/ 2467
397. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Bien que ce premier ministère assez obscur, séparé du second, si glorieux, par un intervalle de sept ans, n’ait duré que cinq mois (31 octobre 1616-24 avril 1617), on y découvre déjà, à y regarder de près, les traits distincts de la politique de Richelieu, l’application vigoureuse de ses principes aux mêmes maux qu’il guérira plus tard, et l’efficacité commençante des mêmes remèdes qui étaient sur le point d’opérer quand l’assassinat du maréchal d’Ancre vint tout rompre et tout remettre en suspens. […] Et Richelieu, qui nous démêle toutes ces intrigues et nous les peint avec plus d’un trait de Tacite, ajoute de ce Thémines qui arrêta ce jour-là le prince de Condé que, s’il fit bien, aussi crut-il l’avoir fait ; car depuis ce temps-là il ne fut jamais content, de quelques récompenses que le pût combler la reine : Elle le fit maréchal de France, lui donna comptant cent et tant de mille écus, fit son fils aîné capitaine de ses gardes, donna à Lauzières, son second fils, la charge de premier écuyer de Monsieur ; et, avec tout cela, il criait et se plaignait encore : tant les hommes vendent cher le peu de bien qui est en eux, et font peu d’estime des bienfaits qu’ils reçoivent de leurs maîtres ! Richelieu historien est tout plein de ces traits d’un moraliste consommé, et qui a expérimenté à fond le cœur des hommes. […] Aussi y eut-il un si merveilleux effet de bénédiction de Dieu envers elle, que, par un subit changement, tous ceux qui assistèrent au triste spectacle de sa mort devinrent tout autres hommes, noyèrent leurs yeux de larmes de pitié de cette désolée… Je supprime quelques traits de mauvais goût ; et il finit par remarquer que ce qu’il en dit n’est point par l’effet d’aucune partialité, que c’est la vérité seule qui l’oblige à parler ainsi, « vu qu’il n’y a personne si odieuse qui, finissant ses jours en public avec résolution et modestie, ne change la haine en pitié, et ne tire des larmes de ceux mêmes qui, auparavant, eussent désiré voir répandre son sang ».

398. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Il énumère tel assemblage fortuit de traits, telles voix, telles mains, tel port, tel regard, tel tic personnel ; sans essayer de rendre logique ou d’expliquer ce signalement : il place son personnage dans un milieu décrit, le lance dans une aventure quelconque et ses particularités morales viennent accentuer peu à peu sa délinéation physique. […] Cet art de clair-obscuriste, où des touches de lumière, placées, comme il semble, au hasard, font conjecturer des perspectives infinies, — une série de conversations, de petits faits insignifiants, des traits de caractère sans conclusion, un chuchotement, un serrement de mains, un coup d’œil, suffisent à M.  […] Ses femmes passent par toutes les dégradations variables de leur nature, et chacune, de la jeune fille à l’aïeule, possède quelque particularité originale et illogique, quelque trait réellement vivant, qu’aucune classification ne peut saisir, M.  […] Ce sont des études esquissées-d’une singulière délicatesse de traits menus, diffus cependant et noyés d’ombre, qui tentent cette curiosité de connaître, que suscite tout mystère, qui la récompensent de son effort, par l’intéressante complexité de la physionomie qui surgit peu à peu de l’ombre, par la sympathie émue qu’elle inspire, comme elle se révèle véridique, portrait et non académie, être tout semblable à son spectateur et mirant dans ses yeux le charme et la tristesse qu’il a connus et subis.

399. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Beaucoup se le figurent comme une manière de bon vivant et de bon plaisant, qui se moque gravement de tout, et — phénomène bizarre, retour absurde des choses d’ici-bas — on dirait que le vulgaire lui prête un peu des traits de ce banal Béranger, dont M.  […] Bref, il entre dans l’image que la foule se forme de lui nombre de traits aussi étrangers que possible à sa véritable physionomie, et il lui est arrivé d’être loué pour des choses dont il a toujours eu profondément horreur.

400. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

La Bible, dans tous ses genres, n’a ordinairement qu’un seul trait ; mais ce trait est frappant et met l’objet sous les yeux.

401. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Les autres traités de Tertullien, en particulier ceux de la Patience, des Spectacles, des Martyrs, des Ornements des femmes, et de la Résurrection de la chair, sont semés d’une foule de beaux traits. […] » Ce dernier trait est sublime.

402. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Ce passage dont j’ai seulement ramassé quelques traits, mérite d’être lû en entier. […] Véritablement on voit des fautes dans le tableau du Dominiquin, que Le Guide n’a pas faites dans le sien ; mais on y voit aussi des traits qui ne sont pas dans celui de son rival.

403. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

À l’égard du style, il est hardi, précipité, souvent brusque, toujours plein de vigueur ; il peint d’un trait ; la liaison est plus entre les idées qu’entre les mots ; les muscles et les nerfs y dominent plus que la grâce ; c’est le Michel-Ange des écrivains ; il a sa profondeur, sa force, et peut-être un peu de sa rudesse. […] Moi-même, quand j’exhorterai ton épouse et ta fille à honorer ta mémoire, je leur dirai de se rappeler sans cesse et tes actions et tes discours, d’embrasser ta renommée, et, pour ainsi dire, ton âme, plutôt que de vaines statues ; non que je veuille défendre de reproduire sur le marbre ou l’airain les traits des grands hommes ; mais ces images sont mortelles, comme ce qu’elles représentent, au lieu que l’empreinte de l’âme est éternelle.

404. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Elle se révèle à ce trait charmant, et vous reconnaissez en elle une de ces grandes dames naturelles, qui peuvent naître sans déroger dans une cabane ou dans une boutique ; car c’est au cœur qu’elles portent leur blason. […] C’est la vilenie prise sur nature : et j’admire l’art avec lequel les auteurs ont su tirer des traits saillants et des contours expressifs de cette platitude. […] La tristesse un peu sévère de son fond moral est relevée par la diversité des caractères qui s’y jouent, par des situations émouvantes, par un esprit net, vif, spontané, qui abonde en mots justes, en saillies faciles, en traits qui résonnent et qui frappent aux endroits qu’ils visent. […] Son dialogue abonde en mots gais, en traits bien lancés, en reparties heureuses, fines, piquantes, renvoyées au vol.  […] Il nous a peint, en traits de feu, l’ensorcellement matériel d’une fille, ingénue comme une sauvage, qui, retirée de l’enfer, regrette machinalement son climat de braise, et se meurt de ne plus respirer son air empesté.

405. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Le premier trait du caractère espagnol, c’est le manque de sens pratique. […] Le trait le plus triste, c’est que cette stérilité et ce désordre sont volontaires. […] Et quels, sont les traits marquants de cet art ? […] Ce trait est capital, et les conséquences qu’il entraîne se font sentir, en bien et en mal, dans toutes les parties de son talent. […] Il y a là un trait de caractère, et je ne crains pas de le marquer.

406. (1927) Approximations. Deuxième série

Les traits qui survivent, il se garde de les détacher ainsi que nous avons coutume de le faire ; il n’y a pas — enviable exemption — d’italiques en cet esprit : le moment venu, les traits occupent tranquillement la place qui leur convient ; et ce rehaut qui les lustre, c’est le soulignement de notre adhésion qui le leur communique en partie : par eux-mêmes ils ne veulent devoir l’essentiel qu’à leur lumière. […] Shelley — et c’est peut-être le trait essentiel de sa nature, celui par lequel il apparaît unique — ne se débat jamais : on ne peut même pas concevoir de circonstance où il se débatte. […] Que si à ce sortilège on unit ainsi que Claude le trait suivant : « Oui, ma femme mon fils… Mais s’ils n’étaient pas sans action sur mon cœur, ils l’étaient sur mon imagination. […] D’un trait le poète a pénétré la pensée secrète, le désir inavouéfr ». […] Qu’elle insiste sur ce trait — et sur celui-là seul — en souligne assez la portée.

407. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Il a présenté en traits caractéristiques et non chargés ce type spécial à la civilisation moderne et qui n’y fait guère d’honneur, le propriétaire indigent, avec son bien grevé d’hypothèques et rongé par l’usure. […] On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) ! […] que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !

408. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Je lui aurais représenté la faiblesse du personnage, et je lui aurais dit que son très-humble serviteur était incapable de résister à une fille de quinze ans, qui a les yeux beaux, la peau délicate et blanche, les traits du visage d’un agrément infini, une bouche et des regards ! […] Il trouve le loisir de lancer en passant des traits contre les nobles « mangeurs de gens », contre les « volereaux » qui font les voleurs, contre les seigneurs « qui ont belle tête, mais point de cervelle », ou « qui n’ont que l’habit pour tout talent. » S’il porte quelquefois l’habit d’un valet, il n’en a point l’âme ; cette livrée n’a revêtu en lui que l’homme extérieur, le maladroit que ses amis prêchaient et menaient, le sujet fidèle, l’humble bourgeois qu’assujettissaient les convenances. […] Plus que personne, il en a eu les deux grands traits, la faculté d’oublier le monde réel, et celle de vivre dans le monde idéal, le don de ne pas voir les choses positives, et celui de suivre intérieurement ses beaux songes.

409. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Relisons-le, ce qu’on ne fait guère, car l’entreprise est laborieuse si on la veut mener d’un trait. […] Parfois, des idées qui avaient de la grandeur ou des peintures commencées d’un trait net, ferme, saisissant, se tournent en gentillesse, en pointe, en badinage grêle et vieillot. […] Bref, et pour ne retenir que ses traits essentiels, M. 

410. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Si l’on essaye de caractériser ce subjectivisme esthétique, on pourra y reconnaître les traits suivants : d’abord une tendance irrationaliste qui a pour formule esthétique l’impressionnisme. […] Un autre trait du subjectivisme esthétique est une prédilection pour les raffinements de la sensibilité et de l’imagination (par exemple les synesthésies sensorielles qui jouent un si grand rôle dans l’art symboliste et décadent). […] D’après Guyau, l’art est le grand trait d’union des âmes ; il est une bénédiction sociale avant d’être une joie individuelle.

411. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Au grand jour, éclatera dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; ce sera une vision bruyante et lumineuse comme celle du Sinaï, un grand orage déchirant la nue, un trait de feu jaillissant en un clin d’œil d’Orient en Occident. […] Cette réhabilitation, il l’a rendue en artiste incomparable par des traits qui dureront éternellement. […] Il faut remarquer que la peinture de la fin des temps prêtée ici à Jésus par les synoptiques renferme beaucoup de traits qui se rapportent au siège de Jérusalem.

/ 2467