Le mari de Rose est d’un bout à l’autre un chef-d’œuvre de mise en scène. […] Nous devons d’ailleurs à l’athéisme de Julie une scène vraiment sublime. […] Ici nous avons une scène de tendresse dont quelques parties pourraient nous émouvoir en toute autre occasion, mais nous laissent parfaitement froids, parce que la scène est trop longue, et surtout parce qu’elle n’est pas à sa place. […] Toute la pièce n’est qu’un puéril entassement de scènes impossibles. […] Cette scène se trouve, d’ailleurs, dans tous les drames précédents de M.
La crédulité était prête à tout croire, la poésie n’avait qu’à paraître ; c’était évidemment le temps d’un poème épique, et ce poème épique ne pouvait pas avoir d’autre scène que l’Orient, d’autre sujet que les croisades. […] C’est l’histoire imaginaire, l’histoire altérée par les fables, l’histoire encadrée dans la poésie, mais enfin l’histoire, c’est-à-dire le récit, conforme aux temps, aux mœurs, aux costumes, aux événements, d’une des grandes races qui ont apparu sur la scène du monde, ou d’un des grands faits qui ont imprimé leur trace profonde sur la terre. Le poète qui chante un de ces récits doit donc le chanter avec les accents et les images que la riche imagination lui prête ; mais il est tenu aussi à le chanter dans un mode sérieux, conforme à la réalité de la nature humaine à l’époque où il la met en scène, conforme surtout à la vérité des mœurs de ses héros ; en un mot, le poème épique, pour être national, humain, religieux, immortel, doit être vrai, au moins dans l’événement, dans la nation, dans le caractère et dans le costume de ses personnages. […] C’est là qu’on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre ; l’art avec lequel le Tasse vous transporte d’une bataille à une scène d’amour, d’une scène d’amour à un conseil, d’une procession à un palais magique, d’un palais magique à un camp, d’un assaut à la grotte d’un solitaire, du tumulte d’une cité assiégée à la cabane d’un pasteur ; cet art, disons-nous, est admirable. […] Le baptême et la mort de Clorinde, tuée dans un combat de nuit par la main de Tancrède qui l’adore, et de qui elle reçoit la mort au lieu de l’amour, ne le cède en pathétique à aucune scène des grandes épopées, et ici ce pathétique est chrétien par l’immortelle vie que l’amant meurtrier apporte à son amante avec l’eau du baptême dans son casque.
—Trop tard ; car si elle se fût produite aussi bien vers 1780, si elle fût entrée en scène le lendemain de Jean-Jacques, elle aurait eu chance de se faire virile en ces dix années, de prendre rang et consistance avant les orages de 89. […] Je note encore une admirable description du matin (14 septembre), qui se termine par ces traits de maître : « … Chaque heure qui s’approche amène d’autres scènes. […] Même dans les plus expansives et sereines réminiscences des soirs d’automne de la maturité, même quand il semble le plus loin de Charles Munster et de Gaston de Germancé, quand il n’est plus que Maxime Odin, le doux railleur légèrement attendri, quand près de sa Séraphine, en d’aimables gronderies, il est assis sur le banc de l’allée des marronniers, le lendemain de sa nocturne enjambée au bassin des Salamandres ; quand se multiplient et se diversifient à ravir sous son récit les plus rougissantes scènes adolescentes et (idéal du premier désir !) […] Jean Sbogar, conçu en 1812 sur les lieux mêmes de la scène, était autre chose certainement que le Charles Moor de Schiller, et n’avait pas besoin de Rob-Roy. Ces neuves et vivantes descriptions du paysage, la scène dramatique d’Antonia au piano devant cette glace qui lui réfléchit brusquement, au-dessus des plis de son cachemire rouge, la tête pâle et immobile de l’amant inconnu, ce sont là des marques aussi de franche possession et d’indépendante investiture.
Il m’avait proscrit, autant qu’il était en lui, de la faveur des cours pendant qu’il était ministre et que j’étais, moi, relégué dans les rangs subalternes de la diplomatie ; s’il avait pu me proscrire de la scène du monde il l’aurait fait, je n’en doute pas. […] Jamais première répétition d’une pièce attendue comme un événement sur la scène ne fut aussi briguée que la faveur d’assister à ces répétitions de la gloire devant les représentants présumés de la postérité ; les femmes y étaient en plus grand nombre que les hommes, car les femmes étaient le véritable public de M. de Chateaubriand : il avait joui du cœur, de l’imagination, de l’oreille et de la piété des femmes pendant un demi-siècle, les femmes devaient l’en récompenser dans sa vieillesse. […] XIV Quoi qu’il en soit, la scène sur laquelle M. de Chateaubriand répétait ses derniers rôles était alors chez madame Récamier ; c’est ainsi que Périclès, vieilli et outragé, venait pleurer chez Aspasie. […] La cheminée haute et large, autour de laquelle se groupaient les familiers ou les discoureurs, était l’Œil-de-bœuf de cette abbaye royale ; le mur à côté de la cheminée étalait le beau tableau glacé de Corinne improvisant au cap Misène devant son amant Oswald ; scène romanesque de madame de Staël, plus académique que réelle, car une femme aimante et aimée, seule avec la nature et son cœur, a autre chose à faire que des déclamations politiques sur la décadence des Romains. […] Je n’ose prononcer, mais je crois que l’inspiration du lyrique est supérieure à la combinaison du machiniste qui fait jouer sur la scène ces marionnettes humaines qu’on appelle des personnages dramatiques ; seulement, quand ces personnages parlent comme les font parler les grands poètes dramatiques, le génie est égal et l’emploi est différent.
Il y a une telle discordance entre le rang ordinaire des personnages et le ton qu’ils prennent, entre leurs fonctions traditionnelles et les rôles qu’ils usurpent, qu’il en résulte une série de scènes burlesques, de contrastes comiques au premier chef. […] Autre scène qui semble détachée, par avance, du Lutrin de Boileau. […] Il risque des scènes crues, violentes, scabreuses, par exemple dans Théodore, vierge et martyre. […] Il fut invité à ne pas mettre en scène des fonctionnaires. […] Chacun comprendra à demi-mot cette scène à double entente.
Tahron) : Scène finale de la Walküre. […] Concert Lamoureux : Scène fin. de Lohengrin (Van Dyck) ; Ouv. de Rienzi. […] Cette traduction de la scène 1 de l’acte 3 de Siegfried, entre Erda et Wotan, par Dujardin est un exemple des tentatives de traduction qui seront publiées dans la Revue (voir la note n° 8). […] On se reportera à sa traduction de la première scène de L’Or du Rhin et la note préliminaire qui précise ses choix dans le numéro d’octobre 1885, p, 257. […] La première est nécessaire pour être chantée sur la scène au risque de la trahison.
Il y a, entre autres, une mémorable scène, c’est quand Bernier, le loyal vassal, qui a retrouvé sa mère religieuse dans un couvent de ce même pays du Vermandois qu’on va ravager, est tout d’un coup surpris par l’incendie de l’abbaye, à laquelle Raoul, le fougueux baron, avait pourtant la veille accordé la paix ; mais un incident survenu a retourné soudainement sa volonté aveugle et enflammé sa colère ; il a commandé qu’on mit le feu, et il a été trop bien obéi : Brûlent les cellules, s’effondrent les planchers ; Les vins s’épandent, s’enfoncent les celliers ; Les jambons brûlent et tombent les lardiers ; Le sain-doux fait le grand feu redoubler ; Il (le feu) s’attache aux tours et au maître-clocher : Force est bien aux couvertures de trébucher ; Entre deux murs est si grand le brasier, Que toutes cent (les nonnains) brûlent écrasées ; Marcens y brûle, qui fut mère à Bernier, Et Clamados, la fille au duc Renier… De pitié pleurent les hardis chevaliers. […] Si un Dante français avait décrit cette scène en une cinquantaine de vers, simples, énergiques, frappés, elle serait dans toutes les mémoires, et chacun saurait ce vers touchant : Sur sa poitrine vit brûler son psautier. […] La mort de Bègues ou Bégon, dans la Chanson des Loherains, est une grande scène de chevalerie première. […] On a là un fort bel et fort distinct épisode de la vie féodale dans les premiers siècles : une scène de famille d’abord, dans le grand salon du château ; un départ pour un lointain voyage, d’après un vague désir, sur une idée brute et simple de chasseur en quête d’un merveilleux exploit, d’un monstrueux sanglier ; — une chasse en pleine forêt ; une grande et noble figure de gentilhomme, de franc homme, séparé de sa suite, debout sous un arbre, le pied sur sa bête tuée, son cheval à ses côtés, ses chiens couchés devant lui, son cor d’ivoire au col, et là se défendant contre une bande de gens de rien enhardis par l’espoir du butin et d’une riche proie. […] D’autres genres plus amples, plus majestueux, plus sévères, occupèrent la scène et éclipsèrent cette poésie qui va s’inspirer plus librement à l’écart, au gré de la fantaisie et du rêve.
La décence est la vertu des changements de scènes politiques. […] Ces objets étaient répétés dans l’eau d’un étang avec l’ombrage d’un noyer, qui servait de fond à la scène et derrière lequel on voyait se lever l’aurore. […] « Le jeune homme et le missionnaire admirèrent quelque temps cette belle scène, en plaignant le Sachem qui ne pouvait plus en jouir ; ensuite le père Souël et Chactas s’assirent sur le gazon, au pied de l’arbre ; René prit sa place au milieu d’eux, et, après un moment de silence, il parla de la sorte à ses vieux amis. […] En regardant les lumières qui brillaient dans la demeure des hommes, je me transportais par la pensée au milieu des scènes de douleur et de joie qu’elles éclairaient, et je songeais que, sous tant de toits habités, je n’avais pas un ami. […] Je me fatiguai de la répétition des mêmes scènes et des mêmes idées.
Cependant, avant d’en venir à l’année 1659, où Les Précieuses ridicules de Molière furent mises sur la scène à Paris, recueillons dans le roman de La Précieuse, ou du Mystère des ruelles, et dans les Dictionnaires de Somaise, les traits généraux qui peuvent s’appliquer aux grandes précieuses et aux précieuses ridicules. […] C’est dans la scène d’exposition de son sujet. […] Toutefois, ne nous arrêtons pas à une phrase de l’exposition : quelles sont les provinciales que la pièce met sur la scène ? […] C’est certainement bien elle qu’il désigne dans la quatrième scène des Précieuses, lorsqu’il met dans la bouche de Madelon des plaintes contre l’incongruité de demander tout crûment une personne en mariage ; lorsqu’il lui fait dire que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures, et après que l’amant a parcouru la carte du tendre, suivant l’exemple de Cyrus et de Mandane, d’Aronce et de Clélie, héros des deux premiers romans que mademoiselle de Scudéry publia sous son nom après la dispersion de l’hôtel de Rambouillet. […] Ne serait-il pas absurde de mettre sur la scène deux vieilles filles qui s’émancipent, et qui sont rappelées aux soins d’un petit ménage et aux habitudes d’économie la plus minutieuse par un père né et vivant dans la médiocrité, et fort éloigné de vouloir se méconnaître et être méconnu de ses enfants, pour faire une leçon d’économie à des femmes dont les pères et les maris sont comblés de richesses héréditaires ?
Thespis ne mettait en scène qu’un acteur parlant ; voilà Eschyle qui en met deux. […] il fallait simplement mettre sur la scène leurs cinq familles travaillant : les Dactyles trouvant le métal, les Cabires inventant la forge, les Corybantes faisant l’épée et le soc de charrue, les Curetés fabriquant le boucher, et les Telchines ciselant les bijoux. […] Si Eschyle est un téméraire, et mérite d’être mandé devant l’aréopage, est-ce que Phrynichus n’a pas été, lui aussi, jugé et condamné pour avoir montré sur la scène, dans la Prise de Millet, les Grecs battus par les Perses ? […] L’expression que nous ne disons pas ici est dans les Plaideurs (acte III, scène III). […] Il se ruait sur la scène, le casque au front, et c’était une ode armée en guerre.
Si dans bien des scènes, dans celle par exemple de la marquise de Villars et du chevalier Des Préaux, on peut s’étonner de retrouver la phraséologie amoureuse moderne, il en est d’autres, telles que la conversation des filles d’honneur de la reine, où une couleur suffisamment appropriée se joue en parfaite bonne grâce. […] Sue nous répondra qu’heureusement pour lui et pour son sujet, Jean Cavalier n’est qu’un partisan et un révolté dans le règne de Louis XIV, que la scène se passe hors du cercle et de la sphère harmonieuse, que c’en est un épisode irrégulier, une infraction sanglante et cruelle, qu’ainsi donc les difficultés s’éludent. […] Bien avant ces scènes priapiques de Cécily qui révoltèrent, il avait fallu songer à faire diversion : quelques chapitres de philanthropie, disposés par intervalles, couvrirent à propos la marche. […] Sue s’aperçoit qu’il est allé trop loin en un sens, vite il fait chanter les oiseaux de Rigolette. » — Je ne prétends pas que l’homme de talent, une fois lancé dans l’exploitation de cette veine socialiste et humanitaire, n’ait pas trouvé en effet des scènes dramatiques et pathétiques, n’ait pas touché avec l’habileté dont il est capable quelque fibre vive et saignante ; cela seul peut expliquer l’étendue de son succès.
Il est juste de dire que l’ouvrage n’a pas été écrit pour la scène. […] Je dois cependant citer une belle scène et très dramatique. […] Nul n’a su le secret de cette entrevue, mais un poète peut deviner, et je le pense, en tirer une belle scène. […] Voici maintenant un fragment très court où Pouchkine décrit une scène horrible, sans insister sur ses détails repoussants, et de façon pourtant à laisser l’impression la plus poignante.
L’idéal qu’il poursuit dans ses spéculations sur les arts, c’est une scène et des acteurs. […] C’est de ce pinceau si riche que Bernardin de Saint-Pierre a tracé les scènes de Paul et Virginie. Scènes et tableaux tout à la fois ; car le paysage encadre si naturellement les figures, qu’on ne les sépare pas dans le souvenir. […] Il lui suffit de quelques pages pour peindre le lieu de la scène, ce petit coin de terre dont le lecteur se souvient comme du pays natal, ces deux familles qui l’habitent, les douces bêtes qui complètent leur domestique.
De cette loge, les personnages de la scène ressemblent à des peintures en grisaille. […] Et la toile baissée, l’on assiste au ménage de la scène, aux allées et aux venues de l’armée des coryphées, des machinistes, des figurants et des figurantes. […] Dimanche 31 mars Déjeuner chez Flaubert avec Sari et Lagier, et conversation toute spéciale sur le théâtre… Ce n’est que depuis ce siècle que les acteurs cherchent en leurs silhouettes l’effet tableau : ainsi Paulin Ménier montrera au public des effets de dos pris aux dessins de Gavarni ; ainsi Rouvière apportera à la scène les poses tordues et les épilepsies de mains, des lithographies du Faust de Delacroix. […] Lagier, elle, cherche à définir l’odeur sui generis du théâtre, cette odeur générale faite de l’odeur particulière du gaz mêlé à l’odeur de bois échauffé des portants, à l’odeur de poussière poivrée des coulisses, à l’odeur de la peinture à colle des décors, qui fait une atmosphère entêtante de toutes ces senteurs d’un monde factice, une atmosphère, qui, selon son expression, fait hennir, à pleins naseaux, l’actrice entrant en scène.
À les lire aujourd’hui, on a besoin, pour en comprendre tout le succès, de se replacer en scène, au vrai point de vue, et de se représenter cet auditoire mobile, sensible aux moindres allusions, avide de connaissances faciles, riche d’espérances en tout genre, des plus complaisants à l’admiration, et qui savait très bien s’éprendre d’une correction ornée à défaut d’une plus haute éloquence. […] Une scène tout à fait dans le goût du temps est celle des deux amis Gessner et Haller, que Vicq d’Azyr nous représente ensemble herborisant sur une haute montagne : Un jour, après avoir épuisé leurs forces dans une herborisation très pénible, M. […] Que ceux qui connaissent les charmes de l’amitié se peignent le réveil de Gessner, sa surprise et leurs embrassements ; que l’on se représente enfin, au milieu d’un désert, cette scène touchante et si digne d’avoir des admirateurs.