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568. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] C’est à ce titre qu’il fut appelé par le comte de Charny, grand écuyer de France et lieutenant général pour le roi au pays de Bourgogne, à un conseil secret tenu par ce seigneur, le surlendemain de la Saint-Barthélemy (26 août 1572).

569. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Cagliostro, à cette époque, n’avait guère que trente-deux ans : sa physionomie expressive et brillante colorait l’impudence sous des airs inspirés et sous les effusions de la philanthropie à la mode ; il semblait aller fouiller dans le cœur les secrets de chacun, et promettre en retour toutes les félicités et les merveilles. […] désir de découvrir quelque chose des ressorts et des secrets que lui cachait le grand mystificateur ?

570. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cependant une grande révolution allait s’opérer dans sa vie ; on en saisit une trace et un indice dans une de ses lettres de 1685 à Mme de Brinon : « Saint-Cyr et Noisy m’occupent fort ; mais, grâce à Dieu, je me porte fort bien, quoique j’aie de grandes agitations depuis quelque temps. » Ces agitations se rapportaient sans doute à la résolution du roi de l’épouser et au mariage secret qui se fit vers cette époque. […] Louis XIV, dans l’esprit qui lui dicta cette fondation, à cette date qui est à la fois celle de sa maladie et de son mariage secret, eut-il dessein, revenant sur les fautes de son passé, de réparer ce qu’il avait fait de tort à certaines nobles demoiselles de son royaume, telles que La Vallière, par exemple, et voulut-il, par une sorte d’expiation, mettre à jamais toute une élite pauvre à l’abri des tentations et des périls sous l’aile de la religion et de la vertu ?

571. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Sa tristesse et sa distraction se dissipèrent : elle ne résista plus au charme secret que répandait dans son âme la vue du bonheur que je lui devais ; et quand nous sortîmes de table, nos cœurs étaient d’intelligence comme si nous n’avions jamais été séparés. […] Et c’était un charme nouveau ajouté à tant d’autres que celui des accords assoupis tremblant dans l’air, en même temps que les mélodies secrètes de l’amour, plus mélodieuses encore, chantaient en nous.

572. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mme Récamier avait le secret d’y réussir, et tout ce livre en est la preuve parlante, — sans compter tout ce qu’il est permis de deviner dans les intervalles ; car ce ne fut pas toujours envers des natures aussi apaisées que celle de M.  […] Par exemple, se plaignant doucement qu’elle ne rendît point amour pour amour, et supposant qu’elle luttait en cela contre sa destinée naturelle et sa vocation secrète, il lui disait : Ce qu’il y a eu de séparé dans votre existence n’est pas ce qui vous eût le mieux convenu, si vous en aviez eu le choix.

573. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Thiers me l’a traduit, expliqué point par point ; il me fait assister à tout, non seulement aux actions, mais aux conseils, aux idées rapides qui illuminent, à chaque incident imprévu, cette imagination de feu, si ardente à la fois et si positive ; il me donne l’intelligence et le secret de chaque solution. […] Se décidant aussitôt à se placer entre Schwarzenberg et Blucher, il laisse quelques corps et divisions échelonnés sur la Seine, et il se porte en secret, en toute diligence, vers la Marne, où il compte bien (car de son coup d’œil supérieur il a tout deviné) tomber en plein à travers les corps en marche de Blucher, dispersés et distants, et faire bombe au milieu d’eux.

574. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Colbert pria le Roi de ne se point mettre en peine de l’argent, et lui dit qu’il ne lui demandait qu’une seule grâce, qui était de vouloir bien en garder le secret pendant huit jours. […] C’est un joli tour de finances, un joli coup joué au profit de l’État76.On en peut tirer une leçon d’économie politique, et M. de Luynes n’y manque pas ; car il cite à ce propos la réponse du roi de Pologne, Auguste le Magnifique, à l’avare roi de Prusse, qui s’étonnait qu’il pût suffire aux dépenses de son camp de plaisance à Muhlberg, et qui lui demandait son secret.

575. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

J’ai souvent pensé que le mieux pour le critique qui voudrait se réserver le plus de largeur de vues, ce serait de n’avoir aucune faculté d’artiste, de peur de porter ensuite dans ses divers jugements la secrète prédilection d’un père et d’un auteur intéressé. […] Quant à la poésie véritable, qui ne consiste pas uniquement dans la description des formes, elle saura naître des merveilles de ce monde moderne, elle saura s’en accommoder ou même s’en inspirer, si d’aventure elle rencontre uneâme et un talent faits à sa mesure et d’un tour nouveau : c’est le secret de l’originalité.

576. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Si l’on connaissait bien la race physiologiquement, les ascendants et ancêtres, on aurait un grand jour sur la qualité secrète et essentielle des esprits ; mais le plus souvent cette racine profonde reste obscure et se dérobe. […] Très souvent un auteur, en écrivant, se jette dans l’excès ou dans l’affectation opposée à son vice, à son penchant secret, pour le dissimuler et le couvrir ; mais c’en est encore là un effet sensible et reconnaissable, quoique indirect et masqué.

577. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Fidèle et circonspect, par devoir comme par nécessité, il réprimera son penchant et le tiendra secret jusqu’à ce qu’il croie le moment venu pour la Saxe de suivre une autre ligne et de repasser dans un autre camp : il aura l’air alors de changer de drapeau quoiqu’il n’ait réellement pas changé de sentiments ni de manière de voir. […] La liberté entière que s’accorde M. de Senfft, dans l’idée qu’ils resteront longtemps secrets, nous ouvre des jours sur bien des intrigues.

578. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Quand on a lu cette correspondance et qu’on a vu de quoi s’entretenaient en secret ces hommes respectables ; quand on sait de plus que, peu d’années après, M.  […] Dans cette Épître, il y avait un couplet ou une tirade entière à la louange de M. de Louvois, « mais d’une louange si bien tournée, dit un contemporain, qu’elle était encore plus à la gloire du Roi qu’à celle de son ministre. » Voici cette strophe, toute prosaïque d’ailleurs ; je la donne pour ce qu’elle vaut : Avec tant de secret, d’activité, d’adresse, Un si grand dessein s’est conduit, Que la Nymphe qui vole et qui parle sans cesse N’en a pu répandre le bruit : Utile et glorieux ouvrage De ce ministre habile, infatigable et sage, Que le plus grand des rois de sa main a formé, Que ni difficulté ni travail ne rebute, Et qui, soit qu’il conseille ou soit qu’il exécute, De l’esprit de Louis est toujours animé Il fallait être bien avisé pour voir là dedans rien qui pût effaroucher Louis XIV.

579. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

On avait tenu la chose exactement secrète. Le prince était allé la veille à Versailles demander au roi son agrément, et le roi avait promis le secret.

580. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

J’oubliais de dire que le petit comte de Billy avait pour cousin du côté maternel et pour tuteur légal Bachaumont, l’auteur des Mémoires secrets, et c’est dans les papiers de ce dernier que s’est rencontrée cette correspondance moralement instructive. […] Le comte de Clermont s’avisa alors de dresser toute une liste de questions sur les ruses du braconnage et les secrets du métier qui font partie de l’art du chasseur ; il donna ordre à Louvigny de ménager au prisonnier toutes les facilités pour y répondre à son aise, lui promettant sa liberté et mieux encore s’il consentait à tout dire.

581. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

ils ne feront pas mal peut-être, mais ce ne sera jamais bien complet, ni bien distingué, ce sera manqué par quelque endroit, tandis que, dans leurs vers de tous les jours, dans ces pièces sans prétention qu’ils jettent au gré de leur secrète fantaisie, il peut arriver qu’à tel moment ils atteignent à une note exquise, à quelque chose de pénétrant, à quelque chose de tout à fait bien, et qui mérite de vivre. […] La bague secrète a fini par rendre, non pas le poison, mais les essences et les senteurs.

582. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Pline le Jeune a coutume, dans l’éloge qu’il fait de certains écrivains, d’unir ensemble, comme se tenant étroitement entre elles, deux qualités, vis, amaritudo , cette vigueur qui naît et se trempe d’une secrète amertume  ; Mlle Delaunay (on peut citer du latin en parlant de celle qui faillit devenir Mme Dacier) possédait cette vigueur-là. […] Ce ne sont que des riens, mais comme ils sont vrais, comme ils tiennent aux fibres secrètes, à celles de chacun !

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