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47. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Une seule différence : le signe de la vérité pour le philosophe est l’évidence, pour le poète la beauté. […] oui, ce qui lui manque pour être le trésor de toute la vérité. […] La Beauté est le visage humain de la Vérité. […] Alors, avec une orgueilleuse bravoure, l’Art s’affranchit du culte : non pas du souci de la Vérité ! […] S’ils ont, les premiers, déserté l’autel croulant, c’était poursuivre la vérité, enfuie avant eux.

48. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Lacordaire, en sa qualité, non de prêtre, non de missionnaire de vérité, mais d’orateur et d’artiste, a donc rencontré, et parmi les moins chrétiens d’entre nous des émotions et des admirations sincères. […] … mais une vérité dans la conviction. […] de toutes les œuvres que la vérité ne soutient pas de sa pure et forte substance. […] La vérité donc, la vérité ! […] Du reste, il est aisé de prendre la mesure, en quelques traits, du monument (je ne retirerai pas le mot) qu’a élevé le Père Lacordaire à la gloire et au triomphe de la vérité chrétienne.

49. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Or Sénèque est plein de ces vérités, sous forme de sentences. […] » Voilà le secret même de la tragédie ; voilà cette ressemblance avec la vie, qui en fait toute la vérité. […] L’excès même en ce point est une vérité de plus. […] Tout Paris réclama pour la vérité selon la nature humaine, contre la vérité selon les casuistes de Richelieu. […] Je reconnais un autre vice du système espagnol dans ce mélange de la vérité héroïque et de la vérité bourgeoise, qui marque la plupart des pièces de Corneille.

50. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

A qui doit-on d’abord la vérité, sinon à qui peut en faire son profit ? […] La vérité se doit à tous, mais aux vivants bien plus qu’aux morts, et aux morts dans l’intérêt seul des vivants. […] Le conseil de garder la vérité pour les morts et les égards pour les vivants, sert à faire excuser les vérités qu’il croit dire à l’Iliade d’Homère, et à obtenir des égards pour la sienne. […] On sent dès ce temps-là l’homme qui aimera mieux la vérité que l’erreur, mais qui préférera toujours ses aises à la vérité. […] La polémique les a défigurés, et trop souvent les vérités n’y sont guère moins laides que les préjugés qu’elles combattent.

51. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Ses moindres opuscules étaient vastes : la vérité est universelle. […] Mais il y a deux choses qu’on ne sent pas avec la même évidence : c’est la vérité et l’onction ; la vérité, qui est la force ; l’onction, qui est la grâce des paroles. […] Ô vérité, qui êtes Dieu ! […] Celui qui marche devant moi dans la vérité ne craindra nulle attaque ; la vérité le délivrera des calomnies et des séductions des méchants. […] Ceux-là entendent ce que l’esprit de vérité dit en eux.

52. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Le zèle de la vérité fut l’apport de l’aimable, du discret Fontenelle : la méthode critique fut l’apport du savant et solide Bayle. […] Il suivait en tout la vérité ; il était juste, il était bienfaisant par intelligence. […] Il était trop aristocrate aussi pour semer la vérité à pleines mains, en plein champ. […] Il ne faut pas craindre les nouveautés : toutes les vérités ont été neuves à leur jour. […] C’était un probe et fort esprit, excite plutôt que tourmenté par l’impossibilité de savoir où est la vérité.

53. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Si la voix d’un pere vous touche, si la route que je viens de vous tracer commence à vous plaire, vous saurez la parcourir & franchir les obstacles qui retardent plus ou moins l’esprit dans l’acquisition des connoissances & dans la recherche de la vérité. « La vérité ! […] … La vérité ! […] C’est à la Religion, c’est à votre propre cœur à vous instruire sur tout ce qui tient aux vérités morales. […] « La Philosophie, mes chers enfans, cet amour pur de la sagesse, est inséparable de celui de la vérité.

54. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Jeu bien inutile, passe-temps bien oisif : car, si je sais d’avance que ce qui m’est enseigné est la vérité absolue, pourquoi me fatiguer à en chercher la démonstration ? […] Il reste un vaste champ, direz-vous, dans les vérités naturelles que Dieu a livrées à la dispute des hommes. […] Ses vérités acquises ne sont pas de lourds théorèmes qui viennent poser à plein devant les esprits les plus grossiers. […] Sans doute la vérité ne pouvant être contraire à elle-même, on reconnaîtra volontiers que la bonne science ne saurait contredire la révélation. […] Or il est clair que le bon sens ainsi entendu ne peut suppléer la science dans la recherche de la vérité.

55. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

L’autorité et l’absolu ont disparu du même coup, et puisque la vérité n’est nulle part concentrée entre les mains d’un seul dépositaire, il s’agit désormais de chercher, d’éprouver, de choisir. […] Il va où la vérité le mène. « Mais, comme il se le fait dire à lui-même par un interlocuteur dans un fort noble dialogue, vous ne savez pas où elle vous mène…. […] Scherer est un des nobles types des esprits sérieux qui croient à une vérité absolue, qui, même lorsqu’ils ont le sourire fin, ne l’ont pas léger et moqueur ; et quand il ne nous le déclarerait pas, on sent, en le lisant, qu’il signerait volontiers cette pensée du théosophe Saint-Martin : « La vie nous a été donnée pour que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de la vérité. » Voilà une vocation. […] Il sait gré à cet infatigable coureur, même à travers toutes ses chutes et ses culbutes, d’avoir été sincère et de s’être fait le chevalier errant de la vérité : M.  […] Il y avait dans l’esprit de Lamennais un noble besoin qui était de savoir à quoi s’en tenir sur la vérité ; mais il voulait le savoir sur l’heure, à la minute, absolument comme si la vérité pouvait s’enfermer une fois pour toutes dans une formule et se serrer, pour ainsi dire, dans la main ; il avait une impatience d’enfant pour s’en emparer là où il la croyait voir, pour l’arracher et la cueillir.

56. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Elles s’adressent au sens commun autant qu’au raisonnement ; les vérités qu’elles établissent sont plutôt vraisemblables que vraies, et plutôt aimées que prouvées. […] Qui leur a dit qu’au-dessus de toutes les incertitudes, il est une certitude suprême, une vérité égale à toutes les vérités de la géométrie, c’est à savoir que, dans la mort comme dans la vie, un Dieu tout-puissant, tout juste et tout bon, préside à la destinée de sa créature, et que derrière les ombres du trépas, quoi qu’il arrive, tout sera bien, parce que tout sera l’ouvrage d’une justice et d’une bonté infinies ? […] Quittons le domaine qui leur est propre ; sortons de ces vérités moyennes où elles s’exercent ; voyons ce qu’elles deviendront sur un autre terrain. […] On appelle raison la connaissance des vérités universelles et nécessaires, par exemple : toute qualité suppose une substance ; tout événement suppose une cause. […] Presque toutes les grandes vérités établies par M. 

57. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Il ne s’agit plus de vérité, mais de bon goût et de bon ton. […] Nous croyons à la vérité, bien que nous ne prétendions pas posséder la vérité absolue. […] L’erreur n’est pas sympathique à l’homme ; une erreur dangereuse est une contradiction comme une vérité dangereuse. […] Ce qui fait le prosélytisme, ce qui entraîne le monde, ce sont des vérités incomplètes. […] Ce qu’un système affirme, c’est sa part de vérité, ce qu’il nie, c’est sa part d’erreur.

58. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

.), on a vu la vérité sur Werther, la part de réalité qui s’y trouve combinée à des éléments poétiques et transformée par l’art. […] On sait presque aujourd’hui, cependant, à quoi s’en tenir sur ce fonds de vérité depuis les indiscrétions épistolaires de Sismondi qui a arraché les masques. […] En vain, il voudrait se dissimuler et lui cacher, à elle, son ennui, sa lassitude ; elle n’est pas de celles qu’on abuse : nous assistons, dans une suite d’analyses merveilleuses de justesse et de vérité, à toutes les impuissances et à toutes les agonies convulsives de l’amour, à des reprises et à des déchirements réitérés et de plus en plus misérables. […] Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini. […] Le petit chef-d’œuvre réunit le double caractère : art et vérité.

59. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

On ne ferme pas la bouche à la Vérité avec des médailles. […] Il ne se doute pas qu’elles renferment sinon toute la vérité, au moins la meilleure partie de la vérité. […] La vérité ! la vérité ! […] Mais la vérité complète, la vérité dans sa variété infinie, tel est le but, plus profond que la forme, de toute histoire, et qui restera à atteindre, quand il n’y aurait plus de littérature, jusqu’au jour de la mort de l’esprit humain.

60. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

La vérité cornélienne n’a guère qu’une expression, une forme, un style : c’est le sublime. […] Ils sont les gardiens et comme les champions de quelque grande vérité morale, à laquelle ils ont dévoué leur vie. Le regard fixé sur cette vérité, toutes leurs pensées sont comme les prémisses d’une conclusion invincible. […] S’il arrive qu’on n’y puisse faire entrer à la fois la vérité locale et la vérité telle que la conçoit un grand poète dans un grand siècle, il faut savoir se passer de la vérité locale. […] Là est la vérité du poème dramatique.

61. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

A la vérité l’ouvrage est en général plus critique que démonstratif. […] A-t-il le moins du monde affaibli et effacé cette distinction si lumineuse et si manifeste des vérités contingentes et des vérités nécessaires. « Il pleut » : voilà, par exemple, une vérité contingente ; il pourrait ne pas pleuvoir ; je ne sais pas pourquoi il pleut : le fait seul m’est donné dans l’expérience ; je ne puis affirmer que ce fait. […] A la vérité, M.  […] De là cette conséquence, que toute vérité est relative, c’est-à-dire qu’elle n’exprime que l’état d’esprit de celui qui l’énonce, et cette autre conséquence, que ce n’est pas la vérité en elle-même qui est intéressante, mais la recherche de la vérité, c’est-à-dire le déploiement des forces de l’âme. […] Supposez que les vérités géométriques, au lieu d’être conçues comme éternellement coexistantes, se réalisent successivement dans le temps, en sortant les unes des autres ; elles ne cesseraient pas pour cela d’être des vérités absolues.

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