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15. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Heureusement, Racine allait être tiré de son silence de dix années par madame de Maintenon. […] Dans la disette des documents, on tire les moindres mots par les cheveux. […] Un jour il tire un manuscrit de sa poche, et dit à Michallet : « Voulez-vous imprimer ceci (c’était les Caractères) ? […] Cela est cause « que ses portraits ressembleront toujours ; mais il est à craindre que « les vôtres ne perdent quelque chose de ce vif et de ce brillant qu’on « y remarque, quand on ne pourra plus les comparer avec ceux sur « qui vous les avez tirés. » On voit que si La Bruyère tirait ses portraits, M. Charpentier tirait ses phrases, mais un peu différemment.

16. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

Je ne dois, pour ma part, qu’à son amitié personnelle de m’en être tiré à peu près intact. […] Ernest Charles est plus clairvoyant, quand il dit à propos de notre dernier volume, le Travail du style. « Ce livre ne nous enseigne pas le style ni le moyen de nous en procurer par le travail, mais il déroule les efforts héroïques des écrivains passés. » C’est cela même : Exposer les exemples de travail des grands écrivains et tirer des leçons de leurs refontes et de leurs ratures ; tel est le but. […] Un conseil perd-il sa valeur, parce que quelques-uns n’en tirent rien ? […] Il acquiesce, tout en me « soupçonnant d’entretenir au fond de moi-même une ironie intense », et, bien qu’il tire sur ma longe, c’est moi qui l’entraîne.

17. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Mais ces noms tirés de l’histoire générale, cette gravité, cette rhétorique, grossière image de l’éloquence, charmaient les esprits. […] Enfin, les partisans du drame bourgeois, qui tire son tragique du même fonds d’où la comédie tire son ridicule, c’est-à-dire de la société et des mœurs du temps, pourraient en trouver la première théorie dans Corneille, tant ce grand homme avait approfondi la matière du poème dramatique. […] Tantôt Corneille commente en homme de génie les règles de la critique ancienne ; tantôt il en établit lui-même de nouvelles, tirées d’une connaissance encore plus profonde de l’homme. […] Toutes les parties de l’œuvre tirent leur beauté de cette ressemblance avec la vie. […] Voltaire se tire de l’explication par un trait plaisant, qui d’ailleurs a le mérite de donner une vive idée de ces inégalités du génie de Corneille.

18. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Comme on voulut d’abord tirer de ces instrumens plus de tons differens qu’ils n’avoient de cordes differentes, on racourcissoit la corde dont on prétendoit tirer un son plus aigu que celui qu’elle rendoit quand on la touchoit à vuide, en la pinçant avec deux doigts de la main gauche, armez apparemment de dez d’ivoire, tandis qu’on la faisoit resonner avec la main droite. […] Les musiciens, c’est Quintilien qui parle, ayant divisé en cinq échelles dont chacune a plusieurs dégrez, tous les sons qu’on peut tirer de la lyre, ils ont placé entre les cordes qui donnent les premiers tons de chacune de ces échelles, d’autres cordes qui rendent des sons intermediaires, et ces cordes ont été si bien multipliées que pour passer d’une des cinq maîtresses cordes à l’autre, il y a autant de cordes que de degrez. Nos instrumens à corde qui ont un manche, à l’aide duquel on peut tirer avec facilité differens tons d’une même corde qu’on racourcit à son plaisir en la pressant contre le manche, auroient été bien plus propres pour un accompagnement, d’autant plus que nous les touchons encore d’un archet fort long et garni de crin, avec lequel on unit et on prolonge aisément les sons, ce que les anciens ne pouvoient point faire avec leur archet.

19. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

On vous demandera de prouver une vérité, de réfuter une erreur, de tirer des conséquences, de remonter à des principes. […] Mais au cours d’une phrase surgit un mot qui tire le narrateur hors de sa voie : autre écart, autre retour brusque, pour s’égarer encore bientôt. […] La Fontaine s’est tiré d’affaire en n’inventant pas sa matière, et ce n’est pas la moindre preuve de son génie. […] D’autre part, à reprendre les vieux sujets de fables, quelle imagination il faudrait, pour en tirer quelque chose ! […] Parmi les exemples auxquels on peut recourir, il est une catégorie où il faut s’arrêter un moment : ce sont ceux qu’on tire des actions de l’homme même qu’on veut persuader.

20. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Causant avec un homme de la vieille Cour, M. de Luynes, qui aimait ainsi à interroger chacun sur son coin d’histoire, tirait de lui cette jolie anecdote : Du temps du feu roi, toutes les petites circonstances par où on pouvait lui faire sa cour étaient des grâces importantes. […] Étant à la chasse avec le feu roi dans la forêt de Marly, il imagina, pour lui faire sa cour, de lui demander la permission de le suivre à la chasse à tirer ; mais étant fort embarrassé de demander une si grande grâce au roi (M. de Nangis n’avait alors que vingt-cinq ou vingt-six ans), le roi lui dit qu’il était bien jeune pour lui demander une pareille grâce, et qu’il verrait. […] Plusieurs jours se passèrent sans que M. de Nangis osât faire usage de cette permission ; enfin, dans le même voyage, s’étant trouvé auprès de Bontemps (le valet de chambre) dans le salon de Marly, Bontemps lui dit qu’il savait quelqu’un qui irait bientôt à la chasse à tirer avec le roi. […] C’est un joli tour de finances, un joli coup joué au profit de l’État76.On en peut tirer une leçon d’économie politique, et M. de Luynes n’y manque pas ; car il cite à ce propos la réponse du roi de Pologne, Auguste le Magnifique, à l’avare roi de Prusse, qui s’étonnait qu’il pût suffire aux dépenses de son camp de plaisance à Muhlberg, et qui lui demandait son secret. Le roi Auguste tira un ducat de sa poche et lui dit ; « Si vous aviez ce ducat, vous le garderiez, et moi, je le donne ; il me revient cinq ou six cents fois dans ma poche. » Mais le véritable intérêt des mémoires du duc de Luynes est moins dans les histoires d’autrefois, qui en relèvent de temps en temps l’apparente monotonie, que dans ces faits mêmes du jour, minutieusement enregistrés, et à travers lesquels il faut savoir lire.

21. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

En matière de finances, de même que plus tard en artillerie et dans l’art des sièges, ne demandez pas à Rosny des inventions qui changent la science et la fassent avancer : il n’a pas de ces grandes vues générales, et souvent simples dans leur principe ; mais des inventions et des industries de détail, il en est plein ; il a toutes sortes d’expédients pour tirer parti des circonstances et pour rétablir les choses sur le meilleur pied et le plus solide. […] Entre le roi et le peuple, pour certaine nature d’impôts, il y avait alors les fermiers généraux, et ceux-ci, à qui étaient faites les adjudications générales dans le Conseil du roi ou devant les trésoriers de France, sous-louaient à des sous-fermiers desquels ils tiraient presque deux fois autant qu’ils avaient payé eux-mêmes. […] Dans les moments de presse et de nécessité, quand l’État devait une grosse somme, soit à la reine d’Angleterre, soit au comte Palatin, ou à d’autres princes étrangers ou français, on aliénait une portion d’impôts, et on la leur livrait pour paiement : « Tirez-en ce que vous pourrez. » Ces créanciers, ainsi pourvus d’une valeur incommode et d’un rapport peu précis, l’affermaient à quelque homme de finance qui leur en rendait le moins et en tirait pour son compte le plus possible. […] Sur ces grands et derniers secrets d’État, Sully laisse beaucoup à deviner, même à ses secrétaires, qui s’en tirent comme ils peuvent avec les papiers trouvés dans ses armoires. […] Lui qui croyait aux pronostics, il dut se rappeler un horoscope qui avait été tiré à la naissance de Louis XIII devant Henri IV, et qui portait : « Désolations menacent vos anciennes assistances ; vos ménagements seront déménagés. » Le pronostic se réalisait, et toute l’œuvre de Henri IV s’écroulait ou du moins allait rester près de quinze ans interrompue et pendante.

22. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

En effet, et c’est ma seconde réponse à l’objection tirée de la perfection de l’art de penser, nous ne raisonnons pas mieux que les anciens en histoire, en politique et dans la morale civile. […] Il n’est plus permis d’en tirer une conséquence qui n’en émane point clairement et distinctement. Une conclusion plus étenduë que le principe dont on l’auroit tirée, seroit d’abord remarquée de tout le monde. […] Ces voïes sont de mal poser les principes de son argument, ou de tirer mal la consequence de ses principes. […] Il faut bien que les uns ou les autres, quoique guidez par la même logique, se méprennent sur l’évidence de leurs principes, qu’ils les choisissent impropres à leur sujet, ou bien enfin qu’ils en tirent mal les conséquences.

23. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Les psychologues auraient pu se passer de cette définition ; les physiciens, les astronomes ne le pouvaient pas ; voyons comment ils s’en sont tirés. […] On admet, par une définition nouvelle substituée à celle qui est tirée des battements du pendule, que deux rotations complètes de la terre autour de son axe ont même durée. […] L’égalité et l’inégalité déduites de l’expérience seraient incompatibles avec les deux égalités tirées du postulat. […] Comment se tirer de cette pétition de principe ? […] X Voyons donc, non pas comment on parvient à s’en tirer, car on n’y parvient pas complètement, mais comment on cherche à s’en tirer.

24. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Ces grands noms que vont répétant les échos futurs, une fois livrés au tourbillon des âges, ne sont bientôt plus, si l’on n’y prend garde et si l’histoire authentique ne s’y oppose pas, que des espèces de bouts-rimés que chacun tire à soi, remplit à son gré, et sous lesquels on met un sens, des idées, des intentions que le plus souvent le personnage n’a jamais eus. […] Daru a dit : « Je ne sais si cette manière de présenter les faits est prescrite par les convenances d’un éloge académique, mais il n’en est pas-moins certain que Sully chercha à tirer de ses charges le plus d’argent qu’il put ; ce sont ses expressions. » Et j’ajouterai : C’étaient les mœurs du temps, desquelles le personnage et le caractère de Sully ne sauraient se séparer. […] Cela dit, allons au fond, et de cet amas de narrations trop souvent déduites en style de greffier ou de notaire, tirons ce qu’il y a de solide et d’excellent. — Sully, qui, dans toute la première partie de sa carrière, s’appelle Rosny, né en 1559 au château de ce nom, était le second de quatre fils, mais de fait il fut considéré comme l’aîné par son père, qui de bonne heure plaça sur lui l’espoir de relever sa maison. […] De très bonne heure, Henri s’aperçoit du parti qu’il peut tirer de Sully pour les sièges, pour l’industrie des mines, pétards, pour le logement et service des pièces d’artillerie (quand il en a). […] Henri comprit aussi, presque dès les premiers temps, l’usage qu’il pouvait tirer de lui comme négociateur.

25. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VII. Le Bovarysme essentiel de l’existence phénoménale »

Ainsi peut se formuler, selon son caractère universel, cet antagonisme essentiel entre deux états, qui pourtant se conditionnent l’un l’autre, et cette énonciation tire son évidence de ce principe qu’il n’est de connaissance que d’un objet pour un sujet. […] Veut-il s’en saisir, il lui faut s’endétacher, la repousser dans le royaume mort du passé, et tirer de sa propre substance un nouveau sujet qui va échapper à son tour à ce nouvel effort de possession intégrale. […] Or, il apparaît avec une nécessité logique et qui ne prête au moindre biais, que cet être unique ne peut se concevoir qu’autre qu’il n’est, puisque la division en objet et en sujet, condition de toute connaissance, brise son unité, puisque, absorbant toute la substance du réel, il ne peut tirer que de son sein les éléments de cette division.

26. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il est heureux pour les critiques de n’être point comme Montesquieu qui ne tirait jamais, disait-il, du moule de son esprit qu’un seul portrait sur chaque sujet. […] Nous avons à tirer sur un même fond mainte épreuve, et dont aucune ne soit semblable. […] Prenant l’homme pour centre de ses tableaux, il ne voulait étudier l’univers, les animaux, les plantes, les minéraux que par rapport à ce roi de la création et selon le degré d’utilité qu’il en pouvait tirer : c’était là un ordre moral et d’artiste plutôt que de savant. […] C’est encore là un point délicat, et je craindrais qu’un annotateur et un commentateur qui ne serait pas net et sobre ne prît occasion de ces endroits pour en tirer des idées et des inductions un peu autres que celles auxquelles Buffon a réellement songé. […] [NdA] Au tome IVme de l’Histoire des sciences naturelles tirée des leçons de Cuvier par M. 

27. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Un certain nombre de généralités et d’abstractions, tirées de quelques traités de ce dernier, et rendues plus magnifiques par le temps, l’éloignement et l’ignorance de la langue grecque, satisfaisaient, en le trompant, ce besoin de principes, éternel honneur de l’esprit humain. […] La vaine satisfaction qu’on tirait de ces faciles victoires contribuait à augmenter l’ignorance ; et c’est ainsi que la scolastique, après avoir été un expédient pour quelques intelligences d’élite, devint pour le plus grand nombre un empêchement et un obstacle. […] Il ne l’est pas non plus que la philosophie scolastique parquée dans ces idées universelles et ces catégories qu’elle avait reçues sans les discuter, s’épuisant dans ce cercle à les faire s’entre-choquer pour en tirer de fausses lumières, n’ait produit qu’un empressement stérile, et la vaine curiosité qui s’attache au prestige de la parole. […] Les matières dont ils s’occupent sont générales ; mais une mauvaise méthode n’en tire que des jeux d’esprit aussi particuliers que les humeurs des écrivains. […] Dans le plus expressif des poètes, Villon il ne fait qu’indiquer à quelle source il faut aller chercher la poésie, et il en tire les premiers accents du cœur, éclairé par la raison.

28. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Plus on étudie et on approfondit une nature, et moins on est pressé de tirer la barre à son sujet. […] Des bâtiments énormes, une administration nombreuse, une discipline de fer et de bâtons ; des résultats passables, mais qui ne sont d’aucune utilité pour la masse, les privilèges de la Couronne anéantissant sur-le-champ le bénéfice qu’on en pourrait tirer si la liberté d’en tirer parti pour son compte existait. […] Voilà ce qui fait la force de la France ; c’est ce champ ouvert à toutes les capacités, pour tirer parti d’elles-mêmes à leur profit. » N’est-ce pas bien vu et bien pensé ? […] « Voilà encore, me dit l’empereur, votre malheureux roi éprouvé par un coup plus terrible que tous ceux qu’on a tirés sur lui. […] Il y aurait à tirer encore plus d’un extrait de ces lettres de Russie, pleines de particularités et d’observations de tout genre, et d’un agréable pêle-mêle.

29. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Il y a des scènes et des publics qui nous excitent, qui nous élèvent dès l’abord, qui nous forcent à tirer de nous-mêmes et plus constamment tout ce que nous valons. […] Le musicien collaborateur ne comprit pas tout le parti qu’il pouvait tirer d’une telle veine ; M. […] Scribe seul s’en tira, à force de talent. […] A la scène, Picard a déjà tiré parti d’une idée approchante dans les Marionnettes et dans les Ricochets. […] Scribe, dans le genre qui lui appartient et qu’il augmente, de s’en être tiré avec tant d’honneur.

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