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864. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Ce vantard de raffinements pense, devant la réussite, aussi grossièrement que feu Sarcey et — selon le mot que je citais tout à l’heure, mais qu’on ne saurait trop répéter — il se garde bien de « méconnaître que, sous un succès, il y a toujours une vertu ». […] Quelquefois aussi vous décalquez, ouvrier patient, un rythme de Michelet et vous faites d’un mouvement de torrent je ne sais quelle stagnation décevante. […] Mais la couleur, c’est de bien mauvais goût ; et les livres vivants, vous savez, le grand public n’en veut pas : il trouve que ça fait peur. […] Ils s’indignent contre Bourbaki et Trochu qui ne surent pas vouloir. […] Je ne sais pas, même dans La Force de l’infâme Paul Adam, de phrase plus puante et plus coulante de saine morale.

865. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

La Poésie n’a jamais été & ne sauroit être regardée que comme une imitation de la Nature, la peinture des objets & des passions : le but du Poëte doit donc être de peindre. […] Les Poëtes Italiens & Anglois savent se dégager, quand ils veulent, du joug de la rime, sur-tout dans les grands Poëmes. Les regles sont des obstacles au génie, & le génie sait s’élever au dessus des regles, sans cesser d’être ce qu’il est. […] Dans l’exposition des événemens, le Poëte a su accorder la politique la plus profonde avec les idées de la justice la plus sévere. […] On sait pourtant que la sensibilité de son ame le conduisit trop loin dans une matiere où il seroit beau de s’égarer, si la Divinité ne rejetoit elle-même tout excès.

866. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Je n’en sais plus rien. […] Vous devez savoir cela, vous qui depuis vingt ans assistez aux derniers momens tous les poëtes dramatiques. […] Je ne sais ce que cela signifie. […] Je ne sais ce que c’est. […] Je ne sais ce que c’est non plus.

867. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Assurément, Tallemant des Réaux ne mérite pas l’honneur qu’on lui fait on ne sait pourquoi. […] Il ne sait ni la verser ni la déguster. […] Si des passions de parti, si des animosités de coterie tachent çà et là les récits de ce gazetier à la petite semaine, elles n’animent jamais sa curiosité qui reste badaude, et ne lui donnent même pas l’aiguillon du taon que la haine, quand elle est vive, sait mettre dans la médisance. […] Il y a pis pour un homme que de ne pas savoir gravera à l’eau-forte ou sur acier la vignette historique de l’anecdote ; il y a pis que l’absence d’esprit et de talent : c’est l’absence complète d’idées nobles, élevées, religieuses. […] Encore une fois, voilà ce que Paulin Paris ne voit point ou ne sait pas regarder.

868. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Plus ce qu’il sait le déchire, et moins il veut y croire. […] Ils se savaient bâtards, et ils se sont crus littéraires ! […] Nous la savions presque obligée, presque forcée, cette effronterie de l’orgueil exaspéré qui proclame, en se rengorgeant, les lacunes de son état civil et qui se fait un blason avec un opprobre. […] Sait-on bien, en effet, ce que c’est qu’un préjugé ? […] Nous ne tenions pas à voir au fond de cet abîme les choses qu’ils savent aussi bien que nous, et que tout bâtard garde, hélas !

869. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

… Son génie, qui fait trembler ceux qui l’admirent, n’a jamais en France, que je sache, été… même discuté. […] Qu’en savait-il ? […] Shakespeare, après tout, ne fut qu’un sublime isolé de génie, qui ne savait pas ce qu’il faisait, qui avait le génie comme on a la respiration, mais Gœthe, qui le savait, lui ! […] Présentement sont goethistes — qu’ils le sachent ou qu’ils l’ignorent ! […] Il faut bien qu’on le sache pour s’en garantir !

870. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Mais, qui sait ? […] Il se vanterait presque du contraire, s’il n’était pas le plus aimable et le plus humble des esprits puissants, qui savent être humbles parce qu’ils sont chrétiens. […] Un jour, elle a passé, cette terrible idée, dans l’esprit d’un homme de génie, et Dieu sait le trouble qu’elle y jeta ! […] Qu’il le sache ou bien qu’il l’ignore, le Dr Athanase Renard traîne des restes de cartésianisme dans sa pensée. […] Il a été longtemps chrétien en France, je le sais, mais il ne l’est plus, et le moyen à employer doit être d’autant plus métaphysiquement chrétien, qu’il ne l’est plus !

871. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Je le trouve tout entier dans ce trait : Il avait, je ne sais où, une forêt, le seul débris qui lui restât d’une grande, fortune aristocratique, et les coupes annuelles de cette forêt auraient pu être pour lui un revenu considérable. […] Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux ! […] Il n’a pas dans ses poèmes posthumes — je le sais aussi bien que ceux qui le crient sur les toits — la plénitude, la fraîcheur et le rayon des poésies de sa jeunesse, mais il s’y trouve une profondeur d’impression, une âpreté poignante dont l’effet me prend souverainement le cœur et me le déchire. Quand je lis cette superbe pièce léonine de la Colère de Samson, — le type le plus majestueux dans sa tristesse du fatalisme du poète, — de Samson qui sait que Dalila l’a vendu aux Philistins et qui ne s’en laisse pas moins dormir sur ses genoux dans la lassitude de son mépris ; …… Je suis las. […] quand je lis : Les Destinées, La Mort du Loup, dont les détails sont d’une réalité de description incomparable : Qui, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri !

872. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Qui sait même s’il n’en a pas trop ? […] Et Dieu sait si je ne fais pas pourtant le plus que je peux la guerre sans trêve et sans relâche au matérialisme, si partout où je l’aperçois je ne frappe pas dru sur son affreuse panse de Falstaff ! […] En effet, même là où j’approuve et où j’apprécie l’influence de la physiologie sur le roman, dont elle sera, dans le monde moderne, une des gloires, je dirai que, même là, il ne faut procéder qu’avec des précautions infinies, car savez-vous de quoi il retourne ? […] J’ai cité Shakespeare, et je disais quel parti ce foudroyant intuitif avait su tirer dans Macbeth du phénomène somnambulique, de ce phénomène obscur encore aujourd’hui, et qui de son temps l’était bien davantage. […] … cet homme assez fort pour se mesurer avec ce phénomène étrange du somnambulisme, en restant un artiste humain, réel, et d’un effet aussi nouveau que le phénomène dont il saura le faire jaillir ?

873. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Gachard comme à celui du meilleur guide, de l’historien qui tient de longue main tous les fils de cette histoire, et qui a su en faire le tissu le plus solide et le plus ferme. […] Il veut tout savoir et pose quantité de questions, mais sans jugement et in nullum fînem, plutôt par habitude qu’autrement. […] Il n’aime personne, qu’on sache ; mais il y a beaucoup de gens qu’il hait à mort. […] Je trouve fort singulier que vous vous mêliez de mon mariage qui ne vous regarde pas, et je ne sais pourquoi vous prétendez que mon père me marie plutôt avec l’une qu’avec l’autre. […] Dure condition, — qui sait ?

874. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

On ne saurait en dire à beaucoup près autant de cette autre partie de l’ancienne poésie qui ne remonte pas au-delà du xvie  siècle et qui appartient proprement à la Renaissance. […] Par ce simple aperçu, que je ne me flatte pas d’avoir su rendre complet, j’ai tenu à bien montrer du moins l’ensemble du mouvement qui s’est produit, depuis une trentaine d’années, autour de cette famille particulière de vieux poètes. […] ils n’en savaient rien… Ils se passionnèrent pour l’Antiquité grecque et latine avec la plus ardente et la plus injuste de toutes les frénésies. […] En conscience, on ne saurait demander aux hommes d’avoir des horizons historiques tout à fait hors de leur temps, de savoir ce que nul alors ne savait, de deviner ce qui était caché et ce qui s’était perdu ou altéré au point d’être méconnaissable ; je reviendrai, à l’occasion d’un chapitre de Du Bellay, sur cet article des romans de chevalerie sons lesquels on aurait voulu qu’il retrouvât les chansons de geste. […] Boulier n’a jamais su, littérairement pas plus qu’astronomiquement, ce que c’est qu’une Pléiade : de là sa faute, plus en vue encore au terme et au sommet d’une péroraison.

875. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

On ne sait rien ou presque rien des soixante premières années de Mme de Lambert. […] Ceux mêmes qui ne sont pas assez heureux pour croire comme ils doivent, se soumettent à la religion établie : ils savent que ce qui s’appelle préjugé tient un grand rang dans le monde, et qu’il faut le respecter. […] On ne saurait mieux dire, ni penser plus dignement. […] Elle veut qu’une femme sache penser. […] Je ne sais rien de son visage, et ceux qui ont écrit d’elle dans sa vieillesse ont oublié de nous en parler.

876. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Aujourd’hui, quand on veut savoir de lui ce qui est authentique, on doit se borner à lire le Mémoire sur le comte de Bonneval, rédigé par le prince de Ligne, et dont le savant bibliographe Barbier a donné une nouvelle édition en 1817. […] Il importe assez peu aujourd’hui de savoir le détail et le fond de l’affaire. […] Colonel de l’école de Vendôme, il ne sut pas se ranger à temps sous la discipline. […] Je ne sais si vous en trouverez le souvenir trop fréquent, mais vous serez injuste si vous me le refusez. […] On le vit une fois, en entendant chanter à un dîner je ne sais quel air italien, éclater tout à coup en larmes.

877. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

On dit, je ne sais où, qu’on ne peut servir deux maîtres ; j’en veux avoir quatre pour n’en avoir point du tout, et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine, qu’on nomme liberté. […] Mais, à y regarder de plus près, on distingue très bien que c’est une inquiétude à la fois nerveuse et intéressée qui le possède ; il sait à merveille pourquoi il fait tous ces maniements et remaniements au contrat ; il a l’air de citer comme textuels des articles qu’il sait ne point exister et que de parti pris il altère. […] Je ne sais ce que c’est que le crédit en pareil cas, et encore moins ce que c’est que d’en faire usage. […] Je sais qu’outre les Fétiches et les Terres australes, il a fait un livre sur les langues, dans lequel ce qu’il a pillé est assez bon, et ce qui est de lui détestable. […] Je comparerais encore de tels esprits à des arbres dont il faut savoir choisir et savourer les fruits ; mais n’allez jamais vous asseoir sous leur ombre22.

878. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Dans toutes, il est des connaissances dont on ne saurait être privé sans conséquence. […] — Ils ont perdu moins de temps, ils ne savent rien, mais rien du tout qui puisse leur servir ; cependant ils ne sont pas incapables de quelques professions utiles, et c’est leur ressource. […] Nous ne savons rien ; qu’on nous apprenne. » La première chose que je me dis à moi-même, c’est que tous ne sont ni capables ni destinés à suivre cette longue avenue jusqu’au bout. […] Voltaire sait beaucoup et nos jeunes poètes sont ignorants. […] Je suppose que celui qui se présente à la porte d’une université sait lire, écrire et orthographier couramment sa langue ; je suppose qu’il sait former les caractères de l’arithmétique, ce qu’il doit avoir appris ou dans la maison de ses parents ou dans les petites écoles.

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