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230. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Soleil, lune, étoiles durant toute l’année, l’homme, la femme, rien n’apparaît plus à leurs globes inutiles. […] Ainsi s’éteignit cette noble vie, comme un soleil couchant, éclatante et calme. […] Ailleurs, Saumaise criant que le soleil n’avait jamais vu de crime comparable au meurtre du roi, Milton lui conseillait ingénieusement de s’adresser encore au soleil, non pour éclairer les forfaits de l’Angleterre, mais pour réchauffer la froideur de son style. […] Il avait dans sa main droite sept étoiles ; une épée aiguë à deux tranchants sortait de sa bouche, et son visage resplendissait comme le soleil quand il luit dans sa force. […] Un simple coucher de soleil les égale.

231. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Je m’en vais lire, au murmure de la fontaine de Médicis, dans le soleil d’un entredeux de giboulées, un cruel article sur Banville, de Lemaître, je m’en vais voir mon portrait de Bracquemond au Musée du Luxembourg, portrait, que je ne sais pourquoi, le conservateur n’a pas indiqué sous mon nom. […] Aujourd’hui, en donnant à manger aux poissons rouges de mon bassin, dans le moment où il est éclairé par le plein soleil, j’étais frappé combien les ombres portées des poissons sur le fond, étaient les poissons des albums japonais. […] C’est mieux que « l’Allée de châtaigniers » de Théodore Rousseau, ces allées de platanes avec les tons blanchâtres de leurs troncs, le contournement architectural de leurs branches, les zigzags de soleil jouant dans le vert pâle de la feuille, avec enfin, la population aux couleurs voyantes, éclaboussée de lumière, qui marche sous la voûte doucement ombreuse. […] Exploration au pas accéléré, de l’immensité mystérieuse et limbique du palais, par des ténèbres, où il y a encore un peu de l’évanouissement jaune du soleil. […] Et quand le soleil ne luit pas, et qu’en l’absence du soleil, le mistral souffle sur vos nerfs, oh alors !

232. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Non, c’est un coup de soleil pris sur le fait par un manœuvre. […] XIV C’était au lever du soleil ; je déposai mon sac de cuir sur le banc de bois d’un cabaret de village, seule auberge qu’il y eût alors à la Chaux-de-Fonds. […] La mère était une belle figure des montagnes, usée par ces précoces maternités ; il y avait, sur ses traits amaigris et pâlis, des retours de fraîcheur et de beauté pareils à ces retours de soleil du soir sur les rosiers du jardin après la pluie. […] C’était la plus belle et la plus pittoresque population de tout âge et de tout sexe qu’il fût possible d’imaginer pour un poète et de reproduire pour un peintre : la taille élevée, les membres dispos, les fières attitudes, les costumes sauvages des hommes ; les profils purs, les yeux d’un bleu noir, les cheveux dorés, les épingles d’argent semblables à des poignards, les corsets pourpres, les tuniques lourdes, les sandales nouées sur les jambes nues des femmes ; les groupes formés naturellement, çà et là, le long des murs, par les captifs, les épouses ou les fiancées demi libres, s’entretenant, les joues rouges de passion ou pâles de pitié, avec leurs maris ou leurs amants, à travers les gros grillages de fer des lucarnes des cachots, ouvrant sur les cours ; les hommes assis et pensifs sur la poussière, le coude sur leurs genoux, la tête dans leur main ; les jeunes filles se tressant mutuellement leurs cheveux de bronze avec quelques tiges de fleurs de leurs montagnes, apportées par leurs aïeules la veille du dimanche, les regards chargés des images de la patrie, des arrière-pensées de la vengeance, des invocations ardentes à la liberté de la montagne ; les enfants à la mamelle allaités en plein soleil de lait amer mêlé de larmes ; toute cette scène, que nous avons contemplée souvent nous-même alors, laissait dans le souvenir, dans l’œil et dans l’imagination un pittoresque de nature humaine qui ne s’efface plus. […] En vain il copie le délicat et naïf visage de Thérésina elle-même : elle est trop simple pour simuler d’autre inspiration que celle de son cœur ; elle est trop timide pour lever au ciel ces regards de sibylle qui sont un défi au soleil ; elle ne regarde que celui qu’elle aime, elle ne voit le monde que dans ses yeux.

233. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Cette scène d’adieu posthume au catafalque du cardinal, et cette scène d’agonie muette au chevet de la duchesse de Devonshire, ressemblent à ces sépulcres que le Poussin place sous les cyprès dans les paysages des villas romaines ; ce sont des énigmes en plein soleil qui font rêver à la mort au milieu des délices d’une lumière sereine ; mélancolies splendides des pays du soleil, où l’on meurt aussi bien que sous les brumes du Nord. […] Une terrasse inondée de soleil couchant et recouverte d’une treille de vigne laissait entrevoir à travers les pampres une table rustique couverte de corbeilles de raisin, de figues, de crème et de fiasques ficelées de paille jaune, dont des fleurs sauvages bouchaient le long col à la manière d’Italie ; c’était une collation préparée par le métayer pour la promenade ordinaire de la belle princesse. […] « Le hameau où je suis arrêté », conte-t-il d’un village de Bourgogne, dans sa course à Venise, « a une belle vue au soleil couchant, sur une campagne assez morne. […] Le soleil, que je n’avais pas vu depuis Paris, vient de paraître ; je suis logé à l’entrée du Grand-Canal, ayant la mer à l’horizon sous ma fenêtre. […] Allons en Italie, du moins le soleil ne trompe pas ; il réchauffera mes vieilles années qui se gèlent autour de moi.

234. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Un matin, de bonne heure, je vins à ma grotte : les rayons brillants du soleil coloraient de riches teintes chaque objet autour de moi. […] Tout en marchant, j’observais que le nègre me guidait vers le soleil couchant, dans une direction tout opposée à celle qui conduisait chez moi. […] C’est là qu’au premier printemps et avant de commencer à bâtir, les deux sexes se rendent en foule depuis une heure ou deux avant le coucher du soleil, jusque bien longtemps après nuit close. […] On était au mois de juillet, et le soleil marquait comme quatre heures après-midi. […] En automne, au moment où des milliers d’oiseaux fuient le nord et se rapprochent du soleil, laissez votre barque effleurer l’eau du Mississipi.

235. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Il vient de se plonger dans les livres sacrés de l’Inde, et il en sort comme ébloui de soleil. […] * * * — Les langues gazouillent, en s’approchant du soleil. […] Les aveugles jeunes et vieux, sous le gaz qui leur frappe en plein le crâne, de grandes ombres noires emplissant le creux de leurs yeux, jouent automatiquement quelque chose de criard et de plaintif, comme s’ils pleuraient le soleil. […] Il nous disait encore que, lorsque le fils du ministre de Turquie est pris de nostalgie, il vient s’enfermer une journée chez lui, regarde ses tableaux, prend une tasse de café fait à la mode des siens, dans une tasse de son pays, et s’en va plein de son soleil et de sa patrie pour huit jours. […] Les arbres roux, dans un ciel qui semble coloré de la chaude fumée d’un incendie, et la lisière du bois regardant le couchant, comme déchiquetée sur du feu, et toute gazouillante et toute rossignolante du sautillant bonsoir des oiseaux au soleil.

236. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Quel soleil inconnu avait bruni son teint, concentrant ses rayons sur lui seul et perçant la brume au-dessus de sa tête ? […] Passer des brumes d’Allemagne au soleil d’Égypte la transition était brusque, et une moins heureuse nature eût pu en rester éblouie. […] Puis, quand il sourit, c’est comme si le soleil se levait sur ses lèvres !  […] Il semblait y avoir dans cette salle un soleil qui n’éclairait pas les autres galeries. […] Que la nature donne un bon sommeil à son peintre favori, et que la forêt tant aimée lui verse une ombre fraîche découpée de soleil !

237. (1913) Poètes et critiques

D’abord jaune pâle, puis rouge, le soleil, toujours oblique, est devenu bientôt d’un jaune de safran. […] L’été, dans un cercle de jappements et d’échos sonores, les sombres jeunes filles traient leurs rennes au soleil de minuit ». […] Ce sont les mêmes traits, adroitement repris et à peine altérés : le soleil du matin a remplacé celui du soir, et Velléda a délogé Pomone. […] La pièce Soleils couchants, rangée dans Paysages tristes, pièce exquise d’ailleurs avec sa sinueuse phrase musicale : La mélancolie, Berce de doux chants Mon cœur qui s’oublie Aux soleils couchants, Et d’étranges rêves Comme des soleils, Défilent sans trêves, Défilent pareils À de grands soleils Couchants, sur les grèves, n’est-elle pas l’écho, mais cette fois plus pénétrant et plus parfait, d’accents déjà délicieux ? […] Il y a là comme un dernier élan de cette âme « ivre de soleil et de liberté ».

238. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Nous espérions, arrivées au sommet, voir le soleil éclairer tout cela ; mais il n’a pas paru. […] » C’était au contraire très amusant ; car le brouillard, la pluie et le vent ont aussi leur charme, et le mieux à faire est d’avoir le soleil en soi-même. […] sera-t-elle de celles qui sauront s’en passer un jour, qui sauront bien prendre la perte de ces grâces fugitives, et qui, ainsi qu’elle le disait dès lors, auront en elles le soleil au dedans ? […] ) Mais elle a mieux fait que de traduire ces vers comme je viens de l’essayer ; elle a rencontré la même impression que le poète, et l’a vraiment égalé dans cette note si fidèle et si harmonieuse, trouvée à quelques jours de là : Il fait aujourd’hui un de ces jours grisâtres où la nature est silencieuse, le paysage terne, les nuages presque immobiles ; en un mot, un de ces temps modestes où l’on craint de faire du bruit, de peur de réveiller le vent ou d’amener le soleil.

239. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Ce soleil de la Sierra, en bronzant leur caractère, avait aussi doré leur imagination. […] Tout s’embrasa, se tordit, se fondit intimement dans son être au feu vulcanien des passions, sous le soleil de canicule de la plus âpre jeunesse, et il en sortit cette nature d’un alliage mystérieux, où la lave bouillonne sous le granit, cette armure brûlante et solide, à la poignée éblouissante de perles, à la lame brune et sombre, vraie armure de géant trempée aux lacs volcaniques. […] En même temps que le culte d’une pâle et morte dynastie s’évanouissait dans l’âme sévère du poëte, celui de Napoléon y surgissait rayonnant de merveilles, et Victor Hugo devenait le chantre élu de cette gloire à jamais chère au siècle : Napoléon, soleil dont je suis le Memnon ! […] Les soirées de cette belle saison des Orientales se passaient innocemment à aller voir coucher le soleil dans la plaine, à contempler du haut des tours de Notre-Dame les reflets sanglants de l’astre sur les eaux du fleuve ; puis, au retour, à se lire les vers qu’on avait composés.

240. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il y trouva un nid pour sa vieillesse, un nid exposé au soleil du midi. […] Les chambres sont des fournaises pendant les chaleurs de l’été, et le soleil vous aveugle et vous brûle tout le long de la journée. […] Le calme y est toujours ; la fraîcheur s’y trouve en été… Les objets n’y paraissent que de leur beau côté, et du côté qu’ils sont éclairés et dorés des rayons du soleil. […] Ce soleil naissant, et l’aurore sa fourrière sont, à mon gré, des objets délicieux, la fraîcheur de la nuit tempérant l’ardeur de ses rayons.

241. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

C’est là, c’est devant cette enfilade de colonnes encore debout et de fûts renversés que Volney établit son voyageur ou plutôt s’établit lui-même comme une espèce d’Ossian arabe ou turc, méditant après le coucher du soleil sur les vicissitudes des empires : « Je m’assis sur le tronc d’une colonne ; et là, le coude appuyé sur le genou, la tête soutenue sur la main, tantôt portant mes regards sur le désert, tantôt les fixant sur les ruines, je m’abandonnai à une rêverie profonde. » La gravure qui était en tête du volume, et qui a été souvent reproduite depuis, représente le voyageur dans cette pose un peu solennelle. […] Tantôt ce même soleil qui avait vu jeter les fondements de ces cités se couchait majestueusement à mes yeux sur leurs ruines ; tantôt la lune se levant dans un ciel pur, entre deux urnes cinéraires à moitié brisées, me montrait les pâles tombeaux. […] Voici donc un tableau général et en raccourci de l’aspect et du sol des États-Unis à la date où Volney les a visités, en 1797 ; pas un mot n’est à perdre ni à négliger : Telle est, en résumé, dit-il, la physionomie générale du territoire des États-Unis : une forêt continentale presque universelle ; cinq grands lacs au nord ; à l’ouest, de vastes prairies ; dans le centre, une chaîne de montagnes dont les sillons courent parallèlement au rivage de la mer, à une distance de 20 à 50 lieues, versant à l’est et à l’ouest des fleuves d’un cours plus long, d’un lit plus large, d’un volume d’eau plus considérable que dans notre Europe ; la plupart de ces fleuves ayant des cascades ou chutes depuis 20 jusqu’à 140 pieds de hauteur, des embouchures spacieuses comme des golfes ; dans les plages du Sud, des marécages continus pendant plus de 100 lieues ; dans les parties du Nord, des neiges pendant quatre et cinq mois de l’année ; sur une côte de 300 lieues, dix à douze villes toutes construites en briques ou en planches peintes de diverses couleurs, contenant depuis 10 jusqu’à 60 000 âmes ; autour de ces villes, des fermes bâties de troncs d’arbres, environnées de quelques champs de blé, de tabac ou de maïs, couverts encore la plupart de troncs d’arbres debout, brûlés ou écorcés ; ces champs séparés par des barrières de branches d’arbres au lieu de haies ; ces maisons et ces champs encaissés, pour ainsi dire, dans les massifs de la forêt qui les englobe ; diminuant de nombre et d’étendue à mesure qu’ils s’y avancent, et finissant par n’y paraître du haut de quelques sommets que de petits carrés d’échiquier bruns ou jaunâtres, inscrits dans un fond de verdure : ajoutez un ciel capricieux et bourru, un air tour à tour très humide ou très sec, très brumeux ou très serein, très chaud ou très froid, si variable qu’un même jour offrira les frimas de Norvège, le soleil d’Afrique, les quatre saisons de l’année ; et vous aurez le tableau physique et sommaire des États-Unis. […] Chaque année, quand l’hiver m’attriste, je parle d’aller en Provence, et, quand je songe au départ, je m’enfonce dans mon grand fauteuil, et je fais plus grand feu pour remplacer le soleil.

242. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Avec la même intensité d’évocation, le poète compose, d’une série de pensées intimes et muettes, des tableaux réels, visibles, saisissants comme les spectacles familiers qu’éclaire le soleil. […] Ailleurs, dans une promenade aux environs de quelque vieille ville allemande, il décrit longuement tout le paysage embrumé de vapeurs grises et comme saupoudré de soleil : Là-bas coule doucement L’eau des fossés de la ville : Un enfant assis dans un bateau Siffle tout en pêchant. […] Devant une vieille tour, un soldat fait l’exercice : Il manie son fusil, Qui brille au soleil ; Il présente les armes et épaule….. […] Ainsi, tout ce jour-là, jusqu’au soleil couchant, Ils banquetèrent, et leurs désirs furent comblés par le repas bien ordonné.

243. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

» Mais cette fois il est bien vainqueur : le grand soleil de fécondité et de vérité l’inonde de ses rayons. […] Il s’écoulait, il se vidait lui-même sur le sable aride où le soleil de Vérité buvait sa moelle et son sang. […] Le soleil bondit à l’horizon. […] N’éprouves-tu pas le viril désir de t’épanouir au grand soleil ?

244. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

L’Ecclésiaste le pensait bien avant lui : « Rien de nouveau sous le Soleil ». […] Il appelait cela : « allumer son flambeau aux rayons du soleil ». […] Il aperçoit le Carmel comme « une tache ronde au-dessous des rayons du soleil ». […] En face, le soleil s’abaisse. […] C’est par un ciel blanc, sans nuage, mais sans soleil.

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