Elle frappe dans l’ensemble, dans les détails, malgré tout ce qui sépare le majestueux évêque français, fils de magistrat, magistrat lui-même, reçu dans la cour et le conseil d’État d’un grand roi, le théologien profond, l’orateur incomparable, dont la voix illustrait les grandes funérailles, et l’harmonieux Trouvère de la Grèce idolâtre, le fils d’un musicien de Béotie, habitant une petite maison de Thèbes, poëte et chanteur, et, à ce titre, hôte bien voulu dans les cités de la Grèce, dans les palais des rois de Syracuse, d’Agrigente, d’Etna, de Cyrène, et souvent aussi, dans la maison et à la table de riches citoyens, dont il célébrait, pour des présents ou par amitié, les triomphes dans les jeux sacrés de la Grèce. […] La splendeur du soleil, la magnificence des rois, les merveilles des arts, les palais, les fêtes, la solennité des sacrifices, la guerre avec ses terribles images et sa sanglante parure, les casques d’airain, les aigrettes flottantes plaisent également aux deux poëtes et leur reviennent d’un attrait si vif que ce qui semblerait parfois image vulgaire brille toujours nouveau sous leurs paroles de feu. […] Pindare appartenait à cette race dorienne qui, parmi les mobiles cités de la Grèce, tenait à un principe de consistance et de durée, avait des rois héréditaires et un sénat dans Lacédémone, des rois dans la Sicile et dans la Cyrénaïque, et semblait en tout opposée au génie démocratique de la brillante Athènes. Il n’a pas seulement, comme le dit Horace, chanté les dieux et les rois issus des dieux : il a aimé cette forme de puissance ; il l’a louée, en la voulant soumise aux lois. […] Si on oubliait qu’il s’agit d’un des petits rois, entre lesquels se partageait la Sicile, du roi d’Agrigente ou du roi d’Etna, on croirait parfois entendre l’éloge d’un des héritiers de ces maisons souveraines qui, du moyen âge à nos jours, ont régné sur quelque grand peuple, à travers les révolutions et les guerres.
Le roi, la Cour, les royalistes ne l’étaient pas moins. Quelques mesures vigoureuses furent proposées : le roi les rejeta parce qu’il eût fallu s’allier aux constitutionnels, s’appuyer de la garde nationale et des départements. […] Le roi seul eût été sincèrement disposé à suivre une marche plus raisonnable. […] Madame Élisabeth, qui avait plus d’esprit de fermeté que son frère, participait à ce triste défaut ; et, chose encore plus singulière, la reine, qui ne manquait ni d’esprit ni de décision, était sur ce point-là à l’unisson avec le roi et sa belle-sœur. […] Le procès du roi lui rend l’énergie de la douleur.
Au moyen âge et au bas empire, et même plus anciennement, malheur à qui s’apercevait d’un meurtre ou d’un empoisonnement commis par le roi. […] Savoir que le roi était un assassin, c’était un crime d’état. […] Hamlet, prince, oui ; roi, jamais. […] Il promène par toute l’Écosse, en roi qu’il est, ses kernes aux jambes nues et ses gallowglasses pesamment armés, égorgeant, pillant, massacrant. […] Shakespeare a pris l’an 3105 du monde, le temps où Joas était roi de Juda, Aganippus roi de France et Léir roi d’Angleterre.
Renart est accusé devant le roi des animaux, Noble, le Lion, d’avoir fait tort à Ysengrin et notamment de lui avoir séduit sa femme, dame Hersent la Louve. […] Le Lion est roi et suzerain ; il doit mettre la paix entre ses barons ; il doit rendre jugement, et on en passera par là. […] Tout se passait donc au mieux pour Renart : le roi penchait à la paix, et Ysengrin, tout dolent, ne sachant plus comment s’en tirer avec sa colère, restait assis à terre entre deux bancs, sa queue entre les jambes, lorsqu’un coup de théâtre vient tout changer. […] Chanteclair (le Coq), en effet, s’avance à son tour ; il s’agenouille et mouille de larmes les pieds du roi Lion : Et quand le roi vit Chanteclair, pitié lui prit du bachelier. […] De mécontentement il dresse la tête ; il n’y eut bête si hardie, Ours ni Sanglier qui ne tremblât à ce soupir et à ce mugissement de leur roi, et Couard, le Lièvre, en prit une telle peur, qu’il en eut deux jours la fièvre… Et encore : « De mécontentement, il (le roi) redresse sa queue et s’en frappe d’une telle colère, qu’en résonne toute la maison. » Quant à ce qui est de la fièvre que le Lièvre a prise, il est à remarquer qu’il ne s’en guérira qu’après avoir dormi sur le tombeau de la pauvre Poule qu’on enterre solennellement par ordre du roi, et qui, martyre du fait de Renart, devient un objet de vénération.
Le roi d’une petite contrée aride sort un jour de l’enceinte des montagnes stériles où est assis l’étroit domaine que déjà son père voulut agrandir. […] Son roi appartient à la plus ancienne race royale qui existe, une race dont l’origine se confond avec le berceau même de la religion de l’Europe, qui est en même temps le berceau de notre monarchie. Ce n’est donc point par hasard que ce roi reçut le nom de fils aîné de l’Église, c’est-à-dire fils aîné de la société européenne. […] Lorsque l’on trouve pour la première fois cette expression, elle est déjà consacrée par la tradition ; et l’on sait que nos rois n’ont jamais été moins jaloux que les autres de leur indépendance dans leurs rapports avec la cour de Rome. […] Représentez-vous le vieillard de Chio, pauvre, aveugle, délaissé, errant, parmi les solitudes, ou mendiant son pain parmi les peuples des villes : est-ce là ce roi de l’épopée, promettant au monde et Virgile, et le Tasse, et Milton ?
Au gré de notre poète, tout n’est pas au mieux sous le plus saint des rois : il paraît que le monde est déjà corrompu. […] Le roi n’est pas à l’abri de la censure. […] C’est surtout, la pensée de tout ce que donne le roi, et il faut le voir annoncer que tout cela n’aura qu’un temps, il faut l’entendre gronder à mots fort peu couverts : « Attendez, attendez ! quand le roi ne sera plus là… ! » Le roi aussi a tort de laisser au pape trop de pouvoir en France.
son peuple même qui entourait le roi de sa complicité, qui lui souriait, l’encourageait, comme si, habituée par les Bourbons à la jolie gloire de la galanterie, la France ne pouvait comprendre un jeune souverain sans une Gabrielle, et comme si, dans l’amour de ses maîtres, elle trouvait une flatterie et une satisfaction de son orgueil national ! […] et qui gémissent hypocritement sur le malheur d’un noble pays d’appartenir à un tel roi, il y ait une réponse à faire plus écrasante que celle-là… La France ne valait pas mieux que son maître. […] Seulement, la frivolité française ne change pas la nature de son crime pour l’abominable siècle qui a corrompu le cœur d’un roi avant de couper le cou à un autre. […] Le Roi, ce Jupiter qui brûlait toutes les Sémélés du temps, qui ne demandaient qu’à être brûlées, ne tiédit même pas cette incombustible, qui, avant d’être maîtresse en titre, exigea avec une inflexibilité moqueusement féroce qu’on la fît duchesse de Châteauroux et qui le fut, et qui aurait été on ne sait plus quoi si elle avait vécu, tant son ambition — une ambition à profondeurs infinies ! […] Quand son infernale sœur eut pris sa place dans ce lit de roi qui allait devenir une place publique, madame de Mailly mourut, ce cilice ensanglanté de la pénitente pour toute peau de tigre, embaumant et purifiant sa mémoire souillée dans le mot sublime d’humilité qu’elle dit, un jour, sous l’atroce injure qui la nommait : « Si vous la connaissez, priez Dieu pour elle !
D’autre part, il semble bien qu’il soit, de tous les empereurs et de tous les rois qui nous restent, celui qui a le plus nettement conscience de sa mission providentielle, celui qui a la conception la plus mystique de son devoir de pasteur des peuples. […] Il a commencé par aller visiter, à la file, ses cousins les empereurs et les rois (jusqu’au Grand Turc, qui n’y a rien compris), comme s’il sentait qu’au temps où nous sommes, les souverains que la démocratie n’a pas encore emportés ont des choses graves à se dire, des questions solennelles à débattre, une sorte d’examen de conscience royal à faire ensemble. […] Le seul que les rois aient à redouter a été réduit à l’impuissance voilà vingt ans, et il achève de consumer ses forces en faisant chez lui l’expérience de la démocratie. […] Non, non, il n’est pas possible que la seule affaire des rois d’aujourd’hui soit d’être de la triple alliance ou de n’en pas être. […] Qu’il m’apparaît différent de la plupart des autres rois !
Cette pièce contenait un trait de satire très-vif contre l’avarice du roi. […] Je t’apprendrai bientôt à mépriser le roi. […] La Comédie-Française était à la disposition du roi. […] Le grand roi goûta fort cette jolie pièce. […] Le roi des enfers a besoin de votre bras.
L’Académie la mit au dessous de celle de M. l’Abbé du Jarry, que le Public trouva très-mauvaise quand elle parut, & qui commence par ces trois Vers : « Enfin ce jour paroît où le saint Tabernacle, D’ornemens enrichi, nous offre un beau spectacle ; La mort ravit un Roi plein d’un projet si beau, &c. » « L’Académie ne s’apperçut point de tous les défauts de cette Piece, qui est très-plate, très-prosaïque, & où l’on trouve des Pôles glacés & où des Pôles brûlans, & jugea à propos de la couronner. […] Voici quelques Strophes de l’Ode : « Du Roi des Rois la voix puissante S’est fait entendre dans ces lieux : L’or brille, la toile est vivante, Le marbre s’anime à mes yeux. Prêtresses de ce Sanctuaire, La Paix, la Piété sincére, La Foi, Souveraine des Rois, Du Très-Haut Filles immortelles, Rassemblent en foule autour d’elles Les Arts animés par leurs voix.
« Ces héros pleins de bonté et de lumière pensent toujours à leur Créateur, et sont tout éclatants de la lumière qui rejaillit de la félicité dont ils jouissent en lui. » — Et plus loin, « héros vient d’un mot grec qui signifie amour, pour marquer que, pleins d’amour pour Dieu, les héros ne cherchent qu’à nous aider à passer de cette vie terrestre à une vie divine et à devenir citoyens du ciel69. » Les Pères de l’Église appellent à leur tour les saints des héros : c’est ainsi qu’ils disent que le baptême est le sacerdoce des laïques, et qu’il fait de tous les chrétiens des rois et des prêtres de Dieu 70. […] Si quelquefois on accordait l’apothéose aux bons rois, Tibère et Néron avaient aussi leurs prêtres et leurs temples. […] Abraham, Isaac, Jacob, Rebecca, et vous tous, enfants de l’Orient, rois, patriarches, aïeux de Jésus-Christ, chantez l’antique alliance de Dieu et des hommes ! […] Le chœur des saints rois, David à leur tête ; l’armée des confesseurs et martyrs vêtus de robes éclatantes, nous offriraient aussi leur merveilleux.
Il est plus sage de s’en tenir à la monarchie française, de lire notre histoire, d’admettre sincèrement l’autorité des faits ; et alors on conviendra que notre ancienne monarchie a toujours porté en elle deux inconvénients si graves qu’ils en balançaient tous les avantages : la vieillesse des rois et leur minorité. « Par une déplorable fatalité, la monarchie nous ramenait une suite de quatre vieux rois : Louis XVII, Charles X, le duc d’Angoulême quand son tour serait arrivé, et le duc de Berry, s’il avait vécu. […] « La vieillesse des rois est un malheur public parce qu’elle les isole ; les passions de leur jeunesse les mettent du moins en communication avec les idées de leur temps. […] Ni rois condamnés par leur âge et leurs préjugés à l’isolement, ni minorité ; le pouvoir est maintenant au sein de la société ; c’est là que doivent toujours se trouver ceux qui sont destinés à lui donner le mouvement. […] « A l’apparition des Ordonnances, ajoute-t-il, nous serions-nous portés vers le Parlement comme au temps de la Fronde, pour le supplier d’aller se jeter aux pieds du roi, afin de lui faire entendre la vérité, au moins pour la dernière fois, et de lui porter des propositions de conciliation ?
Les ouvriers grecs n’alloient point apparemment chercher fortune au service du roi des perses, aussi volontiers que le faisoient les soldats grecs. […] Le grand roi françois est un des ardens protecteurs dont les lettres et les arts puissent se glorifier. […] Ce roi genereux n’aima pas moins la poësie que la peinture, et lui-même il faisoit des vers. […] Dans les temps dont je parle, les poëtes et les sçavans étoient admis par nos rois à une espece de familiarité. […] Le feu roi a fait des établissemens aussi judicieux et aussi magnifiques que les romains les auroient pû faire en faveur des arts qui relevent du dessein.
L’Estoile, dans un sentiment de malignité bien naturel, se plaît à relever et à dénombrer les titres et qualités de Sully à la date de juillet 1609, c’est-à-dire au faîte de sa grandeur : par un autre sentiment non moins naturel à l’homme, Sully se plaisait aussi à les étaler : Maximilien de Béthune, chevalier, duc de Sully, pair de France, prince souverain de Henrichemont et de Boisbelle, marquis de Rosny, comte de Dourdan, sire d’Orval, Montrond et Saint-Amand ; baron d’Épineuil, Bruyères, Le Châtelet, Villebon, La Chapelle, Novion, Baugy et Bontin ; conseiller du roi en tous ses conseils ; capitaine lieutenant de deux cents hommes d’armes d’ordonnances du roi sous le titre de la reine ; grand maître et capitaine général de l’artillerie ; grand voyer de France ; surintendant des finances, fortifications et bâtiments du roi ; gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté en Poitou, Châtelleraudois et Loudunois ; gouverneur de Mantes et Jargeau, et capitaine du château de la Bastille à Paris. […] Mézeray, très bon historien pour ces derniers siècles, portait de Sully le jugement juste et vrai qu’il faut qu’on en porte encore, mais sans embellissement et sans enthousiasme : « Outre qu’il était infatigable, ménager et homme d’ordre, dit-il, il avait la négative fort rude, et était impénétrable aux prières et aux importunités, et attirait à toutes mains de l’argent dans les coffres du roi. » Tant que Louis XIV régna, il fut assez peu question des grandeurs et des gloires des règnes précédents. […] Son père lui écrivit alors qu’il eût à obéir en tout à son maître le roi de Navarre, et à conformer sa conduite à la sienne, à aller à la messe, s’il le fallait, à son exemple, et à courir enfin toutes ses fortunes jusqu’à la mort. […] C’est un tableau raccourci des remords et angoisses de Charles IX après la Saint-Barthélemy, de la résistance que rencontrent les ordres sanguinaires du roi chez quelques gouverneurs généreux de places et de provinces, et du ressort que reprend, le parti après le premier effroi, au lieu d’être écrasé et atterré comme on l’avait cru. […] Dans les trêves de ces guerres fatigantes, à Pau, à Auch, à Nérac, il avait appris le métier de courtisan avec application, absolument comme on apprend un autre métier : en 1576, à Pau, on le voit étudier son premier ballet dont Madame Catherine, sœur du roi de Navarre, prend elle-même la peine de lui enseigner les pas : « Et de fait vous le dansâtes huit jours après devant le roi », disent ses authentiques secrétaires.
Tous deux sont des tribuns posthumes et éloquents de l’aristocratie et de la théocratie, le premier a sacrifié les peuples aux rois, le second a sacrifié les rois même aux pontifes. […] Le peuple du royaume lui paya ses soins en popularité, le roi en confiance. […] Il avait créé, élevé, nourri, enseigné les enfants ; il était naturellement le roi de sa race. […] » dit le roi. […] Ces entretiens entre le roi et son ministre sont un code complet de politique appliquée.