au lendemain du saint-simonisme Un des traits les plus caractéristiques de l’état social en France, depuis la chute de la Restauration, c’est assurément la quantité de systèmes généraux et de plans de réforme universelle qui apparaissent de toutes parts et qui promettent chacun leur remède aux souffrances évidentes de l’humanité.
Catherine de Médicis y est peinte dans sa dissimulation et ses entrecroisements d’artifices où souvent elle se prend elle-même, ambitieuse du souverain pouvoir sans en avoir la force ni le génie, et tâchant d’y atteindre par ruse ; usant à cet effet, comme nous dirions aujourd’hui, d’un système continuel de bascule, « réveillant et élevant tantôt cette faction, et tantôt endormant ou rabaissant celle-là ; s’unissant quelquefois avec la plus faible par prudence, de peur que la plus forte ne l’accable, quelquefois avec la plus forte par nécessité, et parfois se tenant neutre quand elle se sent assez puissante pour leur commander à toutes deux, mais n’ayant jamais intention de les éteindre tout à fait ». […] Il voulait que pour assurer une bonne paix, stable et de longue durée, on allât jusqu’aux racines qui reproduisaient sans cesse les discordes et les troubles ; que, pour cet effet, on accordât un concile national, etc. ; qu’on assemblât les États généraux de deux en deux ans, etc. » Dans toutes ces parties de son Histoire, l’opinion et les préférences personnelles de Mézeray percent assez : pourtant il n’y met pas de système ; il s’accommodera fort bien que, sous Henri IV, on arrive au bien public sans toutes ces machines qui sont à double fin en temps de passion, et qui ne sont parfaites que dans l’esprit des vertueux. […] Dans sa dernière maladie, Mézeray, qui n’obéissait en rien au respect humain ni à l’esprit de système, fit amende honorable devant témoins sur les points capitaux de la croyance : « Oubliez, dit-il, ce que j’ai pu autrefois vous dire de contraire, et souvenez-vous que Mézeray mourant est plus croyable que n’était Mézeray en vie. » Il mourut le 10 juillet 1683, laissant un testament qu’on a publié et qui prête aux commentaires.
Or, tout en s’occupant, il est vrai, de l’Amérique, mais en pensant aussi beaucoup à l’Europe, Franklin a porté les jugements les plus irrévérencieux et les plus moqueurs sur le système d’éducation qui continuait de prévaloir sous ses yeux. […] Toutefois, je confesse ma crainte : si Franklin et son système s’étaient trouvés nettement en face de Rollin et de sa religion des anciens, s’il y avait eu guerre ouverte et déclarée entre eux, je ne sais comment le bon recteur se serait défendu en définitive ; comment il aurait maintenu l’utilité sociale et perpétuelle de sa méthode, comment il aurait fait pour persuader qu’il avait suffisamment de quoi pourvoir à toutes les nécessités du monde réel et de la vie moderne. […] Lorsque presque tous les livres en Europe étaient écrits en cette langue, l’étude en était essentielle dans tout système d’éducation ; mais maintenant on en a rarement besoin si ce n’est comme luxe et agrément, puisqu’il a partout cédé la place, comme véhicule de pensée et de connaissances, à quelqu’une des langues modernes. » — Franklin est un homme qui a tant de perspicacité et qui est tellement doué de l’instinct et du sentiment des temps modernes, que j’ai cru que son opinion, même paradoxale, méritait d’être rappelée avec toutes ses variantes et dans toute son étendue.
Ce jeune homme, et très jeune homme au temps où il servait avec Vauvenargues, avait le trait caractéristique de sa famille : « Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riquetti, qui n’est point conciliant. » Vauvenargues, qui jugeait ainsi le petit chevalier, essayait de lui insinuer un peu de douceur, de politesse de ton et de mœurs, de l’assouplir. « Quant au genre de persuasion que vous soufflez au chevalier, lui disait Mirabeau, vous ne réussirez pas, s’il est du même sang que nous ; votre système est d’arriver aux bonnes fins par la souplesse ; le mien est d’arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur le mal décidé, de l’épouvanter, et enfin de m’éloigner de ce qui n’a la force d’être ni l’un ni l’autre. » Ce système à outrance et que Vauvenargues a décrit dans un de ses caractères intitulé Masis (évidemment d’après Mirabeau), est le contraire de sa science à lui, de sa tactique dans le maniement des esprits, qui va à les gagner par où ils y prêtent, et à en tirer le parti le meilleur : Où Masis a vu de mauvaises qualités, jamais il ne veut en reconnaître d’estimables ; ce mélange de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse, si naturel aux hommes, ne l’arrête pas ; il ne sait rien concilier, et l’humanité, cette belle vertu, qui pardonne tout parce qu’elle voit tout en grand, n’est pas la sienne… Je veux une humeur plus commode et plus traitable, un homme humain, qui ne prétendant point à être meilleur que les autres hommes, s’étonne et s’afflige de les trouver plus fous encore ou plus faibles que lui ; qui connaît leur malice, mais qui la souffre ; qui sait encore aimer un ami ingrat ou une maîtresse infidèle ; à qui, enfin, il en coûte moins de supporter les vices que de craindre ou de haïr ses semblables, et de troubler le repos du monde par d’injustes et inutiles sévérités. Voilà les deux systèmes en présence, et le petit chevalier exactement placé entre la méthode de Vauvenargues et celle de son frère, qui n’est pas du tout une méthode, mais un pur abandon à l’humeur et à la nature première.
Émile avait sauvé cela de ses premiers rêves, et toutes ses réflexions et ses expériences successives ne firent que l’y confirmer : il avait son système, son plan parfait et son idéal de société future, ce qu’on a pu appeler son coin d’utopie. […] Dans ce duel fatal, qui priva en 1836 l’opposition républicaine et anti-dynastique de son chef le plus estimé, ce n’étaient pas deux individus qui étaient en présence, c’étaient deux systèmes, deux doctrines, et dont l’une devait tôt ou tard tuer l’autre. […] L’un, homme d’épée, républicain plus théorique que pratique, sachant l’histoire, se rattachant aux anciens partis, ayant ses principes, mais aussi ses prédilections, ses antipathies, ses haines, cherchant à combiner et à nouer dans un seul faisceau plus de choses sans doute qu’il n’est donné d’en concilier, représentait avec un talent vigoureux et des mieux trempés la presse sévère, probe, mais fermée, exclusive, ombrageuse et méfiante, un peu sombre, la presse à la fois libérale, guerrière, patriotique et anti-dynastique ; moins encore un ensemble de doctrines ou un système d’idées qu’une position stratégique et un camp.
Voici, faute de mieux, quelques passages de ses lettres, dans lesquelles il maintient vivement son système de conjectures et semble attribuer à l’histoire littéraire, moins grave, un droit de licence et d’induction que n’autoriserait point la grande histoire, plus sévère. […] Oui, vous le dites très-bien, j’ai voulu tout épuiser ; j’avais soif de connaître, je suis allé au-delà du connu… » Et dans une autre lettre du même jour, écrite quelques heures après la première : « Vous auriez pu, mon système vous déplaisant, être plus dur. […] … Je ne vois pour le moment que celles qui me piquent… Mon système, c’est moi ; je ne puis faire autrement.
Ce n’était plus comme dans la tragédie, des tirades générales, des allusions indirectes : la polémique s’établissait sur la scène même ; et les auteurs y faisaient descendre les hommes et les systèmes qu’ils voulaient honnir, à la fois déguisés et reconnaissables sous leurs baroques déguisements. […] Il fut ruiné par le système de Law, et tenta de publier des journaux d’observation morale, le Spectateur français, 1700-23 ; l’Indigent philosophe, 1728 ; le Cabinet du philosophe, 1734. […] Nivelle de la Chaussée, né à Paris en 4691 ou 1692, d’une famille de financiers, fit imprimer en 1719 une critique anonyme des Fables de La Motte ; ruiné par le système de Law, il eut pourtant de quoi vivre dans l’aisance.
A les entendre, nul n’eût supposé que cette femme allait se mettre hors la loi, que tous deux allaient se mettre hors l’honneur Que pèsent, à ces heures-là, les systèmes complets de morale à l’usage des esprits philosophiques ? […] Et, fût-on soi-même l’inventeur du système réfrigérant dont on invoque le secours dans les grandes crises de la passion, on ne tarde pas à se dire, mettant de côté tout amour-propre d’auteur, qu’il n’y a pas de système qui vaille une caresse de femme aimée, ni de traité de morale que l’on puisse mettre en balance avec l’immorale, mais toute-puissante volupté d’un amour heureux.
Jésus, de même, ne fut pas un théologien, un philosophe ayant un système plus ou moins bien composé. […] Jésus n’eut ni dogmes, ni système, mais une résolution personnelle fixe, qui, ayant dépassé en intensité toute autre volonté créée, dirige encore à l’heure qu’il est les destinées de l’humanité. […] La Grèce, toujours renfermée en elle-même, et uniquement attentive à ses querelles de petites villes, a eu des historiens admirables ; mais avant l’époque romaine, on chercherait vainement chez elle un système général de philosophie de l’histoire, embrassant toute l’humanité.
Les rencontres fortuites d’impressions ne produisent un lien durable que si elles aboutissent ainsi à une classification et viennent se ranger sous quelque loi déjà inscrite dans notre système nerveux. […] Cette solidarité des impulsions tient probablement à la solidarité même des organes, au retentissement de l’excitation centrale dans des parties du système nerveux unies par une loi de corrélation. […] En outre, une loi importante du système nerveux, que nous avons déjà indiquée, tend à resserrer ce lien : c’est la loi de l’épuisement nerveux, qui produit la fatigue.
Champfleury lui-même, lorsqu’il veut bien déposer dans un coin le Drapelet ridicule du système, n’est-il pas un poète ? […] les systèmes, les affreux systèmes, comme ils ont amoindri, dans leur logique implacable et sotte, une des organisations les plus puissantes du Roman contemporain !
» c’est-à-dire il invente un système pour l’expliquer. […] Nous approchons : je découvre déjà le système d’éclairage qu’on nomme ici la Lumière incréée. […] Qu’un de leurs systèmes scientifiques s’écroule, ils en bâtissent tout de suite un autre, — et ils vont… Ils vont même très bien. […] Qu’un système planétaire vole en éclats avec son soleil ou qu’une nébuleuse se déchire pour épandre des semences d’astres, pas un atome n’est perdu. […] Laissez-moi parler… Le système social est établi de façon à sauvegarder le fruit de vos rapines.
A-t-il même, contrairement au système de Strauss et de Vacherot, une personnalité ? […] Au lieu de chercher raisonnements sur raisonnements et de bâtir systèmes sur systèmes, Il faudrait s’écrier : J’aime, je veux, je crois147 ! […] ………………………………………… Hugo préférerait la religion traditionnelle elle-même à tout système qui bannit ainsi du monde l’élément moral. […] Les préjugés et la réaction contre Hugo sont aujourd’hui une mode si tyrannique pour les littérateurs, que des esprits à portée philosophique et au courant des systèmes, comme MM. […] Tout un système pénitentiaire peut sortir de ce mot235. » C’est un homme à la mer !
Charles Morice Louis Dumur, d’origine suisse et italienne, versifie selon une poétique nouvelle, du moins renouvelée de poétiques étrangères — aussi — et classiques… Sans accorder ni refuser au système de Louis Dumur plus ni moins de confiance qu’aux autres poétiques nouvelles dont la nouveauté consiste à démembrer le vieux vers français, je constate son effort et je l’inscris comme un des signes les plus nets qui marquent le désir d’une nouveauté, en effet, dont l’avènement plane autour de nous.
Charles Maurras Il y a dans cette joie, dont l’expression semble exagérer la vivacité, il y a, si je ne me trompe, un arrière-fond d’élégie ; et, de plus, au ton familier du discours, en dépit de la solennité de l’alexandrin, se dessine, dans une forme vague encore, comme une aspiration au système d’une poésie plus intime, l’idée d’un retour à Parny… Mais voilà qui va me rendre odieux à la jeune lyre des Élévations poétiques.