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497. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Tout le reste est relativement timoré ; le goût des meilleurs voulait la régularité et ne concevait point qu’on s’en passât. […] Ce qui reste de la pensée et de la vie intérieure des hommes, par rapport au courant continuel de leur esprit, n’est jamais que le fragment des fragments ; il nous manque les intermédiaires, ce qu’en ses ébauches surtout supprimait pour soi cette pensée rapide, parce qu’elle le supposait connu, ce que les amis habituels avaient chance de savoir tout simplement mieux que nous ne le devinons. […] Selon Pascal, qui est du Calvaire, il n’y a de profond et de sérieux dans l’homme que la sainte pauvreté et le dépouillement, la tristesse féconde qui se change en joie ; tout le reste est légèreté. […] sM augère (tome II, page 169) explique très-bien et justifie au besoin, quant au sens, ce mot abêtira, qui ne reste pas moins malencontreux. […] Quant à ce qu’elle ajoute ici sur le reste de la vie, cela est plus vague et ne tient pas compte des divers temps ; il y a jour à la conjecture.

498. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Ils font, sans trop s’inquiéter ni se rendre compte de leurs moyens de faire ; ils ne se replient pas à chaque heure de veille sur eux-mêmes ; ils ne retournent pas la tête en arrière à chaque instant pour mesurer la route qu’ils ont parcourue et calculer celle qui leur reste ; mais ils marchent à grandes journées sans se lasser ni se contenter jamais. […] Je ne l’avois jamais vue qu’à cinq ou six pas, et je l’avois toujours trouvée fort belle ; son teint me paroissoit vif et éclatant ; les yeux, grands et d’un beau noir, la gorge et le reste de ce qui se découvre assez librement dans ce pays, fort blanc. […] Lorsque parut Andromaque, on reprocha à Pyrrhus un reste de férocité ; on l’aurait voulu plus poli, plus galant, plus achevé. […] Au reste, comme nul sentiment profond n’est stérile en nous, il arrivait que cette poésie rentrée et sans issue était dans la vie comme un parfum secret qui se mêlait aux moindres actions, aux moindres paroles, y transpirait par une voie insensible, et leur communiquait une bonne odeur de mérite et de vertu : c’est le cas de Racine, c’est l’effet que nous cause aujourd’hui la lecture de ses lettres à son fils, déjà homme et lancé dans le monde, lettres simples et paternelles, écrites au coin du feu, à côté de la mère, au milieu des six autres enfants, empreintes à chaque ligne d’une tendresse grave et d’une douceur austère, et où les réprimandes sur le style, les conseils d’éviter les répétitions de mots et les locutions de la Gazette de Hollande, se mêlent naïvement aux préceptes de conduite et aux avertissements chrétiens : « Vous avez eu quelque raison d’attribuer l’heureux succès de votre voyage, par un si mauvais temps, aux prières qu’on a faites pour vous. […] Héliodore est le premier coupable ; il aurait, au reste, racheté de beaucoup son crime, s’il était vrai, comme M. 

499. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Michel, les 4 669 premiers ont été composés dans le premier tiers du xiie  siècle par Guillaume de Lorris ; le reste a été écrit environ quarante ans plus tard par Jean de Meung (vers 1277). […] Tout élément individuel est soigneusement éliminé : il ne reste que l’amant et l’amante, types irréels : mais, la dame étant identifiée à la rose, il faut projeter hors d’elle tous les sentiments qui appartiennent à son personnage. […] Rien ne reste, et l’humanité, le monde disparaîtraient bientôt, si les espèces ne demeuraient : dans cette grande querelle des universaux qui a si longtemps partagé les scolastiques, Jean de Meung, avec Alain de Lille, est réaliste, mais d’un réalisme à la fois très élevé et très sensé. Les phénomènes passent, les individus meurent : l’espèce seule a de la réalité, seule elle est, parce que seule elle reste. […] Au reste quiconque, en toute chose, ramènerait sa pensée et conformerait ses actes aux commandements de cette toute bonne et puissante nature, celui-là serait assuré de tenir et le vrai et le bien.

500. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ce grand corps qui parmi ses traditions avait celle du secret, et qui reste impénétrable même pour les historiens de Rome, c’est un Français du dix-huitième siècle qui le dévoile. […] Les livres qui traitent de la politique, de l’histoire, des gouvernements, où nous sommes la plupart ignorants ou prévenus, ne doivent pas nous laisser la décision ; car ce qui nous reste de telles lectures, c’est la vanité d’être institués juges de telles choses, et le penchant à critiquer d’autant plus vif qu’on sait moins ce qu’on critique. […] Pour qui connaît les grands écrivains du dix-septième siècle, ce qui reste dans l’esprit comme dernier souvenir, c’est comme un portrait général de l’homme, auquel tous ces grands peintres ont travaillé. […] Il fut heureux pour lui que la proposition de mettre ses restes au Panthéon avortât comme les précédentes ; il échappa à un honneur qu’on avait rendu à Marat. […] Une morale, c’est plus que le goût de tout ce qui est moral, plus que l’amour du droit, plus que la justice et la bienfaisance ; c’est la certitude que toutes ces choses ne sont pas de purs mérites de la volonté, mais des lois divines obéies, et qu’en les pratiquant d’un cœur sincère, on reste infiniment au-dessous de ce qu’elles prescrivent.

501. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Bussy, au reste, paya cher ce sanglant et cruel portrait. […] Bussy, par un reste de mauvaise habitude, ne pouvait s’empêcher, même dans l’exil, dans la solitude, d’afficher ses amours et ses vengeances. […] Voyant Bussy essayer ainsi de reparaître à la Cour, vieilli, usé, hors de mode, et venir remettre en question, devant une génération nouvelle de courtisans, jusqu’à sa réputation d’homme d’esprit : Quand on a, disait-il, renoncé à sa fortune par sa faute, et quand on a bien voulu faire tout ce que M. de Bussy a fait de propos délibéré, on doit passer le reste de ses jours dans la retraite, et soutenir avec quelque sorte de dignité un rôle fâcheux dont on s’est chargé mal à propos. […] Enfin, il reste attaché à jamais, comme un coupable et comme un vaincu, à son char ; et cet homme si vain, si épris de sa qualité et de lui-même, vivra surtout par cet endroit, qui est celui de ses torts et de sa défaite, et il vivra aussi parce qu’il a eu l’honneur, à son moment, en s’en défendant peut-être, et à la fois en y visant un peu, d’être non pas un simple amateur, mais un des ouvriers excellents de notre langue. […] Mais ce qui reste vrai et ce qu’il importe de bien remarquer, c’est que le mérite de M. de Turenne, à force de persister et d’éclater à tous les yeux, finit par désarmer Bussy, qui écrivait à Mme de Sévigné, le 20 mars 1675 : « Je ne réponds point à vos nouvelles du mois de janvier… Je vous dirai seulement que j’aime autant M. de Turenne que je l’ai entendu haï ; car, pour vous dire la vérité, mon cœur ne peut plus tenir contre tant de mérite. » Et au moment de la mort du grand capitaine : « Je suis si rempli du mérite du maréchal de Turenne que je ne puis me lasser d’en parler, et quand je suis épuisé sur cette matière, je redis ce que les autres ont bien dit. » Et il transcrit l’éloge que Guilleragues, secrétaire du cabinet, avait fait de lui dans la Gazette. — On sait, de plus, que le premier président de Lamoignon s’était mis en tête de réconcilier Bussy avec M. de Turenne, et qu’il y avait trouvé ce grand homme tout disposé.

502. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Paul de Russie émet cet axiome : « Il n’y a d’homme puissant que celui à qui l’empereur « parle, et sa puissance dure autant que la parole qu’il entend. » Philippe V, d’Espagne, si férocement calme aux auto-da-fé, s’épouvante à l’idée de changer de chemise, et reste six mois au lit sans se laver et sans se couper les ongles, de peur d’être empoisonné par les ciseaux, ou par l’eau de la cuvette, ou par sa chemise, ou par ses souliers. […] Cette usurpation va cesser, leur heure arrive enfin, leur prédominance éclate, la civilisation, revenue à l’éblouissement vrai, les reconnaît pour ses seuls fondateurs ; leur série s’illumine et éclipse le reste ; comme le passé, l’avenir leur appartient ; et désormais ce sont eux que Dieu continuera. […] Cette histoire-là, on l’enseigne, on l’impose, on la commande et on la recommande, toutes les jeunes intelligences en sont plus ou moins infiltrées, la marque leur en reste, leur pensée en souffre et ne s’en relève que difficilement, on la fait apprendre par cœur aux écoliers, et moi qui parle, enfant, j’ai été sa victime. […] Il ne sera plus réduit à se faire des questions de ce genre : Pourquoi, à la même minute, vénère-t-on dans Louis XV, en bloc avec le reste de la royauté, l’acte pour lequel on brûle Deschauffours en place de Grève ? […] Rien ne reste que l’esprit.

503. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Mais il reste à se demander : 1° si cette simultanéité est constante ou seulement ordinaire ; 2° si elle est naturelle ou acquise. […] De même, une idée commence à être exprimée peu après être née à la conscience, et elle reste présente pendant que nous l’exprimons ; cela est naturel et ordinaire ; en effet, le mot, même dans l’invention, est compris après avoir été suscité ; s’il ne l’est pas, c’est que nous sommes distraits [§ 7], et la distraction est un fait anormal. […] Des analyses qui précèdent détachons, avant d’aller plus loin, un point important : l’expression primitive d’une pensée peut être non seulement inexacte, équivoque, obscure, mais encore incomplète ; il arrive souvent qu’une partie de l’idée reste tout d’abord sans expression ; or cette partie, nous sommes libres de l’envisager comme une idée entière [ch. […] Tels sont les enfants ; tels sont en général les ignorants ; et le plus grand savant, en face d’un problème nouveau, est momentanément un ignorant ; il tâtonne, il cherche, il reste quelquefois des années entières sans trouver la vraie formule de sa pensée ; parfois il y renonce. […] L’explication que nous donnons ici de l’inspiration et du génie n’est que partielle ; nous ne prétendons pas nier le propre de l’inspiration, c’est-à-dire ce qui reste en elle de mystérieux, même après qu’on a montré qu’elle est à l’avance préparée par la réflexion.

504. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Là-dessus Descartes est d’une précision à laquelle il n’y a rien à désirer, qui ne laisse certainement rien à désirer. « Au reste, je me suis étendu ici sur le sujet de l’âme à cause qu’il était plus important ; car après l’erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle je pense avoir ci-dessus assez réfutée, il n’y en a point qui éloigne plus tôt les esprits faibles du droit chemin de la vertu que d’imaginer que l’âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, et que, par conséquent, nous n’avons rien à craindre ni à espérer après cette vie, non plus que les mouches et les fourmis. […] Le bouc reste au fond du puits, parce qu’il est un imbécile. […] L’adroit, le vigilant et le fort sont assis A la première ; et les petits Mangent leur reste à la seconde. […] Le corbeau est un sot qui, voyant l’aigle enlever un agneau, croit qu’il en fera bien autant et reste empêtré dans la toison de l’animal  C’est encore de la prudence, de la prévoyance, de la justesse d’esprit que de ne pas juger les gens sur la mine, et nous avons la fable le Cochet, le Chat et le Souriceau. […] Très directement encore, comme dans les Souhaits, plus directement encore dans le prologue de Philémon et Baucis, il s’exprime ainsi : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux : Ces deux divinités n’accordent à nos vœux Que des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille ; Des soucis dévorants c’est l’éternel asile ; …………………………………………………     L’humble toit est exempt d’un tribut si funeste ; Le sage y vit en paix et méprise le reste : Content de ses douceurs, errant parmi les bois, Il regarde à ses pieds les favoris des rois ; Il lit au front de ceux qu’un vain luxe environne, Que la fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne.

505. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

« Vous savez la force meurtrière d’Ajax2, et comment, à une heure avancée de la nuit, se perçant de son propre glaive, il mit un reproche éternel sur tous les enfants des Hellènes venus il Troie ; mais Homère l’a honoré parmi les hommes ; et, en relevant toute la vertu d’Ajax, il a ordonné, de par le rameau de feuillage, au reste du monde, de se plaire toujours à ses chants inspirés ; car, si quelqu’un dit quelque chose en beaux vers, cette parole, une fois proférée, chemine toujours vivante ; et sur la terre et à travers les mers le rayon de la gloire a marché, sans s’éteindre jamais !  […] Ainsi, le savant abbé Massieu, d’une pureté attique dans le langage de sa dissertation, veut-il, devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres, représenter fidèlement la poésie de Pindare, il a soin de la traduire dans une prose si bien paraphrasée qu’il n’y reste pas le moindre souffle lyrique ; et il ne manque pas cependant de s’excuser des témérités qu’il croit y voir encore, et d’en demander grâce pour l’original. […] « Tous », disait-il dans un hymne, dont le reste a péri, « arrivent par une fatalité heureuse à l’issue qui termine les maux. Le corps, chez tous, suit la loi de la mort irrésistible ; mais il reste de nous une image vivante du principe éternel : car seule, elle vient des dieux. […] Et, si on songe que tout le reste de cette ode est rempli par une peinture du bonheur de l’autre vie pour ceux qui se complairont au respect du serment et auront su garder leur âme de toute injustice, qu’à ce prix seul le poëte les voit cheminant, par la route de Jupiter, jusqu’au palais de Saturne, où les brises de l’Océan soufflent autour de l’île des bienheureux, où des fleurs d’or étincellent, et où ils tressent de leurs mains des guirlandes et des couronnes, ne reconnaît-on pas encore là ce génie religieux qui, en voulant l’unité du pouvoir pour l’ordre stable des États, la réglait en espérance sur l’immortelle justice de la Cité céleste, dont il proposait le bonheur pour récompense aux vertus des puissants et des rois ?

506. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Un de ces drames représentait l’apothéose de la poésie elle-même, c’est-à-dire la vie d’Orphée, sa mort, ses restes dispersés par les Bacchantes, recueillis et ensevelis par les Muses. […] Ce qui nous frappe seulement, d’après un débris conservé dans un reste de traduction latine, c’est que ce dernier Prométhée d’Eschyle présentait au plus haut degré une de ces péripéties, que réclame Aristote. […] Mais, sans nous arrêter à quelques restes mutilés des pièces perdues d’Eschyle, comme à des Cénotaphes du génie grec, ne suffit-il pas des drames conservés du poëte, pour nous émerveiller de sa puissance lyrique ? […] On reste muet d’admiration, à ce mélange de merveilleux délire et de pathétique, devant ce personnage demi-surnaturel de Cassandre, et devant la pitié, la crainte tout humaine, exprimées par les femmes grecques qui l’entendent. […] La part plus grande qui nous reste de son nombreux théâtre permettrait sur lui seul toute une étude des formes lyriques.

507. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

. — Qui, par tout le reste de la France, fit couler aux cris redoublés de : Vive la liberté ! […] « Que parlé-je, au reste, de mon vœu personnel ? […] Je crois que vous ne savez peut-être pas qu’au milieu de la nature et de la solitude je vous conviendrais mieux, quoique au reste, vous aussi, vous ayez comme moi cet esprit de société qui donne du mouvement à la vie. […] — Au reste, c’est peut-être une seule personne qui a dit cette bêtise recherchée […] Il s’effaça néanmoins pendant le reste de cette année 1815, résista aux suffrages qui venaient s’offrir, et ne fit point partie de la Chambre introuvable.

508. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

La science se trouve décapitée ; mais tout est pour le mieux, car la vie pratique s’améliore, et le dogme reste intact. […] Toutes tendent à devenir déductives ; toutes aspirent à se résumer en quelques propositions générales desquelles le reste puisse se déduire. […] Tout problème a ses données accidentelles ou arbitraires : on en déduit le reste, mais on ne les déduit de rien. […] Nous considérons la substance, la force et tous les êtres métaphysiques des modernes comme un reste des entités scolastiques. […] On peut conclure que l’antécédent qui reste est lié au conséquent qui reste.

509. (1896) Les Jeunes, études et portraits

C’est dans ce sens qu’il reste encore à M.  […] On voit aisément ce qui reste. […] De tout cela que reste-t-il ? […] Il en reste toujours. On a fini le volume ; il en reste encore.

510. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Dans tout le reste, ils n’avancent guère. […] C’est la houille qui a fait pousser tout cela : l’Angleterre en produit deux fois autant que le reste du monde. […] Il reste pourtant encore une de ses portions à explorer, la culture ; du wagon, on en voit assez déjà pour la comprendre. […] La religion ne reste pas en dehors et au-dessous de la culture publique ; les jeunes gens, les hommes instruits, l’élite de la nation, toute la haute classe et la classe moyenne y demeurent attachés. […] S’il ne marche pas au même rang que les penseurs libres, il ne reste derrière eux que d’un ou deux pas ; vous, homme moderne, Parisien, vous pouvez causer avec lui de tous les grands sujets ; vous ne sentez pas un abîme entre son esprit et le vôtre.

511. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Une magnificence barbare, un luxe intempérant de décoration, caractérise l’architecture persane, tandis que la sculpture offre un mélange singulier de roideur et de finesse, de dureté et d’élégance, emblème frappant d’un peuple qui vieillit sans progresser ; la main se raffine, les procédés de travail se perfectionnent, l’esprit reste endormi dans ses langes. […] On conçoit mon émotion : pendant tout le reste de la navigation jusqu’au Pirée, le port d’Athènes, alors dépeuplé et solitaire, ce ne fut qu’un regard sur le Parthénon. […] LI Au Parthénon il ne reste plus que deux figures, Mars et Vénus, à demi écrasées par deux énormes fragments de corniche qui ont glissé sur leurs têtes ; mais ces deux figures valent pour moi à elles seules plus que tout ce que j’ai vu en sculpture de ma vie : elles vivent comme jamais toile ou marbre n’a vécu. […] LVIII Je passe des heures délicieuses couché à l’ombre des Propylées, les yeux attachés sur le fronton croulant du Parthénon ; je sens l’antiquité tout entière dans ce qu’elle a produit de plus divin ; le reste ne vaut pas la parole qui le décrit ! […] Les pas s’impriment dans une poussière de marbre ; on finit par la regarder avec indifférence, et l’on reste insensible et muet, abîmé dans la contemplation de l’ensemble, et dans les mille pensées qui sortent de chacun de ces débris.

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