Chacun de nous, se tournant vers lui-même, se sent évidemment libre de suivre son goût, son désir ou son caprice, et de ne pas penser aux autres hommes. […] Une route a été tracée par la société nous la trouvons ouverte devant nous et nous la suivons il faudrait plus d’initiative pour prendre à travers champs. […] Mais, de ce que c’est par des voies rationnelles qu’on revient à l’obligation, il ne suit pas que l’obligation ait été d’ordre rationnel. […] D’où vient que les hommes qui en ont donné l’exemple ont trouvé d’autres hommes pour les suivre ? […] Ce travail a abouti à formuler des règles et à dessiner un idéal : ce sera vivre moralement que de suivre ces règles, que de se conformer à cet idéal.
Tout ce qui le précède est de la première ; et ce changement, avec ce qui le suit, regarde l’autre. […] Euripide l’a suivie lorsqu’il a représenté Médée tuant ses enfants. […] Quinault a précisément suivi la route de Racine. […] Les règles prescrites, ci-dessus, sont ici parfaitement suivies. […] Mais la passion a ses repos et ses intervalles, et l’art du théâtre veut qu’on suive en cela la marche de la nature.
Quelques vieux amis, dévoués et discrets, l’avaient suivi dans cette retraite. […] Paul Bourget suivit de près la panégyrie internationale de 1889. […] On ne peut même pas suivre, sur la carte, le tracé des gîtes où il a mangé, bu et dormi. […] Alain ne résista pas au plaisir de la suivre… En France, un monsieur qui suit une jeune femme ou une jeune fille finit quelquefois par l’épouser. […] Il a suivi gravement les funérailles de sa mère.
En un mot, il est pour une raison trop continue, trop suivie ; il n’admet pas ces coups d’archet en toute chose qu’il faut de temps en temps en France. […] Ces paroles, même décousues, et que j’extrais de conversations très suivies, suffisent à donner la force du jet, à faire sentir la note et l’accent. […] Il n’a prétendu, j’imagine, dans ce jeu suivi et patient de sa vieillesse, que fournir matière à conversation, à contradiction, à quelques-uns de ces dissentiments agréables et vifs qui remplissent et animent les soirées d’automne à la campagne. Pour moi, ce qui me frappe et me touche le plus dans ce paradoxe d’érudition française, c’est de voir l’homme qui se trouvait assister avec l’écharpe tricolore à la chute de l’ancienne monarchie, celui qui, le 19 Brumaire, suivait comme un volontaire des plus ardents le général Bonaparte à Saint-Cloud, se faire en vieillissant, par choix et par courtoisie, le chevalier d’honneur de Mme de Maintenon, et n’avoir de cesse qu’il ne l’ait reconduite, déjà plus qu’à demi vengée, entre les mains d’un Noailles. Il y a d’ailleurs, indépendamment de toute conjecture, une idée vraie et neuve dans son livre, c’est de ressaisir à distance l’histoire de la conversation, d’en noter l’empire en France, de reconnaître et de suivre à côté de la littérature régulière cette collaboration insensible des femmes, à laquelle on avait trop peu songé jusque-là.
L’abbé de Pons exhorte l’ami anonyme auquel il écrit à ne pas imiter ceux qui, charmés pour leur compte de la lecture d’un livre nouveau, changent d’avis le lendemain et se retournent en apprenant que des personnes célèbres et d’autorité sont d’un avis contraire : Non, monsieur, non, ne soyez pas infidèle à vos lumières ; osez penser par vous-même, et ne prenez point l’ordre de ces stupides érudits qui ont prêté serment de fidélité à Homère ; de ces gens sans talents et sans goût, qui ne savent pas suivre le progrès des arts et des talents dans la succession des siècles ; de ces scholiastes fanatiques qui entrent dans une espèce d’extase à la lecture de L’Iliade originale, où l’art naissant n’a pu donner qu’un essai informe, et qui n’aperçoivent pas dans les travaux de notre âge le merveilleux accroissement de ce même art. […] Je n’ai à suivre cette querelle des anciens et des modernes qu’en tant que l’abbé de Pons y intervient et y figure. — Il eut affaire avec Gacon. […] Ici il analyse finement l’ennui, dans un esprit de psychologie délicate et restée chrétienne : L’homme inoccupé, c’est-à-dire l’homme livré à la seule considération de son être personnel, éprouve deux sentiments habituels, également tristes : l’un est le sentiment de son infortune, il a le désir d’un bonheur vague qui le suit ; l’autre est le sentiment de sa bassesse, il voudrait être grand et important, il se trouve petit et méprisable. […] Son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe, etc. » L’abbé de Pons rend la pareille de cette moquerie au latin et aux phrases à la Cicéron, « à ces périodes immenses dont le sens vaste, mais confus, ne commence à se développer que lorsqu’il plaît au verbe dominant de se montrer, verbe que l’orateur romain s’obstine à faire marcher à la suite de toutes les idées qu’il aurait dû précéder selon l’ordre de nos conceptions ». Voilà la contradiction nettement posée, Rivarol se chargera de confirmer et de mettre en relief la pensée de l’abbé de Pons quand il dira dans son Discours sur l’universalité de la langue française : Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison ; et on a beau, par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations, la syntaxe française est incorruptible.
C’est dans les premières années qui suivirent 1830 qu’on put reconnaître l’effet des travestissements de Gavarni dans les réunions masquées ; c’est au bal des Variétés que s’est produit d’abord, dans toute sa nouveauté et sa fureur, le débardeur svelte, alerte, découplé, déluré, en chemisette bouffante de satin blanc : tous les beaux d’alors, la jeunesse à la mode, en arboraient la livrée. […] Car aux légers panneaux les écussons s’effacent, A l’heure où dans le bois va dormir l’écureuil, Et vous ne suivez pas les lanternes qui passent La nuit près le bassin d’Auteuil. […] Et, en cet instant, une troupe de joyeux requins suivaient dans le sillage et pensaient entre eux : — « Rien n’est beau comme une galère qui va sombrer en mer toute pleine de passagers. » Et dites après cela, philosophes, que « le beau est la forme du bon. » Cet apologue est digne de Stendhal. — Voulez-vous quelque chose de plus gai ? […] Les Artistes, les Actrices, les Lorettes ; Paris le matin, Paris le soir ; la Physiologie de la vie conjugale, toutes les physiologies illustrées d’alors, celle de l’Étudiant, de l’Écolier, de l’Amoureux, du Provincial, etc. : on se perd à suivre Gavarni dans cette fécondité multiple et simultanée29. […] L’observateur n’a fait que suivre le cours des années et nous rendre, avec une légère teinte de misanthropie et de tristesse, la juste et rigoureuse vicissitude des choses.
Nous nous sommes battus pour sauver le convoi chargé de subsistances pour la République, et nous l’avons sauvé ; il est mouillé en dehors de la rade de Brest, composé de cent seize navires chargés à couler bas ; il a passé à vingt-cinq lieues de nous, le jour même où nous nous battions, et c’est la précaution que nous avons eue d’attirer l’ennemi loin de la route qu’il devait suivre, qui lui a permis de la parcourir en sûreté. […] On suit le captif depuis le moment de son arrestation à Smyrne, où on l’envoya prendre pour l’amener à Constantinople et l’enfermer d’abord aux Sept-Tours, où il se flattait de rester. […] Il écrivait au ministre de l’intérieur, Chaptal, le 26 fructidor an X (12 septembre 1802), déterminant lui-même le sens dans lequel il entendait ¡’accomplissement de ses devoirs : « Citoyen ministre, Votre lettre du 19 de ce mois me rappelle l’époque fixée par les Consuls pour la cessation des fonctions du commissaire général dans ces départements, et me trace la marche que je devrai suivre dans l’exercice de celles de préfet du Mont-Tonnerre. […] Vos vues, Citoyen ministre, seront remplies, vos instructions seront suivies avec toute l’exactitude de la bonne volonté, et dans la place de préfet, comme dans celle de commissaire, je n’aurai qu’un but, celui de coopérer au bonheur de mes administrés et de mériter, avec le suffrage des chefs de l’État, l’approbation d’une conscience sans reproche. […] Le maréchal comprit et changea de ton. — J’ai suivi en ceci la version de M.
Ses qualités, dès l’ouverture de la campagne, avaient pu s’appliquer et se développer avec bien de la distinction. « À la tête de son régiment, toujours à l’avant-garde, quelquefois avec un corps d’infanterie, il lui avait été donné d’assurer et d’éclairer les marches et les mouvements du 4e corps (maréchal Soult) depuis nos frontières jusqu’à Ulm, Vienne et Austerlitz. » Les jours qui avaient précédé et suivi la grande bataille, et dans la journée même, l’officier de cavalerie et l’homme de guerre en lui avaient fait leurs preuves avec éclat. […] La jeune femme du général avait résolu d’y suivre son mari et de partager toutes ses fortunes. […] Ils avaient traversé les camps de l’armée anglaise et s’étaient rendus sur la place de Zarsa, où ils attendaient les billets de logement devant la maison de l’alcade, où logeait le général en chef, lorsqu’une jeune femme parut au balcon et, à leur vue, poussa un cri : « Quelle ne fut pas ma surprise, nous dit le narrateur, en reconnaissant une jeune Espagnole, nommée Isidaure, qui avait suivi en Portugal la division du général Franceschi ! […] Faite prisonnière des Anglais à la retraite de Porto, où son cheval fut blessé, elle demanda à être conduite à Wellington, qui lui offrit de suivre l’armée anglaise jusqu’à ce qu’elle pût rejoindre le régiment de son colonel. […] Le capitaine de Saint-Joseph, beau-frère du maréchal Suchet, fut plus heureux : « Le 26 du mois de septembre (1809), dans l’après-midi, nous étions à table, nous raconte-t-il, lorsque le gouverneur de l’Alhambra, qui rarement était venu nous voir, suivi de l’adjudant et de l’officier de garde, entra dans noire appartement, et me montrant une lettre : « Vous partez pour être échangé », me dit-il. — « Nous partons !
Je le crois susceptible de devenir un militaire très distingué… » Et le 8 brumaire an xiv (30 octobre 1805), il écrivait de Landsberg, dix jours après la capitulation d’Ulm : « … Je désire vivement m’attacher cet officier qui a un mérite réel, et qui, m’ayant suivi comme volontaire depuis un an, n’a cessé de donner des preuves de talent et de courage. » Ce courage, il en avait fait preuve dans les combats qui avaient précédé la capitulation d’Ulm. […] On était dans les mois qui suivirent la victoire d’Austerlitz et la paix de Presbourg. […] Napoléon suivait ces péripéties du haut du cimetière qui dominait une partie du champ de bataille, attendant le moment de faire donner les réserves de la Garde qui l’entouraient. […] Restait la difficulté de savoir quelle route suivre. […] Si je n’avais pas éprouvé tant d’obstacles dans ma mission, nous l’aurions précédé, ce qui valait mieux que de le suivre. » Voilà la vérité40.
Magnin n’a pas recueilli, dans les deux volumes qu’il nous donne, ses articles concernant les nouveautés de la scène française ; il les réserve pour un volume séparé, qui aura tout l’intérêt d’un bulletin suivi et d’une chronique très-animée. […] Le critique ne sonnait si haut de la trompette que parce qu’il se sentait suivi, entouré, devancé même en plus d’un endroit par de généreuses ambitions qui n’attendaient que le signal pour se produire. […] Tel il s’est montré dans tout son rôle, depuis miss Smithson jusqu’à Mlle Rachel, depuis Hernani jusqu’à Lucrèce ; sur Homère, sur l’abbesse Hrosvitha, sur la reine Nantechild, sur Ahasvérus, il a émis, accepté et soutenu des doctrines, des vues, qui témoignent de l’ouverture de sa pensée et de sa flexibilité ingénieuse presque indéfinie ; ce qui me fait dire et répéter de plus en plus : « Le critique n’est jamais chez lui, il va, il voyage ; il prend le ton et l’air des divers milieux : c’est l’hôte perpétuel180. » Chez beaucoup de ceux qui avaient épousé très-vivement la cause nouvelle au début et qui avaient entonné à haute voix le Chant du départ, le mécompte a suivi et s’est fait amèrement sentir. […] A travers ce vaste champ de connaissances où sa condition l’a jeté, il s’est orienté de bonne heure ; furet et gourmet, il suit ses lignes sans en sortir, sans s’égarer ; il choisit et range à bonne fin le grain et la perle. […] Malgré tout, je l’avouerai, j’en veux un peu à nos auteurs dramatiques de la moderne école ; ils ont poussé en avant les critiques et ne les ont pas suivis ; ils se sont comportés comme les chefs d’une armée feraient avec le corps du génie, en lui disant : « Nous voulons passer là, il nous faut une route. » Les critiques se sont mis à l’œuvre hardiment, sous le feu ; il fallait passer jusqu’au travers de l’ancien théâtre, qui barrait et offusquait.
L’abus violent qu’on a fait de certains dons, la volonté ambitieuse et bruyante qu’ont marquée certains esprits de conquérir, d’afficher du moins ce qu’ils n’avaient pas naturellement, la perturbation qui s’en est suivie dans les genres les plus graves, bien des circonstances contribuent aujourd’hui à donner un prix tout nouveau et comme un attrait particulier à ces physionomies d’écrivains calmes, modérées, ingénieuses, à ceux qui ont uni l’élévation ou la distinction de l’idée à la discrétion du tour, qui, en innovant quelque peu à leur moment, n’ont détruit ni bouleversé les grandeurs et les vérités existantes, qui se sont mûris à leur tour dans des applications diverses, et ont su imprimer à l’ensemble de leur vie et de leur œuvre la règle souveraine de la bienséance et une noble unité. […] Mais c’est au père de M. de Barante qu’il faut surtout demander compte de son influence directe et suivie sur l’éducation de son fils. […] La révolution vint très-vite interrompre les cours qu’il suivait au collége d’Effiat. […] On lut avec émotion, on connut pour la première fois dans son entière sincérité cet épisode unique, cette première Vendée restée la plus grande et la seule vraiment naïve ; on salua, on suivit avec enthousiasme et avec larmes ces jeunes et soudaines figures d’une Iliade toute voisine et retrouvée à deux pas dans les buissons et derrière les haies de notre France ; ces défis, ces stratagèmes primitifs, ces victoires antiques par des moyens simples ; puis ces malheurs, ce lamentable passage de la Loire, ce désastre du Mans, cette destruction errante d’une armée et de tout un peuple. […] Mais M. de La Rochejaquelein, à la première vue de ce drapeau, le sabra en s’écriant : « Prince, nous ne suivons que les Fleurs de Lis !
Pierre Corneille En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes : non pas ces biographies minces et sèches, ces notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est effilé en épigramme ; mais de larges, copieuses, et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour, dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres, fond véritable sur lequel ils ont pied, d’où ils partent pour s’élever quelque temps, et où ils retombent sans cesse. […] Dans les diverses pièces qu’il composa en cet espace de cinq années, Corneille s’attacha à connaître à fond les habitudes du théâtre et à consulter le goût du public ; nous n’essaierons pas de le suivre dans ces tâtonnements. […] Les dégoûts qui suivirent pour lui le triomphe du Cid le ramenèrent à Rouen dans sa famille, d’où il ne sortit de nouveau qu’en 1639, Horace et Cinna en main. […] Nous ne le suivrons pas dans les divers succès qui marquèrent sa carrière durant ses quinze plus belles années. […] J’ai suivi M.
lui, il suivait son conseil, il ressemblait aux Muses. […] Mais, pour ne pas trop prêter notre idée générale, et, comme on dit aujourd’hui, notre formule, à celui qui a été surtout plein de liberté et de vie, prenons l’homme d’un peu plus près et suivons-le dans ses caprices mêmes ; car nul ne fut moins régulier, plus hardi d’élan et plus excentrique de rayons, que cet excellent homme de goût. […] Joubert, à cette époque, suivait avec ardeur ce mouvement aventureux d’innovation que prêchaient Le Tourneur par ses préfaces, Mercier par ses brochures. […] Nous le suivons d’assez près dans les années suivantes par de charmantes lettres à Fontanes, son plus vieil ami, qu’il retrouvait, après la séparation de la Terreur, avec la vivacité d’une reconnaissance : « Je mêlerai volontiers mes pensées avec les vôtres, lorsque nous pourrons converser ; mais, pour vous rien écrire qui ait le sens commun, c’est à quoi vous ne devez aucunement vous attendre. […] Je n’aurais pas fini de sitôt, si j’extrayais tout ce qui, chez lui, s’attache au souvenir et vous suit.
. — Au dîner qui suivit, le front de Sémiramis apparut tout chargé de nuages et silencieux ; vers la fin, s’adressant au jeune ambassadeur, elle lui fit entendre que ses goûts brillants le rappelaient dans la capitale, et qu’il devait supporter impatiemment les ennuis de cette retraite monotone. […] Son rôle pourtant en ces années agitées ne fut pas inactif ; il suivit honorablement la ligne constitutionnelle où plusieurs de ses amis le précédaient. […] Jouet d’une basse et odieuse intrigue… (et ici suivent quelques détails particuliers)…, — le temps me vengera, me disais-je, c’est inévitable ; et je brûlais du désir de voir ce temps s’écouler, et mon âme se livrait à un sentiment haineux, à un espoir, à un désir de vengeance qui troublaient toutes mes facultés morales, qui minaient, qui consumaient toutes mes facultés physiques… j’étais malheureux, bien malheureux. J’eus occasion de lire votre Galerie morale et politique : bientôt un peu de calme entra dans mon sein ; je suivais avec intérêt le voyageur que vous guidez dans l’orageux passage de la vie ; j’aurais voulu l’être, ce voyageur, je le devins. […] S’il est vrai, comme on l’a dit, que plus tard, les circonstances européennes étant changées, Catherine, pour mieux déjouer la mission de M. de Ségur à Berlin, ait envoyé au roi de Prusse les billets confidentiels dans lesquels l’ambassadeur de France avait autrefois raillé les amours de ce neveu du grand Frédéric, elle ne fit en cela sans doute que suivre les pratiques constantes d’une politique peu scrupuleuse ; mais elle put bien y mêler aussi tout bas le plaisir de se venger d’un ancien dédain.
De là vient qu’on leur reproche de se démentir, et de pivoter tout d’une pièce : si parfois la raison s’éclairant change de maximes, la volonté suit, et toute l’âme ; ainsi Émilie, à la fin de Cinna : Ma haine va mourir, que j’ai crue immortelle. […] Rien de plus simple que les mouvements coordonnés des caractères qui s’opposent : qiu’on regarde, si l’on veut, les relations d’Attale et de Nicomède, et l’évolution du caractère d’Attale, soit en lui-même, soit dans l’opinion que Nicomède en prend, il y a aussi du mouvement dans chaque caractère, grâce au déplacement de la volonté qui suit la raison : je n’en veux pour exemple que Polyeucte et Pauline, et surtout cet admirable Auguste. […] Il suivait en cela le goût de son temps. Il l’a suivi, malheureusement, aussi dans certains détails de son style. […] Nicomède suit Don Sanche, qui lui est identique ; mais le sujet, dans Don Sanche, était enveloppé de romanesque espagnol.