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1117. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Ce sont des artistes fort peu artificieux et qui malgré la place que l’observation tient dans leur œuvre, s’y mettent tout entiers. […] Au contraire, chez les cinq écrivains que nous lui avons associes dans ce livre, et chez lesquels la sensibilité prédominait, ou tout au moins n’était pas soumise à un trop dur contrôle, la carrière et l’œuvre se tiennent. […] Ni les uns ni les autres ne plaisent encore à la masse pas plus que leur commun ancêtre Edgar Poe, et tous par contre sont tenus en liante estime de ce qu’il y a à Paris de littérateurs et d’artistes éminents. […] Maurice Bouchor présentent également une série de petites pièces simples, passionnées, éprises ou ironiques, dénuées de déclamation, sans la grande emphase romantique, qui tiennent parfois de la sensibilité et de la méchanceté de Heine. […] On les recherche pour cela ; c’est donc que ces propriétés satisfont vivement les inclinations d’une bonne partie du public, que celui-ci tient moins à la profondeur de l’observation et de l’analyse, à la perfection de la composition, à l’impassibilité artistique des œuvres, qu’à leur aptitude à exprimer, à exciter, à tenir en éveil la sensibilité du lecteur.

1118. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Ainsi le prince de Ligne, vif, brillant, étincelant de traits, rencontrait le mieux, mais ne s’y tenait pas ; il avait plus d’imagination que de mesure et de goût. […] Après Lacy, plus complet et qui unissait l’éclair et le sang-froid, il n’estimait rien tant que Laudon, grand homme de guerre dès qu’on était dans l’action : « J’étais tout en feu moi-même par cet être qui tient plus du dieu à la guerre que de l’homme. » Après la prise de Belgrade, le prince de Ligne, qui s’était vu quelque temps dans une demi-disgrâce, obtient une distinction due au seul mérite : il est nommé commandeur de l’ordre militaire de Marie-Thérèse. […] Une nation si jeune, si vive, si exaltée, qui dans ce moment fait une litière d’épines au-dessus des roses qu’elle veut étouffer, tiendra-t-elle des engagements de manège ? […] Il était d’avis que. dans tous les grands moments de l’histoire qui se prolongent et qui se fixent, « tout tient à un seul homme », ou à un très petit nombre ; les règnes, même les plus durs, lui semblaient offrir plus de chances aux talents et aux grands hommes que l’anarchie : Les Scipions, dit-il, étaient de grands aristocrates ; Périclès était une espèce de roi.

1119. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Un de ses biographes (Audin) a raconté à ce sujet des détails qu’il dit tenir de source authentique : il s’ensuivrait que Massillon, dans cette première jeunesse, aurait eu quelques écarts de conduite qui l’auraient brouillé avec ses supérieurs, avec lesquels toutefois il ne tarda point à se réconcilier. […] Massillon en chaire n’avait presque point de gestes : cet œil qu’il baissait d’abord, qu’il tenait baissé d’habitude, lorsqu’ensuite, à de rares intervalles, il le levait et le promenait sur l’auditoire, lui faisait le plus beau des gestes ; il avait, a dit l’abbé Maury, l’œil éloquent . […] il débuta de la sorte : Sire,   Si le monde parlait ici à la place de Jésus-Christ, sans doute il ne tiendrait pas à Votre Majesté le même langage. […] Mais il ne s’en tient pas là ; il ne fait en ce moment que de commencer à interroger son auditeur ; il va le presser de plus en plus, le circonvenir, chercher à l’atteindre par toutes les surfaces jusqu’à ce qu’il ait rencontré le point vulnérable ; et il en vient graduellement à une énumération et presque à une désignation plus frappante : Grand Dieu !

1120. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

La comédie était une autre de ses passions, et qui tenait en elle à l’intelligence et au goût des choses de l’esprit. […] Le Régent n’a jamais été mieux peint que par sa mère ; elle nous le montre avec toutes ses facilités, ses curiosités en tous sens, ses talents, son génie propre, ses grâces, son indulgence pour tous, même pour ses ennemis ; elle dénonce ce seul défaut capital qui l’a perdu, cette débauche ardente et à heure fixe, où il s’abîmait et disparaissait tous les soirs jusqu’au matin : Tout conseil, toute remontrance à cet égard sont inutiles, disait-elle ; quand on lui parle, il répond : « Depuis six heures du matin jusqu’à la nuit, je suis assujetti à un travail prolongé et fatigant ; si je ne m’amusais pas un peu ensuite, je ne pourrais y tenir, je mourrais de mélancolie. » — Je prie Dieu bien sincèrement pour sa conversion, ajoute-t-elle ; il n’a pas d’autres défauts que ceux-là, mais ils sont grands. […] À mesure qu’on avance, et tandis que la délicatesse et la pureté des manières ou du langage se retirent de plus en plus dans le coin de Mme de Maintenon et vont par moments chercher un refuge à Saint-Cyr, Madame se tient à part à Saint-Cloud, puis encore à part au Palais-Royal, et de là, soit sur la fin de Louis XIV, soit sous la Régence, elle fait, la lance en arrêt, la plume sur l’oreille, de fréquentes et vaillantes sorties dans ce style brusque qui est à elle, qui a de la barbe au menton, de qui l’on ne sait trop, quand on l’a traduit de l’allemand en français, s’il tient de Luther ou de Rabelais, et qui en tout est certainement l’opposé de la langue des Caylus.

1121. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Au moment où le Génie du christianisme parut, Ginguené, qui rendit compte du livre dans La Décade, marqua dès le début de ses articles qu’il ne se tenait point pour satisfait de l’explication vague et générale que l’auteur donnait de sa conversion : il semblait même dénoncer quelque inexactitude dans le récit, et, sans trahir le secret de conversations confidentielles qu’il avait eues avec Chateaubriand, il y faisait allusion de manière à inspirer des doutes au lecteur. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même… » Et cette note, qui peut tenir lieu des trois ou quatre autres qui sont aussi expressives et aussi formelles sur le même sujet, finit en ces mots sinistres : « Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres. » Ainsi donc voilà où en était Chateaubriand à la veille du moment où il fut vivement frappé et touché, et où il conçut l’idée du Génie du christianisme. […] Mais il en est sorti, et c’est ce beau côté victorieux que je tiens à mettre pour le moment en pleine lumière. […] Dans un cours que je faisais à Liège il y a six ans et dont M. de Chateaubriand et ses amis formaient le sujet principal, je disais quelques-unes de ces choses ; sur ce point en particulier qui tient à la production du Génie du christianisme, je concluais en des termes qui ont encore leur application et que je ne pourrais qu’affaiblir en essayant de les varier : Je ne crois pas me tromper, disais-je à mes auditeurs, en assurant que nous avons eu une satisfaction véritable à lire cette lettre de Chateaubriand à Fontanes, qui nous l’a montré sous l’empire d’une haute exaltation sensible et religieuse, au moment où il concevait le Génie du christianisme.

1122. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Voyageant en Suisse dans le canton de Zurich, il avait remarqué que, dans la plupart des maisons, une piété domestique patriarcale tenait à conserver les images des pères, les portraits de ceux que la famille avait perdus et qui étaient représentés sur leur lit de mort, les yeux fermés, tels qu’ils étaient lorsqu’on les avait vus pour la dernière fois après le dernier soupir : Ces tristes images, ajoutait-il, qui paraîtraient si hideuses à un Français qui ménage son cœur comme un enfant gâté, et qui fuit avec soin tout ce qui pourrait l’émouvoir fortement, sont ici un objet consolant pour des hommes qui savent aimer et ne craignent rien de l’amour, pas même ses peines. […] C’est ainsi qu’en se dirigeant vers le Marboré, après avoir traversé d’affreuses solitudes, et en arrivant à Gavarnie, d’où se découvre presque en entier le grand cirque du fond, au mur demi-circulaire, avec ses rochers à figure de tours, avec ses neiges aux flancs et ses cascades, il dira de cette belle masse, qui est la partie la plus connue du Marboré : Son volume et sa hauteur la feraient croire très voisine de Gavarnie ; mais sa couleur, qui tient de l’azur des hautes régions de l’atmosphère et de l’or de la lumière répandue sur les objets distants, avertit qu’on aura plus d’un vallon à parcourir avant de l’atteindre. […] On ne saisit pas bien l’instant précis où il s’arrêta dans sa confiance en la Révolution, car il ne faisait point partie de l’Assemblée constituante : lorsqu’il entra dans la seconde législature et qu’il devint membre de l’Assemblée législative, il était déjà dans la résistance, dans la ligne constitutionnelle, voulant y rester et s’y tenir. […] Causeur excellent et plein de traits dans un salon, écrivain élégant et, on l’a vu, éloquent, il n’était pourtant pas essentiellement orateur, ni surtout improvisateur : « C’est une des nombreuses infirmités de ma nature, disait-il, de ne pouvoir dominer qu’à force de temps ces vérités que de meilleurs esprits dominent à force de supériorité. » Cette sorte de lenteur qui tient au besoin d’approfondir, jointe à de la vivacité d’humeur et d’impression, lui fit faire quelques fautes de tribune.

1123. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Quand je me souviens de Henri IV, et pour me le résumer à moi-même au juste, sans pencher ni du côté de la tradition factice et arrangée, ni du côté de l’anecdote maligne et injurieuse à l’histoire, je tiens à me rappeler trois ou quatre points essentiels qui me le déterminent, en quelque sorte, dans les grandes lignes de sa nature morale et de son caractère politique. […] Toutefois il ne perdait (occasion) à m’en faire instance, jusques à ce que j’eus le moyen de m’en défaire par une demande que je lui fis : s’il ne désirait pas être tenu et reconnu roi de France, et l’être aussi ? […] Le roi tenait ce grave discours à ses officiers et gens de justice le 24 ; la veille, il avait écrit ces mots plus lestes à Gabrielle : « Ce sera dimanche (après demain) que je ferai le saut périlleux. » Ce mot a scandalisé à bon droit ; mais il ne faut jamais oublier que Henri IV, nonobstant les sentiments, avait une manière gaie involontaire de prendre et d’exprimer même ce qu’il avait de plus à cœur et de plus sérieux. Il y a deux choses, a remarqué Scaliger, dont le roi n’était point capable, à savoir, de lire et de tenir gravité.

1124. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il tient de ce goût antérieur et un peu compassé de Pélisson, de Mlle de Scudéry ; il en a donné une preuve singulière dans la Lettre de Clément Marot, qui est censée à lui écrite et adressée des champs Élysées, à la date du 20 avril 1687. […] Le gros de la troupe, qui n’a pas suivi ces enfants perdus, après avoir tenu conseil, se résout, sur la proposition de Catulle, à prendre Virgile pour guide. […] Je ne profite pourtant pas souvent de cette commodité, et je suis souvent des huit jours entiers sans sortir de chez moi que pour aller à l’église, dont j’ai à choisir de trois ou quatre, m’occupant fort agréablement et sans ennui de mes jardins et de mes livres, sans oublier les muses, avec lesquelles j’ai toujours quelque petit entretien ; car quand une fois on est frappé de cette agréable folie, on peut s’assurer d’en tenir pour le reste de ses jours, et de mourir, pour ainsi dire, en rimant. […] En reconnaissant dans ses œuvres de l’esprit, de la facilité, de l’élégance et quelque agrément, mais en ne trouvant pas dans ses vers, pour le critiquer avec ses propres paroles, Certain je ne sais quoi qui manque à leur beauté, on se fait toutefois une question, on se demande à quoi tient la vie dans les productions de l’esprit et de l’imaginalion, d’où vient ce don et ce souffle qui fait les beaux vers sans vieillesse.

1125. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Cela tient, je l’ai déjà remarqué, à bien des causes : — à ce que la philosophie du xviiie  siècle, qui y est répandue et qui y donne le ton, n’est plus à la mode ; — à ce que la langue, cette langue française que Frédéric aimait et écrivait exclusivement, n’est pas sous sa plume des plus correctes et des plus pures, tellement que son faible même pour nous lui devient un titre de défaveur. […] Le prince Henri accepte tout bas la comparaison, et pour donner tout le tort à son frère, lequel fut d’abord bien moins heureux en résultats que Pompée ; on a de lui, au bas d’une lettre autographe du roi, la note suivante, où il exhale ses secrètes amertumes : Je ne me fie nullement à ces nouvelles (des nouvelles rassurantes que Frédéric lui disait tenir de bonne source) ; elles sont toujours contradictoires et incertaines comme son caractère. […] À quoi cela tient-il ? […] Cela tient à quelque chose de plus intime et de plus général, à une certaine fleur légère qui est absente même du badinage et de la gaieté, et, à défaut de la fleur, à une certaine flamme puissante d’imagination qui n’y souffle pas sur le bon sens.

1126. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Rien ne peint mieux ces illustres assemblées qui se tiennent chez Mmes Necker et Geoffrin qu’un mot d’un étranger. […] Si au contraire, au lieu de te traîner lentement sur la route du bonheur et de la gloire, chargé d’un lourd costume d’avoyer, et escorté d’une troupe d’huissiers à baguette, tu veux, dans toute la vigueur de ton esprit, cursu contingere metam, cesse de regarder derrière toi, à droite, à gauche, en haut, en bas, et tiens constamment les yeux fixés sur le but qui t’est offert. […] Il racontait cela, il l’écrivait et tournait ainsi en ridicule un patriciat qui, pour s’en tenir à des recommandations si simples, n’en était peut-être pas moins sage. […] Le seul reproche fondé qu’on pût faire à l’aimable bailli de Nyon était d’apporter dans l’exercice de ses fonctions officielles une distraction souvent prodigieuse, dont il était ensuite le premier à rire, et que ses administrés attribuaient respectueusement à la variété, à la profondeur de ses études économiques, métaphysiques, historiques, tandis qu’elle tenait surtout à son humeur.

1127. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

On avait vu, à propos du Béranger des Familles, descendre des hauteurs où il se tient d’ordinaire, et se lancer dans l’arène, un esprit fin, délicat, élevé, un peu dédaigneux, une intelligence aristocratique, et qui a gardé des abords du sanctuaire et du commerce des Prophètes l’habitude du respect et une sorte de démarche religieuse jusque dans la suprême philosophie. […] Il n’en gardait pas copie d’abord, et il semble qu’il y tenait assez peu ; c’est pendant une maladie du peintre Guérin, l’un de ses amis, et en passant les nuits à son chevet, en 1812, qu’il eut l’idée, pour la première fois, de recopier ses anciennes chansons ; il s’en rappela ainsi une quarantaine : il y en eut de perdues et d’oubliées. […] Chaque jour même je jetterais du rez-de-chaussée des pierres à ceux qui occupent les étages supérieurs de la maison ; et, comme ils tiennent à leurs vitres, sans faire cas de la lumière, il est à croire qu’ils videraient sur moi leurs cassolettes, pour se débarrasser d’un voisin incommode. » L’image est des plus gaies ; elle est bien de l’esprit espiègle et taquin que nous connaissons. […] Son rare bon sens fut de comprendre nettement que, dès cette heure, son rôle de guerre était fini, que « Charles X et la Chanson étaient détrônés du même coup » ; sa probité fut de désarmer tout de bon, et sa force, de tenir ferme dans cette neutralité honorable.

1128. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Ces preuves, ce sont sans doute les écrits durables et permanents ; mais le plus sûr est de ne pas s’en tenir uniquement aux écrits déjà anciens et qui ont jeté leur feu ; le meilleur coup de fortune pour une mémoire immortelle est d’avoir, du sein du tombeau, deux ou trois de ces retours et de ces réveils magnifiques qui étonnent les générations nouvelles, qui les convainquent qu’un mort puissant est là, redoutable encore jusque dans son ombre et son silence. […] Quand elle partit de Weimar, il paraît toutefois, à quelques mots de la Correspondance des deux illustres amis, qu’il était temps et qu’ils en avaient assez de cette conversation ardente, inépuisable, qui les tenait en haleine et en travail continuel, et qui leur soutirait leur poésie : « Elle éloigne de moi toute poésie, disait Schiller, et je m’étonne de pouvoir faire encore quelque chose. » Goethe est encore celui des deux qui, à ses heures libres, s’en serait le mieux accommodé. […] N’est-ce pas ainsi que Lamartine, un jour, pendant une pluie d’orage, sut tenir en suspens tout un banquet à Mâcon, par le charme et les chaînes d’or de sa parole ? […] Tenons bon pour l’éloge, mais en nous rendant compte des légers défauts.

1129. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Un traité avec Napoléon qu’on n’a pas tenu, une année de malheur pour Napoléon dont il a profité. […] Nettement s’en sont emparés48, je tiens donc qu’il n’est pas du tout évident que M.  […] Il demandait qu’on se tînt dans l’ordre du possible, et qu’on n’exagérât point dans le nouveau sens. […] Les phrases même tiennent peu, prises en détail ; elles ne se déplacent pas.

1130. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Voilà, va-t-on dire, bien de l’appareil et des préparations pour de simples articles ; mais quand une idée nous a une fois saisis, nous autres gens de pensée et de caprice, elle nous mène plus loin souvent que nous ne voudrions ; elle nous tient et nous obsède jusqu’à ce que nous l’ayons conduite à bonne fin et mise au jour. […] Il serait puéril aujourd’hui de venir rechercher minutieusement, dans ces discours de profession ou de circonstance, des contrastes ou de lointains rapports avec le langage qu’il tint depuis lors comme conventionnel et représentant du peuple. […] Elles faisaient tout pour se contraindre et se tenaient à quatre aux heures de trêve, en répétant les conseils du divin Maître ; le lendemain, la lutte se rengageant de plus belle, elles ne pouvaient s’empêcher d’éclater. […] Les vues qui lui tenaient à cœur, plus grandioses que pratiques, et qui dans leur exagération embrassaient toute la Méditerranée, allaient à contrecarrer les plans autrement positifs du jeune général qui avait tant contribué à la prise de Toulon, et les propositions détaillées qu’il faisait dans le même temps pour la défense et l’armement des côtes ; les deux systèmes durent être, un instant, en présence et en balance.

1131. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Fille d’un roi électif et détrôné, ayant connu de bonne heure les vicissitudes extrêmes de la fortune, moins princesse que noble et pauvre demoiselle, elle était avec son père et sa mère au château de Wissembourg, profitant de l’hospitalité française à la frontière et vivant avec les siens d’une pension assez mal payée, lorsqu’on vint lui annoncer qu’il ne tenait qu’à elle d’être reine de France. […] Elle se dit bien vite qu’il serait heureux pour elle, au milieu de ce monde méchant et corrompu, de pouvoir se faire une petite société d’honnêtes gens et sûrs ; et en effet, lorsqu’elle les aura une fois distingués et choisis, elle s’y tiendra avec une fidélité inviolable. […] Le Roy, le veneur ordinaire, un La Bruyère à cheval : « Né avec un goût vif pour les femmes, nous dit-il du roi, des principes de religion, et plus encore beaucoup de timidité naturelle, l’avaient tenu attaché à la reine, dont il avait eu déjà huit ou dix enfants. […] La vieillesse ou l’âge tout à fait mûr lui alla bien avec ses douceurs, ses solidités, ses gaietés même assez fines et un certain enjouement qui tenait de l’esprit et de l’âme.

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