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32. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Avez-vous toujours vécu seul ? […] Cette sœur que vous avez perdue vivait-elle avec vous ? […] Je pense cependant qu’elle devait être moins triste lorsque votre sœur vivait. […] Dieu vous préserve d’être jamais obligé de vivre seul ! […] Vivent les hommes qui ne pensent pas à ce qu’ils disent !

33. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Nous ne pouvons vivre et prospérer que par le pillage et le meurtre, direct ou indirect. […] Il est parfaitement possible de vivre socialement, de vivre « honnêtement » sans beaucoup penser à la conception du « devoir » et sans éprouver avec beaucoup de force et de fréquence les sentiments spéciaux qui s’y rattachent. […] Jusque-là, il accepte, s’il veut vivre, le contrat social, mais avec une part seulement de son individu. […] Et la société pourrait aussi, sans renoncer à vivre et à se défendre, comprendre le cas de l’individu. […] Elle vit encore et vivra longtemps dans l’organisme mental de l’humanité.

34. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Elle prit une de mes petites chemises, alla un matin à l’étang sacré ; elle revint la face resplendissante. « Il veut vivre, il veut vivre ! […] Ces statues de saints sont d’un réalisme étonnant ; pour des imaginations plastiques, elles vivent. […] En Bretagne, avant 1830, le passé le plus reculé vivait encore. […] Je sens que je pense pour eux et qu’ils vivent en moi. […] On vivait ensemble, on s’animait, on participait aux mêmes croyances.

35. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Ainsi, les coquillages terrestres et les insectes Coléoptères de Madère sont devenus très différents de ceux d’entre leurs plus proches alliés qui vivent sur le continent européen, tandis que les oiseaux et les coquillages marins sont demeurés les mêmes. […] Mais comme ces formes anormales et gigantesques vivaient avec le Mastodonte et le Cheval, on aurait pu au moins en inférer qu’elles appartenaient à l’une des dernières époques tertiaires. […] Car, si tous les animaux marins qui vivent actuellement en Europe, joints à tous ceux qui vécurent dans cette même contrée pendant la période pléistocène, déjà si énormément reculée, si l’on compte son antiquité par le nombre des années, puisqu’elle comprend toute l’époque glaciaire ; si ces animaux marins, dis-je, étaient comparés avec ceux qui vivent actuellement dans la mer de l’Amérique du Sud et de l’Australie, les plus habiles naturalistes seraient à peine capables de décider lesquels, des habitants de l’Europe, actuels ou Pléistocènes, ont plus de ressemblance avec la faune marine vivante de l’hémisphère méridional. […] Ce procédé de diffusion est probablement plus lent pour les habitants terrestres de continents distincts, que pour les faunes qui vivent dans des mers ouvertes et continues. […] Ainsi, les espèces qui ont vécu pendant la sixième époque de filiation généalogique, représentée sur la figure, sont la postérité modifiée de celles qui vécurent pendant la cinquième époque, et les ancêtres de celles qui vécurent, en se modifiant toujours davantage, pendant la septième époque.

36. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste. […] À plus forte raison des livres dont le sujet et la manière conviennent très-peu au xixe siècle français ne peuvent-ils faire sensation dans le public… « S’il me survient assez tôt des circonstances qui me mettent en état de vivre, je me féliciterai fort d’être resté étranger au commérage du monde ; de n’avoir point eu de rapport en général avec ceux pour qui vivre, c’est être en place ; de n’avoir vu que de loin les meneurs :de n’avoir pas ajouté à mes misères leurs vaines passions et de n’avoir pas mis la main à leur petit feu d’artifice… (Ici une lacune.)  […] « Le lieu de la retraite paraîtrait fort difficile à choisir ; n’ayant pu vivre avec un ami, j’ai des amis, ils sont épars : près de qui se fixer ? […] Faudrait-il donc vivre à Paris ? […] « Aurai-je un jour à moi, ou dois-je finir comme j’ai vécu jusqu’à présent, comprimé, ignoré de ceux qui m’ont vu le plus souvent et ne sachant qu’imparfaitement moi-même ce que j’eusse été ?

37. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

. — Les raisons d’agir et de ne pas agir, les raisons de vivre et de mourir, les raisons d’espérer et de désespérer varient à l’infini suivant les individus. […] Les volontés ne diffèrent pas seulement par leurs raisons d’agir ; elles diffèrent encore par la nature des mensonges vitaux quelles adoptent ou qu’elles se fabriquent elles-mêmes pour soutenir leur énergie, pour s’encourager à vivre et à agir. […] Les autres, bientôt lasses du mal de vivre, glissent paresseusement au nirvana bouddhique. […] « Chacun, dit Nietzsche, se tient pour libre là où son sentiment de vivre est le plus fort ; partant, tantôt dans la passion, tantôt dans le devoir, tantôt dans la recherche scientifique, tantôt dans la fantaisie. Ce par quoi l’individu est fort, ce dans quoi il se sent animé de vie, il croit involontairement aussi que cela doit être aussi toujours l’élément de sa liberté ; il met ensemble la dépendance et la torpeur ; l’indépendance et le sentiment de vivre comme des couples inséparables

38. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Il se laisse et il se sent vivre. […] Si je m’étais décidé à quelque dépense, j’avais la Grèce sous les yeux, où je vivais avec Molière (le philhellène), avec qui j’aimerais mieux une mauvaise tente qu’un palais avec l’autre. […] Morin, à Fontenay-aux-Roses ; il s’y rendait deux fois par semaine, et le reste du temps il vivait à Paris, jouissant de ses anciens amis et des nouveaux qu’il s’était faits. […] que j’y voudrais vivre, au moins vivre un printemps, Loin de Paris, du bruit des propos inconstants, Vivre sans souvenir ! […] Que ferait-il aujourd’hui, s’il vivait ?

39. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Enfin il comprit que, si tout le mal vient de l’action, l’action vient du désir inextinguible, de l’illusion du mieux qui vit éternellement aux flancs de l’humanité, illusion qui fait souffrir puisqu’elle fait vivre, mais qui fait vivre enfin. […] Celui qui m’engendra m’a reproché de vivre ; Celle qui m’a conçu ne m’a jamais souri. […] Il est certain qu’en dépit de ces minutes on continue de vivre ; et cependant ceux pour qui elles reviennent souvent devraient, s’ils étaient aussi sincères qu’ils le paraissent, se réfugier volontairement dans la mort. […] Sophocle pense que le meilleur est de n’être pas né ou de vivre peu8. […] Ils vivaient sous le destin et ils le savaient, mais ils ne s’occupaient que de vivre, et de vivre ici-bas.

40. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Elle a pour point de départ la banqueroute de l’existence et le mépris de vivre. […] On sent à travers toute l’œuvre de Zola qu’il a moins vécu lui-même que conçu la volonté de décrire la vie. […] Celui qui a vécu largement une part quelconque de la vie peut en faire revivre, par sa seule puissance individuelle, une autre partie, et c’est là le propre du génie. […] C’est du moins l’impression sincère qui nous vient de son œuvre, l’impression de la vie imparfaitement vécue.‌ […] Après lui, la « Terre » et la « Joie de vivre » restent encore à décrire, car nous mettons désormais sous ces mots une plus riche compréhension.

41. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Ils vont en Italie, puis vivent quelques mois dans une maisonnette au bord de la Méditerranée. […] Le père souffre parce que cette petite fille, qui n’avait pas demandé à vivre, est sans doute vouée, comme lui, à la douleur. […] Il se dit : « Vivre pour les autres, oui, c’est là le but de la vie. » Il nous raconte alors l’histoire d’une vieille demoiselle qu’il a connue dans son enfance, qui a passé ses jours à se dévouer, et qui, seule, paralytique, presque pauvre, sans une joie extérieure, a vécu sereine à force de résignation, de douceur et de charité. […] Et je me figure que l’origine de ce mouvement, c’est, quoi qu’on en dise, cette curiosité même qui est la marque éminente de notre temps : car on arrive assez vite à reconnaître que la curiosité intellectuelle et sentimentale ne suffit pas pour vivre pleinement, et c’est là une constatation qui a des conséquences. […] Le don ou le pouvoir de vivre sur cet acte de foi implicite, je crois qu’il peut être développé ou diminué par l’éducation ou par l’expérience, mais que rien ne peut le communiquer aux créatures manquées qui ne l’apportent pas en naissant ou qui n’en ont pas, du moins, un petit germe, et qu’ainsi il y aura longtemps encore, dans le grand œuvre, un énorme déchet de forces inemployées ou nuisibles, mais que tout de même le grand œuvre se fera … Amen.

42. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

On ne savait pas grand-chose de son origine, de sa famille, de son passé, et il a bien couru la chance de mourir tout entier, n’ayant vécu, sinon toujours en lui, au moins pour lui, — ce qui est peut-être la meilleure manière de vivre… Le prince de Ligne disait de Catherine II que son empire allait d’une tempe à l’autre de son beau front. […] Les sentiments et les sensations de ses lettres, exprimés avec la magie d’une forme très personnelle, sont infiniment au-dessus des jugements qu’on y trouve, et puisque ces lettres sont une histoire littéraire du temps où leur auteur vivait, il faut se demander, pour avoir une idée de son coup d’œil, ce qu’il a vu dans le xixe  siècle à mesure qu’il se déroulait devant lui. […] Il a vécu, de 1820 à 1873, dans la plénitude de ses facultés, la plume à la main et l’œil aux livres. […] Mais le respect pour l’Académie de la maison où il vivait tombait sur lui, malgré tout… « Je regarde — dit-il quelque part — le discours qu’on prononce à l’Académie comme l’action la plus importante de la vie. » De qui se moquait-il quand il disait cela ? […] Nous sommes aussi curieux que Doudan lui-même, qui était curieux de tout et qui disait : « Je n’ai jamais passé devant un chenil sans avoir envie de savoir comment on y pensait et comment on y vivait. »

43. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Lui, il s’est isolé du monde pour vivre davantage en Dieu, et parce qu’il aimait exclusivement Dieu. […] Il était né, ce Benoît Labre, dans l’obscurité la plus profonde, et il allait y vivre jusqu’au jour où l’Église l’en tirerait. […] Dans l’art plastique et purement pittoresque, n’oubliez pas non plus les adorables mendiants de Callot, tous ces magnifiques stropiats de la guerre de Trente ans, avec lesquels, dans sa vie errante comme la leur, il avait vécu, et demandez-vous pourquoi la pauvreté est une si grande poésie ? […] Pour vivre de cette vie révoltante aux sens, mais que je maintiens poétique pour l’esprit, et pour l’âme croyante abondante en joies supernaturelles et célestes, il avait quitté de bonne heure des parents pieux qui l’adoraient. […] Pour eux, Balzac remplacerait Pie IX dans la justice tardive à rendre à ce grand Indigent volontaire et obscur, — lumineux seulement devant Dieu, — qui vécut dans la palpitation prolongée de l’amour sans bornes, et dont l’âme emporta le corps, émacié dans une étisie sublime, et le répandit devant Dieu comme une fumée d’encens… Au lieu de cela, ils continueront de ricaner, et peut-être le livre de M. 

44. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Ce temps de misère demeurera comme un idéal pour ceux qui l’ont vécu dans leur jeunesse. […] Elle ne comportait aucun oubli de ce qui fait vivre nos consciences, mais, au contraire, elle est née de ces croyances qui, par tout ce qu’elles ont de plus excellent, se rejoignent en profondeur. […] Notre grande force est d’être un peuple de terriens qui ne parlent pas, qui vivent sur des bribes de catéchisme et d’école primaire. […] Si nous avons retrouvé notre unanimité profonde, c’est pour la maintenir, en organiser la défense et continuer à la vivre. […] Cette transformation s’est produite surtout, je crois, durant ces heures — les plus dures moralement peut-être — que nous avons vécues depuis l’offensive de Champagne, depuis l’écroulement que nous nourrissions des espoirs d’une guerre relativement courte.

45. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Je vis avec de bonnes gens en les lisant ; dès que ce sont des romans de mœurs, les auteurs y peignent les mœurs de leur temps, et non celles du temps où vivait le héros. […] J’aime beaucoup ce temps-là, j’aurais voulu y vivre ; j’aime les alcôves et les balustrades ; je recherche les dessins de Berain et de Mellan. […] [NdA] Une fois cependant les goûts de race et d’antique noblesse semblent lui revenir, et il écrit vers la date de 1750, sous ce titre : Gradation pour vivre noblement : J’aimerais à l’imitation des Anglais, à vivre ainsi graduellement en ces différents postes : À la ville ne vivre qu’en bourgeois aisé ; petite maison bourgeoise, mais commode, et d’une grande propreté au dedans ; chère bonne et propre ; quelques amis seulement le fréquentant. À la campagne, vivre en gentilhomme simple et aisé, plus abondamment qu’à la ville. Dans mes terres, dans le château principal, manoir du grand domaine titré, je voudrais y vivre en prince souverain, y avoir gardes, pages, écuyers, gentilshommes, chevaux, attelages, chiens, aumôniers, et quanlité de courtisans ; musique, comédie.

46. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Je vis avec de bonnes gens en les lisant ; dès que ce sont des romans de mœurs, les auteurs y peignent les mœurs de leur temps, et non celles du temps où vivait le héros. […] J’aime beaucoup ce temps-là, j’aurais voulu y vivre ; j’aime les alcôves et les balustrades ; je recherche les dessins de Berain et de Melian. […] J’aime ces auteurs qui me décrivent les usages de leur temps, peu soucieux, il est vrai, du temps où vécut leur héros. Ainsi Scudéry, dans Cyrus, me fait connaître le ton des hôtels de Longueville et de Rambouillet, lieux que j’affectionne et où j’aurais voulu vivre.

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