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874. (1763) Salon de 1763 « [À mon ami Monsieur Grimm. » pp. 171-182

C’est que les récompenses et les honneurs éveillèrent les talents, et que le peuple accoutumé à regarder la nature et à comparer les productions des arts, fut un juge redoutable.

875. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Là, messieurs, regardez-moi seulement cet ange couché dans de la laine.

876. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

152 Il regarde ses animaux marcher et s’occupe de ce qu’ils ont en tête, « même quand ils vont par pays, gravement, sans songer à rien. »153 Il s’inquiète de leur dîner, veut savoir s’il est de leur goût. […] Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille     Pour égaler l’animal en grosseur,          Disant : Regardez bien, ma soeur, Est ce assez, dites-moi ! […] Regarde laquelle de ces trois est ta coignée, et l’emporte. » L’autre soulève la coignée d’or, et la trouve bien pesante. […] Je n’en veux grain. » Autant fit de la coignée d’argent et dit : « Non, cette-ci, je vous la quitte. » Puis prend en main la coignée de bois, il regarde au bout du manche, en icelui reconnaît sa marque, et, tressaillant tout de joie comme un renard qui rencontre des poules égarées, et souriant du bout du nez, dit : « Merdigue, cette-ci était mienne ; si me la voulez laisser, je vous sacrifierai un bon et grand pot de lait tout fin couvert de belles fraières, aux Ides (c’est le quinzième jour de mai). — Bon homme, dit Mercure, je te la laisse, prends-la et, pour ce que tu as opté et souhaité médiocrité en matière de coignée, par le veuil de Jupiter, je te donne les deux autres. […] A la fin, ne pouvant plus garder le silence, elle voulut dire : « Que les envieux aient les yeux crevés, s’ils ne peuvent me regarder. » Comparez à ce léger mouvement de vanité, qui n’est au fond qu’une boutade d’impatience, la présomption soudaine et l’impertinence parfaite de la tortue française : Miracle !

877. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

C’est vouloir regarder les astres à l’œil nu quand on peut faire usage d’un télescope. […] Quand je me rends compte des motifs pour lesquels j’ai cessé de croire au christianisme, qui captiva mon enfance et ma première jeunesse, il me semble que le système des choses, tel que je l’entends aujourd’hui, diffère seulement de mes premiers concepts en ce que je considère tous les faits réels comme de même ordre et que je fais rentrer dans la nature ce qu’autrefois je regardais comme supérieur à la nature. […] Le cheik Rifaa, dans l’intéressante relation de son voyage en Europe, insiste vivement sur les déplorables erreurs qui déparent nos livres de science, comme le mouvement de la terre, etc., et ne regarde pas encore comme impossible de les expurger de ce venin. […] « Je vois la mer, des rochers, des îles », dit celui qui regarde par les fenêtres au nord du château. « Je vois des arbres, des champs, des prés », dit celui qui regarde par les fenêtres du sud.

878. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

. — Si l’on veut un exemple frappant de l’action que l’enseignement et les méthodes qu’on y pratique peuvent exercer sur la littérature, on n’a qu’à regarder ce qui s’est passé au moyen âge. […] Si l’on désire voir la littérature réagissant à son tour sur l’éducation, il suffit de regarder ce qui se passa quand ce même moyen âge fut à l’agonie. […] Les congrégations religieuses regardent l’éducation comme un moyen ; leur but est naturellement la propagande de la foi et quelquefois la conquête d’une influence politique. […] Mably écrit153 : « L’histoire de ces deux peuples est une grande école de morale et de politique. » Rollin dit à son tour154 : « Les Romains ont été regardés dans tous les siècles, et le sont encore aujourd’hui, comme des hommes d’un mérite extraordinaire et qui peuvent servir de modèles en tout genre dans la conduite et le gouvernement des États. » Marie-Joseph Chénier155 célèbre ces temps Où des républicains étaient maîtres du monde, Où le Tibre orgueilleux de leur porter son onde Admirait sur ses bords un peuple de héros. […] Je ne crois pas devoir insister plus longuement sur l’importance littéraire de ces institutions permanentes ; je passe à ces réunions éphémères qui sous des noms divers, pléiade, cénacle, école, ne sont pas moins dignes d’être regardées de près.

879. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Si nous regardons le ciel bleu, les sensations ont toutes la même qualité sous le rapport de la couleur, et cependant nous distinguons ce qui est à droite de ce qui est à gauche, ce qui est plus haut de ce qui est plus bas, etc. […] Sur votre montre, quand vous voyez la petite aiguille à midi après l’avoir vue à huit heures, vous inférez sans doute qu’elle s’est mue ; mais, regardez directement l’aiguille à secondes, vous la verrez se mouvoir. […] Regardez une surface mi-bleue, mi-rouge : vous avez d’abord, au point de séparation, la ligne géométrique, sans largeur, ayant cependant une forme précise et une grandeur déterminée : vous voyez à la fois du bleu, du rouge, et la ligne de partage. […] Regardez encore une ligne noire sur du papier blanc. […] On prétend qu’à elle seule elle saisit les surfaces et ne peut saisir la profondeur, parce qu’il faudrait pour cela regarder latéralement la profondeur, ce qui la convertirait en largeur. — Mais, d’abord, deux largeurs en sens divers, et surtout perpendiculaires, forment précisément la profondeur.

880. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Ces fragments étaient l’œuvre d’un de ces hommes qui consacrent toute leur existence et tout leur génie dans ce monde à regarder et à sonder d’autres mondes. […] Il me regardait, la tête couchée sur l’herbe, avec des yeux où nageaient des larmes. […] « Regarde ce monde comme un lieu de passage triste et court, et sers-moi uniquement ; le reste est néant ! […] … Unis ton âme à moi, et regarde-moi comme ton asile, et tu entreras en moi ! […] … Nous croyons plus beau et plus viril de regarder en face le malheur sacré de notre condition humaine que de le nier ou d’en assoupir en nous le sentiment avec de l’opium.

881. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

plus j’examine, et plus je le regarde ! […] Lève, Jérusalem, lève ta tête altière ; Regarde tous ces rois de ta gloire étonnés ! […] « Le roi, en louant son zèle, parut désapprouver qu’un homme de lettres se mêlât de choses qui ne le regardaient pas. […] L’un regarde en bas, l’autre en haut ; mais en bas sont les ténèbres, en haut la lumière, fille et splendeur de l’Éternel. […] Quand nous ne voudrons qu’être émus, nous irons au pied d’un échafaud, et nous regarderons tomber la tête d’un supplicié sous le couteau qui glisse et qui tue ; mais quand nous voudrons de l’émotion par le beau, nous irons assister à Athalie, écrite par Racine, récitée par Talma ou par Mlle Rachel.

882. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

je soutiens contre Molière, qu’un avare qui n’est point fou, ne va jamais jusqu’à vouloir regarder a dans la troisième main de l’homme qu’il soupçonne de l’avoir volé. […] En effet, regardez comme il est pâle ! […] Pourquoi celle-là, sans nom, sans voix, sans beauté, sans regard, sans éclat, sans émotion intérieure, pourquoi celle-là, rien qu’à regarder le parterre, le fait rugir de joie ainsi que fait l’orage dans la vaste mer ? […] Mais la coquette le regarda pleurer, puis elle se mit à rire et à rappeler son amant. […] L’innocente fille était occupée à se regarder dans un miroir, et elle s’y représentait elle-même, à elle-même ; parlant et souriant à sa personne, dans les mêmes postures tendres et naïves qu’elle avait tout à l’heure avec son amant.

883. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Je suis convaincu qu’il regardait avec plaisir faire les foins. […] Le soleil couché, il se promène à petits pas, sans regarder l’or et la pourpre du ciel éblouissant, cherchant « une lumière douce pour soulager ses faibles yeux ». […] Le naturaliste qui veut parler dignement des crocodiles, ne va pas se mêler au groupe de bonnes d’enfants et de soldats badauds qui regardent au Jardin des Plantes un grand lézard à moitié mort enveloppé dans une couverture de flanelle, et s’écrient : Ô l’affreuse bête ! […] À la ville comme à la cour, partout où étaient ses yeux et ses oreilles, il regardait, écoutait en silence. […] Il avait les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandaient des dentelles ; il paraissait attentif à leurs discours, et il semblait, par le mouvement de ses yeux, qu’il regardait jusques au fond de leurs âmes pour y voir ce qu’elles ne disaient pas.

884. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Or, quand nous regardons attentivement l’idée que nous nous faisons d’une chose, qu’y trouvons-nous ? […] Regardons-la de près et avec toute notre attention. […] Car regardez d’abord votre premier argument. […] Nous n’avons qu’à regarder les éléments qui la composent et les événements dont elle part pour comprendre que sa portée est restreinte. […] Nous regardons l’idée de substance comme une illusion psychologique.

885. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Or, quand nous regardons attentivement l’idée que nous nous faisons d’une chose, qu’y trouvons-nous ? […] Eh bien, regardons-la. […] Ici, comme tout à l’heure, vous raisonnez en scolastique ; vous oubliez les faits cachés derrière les conceptions : car regardez d’abord votre premier argument. […] Nous n’avons qu’à regarder les éléments qui la composent et les événements dont elle part pour comprendre que sa portée est restreinte. […] Nous regardons l’idée de substance comme une illusion psychologique.

886. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Cela vous regarde personnellement. […] Le même Tertullien avoue qu’on regardait les chrétiens comme des factieux. […] Ainsi les chrétiens, ennemis des Dieux, étaient regardés en même temps comme ennemis de la République. […] Benjamites tués par les autres tribus : 45000… Bethsamites frappés de mort pour avoir regardé l’Arche : 50070. […] Aussi, ce n’est pas sans raison que les étrangers regardent la France comme la crème fouettée de l’Europe.

887. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Nous regardons. […] Nous ne le regardons plus qu’avec des yeux vagues. […] Nous la regardons avec un détachement parfait ; nous constatons qu’elle existe, et nous passons. […] Je regardai autour de moi. […] Mais dès maintenant nous pouvons regarder la discussion de principe comme close.

888. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Et les fleuves de la Belgique ou n’empruntent rien à cette forêt, ou regardent tous vers le couchant. […] En même temps qu’ils occupaient le sud de l’Angleterre, ils ont voulu se maintenir sur les terres d’en face : Tamise et Escaut, qui se regardent, devaient être unis. […] Couchée sur le ventre, près de moi, elle regardait glisser à ma peau les filées de soleil comme des scarabées vermeils et elle criait de plaisir. […] Ébloui, Jasmin regarda les spirales opalines que le vent poussait contre les buissons34. […] Les poètes belges symbolistes ne cessent pas de peindre, mais ils contemplent avec leur cœur autant qu’ils regardent avec leurs yeux.

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