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376. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

C’était le temps — on s’en souvient avec confusion — où l’Économie politique, cette grande fille niaise d’une mère madrée, la Philosophie, apportait, comme une fiancée, au monde charmé, dans un pli de ses théories, et l’abolition de la misère, et le droit au travail, et la richesse universelle, et toutes ces magnifiques inepties ouvragées si péniblement par la science, faux bijoux d’un écrin que nous avons enfin vidé ! […] Menteur comme le serait un bâtard qui voudrait cacher sa naissance, ce Communisme, on ne l’ignore pas, se vante d’une origine chrétienne, tandis qu’il est païen de naissance et d’instinct, et pour justifier ses théories il a coutume de s’appuyer sur l’exemple de la primitive Église, dans laquelle la communauté des biens existait.

377. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Son réalisme n’est rien autre chose que le mépris naturel de l’idéal, auquel la réflexion a ajouté le sien, dans l’impudence d’une théorie. […] affecta et contamina, dans sa meilleure époque, de je ne sais quoi d’inférieur et de bourgeois, les conceptions d’hommes qui avaient pourtant du génie, à présent qu’en tarissant il s’est mêlé aux autres grossièretés d’une vie qui se matérialise chaque jour davantage et que, sous cette théorie et sous ce nom de réalisme, il aspire à gouverner une littérature décadente, ne doit-il pas abaisser plus que jamais des talents moins faits pour résister à ses influences et nuire à leurs inspirations ?

378. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lesueur, Daniel (1860-1920) »

Deux sonnets : La Lutte pour l’existence et La Voix des morts, résument, sous la forme la plus belle, deux théories qu’exposent moins sûrement les longs volumes des philosophes de profession.

379. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Ce serait alors un art impersonnel tout nouveau qu’il aurait inauguré, contraire au précepte des anciennes rhétoriques mais justifié par les théories esthétiques actuelles. […] La réduction à l’absurde d’une théorie réaliste extrême de ce genre serait facile ; elle a été faite excellemment dans un traité d’esthétique malheureusement trop peu connu, la Nature of fine Arts de Parker et, en quelques pages définitives, M.  […] Comme nous connaissons aussi bien la biographie que l’œuvre artistique de Poe, nous avons pu constater, en confirmation des théories modernes sur l’acte et la volonté, que la belle intelligence de Poe ne lui a servi en rien à conduire sa vie, qu’elle n’a pour ainsi dire pas compté dans la constitution de son caractère, dont les faiblesses et l’inconsistance ont été également exclues en retour de sa production littéraire. […] Mais celles-ci étaient de force à résister : le don de l’observation ôtait d’une délicatesse et d’une perspicacité merveilleuses ; de plus il était élagé de véritables facultés de penseur, nourri de toutes les spéculations allemandes, connaissant et admettant les théories de la science moderne. […] D’après les théories récentes, celle-ci est considérée comme l’absorption, l’élaboration et la répercussion de la sensation transformée.

380. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

On doit à Kant la formule précise de cette dernière conception : la théorie qu’il développe dans l’Esthétique transcendantale consiste à doter l’espace d’une existence indépendante de son contenu, à déclarer isolable en droit ce que chacun de nous sépare en fait, et à ne pas voir dans l’étendue une abstraction comme les autres. […] Les psychologues sont d’accord pour attribuer une origine kantienne à l’explication nativistique de Jean Muller ; mais l’hypothèse des signes locaux de Lotze, la théorie de Bain, et l’explication plus compréhensive proposée par Wundt paraîtront, au premier abord, tout à fait indépendantes de l’Esthétique transcendantale. […] Dira-t-on, avec les partisans de la théorie des signes locaux, que des sensations simultanées ne sont jamais identiques, et que, par suite de la diversité des éléments organiques qu’ils influencent, il n’y a pas deux points d’une surface homogène qui produisent sur la vue ou sur le toucher la même impression ? […] En montrant le vice de cette théorie, nous ferons voir comment le temps, conçu sous la forme d’un milieu indéfini et homogène, n’est que le fantôme de l’espace obsédant la conscience réfléchie. […] Il ne faut donc pas s’étonner si celles-là seules de nos idées qui nous appartiennent le moins sont adéquatement exprimables par des mots : à celles-là seulement, comme nous verrons, s’applique la théorie associationniste.

381. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Mais dans cette lettre, sous prétexte que Lulli descendu aux Enfers est renvoyé par Proserpine pour être définitivement jugé par-devant le Bon Goût, on se met en marche du côté où l’on suppose qu’habite ce dieu ou demi-dieu : et ici Sénecé nous trace tout un itinéraire où il expose sa théorie littéraire et critique sous forme d’emblème. […] C’est là aussi la théorie de Sénecé ; il préfère Martial à tout ; il n’a pas étudié l’épigramme à sa première source la plus classique : il n’a en rien le grand goût, pas même le grand goût dans l’épigramme ; mais le joli et le spirituel, il le sent bien. […] Le Brun, le plus complet des modernes en ce genre, en a résumé, au reste, toute la théorie dans l’épigramme suivante : Le seul bon mot ne fait une épigramme ; Il faut encore savoir la façonner.

382. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Botanique, anatomie, optique, curieux de tout, il se livra à mainte recherche, à mainte expérience, et, passant outre, obéissant à son besoin d’unité, il proposa ses théories. […] Je crois qu’il y avait un peu de travers en ce qui concernait sa théorie des couleurs. […] Le dédain avec lequel les mathématiciens avaient accueilli sa théorie des couleurs était sa plaie secrète.

383. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle Les théories précédentes semblent nous annoncer dans M.  […] Tel est le fond de la théorie classique, et c’est là ce qui nous paraît incontestable dans la théorie de M. 

384. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

. —  La théorie du droit personnel est acceptée. —  Comment le tempérament, l’orgueil et l’intérêt la soutiennent. —  La théorie du droit personnel est appliquée. —  Comment les élections, les journaux, les tribunaux la mettent en pratique. […] Nulle barrière, nul heurt ; on n’est point retenu par la pratique ; on pense pour penser ; les théories peuvent se déployer à l’aise. […] À ce titre, elle est une science d’observation, positive et utile comme la botanique ; encore les meilleurs fruits qu’ils en retirent, c’est la théorie des sentiments moraux. […] Et les actes officiels soutiennent ici la théorie abstraite. […] Il faut lire dans sir Robert Filmer la théorie régnante, pour voir de quel bourbier de sottises on sortait.

385. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Nous nous appesantirons plus tard sur ce point ; nous ne voulons pas encore discuter les théories morales. […] Mais poser qu’il en est effectivement ainsi serait fausser la théorie de l’obligation. […] Et au lieu d’expliquer mon acte par l’émotion elle-même, je pourrai aussi bien le déduire alors de la théorie qu’on aura construite par la transposition de l’émotion en idées. […] Erreur qui explique l’échec des morales proprement intellectualistes, c’est-à-dire, en somme, de la plupart des théories philosophiques du devoir. […] Inutile d’analyser en détail ce cas particulier d’une illusion très générale, peu remarquée des philosophes, qui a vicié bon nombre de doctrines métaphysiques et qui pose à la théorie de la connaissance des problèmes insolubles.

386. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Or, une pareille théorie ne mérite pas même d’être discutée, car elle se réfute d’elle-même. […] Arrivé à la théorie du drame, M.  […] Hugo, nous n’en doutons pas, aurait une réponse toute prête ; il se bornerait à dire que sa théorie du grotesque, aussi bien que sa théorie générale de la poésie, est supérieure à l’histoire. […] Arrivé à ce point, sa tâche devenait plus difficile ; mais il a trouvé moyen d’éluder la difficulté en supposant que cette affirmation est implicitement contenue dans sa théorie générale de la poésie et dans sa théorie du grotesque. […] Hugo lui-même ne prend pas ses théories au sérieux.

387. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Chardin » p. 98

Ce Chardin est homme d’esprit ; il entend la théorie de son art ; il peint d’une manière qui lui est propre, et ses tableaux seront un jour recherchés.

388. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] On n’avait aucune idée juste du paysan, de l’ouvrier, du bourgeois provincial ou même du petit noble de campagne ; on ne les apercevait que de loin, demi-effacés, tout transformés par la théorie philosophique et par le brouillard sentimental. « Deux ou trois mille392 » gens du monde et lettrés faisaient le cercle des honnêtes gens et ne sortaient pas de leur cercle. […] Deuxième stade, le retour à la nature. — Diderot, d’Holbach et les matérialistes. — Théorie de la matière vivante et de l’organisation spontanée […] » — On reconnaît, à travers la théorie, l’accent personnel, la rancune du plébéien pauvre, aigri, qui entrant dans le monde, a trouvé les places prises et n’a pas su se faire la sienne, qui marque dans ses confessions le jour à partir duquel il a cessé de sentir la faim, qui, faute de mieux, vit en concubinage avec une servante et met ses cinq enfants à l’hôpital, tour à tour valet, commis, bohême, précepteur, copiste, toujours aux aguets et aux expédients pour maintenir son indépendance, révolté par le contraste de la condition qu’il subit et de l’âme qu’il se sent, n’échappant à l’envie que par le dénigrement, et gardant au fond de son cœur une amertume ancienne « contre les riches et les heureux du monde, comme s’ils l’eussent été à ses dépens et que leur prétendu bonheur eût été usurpé sur le sien421 »  Non seulement la propriété est injuste par son origine, mais encore, par une seconde injustice, elle attire à soi la puissance, et sa malfaisance grandit comme un chancre sous la partialité de la loi. « Tous les avantages de la société422 ne sont-ils pas pour les puissants et pour les riches ? […] Cela est visible chez Descartes et dès son second pas (Théorie de l’esprit pur, idée de Dieu, preuve de son existence, véracité de notre intelligence prouvée par la véracité de Dieu, etc.).

389. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Enfin, les partisans du drame bourgeois, qui tire son tragique du même fonds d’où la comédie tire son ridicule, c’est-à-dire de la société et des mœurs du temps, pourraient en trouver la première théorie dans Corneille, tant ce grand homme avait approfondi la matière du poème dramatique. […] Voltaire oppose à la théorie de Corneille une raison qui, pour être très générale et très sommaire, n’en est pas moins invincible : « Il ne faut pas, dit-il, transporter les bornes des arts. » Tous les raffinements de l’esthétique échouent contre cette raison ; c’est un article de foi littéraire dans notre pays. […] Quand on y compare les beaux endroits avec le reste, il semble que le génie de Corneille, délivré des entraves de sa théorie, se retrouve tout entier, tant il a d’élan, de vigueur et de netteté. […] Ce droit du poète sur les sujets est une théorie du théâtre espagnol ; je la trouve excellente pour des pièces qui ne prétendent pas plus à la gloire d’être relues qu’à celle d’être redemandées. Mais dans un pays où la tragédie est le premier des arts, où l’idée d’art implique l’idée d’une vérité durable, l’autorité même du grand Corneille n’a pas pu consacrer sa théorie.

390. (1904) Zangwill pp. 7-90

Avons-nous à étudier, nous proposons-nous d’étudier La Fontaine ; au lieu de commencer par la première fable venue, nous commencerons par l’esprit gaulois ; le ciel ; le sol ; le climat ; les aliments ; la race ; la littérature primitive ; puis l’homme ; ses mœurs ; ses goûts ; sa dépendance ; son indépendance ; sa bonté ; ses enfances ; son génie ; puis l’écrivain ; ses tâtonnements classiques ; ses escapades gauloises ; son épopée ; sa morale ; puis l’écrivain, suite ; opposition en France de la culture et de la nature ; conciliation en La Fontaine de la culture et de la nature ; comment la faculté poétique sert d’intermédiaire ; tout cela pour faire la première partie, l’artiste ; pour faire la deuxième partie, les personnages, que nous ne confondons point avec la première, d’abord les hommes ; la société française au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; le roi ; la cour ; la noblesse ; le clergé ; la bourgeoisie ; l’artisan ; le paysan ; des caractères poétiques ; puis les bêtes ; le sentiment de la nature au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; du procédé poétique ; puis les dieux ; le sentiment religieux au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; de la faculté poétique ; enfin troisième partie, l’art, qui ne se confond ni avec les deux premières ensemble, ni avec chacune des deux premières séparément ; l’action ; les détails ; comparaison de La Fontaine et de ses originaux, Ésope et Phèdre ; le système ; comparaison de La Fontaine et de ses originaux, Ésope, Rabelais, Pilpay, Cassandre ; l’expression ; du style pittoresque ; les mots propres ; les mots familiers ; les mots risqués ; les mots négligés ; le mètre cassé ; le mètre varié ; le mètre imitatif ; du style lié ; l’unité logique ; l’unité grammaticale ; l’unité musicale ; enfin théorie de la fable poétique ; nature de la poésie ; opposition de la fable philosophique à la fable poétique ; opposition de la fable primitive à la fable poétique ; c’est tout ; je me demande avec effroi où résidera dans tout cela la fable elle-même ; où se cachera, dans tout ce magnifique palais géométrique, la petite fable, où je la trouverai, la fable de La Fontaine ; elle n’y trouvera point asile, car l’auteur, dans tout cet appareil, n’y reconnaîtrait pas ses enfants. […]   Les textes de Taine, et sur ces textes reportons-nous au même exemple manifeste, ne sont pas moins décisifs, ils ne révèlent pas moins la pensée de derrière la tête de tout le monde moderne ; reprenons ce La Fontaine et ses fables ; toutes les théories de la fin, qui elles-mêmes caractérisent si éminemment Taine, ses méthodes, les méthodes modernes, procèdent exactement du même esprit ; nous sommes aujourd’hui scandalisés de leur assurance roide et grossière, manipulant sans vergogne, et sans réussite, les tissus les plus fins, les mouvements les plus souples, les plus vivantes élaborations du génie même ; aujourd’hui je ne veux retenir, de tout ce scandale, que les indications qui me paraissent indispensables pour définir le débat même où nous allons nous trouver engagés. […] Car c’est un avantage capital de Taine, et que nul de ses ennemis ne songerait à lui contester, qu’il est net ; il ne masque point ses ambitions ; il ne dissimule point ses prétentions ; brutal et dur, souvent grossier, et mesurant les grandeurs les plus subtiles par des unités qui ne sont point du même ordre, il a au moins les vertus de ses vices, les avantages de ses défauts, les bonnes qualités de ses mauvaises ; et quand il se trompe, il se trompe nettement, comme un honnête homme, sans fourberie, sans fausseté, sans fluidité ; lui-même il permet de mesurer ce que nous nommons ses erreurs, et par ses erreurs les erreurs du monde moderne ; et dans les erreurs qui, étant les erreurs de tout le monde moderne, lui sont communes avec Renan, il nous permet des mesures nettes que Renan ne nous permettait pas ; nous lui devons la formule et le plus éclatant exemple du circuit antérieur ; je ne puis m’empêcher de considérer le circuit antérieur, le voyage du La Fontaine, comme un magnifique exemple, comme un magnifique symbole de toute la méthode historique moderne, un symbole au seul sens que nous puissions donner à ce mot, c’est-à-dire une partie de la réalité, homogène et homothétique à un ensemble de réalité, et représentant soudain, par un agrandissement d’art et de réalité, tout cet immense ensemble de réalité ; je ne puis m’empêcher de considérer ce magnifique circuit du La Fontaine comme un grand exemple, comme un éminent cas particulier, comme un grand symbole honnête, si magnifiquement et si honnêtement composé que si quelqu’un d’autre que Taine avait voulu le faire exprès, pour la commodité de la critique et pour l’émerveillement des historiens, il n’y eût certes pas à beaucoup près aussi bien réussi ; je tiens ce tour de France pour un symbole unique ; oui c’est bien là le voyage antérieur que nous faisons tous, avant toute étude, avant tout travail, nous tous les héritiers, les tenants, la monnaie de la pensée moderne ; tous nous le faisons toujours, ce tour de France-là ; et combien de vies perdues à faire le tour des bibliothèques ; et pareillement nous devons à Taine, en ce même La Fontaine, un exemple éminent de multipartition effectuée à l’intérieur du sujet même ; et nous allons lui devoir un exemple éminent d’accomplissement final ; car ces théories qui empoignent si brutalement les ailes froissées du pauvre génie reviennent, elles aussi, elles enfin, à supposer un épuisement du détail indéfini, infini ; elles reviennent exactement à saisir, ou à la prétention de saisir, dans toute l’indéfinité, dans toute l’infinité de leur détail, toutes les opérations du génie même ; chacune de ces théories, d’apparence doctes, modestes et scolaires, en réalité recouvre une anticipation métaphysique, une usurpation théologique ; la plus humble de ces théories suppose, humble d’apparence, que l’auteur a pénétré le secret du génie, qu’il sait comment ça se fabrique, lui-même qu’il en fabriquerait, qu’il a pénétré le secret de la nature et de l’homme, c’est-à-dire, en définitive, qu’avant épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail antérieur, toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail intérieur, en outre il a épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail de la création même ; la plus humble de ces théories n’est rien si elle n’est pas, en prétention, la saisie, par l’historien, par l’auteur, en pleine vie, en pleine élaboration, du génie vivant ; et pour saisir le génie, la saisie de tout un peuple, de toute une race, de tout un pays, de tout un monde. Si telle est vraiment l’atteinte obtenue par les théories particulières, quelle ne sera pas la totale atteinte obtenue par la conclusion, où se ramassent et culminent toutes les ambitions des théories particulières ; je ne puis citer les théories particulières ; il faudrait remonter de la fin du volume au commencement, il faudrait citer presque tout le volume ; je cite au long la conclusion ; pourquoi n’éprouvons-nous que de l’indifférence quand nous découpons notre exemplaire de Taine, et pourquoi ne pouvons-nous découper sans regret notre exemplaire de Renan ; ce n’est point, comme le dirait un historien des réalités économiques, parce que les Renan coûtent sept cinquante en librairie et parce que les Taine, chez Hachette, ne coûtent que trois francs cinquante ; et pourquoi, découpant du Renan, recevons-nous une impression de mutilation que nous ne recevons pas découpant du Taine ; c’est que, malgré tout, un livre de Taine est pour nous un volume, et qu’un livre de Renan est pour nous plus qu’un livre ; et pourquoi ne peut-on pas copier du Taine, et peut-on copier du Renan, en se trompant, il est vrai ; et pourquoi est-ce un bon plaisir que de corriger sur épreuves un texte de Renan, et se fait-on un devoir de [corriger sur épreuves un texte de Taine ; telle est la différence que je vois entre les héritages laissés par ces deux grands maîtres de la pensée moderne. « J’ai voulu montrer », dit Taine en forme de conclusion : « J’ai voulu montrer la formation complète d’une œuvre poétique et chercher par un exemple en quoi consiste le beau et comment il naît.

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