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561. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Mais il faut lire le récit de cette comédie surhumaine dans le roman du Japonais Tamenaga Schounsoui, et qui laisse bien loin derrière elle la comédie de l’avilissement d’un Lorenzaccio, dans le proverbe d’Alfred de Musset. […] On conçoit, après le déchiffrement de l’inscription par Hayashi, l’intérêt que j’eus à savoir la part qu’il avait pu prendre à l’expédition contre la résidence de Kotsuké ; part dont je ne trouvais trace ni dans le roman de Tamenaga Shounsoui, ni dans les légendes du vieux Japon de M.  […] Les Fidèles Ronins, roman historique japonais, par Tamenaga Shounsoui, traduit sur la version anglaise de MM. 

562. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Après Balzac, qu’il faudra citer ici bien longtemps et pour tant de choses, après Balzac, qui, lui aussi, a fait entrer, et Dieu sait avec quelle habileté, quel tact, quelle soudaineté préparée, quelle science de composition supérieure, des récits, des romans entiers dans des conversations, il n’est plus permis de s’en tenir à des rubriques aussi lâchées, à des artifices de mise en scène aussi élémentaires et aussi usés que les rubriques et les artifices de M.  […] Dramaturge peut-être de vocation inécoutée, transporté dans le roman, qui est l’histoire des nuances, M.  […] Seulement l’originalité et le sens de ce petit roman, digne d’être publié à part, ne sont pas dans la passion criminelle du pasteur protestant et dans les détails de sa chute ; ils sont dans la situation de cet homme supérieur, dont le cœur est dévoré, les sens enivrés, mais dont, malgré ces tumultes, la haute raison touche au génie, et qui succombe, entraîné par la nature humaine, parce que son Église, à lui, ne l’a pas gardé, en faisant descendre dans sa vie la force de l’irrévocable !

563. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Cependant on jouissait avidement de cette lecture qui passe de bien loin en intérêt les romans les plus enflammés, et qui est véritablement La Nouvelle Héloïse en action7. […] La vie de Mlle de Lespinasse commença de bonne heure par être un roman et plus qu’un roman. Quelque jour, écrivait-elle à son ami, je vous conterai des choses qu’on ne trouve point dans les romans de Prévost ni dans ceux de Richardson… Quelque soirée, cet hiver, quand nous serons bien tristes, bien tournés à la réflexion, je vous donnerai le passe-temps d’entendre un récit qui vous intéresserait si vous le trouviez dans un livre, mais qui vous fera concevoir une grande horreur pour l’espèce humaine… Je devais naturellement me dévouer à haïr, j’ai mal rempli ma destinée. […] Le mérite inappréciable des lettres de Mlle de Lespinasse, c’est qu’on n’y trouve point ce qu’on trouve dans les livres ni dans les romans ; on y a le drame pur au naturel, tel qu’il se révèle çà et là chez quelques êtres doués : la surface de la vie tout à coup se déchire, et on lit à nu.

564. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Dans le roman de M.  […] Jusque-là le caractère d’Alice appartient au roman vulgaire. […] Bulwer faisait bien d’abandonner le roman pour le drame. […] En revanche, si l’histoire est absente, le roman occupe le premier plan. Oui, l’auteur a trouvé moyen d’introduire le roman dans le récit de la révolution.

565. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

… des romans, des comédies, des opéras-comiques, des tragédies, sont sur la liste d’ouvrages à faire. […] En lisant ses Contes drolatiques, on se souvient de Mirabeau écrivant, à Vincennes, des romans orduriers pour envoyer à une femme purement adorée le prix du vice qui le rendait indigne d’elle. […] Essayer de devenir libre à coups de romans, et quels romans ! […] Le seul mérite de ces deux romans, ma chère, est le millier de francs qu’ils me rapportent, mais la somme n’a été réglée qu’en billets à longues échéances ? […] Il conçoit la Comédie humaine, sujet que nous avons tous conçu, le poème épique universel sous forme de romans successifs.

566. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Les Incas de Marmontel ont eu autant de succès que les romans de Zola. […] Les exhibitions du stade, le cinéma, la comédie légère, le roman d’aventures, suffisent au plus grand nombre, même parmi ceux que leur ascendance ou leur milieu semblaient destiner à une haute culture. […] Aujourd’hui on est en droit d’exiger qu’un écrivain ait raison : d’abord parce que l’erreur coûte cher ; ensuite parce que l’œuvre d’art se sent toujours des bassesses du cœur et plus encore des vices de la pensée : il suffit d’ouvrir un recueil de Victor Hugo, un roman d’Émile Zola. […] Souverain dans le roman, dans l’histoire, dans la critique, le xixe  siècle domine de plus haut encore dans la grande poésie. […] Le siècle qui a créé chez nous le lyrisme, renouvelé le roman et la critique, se défend tout seul.

567. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Roman, utopie, c’est tout un. […] Quand Rousseau conçut l’idée de son roman, il était, dit-il, sans amour et sans amitié, et, dans l’impuissance d’avoir ces deux choses, il les rêvait. […] Or, ce qui manque au roman dans lequel Jean-Jacques voulait se représenter « les deux idoles de son cœur, l’amour et l’amitié », c’est l’amitié et l’amour. […] Ce genre de succès n’est pas celui que recherchent les faiseurs de romans ; mais il le voulait pour le sien, tant l’utopie était dans toutes ses pensées. […] Les Confessions et la Nouvelle Héloïse sont deux romans ; seulement le plus agréable est celui qui se donne pour une histoire.

568. (1926) L’esprit contre la raison

Romans. […] Aigues-Mortes, que la suite du texte érige en emblème de l’imposture barrésienne, est le cadre de son roman Le Jardin de Bérénice, troisième volume du Culte du moi publié en 1910. […] Roman de Maurice Barrès daté de Charmes, juillet-octobre 1921, publié en 1922, qui se situe en Orient au temps des croisades. […] La citation de Dostoïevsky à laquelle Crevel fait allusion introduisait dans le Manifeste une critique en règle du roman, notamment de « l’inanité des descriptions ». Michel Butor a restitué les phrases remplacées par des points de suspension dans la citation de Breton et analysé les raisons de leur retrait dans « Le roman et la poésie »[1964], Essais sur le roman, Gallimard, collection Idées, 1972, p. 40-42.

569. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Voilà le type qui va poser pour l’honnête homme par excellence jusqu’au bout du roman ! […] — Voilà la première véritable misère du roman. […] Le roman tourne à l’invraisemblance par l’atroce. […] Ces Thénardier sont des demi-coquins, introduits comme machine à drame dans le roman. […] Ni plan, ni convenances, ni proportions, dans ce hors-d’œuvre qui emporte le roman tout entier, comme un coup de canon emporte la bourre.

570. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Il n’a pas construit de système, mais il a disposé dans ses romans, ses drames, ses poèmes, son Journal intime, toutes les pièces d’un système original et triste. […] Hugo donne peut-être moins sa caractéristique par la poésie que par le roman et le théâtre. […] Les genres ou thèmes objectifs convenaient à ce tempérament plus riche de formes que de fond ; ces romans, drames, voyages, mettaient V. […] De ses souvenirs, Musset fait la Confession d’un enfant du siècle, roman (1836). […] Il publia en 1832 ses Émaux et Camées ; de 1861 à 1863, le Capitaine Fracasse, roman commencé depuis vingt-cinq ans.

571. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

On range ordinairement au rang des Poëmes épiques des Romans moraux écrits en prose poétique. […] Ramsai, éleve & ami de Fenelon, donna les Voyages de Cyrus, roman moral, roman politique, écrit d’une maniere languissante, & où l’auteur étale plus d’érudition que de génie. […] Après ces romans moraux, ou Poëmes en prose (car on ne sçait pas encore de quel nom on doit les appeller) je n’en connois point qui méritent d’être cités. […] C’est un nouveau genre pastoral qui tient un peu du roman. […] Ce roman rimé étant à la fois voluptueux & satyrique, devoit avoir un grand succès, il flâtoit deux des plus grandes passions des hommes.

572. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Il ne saurait convenir, enfin, qu’une illustration de Don Quichotte fût d’un style qui s’appliquerait indifféremment au Roman comique de Scarron ; nos platitudes bourgeoises et burlesques n’ont rien à faire là, ou elles sont à l’instant corrigées et relevées par des lignes plus grandioses. […] Il fit bien, du reste, de se retirer à temps du théâtre quand Lope de Vega allait y régner ; il lui arriva un peu à cet égard la même chose qu’à Walter Scott qui, d’abord poëte, se retira peu à peu devant l’astre de Byron et se détourna vers le genre de roman où il fut créateur. Cependant ce ne fut point au roman tout d’abord que Cervantes alla demander son dédommagement et sa revanche. […] Ce livre, l’un des plus récréatifs et des plus substantiels qui existent, commencé d’abord presque au hasard, ne visant qu’à être une moquerie des romans de chevalerie et d’un faux genre littéraire à bout de vogue est devenu vite en avançant, sous cette plume fertile, au gré de cette intelligence égayée, un miroir complet de la vie humaine et tout un monde.

573. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Barrière, publie un choix fait avec goût parmi les nombreux Mémoires du xviiie  siècle, depuis la Régence jusqu’au Directoire ; c’est une heureuse idée, et qui permettra de revoir au naturel une époque déjà passée pour plusieurs à l’état de roman. […] C’est elle qui a dit cette parole durable : « Le vrai est comme il peut, et n’a de mérite que d’être ce qu’il est. » Aussi ses Mémoires sont au contraire des romans qu’on rêve, et ils vont comme la vie, en s’attristant. […] Le commencement des Mémoires est d’une grâce infinie et tient du roman ; c’est ainsi que la vie se dessine d’abord avant le charme cessé , avant l’illusion évanouie. Le séjour au château de Silly chez une amie d’enfance, l’arrivée du jeune marquis, son indifférence naturelle, la scène de la charmille entre les deux jeunes filles qu’il entend sans être vu, sa curiosité qui s’éveille bien plus que son désir, l’émotion de celle qui s’en croit l’objet, son empire toutefois sur elle-même, la promenade en tête à tête où l’astronomie vient si à propos, et cette jeune âme qui goûte l’austère douceur de se maîtriser, cette suite légère compose tout un roman touchant et simple, un de ces souvenirs qui ne se rencontrent qu’une fois dans la vie, et où le cœur lassé se repose toujours avec une nouvelle fraîcheur.

574. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Un de ses romans (car il fit aussi des romans) est intitulé : L’Île de Wight, ou Charles et Angélina (1798), et c’est dans cette île riante qu’il aimait à reporter ses premiers rêves d’idylle et de bonheur. Un autre roman ou nouvelle de lui, intitulée Eugénie (1803), est aussi l’histoire d’une jeune Anglaise restée en France pendant la Révolution, et y aimant presque à contrecœur un jeune Français qu’elle finit par épouser à travers les discordes et les guerres qui séparent les deux nations. […] Il y a dans ces lignes une critique, une allusion directe au roman d’Atala qui venait de paraître.

575. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

La nouvelle, je l’ai déjà dit, est une vision toute particulière, qui tient du drame autant que de l’épopée ; elle n’est pas un court roman, mais un drame en germe, tout en ayant d’ailleurs, comme forme d’art, sa vie à elle. […] Le même état d’âme se retrouve dans les romans historiques de Massimo D’Azeglio, de Guerrazzi, de Nievo, dans les tragédies de Manzoni, de Niccolini, et même encore dans ce chef-d’œuvre épique : I promessi sposi. […] Sans doute, des artistes tels que D’Annunzio, Pascoli, Panzacchi, Graf relèvent surtout du lyrisme, mais ce sont là des épigones ; la floraison littéraire est celle du roman avec De Amicis, Fogazzaro, Farina, Verga, Mathilde Serao, Grazia Deledda. […] Quant à D’Annunzio, tempérament essentiellement lyrique, il violente et fausse son génie : dans une recherche effrénée du succès, il suit la mode, du roman d’abord, du théâtre ensuite, et aboutit, lui le grand artiste, à des œuvres informes31.

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