Faut-il donc juger de tels cours comme des livres composés à loisir dans le silence du cabinet, et doit-on s’étonner d’y rencontrer bien des répétitions, bien des disparates, un style inégal, des mouvements abrupts, enfin l’improvisation prise en quelque sorte sur le fait, et jetée au vent de la publicité avec ses innombrables défauts ? […] Elle est encore compacte, assez massive, grande au-dessus de la nature ordinaire et d’un style très sévère ; mais les pieds sont déjà suffisamment séparés les uns des autres : à la rigueur, elle pourrait marcher. […] Aussi l’exécution répond-elle admirablement à la conception : cette manière hautaine de traiter les héros et les empires, cette marche inflexible vers le but marqué, à travers tout ce qui détourne et distrait les historiens ordinaires ; ce style aussi altier et aussi simple que la pensée qu’il exprime, voilà ce qu’il faut admirer dans Bossuet et non le plan général, qui, à vrai dire, ne lui appartient pas.
Et c’est l’occasion pour le père de s’étendre sur l’atavisme, de se demander si le style ne vient pas d’un certain mécanisme du cerveau qui se lègue, et dont sa fille a hérité, car elle a toutes ses qualités de fabrication, jointes à « une essence poétique » qu’il confesse ne pas avoir, et qui doit faire d’elle, si elle continue, un poète remarquable.
Il est à remarquer que les écrivains sceptiques, comme Voltaire, Stendhal, Mérimée, au style froid, clair, sarcastique, vieillissent moins que les autres.
Cette langue nette, brève, réduite au minimum de l’expression, ravit d’aise le lecteur lettré ou quelques spectateurs de choix ; la foule n’a pas le temps de s’échauffer ; l’amplification lui manque ; il lui faut des redites ; elle ne fait qu’une bouchée de ce style très pur et très sûr, de qualité un peu trop rare. […] La première partie, pour l’allure et l’arrangement, était une réminiscence de Hugo, avec cet effet amusant : « Toi, Seine, tu n’as rien », qui parodie le vers fameux : « Mais Grenade a l’Alhamhra » de la pièce des Orientales ; pour le style et pour les images, le jeune virtuose y pastichait aussi le « maître », ou le « patron », Leconte de Lisle lui-même, à le rendre jaloux de cette imitation.
Étranger aux mutations de l’esprit public du dernier siècle, il me disait : « Les adversaires de la Révolution n’ont rien à me reprocher ; je suis pour eux un Solon qui a fait fortune. » « Cette fortune date du siège de Toulon ; le général Carteaux lui écrivait alors en style du temps : « A telle heure, six chevaux de poste, ou la mort. » Il me racontait un jour comment des bandes de brigands déguenillés arrivaient de Paris dans des voitures dorées, pour former, disait-on, l’esprit public.
L’Italienne est gracieusement sculpturale, et montre dans son droit profil et sa fine nuque de bronze florentin, une distinction de race, le style de ces campagnardes étrusques, où reste comme la marque d’un grand passé : femmes qui, tout peuple qu’elles sont, restent des reines de nature.
Et le style est à la hauteur de la conception. […] Car ici, malgré le mélange des styles les plus divers, c’est évidemment le style païen qui domine.
Toute cette société merveilleusement polie passe son temps à versifier et à discourir en style maniéré, suivant les plus estimés des modèles antiques. […] Pour ce qui est de la haute sensibilité esthétique et intellectuelle, de l’élégance, du « style », de raffinement spirituel, de la richesse et de la complexité de civilisation, comment nierez-vous, en présence de preuves quotidiennes et patentes, que la France, par exemple, ne soit encore, et pour longtemps sans doute, à la tête de l’Occident ?
Je raconte brutalement le gros de l’œuvre, voulant laisser aux lecteurs de Mensonges le plaisir de savourer, dans un style de maître, les délicatesses, les hautes vues, les révoltes de conscience, les spéculations de ces âmes mises à nu par M. […] J’insiste sur ce passage d’un charme pénétrant, d’un style simple, sans contorsions de pensée ni de mot, sans inquiétude ni préoccupation d’école. […] Cladel vient d’écrire à propos de la tombe de Baudelaire ; j’en transcris les principaux passages pour montrer comment l’auteur des Va-nu-pieds conserve sa supériorité dans le style épistolaire, si tant est qu’il y en ait encore un.
Auguste Comte, dans votre style aussi fâcheux que vos doctrines : « Nous avons même vu le principe le plus général et le plus vulgaire de la simple morale individuelle, la subordination nécessaire des passions à la raison directement dénié par d’autres réformateurs, qui, sans s’arrêter à l’expérience universelle rationnellement sanctionnée par l’étude positive de la nature humaine, ont tenté au contraire d’établir, comme dogme fondamental de leur morale régénérée, la systématique domination des passions dont l’activité spontanée ne leur a pas paru sans doute assez encouragée par la simple démolition des barrières jusque-là destinées à en contenir l’impétueux essor ; puisqu’ils ont cru devoir en outre la développer artificiellement par l’application continue des stimulants les plus énergiques. » — Un tel langage, outre qu’il est pénible, est réactionnaire. […] Cent cinquante ans après Bayle, on est étonné un instant de rencontrer un homme qui a l’âme d’un ligueur ou d’un Théodore de Bèze, chez qui l’instinct religieux est assez profond d’abord, et ensuite assez excité, pour qu’il accepte Calvin tout entier, en le trouvant peut-être trop modéré, et qui, tranquille du reste, pontife grave, et écrivant solennellement de grands livres en beau style oratoire, fait son entretien ordinaire et son rêve cher des massacres de Moïse, de Mahomet, de Ziska et d’Henri VIII.
C’est une abondance d’idées, une richesse d’images, de l’horreur, de l’horreur… mais de l’horreur amusante, et un style brisé, plein de vie, au milieu d’une ironie féroce, d’une ironie à la Swift.
Constant, Adolphe, Paris, Flammarion, « GF », 1989, p. 62-63). « les idiomes étrangers rajeunissent les pensées et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées » : idée qu’on peut rapprocher de l’éloge des traductions des littératures étrangères dans l’article de Mme de Staël en janvier 1816 à Milan (« De l’esprit des traductions ») et de l’utilité qu’elles gardent quelque chose du style de la langue originale pour contribuer à lutter contre ces fameuses « tournures communes ».]
C’est toujours en vain que l’on veut infliger à une époque les mœurs ou les coutumes d’une autre ; chacune d’elles a sa marque indélébile en philosophie comme en art, et le rappel aux mœurs antiques tenté par les législateurs de notre première République, paraît aussi ridicule aujourd’hui que les objets de style Renaissance confectionnés sous Louis-Philippe. […] Il n’est pas permis de disserter de sang-froid en présence de ces coléreux et si magnifiques élans de la conscience de l’homme et de l’écrivain ; nul ne saurait juger avec plus de passion que Barbey d’Aurevilly, il n’est pas possible de le faire avec plus d’honnêteté ; là richesse éblouissante de son style ne l’aveugle pas, il reste clairvoyant, poursuit sans dévier sa pensée et la livre palpitante, telle qu’elle est sortie de son cœur.
Un certain style télégraphique est l’aboutissement logique de la période cicéronienne. […] Ecrit d’un style très condensé, il contient tant de remarques précieuses qu’on ne sait lesquelles choisir.
Le style est ample, libre, pur, noble, et en quelque sorte idéal.