’épaule de son voisin une croix en belle broderie d’or ; et celui qui la remarquait sur autrui avait également la sienne.
On se retire du monde, mais on est bien aise que le monde le sache ; et, s’il ne le devait pas savoir, je doute qu’on eût le courage et la force de s’en retirer… On ne se soucie plus de sa beauté (Ici il s’agit des femmes pénitentes, dont quelques-unes l’étaient avec éclat et avec bruit), mais on est entêté de son esprit et de son propre jugement… S’il y a quelque chose de nouveau, c’est à quoi l’on donne et où l’on trouve sa dévotion… Un laïque s’érigera en censeur des prêtres, un séculier en réformateur des religieux, une femme en directrice, … tout cela parce que, sous couleur de piété, on ne s’aperçoit pas qu’on veut dominer… Il semble qu’être sévère dans ses maximes soit un degré pour s’agrandir. […] Quelquefois, à Bâville, on s’apercevait qu’il était sorti du salon et avait quitté la compagnie sans rien dire : il était allé confesser quelque paysan malade des environs.
Beyle n’y est plus cependant sur son terrain ; on l’y sent un peu novice sur cette terre gauloise ; quand il se met à parler antiquités ou art gothique, on s’aperçoit qu’il vient, l’année précédente, de faire un tour de France avec M. […] Pourtant, pour qui sait lire, il y a de jolies choses comme partout avec lui, et des aperçus d’homme d’esprit qui font penser.
Il se forma en grande partie lui-même, si l’on en juge par l’aperçu qu’il a donné de sa première éducation : À la fin de 1709, dit-il, je fus mis au collège avec mon frère. […] Quoique ce ne fût véritablement pas un homme ambitieux que mon père, cependant le diable le berçait sans qu’il s’en aperçût ; il cheminait volontiers sur les voies de faire sans songer à faire, et à mesure que le goût des bagatelles diminue dans de tels esprits, ils vont jusqu’à s’ennuyer de tout ce qui n’est pas chemin de fortune.
Dès que le récit est terminé, la moralité sort et on la déduit ; elle se grave dans l’esprit par l’exemple : car ce que l’homme aperçoit moins quand il s’agit d’hommes ses semblables, et ce qui glisse sur lui, le frappe davantage quand cela se transpose et se réfléchit par allégorie chez des êtres d’une espèce différente. […] On n’aperçoit qu’un peuple de montagnes assises sous la coupole embrasée du ciel : elles sont rangées en amphithéâtre, comme un conseil d’êtres immobiles et éternels.
Voilà le risque que je cours, bien qu’aujourd’hui les voisins ne s’en aperçoivent pas encore. […] Il y voyait beaucoup des dames anglaises, dont l’une, jeune, se mit à l’aimer ; et un jour il s’aperçut avec effroi que lui-même était pris, mais pris comme jamais il ne l’avait été, et comme on ne l’est qu’une fois dans la vie.
On s’était aperçu que l’Église faisait partie du rempart, et chacun alors s’empressait de mettre la main au rempart pour le réparer et le fortifier. […] Paris s’en aperçut peu ; mais ce qui se vit alors dans quelques provinces n’est pas encore oublié : le corps universitaire souffrit et fut découragé dans la personne de plus d’un de ses jeunes membres.
L’inventaire, fait huit mois après sa mort, donne sur cette mère de Molière des aperçus, des détails caractéristiques, et la font entrevoir comme une femme digne d’avoir mis au monde un tel fils. […] Enfin sa critique éclectique, au meilleur sens du mot, fait un choix dans tous les travaux antérieurs et y ajoute non-seulement par la liaison qu’il établit entre eux, mais par des considérations justes et des aperçus fins qui ne sont qu’à lui.
« A quatre pas de là, il aperçut une belle dame et fit un autre signe. […] Et maintenant qu’on sait comment Gavarni entendait le sentiment dans sa jeunesse, lorsqu’on verra ensuite tel de ses dessins, et pour n’en citer qu’un seul, cette aquarelle, par exemple, — véritable élégie, — où une châtelaine penchée au bord d’une terrasse attend impatiemment et semble appeler une lettre, apportée par le messager qui s’avance à pas lents et lourds dans un chemin couvert ; à ce moment de fièvre et de désir où elle croit distinguer le bruit de ses pas sans l’apercevoir encore, et où visiblement elle hâte de ses vœux, de son geste et comme de toute l’attitude de son corps, la marche du bonhomme qui ne se presse guère, on comprendra qu’il ne faisait que rendre là une de ces images de tout temps familières à sa fantaisie et à sa sensibilité gracieuse.
Selon Montesquiou40 qui, non content de tirer tout de son côté, accuse Villars d’incertitude pendant l’opération même, ce maréchal aurait eu l’idée de s’arrêter lorsqu’il apprit de M. de Vieuxpont, à cinq heures du matin, qu’on ne pouvait être à l’Escaut avant huit heures : « Comme il était grand jour, M. le maréchal de Villars crut que, le prince Eugène pouvant voir notre marche, c’était un obstacle invincible à notre entreprise ; en conséquence, il ordonna aux officiers du campement d’arrêter l’armée et de la faire camper où elle se trouvait ; ce qu’ayant appris, j’allai joindre M. le maréchal de Villars, à qui je dis que l’armée des ennemis ne pouvant marcher à Denain qu’à notre vue par la hauteur de Quérénaing, sur laquelle on ne voyait personne, je le priais de vouloir bien toujours marcher sur l’Escaut ; qu’y étant arrivés nous verrions si les ennemis marchaient à Denain ; que si on apercevait leur armée marcher et être à portée de secourir ce poste, nous serions toujours les maîtres de ne point passer l’Escaut et de camper, moyennant quoi il n’y avait nul risque à courir. […] Je lui répétai tout ce qui devait l’en empêcher, après quoi il se rendit en me disant : « Puisque vous êtes d’avis d’attaquer, marchons. » Que Villars ait voulu différer l’attaque jusqu’à ce qu’il fût arrivé et présent de sa personne, c’est possible et c’est naturel ; mais il ne paraît pas qu’après les précautions prises pour assurer son arrière-garde contre un retour du prince Eugène, il ait hésité sur l’attaque du camp ; et comme le marquis d’Albergotti lui proposait de faire des fascines pour combler les retranchements : « Croyez-vous, lui répondit-il en lui montrant l’armée ennemie dont les têtes de colonnes s’apercevaient déjà, que ces messieurs nous en donnent le temps !
je vous en garde un pour la bonne bouche, qui sera le parfait et le superfin dans ce genre d’aventures. » Il ne s’apercevait pas en parlant ainsi, que par son gai succès de Don Quichotte il allait rendre son succès sérieux impossible ; il tirait d’avance sur son futur roman, et Persilès et Sigismonde n’avait plus lieu de naître. […] Boileau, pendant un séjour aux eaux de Bourbon, où il cherchait à se guérir d’une extinction de voix, écrivait à Racine (9 août 1687) : « Je m’efforce de traîner ici ma misérable vie du mieux que je puis, avec un abbé très-honnête homme qui est trésorier d’une sainte chapelle, mon médecin et mon apothicaire : je passe le temps avec eux à peu près comme Don Quichotte le passait en un lugar de la Mancha, avec son curé, son barbier et le bachelier Samson Carrasco ; j’ai aussi une servante : il me manque une nièce ; mais de tous ces gens-là, celui qui joue le mieux son personnage, c’est moi qui suis presque aussi fou que lui… » Les poëtes français du grand siècle, en s’écrivant avec une bonhomie qui a certes bien son prix, n’ont aucune vue critique, aucun de ces aperçus littéraires qu’on serait tenté de leur demander.
Lanthenas, apparemment comme le vulgaire, content de ce qu’il a lorsque d’autres n’obtiennent pas davantage, s’aperçut que je ne demeurais point insensible, en devint malheureux et jaloux ; rien ne rend si maussade et même injuste : je le sentis, et j’étais trop fière pour l’épargner : il s’éloigna d’autant plus furieux, imaginant le pis ; ses opinions même prirent une nouvelle teinte ; son cœur l’empêchait d’être féroce comme les montagnards, mais il ne voulut plus voir comme moi, et bien moins comme celui qu’il me voyait chérir ; il prétendit se mettre entre le Côté droit dont il blâmait les passions, et le Côté gauche dont il ne pouvait approuver les excès ; il fut moins que rien, et se fît mépriser des deux parts. » C’est bien dur et bien écrasant pour Lanthenas, qui avait souffert pour elle, qui ne s’éloignait qu’à cause d’elle, et qui était dans le vrai en étant jaloux. […] Mais si l’infortune opiniâtre attache à tes pas quelque ennemi, ne souffre point qu’une main mercenaire se lève sur toi ; meurs libre comme tu sus vivre, et que ce généreux courage qui fait ma justification l’achève par ton dernier acte. » Mme Roland dans sa prison lisait beaucoup Tacite et cherchait à se pénétrer de sa forme : on s’en aperçoit à la condensation et à l’obscurité de la dernière phrase. — Cette apostrophe à la Caton, cette tirade à la Sénèque ou à la Lucain, très raturée dans le manuscrit, a été reconquise par le présent éditeur.
Remarquez qu’en telle matière où l’on n’aura sans doute jamais de résultats précis, ce qui importe le plus, c’est d’élever sa pensée et de la tenir ouverte, d’atteindre des aperçus, d’entrevoir les vraisemblances, sans aller retomber et verser dans des crédulités d’un autre genre. […] Vinet, c’est l’absence complète du sentiment religieux : ce sujet magnifique n’a pu fournir à son auteur le moindre mot, le plus léger aperçu de philosophie ou de cosmologie religieuse.
je m’aperçois, à ma manière de penser, que je deviens de jour en jour plus manant et plus trouble-fête. » — C’est le résumé de ce que j’ai eu à répondre depuis une quinzaine à plus d’un contradicteur, homme du monde et de bon ton. […] Beugnot, dans ses Mémoires, nous en a donné un vif aperçu, et tous ceux qui ont vu de nos jours le quartier général d’un gouvernement provisoire peuvent en avoir quelque idée.
On est sûr, en le lisant, si l’affectation de l’étrange ne vous repousse pas d’abord, de trouver abondance d’esprit, de verve, des aperçus fins, des saillies heureuses, mille traits d’irrévérence et des bouffées d’impiété ; je mets le tout sur la même ligne, car se sont là autant d’éloges avec lui. […] Gautier, qui souvent aurait eu peu à faire pour compléter de la sorte ses propres aperçus, pour donner du moins un fond solide à ses jeux brillants et capricieux, s’en est trop peu soucié d’ordinaire.
MADAME DE SOUZA Un ami qui, après avoir beaucoup connu le monde, s’en est presque entièrement retiré et qui juge de loin, et comme au rivage, ce rapide tourbillon où l’on s’agite ici, m’écrivait récemment à propos de quelques aperçus sur le caractère des œuvres contemporaines : « Tout ce que vous me dites de nos sublimes m’intéresse au dernier point. […] Marie-Joseph Chénier a écrit sur Mme de Souza, avec la précision élégante qui le caractérise, quelques lignes d’éloges applicables particulièrement à Eugène : « Ces jolis romans, dit-il, n’offrent pas, il est vrai, le développement des grandes passions ; on n’y doit pas chercher non plus l’étude approfondie des travers de l’espèce humaine ; on est sûr au moins d’y trouver partout des aperçus très-fins sur la société, des tableaux vrais et bien terminés, un style orné avec mesure, la correction d’un bon livre et l’aisance d’une conversation fleurie…, l’esprit qui ne dit rien de vulgaire, et le goût qui ne dit rien de trop. » Mais indépendamment de ces louanges générales, qui appartiennent à toute une classe de maîtres, il faut dire d’Eugène de Rothelin qu’il peint le côté d’un siècle, un côté brillant, chaste, poétique, qu’on n’était guère habitué à y reconnaître.
Elle le dit tout bas à mon père sans que le père Hilario s’en aperçût ; puis ils reçurent la fatale nouvelle avec la résignation apparente de ceux qui n’ont plus rien à craindre ici-bas, que la fin de tout. […] Je revins ensuite à la chapelle, je rétablis vite le barreau de la fenêtre à sa place, pour qu’on ne s’aperçût pas qu’il avait été déplacé ; puis je me mis à genoux la tête entre mes mains devant l’autel, comme un mourant qui a passé la nuit dans les larmes en pensant à ses péchés.
Au moins le poète du xiie siècle sait-il choisir, et retrancher, et abréger : au moins voit-il quelque chose par-delà les faits, il a aperçu la grandeur pathétique du premier péché et du premier crime, et il a tâché de rendre quelque chose des sentiments intimes des acteurs. […] Il vaut la peine de les étudier, quand on veut se représenter les caractères de la dévotion du moyen âge : ces drames, comme les narrations de Gautier de Coincy et autres de même nature, nous font apercevoir dans leurs incroyables excès l’absurdité, la grossièreté, l’immoralité même des formes où se dégradait la noblesse essentielle du culte de la Vierge.
L’école de Ronsard a été si totalement dépourvue du sens dramatique, qu’elle ne s’est pas aperçue que pour faire une révolution au théâtre, il fallait en premier lieu occuper le théâtre. […] Il suffit de lire la Pratique du théâtre pour s’apercevoir que D’Aubignac bataille contre une forme de drame qui est celle des mystères, et pour comprendre que, dans les règles aristotéliciennes, le rationalisme classique a trouvé un moyen d’éliminer de la scène les derniers vestiges de la fantaisie jadis naïve du moyen âge.
Cependant, lorsqu’il se mit à étudier les documents originaux, il s’aperçut que « l’ordre des considérations politiques où il s’était tenu jusque-là » était « trop aride et trop borné », que par ses vues systématiques il « obtenait des résultats factices », enfin qu’il « faussait l’histoire ». […] Ce qu’il aperçoit, au lieu de races immuables, « c’est le puissant travail de soi sur soi, où la France par son progrès propre va transformant tous ses éléments bruts ».
Hugo, au siècle de Comte et de Darwin, le répète avec aisance : le mythe est la forme essentielle de son intelligence Sa volonté candide de penser ne laisse dans la nature aucun phénomène où il n’aperçoive la transcription sensible de quelque redoutable énigme ou d’une auguste vérité : toute sensation tend à devenir symbole, tout symbole à se développer en mythe. […] Mais ces élans de sensibilité sont aussitôt comprimés qu’aperçus.
Mais presque toujours, au moment décisif, au moment où d’autres ne s’appartiennent plus, tout à coup il s’aperçoit qu’il se regarde faire, qu’il est moins acteur que spectateur. […] … La Providence est une divinité maladroite, qui ne fait rien pour raffermir son culte toujours chancelant, mal assis dans le cœur de l’homme ; elle vous reprend d’une main (elle doit avoir des mains puisqu’on lui prête un doigt) ce qu’elle, vous a donné de l’autre, de sorte que l’observateur attentif finit par s’apercevoir qu’il n’y a rien, dans ces alternatives de générosité et de rigueur, qui différencie clairement son action de celle du hasard au passe dix ou à la roulette.
Oui, je vous garde rancune : vous êtes, ô bavarde, ô pédante, ô étourdie, l’assembleuse des nuages qui décourageront presque tous les regards, les empêcheront de pénétrer jusqu’à l’ange et d’apercevoir son noble flambeau. […] Combien de bons yeux naïfs doivent s’écarquiller pour apercevoir là-haut, « au sommet de l’échelle sociale », le f.*. orateur.
Je voudrais ici, par manière de variété, donner quelque aperçu et du poète et de l’œuvre. […] Mahmoud insensiblement se refroidit ; ses ministres s’en aperçurent et exécutèrent plus négligemment ses ordres ; ils payaient mal le poète, qui se trouvait ainsi dans la gêne au milieu de l’or.
Elle n’avait ni le temps ni la volonté de s’en apercevoir ; et quand on lui disait que quelques personnes ne lui avaient pas rendu justice, elle répondait qu’elle voulait l’ignorer. […] Quand l’âge et les maladies ont diminué son goût, j’ai été longtemps sans m’en apercevoir : j’aimais pour deux ; je passais ma vie entière avec lui, et mon cœur, exempt de soupçons, jouissait du plaisir d’aimer et de l’illusion de se croire aimé.
Par cette considération, je n’en ai proposé que de deux sortes : les unes qui peuvent être faites sans qu’on s’en aperçoive en lisant le texte. […] En général, on n’aperçoit dans aucune des qualités de Frédéric cette fraîcheur première qui est le signe brillant des dons singuliers de la nature et de Dieu : Tout, chez lui, semble la conquête de la volonté et de la réflexion agissant sur une capacité universelle ; qu’elles déterminent ici ou là, selon les nécessités diverses.
Après avoir fait renvoyer l’ambassadeur de France, le cardinal d’Estrées, qu’on avait remplacé par son neveu l’abbé d’Estrées, Mme des Ursins s’aperçut que celui-ci, contrairement à leurs conventions, écrivait à sa cour des dépêches à son insu. […] Elle ne parle jamais du roi que comme de l’« homme du monde le plus aimable », du « meilleur ami », et du « plus honnête homme du monde » : Si j’avais de plus, madame, comme vous me dites (écrit-elle à Mme de Maintenon), le bonheur qu’il se fût fort accoutumé à moi, je vous confesserais ingénument qu’il ne tenait qu’à Sa Majesté de s’apercevoir que je la trouvais de très bonne compagnie 67.
Je me laissai donc aller à l’amour des grandeurs ; le penser m’en parut doux, j’y rêvais seul quelquefois, et faisais avec mes femmes mille châteaux en Espagne, qui commençaient, sans que je fusse en état de m’en apercevoir, l’esclavage de mon cœur et de mon esprit. […] Nous avons besoin de nous reporter à la situation et aux idées du temps pour nous apercevoir que ce sont là des marques de rigueur ou de médiocre bienveillance.
Napoléon, qui avait été, ainsi que ses frères, des grands admirateurs du roman de Paul et Virginie à sa naissance, disait quelquefois à Bernardin de Saint-Pierre, quand il l’apercevait : « Monsieur Bernardin, quand nous donnerez-vous des Paul et Virginie ou des Chaumière indienne ? […] Même lorsqu’il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre ; il sent que la vie s’écoule, que ses dernières pages à achever le réclament, et il écrit alors naïvement à sa jeune femme : Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais, si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses élytres, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature.
Mais l’abbé Boileau, qui s’aperçut de la malice, fit semblant d’être interdit et étonné, et commença ainsi son compliment avec une crainte affectée : « Monseigneur, Votre Altesse ne doit pas être surprise de me voir trembler en paraissant devant Elle à la tête d’une compagnie d’ecclésiastiques, car si j’étais à la tête d’une armée de trente mille hommes, je tremblerais bien davantage. […] Je m’aperçois, en terminant, que je n’ai point parlé d’une Satire inédite, attribuée à Boileau, récemment trouvée dans les manuscrits de Conrart à l’Arsenal avec le nom de Despréaux au bas, et publiée par un jeune et studieux investigateur, M.
À mesure qu’elle avance dans le pays, elle s’aperçoit pourtant de l’absence du maître ; ce royaume est « comme un corps sans chef, vivant pour vous recouvrer, et mourant pour vous sentir loin ». […] Il s’agit, chez Marguerite, d’un marchand, d’un tapissier de Tours qui s’émancipe auprès d’une autre que sa femme, et qui est aperçu par une voisine ; craignant que celle-ci ne jase, ce tapissier, « qui savait, dit-on, donner couleur à toute tapisserie », s’arrange de manière à ce que bientôt sa femme consente comme d’elle-même à faire une promenade au même endroit ; si bien que, lorsque la voisine veut ensuite raconter à la femme ce qu’elle a cru voir, celle-ci lui répond : « Hé !
Dès l’entrée en campagne, le roi a confiance en ses troupes ; il a su les animer de sa passion de gloire : « Mes troupes en ont le cœur enflé, et je te réponds du succès. » Au camp de la Neisse (15 septembre 1741), au moment où il espère encore amener M. de Neipperg à une bataille, le roi écrit : « Nous avons le plus beau camp du monde, et ces deux armées qu’on aperçoit d’un coup d’œil semblent deux furieux lions couchés tranquillement chacun dans leur repaire. » Un jour, trois ou quatre mille hommes de la garnison de Brünn, dans une sortie, attaquent un régiment de quatre cents Prussiens logés dans un village ; le village est brûlé, mais les ennemis sont repoussés et chassés sans avoir gagné le moindre avantage : Truchsess (le colonel), Varenne et quelques officiers, écrit le roi, ont été légèrement blessés ; mais rien ne peut égaler la gloire que cette journée leur vaut. […] Jordan lui envoie donc le bulletin très véridique des conversations et des commérages de Berlin, et dès le premier jour il en donne idée dans cet aperçu fidèle : Le goût de la politique commence à s’introduire à Berlin.
Nous n’avons pas fait cinquante pas, que nous nous apercevons que les boutiques sont fermées — nous n’avions pas songé que nous étions le lundi de Pâques. — Enfin une boutique entrebâillée, et une paire de chenets, qu’on nous a faits 3 000 francs. […] » Et il remarche, jetant des phrases comme celle-ci : « Enfin nous sommes dans un monde tout nouveau, où toutes les conditions de l’existence sont changées, sans qu’on ait l’air de s’en apercevoir… Autrefois un ouvrier chaudronnier gagnait 6 francs par jour… Il pouvait mettre 3 francs de côté… Donc au bout de cinq ans, il avait 5 000 francs et pouvait se faire chaudronnier… Aujourd’hui il faut 800 000 francs pour établir un chaudron… donc il n’y a plus moyen pour le peuple de sortir du peuple… et le peuple ne veut pas rester peuple… Savez-vous avec quelle somme s’est fondée, sous Louis-Philippe, la plus grande fabrique de produits chimiques… Chabrol vous l’apprend… avec 60 000 francs… Allez maintenant chez Salleron, il vous demandera 15 000 francs pour une cheminée… un fourneau sans luxe, c’est une affaire de 50 000 francs… Et tout comme cela… une confiserie se fonde avec un capital de 1 200 000 francs… une épicerie, vous connaissez la maison Potin ?
Il est de femme, par le manque d’aperçu, de profondeur, d’originalité, de vigueur enflammée ; qualités viriles que les femmes n’ont pas, parce qu’elles en ont d’autres, la grâce, l’élégance, la finesse, le coloris doux, la tendresse, l’inattendu, la sensation vive que. […] En effet, le style de Mme Stern a fini par n’avoir plus de couleur du tout, et on s’en aperçoit d’autant mieux dans son livre sur les Pays-Bas, qu’il y a quelques citations, dans lesquelles le mot bien souvent étincelle et brille mieux sur ce style plombé, qui voudrait bien, à toute force, être du fer et qui n’est que du plomb, et qui reste plomb jusqu’à la fin du livre.
Après les inexplicables engouements, quand la Critique aura cessé de sonner les cloches comme pour une naissance, la naissance de facultés inconnues et battant neuf dans feu Mérimée, ces lettres, sans amour sincère, sans éloquence de cœur, sans aperçus sur quoi que ce soit, sans un seul jaillissement ou pétillement d’idées ou de mots, montreront un Mérimée bien inférieur à celui de ses œuvres. […] Il ne s’émeut guères de sa chute, si ce n’est parce que cette chute l’atteint dans le bien-être de son égoïsme… Mais tout le temps qu’il dure, il le regarde comme un frondeur mécontent, sans reconnaissance, sans principes et sans aperçus, qui ne voit plus à trois pas de lui !
ces cinq essais auxquels Macaulay mit son amour et qu’il crut sa gloire, sont bien tout ce qu’il y a de moins aperçu, de moins approfondi et de moins fortement rendu dans son recueil. […] Au milieu d’aperçus si brillants qu’ils semblent parfois des paradoxes, comme, par exemple, le passage de l’article de Dryden, qui tout à la fois éblouit et navre, sur le peu de nécessité des grands hommes, Macaulay a des étreintes impitoyables de bon sens et parfois des simplicités pleines de force, qui résument et finissent tout d’un trait, comme quand il dit de Lord Byron ces quelques mots faciles à trouver, dirait-on, mais qui ont détendu d’un seul coup tous les arcs du Cant et de la Calomnie bandés contre l’immoralité du grand poète : « Lord Byron n’a pas été plus coupable qu’aucun autre homme qui ne vit pas bien avec sa femme. » Peut-on dire plus simple, plus profond et plus vrai ?
Ils ne s’aperçurent même pas qu’il n’y avait que le catholique, et le catholique croyant à l’infaillibilité papale, qui, seul, pût se permettre sans danger ces fières libertés de jugement sur la politique du pontife. […] Mais Joseph de Maistre, dont la gloire est d’avoir laissé des aperçus sur tout et de n’avoir fait de théorie sur rien, est un historien et non un philosophe.
Or, cette théorie, qui infirme tout le livre, n’est pas qu’à une place de la Vie de Jésus, elle est à toutes, sans que l’auteur ait jamais conscience de son immorale fausseté et que le logicien s’aperçoive qu’il se coupe la gorge avec le rasoir, au fil tourné, de la contradiction ! […] que Renan n’a pas aperçu, quand il s’est avisé de discuter Jésus-Christ.
« Je te cherche, lorsque sur le vaste sein du fleuve je dirige ma course dans le crépuscule ; mais plus encore, sous le pâle rayon de la lune, je m’aperçois que tu manques à mon côté. […] « C’est là le premier martyr, dont l’œil sut pénétrer au-delà du tombeau, qui aperçut son maître dans les cieux, et l’invoqua pour être sauvé.
En obéissant à son goût naturel et réfléchi, M. de Latena cependant ne s’y est point laissé aller comme un simple amateur ; il n’a pas jeté au hasard et sans suite les remarques que lui suggérait l’étude de l’homme ou le spectacle de la société, et, sans enchaîner précisément toutes ses notes et ses aperçus dans une combinaison de chapitres se succédant avec méthode et transition, il a tenu à y établir un ordre général qui maintient la liaison des principales parties ; il a fait et voulu faire un ouvraget ; il a eu tout le respect du sujet qu’il traitait.
Il y a du vrai, et les gens du monde qui admirent la poésie à tort et à travers, avertis cette fois, proclament beau ce qu’ils n’auraient jamais aperçu dans d’humbles volumes silencieux.
Ses idées sont fertiles ; il abonde du moins en aperçus.
L’Angleterre commence à s’apercevoir aujourd’hui que tout n’a pas été consommé alors, et que, contre les vices de sa Constitution, contre les désordres invétérés de son état social, une autre révolution reste à faire.
Malgré les représentations de ses amis et les sarcasmes des autres étudiants, le bon Eugène se condamne à cette vie par amour pour la botanique, et cela dure quelque temps sans encombre ; mais enfin la nature se déclare ; une lente consomption s’empare du pauvre jeune homme qui s’en aperçoit à peine, puis qui tâche violemment de s’y soustraire.
Un aimable homme, un Parisien de Lyon, qui passait par là, s’en aperçut.
Maeterlinck lui-même au sujet du théâtre d’Ibsen (Figaro, 2 avril 1894), on y reconnaît « je ne sais quelle présence, quelle puissance ou quel dieu qui vit avec moi dans ma chambre… quelque chose de la vie rattachée à ses sources et à ses mystères par des liens que je n’ai l’occasion ni la force d’apercevoir tous les jours ».
À sa voix, tout s’anime, tout prend corps ; les monstres surgissent de partout, apocalyptiques, hurlant chacun son symbole ; la nature inanimée se gonfle, se tord et, prise d’enfantement, accouche d’une création horrifique ; on s’effare ; on roule de cauchemar en cauchemar ; on se croit dans une autre planète ; et, tout à coup, au brusque déclic d’une métaphore, à un détour de phrase, à un mot, on s’aperçoit qu’il s’agit au fond de choses très simples dans le décor de l’éternelle poésie.
L’auteur expose le plus gravement du monde, dans la dédicace, l’analogie qu’il aperçoit, d’abord entre la partie supérieure et noble de ses personnages et la dédicace qu’il présente à Sa Majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine. » Après avoir passé en Italie l’été de 1623, les Comici Fedeli revinrent en France et y représentèrent pendant l’année 1624 et le commencement de l’année 1625.
Mais le critique est trompé, lui aussi, par l’épithète littéraire ; pourvu qu’il sache écrire, et qu’il abonde en aperçus ingénieux, il se juge mieux que suffisant. — Il n’est pas jusqu’à la philosophie qui ne souffre d’être rapprochée des lettres.
Ces deux sortes de vérités, une fois découvertes, nous procurent la même joie ; l’une et l’autre, dès qu’on l’a aperçue, brille du même éclat, de sorte qu’il faut la voir ou fermer les yeux.
Pausanias dit que ceux qui venaient exprès dans la plaine, pour épier cette mêlée de Mânes, étaient frappés par des épées invisibles, mais que le passant qui l’apercevait par hasard était épargné.
Est-ce une loi de l’esprit humain qu’il n’aperçoive pas d’abord toute la portée de ses découvertes ou de ses inventions ?
Seulement, pour les apercevoir sous cet aspect, il faut sortir des généralités et entrer dans le détail des faits.
(Il aperçoit l’ombre.)
La Bruyère les a bien connus : « Il n’y a nuls vices extérieurs et nuls défauts du corps [de l’esprit aussi, quoique moins] qui ne soient aperçus par les enfants ; ils les saisissent d’une première vue et ils savent les exprimer par des mots convenables : on ne nomme point plus heureusement.
Enfin il y a la portée des vrais brouteurs de thym, la portée des artistes, comme George Sand, à laquelle il faut en ajouter une autre tardivement arrivée, tardivement aperçue, mais charmante, celle des philologues comme Renan, laquelle commence à dresser de si jolies oreilles en faisant sa cour à l’Aurore.
L’auteur de la Fête votive de saint Bartholomée Porte-glaive — un nom de tableau bien plus que de livre — n’est, à exactement parler, ni un inventeur dans l’ordre du roman ou du drame, ni un esprit d’aperçu qui voit les idées par-dessus les images, ni un écrivain… littéraire.
Voltaire ne laissa-t-il pas apercevoir, en s’écartant de cette leçon, que son esprit si étendu était plus élevé que son âme ? […] « J’avance, et j’aperçois, dans ce séjour nouveau, « De la fière Pergame un modeste tableau. […] Or ces formes empruntées ne sont là que des apparences qui les déguisent, et sous lesquelles on aperçoit toujours les anges déchus. […] On s’aperçoit de cette cause de leurs erreurs, en les écoutant. […] Ceux qui l’écoutent ne peuvent apercevoir ces objets de l’enceinte où se tient le conseil, ainsi qu’il les découvrit du lieu où il était en sentinelle.
Je le choisis d’abord parce que l’auteur n’en est pas à son premier succès en ce genre ; ensuite, à cause des mains entre lesquelles je l’aperçus pour la première fois. […] Les inspirés la tentent toujours, et ils échappent au danger sans l’avoir même aperçu. […] Je m’aperçois un peu tard que je me suis trop hâté de placer l’histoire du mois sous la protection de Mercure, — à moins que ce ne soit en sa qualité de dieu de l’éloquence. […] En comptant bien, je m’aperçois que j’ai parlé de deux procès seulement (seulement !) […] Seulement, un beau jour, on s’aperçut qu’il avait complétement perdu l’usage de ses mains.
Mais quasi tous, talents de grossière matière, dépourvus même d’un sens de recréation des inspirations antérieures dont ils saisissaient impulsivement d’immédiats aspects, ils devaient être annihilés, et sans qu’on s’en aperçut, dès la prime émotion tumultueuse du grand Mouvement poétique tout à coup en puissance, en 1885. […] Pour peu qu’on ait l’habitude d’écrire, on aperçoit, presque du premier coup, les petits trucs de leur facture. […] L’apôtre, en une vision, suit les phases de l’évolution poétique-scientifique de lui procédant : il aperçoit les philosophes, les poètes de l’ère nouvelle, et dit… ». […] Et, ne devait-il point, oui, précisant ses intimes espoirs et ce qu’il apercevait, ne devait-il d’une, allégresse presque imprudente, noter lui-même l’assagissement du Symbolisme, s’écriant : « D’ailleurs, tous, tous ! […] Le poète que d’aucuns nous donnent comme réalisant l’Idée en son essence, et constamment muet sur les idées… Autant que nous en apercevions, sa pensée philosophique n’apportait rien de personnel, rien de nouveau… Son rêve scénique, lui, relève de l’esthétique énorme de Wagner.
Plus je travaille, plus je possède mon art, plus je m’aperçois qu’il est difficile de bien faire et qu’il sied d’être humble devant les forces qui régissent l’univers. […] Mallarmé d’être ce que je suis. » On s’en aperçoit, et là n’est pas le plus beau de son histoire. — Ces théories de M. […] Il entasse les nomenclatures sèches et les aperçus médiocres. […] Leurs méandres m’ont conduit, au plus profond des bois, en un retrait où l’on se sent tellement heureux qu’on ne s’en aperçoit même pas. […] Si je lève les yeux, j’aperçois un coin de ciel d’un bleu tellement profond qu’il m’intimide.
Zola ne fait pas prononcer dix mots qu’ils n’enferment quelque grossière indécence ; — de ces villageois enfin qui se laissent apercevoir dans le fond du tableau, repoussants d’impiété grossière, d’impudeur naturelle, et de cynisme acquis. […] En effet, vous croyez apercevoir en eux ce grossissement des traits, cette déformation des parties, cette altération des rapports vrais qui sont les moyens de la caricature, aussi bien dans le roman que dans les arts du dessin. […] Souvent, du haut d’une montagne, ils apercevaient quelque cité splendide, avec des dômes, des ponts, des navires… » Ce n’est pas Flaubert qui compose le tableau, mais ce n’est pas non plus Emma Bovary. […] Je m’étonne seulement qu’il ne s’aperçoive pas qu’il a contracté lui-même quelques-uns des ridicules, ou tout au moins quelques-unes de ces façons de parler bourgeoises, qui semblent l’exaspérer si vivement chez les autres. […] C’est un rapport exact de ce que l’œil aperçoit et de ce que la main trace sur la toile.
Je n’aperçois pas encore très bien, pour ma part, ces nouveaux Chateaubriand et ces futurs Lamartine qui vont régénérer les lettres françaises. […] On aperçoit bien ce qui devait les séparer ; on ne voit pas très bien ce qui pouvait les rapprocher. […] On dit que Daudet et Arène travaillaient ensemble et pouvaient échanger leurs signatures sans que le public s’en aperçût. […] Mais quelle surprise, lorsqu’on aperçoit une figure radieuse comme le soleil ! […] C’est à peine si l’on s’aperçoit qu’on vous enseigne quelque chose.
» et que s’étant retournée, elle avait aperçu un jeune homme d’une ressemblance parfaite avec moi, un de Goncourt de 25 ans. […] Je suis dans une logette sur le théâtre, où une chaise a peine à tenir entre les murs de planches blanchies par une peinture à la colle, et j’ai devant les yeux un emmêlement de tuyaux de caoutchouc, au travers desquels j’aperçois l’avant-scène de gauche, et au-dessous cinq ou six têtes de la première banquette de l’orchestre. […] Pélagie entrebâille la porte, et aperçoit trois horribles chenapans… dont l’un lui crie aussitôt : « N’ayez pas peur, Madame ! […] Ces manœuvres, aperçues d’un plateau un peu élevé, me font l’effet de rangées de petits soldats de plomb, que je verrais comme d’un ballon captif… C’est amusant par exemple, la vie, l’animation données par les manœuvres dans les villages, et les hommes et les femmes sur le pas des portes, et les enfants, les yeux ardents… Au retour, les jolis croquis pour un peintre : l’envahissement des cafés de village, les consommateurs, en l’effarement des servantes, allant eux-mêmes chercher au cellier, le vin, la bière, et l’encombrement de la rue par les voitures qui n’ont plus de place dans les écuries, par des chevaux attachés à un volet, et au milieu de la bousculade et du brouhaha, le défilé des soldats, des cavaliers couverts de poussière. C’était à Stainville, le berceau de la famille des Choiseul, dont, en quittant le village, j’aperçois le modeste petit château.
Ceci est une simple causerie sur la littérature et l’art ; ce sont quelques aperçus, quelques indications rapides. […] S’il était possible que le lecteur ne s’aperçût point qu’il y a des mots entre vos idées et lui, et ne vît que les idées, votre style serait parfait. […] On s’en aperçoit parfaitement. […] Moreau a étendu cet aperçu. […] Je conviens que la limite entre l’un et l’autre état est souvent très difficile à apercevoir.
Si l’on ne s’en est pas aperçu, c’est qu’il ne l’a pas dit : fait sentir seulement — et sans le vouloir. […] C’est à travers cette sensibilité sentimentale et ces images gravées, et les vieux Keepsakes de sa mère, qu’il aperçoit les êtres et les paysages. […] Pour qu’il s’aperçoive de ce phénomène de physique culinaire, il faut qu’il se serve de ses yeux. […] D’ailleurs, la rapidité de la vie moderne a pour résultat qu’on n’aperçoit les choses que par secousses brusques, et qu’on n’a pas le temps de les comprendre. […] Cela est vrai — nous nous en apercevons bien à présent — même du romantisme.
Mais le travers était de vouloir suivre dans le détail ce qui ne se laissait entrevoir que dans un aperçu rapide. […] Je m’en aperçus bien vite, parce qu’en s’informant de ce que je savois, elle me demanda si je savois lire ; et comme son mari trouvoit cette question fort plaisante de s’enquérir d’un docteur s’il savoit lire, et qu’il en rioit à ne s’en pouvoir apaiser : Il y a, dit-elle, plus de mystère à lire qu’on ne pense ; — et cela me fit bien connoître qu’elle s’y plaisoit et qu’elle avoit le sentiment délicat. […] Il ne s’est pas aperçu que cette raison universelle et tant soit peu platonicienne n’était pas compatible avec les idées de La Rochefoucauld. […] Lettre du 24 novembre 1679. — Mais, à propos de Mme de Sévigné et de ses rigueurs, je m’aperçois que j’ai omis de dire, sur la foi des meilleurs biographes modernes, que le chevalier de Méré en avait été autrefois amoureux ; c’est que je n’en crois rien, et je soupçonne qu’il y a eu ici quelque méprise.
Ainsi traîne et finit presque toujours lugubrement et misérablement le dernier acte de la comédie humaine ; au bout de tant d’années, après tant d’efforts soutenus, parmi tant de gloire et de génie, on aperçoit un pauvre corps affaibli qui radote et agonise entre une servante et un curé. […] La personne humaine est si complexe que le logicien qui aperçoit successivement ses diverses parties ne peut guère les parcourir toutes, ni surtout les rassembler en un éclair, pour produire la réponse ou l’action dramatique dans laquelle elles se concentrent et qui doit les manifester. […] Ils y verront les difformités du temps disséquées jusqu’au dernier nerf et jusqu’au dernier muscle, avec un courage ferme et le mépris de la crainte… Ma rigide main a été faite pour saisir le vice d’une prise violente, pour le tordre, pour exprimer la sottise de ces âmes d’éponge qui vont léchant toutes les basses vanités137. » Sans doute un parti pris si fort et si tranché peut nuire au naturel dramatique ; bien souvent les comédies de Jonson sont roides ; ses personnages sont des grotesques, laborieusement construits, simples automates ; le poëte a moins songé à faire des êtres vivants qu’à assommer un vice ; les scènes s’agencent ou se heurtent mécaniquement ; on aperçoit le procédé, on sent partout l’intention satirique ; l’imitation délicate et ondoyante manque, et aussi la verve gracieuse, abondante de Shakspeare. […] VI Enfin nous voici devant celui que nous apercevions à toutes les issues de la Renaissance, comme un de ces chênes énormes et dominateurs auxquels aboutissent toutes les routes d’une forêt.
Le père et la mère, qui s’en aperçurent les premiers, tombèrent à genoux pour remercier le Ciel de leur avoir donné pour fils un véritable ange de la musique. […] Nous nous sommes aperçus un peu tard qu’il avait une espèce de scarlatine. […] « Figurez-vous, écrit le père à son ami, l’étonnement de tout le monde ici quand on voit les filles du roi s’arrêter pendant les défilés d’apparat dans les grands appartements, dès qu’elles aperçoivent mes enfants, s’approcher d’eux, les caresser, s’en faire embrasser à plusieurs reprises. […] J’ai couru à la fenêtre et je vous la donnai à tous deux de loin, mais sans pouvoir plus vous apercevoir ; vous aviez probablement déjà traversé la porte de la ville, car j’étais resté longtemps assis sans penser à rien.
Quoique le brouillard fût épais, à travers son épaisseur même, les avant-postes ennemis aperçurent la lueur des torches, entendirent les cris de joie de nos soldats, et allèrent donner l’alarme au général Tauenzien. » L’espace que Napoléon cherchait d’abord à conquérir pour y déployer son armée encore à demi cachée derrière les montagnes est balayé avant dix heures du matin. […] En face il se relevait sensiblement, et, sur ce relèvement marqué de quelques mamelons, on apercevait les Russes en masse profonde. […] « Tout à coup, dit l’historien, la neige, ayant cessé de tomber, permit d’apercevoir ce douloureux spectacle. […] Ils partent au galop, chargent les groupes d’infanterie qu’ils aperçoivent debout, et, parcourant le terrain en tous sens, complètent la destruction du centre de l’armée russe, dont les débris achèvent de s’enfuir vers les bouquets de bois qui lui ont servi d’asile.
La discussion ne reste ouverte que pour ces physiologistes en petit nombre qui ne se sont point assez rendu compte des vraies limites de leur science, et qui, dans l’ardeur d’une étude encore nouvelle et indécise, ne s’aperçoivent pas de ses empiétements sur le domaine d’études voisines, mais différentes. […] L’homme s’aperçoit alors avec le caractère éminent qui lui est propre, avec le caractère unique de la pensée. […] Le récit aurait glacé ces vivantes démonstrations ; et cela est si vrai, bien que Xénophon ne s’en soit pas aperçu, que Platon n’a été ni le seul, ni même le premier à reproduire ces conversations qui avaient instruit Athènes, et l’avaient charmée tout en l’irritant. […] Platon avait dit que « l’âme ne peut être aperçue que des yeux de l’esprit ».
On s’apercevra sans doute que plus d’une maladie, aujourd’hui rebelle aux efforts de la médecine, a son origine lointaine dans des « carences » que nous ne soupçonnons pas. […] Nous qui connaissons la suite, nous ne pouvons nous empêcher d’en faire reculer l’image jusqu’à l’origine : le présent, aperçu dans le passé par un effet de mirage, est alors ce que nous appelons l’inconscient d’autrefois. […] Cet idéal n’en subsistait pas moins, mais il apparaissait comme un astre qui aurait toujours tourné vers l’humanité la même face : on commençait à entrevoir l’autre, sans toujours s’apercevoir qu’il s’agissait du même astre. […] Nous croyons apercevoir le mécanisme de cette contrefaçon.
Daru au milieu de cette école poétique régnante de la fin du xviiie siècle à laquelle il est mêlé, et dont il ne se séparera jamais d’une manière tranchée, c’est l’étude, l’amour de l’investigation et des recherches, le besoin en tout de ne pas s’en tenir à l’aperçu, à la fleur et à la cime des choses, mais de les prendre, en quelque sorte, par la base, de s’en informer avec suite, avec étendue, par couches successives, et d’en dresser, soit dans des préfaces, soit dans des rapports académiques, soit dans des comptes rendus destinés à lui seul, un exposé judicieux, fidèle, qui donne un fond aux discussions et qui souvent les abrège. […] Bref, les envoyés, après maint voyage, s’en revenaient fort tristes et dans le dernier embarras, lorsque, s’arrêtant dans certain cabaret pour concerter leur réponse, ils aperçoivent un gros garçon de bon appétit qui chantait de tout son cœur auprès d’une Suzon de mine très joyeuse et d’apparence peu sévère.
Il a un côté presque hébraïque par la rigidité, par l’effroi, et de son bosquet et cabinet de verdure, en même temps qu’il aperçoit de loin les batteurs en grange à travers le feuillage, il lui arrive quelquefois d’avoir tout à coup une vue, une vision sur le Sinaï. […] Une fois il a découvert dans ses courses autour d’Olney, sur une colline assez escarpée, une toute petite cabane cachée dans un bouquet d’arbres, et il l’a appelée le nid du paysan ; il rêve de s’y établir, d’y vivre en ermite, y jouissant de son imagination de poète et d’une paix sans mélange ; mais il ne tarde point à s’apercevoir que le site est incommode, qu’on y manque de tout, qu’il est dur d’être seul : tout bien considéré, il préférera son cabinet d’été et sa serre avec son simple et gracieux confort, et il dira à la hutte sauvage et pittoresque : « Continue d’être un agréable point de vue à mes yeux ; sois mon but de promenade toujours, mais mon habitation, jamais !
Je ne sais laquelle choisir dans ces pages où l’on aperçoit insensiblement la transition du philosophique au mystique, le passage de Marc Aurèle à Fénelon ; c’est la continuité même qui en fait le prix et le charme. […] On a l’aperçu de ce livre, qui est moins un livre de philosophie qu’une peinture morale, livre de naïveté et de bonne foi, nullement d’orgueil, d’où il résulte qu’un homme de plus, et de ceux qui sont le plus dignes de mémoire, est bien connu ; livre à mettre dans une bibliothèque intérieure à côté et à la suite des Pensées de Pascal, des Lettres spirituelles de Fénelon, de L’Homme de désir par Saint-Martin, et de quelques autres élixirs de l’âme.
Quoi qu’il en soit de ces aperçus toujours sujets à conjectures et qui demanderaient bien des développements, tel était, dans le plus beau de son rôle et dans l’ensemble de sa physionomie, l’homme qui, à vingt-deux ans, se mit à causer de toutes choses par lettres avec Vauvenargues ; et ici nous n’avons plus qu’à les laisser parler l’un et l’autre. […] Je commence à m’apercevoir que la plupart ne savent que ce que les autres ont pensé ; qu’ils ne sentent point, qu’ils n’ont point d’âme ; qu’ils ne jugent qu’en reflétant le goût du siècle, ou les autorités, car ils ne percent point la profondeur des choses ; ils n’ont point de principes à eux, ou s’ils en ont, c’est encore pis ; ils opposent à des préjugés commodes des connaissances fausses, des connaissances ennuyeuses ou des connaissances inutiles, et un esprit éteint par le travail ; et, sur cela, je me figure que ce n’est pas leur génie qui les a tournés vers les sciences, mais leur incapacité pour les affaires, les dégoûts qu’ils ont eus dans le monde, la jalousie, l’ambition, l’éducation, le hasard.
Il s’en aperçut à son passage à Berlin, en 1751 ; il y commit quelques étourderies qui donnèrent prise contre lui à ce redoutable adversaire. […] On y aperçoit quelques vues ingénieuses, mais gâtées par du bizarre.
Sur la fin de sa vie, il s’apercevait pourtant de quelque différence à cet égard, et il dit un jour : « Allons, il est temps que je me retire ; autrefois mes simples politesses étaient prises pour des déclarations ; à présent, mes déclarations ne sont plus prises que pour des politesses. » Il protégea Beaumarchais, qui lui plaisait fort, dans cet immortel procès engagé contre le Parlement-Maupeou, et qui fit tant rire. […] Par ce changement dans votre plan de vie, vous coupez court d’un coup à l’attente de ce rang auquel vous aspirez ; vous n’êtes pas agitée plus longtemps par des espérances et des craintes ; votre tempérament recouvre insensiblement son premier ton ; votre santé revient ; votre goût pour une vie simple et privée gagne du terrain chaque jour, et vous finissez par vous apercevoir que vous avez fait un bon marché en acquérant la tranquillité au prix de la grandeur.
Enfin, mal guéri peut-être encore de ma passion pour Mme d’Houdetot, je sentis que plus rien ne la pouvait remplacer dans mon cœur, et je fis mes adieux à l’amour pour le reste de ma vie… « Mme de Boufflers, s’étant aperçue de l’émotion quelle m’avait donnée, put s’apercevoir aussi que j’en avais triomphé.
Ce que j’aperçus d’abord, ce fut le voile bleu de Madeleine, qui flottait à la portière de la voiture. […] Dominique s’enivre de sa vue ; il ne se nourrit plus que d’une pensée unique, et, dans son reste d’enfance, il ne conçoit pas la moindre crainte pour l’avenir ; il ne s’est pas aperçu que parmi les objets de voyage qu’on déballait, près d’un bouquet de rhododendrons rapporté de quelque ascension lointaine et enveloppé avec soin, une carte d’homme s’est détachée, dont Olivier s’est emparé aussitôt, et qu’un nom inconnu a été prononcé pour la première fois : Comte Alfred de Nièvres.
À un moment, cette reine fière, sensible, élégante, bonne au fond et d’un cœur bienfaisant, s’aperçut avec douleur, avec indignation, qu’elle était méconnue, calomniée, outragée même du peuple de Paris ; qu’elle était impopulaire : Versailles était alors bien loin de Paris, et tout ce qu’on en racontait en mal était accueilli avidement et grossi à l’envi par la crédulité ou par la haine. […] Aussitôt que je l’ai aperçu, je me suis jetée toute confuse à ses pieds ; il m’a reçue dans ses bras en m’embrassant à plusieurs reprises et m’appelant sa chère fille avec une bonté dont ma chère maman aurait été touchée.
Si l’on s’apercevait, surtout en France où on épluche tout et tire tout à conséquence, que vous n’entriez en rien, vous seriez bientôt déchue de tous ces applaudissements qu’on vous prodigue à cette heure. […] Deux vérités sont désormais en présence et incontestables : Marie-Antoinette s’est perdue en grande partie elle-même par toutes ses imprudences, et Marie-Thérèse avait prévu tous les dangers, y compris ceux de la coterie Polignac dont elle aperçut et dénonça, avant de mourir, l’influence fatale.
Le résultat atteint, et à peine sorti d’un régime d’ambition et de conquête, il put vite s’apercevoir qu’il allait avoir affaire à des opposants d’un autre genre, et non pas les moins opiniâtres ni les moins dangereux : il retrouvait sur son chemin, après vingt-cinq ans, comme au premier jour, l’entêtement dans le passé, les préventions personnelles et l’humeur, l’ornière de la routine, les hauteurs du droit divin, un favoritisme exclusif et inintelligent, la méconnaissance de l’esprit d’un siècle. […] Il y eut dès lors comme un premier aperçu jeté en causant, une première idée vaguement esquissée du duc d’Orléans possible comme roi de France ; ce n’était qu’un en-cas : M. de Talleyrand se contenta de répondre « que la porte n’était pas ouverte encore, mais que si elle venait jamais à s’ouvrir, il ne voyait pas la nécessité de la fermer avec violence ».
Je voudrais bien mériter votre affection, mais je m’aperçois de plus en plus que vous valez mieux que moi, et cela me fâche. […] La seule pensée que j’y aie cherchée, c’est la confiance dans l’amour présentée comme une belle chose, et la butorderie de l’opinion comme une chose injuste et bête. — J’avais, comme vous l’avez très-bien aperçu, commencé cette histoire de Saint-Julien dans d’autres vues, et les deux corps se joignaient fort mal.
Qu’aperçoit-on, qu’espère-t-on à l’horizon, dans un prochain ou lointain avenir ? […] (On a essayé dans cette réimpression, moyennant les notes et post-scriptum ajoutés en plus d’un cas au premier portrait, de donner un aperçu de ce que deviendrait le second.)
Commençons par examiner quels sont ces moyens, et nous serons conduits naturellement à quelques aperçus sur les ressources nouvelles qui peuvent encore se découvrir. […] Le travail de l’esprit se fait toujours apercevoir, avec quelque habileté qu’il soit ménagé ; et l’on n’est plus entraîné par ce talent, pour ainsi dire involontaire, qui reçoit une émotion au lieu de la chercher, qui s’abandonne à ses impressions au lieu de choisir ses moyens d’effet.
Comment faut-il les choisir pour faire apercevoir au lecteur les gestes, les détails, les mouvements ? […] L’auteur déguise alors sa pensée comme s’il en avait honte ; il en efface les traits saillants et le caractère simple, et ce n’est plus elle qu’on aperçoit. — Quand Delille dit : Et d’une horrible toux les accès violents Etouffent l’animal qui s’engraisse de glands, il ne laisse dans l’esprit du lecteur qu’une image froide et vague.
Celui-ci, s’il peut gagner passablement sa vie par une occupation quelconque, s’apercevra à peine qu’il a changé de condition ; tandis que celui-là, d’un ordre supérieur, regardera comme le plus grand des maux de se voir obligé de renoncer aux facultés de son âme, de faire sa compagnie de manœuvres, dont les idées sont confinées autour du bloc qu’ils scient, ou de passer ses jours, dans l’âge de la raison et de la pensée, à faire répéter des mots aux stupides enfants de son voisin. […] La nuit, quand les fenêtres de notre salon champêtre étaient ouvertes, madame de Beaumont remarquait diverses constellations, en me disant que je me rappellerais un jour qu’elle m’avait appris à les connaître : depuis que je l’ai perdue, non loin de son tombeau, à Rome, j’ai plusieurs fois, du milieu de la campagne, cherché au firmament les étoiles qu’elle m’avait nommées ; je les ai aperçues brillant au-dessus des montagnes de la Sabine ; le rayon prolongé de ces astres venait frapper la surface du Tibre.
La maîtresse pièce de l’homme, pour lui. c’était la volonté, et l’amour n’était que l’élan dont la volonté se portait au bien aperçu par la raison. […] Il ne s’apercevait pas qu’il écrivait contre Ronsard autant que contre Malherbe : car il écrivait contre l’art ; il ne voyait pas qu’il défendait ce que Ronsard avait combattu comme Malherbe : car il défendait le simple naturel, négligé, sans étude.
C’est encore un défaut des Considérations — et une fâcheuse tendance du génie de l’auteur — que cet amour des généralisations qui conduit à ériger témérairement en lois des phénomènes aperçus une fois dans l’histoire. […] Le sérail et la bastonnade, voilà les caractères saillants de la société turque, telle qu’il l’aperçoit.
On essayait, raconte-t-on, de lui faire lire quelque ouvrage d’histoire ou de voyages, et, comme on lui donnait toujours un premier tome sans qu’il s’en aperçût, il se contentait de trouver « que l’ouvrage était intéressant, mais que l’auteur se répétait un peu ». […] C’était une mauvaise note auprès d’elle, quand on était de ses dîners, de se faire mettre à la Bastille ; Marmontel s’aperçut qu’il avait fort baissé dans sa faveur après son affaire de Bélisaire.
Il laissait entrer jusqu’aux sots et aux impertinents, qui n’étaient point pour lui des importuns : son esprit fin les pénétrait et les perçait de toutes parts sans qu’ils s’en aperçussent, et il leur prenait, avec une sorte de bienveillance encore, de quoi s’amuser à leurs dépens, et souvent de quoi les amuser eux-mêmes. […] Il faut y réfléchir pour s’apercevoir qu’en effet il n’a dit que ce qu’il pensait.
Développant pour la première fois cette pensée qu’il a depuis résumée ainsi et qui fait loi : « La littérature est l’expression de la société », M. de Bonald examine dans leurs rapports la décadence des arts et celle des mœurs : « Ce serait, ce me semble, nous dit-il, le sujet d’un ouvrage de littérature politique bien intéressant, que le rapprochement de l’état des arts chez les divers peuples avec la nature de leurs institutions. » Et il en donne à sa manière un aperçu, indiquant que la plus grande perfection des arts et des lettres, comme il les conçoit, répond généralement à l’état le plus parfait des institutions sociales, c’est-à-dire à la monarchie. […] Avec Bonald, au contraire, on est comme si l’on s’embarquait d’abord sur un fleuve assez peu navigable ; puis le patron vous fait entrer dans un canal, et vous met à bord d’un bateau exactement fermé, où l’on descend et où l’on est sans plus voir la lumière ni le ciel, et l’on ne peut sortir la tête et regarder sur le pont que par intervalles, pour apercevoir en effet d’assez hautes et grandes perspectives, mais en regrettant de les perdre de vue si souvent.
Mais un moment de réflexion fait apercevoir que, si dans ce cas le nombre des Templiers ajoute à l’idée qu’on peut prendre de leur croyance et de leur foi, puisque sur ce grand nombre pas un seul ne fut infidèle à son Dieu, ce même chiffre diminue beaucoup de l’idée de leur bravoure, puisqu’il ne les a pas empêchés de se rendre. […] [NdA] On a essayé depuis de faire honneur à Raynouard d’un trait de son discours académique : parlant d’un Émilius Scaurus qui, dans une tragédie d’Atrée, avait imité quelques vers d’Euripide où les délateurs aperçurent et dénoncèrent quelque allusion politique, le récipiendaire disait : « Scaurus reçut l’ordre de mourir, et s’y soumit avec courage : Tibère régnait. » M. de Féletz, dans le compte rendu de la séance, se plaisait à remarquer que ce mot prononcé par Raynouard d’une voix forte avait été couvert d’applaudissements : « Le trait était hardi en 1807 », ajoute-t-il en note.
Quelques esprits ont clairement aperçu ces difficultés, et ils ont dit que l’éclectisme est un degré nécessaire de la philosophie, mais que ce n’est pas encore la vraie philosophie elle-même. […] La conscience que l’idée prend d’elle-même par la philosophie peut s’éclaircir de plus en plus et lui révéler beaucoup de choses que Hegel n’a pas aperçues.
Nous apercevons celle de ses faces qui brille de bonheur, nous y voyons souvent un surcroît d’abondance ; nous oublions que, parmi tant d’oiseaux qui chantent à loisir autour de nous, la plupart ne vivent que d’insectes ou de graines, et par conséquent ne vivent que par une constante destruction d’êtres vivants ; nous ne voyons pas dans quelle effrayante mesure ces chanteurs, leurs œufs ou leur couvée sont détruits par des oiseaux ou des bêtes de proie ; et nous ne pensons pas toujours que, s’ils ont en certains moments une surabondance de nourriture, il n’en est pas de même en toutes les saisons de chaque année. […] Quand je me fus assuré que ces jeunes arbres n’avaient été ni semés ni plantés, je fus d’autant plus surpris de leur nombre, qu’en examinant des centaines d’acres de lande libre, je ne pus littéralement apercevoir un seul Pin, excepté dans les massifs anciennement plantés.
Tour de force dans la profondeur, il ne renverse pas tous les points de vue comme les sophistes turbulents, mais, à force de regarder les choses, il y aperçoit et il y fait voir ce que personne n’y avait vu encore, — formicaléo d’idées, qui en fait tomber des milliers en creusant. […] Ses notices, étranges et terrassantes de nouveauté par ce qu’elles contiennent d’aperçus et d’illuminations inattendues, sont d’une rapidité étincelante.
Or, en étudiant la nature, c’est-à-dire les tendances fondamentales de l’homme, on s’aperçoit qu’elle ne peut être satisfaite en ce monde, et, par exemple, atteindre la plénitude de la science, de l’activité, du bonheur. […] Si, comme dit Bossuet, Dieu a fait la révolution d’Angleterre pour sauver l’âme de Madame, le plus subtil historien n’aperçoit pas dans les événements la moindre trace de ce projet ; et si le soleil est fabriqué pour éclairer les hommes, les habitants du soleil, qui sont en bon lieu pour observer sa nature, n’ont pas encore découvert sa fin.
Maintes fois chez Musset j’aperçois bien ce qu’il veut dire, mais il ne le dit pas. — Quant à sa prose, elle est décidément charmante.
On se souvient encore et l’on raconte que, dans son zèle pour la christianisation au moins apparente et officielle de l’Université, Cousin avait, il y a quelques années, rédigé, — oui, rédigé de sa propre et belle plume un catéchisme : cet édifiant catéchisme était achevé, imprimé déjà et allait se lancer dans tous les rayons de la sphère universitaire, quand on s’est aperçu tout d’un coup avec effroi qu’on n’y avait oublié que d’y parler d’une chose, d’une seule petite chose assez essentielle chez les catholiques : quoi donc ?
Lerminier en a déjà parcouru une bonne longueur ; il est, pour quelques années encore, sur une ligne de travaux historiques, qui aboutissent de toute nécessité à une théorie plus ou moins formelle, dont au reste la tendance, les principes et de nombreuses parties s’aperçoivent aisément.
On ne peut — toute question de censure mise à part — dire et faire dire tout ce que l’on écrit : le même mot qui, aperçu avec sa forme propre et son aspect typographique se pardonne ou s’admire, devient vite, entendu et défiguré par l’acoustique artificielle de la rampe, insupportable d’invraisemblance ou de pédantisme. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique.
Ce qui est vraiment utile est très facile à comprendre, et l’on n’a pas besoin d’un regard perçant pour l’apercevoir.
Picard, qui n’aurait besoin que d’être écrite par Beaumarchais ou par Sheridan, pour être délicieuse, a donné au public la bonne habitude de s’apercevoir qu’il est des sujets charmants pour lesquels les changements de décorations sont absolument nécessaires.
Par un bonheur singulier, nous apercevons les hommes eux-mêmes, leurs dehors et leur dedans.
On dirait que sa sécheresse la conserve. « La mort n’y mord. » Et, quand nous relisons ces ouvrages d’une aussi harmonieuse pureté, nous sommes étonnés de tout ce qu’ils contiennent sans en avoir l’air ; nous sommes ravis de cette exacte et précise traduction des choses, où rien d’essentiel n’a été omis, où n’a été admis rien de superflu ; nous en développons la richesse secrète ; nous nous apercevons que dans ces nouvelles, dont quelques-unes ont été composées voilà cinquante ou soixante ans, se trouvent déjà tous les sentiments, toutes les façons de voir et de concevoir le monde qui ont paru depuis et qui paraissent encore le plus originales.
J’aurais dû m’apercevoir que la tristesse secrète de notre ami n’avait rien de concerté et n’avait rien de délicieux ; j’aurais dû deviner chez lui le rongement d’une idée fixe, le ravage continu d’une épouvante.
Athènes n’a aperçu que le vol de l’aigle, sa fuite impétueuse, et ce mouvement qui convenait au propre mouvement du génie des Grecs.
On aura beau chercher à ravaler le génie de Bossuet et de Racine, il aura le sort de cette grande figure d’Homère qu’on aperçoit derrière les âges : quelquefois elle est obscurcie par la poussière qu’un siècle fait en s’écroulant ; mais aussitôt que le nuage s’est dissipé, on voit reparaître la majestueuse figure, qui s’est encore agrandie pour dominer les ruines nouvelles205.
Si l’on n’entend que moi, on me reprochera d’être décousu, peut-être même obscur, surtout aux endroits où j’examine les ouvrages de Sénèque ; et l’on me lira, je ne dis pas avec autant de plaisir, comme on lit les Maximes de La Rochefoucauld, et un chapitre de La Bruyère : mais si l’on jette alternativement les yeux sur la page de Sénèque et sur la mienne, on remarquera dans celle-ci plus d’ordre, plus de clarté, selon qu’on se mettra plus fidèlement à ma place, qu’on aura plus ou moins d’analogie avec le philosophe et avec moi ; et l’on ne tardera pas à s’apercevoir que c’est autant mon âme que je peins, que celle des différents personnages qui s’offrent à mon récit.
Faites donc que j’aperçoive ce caractère dans la largeur des hanches et des reins.
C’est ainsi que tous les arts et même la musique font arabesque autour du livre majestueux qu’ils ornent et qu’ils parachèvent… Il n’y a certainement rien de supérieur à l’encyclopédisme de cette publication, mais ce n’est pas là, pour nous, le plus grand mérite de l’ouvrage, qui est mieux que complet par les renseignements puisqu’il est vrai par l’aperçu… La vérité, qui est toujours le but de l’Histoire, est, dans l’histoire de Jeanne d’Arc, plus difficile à atteindre que dans une histoire moins sublime et moins merveilleuse… L’histoire de Jeanne d’Arc est plus qu’humaine.
Et, en disant cela, je m’aperçois que j’ai presque inventorié toutes les œuvres de 1863.
Là résident certaines puissances complémentaires de l’entendement, puissances dont nous n’avons qu’un sentiment confus quand nous restons enfermés en nous, mais qui s’éclairciront et se distingueront quand elles s’apercevront elles-mêmes à l’œuvre, pour ainsi dire, dans l’évolution de la nature.
Vous trouverez qu’il a grand soin de ne rien dire et de ne rien faire qui puisse être imputé à mépris ou à négligence, ni qui puisse le moins du monde atteindre la vanité ou l’amour-propre des autres : loin de là, vous apercevrez qu’il rend les gens contents de lui, faisant en sorte que chacun soit content de soi-même ; il a du respect, des égards, de l’estime et de l’attention, précisément là où chacune de ces choses est de mises il les sème avec soin, et il en recueille des fruits à foison. […] Dès son arrivée, et en mettant le pied sur le sol anglais, le duc de Nivernais put s’apercevoir combien la paix y était peu populaire : un aubergiste de Canterbury, pour une nuit que l’ambassadeur avait passée, lui septième, à son auberge, le rançonna en lui demandant quarante-trois guinées. […] Ce n’est là qu’un premier aperçu, et l’ambassadeur poursuit dans cette lettre même une analyse, qu’il a dû reprendre encore et approfondir bien des fois dans les dépêches qui ne sont pas publiées.
Le Misogallo est un recueil de toutes les injures à la France, qui n’a pas même daigné s’en apercevoir ; caprice de haine et d’envie aussi faux que son amour ! […] Sismondi, retiré pendant quelques mois à Pescia, sa patrie, en Toscane, ne s’en apercevait pas ; il continuait l’obsession de sa correspondance compromettante. […] On s’aperçoit de plus en plus qu’il n’y a rien d’héroïque chez la reine d’Angleterre.
« Le lendemain, à la cérémonie, écrit l’ambassadeur, je m’aperçus d’étranges nuages de physionomie entre elle et son mari, ce qu’elle me voulut excuser en me disant que, si je la voyais triste, c’était pour ce qu’elle n’avait pas sujet de se réjouir, ne désirant que la mort ! […] Marie s’en aperçut. […] La reine s’en aperçut, et, regardant le comte puritain, elle s’écria d’une voix profonde : « Versez le sang de Henri VII, mais ne le méconnaissez pas.
Quand je relis ce que j’ai écrit, je m’aperçois que le morceau est très faible, que j’y ai mis une foule de choses dont je ne suis pas sûr. […] Ce dernier s’aperçut même que ce monde nouveau était fort curieux et valait la peine qu’on s’y attachât. […] Non assurément ; si ses espérances avaient été réalisées, c’est le monde entier qui eût été changé de fond en comble et on ne s’aperçoit pas d’un tel changement.
Je ne veux pas épuiser le sujet ; il me suffira de présenter quelques aperçus qui mettent cette connexion hors de doute. […] En proie à l’amour du passé, regrettant toujours d’inutiles fadaises, antique, moyen âge, rococo, bonnet rouge et jamais actuelle, elle assiste au travail émouvant de son siècle en mal de vérité, sans même paraître s’en apercevoir… » Je n’ai point ici à juger si la poésie a répondu brillamment à cet appel. […] Après le règne de Louis XIV, on s’avise que de grands écrivains font autant pour la gloire d’un peuple que de grands capitaines ou de grands diplomates ; on s’aperçoit que les Corneille, les Molière, les Racine ont opéré des conquêtes plus durables que celles du grand roi, et si Voltaire peut traiter presque d’égal à égal avec des têtes couronnées, en sa qualité de roi de l’opinion publique, s’il a des correspondants et des flatteurs parmi les souverains d’Europe, il doit en partie ce prestige au souvenir de ses illustres devanciers, à l’admiration qu’ils ont inspirée, à la haute idée qu’ils ont donnée des droits sacrés du génie.
Dominé — avoue-t-il — par les ambitions en vogue à la fin du xixe siècle, lorsqu’il croyait, comme tant d’autres, avoir devancé la vérité, il s’aperçut qu’il avait été lui-même devancé par elle de plus de dix-huit cents ans : il venait de découvrir le christianisme. […] Il avait voulu fonder une secte, et quand tout fut prêt, il s’aperçut qu’elle était orthodoxe, De la vérité d’une légende ou de l’erreur d’un système philosophique, il tirait des conceptions déjà connues du catéchisme. […] Vanderem s’était aperçu du genre critique de Baudelairebb.
Ces périls, qui ne les pressent, qui ne les aperçoit du premier coup d’œil ? […] Que de choses fauves l’œil du poète aperçoit ! […] On ne s’aperçoit pas qu’on ravit à la nature son prestige et son attrait, le mystère. […] Il finit toujours avant que l’on songe même à s’apercevoir qu’il y a longtemps qu’il a commencé. […] Mais il s’apercevra bientôt qu’il est vaincu par l’amour plus que par la foi, et il reculera devant sa sincérité alarmée.
Nous avons beaucoup marché sans nous en apercevoir ; je me sens un peu lasse. […] Et quand nous nous en sommes aperçus, au lieu de hâter le retour, nous avons décidé de rester ici jusqu’au soir. […] J’ai disserté sans fin, et je m’aperçois qu’à peine j’ai abordé mon sujet. […] » s’écrie-t-il, du plus loin qu’il l’aperçoit. […] Notre premier mouvement fut de fuir, mais trop tard ; on nous avait aperçues, on m’appelait.
Attiré par ce tapage, un méchant chasseur aperçoit l’oiseau, et l’abat d’un coup de fusil. […] moi aussi, ça me serait égal qu’il ne dise que des « niaiseries » si je ne m’en apercevais pas. Mais je m’en aperçois, c’est plus fort que moi. […] Et je m’aperçus qu’elle valait un peu moins qu’auparavant. […] » Et il croit railler, et il ne s’aperçoit pas qu’il a trouvé, du coup, sa plus naturelle attitude.
Le mouvement violent quelle venait de faire avait un peu déplacé sa pèlerine ; Julien apercevait ses épaules charmantes. […] C’est que, du poste qu’ils occupent ayant cette réalité tout entière sous les yeux, et n’ayant pas qu’elle, ils aperçoivent les objets dans leurs proportions véritables, et ils échappent à cet hypnotisme qu’engendre parfois une contemplation trop prolongée. […] À Queen Victoria, pour les raisons que j’indiquais au début, elle n’est plus applicable ; il ne faudrait pas en inférer cependant que le détachement fût moindre ; il semble seulement que l’on en aperçoive mieux les motifs. […] Vernois s’aperçoit qu’il fait de l’éloquence, mais, contrairement à ce qu’eût été son mouvement habituel, il ne songe pas à s’en excuser. Sur la joue qu’elle aperçoit de profil, Clymène remarque un pli qui tantôt n’y était pas.
On peut offenser non seulement sans le faire exprès, mais même sans s’en apercevoir. […] Nous remarquions là-dessus que Hugo réussit généralement beaucoup moins quand il décrit pour décrire, ou enfin quand il veut décrire, surtout un paysage, que quand il décrit sans le faire exprès, et peut-être sans s’en apercevoir, en un certain sens, autant qu’un homme comme Hugo peut ne pas s’en apercevoir. […] Emportés par le courant, tout occupés, tenus par l’astreinte et par le foisonnement de la vie nous ne nous sommes pas aperçus que c’est vers 1895, (nous avions vingt-cinq ans), que nous passâmes le point critique. 1894 ; 1895 ; 1898. […] Ainsi nous ne nous aperçûmes pas que vers ce 1895 nous passâmes le point critique, c’est-à-dire que nous fûmes, que nous vînmes distants des Châtiments exactement comme les Châtiments étaient distants de Waterloo. […] — Ce texte comme tant de textes et sans qu’on s’en aperçoive court sur deux plans.
Vers la même époque, il est très répandu à Paris, dans le monde aristocratique ; des femmes s’intéressent à lui ; des copies de ses vers circulent ; on commence à s’apercevoir qu’il est quelqu’un. […] J’ai retardé autant que j’ai pu — et vous vous en êtes aperçus sans doute — ce moment fatal. […] En levant les yeux, elle aperçoit Isnel au sommet de la tour. […] Il ne daigna pas s’apercevoir que, dans cette seconde version, le dernier vers contredit absolument l’avant-dernier. Ou plutôt je crois qu’il s’en aperçut, et j’en conclus me souvenant d’ailleurs de certains autres vers que c’était la première version qui rendait sa vraie pensée.
Et ils ne se sont, sans doute, jamais aperçu que le plus sublime des concerts, il faut l’entendre au ras des grèves d’or clair, quand l’Océan entonne son immense et silanique symphonie. […] La nature intervient dans ses poèmes pour faire allusion à soi-même, et s’il évoque la figure du Fossoyeur ou du Porcher, personnages de la vie banale, ce ne sera nullement comme symboles d’éternité, mais il agrémentera leur langage de ses convictions, et vous vous apercevrez, promptement, que le poète s’est allégorisé en la stature ou la fonction de ces hommes frustes. […] Vielé-Griffin n’aperçoit la nature que fort lointainement et comme à travers un vague songe lumineux, nous n’éprouvons jamais directement la pensée du poète. […] On s’est d’abord peu aperçu de son importance, c’est que le langage philosophique s’est appesanti de tant d’expressions scientifiques et dissonantes, que lorsqu’un écrivain s’efforce à exprimer ses idées avec quelque littérature, s’affranchit de ce singulier idiome, on va jusqu’à lui refuser toute valeur théorique. […] Mais on ne veut pas s’apercevoir de la beauté véridique de ces axiomes précis, on se les imagine comme des fictions jolies, et on s’en amuse simplement comme des paradoxales constructions d’un habile fantaisiste.
La chevelure d’abord aperçue fait courir dans les reins du Faune la brûlure du désir. […] Elle implique un mouvement à deux temps : apercevoir instinctivement une analogie, trouver une raison de cette analogie. […] Parlant du mouvement musical que l’on aperçoit souvent parallèle au symbolisme, M. […] Si Mallarmé, dans un fanatisme de pureté, l’a poussé à une outrance absolue, sous divers visages s’en aperçoivent les formes approchées. […] Le poète aperçoit sa main qui fait le geste, habituel aux musiciens de la parole, de rythmer en caresse les inflexions de sa voix.
On s’est aperçu au commencement de ce siècle que le xviiie siècle avait été surtout négateur et avait surtout détruit ; et l’on a essayé de construire ou de reconstruire. […] Peu de consciences et peu de raisons résistent à de pareilles démonstrations. — On ne s’aperçoit guère de cela, dira-t-on, à lire la littérature de 1830. […] Ce n’est que vers 1850 que quelques lettrés très experts s’aperçurent que Stendhal valait quelque chose. […] Il n’a pas eu de peine à s’apercevoir que l’indépendance du juge est la clef de voûte d’un système libéral, plus que le parlement lui-même, et que peu s’en faut qu’il ne soit la liberté elle-même. […] Or un homme qui n’était pas sceptique, mais qui avait en lui de quoi l’être et qui se croyait dogmatique, un homme qui de chaque question apercevait immédiatement le pour et le contre et croyait apercevoir la solution, c’était précisément Proudhon.
Le voyez-vous se lever devant vous, l’essaim des figures françaises, toutes parées de vives couleurs que vous n’aviez pas aperçues ? […] Le livre fini, on s’aperçoit que M. […] Le premier regard ne l’aperçoit point, la réflexion la découvre ; plus de réflexion la laissera-t-il subsister ? […] On s’arrête cependant pour réfléchir, on s’aperçoit que les passions manquent, et avec les passions, les caractères. […] Il s’aperçut bien vite qu’il fallait y joindre quelques autres ressources.
Mais j’ai fait des expériences, j’ai vu de près des réalités que je n’avais aperçues que de loin ; j’ai touché du doigt les conséquences de certaines idées de Rousseau. […] Déjà, il s’est aperçu qu’il s’est donné des chaînes. […] On dira que ce n’est pas à un domestique de s’apercevoir de ces choses-là (phrase pénible)… A table, j’étais attentif à chercher l’occasion de me faire valoir. […] Mais point ; j’avais la mortification d’être nul pour elle ; elle ne s’apercevait pas même que j’étais là. […] Julie s’aperçoit que Claire aime Saint-Preux.
Quand on regarde les corps, on s’aperçoit, sans être forcé d’y apporter une grande attention, qu’ils sont tous mus les uns par les autres, qu’ils reçoivent le mouvement et qu’ils le transmettent. […] Comme il a ordonné le monde les yeux fixés intérieurement sur elles, de même nous ordonnons quelques parcelles de l’univers suivant un plan dont il nous a permis d’apercevoir et de saisir quelques traits. […] Dès qu’on ne vivra que par elle, elle apercevra le bien et du même coup nous le ferons. […] Il deviendra artiste peut-être ; il deviendra philosophe, quand il s’apercevra que le beau le plus beau qui puisse être c’est le beau moral, c’est-à-dire le bien. […] Et l’on croit s’apercevoir qu’il n’avait aucune raison de le leur dire.
Si je lui donne un rôle secondaire, le public s’apercevra qu’il devrait avoir le principal, et c’est là que serait la faute. […] Je l’avais relue la veille, et je ne me suis pas aperçu d’une seule lacune. […] Si l’on avait fait passer devant Pyrrhus des éléphants chargés de dépouilles de Troie pendant un petit quart d’heure, le public s’en serait aperçu ; mais on n’a pas encore osé aller jusque-là. […] Elle a contre elle quelques imperfections d’articulation, légères aussi, mais sensibles dans un rôle en vers classiques ; elle chuinte un peu, si peu que rien, mais encore on s’en aperçoit, et ses son, sa, ses ne sont pas, et il s’en faut, des chon, cha, ches, mais ne sont pas tout à fait des ses, sa, son ; ce n’est pas pur. […] Tout cela se passe, non point en vingt-quatre heures, mais en deux heures ; et, depuis le retour de Thésée jusqu’au moment où il s’aperçoit qu’il a fait une bêtise énorme, elles se passent, elles peuvent se passer en une heure, ou même moins.
On s’en aperçoit à sa langue, tellement abstraite qu’au-delà du Rhin elle semble un jargon inintelligible. […] Le plébéien, affranchi du costume aristocratique, en cherchait un autre, empruntant une pièce aux chevaliers ou aux barbares, une autre aux paysans ou aux journalistes, sans trop s’apercevoir des disparates, prétentieux et content dans son manteau bariolé et mal cousu, jusqu’à ce qu’enfin, après beaucoup d’essais et de déchirures, il finît par se connaître lui-même et choisir le vêtement qui lui seyait. […] Voilà le monde tout moderne et réel, illuminé par le lointain soleil couchant de la chevalerie, que Walter Scott a découvert, comme un peintre qui, au sortir des grands tableaux d’apparat, aperçoit un intérêt et une beauté dans les maisons bourgeoises de quelque bicoque provinciale, ou dans une ferme encadrée par ses carrés de betteraves et de navets. […] On y vogue entre ciel et terre, dans l’abstraction, le rêve et le symbole ; les êtres y flottent comme ces figures fantastiques qu’on aperçoit dans les nuages, et qui tour à tour ondoient et se déforment, capricieusement, dans leur robe de neige et d’or. […] À cet aspect, le cœur remonte involontairement vers les sentiments de l’antique légende, et le poëte aperçoit dans la floraison inépuisable des choses l’âme pacifique de la grande mère par qui tout végète et se soutient.
Roederer fut, il le confesse, un peu lent à s’en apercevoir. […] Je m’aperçus qu’il n’était pas étranger aux beaux-arts ; il jeta sur le papier, pour l’embellissement de la ville de Düsseldorf, quelques idées dont on tira profit.
En un mot, pour bien faire, je veux m’ignorer ; que je ne m’aperçoive pas que je suis là seulement, mais qu’on m’éclaire dans le chemin et qu’on me dise : Allez, vous allez bien, allez sûrement. […] Ceux qui ne le connaissent pas le croient dévoré d’ambition ; non, il n’en est qu’occupé ; il la médite même gaiement, à cause de l’opinion qu’il a de sa supériorité ; il se voit lui-même au-dessus de tout, il croît apercevoir les fils des marionnettes, il se moque de tout, il se rit de tout et perpétuellement.
» Il se demande pourquoi ces livres traduits de l’anglais ont tant d’attrait pour lui ; il s’aperçoit bien de ce qui y manque pour l’ordre, pour la méthode, et combien « à décliner les choses par les règles » les écrivains français paraissent supérieurs ; il sent le besoin de s’expliquer cette action si réelle sur les esprits sérieux : C’est qu’ils raisonnent avec grande force, dit-il, et qu’il n’y a jamais de lieux communs comme dans nos auteurs, même comme dans ceux des nôtres qui raisonnent le plus à l’anglaise. […] Auparavant ses conclusions allaient à n’admettre nul goût et nui génie, ni presque ressources d’aucun genre, et il y avait des moments ou l’on se sentait avec lui à la fin des temps et comme au bout du monde : il se relève à partir d’une certaine heure, et s’aperçoit qu’un souffle nouveau passe dans l’air, et pour ainsi dire que la brise fraîchit ; il la signale des premiers et la salue.
Quant à Villars, il n’entrait pas dans toutes ces susceptibilités, et les heurtait sans trop les regarde ni les apercevoir ; il allait son train, poussant ses qualités, usant de ses défauts, remplissant sa carrière, et bonhomme au demeurant. […] Marcin plus souple vint le remplacer, et à moins d’un an de là on s’aperçut trop de l’absence de Villars, lorsqu’on perdit la seconde bataille d’Hochstett sur le même terrain où il avait gagné la première.
Je crus m’apercevoir, dès la première visite, que, malgré mon air gauche et mes lourdes phrases, je ne lui déplaisais pas. […] J’avais songé à réunir quelques-uns des mots justes et concis qu’on a d’elle, et puis je me suis aperçu que de les citer trahirait peut-être mon dessein.
Mais je m’aperçois que je suis aux dernières limites de cet article. […] Une brochure de 60 pages, in-8°. — Il y a eu nécessairement bien des suppressions, et aussi de légères modifications de style ; mais, par une inadvertance singulière, on ne s’est pas aperçu, eu donnant la suite des lettres, qu’il y avait une lacune de juillet à septembre 1812, intervalle pendant lequel Horace Vernet avait eu le temps de faire le voyage de Paris et de retourner à Pétersbourg.
Lorsque ensuite on s’aperçut que ce projet de voyage royal n’était qu’une feinte, il s’en montra très irrité et pensa à s’y rendre lui-même ; c’était moins sans doute dans la vue de se lier avec un parti politique et avec des hérétiques que pour échapper au joug paternel trop pesant de près, et pour pouvoir se livrer avec plus de liberté à son agitation turbulente. […] En un mot, on put apercevoir, à cette occasion, comme flottants dans l’air, les germes de ce qui serait devenu en d’autres temps une légende, mais qui ne purent éclore qu’imparfaitement à cause du climat un peu froid et rigoureux qu’impose le régime de l’histoire.
Deux nuits entières il lutta, les mains jointes, contre cette vision ; elle disparut enfin et le laissa meurtri, brisé, mais saintement humilié et persuadé qu’il avait choisi la bonne part13. » Voilà des miracles de la littérature exquise, de celle qui ne brille que par l’étendue et la rapidité des aperçus, la justesse heureuse des touches, les ménagements et le choix des couleurs et du langage. […] Il écrivait dès ce temps-là dans la Revue indépendante, dans la Revue des Deux Mondes, le National, la Liberté de penser… Vers, prose, littérature, philosophie, il s’essayait en tous sens, et plus d’un de ses collègues de la vieille roche s’effrayait des nouveautés d’aperçus ou de sujets qu’il introduisait dans l’enseignement normal.
Viollet-le-Duc, publié en 1843, donnait des indications bibliographiques précises accompagnées de courtes analyses ou d’aperçus, et le ciel poétique du xvie siècle se peuplait ainsi d’une quantité d’étoiles de toute grandeur ; les plus petites même étaient désormais visibles. […] Par ce simple aperçu, que je ne me flatte pas d’avoir su rendre complet, j’ai tenu à bien montrer du moins l’ensemble du mouvement qui s’est produit, depuis une trentaine d’années, autour de cette famille particulière de vieux poètes.
Mais, un beau jour, il s’aperçoit que la chanson peut tout tenir d’essentiel, même le grand, et le voilà qui s’y porte en entier et y triomphe. — Arrivons donc à cette histoire littéraire dans laquelle le talent, l’imagination, la sagacité et le savoir de M. […] La loi de décroissance dans l’ordre des hérésies et de progrès dans l’affermissement du christianisme est lumineusement aperçue.
Sa figure, sans être belle, était perçante ; il était impossible d’apercevoir dans un théâtre ou dans un salon cette figure de fils des preux, fière, gracieuse, accentuée, sans demander quel était ce jeune gentilhomme, et sans se souvenir de lui. […] est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale.
Si nous voulons résister à notre mémoire qui nous présente machinalement la plupart de ces vers, trop familiers et tournés en dictons pour évoquer encore en nous des sensations, on s’apercevra que Boileau n’a guère usé du style abstrait. […] Jusque dans cette admirable Satire IX, vous apercevrez les points de suture : ce n’est pas un discours fortement conçu et contenant toutes ses parties dans son principe, c’est une suite de morceaux saisissants, dont chacun présente une facette du sujet.
Il a compté comme espèces de simples variétés : élégie, ode, sonnet, ballade, chanson, il n’a pas vu que tout cela, c’étaient les variétés de l’espèce lyrisme ; tout à la description des variétés, il n’a pas aperçu la définition de l’espèce. […] Il a défini l’épopée comme Chapelain et Scudéry, « un roman héroïque en vers, merveilleux, allégorique et moral » : par superstition d’humaniste, il a, contre Desmarets369, maintenu la mythologie dans la poésie française comme un système d’élégants symboles, sans s’apercevoir quel démenti il donnait ainsi à son vigoureux réalisme ; et par une légèreté de bourgeois indévot, il a estimé que le « diable » des chrétiens était toujours et partout un objet ridicule : ce théoricien de la poésie fermait tout bonnement la poésie au sentiment religieux.
Zola n’a jamais aperçu la différence qui existe entre une expérience scientifiquement conduite dans un laboratoire de chimie ou de physiologie, et les prétendues expériences du roman où tout se passe dans la tête de l’auteur, et qui ne sont en fin de compte que des hypothèses plus ou moins arbitraires. […] Cette vie, très particulière en son détail, est si vraie, d’une vérité si moyenne en sa contexture et qualité, qu’elle en prend une valeur générale : à sa tristesse s’ajoute toute la tristesse des innombrables vies que nous apercevons derrière ce cas unique, et la puissance douloureuse de l’œuvre en est infiniment accrue.
Il n’est pas besoin d’être prévenu contre sa mémoire, pour s’apercevoir que le disciple a converti en procédés de versification les grandes doctrines du maître. […] Il s’était aperçu que les bons font applaudir le personnage et les beaux le poète.