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953. (1902) Propos littéraires. Première série

Il est le fait des vieilles filles un peu aigries, le premier cas. […] Elles sont là trois : la vieille tante, lanière presque vieille et la jeune fille. […] La vieille tante répète souvent : « Pourvu que je vive assez pour le voir tomber !  […] Le jour où il est tombé, la mère, maintenant très vieille, la jeune fille, devenue vieille fille, se regardent avec une immense déception et une véritable douleur. […] Il en monte un vieux missionnaire français, ne parlant plus qu’avec difficulté sa langue maternelle.

954. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 269

On croit leur donner de la parure & de l’embonpoint ; on ne leur rend que de vieux vêtemens réformés ; on ne leur donne qu’une enflure hydropique, qui les défigure.

955. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Un vieux poëte du seizième siècle (Pontus de Thyard), ayant à définir les Grâces, l’a fait en des termes qui reviennent singulièrement à ma pensée : « Des trois Grâces, dit-il, la première étoit nommée Aglaé, la seconde Thalie, et la tierce, Euphrosyne. […] Les vieux Romains étaient rustiques et amateurs de la campagne ; mais ils l’étaient en agriculteurs, non en bergers. […] — « C’était le temps, dit-il, que moi et Eucrite nous allions de la ville vers le fleuve Halès, et en tiers avec nous était Amyntas ; car Phrasidame et Antigènes célébraient les fêtes de Cérès, — deux enfants de Lycopée, de vieille et haute souche s’il en fut jamais. » Ici le poëte entre dans quelques détails généalogiques et mythologiques en l’honneur de ses amis. […] De quelle vieille ai-je négligé le seuil, de celles qui faisaient des charmes ? […] Depuis ce jour tout était bien entre eux, jusqu’à ce que l’infidélité ait éclaté par l’absence et que le propos d’une vieille soit venu déchaîner la jalousie.

956. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Kant et la Critique du Jugement Bien que mes vieilles objections me semblent n’avoir rien perdu de leur force, j’aurais honte de les reproduire telles quelles, quand je sonde la profondeur de la science nouvelle de M.  […] Qu’ils renoncent à la définir, ou, s’ils ne peuvent consommer ce sacrifice si cher à leur amour effréné des théories, qu’ils s’en tiennent aux bonnes vieilles définitions de Platon et d’Aristote ; qu’ils nomment la poésie une création, d’après l’étymologie du mot, ou une imitation belle, d’après un caractère incontestable de toute œuvre d’art304 : ils ne seront plus précis, ils ne seront plus originaux, mais ils deviendront vrais ; ils nous édifieront moins par leur imagination, autant par leur science, et davantage par leur justice. […] Voilà ma vieille thèse. […] Ce que Molière a voulu peindre, c’est, vous le savez comme moi, le ridicule du vieux jaloux, ses angoisses, ses éclairs d’espérance, et ses tourments d’esprit pour parer les accidents qui le menacent. […] Dorante répète ici, sur la foi de Virgile, un vieux conte.

957. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Ils se font annoncer l’un chez l’autre ; ils se disent « Madame, Monsieur », non seulement en public, mais en particulier ; ils lèvent les épaules quand à soixante lieues de Paris, dans un vieux château, ils rencontrent une provinciale assez mal apprise pour appeler son mari « mon ami » devant tout le monde244. — Déjà divisées au foyer, les deux vies divergent au-delà par un écart toujours croissant. […] Non seulement il fallait ne pas heurter, mais encore il fallait plaire ; on était tenu de s’oublier pour les autres, d’être toujours pour eux empressé et dispos, de garder pour soi ses contrariétés et ses chagrins, de leur épargner les idées tristes, de leur fournir des idées gaies. « Est-ce qu’on était jamais vieux en ce temps-là ! […] Le dernier adieu de mon vieux mari fut de m’engager à lui survivre longtemps et à me faire une vie heureuse. » Avec les femmes surtout, c’est peu d’être poli, il faut être galant. […] On sermonne la vieille Mme du Deffand, qui est trop vive et qu’on nomme « la petite fille » ; la jeune duchesse, tendre et sensée, est « sa grand’maman ». […] À présent, c’est le parfilage, et, à Paris, dans les châteaux, toutes les mains blanches défont les galons, les épaulettes, les vieilles étoffes, pour en retirer les fils d’or et d’argent.

958. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Le mobilier du vieux monde périt avec les édifices sacrés publics ou privés ; l’art de la peinture périt tout entier dans cette métamorphose de la terre et du ciel. […] Ces peintures, dont on voit les plus vieux vestiges à Sainte-Sophie de Constantinople, sont barbares comme le temps ; c’était la littérature des yeux d’un peuple usé et retombé dans l’enfance d’esprit. […] Ce spectacle de l’industrie sédentaire de l’horloger, mêlé aux travaux champêtres du paysan des hautes montagnes, présentait un aspect de bien-être et de bon ordre qui faisait penser aux premiers temps du vieux monde. […] De plus, la scène est vraie : le vieux poète du môle de Terracine ou de Sorrente exerce sa profession en plein air pour gagner, en accompagnant ses stances de sa guitare, le pain, l’huile et le fromage nécessaires au souper de sa famille. […] Il est assis sur le vieux manteau de laine brune qui s’est détaché de ses épaules ; il cherche d’une main distraite des notes sur les cordes de sa guitare pour accompagner sa psalmodie ; il cherche de l’œil, dans son imagination ou dans sa mémoire, les aventures ou les vers qu’il chante à ses auditeurs attentifs.

959. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

L’écriture et la signature, sur du vieux papier jaune et froissé de l’époque, ne laissent aucune hésitation sur l’authenticité. […] Je me vois toujours vieux voyageur, lassé et délaissé, arrivant à mon dernier gîte. […] « L’amitié a ses cajoleries comme un sentiment plus tendre, et plus elle est vieille, plus elle est flatteuse, précisément tout l’opposé de l’autre sentiment. […] Vous savez que je voudrais y croire, mais qu’au fond je n’y crois pas, et c’est là mon mal ; car, si une fois il pouvait m’entrer dans l’esprit que je suis un chef-d’œuvre de nature, je passerais mes vieux jours en contemplation de moi-même. […] Allons en Italie, du moins le soleil ne trompe pas ; il réchauffera mes vieilles années qui se gèlent autour de moi.

960. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Muret accompagna cet envoi d’une lettre, dans laquelle il disoit que les vers lui avoient été adressés d’Allemagne, & qu’on les avoit tirés d’un vieux manuscrit. […] Aussitôt après les avoir lus, il s’écria qu’ils étoient admirables, qu’ils ne pouvoient appartenir qu’à un ancien, & prétendit qu’ils étoient d’un vieux comique, nommé Trabea. […] Dans le temps que les deux partis étoient le plus animés, le vieux abbé Desmarais vint, comme un second Nestor, se donner pour conciliateur. […] La manière dont elle apprit le Grec & le Latin est remarquable : on la tient d’un vieux officier de Saumur, qui avoit vécu avec Tannegui Le Févre. […] Les tableaux qu’il trace des romanciers faméliques, des femmes occupées, jour & nuit à les lire, des petits enfans échappés du sein de la nourrice, & tenant déjà dans leurs mains les Contes des Fées ; d’un gentilhomme campagnard assis sur un vieux fauteuil, & lisant à ses enfans les morceaux les plus merveilleux de l’ancienne chevalerie, sont d’une vérité frappante, & l’ouvrage est d’un grand maître.

961. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

On sema le feu sur les édifices, la cendre sur le sol, le sel sur la cendre, pour empêcher les vieilles superstitions et les vieilles philosophies de regermer jamais de leurs racines. […] De plus, il y avait dans le sang toscan, écoulement du vieux sang étrusque, une sève non encore épuisée de génie littéraire et de génie artistique. […] Pour me soulager de cette obsession d’un mal inconnu et pour retremper mes nerfs irrités dans un air moins imprégné de sel et de soufre que l’air de la mer et du Vésuve, je cédai au conseil du vieux Cottonio, l’Esculape presque séculaire de Naples, et je partis pour Rome. […] Il m’initia en même temps, par une immense variété d’anecdotes dont il était le recueil vivant, à la diplomatie consommée de la vieille cour de Rome et à l’histoire de cette capitale ecclésiastique depuis la révolution française jusqu’à la captivité de Pie VI à Savone. […] Dante était, pour ainsi dire, un païen à peine converti, traînant encore dans l’Église les théories de son vieux culte et les lambeaux de son premier costume.

962. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

On voit que, même déjà vieux, il aimait encore, comme dit saint François de Sales, à faire ses enfances. […] Chaque ville, chaque vieux château, chaque pan de mur qu’ils rencontrent, est une occasion nouvelle de souvenir et de vive narration : — « Messire Jean, voyez-vous ce mur qui est là ?  […] On y voit le bon chanoine déjà vieux, la figure assez marquée de rides, le nez fort, le menton fin, l’œil vif, le sourcil avancé, mais la lèvre supérieure courte et la bouche entrouverte comme s’il écoutait surtout et s’il attendait ce qu’on va lui dire.

963. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux ! […] Retirée les jours suivants à sa maison de Meudon, et devenue peu après assez sérieusement malade, elle reçut un matin, par les mains d’un vieux valet de chambre, une lettre du duc d’Orléans, très affectueuse, dans laquelle il regrettait de ne pas oser venir lui-même, et la priait de passer chez lui dès qu’elle serait mieux, « ajoutant que tout le monde l’avait abandonné et qu’il espérait que sa malheureuse situation lui vaudrait un pardon, si elle le croyait coupable ». […] Il y a l’historiette du vieux médecin anglais, le philosophe athée, que Mme Elliott a pour compagnon de chambre dans la prison de Versailles, et quelle soigne comme un père.

964. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

 » Je ne m’inquiète pas du fond de la pensée ni de savoir s’il est exact de supposer à ce vieux cœur breton de telles tendresses, mais on a peine à comprendre, quand on a vu M. de Lamennais, que l’idée de Clorinde ait pu venir à personne à son sujet. — D’autres fois, c’est la parfaite justesse qui manque aux idées de Mme Swetchine. […] Elle ne prétend à rien moins qu’à réhabiliter la vieille femme ; elle aspire à lui rendre tout son prix. […] et par exemple, l’historiette que voici et que je répète comme on me la donne : « Le vieux mari de Mme Swetchine était, du moins dans ses dernières années, nul et comme stupide.

965. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Les vieux souvenirs de cette race sont pour moi plus qu’un curieux sujet d’étude ; c’est la région où mon imagination s’est toujours plu à errer, et où j’aime à me réfugier comme dans une idéale patrie… Ô pères de la tribu obscure au foyer de laquelle je puisai la foi à l’invisible, humble clan de laboureurs et de marins à qui je dois d’avoir conservé la vigueur de mon âme en un pays éteint, en un siècle sans espérance, vous errâtes sans doute sur ces mers enchantées où notre père Brandan chercha la terre de promission ; vous contemplâtes les vertes îles dont les herbes se baignaient dans les flots ; vous parcourûtes avec saint Patrice les cercles de ce monde que nos yeux ne savent plus voir. […] Dieu m’est témoin, vieux pères, que ma seule joie, c’est que parfois je songe que je suis votre conscience, et que, par moi, vous arrivez à la vie et à la voix. » Et voilà l’homme qu’une partie de la jeunesse française refuserait d’écouter avec respect, parlant dans sa chaire des études et des lettres religieuses et sacrées, sous prétexte qu’il a, comme critique, des opinions particulières ! […] J’aurais aimé, du moins, au sujet des Essais, là où je me sens un peu plus sur mon terrain, à indiquer ceux qui me paraissent dans leur genre des morceaux accomplis ou charmants (le Lamennais, les Souvenirs d’un vieux professeur allemand, sur l’Art italien catholique, sur l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ, etc.) ; mais je me hâte et ne crains pas d’aborder un seul et dernier point, celui qui intéresse le plus vivement, à l’heure qu’il est, le public et la jeunesse.

966. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune. […] On ne saurait lui refuser toutefois un sentiment très-vif de la civilisation antérieure, propre aux vieux siècles catholiques ; il a de fortes pages là-dessus. […] S’il se rapproche des publicistes de l’ancienne école et des admirateurs de la vieille société par son désir de voir se fonder des maisons durables, M. 

967. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

L’avènement de Louis-Philippe n’avait fait qu’infirmer ou amortir cette contradiction de jugements, et, grâce à la tolérance de ce régime mixte, sous ce gouvernement mi-parti, se recrutant à la fois des orateurs constitutionnels et des vieux généraux de l’Empire, il s’était formé une opinion de bon sens, mais où il entrait bien de l’amalgame. […] Selon lui, il a toujours été très-difficile ou plutôt impossible à Napoléon, héritier de la Révolution française, son représentant armé en face de la vieille Europe, et le point de mire de toutes les haines du passé, de s’arrêter dans sa progression de lutte croissante et de conquête, et de trouver une station à laquelle il pût se tenir pour y asseoir une paix durable, une paix sincèrement observée et acceptée par les adversaires. […] Il aurait pu raconter bien des épisodes piquants, restés longtemps mystérieux, et s’en autoriser dans ce tableau tracé par lui des inimitiés de la vieille Europe, tremblante et soumise en 1812, mais rongeant son frein et ne désespérant pas de la fortune.

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